Bienvenue à la 44e réunion du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit dans le cadre de son étude des relations entre le Canada et la République populaire de Chine.
J'ai une brève communication. Nous avons assisté aujourd'hui, pendant la période des questions, à un incident acoustique très problématique pour nos interprètes, et nous vous demandons de bien vouloir tenir les écouteurs aussi loin que possible des microphones. Veuillez les déposer sur le petit autocollant qui se trouve sur la table, et tout ira bien. Je suis sûr que je n'ai pas besoin d'en dire plus à ce sujet.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Les membres du Comité participent en personne dans la salle et à distance par l'entremise de l'application Zoom.
Les participants sur Zoom ont bien entendu le choix de la langue d'interprétation au bas de leur écran.
Nous avons une liste des intervenants pour les participants dans la salle qui souhaitent prendre la parole, mais si vous souhaitez intervenir, veuillez lever la main. La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour veiller à ce que tout le monde soit reconnu dans l'ordre.
Nous nous réunissons aujourd'hui sur la question de la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Aujourd'hui, nous accueillons Son Excellence Maria Andrelita Sacramento Austria, ambassadrice de la République des Philippines, Myca Magnolia Fischer, chef de mission adjointe et Leo Marco Vidal, troisième secrétaire.
Madame l'ambassadrice, vous disposez de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
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Bonsoir, monsieur le président, vice-présidents et membres du Comité. Je vous remercie de la très aimable invitation qui nous a été faite.
Lorsque j'étais jeune fonctionnaire au sein du ministère des Affaires étrangères des Philippines, l'une de mes premières tâches a été de participer à la série d'ateliers sur la gestion des conflits potentiels dans la mer de Chine méridionale organisée par l'Indonésie et financée par l'Agence canadienne de développement international. Dès le début de ma carrière, j'ai pris conscience du rôle important joué par le Canada dans la région indo-pacifique.
Cette année, les Philippines et le Canada célèbrent 75 ans de relations bilatérales. Même s'il y a beaucoup à célébrer, on ne peut nier le fait que la toile de fond géopolitique de notre partenariat n'est plus la même. Dans l'allocution qu'elle a donnée à Toronto il y a sept mois, , a décrit en termes frappants la situation sur la scène mondiale.
Elle a déclaré ce qui suit:
Notre monde est marqué par les turbulences géopolitiques; par l'imprévisibilité et par l'incertitude. Les plaques tectoniques de l'ordre mondial bougent sous nos pieds. Et les structures qui s’appuient sur elles sont en train de se fracturer.
Les Philippines, qui subissent 150 tremblements de terre par année, comprennent bien cette analogie. En effet, le monde est à un tournant décisif. Dans notre région, les tendances récentes à l'agression, à la militarisation et à la course aux armements menacent nos terres prometteuses d'un avenir incertain.
Aujourd'hui, je souhaite partager avec vous sept réalités auxquelles nous faisons face dans la région indo-pacifique et qui ont été exposées par le président Marcos lors du récent Dialogue du Shangri‑La.
Tout d'abord, la dynamique de cette région est telle que son avenir est façonné non pas par une ou deux puissances, mais par de nombreux acteurs. Le fait d'aborder ces questions sous l'angle des rivalités entre puissances ne tient pas compte de la situation réelle sur le terrain et élimine les interventions des puissances moyennes, comme les Philippines et le Canada.
Deuxièmement, la concurrence stratégique entre la Chine et les États-Unis imprègne le paysage régional en pleine évolution. Cette rivalité limite les choix stratégiques des États de la région. Elle exacerbe les dossiers chauds et crée de nouveaux dilemmes en matière de sécurité.
Troisièmement, nous reconnaissons le rôle central de l'ANASE dans le façonnement du paysage de la région indo-pacifique. Elle doit rester l'intervenante principale de l'architecture de sécurité régionale, quel que soit le nombre de partenariats minilatéraux émergents. L'ANASE a été — et restera dans un avenir prévisible — le terrain neutre où toutes les autres puissances du monde interagissent et se mobilisent régulièrement. Les Philippines devraient présider l'ANASE en 2026.
Quatrièmement, pendant que des considérations géopolitiques continuent d'imprégner l'infrastructure de la gouvernance mondiale, le multilatéralisme doit s'efforcer de faciliter les mesures prises à l'échelle mondiale en réponse à des défis tels que les urgences en matière de santé publique, les crises humanitaires et le changement climatique. Les Philippines se sont toujours efforcées de rendre le multilatéralisme plus constructif, plus inclusif et plus équitable.
Cinquièmement, l'espace commun mondial restera essentiel à la sécurité de tous les États de la région. Dans le cadre du développement international, il est essentiel de favoriser l'accès des pays à la haute mer et à l'espace extra-atmosphérique ainsi que l'utilisation pacifique de la science et des technologies.
Sixièmement, le changement climatique reste un défi meurtrier pour la région et le monde. Il s'agit de la première menace véritablement mondiale.
Enfin, les technologies de pointe pourraient résoudre un grand nombre de nos problèmes de longue date, mais elles sont si puissantes qu'elles pourraient également perturber nos ordres politiques et sociaux.
Ces sept réalités brouillent les pistes que nous devons suivre dans notre parcours collectif à titre de communauté de nations. C'est dans ce contexte que nous accueillons favorablement la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, qui démontre clairement que le Canada a décidé d'être un partenaire actif, engagé et fiable. Lors de sa visite à Manille l'année dernière, la , a fait savoir au président Marcos que le moment était venu de faire preuve d'ambition. Le président a immédiatement répondu en déclarant qu'il fallait se mettre au travail.
Nous avons reçu nos directives et nous avons déjà observé des progrès très prometteurs. Au cours de la première moitié de l'année en cours, les Philippines ont accueilli deux ministres canadiens de premier plan, soit le et le , ainsi que deux députés.
Le Bureau Indo-Pacifique du Canada pour l’agriculture et l’agroalimentaire a été inauguré à Manille en février, afin de renforcer les partenariats, faire progresser la coopération technique et aider les exportateurs canadiens à trouver de nouveaux débouchés commerciaux.
Des experts canadiens en cybersécurité se sont également rendus aux Philippines, tandis qu'une mission commerciale philippine sur le nucléaire a été organisée au Canada au mois de mars.
Le mois dernier, notre ministre des Affaires étrangères, le secrétaire Enrique Manalo, est venu au Canada et a rencontré quatre ministres fédéraux et de nombreux députés dans le but d'établir un partenariat solide, réactif et mutuellement avantageux.
Les Philippines comptent parmi les amis les plus proches et les plus anciens du Canada dans la région indo-pacifique et elles sont le partenaire le plus ancien de tous les pays de l'ANASE. Grâce au million de Canadiens d'origine philippine qui vivent au Canada, nous ne sommes pas seulement des amis, nous sommes une famille. Même si nous sommes situés de part et d'autre de l'océan Pacifique, nous effectuons tous deux des investissements importants dans l'édification d'une architecture régionale fondée sur des règles qui garantira la paix et la stabilité de la région que nous partageons.
Nous sommes déterminés à coopérer avec le Canada et d'autres pays aux vues similaires pour faire en sorte que la région indo-pacifique demeure un moteur de la croissance mondiale et une plaque tournante de l'épanouissement personnel.
Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs. Maraming salamat po.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, madame l'ambassadrice, d'être ici aujourd'hui.
Vous avez d'abord parlé des tensions militaires dans la région, et j'allais donc vous demander quelle était la position de votre gouvernement à l'égard de l'ANASE. À titre de composante de l'architecture multilatérale régionale — pour reprendre un terme que vous avez utilisé à plusieurs reprises dans votre déclaration préliminaire —, dans quelle mesure êtes-vous satisfaite des performances de l'ANASE en matière de réduction des tensions?
Je tiens à souligner que la semaine dernière, dans la zone économique exclusive des Philippines, un navire des gardes-côtes de la République populaire de Chine a bloqué l'un de vos navires de ravitaillement.
Pouvez-vous expliquer au Comité le point de vue de votre gouvernement au sujet de l'ANASE et préciser si c'est un outil utile? Parvient-elle à réduire les tensions? On a l'impression qu'elle ne parvient pas à réduire les tensions dans la région.
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Nous allons reprendre là où nous en étions.
Je vous remercie, encore une fois, Votre Excellence, ainsi que votre collaborateur et votre collaboratrice, d'être des nôtres ce soir. Vos commentaires nous seront des plus utiles pour l'étude que nous faisons présentement sur la Stratégie du Canada pour l'Indo‑Pacifique.
Comme vous avez pu le constater par les questions de mes collègues, nous sommes un peu fascinés par ce forum qu'est l'ANASE, soit l'Association des nations de l'Asie du Sud‑Est. Vu d'ici, ce forum nous semble un peu étrange, dans la mesure où on y retrouve des pays qui, pour certains, sont des démocraties et, dans certains cas, des régimes plus autoritaires. Certains pays ont une relation plus amicale avec la République populaire de Chine, alors que d'autres pays ont une relation plus tendue avec la République populaire de Chine. Certains pays ont une relation plus amicale avec les États‑Unis d'Amérique, alors que d'autres ont une relation plus tendue avec les États‑Unis d'Amérique. Malgré tout, tout cela tient en place et le groupe parvient à poursuivre la mission qu'il s'est donnée.
Ma question est fort simple, et j'ai déjà eu l'occasion de la poser à des témoins antérieurs: peut-on imaginer une ligne rouge qui ne devrait pas être franchie par la République populaire de Chine pour mettre à mal la neutralité de l'ANASE? On peut penser, par exemple, aux différentes violations, aux différentes agressions dont sont victimes vos garde-côtes, pêcheurs dans la mer de Chine méridionale.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup, Votre Excellence, d'être ici aujourd'hui.
Je remercie votre équipe de s'être jointe à vous.
L'une de mes préoccupations en ce qui concerne la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, c'est que je ne pense pas qu'elle accorde suffisamment d'importance aux droits de la personne. Nous avons exercé des pressions pour que l'on y traite davantage de ces droits, et nous réclamons depuis longtemps que le Canada accorde plus d'attention aux droits de la personne dans ses relations diplomatiques, commerciales et de sécurité avec d'autres pays.
Plusieurs organisations de défense ont exprimé de graves préoccupations au sujet du bilan en matière de droits de la personne des gouvernements qui se sont succédé aux Philippines. En fait, tant à Ottawa que dans ma circonscription d'Edmonton Strathcona, des Philippins m'ont fait part de leurs préoccupations au sujet des droits de la personne dans leur pays. On s'inquiète notamment des exécutions extrajudiciaires, des bombardements aériens aveugles de zones civiles et des attaques contre des militants politiques, des journalistes, des membres de syndicats et des Autochtones. Je constate que le bilan en la matière semble s'améliorer sous l'égide du gouvernement actuel qui permet maintenant à des experts des droits de la personne des Nations unies d'entrer au pays.
J'aimerais simplement vous poser deux questions. Premièrement, quelles mesures votre gouvernement prend‑il en réponse aux préoccupations soulevées par les Philippins au sujet des droits de la personne?
Deuxièmement, votre gouvernement a‑t‑il accepté de coopérer avec la Cour pénale internationale dans le cadre de ses enquêtes sur les crimes contre l'humanité, y compris pendant la guerre antidrogue?
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Je vous remercie de cette question très importante. C'est quelque chose qui nous tient beaucoup à cœur.
Le Canada a été un partenaire très important des Philippines en matière de coopération au développement, mais j'ai constaté que le Canada ne laisse pas une empreinte très marquée dans la région, surtout à ce chapitre de la coopération, car sa démarche est plutôt discrète. J'ai même déjà parlé d'une empreinte « invisible », du fait que le Canada participe à de nombreux projets différents, mais à petite échelle.
Nous avons recommandé à nos interlocuteurs d'Affaires mondiales Canada de consulter le gouvernement philippin afin que nous puissions travailler ensemble à des projets de développement qui auront une plus grande incidence. Par exemple, il y a les bourses et programmes d'échanges éducationnels pour le développement Canada‑ANASE. Il s'agit de bourses pour des programmes d'études ou de recherche de huit mois. Il peut y avoir 100 chercheurs aux Philippines qui font des travaux sur 100 sujets différents. Nous avons suggéré que l'on investisse, par exemple, dans des programmes de maîtrise dans des domaines qui sont importants pour nous, comme la recherche scientifique marine, compte tenu de la dégradation de notre environnement marin. Si le Canada pouvait financer 10 chercheurs qui font leur maîtrise ou leur doctorat en recherche scientifique marine, cela pourrait avoir un impact énorme et tangible tout en allant tout à fait dans le sens des objectifs de développement national des Philippines.
Je tiens à vous remercier, madame l'ambassadrice, de témoigner devant ce comité.
Vous avez mentionné une chose importante, qui me tient à cœur, et c'est la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, mais surtout le fait que nous avons pour la première fois un bureau pour l'agriculture et l'agroalimentaire à Manille. Au Canada, nous avons de la chance. Nous avons de vastes terres alors que nous sommes 40 millions d'habitants. De votre côté, vous avez près de 120 millions de personnes qui se partagent 300 000 kilomètres carrés de masse terrestre.
Par conséquent, lorsque nous parlons de sécurité, il est évidemment important de nourrir sa population. Je veux simplement que vous nous parliez de ce que cela a signifié pour vous lorsque le était là en février pour annoncer l'ouverture officielle du bureau. Plus important encore, il a dit que les agriculteurs canadiens sont maintenant prêts à nourrir une partie de votre population, qu'il est important de maintenir cette relation à l'échelle humaine et, surtout, que l'alimentation est toujours un facteur important dans les discussions et l'établissement de relations.
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Je remercie le président pour cette question très importante et pour la grande contribution que le Canada a apportée aux Philippines en matière de sécurité alimentaire.
La sécurité alimentaire est une très grande priorité. Lorsque le était à Manille, j'ai eu le privilège de m'y trouver en même temps.
Il y avait un côté personnel à cette histoire. Une ONG des Philippines achète des graines de pommes de terre de semence Granola qui viennent de l'Île‑du‑Prince-Édouard, les apporte aux Philippines et les distribue à au moins cinq collectivités autochtones sur place. Grâce à ces semences, la productivité des producteurs de pommes de terre de ces cinq régions a presque doublé. À l'occasion de la visite du , huit ou dix de ces agriculteurs ont fait six heures de route à partir de leurs collectivités montagneuses pour présenter leurs récoltes au ministre.
J'en ai été témoin, et c'était un rappel très touchant de l'aide que le Canada a fournie et de la collaboration... La possibilité que les relations bilatérales améliorent la vie des gens sur le terrain est très importante pour nous. En travaillant ensemble et en tirant parti des relations bilatérales, nous pouvons assurer un meilleur avenir à de nombreuses personnes.
À mon avis, c'est une occasion en or pour les relations entre les Philippines et le Canada.
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Merci, monsieur le président.
Tout au début de mai dernier, les Philippines, le Japon, les États‑Unis et l'Australie ont tenu la deuxième réunion des chefs de la défense de ces quatre pays à Hawaï, la première ayant eu à Singapour, le 3 juin 2023. Au cours de cette rencontre, les chefs de la défense ont réaffirmé leur vision partagée d'une région indo‑pacifique libre, ouverte, sécuritaire et prospère. Ils ont par ailleurs exprimé de graves préoccupations concernant la situation en mer de Chine orientale et en mer de Chine méridionale. Ils se sont vivement opposés à l'utilisation dangereuse de navires de la garde côtière et des milices en mer de Chine méridionale.
En septembre 2023, vous vous en souviendrez, dans le cadre de la Stratégie du Canada pour l'Indo‑Pacifique, deux navires de la Marine royale canadienne ont pris part à des exercices navals communs avec la marine philippine en mer de Chine méridionale.
Pensez-vous que l'ensemble des pays qui partagent cette vision de l'Indo‑Pacifique devraient prendre part à ces rencontres des chefs de la défense?
J'ai une question complémentaire à vous poser. Pourquoi, selon vous, le Canada n'en fait-il toujours pas partie?