Bonsoir et bienvenue à la 5e réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine.
Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine. La réunion d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Ainsi, les membres participent à la réunion en personne dans la salle ou à distance au moyen de l'application Zoom.
La qualité du signal audio de tous ceux qui participent à la réunion au moyen de Zoom, notamment nos témoins, a été vérifiée, si bien que nous devrions tous pouvoir bien entendre les interventions de chacun.
Je demande à nos témoins de s'assurer de positionner le microphone entre leur nez et leur lèvre supérieure. Les interprètes seront ainsi en mesure de bien vous entendre.
J'ai quelques observations à faire à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne nommément. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent, avant de parler, activer leur microphone en cliquant sur l'icône du micro et s'assurer de le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
Pour accéder à l'interprétation sur Zoom, vous n'avez qu'à cliquer, au bas de votre écran, sur l'icône vous permettant de sélectionner le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette pour sélectionner le canal.
Je vous rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence. À l'exemple du président d'un autre comité dans lequel je siège, je rappelle aux gens qu'il est interdit de prendre des instantanés d'écran pendant la séance.
Pour les députés dans la salle, nous avons l'ordre des intervenants, du moins la plupart. Je demande à M. Chong de me faire savoir quels noms figurent sur sa liste, puisque nous ne l'avons pas encore reçue. Nous allons respecter l'ordre des interventions de notre mieux, d'autant plus que la troisième heure de la réunion sera consacrée aux travaux du Comité.
Je souhaite la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
Nous accueillons Clive Hamilton, professeur d'éthique publique à l'Université Charles Sturt, campus de Canberra, et Jeremy Youde, doyen du Collège des arts, des sciences humaines et des sciences sociales, Université du Minnesota à Duluth. Nous n'avons pas encore réussi à établir la communication avec le troisième témoin ce groupe, Jonathan Manthorpe, ancien correspondant à l'étranger, observateur de la Chine et auteur de Claws of the Panda.
Chacun des témoins disposera d'un maximum de cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
Monsieur Hamilton, nous allons commencer avec vous. Vous avez cinq minutes.
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Merci beaucoup de l'invitation. J'espère que tout le monde m'entend bien.
Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que doyen du Collège des arts, des sciences humaines et des sciences sociales, Université du Minnesota à Duluth. Je suis également un politologue qui porte un intérêt particulier aux enjeux de gouvernance mondiale de la santé et aux réponses internationales aux éclosions de maladies infectieuses.
Quand il est question de la gouvernance mondiale de la santé, on pense au système de réponse aux problèmes de santé transfrontaliers qui surviennent, et c'est un domaine dans lequel le Canada est depuis longtemps un chef de file. La République populaire de Chine aurait un rôle éventuel des plus importants à jouer, mais c'est un rôle qui a été remis en question ces dernières années.
À bien des égards, nous vivons un moment paradoxal dans le domaine de la gouvernance mondiale de la santé. D'une part, particulièrement depuis quelques années, nous constatons plus que jamais l'importance d'avoir un accord de coopération qui rassemble les pays du monde entier afin de régler les problèmes et les préoccupations, qui sont nécessairement transfrontaliers. Aucun pays ne pourra faire face, à lui seul, à une situation comme la pandémie de COVID‑19.
D'autre part, cependant, nous constatons une résistance plus grande que jamais à s'engager dans un processus de ce genre. Beaucoup des difficultés tiennent au contexte de la relation entre le système mondial de gouvernance de la santé et le gouvernement de la République populaire de Chine.
À bien des égards, la République populaire de Chine représente un élément essentiel de tout système efficace de gouvernance mondiale de la santé, et ce, pour un certain nombre de différentes raisons.
En premier lieu, la Chine est manifestement un acteur géopolitique d'extrême importance. Tout système international qui n'inclurait pas la Chine présenterait d'importantes lacunes.
En deuxième lieu, du fait du grand nombre de personnes et de leurs déplacements, des défis particuliers se posent lorsqu'il s'agit d'enrayer les maladies infectieuses, nouvelles ou connues, et leur propagation.
En troisième lieu, le degré d'interaction humains-animaux qui peut exister dans la société chinoise, en particulier avec l'installation de plus en plus de gens dans des régions où il n'y a pas eu d'occupation humaine continue, pose de grands défis. Nous savons que les zoonoses, c'est‑à‑dire les maladies transmissibles des animaux aux humains, sont l'une des causes majeures des nouvelles épidémies.
En dernier lieu, la Chine a aussi l'habitude de pratiquer ce que nous pourrions appeler la « diplomatie de la santé », c'est‑à‑dire la participation à des activités dans le domaine de la santé comme moyen d'établir des relations bilatérales et multilatérales avec d'autres pays.
Ce que nous avons vu ces dernières années a vraiment remis en question la capacité du système de fonctionner de façon cohérente. Comme je l'ai déjà mentionné, la COVID‑19 en est peut-être emblématique. Lorsqu'on examine la gouvernance mondiale de la santé, on constate qu'il s'agit d'un système qui repose en grande partie sur des notions de confiance et des normes communes sur la façon dont les choses vont fonctionner. C'est sur ce point que nous avons rencontré des problèmes, en particulier ces dernières années avec la COVID‑19.
Nous pourrons en discuter plus en détail pendant la période de questions, mais la résistance tient à un certain nombre de facteurs, y compris les craintes quant à la surveillance qui pourrait s'exercer, la relation entre Taïwan et d'autres participants à la gouvernance mondiale et simplement la méfiance générale constatée au sein du gouvernement de la République populaire de Chine à l'égard des systèmes de gouvernance mondiale en général, pas seulement dans le domaine de la santé.
Le système, mis en place en grande partie après la Seconde Guerre mondiale, ne correspond pas nécessairement aux défis et aux besoins que la situation internationale contemporaine exige. À bien des égards, le moment est propice pour entreprendre une réforme et établir un système efficace de gouvernance mondiale de la santé, mais, comme je l'ai déjà dit, si la République populaire de Chine n'est pas incluse dans un processus de cette nature, il y aura d'importantes lacunes, et ces lacunes présenteront un danger pour nous.
Le Canada est un pays qui, depuis longtemps, est un chef de file en matière de gouvernance mondiale de la santé et de ce genre de diplomatie multilatérale. Il est dans une position très importante et unique pour promouvoir un nouveau système de ce genre, qui pourrait inclure la République populaire de Chine, les États-Unis et tous les pays du monde.
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Bonsoir, mesdames et messieurs.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mes réflexions et de mes réponses à vos questions sur ce qui constitue, à mon avis, l'un des plus importants enjeux de politique étrangère pour le Canada en ce moment.
Comme vous le savez peut-être, mon livre, Claws of the Panda: Beijing Campaign of Influence and Intimidation in Canada, a été publié quelques jours après le début de l'affaire Huawei.
J'ai eu des réactions contradictoires au sujet de la détention à Vancouver, le 2 décembre 2018, de Meng Wanzhou, dirigeante principale des finances de Huawei Technologies, à la demande du département de la Justice des États-Unis, et de tout ce qui s'est passé au cours des mois suivants. J'ai éprouvé, d'une part, une certaine satisfaction et, d'autre part, un effarement à l'idée que ces événements corroboraient une bonne partie de ce que j'avais écrit dans mon livre.
En fait, je pensais alors, et je le pense toujours, que l'affaire Huawei a créé une situation bien pire que la série d'intrusions du Parti communiste chinois dans les affaires canadiennes et la réaction insouciante des décideurs canadiens que j'ai décrite.
La réaction de Pékin à la détention de Mme Meng Wanzhou a été beaucoup plus brutale que je ne l'avais prévu. L'enlèvement et la torture de Michael Kovrig et de Michael Spavor ont fait clairement comprendre que le PCC se soucie davantage de la sécurité de l'un de ses oligarques que de l'ensemble de ses relations avec le Canada.
Qui plus est, le refus d'accorder un accès consulaire légitime aux deux Michael et leur procès secret montrent que Pékin n'hésite pas à faire fi des traités qu'elle a signés pour défendre l'honneur d'un haut responsable du régime.
Le régime du PCC a ensuite renchéri avec des sanctions économiques sur la viande et les produits céréaliers canadiens. Soit par coïncidence, soit par calcul, plusieurs personnalités canadiennes de premier plan, connues pour leurs liens étroits avec Pékin, se sont mises à demander la libération de Mme Wanzhou. Au même moment, Pékin intensifiait sa campagne d'intimidation auprès des 1,5 million de Canadiens d'origine chinoise.
Plusieurs rapports soigneusement documentés ont été publiés sur la façon dont les agents de Pékin, soit du ministère de la Sécurité d'État, soit du principal organisme de guerre politique du PCC, le Département du travail du Front uni, intimident et menacent les Canadiens considérés comme une menace par le régime.
Le Front uni a aussi pris le contrôle effectif de presque tous les médias de langue chinoise au Canada, comme d'ailleurs dans tous les autres pays de la diaspora chinoise de 50 millions de personnes. Le Front uni s'est employé à placer les partisans de Pékin à la tête d'une multitude de groupes et d'organismes sociaux canadiens d'origine chinoise. Il est remarquable de voir combien de ces groupes ont publié leur soutien à l'abolition de l'autonomie promise de Hong Kong, aux abus commis contre les Ouïghours et les Kazakhs au Xinjiang et à d'autres projets de Pékin, comme son dessein de prise de contrôle de Taïwan.
Il y a un an, l'affaire Huawei a pris fin avec l'aveu de culpabilité de Mme Meng Wanzhou aux accusations portées contre elle aux États-Unis, soit d'avoir fait des réclamations frauduleuses à des banques internationales. La demande d'extradition ayant été abandonnée, elle a été libérée, de même que les deux Michael.
Cependant, à mon avis, les leçons à tirer de cette affaire sont affligeantes. Ma principale conclusion est que nous ne pouvons pas avoir des relations commerciales, diplomatiques ou politiques normales avec un régime dont le premier réflexe, quand un problème surgit, est de prendre des otages. Cette affaire a révélé et souligné que nous ne partageons pas de valeurs civiques, politiques, diplomatiques, internationales ou de sécurité avec la République populaire de Chine. Pour la plupart des questions ressortissant à la relation entre deux pays, il n'existe aucune base de discussion avec le Parti communiste chinois.
Imaginons un instant que les États-Unis avaient demandé la détention d'un dirigeant d'entreprise de l'une des démocraties asiatiques voisines, comme le Japon, la Corée du Sud ou Taïwan. Il y aurait eu des frictions, c'est sûr, mais il n'y aurait pas eu une crise totale et un effondrement de la relation, vu que nous partageons une foule de valeurs avec ces pays, ce qui aurait amorti le choc du moment.
Je n'ai aucun doute que nous devons rebâtir une relation de travail avec Pékin. La RPC est maintenant la deuxième économie au monde, quoique les vents lui soient contraires en ce moment. Sous la direction de Xi Jinping, elle semble résolue à devenir une superpuissance mondiale, sinon « la » superpuissance.
Cependant, j'estime que nous devrions nous en tenir à une relation de travail minimale. Le régime actuel à Pékin nous a montré clairement qu'il n'est pas un ami du Canada et qu'il n'a pas l'intention de le devenir. Nous ne devrions pas perdre notre temps à essayer de réformer le PCC, comme nous l'avons fait dans le passé avec plusieurs projets coûteux et futiles, tels que l'enseignement de la primauté du droit et la coprésidence d'un spectacle itinérant sur les droits de la personne. Ces efforts étaient voués à l'échec parce que Pékin n'avait pas l'intention d'en accepter les conséquences. Au lieu de cela...
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Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Manthorpe.
Je suis heureux qu'il ait pu terminer sa déclaration. J'ai lu Claws of the Panda.
Je me demande, monsieur le président, s'il peut nous en dire davantage sur les activités du Front uni qui visent à intimider les Canadiens et les activistes d'origine chinoise.
Il a écrit en juillet 2020, dans le National Post, que, ayant étudié l'influence de la Chine au Canada, il lui apparaissait évident que ce pays doit mettre en place des moyens de défense contre l'influence secrète, coercitive et corrompue du PCC, qui a systématiquement érodé de l'intérieur la résistance qui lui était opposée.
Voici ma question, monsieur le président. Où devons-nous commencer? Comment pouvons-nous protéger les Canadiens d'origine chinoise qui sont la cible de ces campagnes coercitives?
Nos services de sécurité et nos services de police savent très bien ce qui se passe. Ils doivent recevoir des encouragements politiques pour agir à partir de l'information qu'ils ont.
Comme nous le savons déjà, le SCRS s'est rendu dans les universités et collèges canadiens pour les mettre en garde contre les Instituts Confucius, financés par Pékin, que bon nombre d'entre eux avaient accueillis dans leurs murs. Le SCRS les a avertis qu'il ne s'agissait là que d'avant-postes d'espionnage sur leur campus, qui avaient deux fonctions principales. L'une consistait à surveiller les étudiants chinois sur le campus, l'autre à y dépister les technologies utiles, principalement les technologies militaires.
Heureusement, la plupart des universités et collèges canadiens ont mis fin à leurs ententes avec les Instituts Confucius, qui sont, soit dit en passant, gérés par le Front uni, l'organisme de guerre politique du PCC.
Nous devons adopter un texte législatif rigoureux qui réglemente les activités politiques des pays étrangers au Canada et qui prévoit des peines sévères ou des représailles. Je pense qu'il y a un projet de loi à l'heure actuelle, mais il n'est manifestement pas assez rigoureux.
Il faut aussi l'appliquer. Plusieurs autres pays, dont l'Australie... J'espère que nous pourrons entendre plus tard M. Hamilton nous parler de l'expérience de l'application de la loi australienne qui réglemente et restreint les activités des organisations politiques étrangères.
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Monsieur Manthorpe, je suis désolé de vous interrompre.
Pour faire suite à ces propos, nous avons voté aujourd'hui un rapport condamnant le génocide des Ouïghours. Je n'ai jamais vu des ministres quitter aussi précipitamment la Chambre pour éviter d'avoir à dire un mot sur le sujet. Il y a beaucoup de militants ouïghours au Canada, des Canadiens qui sont des défenseurs de bonne foi des droits de la personne.
Nous avons ici un gouvernement qui refuse de prendre clairement position, je suppose parce qu'il est inquiet.
Que faudrait‑il faire au sujet des titulaires de charge publique au Canada, et plus particulièrement des anciens titulaires de charge publique qui, selon l'expérience australienne, ont été contraints ou convaincus au fil du temps de la position prise par Pékin pour neutraliser des militants de la démocratie à l'extérieur de la RPC, les empêcher de s'exprimer ou de les contraindre par d'autres moyens? Que devrions-nous faire au sujet des anciens titulaires de charge publique au Canada qui suivent les mots d'ordre de Pékin?
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Je pense que la chose à retenir dans l'immédiat est probablement assez banale, à savoir que Xi Jinping a maintenant une emprise très ferme sur le Parti communiste et le régime de Pékin. Il s'est entouré de ses partisans et de ses copains.
Il est important de noter qu'il a mis fin à cette méritocratie qui s'était établie au cours des 20 ou 30 dernières années et a fait du régime une simple coterie de gens qui le soutiennent.
Je crois vraiment que c'est une période assez dangereuse. Il faudra un certain temps avant de voir toutes les répercussions. Par exemple, je pense qu'il ne se préoccupera pas tellement de la santé économique de la Chine; il se préoccupera davantage de maintenir son contrôle autoritaire.
En ce moment même, environ 400 millions de Chinois sont en confinement. C'est le tiers de la population. L'autorité exercée par l'État chinois est, sur le plan technologique, la chose la plus sophistiquée que le monde ait vue. C'est une période très troublante et dangereuse, et je pense qu'il faut observer Xi Jinping avec beaucoup de prudence.
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Non, nous devons commercer avec la Chine. Je suis désolé si mon propos manquait de clarté. Nous devons le faire, mais je pense que nous ne devrions pas être trop ambitieux et éviter de trop nous emballer.
Si vous regardez la nature du commerce aujourd'hui, ce que nous vendons à la Chine, ce sont les mêmes produits que nous lui vendions en 1960. Nous en vendons un peu plus maintenant. Cependant, toutes ces idées fantaisistes, dans les années 1970 et par la suite, qui nous amenaient à penser que nous pourrions implanter des entreprises canadiennes en Chine ne se sont tout simplement pas concrétisées. Dans les années 1990, j'ai voyagé en Chine et rencontré beaucoup de Canadiens, qui avaient tous vécu des expériences à peu près semblables. S'ils installaient une entreprise, se faisaient immédiatement pirater leur technologie et étaient acculés à faillite parce qu'une entreprise rivale s'installait à proximité et fabriquait le même produit à un coût beaucoup moindre.
Je pense qu'il n'y a actuellement presque plus d'entreprises canadiennes qui sont actives en Chine sous Xi Jinping, qui, de toute façon, n'est guère favorable à l'entreprise privée. Il n'y aura pas d'entreprises canadiennes en Chine.
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Merci beaucoup. Oui, c'est une bonne question.
Je pense que ces rumeurs sont fondées. Des démarches ont été faites il y a quelques années, et je crois en avoir parlé dans mon livre, par le consulat à Vancouver qui a demandé officiellement que des policiers chinois soient postés à Vancouver pour aider et protéger les touristes chinois pendant leur visite au Canada. La demande a évidemment été rejetée, mais il ne semble pas que les Chinois aient compris.
À mes yeux, il est tout à fait inadmissible, cela va de soi, que de telles officines de police puissent s'implanter au Canada. Je doute fort que ce soit seulement à Toronto. J'imagine qu'il y en a probablement aussi à Vancouver. L'idée que ce soit simplement pour que les Chinois puissent renouveler leur permis de conduire et s'acquitter d'autres formalités est insensée. Ce genre de choses se fait correctement par l'entremise du consulat, au besoin.
Je pense que nos systèmes de droit et de justice doivent servir à éradiquer et à expulser ces opérations policières clandestines. Je pense que ce n'est pas plus compliqué que cela. Nous ne pouvons tolérer la présence de forces policières étrangères au Canada, qu'elles soient de Chine ou d'ailleurs.
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Je vous remercie de la question. Elle est d'une importance extrême.
C'est un défi en ce moment. C'est tout à fait vrai. La géopolitique n'est pas vraiment propice au genre de relations de coopération qui seront nécessaires pour faire face à d'éventuelles pandémies.
L'amélioration éventuelle de la situation dépendra de l'action de ces puissances dites moyennes — le Canada, l'Australie et, dans une certaine mesure, l'Allemagne —, mais aussi de certaines des puissances moyennes en ascension et de certains des pays nouvellement industrialisés et démocratisés, en particulier en Asie, qui pourraient être en mesure d'exercer une certaine influence et de contribuer à adoucir les points de friction actuels, surtout dans les relations entre les États-Unis et la Chine.
Les États-Unis n'ont pas en ce moment une influence sur la Chine qui permettrait une relation de coopération. Il y a certainement des tensions extraordinaires entre le Canada et la Chine à l'heure actuelle, mais les deux pays sont probablement susceptibles de trouver quelque recette pour désamorcer cette situation, surtout si elle pouvait comporter une certaine possibilité d'échanges scientifiques, sans perdre de vue les préoccupations soulevées par M. Manthorpe quant à la façon dont l'information qui pourrait être obtenue à la faveur de tels échanges risque d'être utilisée. Ce sentiment de transparence, ce sentiment de confiance et cette possibilité d'engagement seront des éléments clés que les puissances moyennes — des pays comme le Canada — auront la possibilité de susciter beaucoup mieux que, disons, les États-Unis.
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Merci beaucoup, monsieur Youde.
Monsieur Manthorpe, en août dernier, le a fait part de son intention de créer une équipe spéciale de lutte contre la désinformation et la propagande russes.
Charles Burton, un ancien conseiller à l'ambassade du Canada en Chine, se demande pourquoi se limiter à la Russie. Selon lui, la campagne de propagande chinoise, qui comprend des théories du complot promulguées par les médias pro-Pékin en langue chinoise au Canada, menace notre démocratie, et a déjà coûté des sièges aux députés canadiens d'origine chinoise aux dernières élections.
Cela m'apparaît être une affirmation extrêmement lourde de conséquences. Je vous pose donc la question, monsieur Manthorpe: pourquoi se limiter à la Russie?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'aujourd'hui. Ce qu'ils nous ont dit est effrayant, bien sûr, mais aussi très instructif. Merci des témoignages que vous venez de nous livrer.
Monsieur Manthorpe, nous comprenons que nous devons avoir des relations commerciales avec la Chine. Je pense que ce que nous avons vu avec Xi Jinping et sa consolidation du pouvoir, l'élimination de ses rivaux au sein du PCC, que tout cela va manifestement dans la mauvaise direction. Cependant, sachant que ces relations commerciales nous sont nécessaires, quelle orientation devrions-nous donner à notre diplomatie?
C'est malheureux, mais nous n'avons pas eu de diplomate en Chine pendant les neuf derniers mois de l'année passée parce que l'ambassadeur Barton a quitté son poste dans des circonstances que je qualifierais probablement d'assez dégoûtantes pour aller travailler chez Rio Tinto.
Quelle figure devrait‑on donner à notre diplomatie? Quelle diplomatie le Canada devrait‑il pratiquer à l'endroit de la Chine en ce moment?
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Eh bien, c'est une question intéressante. Je ne prendrai pas beaucoup de votre temps, mais je vous dirai très rapidement que, après les sanctions sur l'exportation du porc canadien, on m'a demandé d'en parler à la radio en Saskatchewan.
J'ai donc fait quelques recherches. Les gens de la Saskatchewan étaient inquiets parce que, disaient-ils, la Chine est le plus grand marché pour le porc canadien, ce qui est tout à fait vrai quant au poids des exportations, mais que pour leur valeur, c'était le Japon qui venait au premier rang. Je pense que vous pouvez trouver de nombreux autres cas où l'importance de nos exportations vers la Chine est surestimée. À titre d'exemple, The Economist a publié l'an dernier un rapport qui classait tous les pays en fonction de l'importance de leurs exportations vers la Chine. Le Canada venait au 47e rang sur cette liste.
Dans l'ensemble, nos exportations vers la Chine sont loin d'être aussi importantes qu'on a tendance à le dire. Je pense donc que nous pouvons nous en tenir à un commerce minimaliste transactionnel. S'ils veulent acheter notre blé, nos céréales ou notre viande, alors très bien, voici le contrat — signez sur le pointillé —, mais je ne pense pas que nous ayons besoin d'en faire davantage.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Youde, si vous me le permettez, j'aimerais commencer par vous. Je comprends ce que vous dites au sujet des puissances moyennes et de ce qu'elles pourraient faire dans le domaine de la politique mondiale en matière de santé. Je pense que la pandémie a fait ressortir très concrètement la nécessité de collaborer à l'échelle internationale avec des alliés qui partagent nos vues et même avec des pays avec qui nous n'avons pas de valeurs communes, mais il est certain que la santé est un enjeu qui transcende les frontières et qui met en lumière la nécessité d'une coopération.
Du côté de la Chine, le président Xi, comme les événements de la fin de semaine dernière l'ont fait voir au grand jour, s'intéresse à ce qui se passe à l'intérieur et ne regarde pas vers la scène l'extérieur. Quelles sont les options qui s'offrent aux puissances moyennes qui, voulant faire quelque chose pour promouvoir une politique mondiale en matière de santé, se tourneraient vers la Chine, où je ne crois pas qu'elles voient un partenaire? Vous ne pouvez pas parler à quelqu'un qui refuse de vous répondre et d'avoir une conversation valable avec vous.
Y a‑t‑il des façons créatives de surmonter ce problème? Les puissances moyennes peuvent-elles en venir à bout? Je pense que vous avez laissé entendre qu'il y a des possibilités et je me demande si vous pourriez nous en dire davantage sur ce point.
C'est un moment peu favorable à l'ouverture d'un tel dialogue, précisément pour la raison que vous avez soulignée, à savoir que le président Xi montre une tendance à ne s'intéresser qu'aux événements intérieurs.
Une action qui est possible à mon avis, c'est de faire des ouvertures, de montrer au moins qu'il y a un effort de bonne foi pour tenter d'engager la coopération, ne serait‑ce que pour pouvoir par la suite désigner et dénoncer. C'est l'un des rares pouvoirs réels que peut exercer l'OMS: celui de désigner et de dénoncer les pays fautifs.
Je pense qu'il peut être important d'étendre cet effort et de travailler dans ce sens avec certains des pays, notamment ceux qui ont de meilleures relations que nous avec la Chine et en particulier ses partenaires et voisins dans la région. Il se peut qu'ils aient un certain niveau d'influence que le Canada, l'Australie ou d'autres pays ne peuvent avoir. C'est peut-être une autre possibilité.
Je pense qu'il nous faut également reconnaître que les possibilités qu'offre la diplomatie scientifique; nous en avons vu des exemples dispersés. Bien sûr, cela devient plus compliqué du fait que la divulgation d'information que le gouvernement chinois ne voulait pas divulguer donne lieu à des représailles à l'encontre précisément des personnes et des organisations concernées.
Il n'y a pas de panacée, malheureusement. Il n'y a pas de moyen facile pour réussir, mais des efforts continus seront essentiels aux progrès à réaliser dans ce sens.
J'adresse ma dernière question à M. Manthorpe.
Monsieur, vous avez écrit abondamment sur la montée du nationalisme de droite et du populisme. Dans une lettre publique relativement récente, vous avez écrit que:
[...] même si le Canada n'a pas été frappé aussi durement ou atteint aussi profondément que d'autres démocraties, il y a de nombreux signes avant-coureurs que nos politiciens et nos commentateurs de la scène politique doivent prendre au sérieux.
Encore une fois, il s'agit du nationalisme de droite et du populisme.
Quelles sont les conséquences de ce constat, monsieur, sur la politique étrangère du Canada, particulièrement en ce qui concerne les relations entre le Canada et la Chine?
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Je n'y ai pas réfléchi strictement sur ce plan. Je pense que vous faites allusion à un livre que j'ai écrit après
Claws of the Panda, qui a pour titre
Restoring Democracy. En fait, je m'inquiète un peu plus aujourd'hui de l'état et de l'avenir de la démocratie au Canada qu'à l'époque où j'ai écrit ce livre il y a deux ans. Je pense que nous devons examiner très attentivement cette question.
Si nous nous retrouvons aux prises avec un nationalisme de droite, cela aura évidemment une incidence sur notre politique étrangère. Je ne crois pas que ce soit aussi inquiétant ici qu'aux États-Unis et dans certains pays d'Europe, comme la Hongrie et, dans certaines circonstances, la Pologne. Cependant, c'est un phénomène que nous devons reconnaître. Notre démocratie exige une attention constante. Je pense que nous avons été trop complaisants au cours des 20 ou 30 dernières années, et nous devons nous asseoir et reconnaître...
Après la pandémie de COVID‑19, qui a été le révélateur de tant de belles qualités, mais aussi de faiblesses, ce serait probablement un bon moment pour s'asseoir et réfléchir à l'avenir de la démocratie canadienne.
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Merci, monsieur le président.
Considérant tout ce que nous avons entendu aujourd'hui, j'ai presque le goût de demander à M. Manthorpe en quoi la monarchie le rassure quant à l'état de la démocratie au Canada, mais je vais m'abstenir.
Au cours de son témoignage du 19 avril 2021, Carolyn Bartholomew, présidente de la United States‑China Economic and Security Review Commission, a indiqué au Comité que les représentants des médias étatiques de la République populaire de Chine aux États‑Unis étaient tenus de s'inscrire auprès du ministère américain de la Justice, en vertu de la Foreign Agents Registration Act.
Croyez-vous qu'il soit pertinent pour le Canada de se doter d'une telle législation et, le cas échéant, quelle serait son efficacité?
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L'inclusion de Taïwan serait de la plus haute importance.
Pendant la pandémie de SRAS, Taïwan se classait au deuxième rang pour le nombre de cas. Le fait d'avoir dû passer par le gouvernement de la République populaire de Chine pour obtenir un engagement quelconque entre le gouvernement taïwanais et l'Organisation mondiale de la santé a entraîné un énorme retard.
De même, lorsque nous nous penchons sur la COVID‑19... Taïwan a eu la chance incroyable d'avoir un vice-président qui était épidémiologiste, donc possédant le genre de compétences et de connaissances qui sont extrêmement importantes dans le travail pour enrayer la propagation et déterminer quels genres d'efforts pourraient être efficaces pour réduire la propagation d'une maladie infectieuse.
C'est certainement une difficulté. Malheureusement, en ce moment, tout doit passer par la République populaire de Chine, qui est incroyablement réticente à coopérer, à tel point qu'elle a même empêché Taïwan de participer à l'Assemblée mondiale de la santé, qui a lieu chaque mois de mai à Genève et qui est comme un parlement de la santé mondiale.
Il sera extrêmement important d'obtenir ce genre d'information de Taïwan — toutes les régions du monde sont représentées — si nous voulons être en mesure d'arrêter efficacement la prochaine pandémie.
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Merci, monsieur Youde. Je suis d'accord avec vous sur votre dernier commentaire. Je pense aussi qu'il est très important que Taïwan puisse partager son expertise en ce qui concerne par exemple les objectifs de développement durable et un éventail d'autres choses différentes qui sont si importantes et pour lesquelles Taïwan a pris l'initiative.
Je suis inquiet. Nous entendons aujourd'hui des témoignages selon lesquels le Canada doit, sur le plan diplomatique, être plus sévère. Je pense que quelqu'un a notamment dit que nous devions hausser le ton. D'un autre côté, je vous entends, monsieur Youde, parler de la nécessité que la Chine soit à la table en raison de ces lacunes importantes qui seraient révélées si elle n'y était pas.
J'aimerais terminer en vous demandant des renseignements supplémentaires. Tout d'abord, quelles sont ces lacunes? Comment pouvons-nous nous assurer de les équilibrer? À quoi ressemble cet équilibre entre la diplomatie sévère et la nécessité que la Chine soit à la table lorsque nous parlons de santé?
Enfin, à mesure que la Chine se replie sur elle-même, dans quelle mesure les renseignements que nous recevons de ce pays sont-ils dignes de confiance?
C'est beaucoup de questions. Bonne chance.
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Ma parole, c'est en effet beaucoup de sujets à aborder en deux minutes et demie.
Pour commencer par le deuxième point, il s'agit d'un cas classique où il faut faire confiance, mais quand même vérifier. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de plusieurs paires d'yeux. Il est important d'obtenir l'information qui vient de sources officielles. Il est également important de nous assurer que nous pouvons trianguler cette information, que nous pouvons nous y fier et que nous pouvons fonctionner efficacement à partir de cette information.
Les efforts déployés par le gouvernement chinois à l'heure actuelle ne permettront pas d'assurer la sécurité de la population en cas de futures pandémies. C'est la réalité de la circulation transfrontalière des marchandises et des personnes.
Historiquement, lorsque nous examinons les éclosions de maladies comme laCOVID, le SRAS et certaines éclosions de grippe que nous avons connues, elles venaient de la Chine et de cette région. C'est une bizarrerie géographique à bien des égards, mais cela signifie également qu'il est d'autant plus important que nous ayons la possibilité d'obtenir ce genre d'information et d'effectuer cette surveillance. Ce n'est pas que nous essayons d'espionner ou de faire quoi que ce soit de répréhensible, mais si nous savons quand les éclosions se produisent, si nous savons comment la propagation commence et si nous pouvons observer ces tendances, nous pouvons répondre aux préoccupations plus efficacement et plus rapidement et nous pouvons obtenir la participation de l'Organisation mondiale de la santé et des autres organisations.
Je ne sais pas si nous devons vraiment faire un choix entre faire preuve de sévérité ou les amener à la table. Comme vous l'avez souligné, il s'agit davantage de trouver un équilibre. Nous avons besoin de mesures sévères, mais nous ne devons quand même pas fermer complètement la porte à la Chine. Cela nous exposerait tous à des risques supplémentaires.
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Nous sommes prêts à commencer la deuxième heure.
Monsieur Hamilton, nous avons encore de la difficulté à fournir aux interprètes un signal audio assez clair pour qu'ils puissent offrir l'interprétation en français dont nous avons besoin dans le cadre de notre réunion. Nous allons essayer de poser une question — M. Chong sera le premier —, mais si la qualité audio n'est pas à la hauteur, nous allons vous imposer de peut-être nous fournir des réponses écrites. Nous allons vous garder ici pour que vous puissiez répondre à nos questions, si cela vous convient.
Sur ce, Clive Hamilton, professeur d'éthique publique au campus de Canberra de l'Université Charles Sturt, se joint à notre deuxième groupe de témoins — du moins, l'espérons-nous.
En vidéoconférence, nous accueillons Stephen Nagy, professeur agrégé principal à l'International Christian University et agrégé supérieur de recherche au Macdonald-Laurier Institute.
Nous accueillons ce soir Alex Neve, agrégé supérieur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.
Monsieur Hamilton, voyons si vous pouvez faire une déclaration. Si ce n'est pas possible, puisque nous l'avons fait imprimer, nous ne perdrons pas cet élément si la qualité audio n'est pas assez bonne.
Nous allons commencer le chronomètre à cinq minutes, mais je devrai peut-être vous interrompre.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de vous faire part de mon point de vue.
Pour vous donner un peu de contexte, je suis basé à Tokyo. J'ai vécu à Tokyo et j'observe les relations entre la Chine et le Canada depuis Tokyo, mais j'ai aussi passé cinq ans à Hong Kong.
J'aimerais commencer par une déclaration, et je pense qu'elle est vraiment importante. La règle fondamentale de la diplomatie consiste à ne jamais faire de choix binaires. Je pense que c'est vraiment essentiel au moment où nous discutons des relations entre le Canada et la Chine et de la façon dont nous avançons dans ce dossier.
En 2021, selon un rapport de Statistique Canada, l'ensemble de nos échanges commerciaux de produits agricoles avec la Chine a augmenté. Cette relation agricole et l'exportation d'autres matières premières vers la Chine continuent de s'approfondir malgré des notations défavorables records. Je pense que c'est vraiment important. Cela nous permet de réfléchir aux avantages économiques d'une relation avec la Chine et aux réalités de la politique.
Deuxièmement, je pense que nous avons de nombreux défis à relever à l'échelle mondiale et régionale auxquels nous devons réfléchir en ce qui concerne nos relations avec la Chine. Qu'il s'agisse de questions de sécurité non traditionnelles comme les maladies transnationales ou de problèmes environnementaux, la Chine fera partie de la solution. Par conséquent, nous devons trouver et bâtir des ponts.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais me concentrer sur trois questions précises qui, à mon avis, sont vraiment essentielles pour réfléchir aux relations entre le Canada et la Chine.
La première est l'intention générale de la Chine d'affaiblir les institutions internationales et de redéfinir notre conception de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit.
Deuxièmement, et c'est important à mon avis, il faut examiner les campagnes d'influence politique au Canada qui ciblent particulièrement les Canadiens d'origine chinoise et la façon dont elles influent sur notre démocratie et font qu'il est particulièrement difficile de créer une politique cohérente, rationnelle et fondée sur des faits pour établir une coexistence productive, quoique difficile, avec la Chine.
Troisièmement, je pense qu'il est très important de bien comprendre que la Chine a l'intention, dans la région indopacifique, de réorganiser l'architecture de la sécurité régionale afin que des États aux vues similaires, comme le Japon, la Corée du Sud et l'Australie se soumettent à la volonté de Pékin avant d'envisager leurs propres priorités dans la région.
Cela dit, je pense que le Canada a tout intérêt à travailler avec des pays aux vues similaires, qu'il s'agisse des États-Unis, du Japon, de l'Australie ou de la Corée du Sud, pour renforcer la collaboration en vue d'établir un ordre fondé sur des règles, et cela signifie travailler au sein des Nations unies, du Fonds monétaire international et de l'Organisation mondiale de la santé pour veiller à ce qu'un processus transparent et fondé sur des règles permette de protéger ce système international et les puissances moyennes, comme le Canada, contre une approche de politique étrangère fondée sur la force.
En ce qui concerne mon deuxième point, à savoir les campagnes d'influence politique au Canada — et le Canada n'en est pas la seule victime, car l'Australie et d'autres pays en font également les frais —, il est vraiment essentiel que nous protégions non seulement nos citoyens sino-canadiens, mais aussi que nous nous assurions que nos entreprises canadiennes, dans leurs interactions avec la Chine, gardent toujours les intérêts canadiens à l'esprit. Cela signifie qu'il faut accroître la transparence dans les médias de langue chinoise, comprendre qui sont les propriétaires de ces médias et assurer une meilleure compréhension, au sein de la communauté chinoise au Canada et de la communauté canadienne en général, des types d'opérations que le Département du travail sur le front uni déploie au Canada pour façonner nos choix politiques ainsi que nos relations avec la Chine.
La troisième question vraiment importante selon moi consiste à comprendre l'importance d'une présence plus forte et avant-gardiste dans la région indopacifique qui appuie un ordre fondé sur des règles. Des échanges commerciaux d'environ 5,5 billions de dollars américains transitent par la mer de Chine méridionale, la mer de Chine orientale et Taïwan et ses environs. De ce montant, environ 25 milliards de dollars d'échanges commerciaux canadiens entrent dans la région et en sortent. Toute forme de friction dans la région, comme dans l'éventualité où la Chine procéderait à la réunification de Taïwan, aura une incidence fondamentale sur l'économie régionale et sur les intérêts économiques du Canada dans la région.
Il est essentiel que nous travaillions avec des partenaires aux vues similaires, comme le Japon, les États-Unis, la Corée du Sud et l'Australie, pour mener ce que nous appelons des « opérations de transit »., en veillant à ce que la connaissance de la situation maritime soit solide et en cernant les défis posés par les Chinois en ce qui a trait aux opérations dans la zone grise, aux activités de « guerre des lois » et, bien sûr, au recours à la force.
Il est essentiel que le Canada continue de collaborer avec la Chine par des voies de coopération clés, comme la coopération environnementale, le commerce, la réflexion sur la coopération non traditionnelle en matière de sécurité pour lutter contre les maladies transnationales, la piraterie et la pêche illégale, mais en même temps, nous devons tracer des lignes de démarcation solides et favoriser la transparence au pays et dans nos relations bilatérales.
Nous devons sensibiliser davantage les Canadiens et les politiciens canadiens à ce qui se passe dans les relations sino-canadiennes et dans l'ensemble de la région indopacifique.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité spécial ce soir.
Il n'est peut-être pas surprenant que mon message principal soit simple, à savoir qu'un engagement ferme à l'égard des droits de la personne doit être au cœur même de tous les aspects de nos relations avec la Chine. J'aimerais formuler quatre recommandations pour aller un peu plus loin en ce sens.
Je ne vais pas me concentrer sur les nombreux groupes qui courent de graves risques en matière de droits de la personne chaque jour en Chine, y compris les Ouïghours, les Tibétains, le peuple de Hong Kong, les adeptes du Falun Gong, les défenseurs des droits de la personne et les défenseurs de la démocratie. Bien sûr, nous pourrions consacrer toute la séance à l'un ou l'autre de ces groupes. J'ai déjà eu l'occasion de le faire. Mes recommandations de ce soir sont plus générales.
La première, c'est que nous devons prendre des mesures beaucoup plus concertées au nom des Canadiens qui sont injustement emprisonnés en Chine, ainsi qu'au nom des parents de Canadiens qui ont fui la persécution en Chine et qui sont coincés à l'étranger en attendant de retrouver et de se réinstaller avec leur famille. Il faudrait peut-être nommer un envoyé spécial chargé de s'occuper de ce genre de cas lorsque des Canadiens et des résidents permanents sont emprisonnés en Chine, en contravention des normes internationales en matière de droits de la personne.
Je pense, bien sûr, à Huseyin Celil, un Canadien d'origine ouïghoure qui est emprisonné depuis plus de 16 ans et qui n'a pas vu ses quatre enfants grandir à Burlington. Sa famille n'a eu aucune nouvelle de lui depuis cinq ans.
Je pense à Sun Qian, citoyenne canadienne et adepte du Falun Gong, qui est emprisonnée depuis 2017 et qui a été condamnée à huit ans de prison en 2020. Elle aurait renoncé volontairement à sa citoyenneté canadienne. On n'a eu aucune nouvelle d'elle depuis deux ans.
Je pense à Ayoub Mohammed, Salahidin Abdulahad et Khalil Mamut, trois Ouïghours qui ont fui la Chine en 2001. Ils ont été remis aux forces américaines en Afghanistan par des chasseurs de primes et se sont retrouvés à Guantanamo. Après plusieurs années de cette injustice dystopique, ils ont été libérés par le gouvernement américain et réinstallés aux Bermudes et en Albanie il y a plus d'une décennie, au terme d'ententes diplomatiques absurdes. Ils sont tous mariés à des citoyennes canadiennes ou à des résidentes permanentes. Ils ont tous des enfants canadiens. Depuis des années, ils cherchent à retrouver leur famille ici, au Canada, mais leurs efforts ont été bloqués à chaque occasion. Nous pouvons faire beaucoup mieux.
Deuxièmement, pour reprendre les propos de Jonathan Manthorpe, nous devons nous attaquer plus directement au harcèlement des défenseurs des droits de la personne au Canada qui travaillent à faire respecter les droits de la personne en Chine, particulièrement en ce qui concerne les Ouïghours, le Tibet, Hong Kong et le Falun Gong. Ces actions illégales et parfois violentes contre des activistes au Canada émanent du gouvernement chinois et de ses agents. Maintenant, nous avons ajouté à cette combinaison l'établissement des trois postes de police mentionnés plus tôt, à au moins trois endroits au Canada.
L'intimidation s'étend à la famille en Chine. Des Canadiens d'origine ouïghoure racontent que des membres de leur famille ont été détenus et menacés de représailles pour leur activisme au Canada. Des Canadiens d'origine tibétaine disent avoir été forcés de signer des formulaires renonçant au dalaï-lama s'ils souhaitent obtenir des visas pour voyager afin de rendre visite à leurs proches.
L'impact souhaité est clair. C'est pour réduire au silence les activistes et les membres de la communauté. Amnistie internationale, au nom de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, a préparé deux rapports exhaustifs à ce sujet, en 2017 et en 2020, avec de nombreuses recommandations à l'intention du gouvernement canadien. Malheureusement, très peu de progrès ont été réalisés depuis.
De plus en plus, les activistes ne se donnent même pas la peine de signaler les incidents. Ils trouvent le processus trop déroutant pour savoir à qui s'adresser ou ils sont découragés par des tentatives antérieures qui n'ont rien donné. La société civile a établi un plan d'action que nous pourrons aborder lors de la période des questions si vous le souhaitez.
Troisièmement, nous avons besoin d'un plan d'action pangouvernemental en matière de droits de la personne pour orienter les relations entre le Canada et la Chine. Les préoccupations relatives aux droits de la personne en Chine ne peuvent pas se limiter au bureau des droits de la personne d'Affaires mondiales. Les droits de la personne sont liés à tous les aspects de cette relation, y compris le commerce, l'environnement, la santé, les ressources naturelles, la sécurité nationale et bien plus encore. Nous avons besoin d'un plan d'action en matière de droits de la personne — nous en avons besoin depuis des années — qui s'applique à l'ensemble de l'administration fédérale et qui, idéalement, engloberait aussi les administrations provinciales, territoriales et municipales.
Enfin, il y a un besoin urgent et croissant de consacrer des ressources spécialisées à la promotion d'une stratégie multilatérale sérieuse en ce qui concerne la Chine et les droits de la personne.
Sur la scène mondiale, la Chine réussit depuis longtemps à échapper à l'examen, sans parler des conséquences, de son bilan catastrophique en matière de droits de la personne. D'autres gouvernements sont fallacieusement incités, trompés et même menacés afin qu'ils votent contre les très rares résolutions qui ont été présentées aux Nations unies au fil des ans.
Plus tôt ce mois‑ci, une résolution proposant un débat au Conseil des droits de l'homme des Nations unies au sujet du récent rapport du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme sur la situation des Ouïghours a été rejetée. Seulement 17 des membres du Conseil des droits de l'homme des Nations unies — soit un peu plus du tiers — ont voté en faveur de cette résolution.
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Merci, monsieur le président.
Je vais poser quatre brèves questions à M. Hamilton. J'espère qu'il pourra répondre par écrit à la greffière et à vous, monsieur le président.
Tout d'abord, le coordonnateur national de la lutte contre l'ingérence étrangère en Australie est en place depuis 2018. Quel est le rôle du coordonnateur et dans quelle mesure le bureau a‑t‑il été efficace dans la lutte contre l'ingérence étrangère?
Deuxièmement, l'Australie est généralement considérée comme un modèle pour les pays occidentaux dans la lutte contre la menace d'ingérence étrangère. Qu'est‑ce que le Canada peut apprendre de l'Australie pour renforcer sa résilience face à l'ingérence étrangère de la République populaire de Chine, la RPC?
Troisièmement, parmi toutes les mesures prises récemment par l'Australie pour contrer l'ingérence étrangère de la RPC, lesquelles ont été les plus efficaces?
Ma quatrième question pour le professeur Hamilton est la suivante: le fait de ne pas pouvoir adhérer à l'AUKUS — le récent traité de défense entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis — et de ne pas participer à un dialogue quadrilatéral sur la sécurité représente‑t‑il une occasion ratée pour le Canada, et pourquoi, ou pourquoi pas?
Ce sont mes quatre questions, monsieur le président, auxquelles j'aimerais que M. Hamilton réponde.
J'aimerais aussi poser quelques questions à M. Neve.
Vous avez mentionné que les droits de la personne devraient être au centre de notre approche à l'égard de la République populaire de Chine. Vous avez mentionné l'établissement de trois postes de police illégaux au pays, dans la région du Grand Toronto.
J'ai une question concernant les radiodiffuseurs contrôlés par l'État qui obtiennent des licences du gouvernement ici au Canada. Des preuves ont permis d'établir que ces radiodiffuseurs d'État chinois ont violé les droits de la personne en diffusant des aveux forcés de prisonniers d'opinion. Comme vous le savez également, il y a plusieurs mois, le CRTC a retiré des ondes Russia Today, RT, parce que c'est un radiodiffuseur contrôlé par l'État qui diffuse de la désinformation. Dans certains cas, il pourrait même contrevenir au droit international.
Pensez-vous que les licences du CRTC pour les radiodiffuseurs contrôlés par l'État chinois qui exercent leurs activités ici au Canada devraient être révoquées?
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Pour que les choses soient bien claires, monsieur le président, je ne suis pas du tout en faveur de l'interdiction de la presse écrite ou des médias non assujettis au CRTC, parce que je crois en la liberté d'expression fondamentale.
Je pense qu'il est dangereux pour le gouvernement d'interdire la liberté d'expression dans la presse écrite, mais je ne crois certainement pas que le gouvernement du Canada ait l'obligation d'accorder une licence à des radiodiffuseurs contrôlés par l'État, comme ceux qui exercent leurs activités à partir de la Russie ou de la Chine sur nos ondes réglementées par le gouvernement.
J'ai une deuxième question avant de manquer de temps. Vous avez mentionné dans votre deuxième recommandation que la lutte contre le harcèlement des défenseurs des droits de la personne au Canada doit être une priorité, et nous savons que le problème est réel. Nous avons même vu récemment au Royaume-Uni des gens qui protestaient au consulat à Manchester être violemment agressés par le personnel diplomatique accrédité avant que la police britannique n'intervienne et ne mette fin à l'agression physique.
Nous savons ici que des militants pour la démocratie à Hong Kong ont été harcelés, que des gens qui défendent les droits des Ouïghours et des Tibétains ont été harcelés par des mandataires agissant au nom de Pékin. Quelles sont les deux ou trois choses que le gouvernement ne fait pas et qu'il devrait faire pour mieux protéger la sécurité de ces Canadiens ici?
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J'ai mentionné le fait que deux rapports assez complets qui ont été présentés au gouvernement en 2017 et en 2020 contenaient un certain nombre de recommandations. Celles‑ci ont été préparées par Amnistie internationale, mais au nom de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, qui comprend des représentants ouïghours, tibétains, du Falun Gong et de Hong Kong. C'est une coalition très vaste.
Certaines de ces recommandations étaient très simples et auraient pu être mises en oeuvre en quelques mois. Par exemple, l'un des problèmes que les activistes trouvent les plus frustrants et très décevants est la réaction des organismes d'application de la loi ou de sécurité lorsqu'ils cherchent... Lorsqu'un problème se produit, qu'il s'agisse d'intimidation, de surveillance en ligne ou même d'un acte de violence, il arrive souvent qu'ils soient ballottés d'un organisme à un autre. La réponse que l'on obtient invariablement, c'est que ce n'est pas vraiment un problème pour la GRC, mais pour la police municipale, ou que ce n'est pas vraiment une question de maintien de l'ordre et qu'ils devraient s'adresser au SCRS, ou que ce n'est pas vraiment une question de renseignement, alors ils devraient soulever la question auprès des Affaires étrangères, et les gens abandonnent.
On a recommandé la création de ce que nous avons appelé un centre d'échange, un bureau qui coordonnerait les efforts des ministères et des organismes qui ont tous leur part du gâteau, parce qu'à l'heure actuelle, le processus est éparpillé et inefficace.
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Merci, monsieur le président. Je remercie les deux témoins d'être ici ce soir.
Je voulais commencer par M. Nagy. Je suis en train de trier quelques-unes de vos observations.
Vous avez dit dans votre exposé qu'il était important pour le Canada de collaborer avec ses alliés dans le cadre de sa stratégie géopolitique et pour éclaircir ses relations avec la Chine, et vous avez parlé des États-Unis, du Japon, de l'Australie et d'autres pays. Vous avez également écrit qu'il est important que le Canada se distingue des États-Unis dans son approche à l'égard de l'Indopacifique, qui comprend la Chine.
Je me demande en quoi nous devrions nous distinguer? Sur les questions de sécurité nationale ou internationale, ou encore sur le commerce? À votre avis, dans quels domaines devrions-nous nous aligner et où devrions-nous nous différencier, particulièrement par rapport aux États-Unis?
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Je pense qu'il est essentiel que nous continuions à nous assurer d'être un intervenant indépendant en ce qui concerne nos relations bilatérales avec la Chine et aussi nos relations avec l'Indopacifique. Si nous nous alignons de trop près sur les États-Unis, surtout en ce qui concerne l'approche axée sur la sécurité des rapports avec la Chine, nous risquons de devenir une autre victime de la politique américaine.
La Chine a compris — et elle utilise souvent l'expression « tuer les poulets pour effrayer les singes » — que la meilleure façon de diluer l'approche américaine dans la région consiste à travailler avec ses partenaires les plus faibles. Les partenaires les plus faibles comprennent le Canada, l'Australie, la Corée du Sud — dans une certaine mesure — et les pays européens.
Dans nos relations avec la Chine, nous devons nous assurer d'avoir une politique moins axée sur la sécurité que celle des États-Unis, et nous devons trouver des occasions de recourir à la diplomatie canadienne pour travailler de concert avec la Chine. En même temps, je pense qu'il est très important que nous travaillions de façon concertée avec les États-Unis, le Japon, l'Australie et d'autres partenaires pour promouvoir le commerce et un ordre fondé sur des règles, lutter contre les violations des droits de la personne dans la région, et vraiment faire comprendre à la Chine que, pour ce qui est d'influer sur son comportement, le Canada a une approche légèrement différente. Je pense que cela va continuer d'être important pour que nous puissions coexister, quelles que soient les difficultés, avec un État en pleine croissance dont les valeurs sont vraiment différentes des nôtres.
Ma prochaine question s'adresse à vous deux, et elle s'appuie sur celle‑ci parce que nous avons entendu des témoignages contradictoires ce soir. Mme McPherson en a également parlé.
Nous avons entendu... Un témoin a dit ce soir que nous ne devrions pas entretenir de relations diplomatiques avec la Chine, mais il a aussi dit que nous devrions rebâtir notre relation avec la Chine, alors je ne comprends pas très bien ce qu'il voulait dire. Cependant, la semaine dernière, un professeur de l'Université Queen's nous a dit que la question n'est pas de savoir si nous devons entretenir ou non une relation avec la Chine — parce qu'elle existe, qu'elle est importante et qu'elle a une grande incidence —, mais plutôt quelle sorte de relation nous voulons entretenir avec la Chine.
J'essaie simplement de comprendre, parce que dans le contexte de la santé, nous avons également entendu ce soir qu'il était absolument essentiel pour la santé de la population mondiale que nous trouvions une façon de travailler avec la Chine en raison de son importance dans les questions de santé. On nous dit aussi que nous devrions nous retirer de la Chine ou parfois même l'isoler.
Pour vous deux, j'essaie simplement de comprendre cette dichotomie. Je parle de dichotomies ce soir. Il me reste environ un peu plus d'une minute pour vous entendre tous les deux à ce sujet.
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Nous ne saurions ne pas avoir de relation avec la Chine. Ce ne serait dans l'intérêt de personne, et en particulier des nombreuses collectivités en Chine dont les droits de la personne sont si fragiles et sont violés tous les jours. Pour moi, cela rejoint la nature de cette relation.
Je reviens à mon message principal, à savoir que nous devons faire encore beaucoup plus pour mettre, délibérément et de façon réfléchie, les droits de la personne au centre de tous les aspects de cette relation.
Nous avons fait un travail extraordinaire. J'ai pu le constater moi-même au fil des ans auprès des diplomates — tant à l'édifice Pearson qu'à notre ambassade — qui ont le dossier des droits de la personne. Cependant, beaucoup trop souvent, d'autres éléments de la relation, que l'on pourrait sans doute littéralement observer dans tous les ministères, ne font pas la moindre place aux droits de la personne. Je pense que de nombreuses occasions nous échappent de ce côté‑là. Si cela définissait la relation, nous nous sentirions beaucoup plus à l'aise en la constatant.
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Merci beaucoup de votre question.
Encore une fois, nous devons adopter une approche nuancée dans notre coopération avec les États-Unis quand il s'agit de travailler avec la Chine. La Chine sait que les alliés des États-Unis, comme l'Australie et même les pays européens, sont beaucoup plus vulnérables à la coercition chinoise. Si nous travaillons de trop près et avons une relation hypersécurisée avec les États-Unis face à la Chine, les Canadiens et les entreprises canadiennes pourront se retrouver dans une position où ils pourraient être contraints de favoriser cette relation ou être utilisés à cette fin.
Les cas de Michael Kovrig et de Michael Spavor illustrent très bien comment les Canadiens ont été utilisés pour changer la relation et affaiblir le partenariat entre les États-Unis et le Canada. Nous avons été chanceux qu'ils puissent finir par sortir de la Chine. Encore une fois, notre relation et les choix que nous faisons avec les États-Unis doivent être très finement calibrés et nuancés.
Le renforcement d'une relation sécurisée face à la Chine mettra les entreprises canadiennes et les Canadiens en danger en Chine. C'est pourquoi nous devons continuer de réfléchir à la façon dont le Canada peut se donner une approche complémentaire de celle des États-Unis, une approche, toutefois, qui comprendra par ailleurs très bien comment nous pouvons servir d'instrument pour l'exercice de pressions sur les États-Unis.
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Monsieur Nagy, j'avoue que je n'arrive pas encore à saisir tout à fait la nuance que vous essayez de nous expliquer. Ce que vous nous dites semble davantage militer en faveur d'un renforcement de la relation du Canada avec les États‑Unis. Quoi qu'il en soit, je vais passer à une autre question.
Depuis la constitution du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine lors de la précédente législature, trois ministres des Affaires étrangères se sont succédé.
Le premier d'entre eux, le ministre Champagne, nous avait promis une nouvelle politique sur la Chine. Or, voilà qu'il n'est plus question d'une nouvelle politique sur la Chine, mais d'une nouvelle politique sur la région indo-pacifique.
Certaines mauvaises langues disent que c'est une façon pour le gouvernement d'esquiver la nécessité d'avoir une politique sur la Chine, tandis que d'autres personnes pensent que c'est plutôt une façon de favoriser une synergie entre les États de la région indo-pacifique, dans le but de mieux encadrer les actions de la République populaire de Chine. Qu'en pensez-vous?
Ma foi, absolument, je pense que cela reflète très bien l'influence croissante de la Chine dans ces institutions, et au sein du Conseil des droits de l'homme en particulier. Cela reflète aussi plus largement d'autres problèmes qui existent au sein du conseil. Cela ne reflète pas seulement le rôle de la Chine; je trouve très révélatrice la mesure dans laquelle la Chine a activement et résolument déployé tous ses moyens pour bloquer la résolution.
C'est pourquoi, pour revenir à ma réponse à la question de tantôt de M. Oliphant, je pense que le Canada doit résolument s'attaquer, avec ses partenaires, à l'élaboration et à la mise en place d'une stratégie très globale, dotée de ressources et tournée vers l'avenir sur la façon de réagir au dysfonctionnement, à la division et à l'érosion de l'influence de la Chine dans ces institutions.
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Merci beaucoup de votre question.
En Afrique subsaharienne, l'influence première de la Chine tient à tout ce qui se rapporte à l'aide et à tout ce qui se rapporte à l'initiative de La Ceinture et la Route. Cela entraîne des relations de dépendance grâce à la création d'une connectivité d'infrastructure dans la région.
Vous avez mentionné l'Afrique subsaharienne. Selon moi, nous devrions nous préoccuper davantage de régions comme le Congo, qui a des réserves de terres rares. Le gouvernement chinois est bien déterminé à monopoliser ces matériaux de terres rares afin de s'emparer du marché pour exercer de nouvelles pressions sur les alliés des États-Unis qui dépendent de ces matériaux de terres rares pour la production de produits électroniques. Ces terres rares sont utilisées dans nos véhicules et dans bien d'autres choses.
Je pense que l'initiative La Ceinture et la Route est absolument essentielle. Nous devrions nous intéresser aux endroits où elle se déploie en Afrique et voir comment elle vise la monopolisation des minéraux essentiels.
Dans le cas de l'Arctique, j'estime qu'il est prématuré de dire que les Chinois sont très proactifs dans la région, d'abord parce qu'ils n'ont pas les ressources, et ensuite parce qu'ils n'ont pas non plus l'expertise. Par ailleurs, ils ont actuellement de la difficulté à s'installer dans la région.
La plupart des données indiquent qu'ils finiront par s'intéresser à l'acquisition de ressources dans l'Arctique, lorsque le réchauffement planétaire ouvrira l'accès à l'océan Arctique, et créera ainsi des possibilités d'exploitation des ressources. Par contre, comment vont-ils déployer les ressources? La question reste sans réponse pour l'instant.
Rien n'indique qu'ils tiennent à déployer des ressources militaires; ils en sont plutôt à un stade prématuré de l'acquisition de l'expertise pour exploiter les ressources.
Comment vont-ils s'y prendre? Il est très probable qu'ils coopéreront avec les Russes, ce qui compliquera davantage la situation. Un point que nous n'avons pas soulevé dans la discussion d'aujourd'hui est l'alignement de la Chine et de la Russie sur de nombreux enjeux.
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Non, et je me suis prononcé explicitement et par écrit là‑dessus.
J'ai dit que le Canada devrait collaborer avec le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité de façon ponctuelle et fonctionnelle, non pas comme membre, mais pour chercher des modes de coopération en sécurité maritime. Si vous observez l'évolution du Dialogue quadrilatéral, vous verrez qu'il y est question de coopération technologique, d'infrastructure et de coopération en connectivité. Même chose à l'AUKUS.
Je pense que l'aspect sous-marins nucléaires de l'AUKUS occupe un vaste espace médiatique, mais le véritable domaine de coopération du Canada est l'intelligence artificielle et l'informatique quantique. Nous avons déjà attribué des budgets à des partenariats internationaux pour la coopération en intelligence artificielle et informatique quantique. Nous devrions être des partenaires à part entière dans ces domaines et mettre à contribution nos ressources et nos excellentes institutions, avec nos experts, pour ajouter de la valeur au Dialogue quadrilatéral et à l'AUKUS dans ces domaines particuliers.
J'ai quand même certaines réserves sur votre position, en ce sens que les États-Unis sont la seule puissance au monde qui peut vraiment rivaliser sur tous les plans avec la Chine. Je ne pense pas que vous puissiez être en désaccord là‑dessus.
Quant à l'idée de prendre nos distances avec notre plus fort et notre plus vieil allié et de nous tenir loin des accords internationaux avec nos alliés qui comprennent les États-Unis, l'AUKUS et le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, je pense que c'est un peu dangereux. Plus on s'éloigne des États-Unis, plus on risque de se faire faire mal.
Je comprends très bien votre point de vue sur les deux Michael, mais je pense que le problème tient peut-être davantage au fait que le président des États-Unis et notre n'ont pas une relation assez solide. Pour moi, il y a quelque chose à dire là‑dessus. Cela dit, j'ai des réserves sur votre position.
Je vais conclure, monsieur le président.
Vous avez dit tantôt que nous devons nous aligner sur l'Organisation des Nations unies, le Fonds monétaire international et l'Organisation mondiale de la santé, mais comme M. Neve l'a signalé, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a refusé de condamner le génocide des Ouïghours en Chine. J'ai des réserves sur les priorités que vous avez exposées aujourd'hui, mais je comprends très bien votre perspective.
Merci, monsieur le président.
Nous sommes tous d'accord que les droits de la personne devraient être au centre de tout cela. Cependant, changer une façon de faire établie depuis de nombreuses années et aller chercher d'autres partenaires commerciaux, c'est plus facile à dire qu'à faire. Les stratégies que nous voulons mettre en place vont certainement faciliter cela.
Je comprends votre point de vue, mais il reste qu'il va certainement y avoir un effet majeur sur l'économie du Canada et d'autres pays. Selon une étude récente, Taïwan produit 60 % des semiconducteurs et 90 % des micropuces de la planète. Cela rendrait une invasion de Taïwan par la Chine potentiellement dévastatrice pour l'économie de plusieurs pays. Puisque Taïwan est l'un des seuls pays qui peuvent nous fournir ces produits, il ne semble pas y avoir d'autres options.
Comment pouvons-nous alors stabiliser la situation le plus rapidement possible et trouver d'autres options? Comment pouvons-nous sécuriser les entreprises et l'économie du Canada à cet égard?
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Monsieur Cormier, vous avez tout à fait raison. Les centaines de milliers d'emplois dont jouissent les Canadiens dans l'industrie automobile sont directement liés aux puces de semi-conducteurs basées à Taïwan et fabriquées à Taïwan.
Cela signifie que, désormais, il sera crucial que le Canada collabore avec le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, les États-Unis et peut-être l'Allemagne et d'autres pays ayant ces capacités, afin de diversifier de façon sélective certaines de ces chaînes d'approvisionnement en faveur de pays d'optique commune, et de pays sûrs, disons‑le très franchement.
Toutefois, cela ne devrait pas signifier que nous ne faisons pas de commerce avec la Chine dans d'autres domaines. Le terme clé ici est « diversification sélective » à l'extérieur de la Chine dans les chaînes d'approvisionnement qui sont essentielles, et dont les deux principaux exemples sont les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques.
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Je pense que vous soulignez une tension des plus troublantes qui est la réalité depuis pas mal d'années et qui ne fait que s'aggraver. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles plusieurs groupes de la société civile, et certainement la famille de M. Celil, ont formulé diverses propositions pour avoir une sorte d'expert ou d'envoyé ou de représentant spécial. Dans ce cas, c'est quelqu'un qui aurait un rôle très précis de défense de la cause de M. Celil.
Il ne s'agit pas de faire un coup d'éclat. De fait, je pense qu'on peut imaginer qu'il s'agirait d'une personne œuvrant très discrètement dans les canaux diplomatiques, solidement appuyée par ses relations, peut-être dans le cadre d'autres types de rapports dans le monde des affaires, etc.
J'ajouterais que le cas de M. Celil est peut-être le plus déchirant et le plus convaincant à l'heure actuelle, mais nous pourrions rapidement dresser une longue liste de tous les citoyens canadiens et résidents permanents du Canada des 20 dernières années qui se sont retrouvés injustement détenus. Les défis liés à l'accès et aux personnes à qui parler ont toujours existé.
Je pense que nous avons vraiment besoin d'une expertise spécialisée dans ce dossier.