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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

(1835)

[Traduction]

    Bonsoir et bienvenue à la 5e réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine.
    Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine. La réunion d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Ainsi, les membres participent à la réunion en personne dans la salle ou à distance au moyen de l'application Zoom.
    La qualité du signal audio de tous ceux qui participent à la réunion au moyen de Zoom, notamment nos témoins, a été vérifiée, si bien que nous devrions tous pouvoir bien entendre les interventions de chacun.
    Je demande à nos témoins de s'assurer de positionner le microphone entre leur nez et leur lèvre supérieure. Les interprètes seront ainsi en mesure de bien vous entendre.
    J'ai quelques observations à faire à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne nommément. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent, avant de parler, activer leur microphone en cliquant sur l'icône du micro et s'assurer de le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
    Pour accéder à l'interprétation sur Zoom, vous n'avez qu'à cliquer, au bas de votre écran, sur l'icône vous permettant de sélectionner le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette pour sélectionner le canal.
    Je vous rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence. À l'exemple du président d'un autre comité dans lequel je siège, je rappelle aux gens qu'il est interdit de prendre des instantanés d'écran pendant la séance.
    Pour les députés dans la salle, nous avons l'ordre des intervenants, du moins la plupart. Je demande à M. Chong de me faire savoir quels noms figurent sur sa liste, puisque nous ne l'avons pas encore reçue. Nous allons respecter l'ordre des interventions de notre mieux, d'autant plus que la troisième heure de la réunion sera consacrée aux travaux du Comité.
    Je souhaite la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
     Nous accueillons Clive Hamilton, professeur d'éthique publique à l'Université Charles Sturt, campus de Canberra, et Jeremy Youde, doyen du Collège des arts, des sciences humaines et des sciences sociales, Université du Minnesota à Duluth. Nous n'avons pas encore réussi à établir la communication avec le troisième témoin ce groupe, Jonathan Manthorpe, ancien correspondant à l'étranger, observateur de la Chine et auteur de Claws of the Panda.
    Chacun des témoins disposera d'un maximum de cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
    Monsieur Hamilton, nous allons commencer avec vous. Vous avez cinq minutes.
    Je suis heureux de comparaître devant le Comité ce soir. Je souhaite faire...
    Un instant, je vous prie. Le son n'est pas bon du tout.
    Je pense, monsieur Hamilton, que je vous demanderai de vous déconnecter, puis de vous reconnecter. Nous tenterons d'établir une meilleure connexion de notre côté.
    Sur ce, j'invite M. Youde à faire sa déclaration liminaire. Vous avez cinq minutes.
    Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que doyen du Collège des arts, des sciences humaines et des sciences sociales, Université du Minnesota à Duluth. Je suis également un politologue qui porte un intérêt particulier aux enjeux de gouvernance mondiale de la santé et aux réponses internationales aux éclosions de maladies infectieuses.
    Quand il est question de la gouvernance mondiale de la santé, on pense au système de réponse aux problèmes de santé transfrontaliers qui surviennent, et c'est un domaine dans lequel le Canada est depuis longtemps un chef de file. La République populaire de Chine aurait un rôle éventuel des plus importants à jouer, mais c'est un rôle qui a été remis en question ces dernières années.
    À bien des égards, nous vivons un moment paradoxal dans le domaine de la gouvernance mondiale de la santé. D'une part, particulièrement depuis quelques années, nous constatons plus que jamais l'importance d'avoir un accord de coopération qui rassemble les pays du monde entier afin de régler les problèmes et les préoccupations, qui sont nécessairement transfrontaliers. Aucun pays ne pourra faire face, à lui seul, à une situation comme la pandémie de COVID‑19.
    D'autre part, cependant, nous constatons une résistance plus grande que jamais à s'engager dans un processus de ce genre. Beaucoup des difficultés tiennent au contexte de la relation entre le système mondial de gouvernance de la santé et le gouvernement de la République populaire de Chine.
    À bien des égards, la République populaire de Chine représente un élément essentiel de tout système efficace de gouvernance mondiale de la santé, et ce, pour un certain nombre de différentes raisons.
    En premier lieu, la Chine est manifestement un acteur géopolitique d'extrême importance. Tout système international qui n'inclurait pas la Chine présenterait d'importantes lacunes.
    En deuxième lieu, du fait du grand nombre de personnes et de leurs déplacements, des défis particuliers se posent lorsqu'il s'agit d'enrayer les maladies infectieuses, nouvelles ou connues, et leur propagation.
    En troisième lieu, le degré d'interaction humains-animaux qui peut exister dans la société chinoise, en particulier avec l'installation de plus en plus de gens dans des régions où il n'y a pas eu d'occupation humaine continue, pose de grands défis. Nous savons que les zoonoses, c'est‑à‑dire les maladies transmissibles des animaux aux humains, sont l'une des causes majeures des nouvelles épidémies.
    En dernier lieu, la Chine a aussi l'habitude de pratiquer ce que nous pourrions appeler la « diplomatie de la santé », c'est‑à‑dire la participation à des activités dans le domaine de la santé comme moyen d'établir des relations bilatérales et multilatérales avec d'autres pays.
    Ce que nous avons vu ces dernières années a vraiment remis en question la capacité du système de fonctionner de façon cohérente. Comme je l'ai déjà mentionné, la COVID‑19 en est peut-être emblématique. Lorsqu'on examine la gouvernance mondiale de la santé, on constate qu'il s'agit d'un système qui repose en grande partie sur des notions de confiance et des normes communes sur la façon dont les choses vont fonctionner. C'est sur ce point que nous avons rencontré des problèmes, en particulier ces dernières années avec la COVID‑19.
    Nous pourrons en discuter plus en détail pendant la période de questions, mais la résistance tient à un certain nombre de facteurs, y compris les craintes quant à la surveillance qui pourrait s'exercer, la relation entre Taïwan et d'autres participants à la gouvernance mondiale et simplement la méfiance générale constatée au sein du gouvernement de la République populaire de Chine à l'égard des systèmes de gouvernance mondiale en général, pas seulement dans le domaine de la santé.
    Le système, mis en place en grande partie après la Seconde Guerre mondiale, ne correspond pas nécessairement aux défis et aux besoins que la situation internationale contemporaine exige. À bien des égards, le moment est propice pour entreprendre une réforme et établir un système efficace de gouvernance mondiale de la santé, mais, comme je l'ai déjà dit, si la République populaire de Chine n'est pas incluse dans un processus de cette nature, il y aura d'importantes lacunes, et ces lacunes présenteront un danger pour nous.
    Le Canada est un pays qui, depuis longtemps, est un chef de file en matière de gouvernance mondiale de la santé et de ce genre de diplomatie multilatérale. Il est dans une position très importante et unique pour promouvoir un nouveau système de ce genre, qui pourrait inclure la République populaire de Chine, les États-Unis et tous les pays du monde.
(1840)
    Merci beaucoup, monsieur Youde.
    J'aimerais maintenant que M. Hamilton nous dise quelques mots, question d'avoir l'assurance que la connexion est bonne.
    Je peux voir le genre d'équipement que vous utilisez. Pouvez-vous tenir le microphone assez près de votre bouche pour que les interprètes puissent vous entendre? Voulez-vous essayer?
     Oui [difficultés techniques].
    Non, c'est encore pire. Eh bien, je suppose que nous allons devoir serrer un peu les rangs.
    Je vais donner la parole à Jonathan Manthorpe, que j'ai bien hâte d'entendre. Je l'écoutais souvent à la radio à Vancouver lorsqu'il parlait de l'Asie et surtout de la Chine avec John McComb. Son histoire n'a pas vraiment beaucoup changé, car il a une profonde connaissance de ce pays.
    Monsieur Manthorpe, bienvenue au Comité. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
    Je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mes réflexions et de mes réponses à vos questions sur ce qui constitue, à mon avis, l'un des plus importants enjeux de politique étrangère pour le Canada en ce moment.
     Comme vous le savez peut-être, mon livre, Claws of the Panda: Beijing Campaign of Influence and Intimidation in Canada, a été publié quelques jours après le début de l'affaire Huawei.
    J'ai eu des réactions contradictoires au sujet de la détention à Vancouver, le 2 décembre 2018, de Meng Wanzhou, dirigeante principale des finances de Huawei Technologies, à la demande du département de la Justice des États-Unis, et de tout ce qui s'est passé au cours des mois suivants. J'ai éprouvé, d'une part, une certaine satisfaction et, d'autre part, un effarement à l'idée que ces événements corroboraient une bonne partie de ce que j'avais écrit dans mon livre.
    En fait, je pensais alors, et je le pense toujours, que l'affaire Huawei a créé une situation bien pire que la série d'intrusions du Parti communiste chinois dans les affaires canadiennes et la réaction insouciante des décideurs canadiens que j'ai décrite.
    La réaction de Pékin à la détention de Mme Meng Wanzhou a été beaucoup plus brutale que je ne l'avais prévu. L'enlèvement et la torture de Michael Kovrig et de Michael Spavor ont fait clairement comprendre que le PCC se soucie davantage de la sécurité de l'un de ses oligarques que de l'ensemble de ses relations avec le Canada.
    Qui plus est, le refus d'accorder un accès consulaire légitime aux deux Michael et leur procès secret montrent que Pékin n'hésite pas à faire fi des traités qu'elle a signés pour défendre l'honneur d'un haut responsable du régime.
    Le régime du PCC a ensuite renchéri avec des sanctions économiques sur la viande et les produits céréaliers canadiens. Soit par coïncidence, soit par calcul, plusieurs personnalités canadiennes de premier plan, connues pour leurs liens étroits avec Pékin, se sont mises à demander la libération de Mme Wanzhou. Au même moment, Pékin intensifiait sa campagne d'intimidation auprès des 1,5 million de Canadiens d'origine chinoise.
    Plusieurs rapports soigneusement documentés ont été publiés sur la façon dont les agents de Pékin, soit du ministère de la Sécurité d'État, soit du principal organisme de guerre politique du PCC, le Département du travail du Front uni, intimident et menacent les Canadiens considérés comme une menace par le régime.
    Le Front uni a aussi pris le contrôle effectif de presque tous les médias de langue chinoise au Canada, comme d'ailleurs dans tous les autres pays de la diaspora chinoise de 50 millions de personnes. Le Front uni s'est employé à placer les partisans de Pékin à la tête d'une multitude de groupes et d'organismes sociaux canadiens d'origine chinoise. Il est remarquable de voir combien de ces groupes ont publié leur soutien à l'abolition de l'autonomie promise de Hong Kong, aux abus commis contre les Ouïghours et les Kazakhs au Xinjiang et à d'autres projets de Pékin, comme son dessein de prise de contrôle de Taïwan.
    Il y a un an, l'affaire Huawei a pris fin avec l'aveu de culpabilité de Mme Meng Wanzhou aux accusations portées contre elle aux États-Unis, soit d'avoir fait des réclamations frauduleuses à des banques internationales. La demande d'extradition ayant été abandonnée, elle a été libérée, de même que les deux Michael.
    Cependant, à mon avis, les leçons à tirer de cette affaire sont affligeantes. Ma principale conclusion est que nous ne pouvons pas avoir des relations commerciales, diplomatiques ou politiques normales avec un régime dont le premier réflexe, quand un problème surgit, est de prendre des otages. Cette affaire a révélé et souligné que nous ne partageons pas de valeurs civiques, politiques, diplomatiques, internationales ou de sécurité avec la République populaire de Chine. Pour la plupart des questions ressortissant à la relation entre deux pays, il n'existe aucune base de discussion avec le Parti communiste chinois.
    Imaginons un instant que les États-Unis avaient demandé la détention d'un dirigeant d'entreprise de l'une des démocraties asiatiques voisines, comme le Japon, la Corée du Sud ou Taïwan. Il y aurait eu des frictions, c'est sûr, mais il n'y aurait pas eu une crise totale et un effondrement de la relation, vu que nous partageons une foule de valeurs avec ces pays, ce qui aurait amorti le choc du moment.
    Je n'ai aucun doute que nous devons rebâtir une relation de travail avec Pékin. La RPC est maintenant la deuxième économie au monde, quoique les vents lui soient contraires en ce moment. Sous la direction de Xi Jinping, elle semble résolue à devenir une superpuissance mondiale, sinon « la » superpuissance.
(1845)
    Cependant, j'estime que nous devrions nous en tenir à une relation de travail minimale. Le régime actuel à Pékin nous a montré clairement qu'il n'est pas un ami du Canada et qu'il n'a pas l'intention de le devenir. Nous ne devrions pas perdre notre temps à essayer de réformer le PCC, comme nous l'avons fait dans le passé avec plusieurs projets coûteux et futiles, tels que l'enseignement de la primauté du droit et la coprésidence d'un spectacle itinérant sur les droits de la personne. Ces efforts étaient voués à l'échec parce que Pékin n'avait pas l'intention d'en accepter les conséquences. Au lieu de cela...
    Monsieur Manthorpe, je vais devoir vous interrompre. Si vous avez d'autres renseignements, vous pourrez, bien entendu, les intégrer à vos réponses pendant la période de questions.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi de conclure en disant que notre programme le plus important en ce moment devrait être de défendre les Canadiens d'origine chinoise, ouïghoure et tibétaine contre les attaques du Front uni et du ministère de la Sécurité d'État au Canada.
    Je m'arrête là‑dessus. Je répondrai avec plaisir à vos questions plus tard.
    Merci de votre attention.
    Merci beaucoup.
    Eh bien, monsieur Hamilton, tâchons de voir si vous réussirez à faire votre déclaration. Vous avez cinq minutes.
    Permettez-moi de demander, monsieur le président, si vous m'entendez assez bien maintenant.
    Non, pas du tout. Le son est toujours très mauvais.
    Voici ce que je pense que nous devrions faire. Si des questions vous sont adressées, monsieur Hamilton, vous pourriez peut-être y répondre par écrit. C'est le mieux que nous puissions faire dans les circonstances.
    Allez‑y, monsieur Cormier.
(1850)
    Monsieur le président, je ne sais pas si le témoin, M. Hamilton, a essayé de se déconnecter et de se reconnecter. Je ne l'ai pas vu faire cette manœuvre. Parfois, cela règle le problème. Je ne suis pas un expert, mais je ne l'ai pas vu se déconnecter et se reconnecter. Il pourrait peut-être essayer.
    Volontiers. C'est ce que je vais faire.
    Je pense que nous pourrions essayer de faire revenir M. Hamilton au cours de la deuxième heure, car nous aurons du temps. J'espère que nous pourrons tirer profit de son expérience. En Australie, ils ont eu quelques problèmes avec la Chine, c'est sûr.
    Sur ce, nous pourrions peut-être entreprendre notre première série de questions.
    Nous allons commencer par M. Kmiec, pour six minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Manthorpe.
     Je suis heureux qu'il ait pu terminer sa déclaration. J'ai lu Claws of the Panda.
    Je me demande, monsieur le président, s'il peut nous en dire davantage sur les activités du Front uni qui visent à intimider les Canadiens et les activistes d'origine chinoise.
    Il a écrit en juillet 2020, dans le National Post, que, ayant étudié l'influence de la Chine au Canada, il lui apparaissait évident que ce pays doit mettre en place des moyens de défense contre l'influence secrète, coercitive et corrompue du PCC, qui a systématiquement érodé de l'intérieur la résistance qui lui était opposée.
    Voici ma question, monsieur le président. Où devons-nous commencer? Comment pouvons-nous protéger les Canadiens d'origine chinoise qui sont la cible de ces campagnes coercitives?
    Merci beaucoup.
    Nos services de sécurité et nos services de police savent très bien ce qui se passe. Ils doivent recevoir des encouragements politiques pour agir à partir de l'information qu'ils ont.
    Comme nous le savons déjà, le SCRS s'est rendu dans les universités et collèges canadiens pour les mettre en garde contre les Instituts Confucius, financés par Pékin, que bon nombre d'entre eux avaient accueillis dans leurs murs. Le SCRS les a avertis qu'il ne s'agissait là que d'avant-postes d'espionnage sur leur campus, qui avaient deux fonctions principales. L'une consistait à surveiller les étudiants chinois sur le campus, l'autre à y dépister les technologies utiles, principalement les technologies militaires.
    Heureusement, la plupart des universités et collèges canadiens ont mis fin à leurs ententes avec les Instituts Confucius, qui sont, soit dit en passant, gérés par le Front uni, l'organisme de guerre politique du PCC.
    Nous devons adopter un texte législatif rigoureux qui réglemente les activités politiques des pays étrangers au Canada et qui prévoit des peines sévères ou des représailles. Je pense qu'il y a un projet de loi à l'heure actuelle, mais il n'est manifestement pas assez rigoureux.
    Il faut aussi l'appliquer. Plusieurs autres pays, dont l'Australie... J'espère que nous pourrons entendre plus tard M. Hamilton nous parler de l'expérience de l'application de la loi australienne qui réglemente et restreint les activités des organisations politiques étrangères.
    Monsieur Manthorpe, je suis désolé de vous interrompre.
    Pour faire suite à ces propos, nous avons voté aujourd'hui un rapport condamnant le génocide des Ouïghours. Je n'ai jamais vu des ministres quitter aussi précipitamment la Chambre pour éviter d'avoir à dire un mot sur le sujet. Il y a beaucoup de militants ouïghours au Canada, des Canadiens qui sont des défenseurs de bonne foi des droits de la personne.
    Nous avons ici un gouvernement qui refuse de prendre clairement position, je suppose parce qu'il est inquiet.
    Que faudrait‑il faire au sujet des titulaires de charge publique au Canada, et plus particulièrement des anciens titulaires de charge publique qui, selon l'expérience australienne, ont été contraints ou convaincus au fil du temps de la position prise par Pékin pour neutraliser des militants de la démocratie à l'extérieur de la RPC, les empêcher de s'exprimer ou de les contraindre par d'autres moyens? Que devrions-nous faire au sujet des anciens titulaires de charge publique au Canada qui suivent les mots d'ordre de Pékin?
(1855)
    Eh bien, je pense que tout ce que nous pouvons faire, c'est de les dénoncer publiquement. Il y a, comme vous le dites, beaucoup d'anciens titulaires de charge publique qui ont trouvé, à leur retraite, des situations confortables et des arrangements avec Pékin.
    Je pense que des tribunes comme celle‑ci et d'autres encore doivent faire comprendre clairement à tout le monde que la République populaire de Chine n'est pas un ami du Canada et que les gens qui, pour une raison ou une autre, courtisent Pékin travaillent en fait à l'encontre des intérêts du Canada.
    J'en ai parlé à des gens dans d'autres pays, et il est très difficile, quand on défend la démocratie, de mettre tout à coup de côté les aspects centraux de la démocratie découlant de la liberté d'expression et de la liberté d'association. Cela ne peut se faire facilement, et c'est pourquoi je pense que l'objectif principal doit être une loi traitant des...
    Monsieur Manthorpe, je vais vous interrompre. Le président me fait signe que mon temps de parole achève.
    Une loi qui s'appliquerait aux anciens titulaires de charge publique et qui accroîtrait la transparence de leurs relations financières avec les sociétés d'État de la RPC serait-elle une bonne idée?
    Eh bien, je pense qu'il devrait, de toute façon, y avoir des règlements s'appliquant aux anciens titulaires de charge publique pendant une certaine période, et pas seulement en ce qui concerne leurs liens avec la RPC. Je pense que c'est logique sur bien des plans.
    Merci, monsieur.
    Nous allons passer à Mme Yip pour six minutes ou moins.
    Je remercie les témoins d'être venus ce soir ou de s'être joints à nous en virtuel.
    Mes premières questions s'adressent à M. Manthorpe.
    Que retenez-vous de la réunion du 20e Congrès national du Parti communiste chinois qui a eu lieu récemment?
    Je pense que la chose à retenir dans l'immédiat est probablement assez banale, à savoir que Xi Jinping a maintenant une emprise très ferme sur le Parti communiste et le régime de Pékin. Il s'est entouré de ses partisans et de ses copains.
    Il est important de noter qu'il a mis fin à cette méritocratie qui s'était établie au cours des 20 ou 30 dernières années et a fait du régime une simple coterie de gens qui le soutiennent.
    Je crois vraiment que c'est une période assez dangereuse. Il faudra un certain temps avant de voir toutes les répercussions. Par exemple, je pense qu'il ne se préoccupera pas tellement de la santé économique de la Chine; il se préoccupera davantage de maintenir son contrôle autoritaire.
    En ce moment même, environ 400 millions de Chinois sont en confinement. C'est le tiers de la population. L'autorité exercée par l'État chinois est, sur le plan technologique, la chose la plus sophistiquée que le monde ait vue. C'est une période très troublante et dangereuse, et je pense qu'il faut observer Xi Jinping avec beaucoup de prudence.
    Que pensez-vous de Hu Jintao? Était‑ce un message?
    Je ne sais pas. Mes contacts avec des observateurs de la Chine ont été l'occasion d'exprimer toutes sortes de théories du complot. Je n'en ai aucune idée. En fin de compte, je ne suis pas sûr que ce soit tellement important. Cela aurait pu être un signal que les temps ont changé, mais cela aurait aussi pu être que Hu Jintao éprouvait une absence de mémoire et qu'on l'a simplement aidé à sortir de la salle. Je n'en ai aucune idée. Franchement, je ne pense pas que ce soit tellement important dans l'ensemble.
    Comment le Canada devrait‑il interpréter les événements de cette réunion?
    Je pense que nous devons reconnaître, comme je l'ai dit au tout début de mon exposé, que nous entrons dans une période très critique de l'histoire mondiale où la position de la Chine dans le monde sera d'une importance capitale pour notre politique étrangère. Ce que je n'ai pas eu le temps de dire, c'est que nous devons vraiment chercher avant tout à établir de solides relations avec les pays d'Asie avec qui nous avons des valeurs en commun.
    Nous devons abandonner les efforts que nous déployons depuis maintenant 30, 40 ou 50 ans pour essayer de nous lier d'amitié avec le Parti communiste chinois et reconnaître que notre avenir en Asie repose sur des démocraties semblables à la nôtre ou sur des pays en train de se démocratiser.
(1900)
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez indiqué que nous ne devrions pas commercer avec la Chine, mais vous avez pourtant reconnu que la Chine est notre deuxième plus important partenaire commercial.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur les transactions minimalistes?
    Non, nous devons commercer avec la Chine. Je suis désolé si mon propos manquait de clarté. Nous devons le faire, mais je pense que nous ne devrions pas être trop ambitieux et éviter de trop nous emballer.
    Si vous regardez la nature du commerce aujourd'hui, ce que nous vendons à la Chine, ce sont les mêmes produits que nous lui vendions en 1960. Nous en vendons un peu plus maintenant. Cependant, toutes ces idées fantaisistes, dans les années 1970 et par la suite, qui nous amenaient à penser que nous pourrions implanter des entreprises canadiennes en Chine ne se sont tout simplement pas concrétisées. Dans les années 1990, j'ai voyagé en Chine et rencontré beaucoup de Canadiens, qui avaient tous vécu des expériences à peu près semblables. S'ils installaient une entreprise, se faisaient immédiatement pirater leur technologie et étaient acculés à faillite parce qu'une entreprise rivale s'installait à proximité et fabriquait le même produit à un coût beaucoup moindre.
    Je pense qu'il n'y a actuellement presque plus d'entreprises canadiennes qui sont actives en Chine sous Xi Jinping, qui, de toute façon, n'est guère favorable à l'entreprise privée. Il n'y aura pas d'entreprises canadiennes en Chine.
    Merci de votre réponse.
    Je m'adresse maintenant à M. Youde.
    Cette année, vous avez écrit un article sur la pandémie de COVID‑19 en Chine dont voici un court extrait:
[…] la divergence entre les réponses nous amène à nous demander pourquoi certains gouvernements sont plus disposés que d'autres à accroître les restrictions afin de réduire le nombre de cas de COVID‑19. Bien qu'il puisse y avoir une tendance à expliquer les différences par des facteurs culturels [...], des explications plus générales liées aux politiques nationales et internationales doivent être explorées.
    Pourriez-vous nous donner plus de contexte sur les explications liées aux politiques nationales et internationales qui doivent être explorées?
    Nous aurons besoin d'une réponse assez brève, madame Yip.
    Le temps est écoulé, mais nous devrions entendre ce que vous avez à dire, monsieur Youde.
    Bien sûr. Merci. Je serai concis.
    Je pense qu'il faut tenir compte de la politique intérieure et du fait que nous venons tout juste d'avoir ce grand congrès national du PCC. Cela entre en ligne de compte. Par le passé, si nous nous penchons, par exemple, sur la réponse de la Chine au SRAS et sur le plan géopolitique, il nous faut aussi examiner les relations qui existaient entre, disons, la Chine et les États-Unis et la façon dont ces relations se sont politisées. Cela s'est répercuté sur la nature des relations et la volonté de collaborer sur la base des normes internationales et des recommandations internationales portant sur les mouvements de marchandises et de personnes pendant la pandémie.
    Merci, monsieur Youde.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron, pour six minutes, au plus.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Manthorpe, vous avez eu vent, par l'intermédiaire des médias, du rapport de l'organisation internationale des droits de la personne Safeguard Defenders. Selon cette organisation, trois postes de police établis dans la région du Grand Toronto serviraient les intérêts de la République populaire de Chine.
    Comment réagissez-vous à ces informations qui circulent? Selon vous, comment le Canada devrait-il réagir à l'établissement de ces postes de police, si cela s'avère être le cas?

[Traduction]

    Monsieur Manthorpe, avez-vous des problèmes avec l'interprétation?
(1905)
    Oui, je le crains. Je n'ai pas entendu l'interprétation. Je pensais avoir fait le nécessaire, mais ce n'est évidemment pas le cas.
    Voici ce que nous allons faire. Je vais remettre le chronomètre à zéro, puisque M. Bergeron a posé une très, très bonne question, je pense.
    Je vous demande, monsieur Bergeron, de dire quelques mots pour voir si M. Manthorpe entend l'interprétation.

[Français]

     Je croyais que tous les tests de son avaient été effectués au départ, monsieur le président.
    Quoi qu'il en soit, est-ce que l'interprétation fonctionne bien?

[Traduction]

    Non. Je n'entends rien malheureusement.
    Si vous cliquez sur le petit globe au bas de l'écran, vous aurez accès à l'interprétation.
    D'accord. Je l'ai maintenant.
    Essayons de nouveau, s'il vous plaît. Je m'excuse. Tout devrait bien aller maintenant.

[Français]

    Monsieur le président et monsieur Manthorpe, entendez-vous l'interprétation en anglais?

[Traduction]

    Oui, je vous entends.

[Français]

    C'est bien.
    Monsieur Manthorpe, vous avez probablement eu vent des rumeurs véhiculées par les médias, qui font état d'un rapport de l'organisation non gouvernementale de défense des droits de la personne Safeguard Defenders, selon laquelle des postes de police officieux auraient été installés par la Chine dans la région du Grand Toronto.
    D'abord, comment réagissez-vous à ces rumeurs? Ensuite, si ces rumeurs étaient avérées, comment le Canada devrait-il réagir?

[Traduction]

    Merci beaucoup. Oui, c'est une bonne question.
    Je pense que ces rumeurs sont fondées. Des démarches ont été faites il y a quelques années, et je crois en avoir parlé dans mon livre, par le consulat à Vancouver qui a demandé officiellement que des policiers chinois soient postés à Vancouver pour aider et protéger les touristes chinois pendant leur visite au Canada. La demande a évidemment été rejetée, mais il ne semble pas que les Chinois aient compris.
    À mes yeux, il est tout à fait inadmissible, cela va de soi, que de telles officines de police puissent s'implanter au Canada. Je doute fort que ce soit seulement à Toronto. J'imagine qu'il y en a probablement aussi à Vancouver. L'idée que ce soit simplement pour que les Chinois puissent renouveler leur permis de conduire et s'acquitter d'autres formalités est insensée. Ce genre de choses se fait correctement par l'entremise du consulat, au besoin.
    Je pense que nos systèmes de droit et de justice doivent servir à éradiquer et à expulser ces opérations policières clandestines. Je pense que ce n'est pas plus compliqué que cela. Nous ne pouvons tolérer la présence de forces policières étrangères au Canada, qu'elles soient de Chine ou d'ailleurs.

[Français]

    Monsieur Youde, dans un balado du Center for Strategic and International Studies, vous abordez le thème de l'influence de la République populaire de Chine au sein de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé. Vous soulignez le rôle que le gouvernement du Canada ou les puissances moyennes pourraient jouer pour convaincre la République populaire de Chine de conférer à Taïwan un statut renforcé au sein de l'OMS, et cela, en employant une diplomatie discrète en santé mondiale.
    Comme on y a fait allusion dans les allocutions d'ouverture, vous avez probablement eu vent des difficultés assez importantes qui sont survenues entre le Canada et la République populaire de Chine ces derniers mois et ces dernières années.
    Comment pensez-vous que le Canada peut jouer un rôle utile dans le renforcement de la position de Taïwan au sein de l'OMS et l'acceptation de ce renforcement par la République populaire de Chine?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question. Elle est d'une importance extrême.
    C'est un défi en ce moment. C'est tout à fait vrai. La géopolitique n'est pas vraiment propice au genre de relations de coopération qui seront nécessaires pour faire face à d'éventuelles pandémies.
    L'amélioration éventuelle de la situation dépendra de l'action de ces puissances dites moyennes — le Canada, l'Australie et, dans une certaine mesure, l'Allemagne —, mais aussi de certaines des puissances moyennes en ascension et de certains des pays nouvellement industrialisés et démocratisés, en particulier en Asie, qui pourraient être en mesure d'exercer une certaine influence et de contribuer à adoucir les points de friction actuels, surtout dans les relations entre les États-Unis et la Chine.
    Les États-Unis n'ont pas en ce moment une influence sur la Chine qui permettrait une relation de coopération. Il y a certainement des tensions extraordinaires entre le Canada et la Chine à l'heure actuelle, mais les deux pays sont probablement susceptibles de trouver quelque recette pour désamorcer cette situation, surtout si elle pouvait comporter une certaine possibilité d'échanges scientifiques, sans perdre de vue les préoccupations soulevées par M. Manthorpe quant à la façon dont l'information qui pourrait être obtenue à la faveur de tels échanges risque d'être utilisée. Ce sentiment de transparence, ce sentiment de confiance et cette possibilité d'engagement seront des éléments clés que les puissances moyennes — des pays comme le Canada — auront la possibilité de susciter beaucoup mieux que, disons, les États-Unis.
(1910)

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Youde.
    Monsieur Manthorpe, en août dernier, le premier ministre a fait part de son intention de créer une équipe spéciale de lutte contre la désinformation et la propagande russes.
    Charles Burton, un ancien conseiller à l'ambassade du Canada en Chine, se demande pourquoi se limiter à la Russie. Selon lui, la campagne de propagande chinoise, qui comprend des théories du complot promulguées par les médias pro-Pékin en langue chinoise au Canada, menace notre démocratie, et a déjà coûté des sièges aux députés canadiens d'origine chinoise aux dernières élections.
    Cela m'apparaît être une affirmation extrêmement lourde de conséquences. Je vous pose donc la question, monsieur Manthorpe: pourquoi se limiter à la Russie?

[Traduction]

    Je vous demande de répondre brièvement à une longue question.
    Vous avez tout à fait raison. Nous ne devrions pas nous limiter à la Russie. Presque tous les médias de langue chinoise au Canada sont maintenant sous le contrôle du Parti communiste chinois. Telle est la situation actuelle. Nous devons trouver un moyen d'y remédier.
    Merci, monsieur Bergeron.
    La parole est à Mme McPherson, pour un maximum de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'aujourd'hui. Ce qu'ils nous ont dit est effrayant, bien sûr, mais aussi très instructif. Merci des témoignages que vous venez de nous livrer.
    Monsieur Manthorpe, nous comprenons que nous devons avoir des relations commerciales avec la Chine. Je pense que ce que nous avons vu avec Xi Jinping et sa consolidation du pouvoir, l'élimination de ses rivaux au sein du PCC, que tout cela va manifestement dans la mauvaise direction. Cependant, sachant que ces relations commerciales nous sont nécessaires, quelle orientation devrions-nous donner à notre diplomatie?
    C'est malheureux, mais nous n'avons pas eu de diplomate en Chine pendant les neuf derniers mois de l'année passée parce que l'ambassadeur Barton a quitté son poste dans des circonstances que je qualifierais probablement d'assez dégoûtantes pour aller travailler chez Rio Tinto.
    Quelle figure devrait‑on donner à notre diplomatie? Quelle diplomatie le Canada devrait‑il pratiquer à l'endroit de la Chine en ce moment?
    Je ne suis pas diplomate, même si j'ai beaucoup d'amis qui le sont. Je pense que notre diplomatie doit être assez sévère. Elle doit tenir compte du fait que le rétablissement d'une relation de travail avec Pékin, même une relation de travail minimaliste, va prendre beaucoup de temps et que beaucoup devra être fait avant que renaisse un lien de confiance. Dans la situation actuelle, chaque diplomate et chaque entrepreneur qui se trouve en Chine risque l'enlèvement si la relation déraille de nouveau. Je pense que nous devons faire savoir très directement, très clairement, que nos attentes sont plutôt minimalistes à ce stade‑ci. Nous avons besoin de beaucoup de garanties de la part de Pékin avant que puisse exister quelque chose de valable quant aux relations de travail.
    C'est un poste des plus difficiles pour n'importe quel diplomate en ce moment. Je ne voudrais pas être à la place de celui qui l'occupe. Cependant, c'est un moment où il nous faut jouer du coude et nous montrer fermes. Il ne s'agit pas d'une relation qui sera rétablie très facilement, certainement pas une relation que les Canadiens vont soutenir et admettre. Je pense que c'est peut-être un moment où les diplomates et les politiciens doivent être davantage à l'écoute des sentiments des Canadiens sur notre relation avec le Parti communiste chinois.
    Pensez-vous que le Canada s'est montré sévère jusqu'à maintenant? Peut‑on raisonnablement s'y attendre de la part de nos équipes diplomatiques?
(1915)
    Je pense que la confusion a été grande ces trois ou quatre dernières années, depuis la détention de Meng Wanzhou. Il y a eu beaucoup de confusion quant à la façon de réagir. Les gouvernements, les entreprises et le milieu universitaire ont soudainement constaté que ce qu'ils croyaient être une relation solide ne l'était pas, et ils ont eu de la difficulté à composer avec la situation. Je connais des diplomates et des gens d'affaires qui ont toujours entretenu de solides relations avec les gens de Pékin et qui sont allés là‑bas pour tenter de désamorcer la situation. Ils en sont revenus complètement perplexes de voir toutes les portes qui se fermaient devant eux.
    Au cours des dernières semaines, en fait, j'ai commencé à sentir que les décideurs à Ottawa, dans le monde des affaires et dans le milieu universitaire ont commencé à comprendre la réalité de la situation actuelle. Je pense que les événements qui se sont produits au congrès du PCC, la détérioration des relations entre Pékin et les États-Unis et les menaces qui pèsent sur Taïwan, concurremment à ce qui se passe entre la Russie et l'Ukraine, ont probablement dessiller les yeux de beaucoup de gens sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontés en ce moment.
    Je siège au comité des affaires étrangères, où nous sommes en train d'étudier un texte législatif sur le travail forcé, sur la main-d'œuvre servile qui, je l'espère, sera rigoureux et qui correspondra à ce que nous voyons ailleurs, comme en Allemagne, dans l'Union européenne et dans d'autres démocraties.
    À votre avis, quelles seront les répercussions sur nos relations avec la Chine de l'adoption d'une telle loi et de son application, chose que nous n'avons vraiment pas bien réussi par le passé?
    Elle n'en sera pas contente, mais nous y voilà. À l'heure actuelle, où nous avons toutes sortes de discussions sur l'esclavage il y a 200 ans, voilà que nous trouvons et achetons dans nos magasins à grande surface des articles fabriqués dans des conditions d'esclavage.
    J'applaudis à ce texte législatif. Il doit être adopté et appliqué, et l'être avec rigueur. Il n'y a absolument aucune justification, aucune justification possible, à ce que des Canadiens se voient offrir dans leurs magasins des produits fabriqués par des esclaves. Il doit être appliqué rigoureusement. Si cela ne plaît pas à Pékin, tant pis.
    Vous avez le temps d'une très brève question et d'une très brève réponse.
    J'ai une question pour M. Youde, mais je vais la garder pour le prochain tour. Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Chong, pour cinq minutes au maximum.
    Ai‑je mal compris? Oh, c'est M. Seeback. D'accord, je cède la parole à M. Seeback.
    Excellent. Merci, monsieur le président.
    Monsieur Manthorpe, dans vos observations, vous avez dit que l'affaire Meng Wanzhou a montré que la Chine se soucie davantage des intérêts d'un oligarque de haut niveau du PCC que de l'ensemble de sa relation avec le Canada. Est‑ce la nouvelle norme dans les relations avec la Chine? Était‑ce un message pour le Canada et d'autres pays? La situation a‑t‑elle pu être exacerbée par l'affaire SNC-Lavalin, dans laquelle il semble y avoir eu une tentative d'ingérence dans une poursuite au moyen d'un accord de poursuite différée? Était‑ce un facteur aggravant, ou pensez-vous que c'est désormais la norme que la Chine appliquera quand elle fera affaire avec le Canada et d'autres pays?
    Je pense que c'est avant tout la nouvelle norme. Je pense qu'il est fort probable qu'il y ait eu quelque espoir d'en arriver à un accommodement politique. Je ne sais pas si l'affaire Lavalin précisément en aurait fait partie.
    Je pense qu'on peut regarder en arrière. Il y a eu un incident antérieur dans lequel un espion de la RPC, détenu ici en vertu d'un mandat des États-Unis, a décidé de ne pas suivre le processus, préférant être extradé aux États-Unis et de commencer une nouvelle vie là‑bas.
    Nous savons tous — comme le montre clairement cette affaire — qu'il y a toujours un élément politique à la fin d'un processus d'extradition. Je n'ai aucun doute que Mme Meng et ses avocats avaient cela à l'esprit, mais je répugnerais à faire un lien particulier avec l'affaire Lavalin. Je n'en sais rien, mais il me semble que beaucoup d'autres raisons pouvaient les amener à penser qu'il pourrait y avoir un accommodement politique à la fin.
(1920)
    En parlant de commerce, vous avez fait remarquer que nous ne pouvions pas avoir des relations commerciales normales. Comment le Canada devrait‑il aborder les relations commerciales? Je sais que le commerce est forcément transactionnel, mais pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, ou étoffer votre remarque?
    Eh bien, c'est une question intéressante. Je ne prendrai pas beaucoup de votre temps, mais je vous dirai très rapidement que, après les sanctions sur l'exportation du porc canadien, on m'a demandé d'en parler à la radio en Saskatchewan.
    J'ai donc fait quelques recherches. Les gens de la Saskatchewan étaient inquiets parce que, disaient-ils, la Chine est le plus grand marché pour le porc canadien, ce qui est tout à fait vrai quant au poids des exportations, mais que pour leur valeur, c'était le Japon qui venait au premier rang. Je pense que vous pouvez trouver de nombreux autres cas où l'importance de nos exportations vers la Chine est surestimée. À titre d'exemple, The Economist a publié l'an dernier un rapport qui classait tous les pays en fonction de l'importance de leurs exportations vers la Chine. Le Canada venait au 47e rang sur cette liste.
    Dans l'ensemble, nos exportations vers la Chine sont loin d'être aussi importantes qu'on a tendance à le dire. Je pense donc que nous pouvons nous en tenir à un commerce minimaliste transactionnel. S'ils veulent acheter notre blé, nos céréales ou notre viande, alors très bien, voici le contrat — signez sur le pointillé —, mais je ne pense pas que nous ayons besoin d'en faire davantage.
    Oui, et surtout pas d'accord de libre-échange. Je sais que vous avez écrit un article à ce sujet en 2017, je crois. Je suppose que votre position n'a pas changé.
    Non. En fait, elle s'est raffermie.
    Vous avez mentionné que le Front uni intimide les Canadiens d'origine chinoise. Vous avez certainement aussi parlé de l'influence qu'elle exerce sur les médias canadiens de langue chinoise. Auriez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet? Que devrions-nous mettre en place pour lutter contre cette influence ou l'éliminer?
    Très rapidement, je pense que vous allez entendre Alex Neve, l'ancien chef d'Amnistie internationale, qui va témoigner. C'est un homme qui est au courant de toutes ces intrusions et qui en a vérifié un grand nombre. Je m'en remets à lui pour cette question. Il est vraiment l'expert qui connaît l'étendue et la profondeur de ces intrusions.
    Il reste du temps pour une très brève question.
    Avez-vous terminé? Merci, monsieur Seeback.
    Nous allons passer à M. Fragiskatos pour cinq minutes au maximum.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Youde, si vous me le permettez, j'aimerais commencer par vous. Je comprends ce que vous dites au sujet des puissances moyennes et de ce qu'elles pourraient faire dans le domaine de la politique mondiale en matière de santé. Je pense que la pandémie a fait ressortir très concrètement la nécessité de collaborer à l'échelle internationale avec des alliés qui partagent nos vues et même avec des pays avec qui nous n'avons pas de valeurs communes, mais il est certain que la santé est un enjeu qui transcende les frontières et qui met en lumière la nécessité d'une coopération.
    Du côté de la Chine, le président Xi, comme les événements de la fin de semaine dernière l'ont fait voir au grand jour, s'intéresse à ce qui se passe à l'intérieur et ne regarde pas vers la scène l'extérieur. Quelles sont les options qui s'offrent aux puissances moyennes qui, voulant faire quelque chose pour promouvoir une politique mondiale en matière de santé, se tourneraient vers la Chine, où je ne crois pas qu'elles voient un partenaire? Vous ne pouvez pas parler à quelqu'un qui refuse de vous répondre et d'avoir une conversation valable avec vous.
    Y a‑t‑il des façons créatives de surmonter ce problème? Les puissances moyennes peuvent-elles en venir à bout? Je pense que vous avez laissé entendre qu'il y a des possibilités et je me demande si vous pourriez nous en dire davantage sur ce point.
    Merci de la question.
    C'est un moment peu favorable à l'ouverture d'un tel dialogue, précisément pour la raison que vous avez soulignée, à savoir que le président Xi montre une tendance à ne s'intéresser qu'aux événements intérieurs.
    Une action qui est possible à mon avis, c'est de faire des ouvertures, de montrer au moins qu'il y a un effort de bonne foi pour tenter d'engager la coopération, ne serait‑ce que pour pouvoir par la suite désigner et dénoncer. C'est l'un des rares pouvoirs réels que peut exercer l'OMS: celui de désigner et de dénoncer les pays fautifs.
    Je pense qu'il peut être important d'étendre cet effort et de travailler dans ce sens avec certains des pays, notamment ceux qui ont de meilleures relations que nous avec la Chine et en particulier ses partenaires et voisins dans la région. Il se peut qu'ils aient un certain niveau d'influence que le Canada, l'Australie ou d'autres pays ne peuvent avoir. C'est peut-être une autre possibilité.
    Je pense qu'il nous faut également reconnaître que les possibilités qu'offre la diplomatie scientifique; nous en avons vu des exemples dispersés. Bien sûr, cela devient plus compliqué du fait que la divulgation d'information que le gouvernement chinois ne voulait pas divulguer donne lieu à des représailles à l'encontre précisément des personnes et des organisations concernées.
    Il n'y a pas de panacée, malheureusement. Il n'y a pas de moyen facile pour réussir, mais des efforts continus seront essentiels aux progrès à réaliser dans ce sens.
(1925)
    Merci beaucoup.
    J'adresse ma dernière question à M. Manthorpe.
    Monsieur, vous avez écrit abondamment sur la montée du nationalisme de droite et du populisme. Dans une lettre publique relativement récente, vous avez écrit que:
[...] même si le Canada n'a pas été frappé aussi durement ou atteint aussi profondément que d'autres démocraties, il y a de nombreux signes avant-coureurs que nos politiciens et nos commentateurs de la scène politique doivent prendre au sérieux.
    Encore une fois, il s'agit du nationalisme de droite et du populisme.
    Quelles sont les conséquences de ce constat, monsieur, sur la politique étrangère du Canada, particulièrement en ce qui concerne les relations entre le Canada et la Chine?
     Je n'y ai pas réfléchi strictement sur ce plan. Je pense que vous faites allusion à un livre que j'ai écrit après Claws of the Panda, qui a pour titre Restoring Democracy. En fait, je m'inquiète un peu plus aujourd'hui de l'état et de l'avenir de la démocratie au Canada qu'à l'époque où j'ai écrit ce livre il y a deux ans. Je pense que nous devons examiner très attentivement cette question.
    Si nous nous retrouvons aux prises avec un nationalisme de droite, cela aura évidemment une incidence sur notre politique étrangère. Je ne crois pas que ce soit aussi inquiétant ici qu'aux États-Unis et dans certains pays d'Europe, comme la Hongrie et, dans certaines circonstances, la Pologne. Cependant, c'est un phénomène que nous devons reconnaître. Notre démocratie exige une attention constante. Je pense que nous avons été trop complaisants au cours des 20 ou 30 dernières années, et nous devons nous asseoir et reconnaître...
    Après la pandémie de COVID‑19, qui a été le révélateur de tant de belles qualités, mais aussi de faiblesses, ce serait probablement un bon moment pour s'asseoir et réfléchir à l'avenir de la démocratie canadienne.
    Monsieur Fragiskatos, votre temps est malheureusement écoulé.
    Nous allons terminer le tour. Nous prendrons le temps qu'il faut.
    Monsieur Bergeron, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Considérant tout ce que nous avons entendu aujourd'hui, j'ai presque le goût de demander à M. Manthorpe en quoi la monarchie le rassure quant à l'état de la démocratie au Canada, mais je vais m'abstenir.
    Au cours de son témoignage du 19 avril 2021, Carolyn Bartholomew, présidente de la United States‑China Economic and Security Review Commission, a indiqué au Comité que les représentants des médias étatiques de la République populaire de Chine aux États‑Unis étaient tenus de s'inscrire auprès du ministère américain de la Justice, en vertu de la Foreign Agents Registration Act.
    Croyez-vous qu'il soit pertinent pour le Canada de se doter d'une telle législation et, le cas échéant, quelle serait son efficacité?

[Traduction]

    Je pense que ce serait une étape très importante. Il importe de savoir qui fait quoi dans notre pays. L'enregistrement des agents étrangers est probablement la première étape, qui devra être suivie de la délimitation des activités qui sont permises ou interdites à ces agents dans notre pays.
    Oui, je pense qu'un registre est une première étape nécessaire.

[Français]

    Monsieur Youde, en quoi est-ce que la non-participation de Taïwan à l'Organisation mondiale de la santé a un effet sur les efforts planétaires visant à prévenir l'occurrence de nouvelles pandémies ou sur les efforts visant à lutter contre d'éventuelles pandémies?
(1930)

[Traduction]

    L'inclusion de Taïwan serait de la plus haute importance.
    Pendant la pandémie de SRAS, Taïwan se classait au deuxième rang pour le nombre de cas. Le fait d'avoir dû passer par le gouvernement de la République populaire de Chine pour obtenir un engagement quelconque entre le gouvernement taïwanais et l'Organisation mondiale de la santé a entraîné un énorme retard.
    De même, lorsque nous nous penchons sur la COVID‑19... Taïwan a eu la chance incroyable d'avoir un vice-président qui était épidémiologiste, donc possédant le genre de compétences et de connaissances qui sont extrêmement importantes dans le travail pour enrayer la propagation et déterminer quels genres d'efforts pourraient être efficaces pour réduire la propagation d'une maladie infectieuse.
    C'est certainement une difficulté. Malheureusement, en ce moment, tout doit passer par la République populaire de Chine, qui est incroyablement réticente à coopérer, à tel point qu'elle a même empêché Taïwan de participer à l'Assemblée mondiale de la santé, qui a lieu chaque mois de mai à Genève et qui est comme un parlement de la santé mondiale.
    Il sera extrêmement important d'obtenir ce genre d'information de Taïwan — toutes les régions du monde sont représentées — si nous voulons être en mesure d'arrêter efficacement la prochaine pandémie.
    Merci, monsieur Youde.
    Nous allons maintenant passer à Mme McPherson pour les deux dernières minutes et demie.
     Merci, monsieur Youde. Je suis d'accord avec vous sur votre dernier commentaire. Je pense aussi qu'il est très important que Taïwan puisse partager son expertise en ce qui concerne par exemple les objectifs de développement durable et un éventail d'autres choses différentes qui sont si importantes et pour lesquelles Taïwan a pris l'initiative.
    Je suis inquiet. Nous entendons aujourd'hui des témoignages selon lesquels le Canada doit, sur le plan diplomatique, être plus sévère. Je pense que quelqu'un a notamment dit que nous devions hausser le ton. D'un autre côté, je vous entends, monsieur Youde, parler de la nécessité que la Chine soit à la table en raison de ces lacunes importantes qui seraient révélées si elle n'y était pas.
    J'aimerais terminer en vous demandant des renseignements supplémentaires. Tout d'abord, quelles sont ces lacunes? Comment pouvons-nous nous assurer de les équilibrer? À quoi ressemble cet équilibre entre la diplomatie sévère et la nécessité que la Chine soit à la table lorsque nous parlons de santé?
    Enfin, à mesure que la Chine se replie sur elle-même, dans quelle mesure les renseignements que nous recevons de ce pays sont-ils dignes de confiance?
     C'est beaucoup de questions. Bonne chance.
    Ma parole, c'est en effet beaucoup de sujets à aborder en deux minutes et demie.
    Pour commencer par le deuxième point, il s'agit d'un cas classique où il faut faire confiance, mais quand même vérifier. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de plusieurs paires d'yeux. Il est important d'obtenir l'information qui vient de sources officielles. Il est également important de nous assurer que nous pouvons trianguler cette information, que nous pouvons nous y fier et que nous pouvons fonctionner efficacement à partir de cette information.
    Les efforts déployés par le gouvernement chinois à l'heure actuelle ne permettront pas d'assurer la sécurité de la population en cas de futures pandémies. C'est la réalité de la circulation transfrontalière des marchandises et des personnes.
     Historiquement, lorsque nous examinons les éclosions de maladies comme laCOVID, le SRAS et certaines éclosions de grippe que nous avons connues, elles venaient de la Chine et de cette région. C'est une bizarrerie géographique à bien des égards, mais cela signifie également qu'il est d'autant plus important que nous ayons la possibilité d'obtenir ce genre d'information et d'effectuer cette surveillance. Ce n'est pas que nous essayons d'espionner ou de faire quoi que ce soit de répréhensible, mais si nous savons quand les éclosions se produisent, si nous savons comment la propagation commence et si nous pouvons observer ces tendances, nous pouvons répondre aux préoccupations plus efficacement et plus rapidement et nous pouvons obtenir la participation de l'Organisation mondiale de la santé et des autres organisations.
    Je ne sais pas si nous devons vraiment faire un choix entre faire preuve de sévérité ou les amener à la table. Comme vous l'avez souligné, il s'agit davantage de trouver un équilibre. Nous avons besoin de mesures sévères, mais nous ne devons quand même pas fermer complètement la porte à la Chine. Cela nous exposerait tous à des risques supplémentaires.
    Sur ce, nous en sommes à la fin de la réunion avec notre premier groupe de témoins, et elle a été fascinante.
    Monsieur Youde et monsieur Manthorpe, nous avons été ravis de vous accueillir.
    Je sais que le deuxième groupe de témoins saura lui aussi nous intéresser. Je suis sûr que si vous le demandez gentiment, vous pourrez rester et écouter, si vous le voulez.
    Sinon, la séance est télévisée quelque part, n'est‑ce pas, madame Vohl?
     La séance est télévisée.
    Oui, la séance est télévisée. Voilà. Il suffit de nous syntoniser.
    Nous allons faire une courte pause.
    Nous allons faire une autre vérification de son avec M. Hamilton, puis, espérons‑le, nous reviendrons dans quelques minutes avec le deuxième groupe de témoins.
    Merci.
(1935)

(1940)
     Nous sommes prêts à commencer la deuxième heure.
    Monsieur Hamilton, nous avons encore de la difficulté à fournir aux interprètes un signal audio assez clair pour qu'ils puissent offrir l'interprétation en français dont nous avons besoin dans le cadre de notre réunion. Nous allons essayer de poser une question — M. Chong sera le premier —, mais si la qualité audio n'est pas à la hauteur, nous allons vous imposer de peut-être nous fournir des réponses écrites. Nous allons vous garder ici pour que vous puissiez répondre à nos questions, si cela vous convient.
    Sur ce, Clive Hamilton, professeur d'éthique publique au campus de Canberra de l'Université Charles Sturt, se joint à notre deuxième groupe de témoins — du moins, l'espérons-nous.
    En vidéoconférence, nous accueillons Stephen Nagy, professeur agrégé principal à l'International Christian University et agrégé supérieur de recherche au Macdonald-Laurier Institute.
    Nous accueillons ce soir Alex Neve, agrégé supérieur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.
    Monsieur Hamilton, voyons si vous pouvez faire une déclaration. Si ce n'est pas possible, puisque nous l'avons fait imprimer, nous ne perdrons pas cet élément si la qualité audio n'est pas assez bonne.
    Nous allons commencer le chronomètre à cinq minutes, mais je devrai peut-être vous interrompre.
     Merci, monsieur le président.
    Toutes mes excuses pour [difficultés techniques] problèmes techniques. Je suis heureux de comparaître devant le Comité [difficultés techniques]
    Non, je suis désolé, monsieur. Cela ne fonctionne tout simplement pas.
    Monsieur le président, je me demande s'il pourrait essayer d'éteindre sa caméra pour voir s'il est possible que nous puissions l'entendre. Il pourrait y avoir un problème de bande passante dans la transmission en provenance de l'Australie.
    Cela permet parfois de régler le problème.
    Effectivement.
    J'ai éteint la caméra.
    Est‑ce mieux, monsieur le président?
    Non, je crains que ce ne soit pas mieux, monsieur. Vous pouvez rallumer votre caméra pour que nous puissions vous voir.
    Comme je l'ai dit, nous avons fait imprimer votre déclaration, qui est donc à notre disposition. Je vais conseiller aux membres de poser des questions, mais si nous pouvions vous imposer de nous fournir des réponses écrites, ce serait très...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Les membres du Comité ont-ils reçu la déclaration?
    On me dit que oui. Ne l'avons-nous pas reçue...?
    Je vois que nous avons reçu la version anglaise.
    Une fois qu'elle aura été traduite, puis‑je demander qu'elle soit distribuée à tous les membres et qu'elle soit déposée comme témoignage dans le cadre de notre étude?
    Le président: Bien sûr.
    Les réponses peuvent également être annexées.
    Exact.
    Nous veillerons à ce que les réponses écrites que nous recevrons soient traduites et transmises comme il se doit.
    Cela dit, c'est malheureux, car dans le cadre des travaux du Comité, nous donnerons également des instructions à nos analystes pour notre rapport. Je suppose que nous devrons en tirer le meilleur parti possible.
    Sur ce, monsieur Nagy, vous pouvez faire une déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes ou moins, monsieur.
    Pour vous donner un peu de contexte, je suis basé à Tokyo. J'ai vécu à Tokyo et j'observe les relations entre la Chine et le Canada depuis Tokyo, mais j'ai aussi passé cinq ans à Hong Kong.
    J'aimerais commencer par une déclaration, et je pense qu'elle est vraiment importante. La règle fondamentale de la diplomatie consiste à ne jamais faire de choix binaires. Je pense que c'est vraiment essentiel au moment où nous discutons des relations entre le Canada et la Chine et de la façon dont nous avançons dans ce dossier.
    En 2021, selon un rapport de Statistique Canada, l'ensemble de nos échanges commerciaux de produits agricoles avec la Chine a augmenté. Cette relation agricole et l'exportation d'autres matières premières vers la Chine continuent de s'approfondir malgré des notations défavorables records. Je pense que c'est vraiment important. Cela nous permet de réfléchir aux avantages économiques d'une relation avec la Chine et aux réalités de la politique.
    Deuxièmement, je pense que nous avons de nombreux défis à relever à l'échelle mondiale et régionale auxquels nous devons réfléchir en ce qui concerne nos relations avec la Chine. Qu'il s'agisse de questions de sécurité non traditionnelles comme les maladies transnationales ou de problèmes environnementaux, la Chine fera partie de la solution. Par conséquent, nous devons trouver et bâtir des ponts.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais me concentrer sur trois questions précises qui, à mon avis, sont vraiment essentielles pour réfléchir aux relations entre le Canada et la Chine.
    La première est l'intention générale de la Chine d'affaiblir les institutions internationales et de redéfinir notre conception de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit.
    Deuxièmement, et c'est important à mon avis, il faut examiner les campagnes d'influence politique au Canada qui ciblent particulièrement les Canadiens d'origine chinoise et la façon dont elles influent sur notre démocratie et font qu'il est particulièrement difficile de créer une politique cohérente, rationnelle et fondée sur des faits pour établir une coexistence productive, quoique difficile, avec la Chine.
    Troisièmement, je pense qu'il est très important de bien comprendre que la Chine a l'intention, dans la région indopacifique, de réorganiser l'architecture de la sécurité régionale afin que des États aux vues similaires, comme le Japon, la Corée du Sud et l'Australie se soumettent à la volonté de Pékin avant d'envisager leurs propres priorités dans la région.
    Cela dit, je pense que le Canada a tout intérêt à travailler avec des pays aux vues similaires, qu'il s'agisse des États-Unis, du Japon, de l'Australie ou de la Corée du Sud, pour renforcer la collaboration en vue d'établir un ordre fondé sur des règles, et cela signifie travailler au sein des Nations unies, du Fonds monétaire international et de l'Organisation mondiale de la santé pour veiller à ce qu'un processus transparent et fondé sur des règles permette de protéger ce système international et les puissances moyennes, comme le Canada, contre une approche de politique étrangère fondée sur la force.
    En ce qui concerne mon deuxième point, à savoir les campagnes d'influence politique au Canada — et le Canada n'en est pas la seule victime, car l'Australie et d'autres pays en font également les frais —, il est vraiment essentiel que nous protégions non seulement nos citoyens sino-canadiens, mais aussi que nous nous assurions que nos entreprises canadiennes, dans leurs interactions avec la Chine, gardent toujours les intérêts canadiens à l'esprit. Cela signifie qu'il faut accroître la transparence dans les médias de langue chinoise, comprendre qui sont les propriétaires de ces médias et assurer une meilleure compréhension, au sein de la communauté chinoise au Canada et de la communauté canadienne en général, des types d'opérations que le Département du travail sur le front uni déploie au Canada pour façonner nos choix politiques ainsi que nos relations avec la Chine.
    La troisième question vraiment importante selon moi consiste à comprendre l'importance d'une présence plus forte et avant-gardiste dans la région indopacifique qui appuie un ordre fondé sur des règles. Des échanges commerciaux d'environ 5,5 billions de dollars américains transitent par la mer de Chine méridionale, la mer de Chine orientale et Taïwan et ses environs. De ce montant, environ 25 milliards de dollars d'échanges commerciaux canadiens entrent dans la région et en sortent. Toute forme de friction dans la région, comme dans l'éventualité où la Chine procéderait à la réunification de Taïwan, aura une incidence fondamentale sur l'économie régionale et sur les intérêts économiques du Canada dans la région.
    Il est essentiel que nous travaillions avec des partenaires aux vues similaires, comme le Japon, les États-Unis, la Corée du Sud et l'Australie, pour mener ce que nous appelons des « opérations de transit »., en veillant à ce que la connaissance de la situation maritime soit solide et en cernant les défis posés par les Chinois en ce qui a trait aux opérations dans la zone grise, aux activités de « guerre des lois » et, bien sûr, au recours à la force.
    Il est essentiel que le Canada continue de collaborer avec la Chine par des voies de coopération clés, comme la coopération environnementale, le commerce, la réflexion sur la coopération non traditionnelle en matière de sécurité pour lutter contre les maladies transnationales, la piraterie et la pêche illégale, mais en même temps, nous devons tracer des lignes de démarcation solides et favoriser la transparence au pays et dans nos relations bilatérales.
(1945)
     Nous devons sensibiliser davantage les Canadiens et les politiciens canadiens à ce qui se passe dans les relations sino-canadiennes et dans l'ensemble de la région indopacifique.
    Merci, monsieur Nagy. Je pense que nous devrons nous arrêter là pour le moment, mais vous aurez plus de choses à dire, et je suis certain que vous le ferez dans vos réponses.
    Nous passons maintenant à M. Neve, pour cinq minutes ou moins.
     Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité spécial ce soir.
    Il n'est peut-être pas surprenant que mon message principal soit simple, à savoir qu'un engagement ferme à l'égard des droits de la personne doit être au cœur même de tous les aspects de nos relations avec la Chine. J'aimerais formuler quatre recommandations pour aller un peu plus loin en ce sens.
    Je ne vais pas me concentrer sur les nombreux groupes qui courent de graves risques en matière de droits de la personne chaque jour en Chine, y compris les Ouïghours, les Tibétains, le peuple de Hong Kong, les adeptes du Falun Gong, les défenseurs des droits de la personne et les défenseurs de la démocratie. Bien sûr, nous pourrions consacrer toute la séance à l'un ou l'autre de ces groupes. J'ai déjà eu l'occasion de le faire. Mes recommandations de ce soir sont plus générales.
    La première, c'est que nous devons prendre des mesures beaucoup plus concertées au nom des Canadiens qui sont injustement emprisonnés en Chine, ainsi qu'au nom des parents de Canadiens qui ont fui la persécution en Chine et qui sont coincés à l'étranger en attendant de retrouver et de se réinstaller avec leur famille. Il faudrait peut-être nommer un envoyé spécial chargé de s'occuper de ce genre de cas lorsque des Canadiens et des résidents permanents sont emprisonnés en Chine, en contravention des normes internationales en matière de droits de la personne.
    Je pense, bien sûr, à Huseyin Celil, un Canadien d'origine ouïghoure qui est emprisonné depuis plus de 16 ans et qui n'a pas vu ses quatre enfants grandir à Burlington. Sa famille n'a eu aucune nouvelle de lui depuis cinq ans.
    Je pense à Sun Qian, citoyenne canadienne et adepte du Falun Gong, qui est emprisonnée depuis 2017 et qui a été condamnée à huit ans de prison en 2020. Elle aurait renoncé volontairement à sa citoyenneté canadienne. On n'a eu aucune nouvelle d'elle depuis deux ans.
    Je pense à Ayoub Mohammed, Salahidin Abdulahad et Khalil Mamut, trois Ouïghours qui ont fui la Chine en 2001. Ils ont été remis aux forces américaines en Afghanistan par des chasseurs de primes et se sont retrouvés à Guantanamo. Après plusieurs années de cette injustice dystopique, ils ont été libérés par le gouvernement américain et réinstallés aux Bermudes et en Albanie il y a plus d'une décennie, au terme d'ententes diplomatiques absurdes. Ils sont tous mariés à des citoyennes canadiennes ou à des résidentes permanentes. Ils ont tous des enfants canadiens. Depuis des années, ils cherchent à retrouver leur famille ici, au Canada, mais leurs efforts ont été bloqués à chaque occasion. Nous pouvons faire beaucoup mieux.
    Deuxièmement, pour reprendre les propos de Jonathan Manthorpe, nous devons nous attaquer plus directement au harcèlement des défenseurs des droits de la personne au Canada qui travaillent à faire respecter les droits de la personne en Chine, particulièrement en ce qui concerne les Ouïghours, le Tibet, Hong Kong et le Falun Gong. Ces actions illégales et parfois violentes contre des activistes au Canada émanent du gouvernement chinois et de ses agents. Maintenant, nous avons ajouté à cette combinaison l'établissement des trois postes de police mentionnés plus tôt, à au moins trois endroits au Canada.
     L'intimidation s'étend à la famille en Chine. Des Canadiens d'origine ouïghoure racontent que des membres de leur famille ont été détenus et menacés de représailles pour leur activisme au Canada. Des Canadiens d'origine tibétaine disent avoir été forcés de signer des formulaires renonçant au dalaï-lama s'ils souhaitent obtenir des visas pour voyager afin de rendre visite à leurs proches.
    L'impact souhaité est clair. C'est pour réduire au silence les activistes et les membres de la communauté. Amnistie internationale, au nom de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, a préparé deux rapports exhaustifs à ce sujet, en 2017 et en 2020, avec de nombreuses recommandations à l'intention du gouvernement canadien. Malheureusement, très peu de progrès ont été réalisés depuis.
    De plus en plus, les activistes ne se donnent même pas la peine de signaler les incidents. Ils trouvent le processus trop déroutant pour savoir à qui s'adresser ou ils sont découragés par des tentatives antérieures qui n'ont rien donné. La société civile a établi un plan d'action que nous pourrons aborder lors de la période des questions si vous le souhaitez.
    Troisièmement, nous avons besoin d'un plan d'action pangouvernemental en matière de droits de la personne pour orienter les relations entre le Canada et la Chine. Les préoccupations relatives aux droits de la personne en Chine ne peuvent pas se limiter au bureau des droits de la personne d'Affaires mondiales. Les droits de la personne sont liés à tous les aspects de cette relation, y compris le commerce, l'environnement, la santé, les ressources naturelles, la sécurité nationale et bien plus encore. Nous avons besoin d'un plan d'action en matière de droits de la personne — nous en avons besoin depuis des années — qui s'applique à l'ensemble de l'administration fédérale et qui, idéalement, engloberait aussi les administrations provinciales, territoriales et municipales.
    Enfin, il y a un besoin urgent et croissant de consacrer des ressources spécialisées à la promotion d'une stratégie multilatérale sérieuse en ce qui concerne la Chine et les droits de la personne.
(1950)
     Sur la scène mondiale, la Chine réussit depuis longtemps à échapper à l'examen, sans parler des conséquences, de son bilan catastrophique en matière de droits de la personne. D'autres gouvernements sont fallacieusement incités, trompés et même menacés afin qu'ils votent contre les très rares résolutions qui ont été présentées aux Nations unies au fil des ans.
    Plus tôt ce mois‑ci, une résolution proposant un débat au Conseil des droits de l'homme des Nations unies au sujet du récent rapport du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme sur la situation des Ouïghours a été rejetée. Seulement 17 des membres du Conseil des droits de l'homme des Nations unies — soit un peu plus du tiers — ont voté en faveur de cette résolution.
(1955)
    Monsieur Neve, je dois vous interrompre puisque c'est le moment de passer à la période des questions.
    Je cède maintenant la parole à M. Chong. Vous avez six minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser quatre brèves questions à M. Hamilton. J'espère qu'il pourra répondre par écrit à la greffière et à vous, monsieur le président.
    Tout d'abord, le coordonnateur national de la lutte contre l'ingérence étrangère en Australie est en place depuis 2018. Quel est le rôle du coordonnateur et dans quelle mesure le bureau a‑t‑il été efficace dans la lutte contre l'ingérence étrangère?
    Deuxièmement, l'Australie est généralement considérée comme un modèle pour les pays occidentaux dans la lutte contre la menace d'ingérence étrangère. Qu'est‑ce que le Canada peut apprendre de l'Australie pour renforcer sa résilience face à l'ingérence étrangère de la République populaire de Chine, la RPC?
    Troisièmement, parmi toutes les mesures prises récemment par l'Australie pour contrer l'ingérence étrangère de la RPC, lesquelles ont été les plus efficaces?
    Ma quatrième question pour le professeur Hamilton est la suivante: le fait de ne pas pouvoir adhérer à l'AUKUS — le récent traité de défense entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis — et de ne pas participer à un dialogue quadrilatéral sur la sécurité représente‑t‑il une occasion ratée pour le Canada, et pourquoi, ou pourquoi pas?
    Ce sont mes quatre questions, monsieur le président, auxquelles j'aimerais que M. Hamilton réponde.
    J'aimerais aussi poser quelques questions à M. Neve.
    Vous avez mentionné que les droits de la personne devraient être au centre de notre approche à l'égard de la République populaire de Chine. Vous avez mentionné l'établissement de trois postes de police illégaux au pays, dans la région du Grand Toronto.
    J'ai une question concernant les radiodiffuseurs contrôlés par l'État qui obtiennent des licences du gouvernement ici au Canada. Des preuves ont permis d'établir que ces radiodiffuseurs d'État chinois ont violé les droits de la personne en diffusant des aveux forcés de prisonniers d'opinion. Comme vous le savez également, il y a plusieurs mois, le CRTC a retiré des ondes Russia Today, RT, parce que c'est un radiodiffuseur contrôlé par l'État qui diffuse de la désinformation. Dans certains cas, il pourrait même contrevenir au droit international.
    Pensez-vous que les licences du CRTC pour les radiodiffuseurs contrôlés par l'État chinois qui exercent leurs activités ici au Canada devraient être révoquées?
    Je ne répondrai pas de façon catégorique par oui ou par non, parce que je ne connais pas suffisamment ces dossiers. Je suis cependant bien au courant des allégations et des préoccupations.
    Ce qui est évident, toutefois, c'est qu'il ne peut absolument pas y avoir deux poids, deux mesures. Il y avait des raisons très claires, convaincantes et convaincantes de révoquer la licence du radiodiffuseur russe. Ces mesures devraient s'appliquer non seulement parce que nous avons accru les préoccupations et la surveillance à l'égard de la Russie en plein milieu de la crise en Ukraine. Les mêmes préoccupations, approches, normes et principes devraient également être appliqués aux médias d'État chinois. Il n'y a aucun doute que nous devrions examiner de très près toute préoccupation concernant la façon dont ces médias constituent un moyen de propager, de faire avancer ou de promouvoir les violations des droits de la personne.
     Pour que les choses soient bien claires, monsieur le président, je ne suis pas du tout en faveur de l'interdiction de la presse écrite ou des médias non assujettis au CRTC, parce que je crois en la liberté d'expression fondamentale.
    Je pense qu'il est dangereux pour le gouvernement d'interdire la liberté d'expression dans la presse écrite, mais je ne crois certainement pas que le gouvernement du Canada ait l'obligation d'accorder une licence à des radiodiffuseurs contrôlés par l'État, comme ceux qui exercent leurs activités à partir de la Russie ou de la Chine sur nos ondes réglementées par le gouvernement.
    J'ai une deuxième question avant de manquer de temps. Vous avez mentionné dans votre deuxième recommandation que la lutte contre le harcèlement des défenseurs des droits de la personne au Canada doit être une priorité, et nous savons que le problème est réel. Nous avons même vu récemment au Royaume-Uni des gens qui protestaient au consulat à Manchester être violemment agressés par le personnel diplomatique accrédité avant que la police britannique n'intervienne et ne mette fin à l'agression physique.
    Nous savons ici que des militants pour la démocratie à Hong Kong ont été harcelés, que des gens qui défendent les droits des Ouïghours et des Tibétains ont été harcelés par des mandataires agissant au nom de Pékin. Quelles sont les deux ou trois choses que le gouvernement ne fait pas et qu'il devrait faire pour mieux protéger la sécurité de ces Canadiens ici?
(2000)
    J'ai mentionné le fait que deux rapports assez complets qui ont été présentés au gouvernement en 2017 et en 2020 contenaient un certain nombre de recommandations. Celles‑ci ont été préparées par Amnistie internationale, mais au nom de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, qui comprend des représentants ouïghours, tibétains, du Falun Gong et de Hong Kong. C'est une coalition très vaste.
    Certaines de ces recommandations étaient très simples et auraient pu être mises en oeuvre en quelques mois. Par exemple, l'un des problèmes que les activistes trouvent les plus frustrants et très décevants est la réaction des organismes d'application de la loi ou de sécurité lorsqu'ils cherchent... Lorsqu'un problème se produit, qu'il s'agisse d'intimidation, de surveillance en ligne ou même d'un acte de violence, il arrive souvent qu'ils soient ballottés d'un organisme à un autre. La réponse que l'on obtient invariablement, c'est que ce n'est pas vraiment un problème pour la GRC, mais pour la police municipale, ou que ce n'est pas vraiment une question de maintien de l'ordre et qu'ils devraient s'adresser au SCRS, ou que ce n'est pas vraiment une question de renseignement, alors ils devraient soulever la question auprès des Affaires étrangères, et les gens abandonnent.
    On a recommandé la création de ce que nous avons appelé un centre d'échange, un bureau qui coordonnerait les efforts des ministères et des organismes qui ont tous leur part du gâteau, parce qu'à l'heure actuelle, le processus est éparpillé et inefficace.
    Nous allons devoir nous arrêter ici. Je suis désolé, monsieur Neve, mais le temps de M. Chong est écoulé — il a même été un peu dépassé, en fait, mais ça va.
    Nous allons maintenant passer à M. Oliphant, qui profitera, à n'en pas douter, de la même latitude.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les deux témoins d'être ici ce soir.
    Je voulais commencer par M. Nagy. Je suis en train de trier quelques-unes de vos observations.
    Vous avez dit dans votre exposé qu'il était important pour le Canada de collaborer avec ses alliés dans le cadre de sa stratégie géopolitique et pour éclaircir ses relations avec la Chine, et vous avez parlé des États-Unis, du Japon, de l'Australie et d'autres pays. Vous avez également écrit qu'il est important que le Canada se distingue des États-Unis dans son approche à l'égard de l'Indopacifique, qui comprend la Chine.
    Je me demande en quoi nous devrions nous distinguer? Sur les questions de sécurité nationale ou internationale, ou encore sur le commerce? À votre avis, dans quels domaines devrions-nous nous aligner et où devrions-nous nous différencier, particulièrement par rapport aux États-Unis?
     Je pense qu'il est essentiel que nous continuions à nous assurer d'être un intervenant indépendant en ce qui concerne nos relations bilatérales avec la Chine et aussi nos relations avec l'Indopacifique. Si nous nous alignons de trop près sur les États-Unis, surtout en ce qui concerne l'approche axée sur la sécurité des rapports avec la Chine, nous risquons de devenir une autre victime de la politique américaine.
    La Chine a compris — et elle utilise souvent l'expression « tuer les poulets pour effrayer les singes » — que la meilleure façon de diluer l'approche américaine dans la région consiste à travailler avec ses partenaires les plus faibles. Les partenaires les plus faibles comprennent le Canada, l'Australie, la Corée du Sud — dans une certaine mesure — et les pays européens.
    Dans nos relations avec la Chine, nous devons nous assurer d'avoir une politique moins axée sur la sécurité que celle des États-Unis, et nous devons trouver des occasions de recourir à la diplomatie canadienne pour travailler de concert avec la Chine. En même temps, je pense qu'il est très important que nous travaillions de façon concertée avec les États-Unis, le Japon, l'Australie et d'autres partenaires pour promouvoir le commerce et un ordre fondé sur des règles, lutter contre les violations des droits de la personne dans la région, et vraiment faire comprendre à la Chine que, pour ce qui est d'influer sur son comportement, le Canada a une approche légèrement différente. Je pense que cela va continuer d'être important pour que nous puissions coexister, quelles que soient les difficultés, avec un État en pleine croissance dont les valeurs sont vraiment différentes des nôtres.
(2005)
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à vous deux, et elle s'appuie sur celle‑ci parce que nous avons entendu des témoignages contradictoires ce soir. Mme McPherson en a également parlé.
    Nous avons entendu... Un témoin a dit ce soir que nous ne devrions pas entretenir de relations diplomatiques avec la Chine, mais il a aussi dit que nous devrions rebâtir notre relation avec la Chine, alors je ne comprends pas très bien ce qu'il voulait dire. Cependant, la semaine dernière, un professeur de l'Université Queen's nous a dit que la question n'est pas de savoir si nous devons entretenir ou non une relation avec la Chine — parce qu'elle existe, qu'elle est importante et qu'elle a une grande incidence —, mais plutôt quelle sorte de relation nous voulons entretenir avec la Chine.
    J'essaie simplement de comprendre, parce que dans le contexte de la santé, nous avons également entendu ce soir qu'il était absolument essentiel pour la santé de la population mondiale que nous trouvions une façon de travailler avec la Chine en raison de son importance dans les questions de santé. On nous dit aussi que nous devrions nous retirer de la Chine ou parfois même l'isoler.
    Pour vous deux, j'essaie simplement de comprendre cette dichotomie. Je parle de dichotomies ce soir. Il me reste environ un peu plus d'une minute pour vous entendre tous les deux à ce sujet.
     C'est un pays de 1,4 milliard d'habitants. Nous avons des intérêts communs en environnement et en santé. Nous devons trouver un moyen de travailler avec la Chine. Elle est riche en ressources qui peuvent être mises à profit pour relever ces défis. Je pense que ce sont des domaines clairs ou des interconnexions où le Canada pourrait travailler avec la Chine.
    Bien sûr, il y a des lignes rouges où nous devons être très francs. Nous devons être transparents. Nous devons faire comprendre à la Chine qu'en matière de droits de la personne, d'ingérence dans notre démocratie et d'ingérence dans les démocraties des pays d'optique commune comme le Japon et l'Australie, nous ferons front commun avec nos partenaires pour protéger le système dont nous avons profité et qui est au cœur même de notre prospérité.
    Monsieur Neve, qu'en pensez-vous?
    Nous ne saurions ne pas avoir de relation avec la Chine. Ce ne serait dans l'intérêt de personne, et en particulier des nombreuses collectivités en Chine dont les droits de la personne sont si fragiles et sont violés tous les jours. Pour moi, cela rejoint la nature de cette relation.
    Je reviens à mon message principal, à savoir que nous devons faire encore beaucoup plus pour mettre, délibérément et de façon réfléchie, les droits de la personne au centre de tous les aspects de cette relation.
    Nous avons fait un travail extraordinaire. J'ai pu le constater moi-même au fil des ans auprès des diplomates — tant à l'édifice Pearson qu'à notre ambassade — qui ont le dossier des droits de la personne. Cependant, beaucoup trop souvent, d'autres éléments de la relation, que l'on pourrait sans doute littéralement observer dans tous les ministères, ne font pas la moindre place aux droits de la personne. Je pense que de nombreuses occasions nous échappent de ce côté‑là. Si cela définissait la relation, nous nous sentirions beaucoup plus à l'aise en la constatant.
    Vous avez mentionné le vote décevant du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Cela m'a fait prendre conscience de tout le travail à faire avec nos alliés et amis et des gens qui ne partagent pas notre optique.
    Êtes-vous d'accord?
    Absolument. C'est pourquoi je commençais à dire que nous avons besoin d'une stratégie multilatérale spécialisée et dotée de ressources suffisantes, car nous observons bien trop souvent une sorte de folle bousculade chaque fois que se présente une occasion ou un défi au Conseil des droits de l'homme des Nations unies ou ailleurs...
    Non, vraiment?
    ... et cela ne s'inscrit pas dans une stratégie proactive, à long terme et bien planifiée de mise en place des éléments pour commencer à convaincre la Chine de façon significative dans certains de ces contextes.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
     Merci beaucoup.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être des nôtres ce soir.
    Monsieur Nagy, je vais revenir sur la réponse que vous avez donnée à la première question posée par M. Oliphant, à qui vous avez dit que la République populaire de Chine s'en prenait aux alliés les plus faibles des États‑Unis.
     Sachant que les partenaires les plus vulnérables ou les plus faibles des États‑Unis sont visés par la République populaire de Chine, qui tente de les isoler, n'est-ce pas au contraire un argument qui milite en faveur d'un rapprochement et d'une coordination plus étroite avec les États‑Unis?
(2010)

[Traduction]

    Merci beaucoup de votre question.
    Encore une fois, nous devons adopter une approche nuancée dans notre coopération avec les États-Unis quand il s'agit de travailler avec la Chine. La Chine sait que les alliés des États-Unis, comme l'Australie et même les pays européens, sont beaucoup plus vulnérables à la coercition chinoise. Si nous travaillons de trop près et avons une relation hypersécurisée avec les États-Unis face à la Chine, les Canadiens et les entreprises canadiennes pourront se retrouver dans une position où ils pourraient être contraints de favoriser cette relation ou être utilisés à cette fin.
    Les cas de Michael Kovrig et de Michael Spavor illustrent très bien comment les Canadiens ont été utilisés pour changer la relation et affaiblir le partenariat entre les États-Unis et le Canada. Nous avons été chanceux qu'ils puissent finir par sortir de la Chine. Encore une fois, notre relation et les choix que nous faisons avec les États-Unis doivent être très finement calibrés et nuancés.
    Le renforcement d'une relation sécurisée face à la Chine mettra les entreprises canadiennes et les Canadiens en danger en Chine. C'est pourquoi nous devons continuer de réfléchir à la façon dont le Canada peut se donner une approche complémentaire de celle des États-Unis, une approche, toutefois, qui comprendra par ailleurs très bien comment nous pouvons servir d'instrument pour l'exercice de pressions sur les États-Unis.

[Français]

    Monsieur Nagy, j'avoue que je n'arrive pas encore à saisir tout à fait la nuance que vous essayez de nous expliquer. Ce que vous nous dites semble davantage militer en faveur d'un renforcement de la relation du Canada avec les États‑Unis. Quoi qu'il en soit, je vais passer à une autre question.
    Depuis la constitution du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine lors de la précédente législature, trois ministres des Affaires étrangères se sont succédé.
    Le premier d'entre eux, le ministre Champagne, nous avait promis une nouvelle politique sur la Chine. Or, voilà qu'il n'est plus question d'une nouvelle politique sur la Chine, mais d'une nouvelle politique sur la région indo-pacifique.
     Certaines mauvaises langues disent que c'est une façon pour le gouvernement d'esquiver la nécessité d'avoir une politique sur la Chine, tandis que d'autres personnes pensent que c'est plutôt une façon de favoriser une synergie entre les États de la région indo-pacifique, dans le but de mieux encadrer les actions de la République populaire de Chine. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    J'estime qu'il est essentiel de pouvoir collaborer avec la Chine dans le cadre d'une stratégie indopacifique. La Chine fait partie de la région; elle n'est pas la région. En arrivant dans la région, nous travaillons avec des pays d'optique commune comme le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et Singapour, et d'autres, comme le Vietnam, qui ont des systèmes politiques différents. Avec ces partenaires, nous pouvons créer une région plus robuste, institutionnalisée et à base de règles, susceptible de moduler le comportement des Chinois à long terme.
    Le Canada n'en fait pas partie... Nous utilisons l'expression « si ce n'est pas à la table pour la création et le soutien des règles régionales, c'est au menu ». C'est un élément essentiel de notre relation avec la Chine: créer et façonner la région indopacifique avec des pays d'optique commune qui ont d'importantes ressources complémentaires des ressources canadiennes.

[Français]

     Monsieur Neve, vous avez terminé votre allocution d'ouverture en parlant du vote qui a eu lieu en octobre dernier au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, où un projet a été rejeté par une mince majorité.
     La secrétaire générale d'Amnistie internationale, Agnès Callamard, a réagi en déclarant que ce vote mettait le principal organe des Nations unies chargé des droits de la personne dans la position grotesque d'ignorer les conclusions du propre bureau des droits de la personne de l'ONU.
    Selon vous, dans quelle mesure ce vote du Conseil des droits de l'homme est-il représentatif de l'influence croissante de la République populaire de Chine dans les institutions et organisations internationales? En quoi cela traduit-il la stratégie que poursuit la République populaire de Chine par l'entremise des institutions internationales?
(2015)

[Traduction]

     Très brièvement, je vous prie, monsieur.
    Bien.
    Ma foi, absolument, je pense que cela reflète très bien l'influence croissante de la Chine dans ces institutions, et au sein du Conseil des droits de l'homme en particulier. Cela reflète aussi plus largement d'autres problèmes qui existent au sein du conseil. Cela ne reflète pas seulement le rôle de la Chine; je trouve très révélatrice la mesure dans laquelle la Chine a activement et résolument déployé tous ses moyens pour bloquer la résolution.
    C'est pourquoi, pour revenir à ma réponse à la question de tantôt de M. Oliphant, je pense que le Canada doit résolument s'attaquer, avec ses partenaires, à l'élaboration et à la mise en place d'une stratégie très globale, dotée de ressources et tournée vers l'avenir sur la façon de réagir au dysfonctionnement, à la division et à l'érosion de l'influence de la Chine dans ces institutions.
    Merci beaucoup.
    Madame McPherson, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être là ce soir. Je sais qu'il est tard.
    Monsieur Neve, j'aimerais revenir sur certaines des questions que mon collègue, M. Bergeron, a posées au sujet de la forme que prendrait cette stratégie multilatérale. Manifestement, le Canada a un rôle à jouer. Nous avons un rôle diplomatique ou un rôle de puissance moyenne que nous pouvons jouer, mais si nous voulons une stratégie tournée vers l'avenir pour ne pas être toujours pris au dépourvu lorsque ces choses‑là arrivent, à quoi cela ressemblerait‑il, au juste? Pouvez-vous me donner plus de détails sur ce que le Canada devrait faire tout de suite pour qu'il en soit ainsi?
    Certes, ce n'est pas une stratégie que nous élaborons en vase clos. Nous avons là un exemple très clair de stratégie à élaborer en collaboration avec plusieurs partenaires, et pas seulement les États-Unis, l'Europe de l'Ouest et l'Australie. Considérant certains des votes que nous avons vus récemment sur certaines des déclarations concernant les Ouïghours et Hong Kong, etc., on peut croire qu'il commence à y avoir quelques autres pays disposés à s'amener à la table pour travailler à la bonne cause.
    La stratégie doit être élaborée avec eux. En effet, vous avez tout à fait raison de dire que si nous travaillons seuls ici, à Ottawa, pour formuler une stratégie sur la façon de traiter avec la Chine au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, cela sera largement inefficace. Nous devons vraiment commencer à réfléchir aux relations et aux acteurs à mettre éventuellement à contribution. Il nous faut augmenter le nombre de pays qui se sont rassemblés jusqu'à maintenant, et amener de vrais experts à réfléchir à tout cela.
    Oui. Nous parlons du Conseil des droits de l'homme, mais il y a d'autres institutions multilatérales où le même genre de consensus ou de renforcement de la collectivité est très important, je suppose.
    Certes, un autre aspect que je constate — nous l'avons vu avec le vote, jusqu'à un certain point — est l'influence croissante de la Chine en Afrique subsaharienne, à la faveur du retrait d'autres partenaires traditionnels des pays d'Afrique subsaharienne. Pouvez-vous nous dire un mot des répercussions que cela entraîne et nous expliquer comment contrer cette influence?
    Je pense que cela devrait être un volet clé de la stratégie, car il ne fait aucun doute que la tendance est très réelle. Le problème ne s'arrête pas au Conseil des droits de l'homme. Nous l'avons vu, et c'était très problématique, avec ce vote, bien sûr. L'empreinte économique de la Chine en Afrique subsaharienne est immense. Elle est utilisée de toutes sortes de façons dans ces genres de vote.
    J'ai parfois l'impression que nous nous contentons d'un rôle de spectateur. Nous devons nous unir avec d'autres pays qui partagent la même préoccupation pour trouver des stratégies concrètes sur la façon de réagir, que ce soit en commençant par réagir de façon significative à cette présence croissante sur le terrain dans les pays d'Afrique subsaharienne, par exemple, ou en pratiquant des approches différentes de la création d'une relation au sein de certaines institutions.
     Oui. Je dirais que le Canada et d'autres pays ont laissé un vide très facile à combler lorsqu'ils ont abandonné un grand nombre de ces pays.
    Monsieur Nagy, j'aurais une question à vous poser, aussi. L'influence croissante de la Chine m'inquiète également. J'aimerais bien que vous puissiez nous faire part de vos réflexions sur l'influence croissante de la Chine en Afrique subsaharienne, ainsi que sur la menace croissante que représente la Chine dans l'Arctique canadien.
    Merci beaucoup de votre question.
    En Afrique subsaharienne, l'influence première de la Chine tient à tout ce qui se rapporte à l'aide et à tout ce qui se rapporte à l'initiative de La Ceinture et la Route. Cela entraîne des relations de dépendance grâce à la création d'une connectivité d'infrastructure dans la région.
    Vous avez mentionné l'Afrique subsaharienne. Selon moi, nous devrions nous préoccuper davantage de régions comme le Congo, qui a des réserves de terres rares. Le gouvernement chinois est bien déterminé à monopoliser ces matériaux de terres rares afin de s'emparer du marché pour exercer de nouvelles pressions sur les alliés des États-Unis qui dépendent de ces matériaux de terres rares pour la production de produits électroniques. Ces terres rares sont utilisées dans nos véhicules et dans bien d'autres choses.
    Je pense que l'initiative La Ceinture et la Route est absolument essentielle. Nous devrions nous intéresser aux endroits où elle se déploie en Afrique et voir comment elle vise la monopolisation des minéraux essentiels.
    Dans le cas de l'Arctique, j'estime qu'il est prématuré de dire que les Chinois sont très proactifs dans la région, d'abord parce qu'ils n'ont pas les ressources, et ensuite parce qu'ils n'ont pas non plus l'expertise. Par ailleurs, ils ont actuellement de la difficulté à s'installer dans la région.
    La plupart des données indiquent qu'ils finiront par s'intéresser à l'acquisition de ressources dans l'Arctique, lorsque le réchauffement planétaire ouvrira l'accès à l'océan Arctique, et créera ainsi des possibilités d'exploitation des ressources. Par contre, comment vont-ils déployer les ressources? La question reste sans réponse pour l'instant.
    Rien n'indique qu'ils tiennent à déployer des ressources militaires; ils en sont plutôt à un stade prématuré de l'acquisition de l'expertise pour exploiter les ressources.
     Comment vont-ils s'y prendre? Il est très probable qu'ils coopéreront avec les Russes, ce qui compliquera davantage la situation. Un point que nous n'avons pas soulevé dans la discussion d'aujourd'hui est l'alignement de la Chine et de la Russie sur de nombreux enjeux.
(2020)
    Vous avez le temps pour une question très brève et une réponse rapide.
    Vous me donnez toujours ces questions très rapides. Je vais la garder pour le prochain tour.
    Merci.
    Très bien. Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Dancho, pour cinq minutes ou moins.
     Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être là aujourd'hui. J'ai été très attentive à votre expertise et à votre témoignage d'aujourd'hui.
    J'ai d'abord quelques questions pour M. Nagy.
    J'écoute ce que vous dites. Corrigez-moi si je me trompe, mais vous semblez souhaiter que nous prenions nos distances avec nos alliés américains dans une relation de sécurité en réponse à la Chine et que nous nous tournions plutôt vers d'autres alliés et institutions internationales comme l'Organisation des Nations unies, l'Organisation mondiale de la santé et le Fonds monétaire international.
    Ai‑je bien compris ce que vous avez dit?
    Non. Encore une fois, je répète qu'il est très important de coopérer avec notre plus proche allié, les États-Unis. Nous devons aussi être conscients de la façon dont le degré de coopération que nous entretenons peut nous amener à servir d'agent de stimulation de la concurrence entre les États-Unis et la Chine. C'est arrivé avec l'arrestation de Michael Kovrig et de Michael Spavor. La coercition économique contre l'Australie en est un autre exemple.
    Nous devons trouver et enfiler l'aiguille afin de coopérer avec les États-Unis, mais, du même coup, nous devons trouver une façon indépendante d'intervenir.
    Merci beaucoup.
    Vous avez dit spécifiquement que si nous nous rapprochons de... Je crois que le mot que vous avez utilisé tout au long était « sécurisé ». Je ne suis pas trop sûre.
    Je crois que vous voulez parler de notre relation de sécurité avec les États-Unis. Si nous nous rapprochons et nous alignons plus étroitement, avez-vous dit, nous pourrions mettre en danger des Canadiens et des entreprises canadiennes en Chine. N'est‑ce pas ce que vous avez dit?
    Oui, j'ai dit cela.
    Très bien.
    Vous ne seriez pas d'accord, donc, pour que nous entretenions des relations avec l'AUKUS, par exemple — qui, comme vous le savez, est un accord de sécurité entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie — ou avec le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité entre l'Inde, le Japon, l'Australie et les États-Unis. Nous devrions, à votre avis, ne pas y adhérer.
    Non, et je me suis prononcé explicitement et par écrit là‑dessus.
    J'ai dit que le Canada devrait collaborer avec le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité de façon ponctuelle et fonctionnelle, non pas comme membre, mais pour chercher des modes de coopération en sécurité maritime. Si vous observez l'évolution du Dialogue quadrilatéral, vous verrez qu'il y est question de coopération technologique, d'infrastructure et de coopération en connectivité. Même chose à l'AUKUS.
    Je pense que l'aspect sous-marins nucléaires de l'AUKUS occupe un vaste espace médiatique, mais le véritable domaine de coopération du Canada est l'intelligence artificielle et l'informatique quantique. Nous avons déjà attribué des budgets à des partenariats internationaux pour la coopération en intelligence artificielle et informatique quantique. Nous devrions être des partenaires à part entière dans ces domaines et mettre à contribution nos ressources et nos excellentes institutions, avec nos experts, pour ajouter de la valeur au Dialogue quadrilatéral et à l'AUKUS dans ces domaines particuliers.
     Merci, monsieur.
    Nous avons récemment entendu nos hauts gradés de l'armée canadienne, qui ne partagent pas du tout vos vues sur la nécessité de nous aligner sur nos alliés pour l'équipement et l'approvisionnement de défense. Nos généreux semblent avoir une autre opinion sur la protection de notre souveraineté canadienne. Je pourrais continuer, mais nos experts en défense ne semblent pas très bien alignés sur votre position en la matière.
    Diriez-vous, alors, que nous devrions consacrer notre temps à l'Organisation des Nations unies, par exemple? À votre avis, est‑ce là que nous devrions mettre un peu plus de temps?
(2025)
     Je pense que l'ONU est une institution compromise.
     Encore une fois, nous devrions travailler avec les pays d'optique commune, et je ne crois pas que nous devrions nous concentrer uniquement sur la coopération pour la défense. Nous pourrions travailler à l'élargissement de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste afin de pouvoir façonner les règles de la région qui pourraient éventuellement influencer le comportement des Chinois. Nous pouvons parler de coopération numérique. Nous pouvons parler de coopération en intelligence artificielle et informatique quantique.
    La défense, c'est important, mais il y a bien d'autres partenaires au sein de la région qui peuvent nous faciliter un rapprochement avec l'Indopacifique, de même qu'avec la Chine, sans l'articuler strictement sur la défense.
    Compris:
    J'ai quand même certaines réserves sur votre position, en ce sens que les États-Unis sont la seule puissance au monde qui peut vraiment rivaliser sur tous les plans avec la Chine. Je ne pense pas que vous puissiez être en désaccord là‑dessus.
    Quant à l'idée de prendre nos distances avec notre plus fort et notre plus vieil allié et de nous tenir loin des accords internationaux avec nos alliés qui comprennent les États-Unis, l'AUKUS et le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, je pense que c'est un peu dangereux. Plus on s'éloigne des États-Unis, plus on risque de se faire faire mal.
    Je comprends très bien votre point de vue sur les deux Michael, mais je pense que le problème tient peut-être davantage au fait que le président des États-Unis et notre premier ministre n'ont pas une relation assez solide. Pour moi, il y a quelque chose à dire là‑dessus. Cela dit, j'ai des réserves sur votre position.
     Je vais conclure, monsieur le président.
    Vous avez dit tantôt que nous devons nous aligner sur l'Organisation des Nations unies, le Fonds monétaire international et l'Organisation mondiale de la santé, mais comme M. Neve l'a signalé, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a refusé de condamner le génocide des Ouïghours en Chine. J'ai des réserves sur les priorités que vous avez exposées aujourd'hui, mais je comprends très bien votre perspective.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Dancho.
    Nous passons maintenant à M. Cormier, pour cinq minutes ou moins.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Messieurs Nagy et Neve, je pense que vous avez tous deux une certaine expertise concernant nos relations commerciales. Nous avons accueilli plusieurs témoins qui avaient des opinions un peu différentes sur nos relations commerciales avec la Chine.
     Pensez-vous que le Canada peut vraiment se passer de la Chine en matière de commerce, de ce qu'il importe de la Chine et même de ses exportations? J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.
     Le Canada peut-il vraiment se passer de ses relations commerciales et d'affaires avec la Chine sans que cela ait une incidence directe sur l'économie du Canada et ses entreprises?

[Traduction]

    Sur la nature de nos rapports d'affaires et notre relation commerciale avec la Chine, encore une fois, dans ma perspective, j'estime qu'il faut accorder plus d'importance aux droits de la personne.
    Pendant plus de 20 ans, dans mon précédent rôle de secrétaire général d'Amnistie internationale, je ne saurais compter le nombre de fois que d'autres dirigeants de la société civile et moi-même avons présenté aux gouvernements des deux parties une série de recommandations sur la façon dont il faudrait intégrer beaucoup plus directement les considérations de droits de la personne dans la détermination de la nature et de l'étendue de notre relation d'affaires — pas pour l'éliminer ni même nécessairement la limiter, mais pour mettre délibérément les droits de la personne au cœur de son mandat, notamment dans l'évaluation des répercussions sur les droits de la personne, par exemple, et en faisant en sorte que les considérations de droits de la personne imprègnent la nature des missions commerciales, et bien plus encore.
     Nous n'avons pas vraiment vu cela. Selon moi, c'est par là que nous devons commencer pour nous attaquer vraiment à la nature de nos relations d'affaires.

[Français]

    Merci, monsieur Neve.
    Monsieur Nagy, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord avec M. Neve pour dire que les droits de la personne devraient faire partie intégrante de nos relations commerciales, notamment avec la Chine. Par contre, je pense que nous devons réfléchir à la grande région et aux partenaires que nous devons nous faire dans la région.
    Si les droits de la personne à la canadienne sont le test décisif de l'engagement économique dans la région, nous allons nous priver des partenaires stratégiques qui seront essentiels pour nouer une relation résiliente avec la Chine et une relation dans la grande région du Pacifique qui entraînera la Chine dans une direction plus positive au fil du temps.
    Nous devrions continuer de faire du commerce, tout en mettant les droits de la personne au cœur de cette relation, lorsque nous le pouvons, et dans tous les contextes possibles. Pour façonner un comportement pour le long terme, nous devons établir des partenariats, puis rester sensibles aux différentes natures hétérogènes des gouvernements et à leurs approches des droits de la personne dans la région.
(2030)

[Français]

     Je vous remercie.
    Nous sommes tous d'accord que les droits de la personne devraient être au centre de tout cela. Cependant, changer une façon de faire établie depuis de nombreuses années et aller chercher d'autres partenaires commerciaux, c'est plus facile à dire qu'à faire. Les stratégies que nous voulons mettre en place vont certainement faciliter cela.
    Je comprends votre point de vue, mais il reste qu'il va certainement y avoir un effet majeur sur l'économie du Canada et d'autres pays. Selon une étude récente, Taïwan produit 60 % des semiconducteurs et 90 % des micropuces de la planète. Cela rendrait une invasion de Taïwan par la Chine potentiellement dévastatrice pour l'économie de plusieurs pays. Puisque Taïwan est l'un des seuls pays qui peuvent nous fournir ces produits, il ne semble pas y avoir d'autres options.
    Comment pouvons-nous alors stabiliser la situation le plus rapidement possible et trouver d'autres options? Comment pouvons-nous sécuriser les entreprises et l'économie du Canada à cet égard?

[Traduction]

     Encore une fois, nous avons besoin d'une réponse brève, je vous prie, monsieur.
    Monsieur Cormier, vous avez tout à fait raison. Les centaines de milliers d'emplois dont jouissent les Canadiens dans l'industrie automobile sont directement liés aux puces de semi-conducteurs basées à Taïwan et fabriquées à Taïwan.
    Cela signifie que, désormais, il sera crucial que le Canada collabore avec le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, les États-Unis et peut-être l'Allemagne et d'autres pays ayant ces capacités, afin de diversifier de façon sélective certaines de ces chaînes d'approvisionnement en faveur de pays d'optique commune, et de pays sûrs, disons‑le très franchement.
    Toutefois, cela ne devrait pas signifier que nous ne faisons pas de commerce avec la Chine dans d'autres domaines. Le terme clé ici est « diversification sélective » à l'extérieur de la Chine dans les chaînes d'approvisionnement qui sont essentielles, et dont les deux principaux exemples sont les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques.
    Merci, monsieur Nagy.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    La ministre Joly a souligné que la stratégie de développement du Canada pour la région indo-pacifique viserait à compléter les efforts déployés par des partenaires partageant les mêmes idées, y compris la vision japonaise pour cette région.
    Monsieur Nagy, selon vous, pourquoi la ministre Joly s'est-elle donné la peine de préciser que la stratégie indo-pacifique inclurait la vision du Japon?

[Traduction]

    Mme Joly était à Tokyo il y a deux semaines. Nous l'avons accueillie ici à l'ambassade du Canada, et avons eu une excellente discussion. Les Canadiens et les Japonais ont présenté un plan d'action en six points pour la coopération dans la région. Ce plan est axé sur la coopération environnementale, le renforcement de la connaissance du domaine maritime et le soutien d'une structure à base de règles. Il met l'accent sur les zones de sécurité non traditionnelles.
    Le Japon est le pays le plus influent de la région à l'extérieur du Japon. Il est un excellent partenaire par l'approche nuancée avec laquelle il aborde sa relation avec les Chinois. En même temps, il s'est fait le champion de l'établissement de nouveaux partenariats dans la région pour la constitution d'une masse critique de pays qui entraînera la Chine dans une autre direction. Il le fait en liant la connectivité des infrastructures aux politiques de développement et en renforçant la résilience des chaînes d'approvisionnement. Pour moi, ce sont là des domaines où le Canada pourrait éventuellement collaborer directement avec le Japon et d'autres pays d'optique commune, encore une fois pour développer la résilience dans la relation et attirer la Chine dans une direction positive avec le temps.
    Voilà l'aspect essentiel auquel nous songeons: comment nous, avec les pays d'optique commune comme le Japon, pouvons amener la Chine dans une direction plus positive avec le temps.
(2035)

[Français]

    À l'instar de M. Chong et dans la foulée des questions qu'il a posées à M. Hamilton, je conclurais par deux questions.
    Quelles ont été les conséquences des actions entreprises par l'Australie pour tenter de réagir à l'influence de la Chine sur sa politique? Quelles ont été, pour l'Australie, les conséquences de la mise en place de toutes ces mesures par ce pays?

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Nous allons maintenant vous confier les deux dernières minutes et demie, madame McPherson.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Neve, j'ai deux ou trois autres questions à vous poser sur la situation des droits de la personne en Chine.
    Une chose m'inquiète: lorsque le gouvernement chinois se replie sur lui-même, que notre relation se refroidit — ou continue de se refroidir, devrais‑je dire —, je crains fort que cela se répercute sur notre capacité de réaction en faveur des Canadiens illégalement détenus en Chine. Comment gérons-nous cela? Nous voudrions voir Huseyin Celil réuni avec ses proches, mais le resserrement de notre approche avec la Chine diminue‑t‑il nos chances de succès?
    Je pense que vous soulignez une tension des plus troublantes qui est la réalité depuis pas mal d'années et qui ne fait que s'aggraver. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles plusieurs groupes de la société civile, et certainement la famille de M. Celil, ont formulé diverses propositions pour avoir une sorte d'expert ou d'envoyé ou de représentant spécial. Dans ce cas, c'est quelqu'un qui aurait un rôle très précis de défense de la cause de M. Celil.
    Il ne s'agit pas de faire un coup d'éclat. De fait, je pense qu'on peut imaginer qu'il s'agirait d'une personne œuvrant très discrètement dans les canaux diplomatiques, solidement appuyée par ses relations, peut-être dans le cadre d'autres types de rapports dans le monde des affaires, etc.
    J'ajouterais que le cas de M. Celil est peut-être le plus déchirant et le plus convaincant à l'heure actuelle, mais nous pourrions rapidement dresser une longue liste de tous les citoyens canadiens et résidents permanents du Canada des 20 dernières années qui se sont retrouvés injustement détenus. Les défis liés à l'accès et aux personnes à qui parler ont toujours existé.
    Je pense que nous avons vraiment besoin d'une expertise spécialisée dans ce dossier.
    Je songerais aussi à la protection de ces gens‑là en Chine, à Hong Kong, dans certaines des régions qui sont les défenseurs des droits de la personne, qui veulent poursuivre leur travail pendant que la Chine se replie sur elle-même. De toute évidence, ces gens‑là doivent être exposés à de grands risques. Comment pouvons-nous agir de façon préventive pour aider ces groupes, ces personnes qui travaillent aux droits de la personne, dans des mouvements prodémocratiques, à échapper aux persécutions et leur donner toute la protection que nous pouvons?
    Rien n'importe plus, selon moi.
    Pour revenir à l'une de mes autres recommandations sur la nécessité d'une stratégie pangouvernementale des droits de la personne pour le Canada, l'idée même de vraiment renforcer le rôle, le travail effectué par les travailleurs de première ligne en droits de la personne dans tout le pays... Il y en a beaucoup, et ils sont extrêmement vulnérables. Même face à la répression, ils poursuivent leur travail, mais notre stratégie devrait s'articuler sur la mise en œuvre de tous les moyens pour protéger cet espace.
    Merci beaucoup.
    Voilà qui met fin à des témoignages fascinants, et nous vous remercions beaucoup, monsieur Neve et monsieur Nagy.
    Monsieur Hamilton, on me dit que nous avons vos notes d'allocution. Nous les faisons traduire et elles seront remises aux membres du Comité d'ici demain après-midi. Lorsque vous le pourrez, voudriez-vous transmettre vos réponses aux questions qui vous ont été posées. La greffière dit qu'elle vous fera un gâteau ou quelque chose comme cela si vous les lui envoyer demain. Mais cela pourrait aussi bien aller à la première heure après-demain, parce que nous avons deux excellents analystes qui vont se charger de faire la synthèse de tous les détails que nous avons reçus au cours de nos quelques dernières réunions.
    Allez‑y, monsieur Chong.
    Puis‑je également vous demander, monsieur le président, de faire distribuer à tous les membres du Comité les réponses à mes questions lorsque vous les aurez? Merci.
(2040)
    Absolument, et elles seront traduites également.
    Merci encore.
    Nous allons faire une pause avant de nous attaquer aux travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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