CACN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 6 mai 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bienvenue à la 41e réunion du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour poursuivre son étude des relations entre le Canada et la République populaire de Chine.
Comme l'indique le communiqué que le Président a fait parvenir à tous les députés le lundi 29 avril, nous avons un certain nombre de mesures en place pour aider à prévenir les réactions acoustiques.
Je pense que depuis le temps, vous vous êtes tous habitués aux nouveaux casques d'écoute qui se trouvent dans les salles de comité. Ils sont normalement débranchés, et vous pouvez donc les brancher. Assurez-vous de les déposer sur l'autocollant qui se trouve sur le bureau devant vous. L'idée est de les tenir loin du microphone pour éviter les réactions acoustiques, qui ont blessé certains de nos interprètes. Dieu sait que nous avons besoin d'eux. Nous n'en avons pas assez dans certains cas, et nous devons donc garder ceux que nous avons.
Il y a des fiches sur la table. Vous y trouverez l'ensemble des directives, mais je suis certain, comme je l'ai dit, que vous savez maintenant tous comment prévenir les réactions acoustiques pour nos interprètes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride.
Un certain nombre de députés sont à l'écran. Vous savez comment utiliser l'application Zoom pour vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas et comment avoir accès à la traduction.
Je mentionne pour les témoins qu'ils doivent attendre que je les nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône de microphone pour activer leur micro. Veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour l'interprétation, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français.
À titre de rappel, tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Je mentionne pour les députés dans la pièce que nous avons ce soir un ordre d'intervention, qui prévoit qui intervient et à quel moment, au moins pour la première partie de la réunion. Nous allons siéger à huis clos pendant la deuxième partie pour examiner les travaux du Comité.
Nous nous réunissons aujourd'hui pour discuter de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
De Alternatives, nous avons Feroz Mehdi, chargé de projet, qui comparaît par vidéoconférence. De Human Rights Watch, nous avons Maya Wang, directrice intérimaire pour la Chine, qui comparaît également par vidéoconférence. Du Tibet Action Institute, nous avons Lhadon Tethong, qui est directrice.
Vous remarquerez que la caméra de Mme Wang est éteinte. Elle en a fait la demande. Je suis certain que nous pouvons tous comprendre certaines des raisons qui expliquent pourquoi.
Nous avons maintenant l'occasion d'entendre les déclarations liminaires de cinq minutes de nos témoins, en commençant par M. Mehdi.
Monsieur Mehdi, vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup. Bonsoir.
Je veux d'abord mentionner que le mémoire que j'ai présenté contient de nombreuses références sous forme d'hyperliens.
Je ne suis pas un expert des relations entre le Canada et la République populaire de Chine, mais je suis ici pour parler d'un autre pays qui fait partie intégrante de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, c'est‑à‑dire l'Inde.
Nous craignons fort que dans ses démarches pour contenir la Chine, le Canada ferme les yeux sur une situation des droits de la personne profondément troublante en Inde ainsi que sur la dégradation des piliers de la démocratie dans le pays, y compris l'Assemblée législative, l'appareil judiciaire et la liberté de presse. Le Canada doit dénoncer l'érosion des droits et de la démocratie en Inde, peu importe sa politique à l'égard de la Chine, car une Inde compromise en guerre avec elle-même ne peut pas être un partenaire fiable dans la région indo-pacifique.
La plus grave menace que je vois poindre à l'horizon est la possibilité d'une violence généralisée. Plus de 200 millions de musulmans vivent en Inde. L'escalade continue du discours haineux et de la démolition de maisons ainsi que les appels au nettoyage ethnique et au génocide font planer le spectre d'une violence généralisée horrible sur le sous-continent. L'organisme Genocide Watch et le musée commémoratif de l'Holocauste aux États-Unis ont tous les deux déclaré que l'Inde présentait un risque de violence généralisée.
Le premier ministre Modi a très récemment tenu des propos islamophobes, en qualifiant tous les musulmans indiens d'« infiltrateurs » pendant sa campagne électorale nationale le mois dernier. Par une très grande majorité, le Parlement européen a adopté une résolution le 13 juillet l'année dernière pour mettre en garde contre l'existence d'un « majoritarisme hindou » en Inde. La résolution demande au gouvernement indien de mettre rapidement fin à la violence ethnique et religieuse qui sévit. Le Parlement européen a joint ainsi le mouvement mondial pour dénoncer l'autoritarisme et les violations des droits de la personne qui ne cessent de s'aggraver en Inde.
Encore plus récemment, le 23 avril, le département d'État américain, dans son rapport sur les droits de la personne, a signalé différentes sortes d'atteintes aux droits de la personne, y compris des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées, des arrestations ou des détentions arbitraires, le recours à la torture pour extorquer des aveux, l'imposition répétée d'interruptions d'Internet et de télécommunications bloquées, la surveillance d'activistes de la société civile, la provocation en ligne de défenseurs des droits de la personne et l'imposition de sanctions aux membres de la famille de personnes qui auraient commis des infractions.
Selon le rapport de Human Rights Watch de 2022 sur l'Inde, le BJP — le parti au pouvoir, le gouvernement majoritaire — « a poursuivi sa discrimination systématique et sa stigmatisation de minorités religieuses et d'autres minorités, en particulier les musulmans. Les partisans du BJP ont multiplié les attaques violentes contre des groupes ciblés. L'idéologie majoritaire hindoue du gouvernement se reflète dans la partialité des institutions, y compris certaines qui possèdent des pouvoirs judiciaires et constitutionnels, par exemple la National Human Rights Commission. »
Les autorités ont intensifié leurs efforts pour réduire au silence des activistes de la société civile et des journalistes indépendants à l'aide d'accusations criminelles à motivation politique, y compris des accusations de terrorisme, pour emprisonner les personnes qui dénoncent ou critiquent les exactions du gouvernement.
La mise en œuvre par le BJP de la Citizenship Amendment Act en 2019 est un exemple flagrant de loi discriminatoire qui aide les migrants non musulmans de pays voisins à obtenir la citoyenneté indienne tout en excluant les musulmans.
Selon le rapport sur l'Asie-Pacifique de Reporters sans frontières, la violence à l'égard des journalistes, les médias qui font preuve de partialité politique et la concentration de la propriété des médias montrent que la liberté de presse traverse une crise dans « la plus grande démocratie du monde, qui est gouvernée depuis 2014 par le premier ministre Narendra Modi. »
Nous demandons au gouvernement du Canada d'utiliser toutes les tribunes internationales à sa disposition pour demander des comptes à l'Inde.
Par exemple, l'Inde fait actuellement l'objet d'une évaluation mutuelle par le Groupe d'action financière. Le Canada a l'occasion de demander des comptes à propos de la mauvaise utilisation des recommandations du Groupe et du recours aux lois antiterroristes pour cibler la société civile et les opposants politiques.
Monsieur Mehdi, je me demande si vous pouvez conclure vos observations maintenant, car vous avez dépassé vos cinq minutes.
Bien sûr. Puis‑je prendre encore 30 secondes pour conclure?
Monsieur le président, nous sommes également d'avis que le dialogue par l'entremise d'organisations de la société civile entre le Canada et l'Inde est important pour échanger des idées et des points de vue sur la situation des droits de la personne dans nos pays, et notre gouvernement devrait penser à investir dans ce processus.
Je vais m'arrêter ici. Merci.
Je suis heureuse de m'adresser à vous ce soir. J'espère que vous vous portez tous bien.
Je m'appelle Maya Wang. Je suis directrice intérimaire pour la Chine à Human Rights Watch. Depuis 17 ans, mon travail consiste à surveiller les violations des droits de la personne en Chine, au Xinjiang, au Tibet et à Hong Kong.
Tout d'abord, j'aimerais mentionner que je suis d'accord avec M. Mehdi. Dans le cadre des efforts déployés pour suivre la situation en Chine, je pense qu'il est très important de ne pas perdre de vue la multiplication des violations dans des pays comme l'Inde, ce que Human Rights Watch documente également.
Pour revenir à la Chine, plus d'une décennie après l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, le gouvernement chinois a considérablement renforcé la répression d'un bout à l'autre du pays.
Au Xinjiang, les autorités commettent, comme vous le savez, des crimes contre l'humanité, ce qui comprend des détentions de masse, le travail forcé, la persécution culturelle et une surveillance généralisée partout dans la région.
Des centaines de milliers d'Ouïghours et d'autres musulmans turciques demeurent emprisonnés de façon arbitraire à la suite de la campagne « frapper fort », y compris beaucoup d'entre eux à cause de gestes légitimes ordinaires. Ils sont détenus pour des choses comme la participation à des activités religieuses de base, par exemple la prière ou la présence de passages du Coran à réciter dans leurs téléphones. La peine moyenne pour ce genre de comportements est de 12 ans et demi.
Pour ce qui est de la situation au Tibet, je vais laisser ma collègue en parler. Mme Tethong prendra la parole après moi.
À Hong Kong, les autorités ont effacé des droits civils et politiques fondamentaux qui étaient protégés depuis longtemps lorsque Pékin a imposé à la ville une loi draconienne sur la sécurité nationale en 2020. Le gouvernement a aussi pris rapidement des mesures depuis pour éliminer le mouvement prodémocratie et la presse libre, en arrêtant plus de 10 000 personnes pour leur participation à la manifestation de 2019, et il vient tout juste d'imposer à la ville une deuxième loi sur la sécurité, qu'on appelle l'« article 23 », au mois de mars cette année.
Partout en Chine, le gouvernement chinois a resserré son emprise déjà forte sur la société. Je ne pense pas qu'il m'est nécessaire d'expliquer les différentes façons dont le gouvernement chinois utilise ses lois et ses forces de sécurité pour garder sa mainmise sur la société, mais je vais vous donner un exemple simple, à savoir que les personnes qui expriment leur pessimisme à propos de la situation économique peuvent subir des sanctions puisque c'est considéré comme un geste qui met en danger la sécurité de l'État.
Puisque la situation des droits de la personne s'aggrave en Chine, voici ce que le gouvernement du Canada devrait faire selon nous.
Tout d'abord, les mots sont importants, et nous ne devrions pas subir le comportement profondément abusif du gouvernement chinois. Nous devons prendre les mots très au sérieux. Nous exhortons le gouvernement du Canada à exprimer publiquement ses préoccupations face aux violations des droits de la personne par le gouvernement chinois au plus haut niveau. Il devrait exhorter le gouvernement chinois à mettre fin aux crimes contre l'humanité au Xinjiang. Ne les oublions pas.
Les mots à eux seuls ne suffisent toutefois pas. Ils doivent être appuyés par des mesures concrètes. Autrement, nous savons tous que le gouvernement chinois pensera que ce n'est qu'un tigre de papier. À Hong Kong, par exemple, le gouvernement du Canada devrait imposer des sanctions ciblées aux responsables de la Chine et de Hong Kong qui bafouent les droits de la personne depuis l'adoption récente de l'article 23.
Nous nous réjouissons de la décision du Parlement du Canada de réinstaller 10 000 Ouïghours à risque et de l'interdiction du travail forcé par le Canada, mais nous craignons que l'interdiction actuelle et ces mesures ne soient pas assez. Nous vous recommandons d'adopter des lois, par exemple pour interdire l'importation de produits du Xinjiang, un peu comme le fait la Uyghur Forced Labor Prevention Act aux États-Unis, dans le but de s'attaquer au travail forcé parrainé par le gouvernement chinois partout dans la région. Nous vous recommandons également d'adopter une loi sur la diligence raisonnable qui oblige les entreprises à lutter contre les violations des droits de la personne dans leurs chaînes d'approvisionnement au Xinjiang et ailleurs.
Enfin, le Canada devrait également passer à l'action pour s'attaquer à la répression transnationale par le gouvernement chinois au pays. Nous recommandons que le gouvernement du Canada encourage les universités à faire un suivi des cas de harcèlement, de surveillance ou de menaces sur les campus, que ce soit directement ou indirectement, par le gouvernement chinois. Il devrait aider les universités à signaler chaque année le nombre et la nature de ces incidents et à prendre d'autres mesures pour protéger la liberté universitaire sur les campus.
Nous recommandons aussi que le gouvernement du Canada examine la surveillance par les organismes gouvernementaux des cas de harcèlement et d'intimidation appuyés par le gouvernement chinois et la réponse de ces organismes, qu'il rencontre régulièrement les communautés et les personnes touchées et qu'il demande des comptes aux personnes qui harcèlent et intimident d'autres personnes au pays parce qu'elles critiquent le gouvernement chinois.
Merci. Je suis impatiente de répondre à vos questions et de participer à la discussion ce soir.
Merci, madame Wang.
Nous passons maintenant à Lhadon Tethong, directrice du Tibet Action Institute.
Vous avez cinq minutes.
Merci de me donner l'occasion de témoigner ici aujourd'hui et de représenter les Tibétains. Je suis Canadienne d'origine tibétaine.
Mon père est né dans un Tibet libre et indépendant en 1934. Mon frère est né dans un camp de réfugiés tibétains dans le Sud de l'Inde. Je suis née sur le territoire traditionnel des nations Songhees et Esquimalt à Victoria, sur l'île de Vancouver.
En tant que Canadienne d'origine tibétaine, je dois dire que je me suis réjouie l'année dernière de l'annonce de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu'elle révèle au grand jour des vérités importantes à propos de la République populaire de Chine que les Tibétains connaissent depuis toujours et que le monde doit reconnaître si nous voulons réussir à composer avec la menace évidente que la République populaire de Chine fait actuellement planer sur la paix et la sécurité dans le monde.
La première vérité, bien entendu, c'est que la République populaire de Chine est une puissance aux visées expansionnistes. C'est ce que les Tibétains ont appris à leurs dépens il y a longtemps, lors de l'invasion et de l'occupation de leur pays en 1950. C'était le tout premier acte d'agression et d'annexion du nouveau gouvernement communiste de la République populaire de Chine.
La deuxième vérité, c'est que le Parti communiste chinois ne partage aucunement les valeurs qui sont chères aux Tibétains, aux Canadiens et à beaucoup d'autres nations partout dans le monde, notamment le respect des droits de la personne, de la démocratie et de la primauté du droit. Les Tibétains vivent sans droits fondamentaux et sans liberté depuis 1959. Certaines années et certaines décennies ont été pires que d'autres, selon les personnes qui étaient au pouvoir en Chine. Au bout du compte, le Parti communiste chinois est resté fidèle à lui-même et a dirigé le peuple tibétain avec la main de fer la plus brutale qui soit pendant toutes ces décennies. Selon le classement mondial en matière de libertés civiles et politiques de la Freedom House, depuis cinq années, le Tibet est l'endroit le moins libre de la planète.
Aujourd'hui, au moins un million d'enfants tibétains âgés de 4 et 18 ans vivent dans un système de pensionnats coloniaux au Tibet, ce qui signifie qu'au moins trois enfants d'âge scolaire sur quatre vivent séparément de leurs parents et de leurs familles dans des pensionnats dirigés par l'État et spécialement conçus pour isoler les enfants et effacer leur identité tibétaine afin de la remplacer par une identité chinoise fortement nationaliste.
La dernière vérité que je veux aborder, c'est que si la République populaire de Chine collabore avec la communauté internationale aux Nations unies ou par l'entremise d'associations politiques ou commerciales ou d'ententes, ce n'est pas parce qu'elle souhaite promouvoir une prospérité mutuelle pour le mieux-être de tout le monde ou parce qu'elle veut entretenir des liens d'amitié avec des dirigeants de pays démocratiques et apprendre quelque chose d'eux et de nos modèles démocratiques. Elle fait plutôt ces choses pour apprendre comment mieux dominer et contrôler ces espaces et, au bout du compte, comment les remodeler pour servir ses propres intérêts et atteindre ses propres objectifs.
Cela saute aux yeux des Tibétains qui ont observé la Chine pendant toutes ces années aux Nations unies, où les dirigeants et les délégations du pays ne font que mentir comme des arracheurs de dents et brosser un portrait de la vie au Tibet en particulier qui n'a absolument rien à voir avec la réalité sur le terrain. Toutes ces vérités à propos de la nature du gouvernement de la République populaire de Chine dressent un tableau très sombre et très troublant, mais je pense qu'il est également essentiel de reconnaître une dernière vérité qui, je crois, est synonyme d'espoir pour l'avenir.
Xi Jinping et les autres membres du Parti communiste chinois ne sont pas élus et ne sont donc aucunement habilités à diriger le peuple chinois. Ils ont gardé le pouvoir jusqu'à maintenant en écrasant impitoyablement toutes les formes d'opposition et de dissidence et aussi parce qu'ils ont créé une certaine prospérité économique, mais d'après ce que nous pouvons dire maintenant et ce que de nombreux experts affirment, la fin approche, et la question n'est pas de savoir si cela va se produire, mais plutôt quand.
Le totalitarisme de Xi Jinping, ses politiques économiques inefficaces et ses manœuvres politiques paranoïaques alimentent une dissension et une division profonde au sein du Parti communiste chinois. Plus particulièrement, la souffrance généralisée attribuable à la politique très sévère de tolérance zéro de la Chine à l'égard de la COVID et la fin soudaine des restrictions ont nui à la légitimité de Xi Jinping et ont fait en sorte que les gens, surtout des jeunes, comme on l'a vu lors des manifestations des feuilles blanches, ont compris que le Parti communiste chinois n'a pas la capacité nécessaire pour diriger et n'est pas ce dont la Chine a besoin maintenant pour être libre et démocratique à l'avenir.
Nous croyons que les gens en Chine et ailleurs sauront ce qui est vraiment important pour le Canada si le pays prend solidement position publiquement et qu'il adopte une position de principe en ce qui concerne le Tibet et les droits de la personne de manière plus générale.
Même si les dirigeants du PCC n'accueilleront pas avec enthousiasme ces messages, nous reconnaissons que l'avenir ne dépend ni de Xi Jinping ni du PCC. Il appartient plutôt aux jeunes, aux travailleurs et aux légions de défenseurs des droits de la personne qui souffrent, qui sont insatisfaits et qui sont avides de changement.
L'avenir passe aussi par les Tibétains qui partagent des valeurs fondamentales avec les Canadiens. Le Canada a une longue histoire...
Madame Tethong, je suis désolé, mais je me demandais si vous pouviez conclure votre déclaration. Vous avez dépassé les cinq minutes allouées. Merci.
D'accord.
Le Canada soutient depuis très longtemps les droits de la personne au Tibet et les aspirations des Tibétains. Sa Sainteté le dalaï-lama est un des sept récipiendaires de la citoyenneté canadienne honoraire. Toutes les valeurs que défendent les Tibétains et Sa Sainteté le dalaï-lama — la paix, la compassion, la démocratie et la justice — sont des valeurs fondamentales pour lesquelles le Canada a déclaré son appui. Elles sont également des éléments centraux de la paix et de la sécurité dans le monde, à l'instar de ce qui est énoncé dans la stratégie pour l'Indo-Pacifique.
Nous demandons par conséquent à la ministre Joly de dénoncer publiquement, au nom du gouvernement du Canada, le système obligatoire d'internat colonial au Tibet et de se prononcer en faveur des recommandations formulées par les experts des droits de la personne des Nations unies, qui demandent à la Chine d'abolir le système.
Nous demandons aussi au Canada d'imposer des sanctions contre les architectes du système obligatoire d'internat, puisque cela aurait des répercussions énormes sur la reddition de comptes à l'endroit des parents et des enseignants dans le territoire tibétain.
Enfin, il faut que le gouvernement du Canada déclare publiquement de manière très ferme et très claire, en collaboration avec les partenaires et les alliées aux vues similaires, que ce seront les Tibétains qui désigneront le prochain dalaï-lama. Les Tibétains suivent ce processus depuis un demi-millénaire. Le gouvernement du PCC n'a pas à intervenir — même s'il veut désespérément jouer un rôle dans ce choix — parce que ce processus appartient aux dirigeants religieux du Tibet et à ceux qui confèrent à Sa Sainteté le dalaï-lama son pouvoir, et à personne d'autre.
Merci.
Merci.
Nous passons à présent aux séries de questions.
Nous commençons avec M. Chong pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Aujourd'hui, nous parlons des droits de la personne, que ce soit par rapport aux Ouïghours au Xinjiang, aux Hongkongais, aux Tibétains, aux musulmans ou à d'autres minorités dans la région indo-pacifique.
Voici ma première question, qui s'adresse aux trois témoins. Quelle démocratie semblable à celle du Canada a les meilleures pratiques exemplaires concernant l'avancement des droits de la personne dans la région indo-pacifique? Quelles démocraties associées au Canada et dotées du même modèle démocratique sont-elles les plus efficaces dans la région?
C'est une bonne question. Je ne saurais dire quels pays font la promotion de la démocratie ou des institutions démocratiques dans la région aujourd'hui. Était‑ce la question, monsieur le président?
Toutefois, comme je l'ai mentionné dans ma présentation, les parlementaires européens ont adopté une résolution qui dénonce les violations des droits de la personne en Inde. Des organismes comme la Commission pour la liberté de religion internationale des États‑Unis, qui classe...
Bien.
Vous devez désactiver votre microphone lorsque vous ne parlez pas, mais vous pouvez laisser votre caméra activée.
C'est parfait. Merci.
Certains organismes examinent les institutions démocratiques indiennes et en font la promotion, mais jusqu'à présent, à ma connaissance, rien de concret n'a été fait en Inde.
Cette question est très complexe parce qu'il n'existe pour ainsi dire aucune politique parfaite sur les droits de la personne et surtout parce que nous avons constaté dans le passé — essentiellement à l'ère de l'engagement avec la Chine — que les questions liées aux droits de la personne étaient pour la plupart reléguées assez bas dans l'échelle des priorités, qui étaient plutôt accordées à l'engagement économique avec la Chine.
Aujourd'hui, plusieurs gouvernements accordent un statut prioritaire à la sécurité nationale, et encore une fois, même si les droits de la personne sont abordés dans les conversations, les politiques n'en font pas souvent la promotion. Ceux qui militent en leur faveur le font souvent dans des visées compétitives, et il est facile de comprendre pourquoi. C'est faire preuve toutefois d'un manque de vision que d'instrumentaliser les droits de la personne à des fins compétitives plutôt que d'essayer de les ériger en valeur et de donner à la population en Chine — puisque c'est elle qui changera la Chine pour le mieux après tout — la force et le soutien dont elle a besoin.
Toutefois, si vous m'aviez posé une question sur les types de politiques mises en œuvre pour améliorer la situation en Chine et le respect des droits de la personne, je mentionnerais probablement certaines des lois sur le devoir de diligence adoptées récemment par l'Union européenne, de même que les lois portant sur le travail forcé. Même si certaines ont été édulcorées, ces mesures visent ces questions de manière plus exhaustive, y compris la Chine. Toutefois, davantage de lois de la teneur de celle sur le travail forcé des Ouïghours, qui traite précisément du Xinjiang, devraient être adoptées.
Il n'existe pas de modèle parfait, mais j'encouragerais deux choses. Premièrement, à notre époque, les dirigeants politiques ont le devoir de défendre les droits de la personne, qui sont importants. S'ils omettent de le faire, le monde entrera dans une période très sombre. Deuxièmement, nous devons demander des comptes au gouvernement chinois de manière équitable, et non pas seulement pour en retirer des avantages politiques.
Je ne peux pas dire quel pays fait le plus efficacement la promotion des droits de la personne. Je n'en sais pas assez pour me prononcer.
Je pense que le secret des démocraties saines qui respectent les droits de la personne et la primauté du droit est leur soutien sans équivoque de la société civile et des mouvements civils.
Le meilleur moyen de contrer la montée des gouvernements et des pouvoirs totalitaires dans le monde est de soutenir fermement les mouvements populaires et d'investir dans ces mouvements. Il faut multiplier les preuves de soutien au vu des nouvelles mesures de répression qui visent les espaces où la société civile en Chine pouvait se rassembler jusqu'à récemment. Des investissements doivent être faits dans les mouvements populaires et étudiants et pour soutenir les espaces permettant à ces groupes de se rassembler pour s'organiser et échanger des connaissances et des compétences. Je pense que c'est la meilleure manière de promouvoir et de protéger la démocratie et de contrer l'autoritarisme.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins. Merci à M. Chong de sa question. J'allais poser essentiellement la même question sur les pratiques exemplaires des autres pays. Les réponses sont intéressantes, car la tâche à accomplir est ardue pour à peu près tous les pays.
Je voudrais amener la discussion à un autre niveau et parler de la convergence entre la démocratie, les droits de la personne, l'activité économique et l'engagement et le commerce international. Nous pourrions faire encore un tour de table.
Considérez-vous la démocratie et les droits démocratiques comme des équivalents et des précurseurs des droits de la personne? Les droits de la personne peuvent-ils être respectés dans les pays non démocratiques?
Ce n'est pas une question tendancieuse. Je suis sincèrement curieux de savoir si vous êtes d'avis que les droits de la personne peuvent être protégés dans les systèmes autres que les démocraties comme le Canada.
Non. Je ne crois pas que ce soit possible de protéger et de respecter réellement les droits de la personne dans des pays non démocratiques.
Certains dirigeants de régimes autoritaires... Le gouvernement de la RPC voudrait nous faire croire que c'est possible. Ils invoquent les différences culturelles. Ils justifient leur manière différente de faire les choses par des raisons culturelles, sociales et historiques, mais je ne pense pas que leurs arguments soient valables. Ce sont plutôt de très bonnes excuses brandies pour faire taire les gens instantanément.
Les Chinois eux-mêmes, les Tibétains... Partout dans ces sociétés fermées où il n'existe pas de véritable démocratie, la population réclame la démocratie.
Nous n'avons qu'à penser à cet homme qui a posé une bannière sur un pont lors de la première manifestation pendant le confinement lié à la COVID. Pour dire ouvertement, à l'ère de Xi Jinping, que les Chinois ne veulent pas d'un roi et pour revendiquer haut et fort la démocratie et le respect des droits...
Je ne pourrais rien ajouter de mieux.
Le gouvernement chinois dirait qu'il protège parfaitement bien les droits de la personne. Il y a énormément de propagande. Nous voyons un peu partout dans le monde, du Liban au Soudan...
Je connais votre opinion sur le sujet.
Je voudrais savoir si vous pensez que la protection des droits de la personne est possible dans les pays non démocratiques.
Cette question s'applique très bien à l'Inde contemporaine. Le gouvernement indien se décrit comme un modèle de démocratie. Comme je l'ai souligné, les droits universels ne peuvent pas être respectés si la véritable démocratie... ce que l'Inde en ce moment n'est pas. Comme l'ont écrit plusieurs observateurs, en 2014, l'Inde est devenue de facto une nation hindoue. Elle a été reconnue de jure comme une nation hindoue en 2019.
En 2024, il est déjà question de modifier la constitution. Voilà l'état des lieux.
Merci.
Je voulais soulever ces points parce que je devinais ce que vous alliez dire.
Je veux faire un lien avec la stratégie pour l'Indo-Pacifique, selon laquelle le Canada « appuiera les efforts déployés en faveur de la démocratie, de l'inclusivité, d'une gouvernance responsable et d'une croissance économique soutenue, ce qui aidera les principaux pays de la région. »
Derrière la stratégie et ses énoncés de valeur, il y a l'idée que le Canada doit soutenir la croissance et l'émergence de la démocratie dans ces pays.
Je veux demander aux témoins — même s'il ne me reste même pas deux minutes — s'ils ont réfléchi à la manière dont le Canada peut promouvoir la démocratie. Pourrions-nous passer à cette question?
Nous pouvons commencer avec Mme Wang.
C'est un projet à très long terme pour la Chine. À l'heure actuelle, avec Xi Jinping au pouvoir, la tâche sera passablement ardue dans le territoire chinois.
Cela dit, je commencerais par m'assurer que le gouvernement chinois répond des crimes qu'il a commis contre l'humanité. Dans les deux dernières décennies, le gouvernement chinois poursuit son œuvre sans rencontrer de résistance de la part des autres gouvernements. Il sait qu'il peut faire tout ce qu'il veut, et voilà où nous en sommes.
Si la Chine n'est pas tenue responsable de ses crimes contre l'humanité, je n'ose pas penser à ce qui s'en vient.
Pourriez-vous expliquer comment cela peut mener à la démocratie?
Je ne suis pas contre ce que vous dites. Par contre, si les droits de la personne ne peuvent être respectés que sous une démocratie, comment la démocratie pourrait-elle être implantée selon votre logique?
Lorsque le gouvernement est forcé de répondre d'actes tels que des crimes contre l'humanité, la population se sent autorisée à poser un regard critique sur le comportement du gouvernement en question.
Nous avons assisté au mouvement de contestation de la page blanche. Nous voyons émerger une conscientisation féministe en Chine, qui mobilise la moitié de la population.
Le gouvernement chinois ne pourra pas empêcher la conscientisation indéfiniment. Je crois aux effets percutants que peuvent avoir les prises de position ferme et réfléchie en faveur des droits de la personne. Je ne peux rien garantir, mais je réitère l'importance de maintenir les pressions en ce sens. C'est un combat à long terme que mènent les Chinois depuis des générations.
Merci, madame Wang.
Avant de céder la parole à M. Bergeron, je voudrais m'assurer que les témoins qui participent sur Zoom savent comment accéder à l'interprétation. Ils en auront besoin, sauf s'ils comprennent très bien le français.
Si vous cliquez sur l'icône en forme de globe au bas de votre écran, presque au centre, vous verrez les options « parquet », « anglais » ou « français ». Vous pouvez faire une sélection si vous le souhaitez.
Monsieur Bergeron, vous avez six minutes.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres, aujourd'hui, et de continuer à éclairer notre réflexion sur la situation qui a cours non seulement en Chine, mais également en ce qui a trait à la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique.
Human Rights Watch a publié sur son site, en 2023, ce qui suit:
Depuis 2017, le gouvernement chinois a ciblé d'une manière systématique et généralisée les Ouïghours et les musulmans turciques du Xinjiang. Il s'est notamment rendu coupable de détentions arbitraires de masse, d'actes de torture, de disparitions forcées, de surveillance de masse, de persécution culturelle et religieuse, de séparation de familles, de travail forcé, de violences sexuelles et d'atteintes aux droits reproductifs. En 2021, Human Rights Watch a estimé que ces actions constituaient des « crimes contre l'humanité ».
De plus, un certain nombre d'instances, dont le Parlement canadien, ont jugé qu'il s'agissait littéralement de génocide.
Le Comité des droits de l'homme des Nations unies a produit un rapport qui se révèle également extrêmement préoccupant.
Toujours selon Human Rights Watch, au Tibet, les autorités ont imposé de sévères restrictions aux libertés de religion, d'expression, de mouvement et de réunion. Les Tibétains qui s'expriment sur les répressions ou, par exemple, sur la suppression progressive de la langue tibétaine dans l'enseignement primaire font l'objet de représailles. On encourage la délation. Le simple fait de contacter des Tibétains en exil peut entraîner la détention. Cela vise aussi les Ouïghours, les Kazakhs et les Turkmènes.
Dans la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, on indique que « Le Canada continuera à défendre les droits universels de la personne, y compris ceux des Ouïghours, des Tibétains et des autres minorités religieuses et ethniques. »
Comment fait-on cela? On le fait notamment en évitant l'importation de produits issus du travail forcé. Le Canada entend même prêter une plus grande assistance technique aux partenaires commerciaux. Je cite de nouveau un passage de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique: « le Canada [...] fournira une plus grande assistance technique aux partenaires commerciaux de l'Indo-Pacifique pour améliorer l'application des dispositions relatives au travail, y compris au travail forcé [...] »
Or, à cet égard, le Canada ne s'est pas lui-même montré très exemplaire jusqu'à présent. Une loi émanant d'un député a été adoptée. Cette loi propose simplement un registre de déclarations volontaires de la part d'entreprises concernant le travail forcé. Le gouvernement devait nous arriver avec un projet de loi beaucoup plus contraignant. Nous l'attendons toujours. Qui plus est, une simple directive a été transmise à l'Agence des services frontaliers du Canada pour empêcher l'importation et l'entrée au Canada de produits issus du travail forcé.
Ma question est fort simple. Jusqu'à présent, ces mesures se sont révélées pour le moins inefficaces. Comment le Canada peut-il prétendre devenir un leader mondial susceptible d'apporter une plus grande assistance technique aux partenaires commerciaux de l'Indo-Pacifique pour améliorer l'application des dispositions relatives au travail forcé?
Ma question s'adresse à nos trois témoins.
[Traduction]
[Français]
On peut procéder en utilisant l'ordre dans lequel les témoins ont comparu.
On peut commencer par M. Mehdi, et poursuivre avec Mme Wang et Mme Tethong.
[Traduction]
Monsieur Mehdi, vous pouvez vous lancer en premier. Nous passerons ensuite à Mme Wang et à Mme Tethong.
J'ai mentionné dans ma déclaration liminaire que nous saluons les mesures du Canada sur l'interdiction du travail forcé, mais que nous les trouvons inadéquates.
Nous avons deux recommandations.
Premièrement, il faut adopter une loi interdisant les importations en provenance du Xinjiang, comme le fait la loi adoptée aux États‑Unis sur la prévention du travail forcé des Ouïghours, car le travail forcé au Xinjiang est un système financé par le gouvernement qui s'étend à toute la région.
Deuxièmement, il faut adopter une loi sur le devoir de diligence qui exigerait des entreprises d'agir à l'égard des violations des droits de la personne qui se produisent dans leurs chaînes d'approvisionnement au Xinjiang et ailleurs.
Ces deux recommandations cadrent avec les mesures importantes que le Canada entend prendre comme chef de file de la protection des droits de la personne à l'intersection entre les échanges commerciaux, les importations, l'activité économique et les droits de la personne.
Je pense que je vais adopter une approche plus générale. Je pense, dans un premier temps, qu'il faut une approche beaucoup plus publique, qu'il faut parler des violations des droits de la personne et de tout le reste sans équivoque, de façon plus publique, sans avoir peur de traiter de ces questions de front parce que cela pourrait contrarier Xi Jinping ou offenser les dirigeants du Parti communiste chinois ou qui que ce soit.
Je pense qu'il y a beaucoup de bonnes tactiques et d'outils qui sont déployés et dont on parle, mais je pense qu'en général — et je le vois partout —, il y a cette croyance selon laquelle il est nécessaire de ménager les susceptibilités du PCC lorsqu'il est question des droits de la personne. Je dirais que le gouvernement chinois peut facilement nous lire, et il sait que certaines des mesures et initiatives prises par nos gouvernements ne sont pas aussi robustes qu'elles pourraient l'être. En même temps, je pense qu'ils savent que s'ils menacent de jouer au gros méchant loup qui souffle pour que tout s'effondre, nous reculons tous de peur.
Je pense que la question des droits de la personne devrait être dans la sphère publique, et qu'il ne devrait plus y avoir de discussions bilatérales en coulisses, mais plutôt des pressions et des discussions publiques. Nous devrions donner l'exemple et faire savoir au peuple chinois, aux Tibétains et à tous ceux qui nous regardent, de l'autre côté — et ils voient et entendent ce qui se passe à l'extérieur —, que nous prenons ces questions au sérieux et que nous n'avons pas peur. Ils ne veulent pas que nous craignions Xi Jinping, entre autres. Nous devons adopter une approche plus audacieuse et aborder davantage ces questions en public.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence et de leurs importants témoignages.
Vous savez, je suis frappée par tous vos témoignages. Je pense qu'il n'y a personne ici dans cette salle qui ne convient pas que les violations des droits de la personne qu'on voit en Inde et en Chine sont graves et qu'il faut en faire davantage. J'ai de la difficulté à déterminer ce que nous pouvons faire, en tant que parlementaires canadiens, et quelles mesures concrètes peuvent être prises.
À la lumière de votre témoignage, j'aimerais d'abord poser quelques questions à chacun d'entre vous. Je vais commencer par vous, madame Wang.
Vous avez parlé du travail forcé et des lois canadiennes à cet égard. Pour être parfaitement honnête, de mon point de vue, nous n'avons pas, en fait, de loi sur le travail forcé. Le projet de loi S‑211 qui a été présenté disait essentiellement que les sociétés ou les entreprises doivent nous informer si elles pensent qu'il y a du travail forcé dans leurs chaînes d'approvisionnement, mais cela ne s'accompagne d'aucune mesure. Il n'y a rien à faire pour empêcher le recours au travail forcé. Donc, je pense qu'il est vraiment nécessaire de renforcer cela.
Nous avons aussi un ombudsman. J'ai parlé plusieurs fois de notre ombudsman sans mordant — l'ombudsman de la responsabilité des entreprises —, qui n'a aucun pouvoir de contraindre des témoins à comparaître et dont le bureau est incapable de s'acquitter de ses fonctions ou du rôle qui lui a été confié lors de sa création par le gouvernement actuel.
Vous avez dit que nous avons accordé la priorité au développement économique et à la sécurité plutôt qu'aux droits de la personne. Toutefois, je me demande quelles mesures concrètes le Canada pourrait prendre et qui seraient vues et entendues par la Chine. Notre Parlement a dénoncé le génocide des Ouïghours. Notre comité a écrit sur ce qui se passe au Tibet. Nous avons fait ces études, et pris fermement position. Pouvez-vous me donner un exemple d'une mesure concrète que pourrait prendre le Parlement ou le gouvernement, et qui serait entendue par la République populaire de Chine et l'inciterait à nous écouter? Je sais que vous avez parlé de la surveillance, du harcèlement, etc. Quel est l'aspect pour lequel vous souhaiteriez nous voir agir?
Pourriez-vous dire à qui s'adresse votre question?
Est‑ce que quelqu'un se porte volontaire pour commencer?
Merci.
Je pense que j'ai fait preuve d'une grande retenue lorsque j'ai parlé de l'interdiction du travail forcé.
Très bien. Je pense que d'autres gouvernements en feraient moins, malheureusement. Nous reconnaissons donc, comme il se doit, certains des efforts qui ont été faits, même s'ils étaient minimes, au début. Nous demandons plus d'efforts.
Essentiellement, concernant le gouvernement chinois, je ne pense pas que nous demandons une solution miracle. Je doute qu'il y en ait une. Nous réunissons divers éléments différents. Cela change la perspective et le discours à l'égard du gouvernement chinois.
Mme Tethong a dit que lorsqu'il est question de la Chine, tout le monde se met soudainement à trembler de peur, un sentiment qui commence à s'atténuer quelque peu, à mon avis. Je pense que plus de gouvernements sont prêts à confronter le gouvernement chinois, ce qui signifie, par exemple, l'intégration des droits de la personne. On parle de droits de la personne dans le cadre d'audiences consacrées à la question, mais c'est souvent dans un cadre comme celui‑ci, plutôt que devant des gens qui traitent de sécurité nationale. La comparaison des dépenses consacrées à la sécurité nationale et des dépenses consacrées aux droits de la personne montre l'importance que revêtent ces questions pour les gouvernements.
Il s'agit d'intégrer les droits de la personne, de veiller à ce que la question soit discutée aux plus hauts échelons. Souvent, dans les discussions entre divers gouvernements et le gouvernement chinois, la question des droits de la personne fait l'objet de discussions en marge au lieu d'être abordée directement dans des discussions de premier plan entre les hauts dirigeants et Xi Jinping. Voilà le genre de chose qui aurait une incidence, outre la modification des lois sur le travail forcé.
Cependant, si vous voulez savoir s'il y a une chose que vous devriez faire demain, je dirais que la question des crimes contre l'humanité demeure une question d'une grande importance sur laquelle il faut se concentrer, à mon avis, d'autant plus que le temps passe.
Cela pourra sembler assez insatisfaisant, par exemple, pour ce qui est des crimes contre l'humanité. Aux Nations unies, la haute-commissaire des Nations unies a publié un rapport faisant état de possibles crimes contre l'humanité. Beaucoup de violations ont été documentées, comme Human Rights Watch l'a fait en 2022, il y a deux ans. C'était la haute-commissaire précédente. L'actuel haut-commissaire n'a pas fait le point au sujet du rapport auprès du Conseil, et n'a pas donné suite au rapport. C'est parce que le haut-commissaire a peur du gouvernement chinois.
Le Canada pourrait, au Conseil des droits de l'homme, prendre l'initiative de faire pression sur le haut-commissaire, quant à la nécessité de parler de la question et de publier une déclaration commune. Je suis consciente que cela place la barre très basse, mais ce sont des étapes nécessaires pour obliger le gouvernement chinois à rendre des comptes.
Je vais essayer de poser une dernière question.
Madame Tethong, je suis ravie de vous voir. Je suis désolée de ne pas être là en personne, car ce serait plaisant de vous revoir en personne. C'est un plaisir de vous revoir à notre comité.
Nous avons parlé du Conseil des droits de l'homme et de l'idée de lui demander qu'il exige que la Chine rende davantage de comptes pour les violations des droits de la personne qui ont lieu sur son territoire, mais nous voyons aussi la République populaire de Chine étendre son influence en Afrique subsaharienne avec l'initiative « Une ceinture, une route ». Comment le Canada fait‑il pression à cet égard?
Le mot « bravoure » n'est peut-être pas le mot juste, mais comprenez-vous ce que je veux dire? Nous voulons que les pays d'Afrique subsaharienne et d'autres régions du monde se manifestent et affirment que les agissements de la Chine sont répréhensibles. C'est très difficile à faire, puisque la Chine est le seul pays à investir dans des projets d'infrastructures et de développement dans ces pays. Comment pouvons-nous gérer une telle situation?
Cela va sembler un peu répétitif, mais je pense qu'il est essentiel que tous les pays qui partagent le point de vue du Canada — les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie — se manifestent, pas seulement par la prise de mesures communes à l'ONU, mais individuellement, plus clairement et dans une relation directe avec la Chine, et publiquement, afin que d'autres nations en soient témoins, pour que le peuple chinois et les Tibétains puissent le voir et l'entendre.
Oui, je suis d'accord avec Mme Wang: l'approche est maintenant plus ferme, en général. Je pense qu'il n'y a pas d'autre option en ce moment, et les gouvernements sont beaucoup plus enclins à parler de la répression transnationale puisque cela résonne chez eux. Donc, c'est très clair. Je pense toutefois que nous ne devrions pas hésiter à parler très publiquement de questions très difficiles comme la démocratie, le risque de génocide, les crimes contre l'humanité et toutes ces choses, et à exercer des pressions. À mon avis, l'une des plus grandes réussites de la République populaire de Chine au cours des deux ou trois dernières décennies a été d'occulter ces conversations, de les soustraire aux projecteurs.
Je constate, de maintes façons, que ces discussions ont lieu au Canada, ce qui est excellent, et que cela se fait beaucoup plus publiquement. Nous devons cependant voir nos dirigeants, les plus hauts dirigeants du gouvernement canadien — le premier ministre, la ministre des Affaires étrangères —, adopter une position très claire et très ferme par rapport à toutes ces questions — droits de la personne, Tibet, génocide des Ouïghours — pour en faire une question d'avant-plan plutôt qu'une question secondaire. Cela doit faire partie intégrante du discours, à chaque étape, avec des repères et des mesures pour tenir le gouvernement chinois responsable.
C'est un de mes collègues qui l'exprime le mieux. Il dit qu'ils sont ici parce qu'ils ont besoin...
Excusez-moi, madame Tethong. Nous avions besoin d'une réponse plutôt courte, et nous avons eu une réponse assez longue.
Madame Tethong, je vous laisserai poursuivre plus tard, mais je vais commencer par Mme Wang.
Merci de vous joindre à nous, madame Wang.
L'an dernier, le Royaume-Uni a publié sa politique sur la Chine. Je sais que vous l'avez consultée. Qu'est‑ce qui fonctionne? Qu'est‑ce qui ne fonctionne pas? Qu'est‑ce que le Canada devrait adopter?
Je dois préciser que je ne pense pas l'avoir examinée en détail.
En général, l'approche du Royaume-Uni à l'égard de la Chine, comme celle de nombreux autres gouvernements, n'a pas été entièrement cohérente ou satisfaisante, surtout sur le plan de ses obligations spéciales à l'égard de Hong Kong. À titre d'exemple, le Royaume-Uni a fait des déclarations condamnant l'imposition de la loi sur la sécurité — la deuxième, l'article 23 —, mais sans imposer de sanctions.
Pour ce qui est de mesures concrètes, nous demandons des sanctions ciblées contre les fonctionnaires chinois de Hong Kong qui étaient responsables de cette loi sur la sécurité.
Contrairement aux fonctionnaires chinois, les fonctionnaires hongkongais voyagent à l'étranger et ont des familles à l'étranger. De telles sanctions enverraient le bon message au gouvernement chinois: la répression a un coût.
J'ai dû me tromper. Vous auriez déclaré que « le Royaume-Uni [avait besoin]... d'un plan plus ambitieux pour réduire sa dépendance économique générale ». C'est ce que j'ai retenu de votre analyse du discours du ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, l'an dernier.
Nous parlons de mesures concrètes. Vous pourriez peut-être donner plus de détails sur ce que vous vouliez ou voulez dire, ou sur les leçons que nous pouvons tirer du Royaume-Uni, avec un accent particulier sur la réduction de cette dépendance économique.
Je suis désolée. Nous demandons aux gouvernements de faire beaucoup de choses.
Je pense que la difficulté tient du fait que beaucoup de gouvernements dépendent en même temps du gouvernement chinois pour leurs chaînes d'approvisionnement essentielles, de sorte que bon nombre d'entre eux sont essentiellement incapables de prendre des mesures concrètes et rigoureuses en ce qui a trait aux droits de la personne.
Nous considérons que ces questions sont liées, et un mouvement vers l'atténuation des risques, pour les chaînes d'approvisionnement essentielles ou de façon plus générale, est étroitement lié à la promotion des droits de la personne.
Certes, il y aura des questions ou des difficultés pour assurer le maintien des relations économiques et commerciales, et elles demeureront importantes pour les relations bilatérales. Cependant, je pense qu'il n'est pas possible de promouvoir les droits de la personne sans examiner les répercussions également. Le commerce et l'économie doivent être fondés sur des relations saines en matière de droits de la personne.
Voilà, selon moi, ce qui sous-tend cette recommandation. Ces questions ne peuvent être complètement séparées.
Pouvez-vous donner des exemples précis de ce qui pourrait fonctionner au Royaume-Uni et que nous pourrions reproduire ici?
Je pense que certaines de ces recommandations sont déjà mises en œuvre.
Par exemple, je crois savoir que le gouvernement allemand a examiné le fait que son économie dépend du gouvernement chinois, essentiellement, puisqu'il contrôle l'accès au pays. Je pense qu'il y a eu des efforts pour remédier à la situation. À mon avis, il est important d'examiner la façon dont le gouvernement chinois se sert de ces leviers économiques pour s'assurer que les gouvernements, au Canada et à l'échelle mondiale, ne soulèvent pas la question des droits de la personne.
Au‑delà de cela, il est nécessaire d'étudier sérieusement les multiples répercussions afin de trouver un équilibre entre la volonté de promouvoir les droits de la personne et le désir de protéger les moyens de subsistance des gens. Je pense que c'est nécessaire d'entrée de jeu afin que la politique étrangère canadienne soit essentiellement établie par les Canadiens et non par le gouvernement chinois.
Merci.
Madame Tethong, vous avez souligné que la Chine ne dialogue pas avec d'autres démocraties. Il est donc très difficile, pour des pays comme le Canada, d'exercer une influence marquante. Comment l'ONU et d'autres démocraties aux vues similaires peuvent-elles travailler avec la Chine pour entreprendre un dialogue? Est‑ce même possible?
Elles tiennent déjà un dialogue. Je pense que la clé est d'établir des conditions d'engagement sur la question des droits de la personne.
Je pense que les dialogues bilatéraux sur les droits de la personne se sont révélés essentiellement inefficaces. Les gouvernements et les nations doivent dire aux Chinois qu'ils ne vont pas s'engager dans une discussion privée en coulisse sur les droits de la personne, que ces discussions doivent être plus robustes, et qu'elles doivent compter sur la participation d'autres gouvernements.
Je pensais à ce que le Canada pourrait faire dès maintenant. Nous savons que le gouvernement de la République populaire de Chine veut que vous vous attaquiez à tous nos problèmes séparément, comme s'ils étaient distincts, pour que nous restions tous dans des silos. Les Tibétains peuvent représenter pour lui une question de liberté religieuse ou une question séparatiste. Il y a la question du terrorisme et toutes ces autres absurdités pour les Ouïghours. Je pense qu'en réglant tous les problèmes ensemble, en créant un organisme ou un groupe en ce sens, vous lui ferez comprendre que vous avez une vision à long terme. Vous voulez parler des Tibétains, des Ouïghours, des Mongols et des Hongkongais. Ces derniers temps, en particulier, le gouvernement chinois a tenté d'imposer le silence à nos communautés par l'oppression transnationale et par la fermeture de nos régions ou la répression de nos nations et de nos territoires.
Je crois que nous devons trouver des points communs, discuter de nos problèmes ensemble et chercher des solutions ensemble. En tant que mouvements, les Tibétains, les Ouïghours, les Hongkongais et les défenseurs des droits de la personne chinois travaillent ensemble depuis quelques années maintenant et trouvent beaucoup de points communs dans une grande partie de notre discours; ils puisent leur force dans notre solidarité.
Je pense que gouvernement de la République populaire de Chine ne veut absolument pas que vous vous réunissiez pour discuter ensemble de nos problèmes et chercher des moyens de les régler, afin qu'ils ne soient pas pris en compte de manière distincte. Ces questions sont au coeur du traitement de tous nos enfants, par exemple, dans les pensionnats. Il y en a aussi au Turkestan oriental, ou ce que la Chine appelle le Xinjiang. Il y en a aussi dans le sud de la Mongolie, ou ce que la Chine appelle la Mongolie intérieure.
Voilà une question sur laquelle le gouvernement canadien pourrait se pencher dans son ensemble. Quand on commence à voir la situation dans son ensemble, on se rend compte qu'il ne s'agit pas d'un accident. Ce n'est pas par hasard que tous nos enfants et nos prochaines générations se retrouvent dans ces systèmes scolaires génocidaires. C'est là que se trouve le pouvoir.
Lorsque vous avez répondu à la question, vous avez d'abord parlé de discussions en arrière-plan. Croyez-vous que les efforts diplomatiques en arrière-scène pourraient avoir une incidence aussi importante, pour améliorer le dialogue?
Je pense que les discussions sur les droits de la personne ou sur nos enjeux doivent maintenant se tenir dans la sphère publique, parce que la plupart des discussions ont eu lieu en privé.
Bien sûr, il y a toujours des mesures et il y a des avantages à négocier en coulisse à certains moments. Je ne sais pas. J'ai l'impression qu'à cette étape‑ci, avec Xi Jinping et compte tenu de tout ce qu'il a fait pour amener la Chine au bord du précipice, nous sommes dans une situation désespérée, et nous avons besoin de mesures plus intenses et plus publiques.
Je vois un changement, et c'est formidable, mais je n'ai pas l'impression que c'est suffisant. Il y a toujours cette idée que nous ferons affaire avec Xi Jinping et le Parti communiste pour toujours, et je pense que ce n'est pas la bonne approche. Je pense que nos gouvernements doivent penser au peuple chinois et aux défenseurs des droits de la personne, et à tous ceux qui viendront ensuite.
Merci, madame Tethong.
Nous allons maintenant entendre M. Bergeron, qui dispose de deux minutes et demie. Allez‑y.
[Français]
Merci, monsieur le président.
J'aimerais inviter nos témoins à oublier, momentanément, tout ce que j'ai pu dire concernant les exactions commises contre les Ouïghours, contre les Tibétains, contre les Kazakhs, contre les Turkmènes et contre les pratiquants du Falun Gong en République populaire de Chine.
Je les invite à mettre de côté ce que j'ai dit à propos de la Stratégie du Canada pour l'Indo‑Pacifique concernant le respect des droits de la personne et le travail forcé, puisque le gouvernement a indiqué qu'il entendait rétablir et normaliser, pour reprendre ses termes, ses relations avec la République populaire de Chine.
À cet effet, on a dépêché en République populaire de Chine une mission parlementaire, et on y a dépêché le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et le sous-ministre des Affaires étrangères. On leur a confié un mandat très précis, soit de normaliser les relations avec la République populaire de Chine.
Croyez-vous que c'est cohérent avec ce dont on a parlé au cours du premier tour de questions?
[Traduction]
À qui posez-vous votre question, monsieur Bergeron?
Je vais choisir. Nous allons entendre la réponse de Mme Wang.
Même si la situation des violations des droits de la personne fluctue — parfois, elle s'améliore et parfois elle empire vraiment —, compte tenu du système politique du gouvernement chinois, un système léniniste de contrôle descendant et centralisé, je ne crois pas qu'un pays puisse avoir une relation « normale » et stable avec la Chine sans tomber dans le piège du langage du gouvernement chinois. En gros, pour avoir une relation normale ou stable avec la Chine, il faut se plier aux règles du gouvernement chinois.
Nous ne voulons pas que cela se produise, car les lois en matière de droits de la personne sont des normes internationales, auxquelles le gouvernement chinois a également adhéré. Il est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce sont les droits que le gouvernement chinois et le peuple chinois ont promis dans leur constitution.
Nous espérons que vous vous rappellerez des principes directeurs qui englobent ces relations dans le cadre de vos échanges avec la Chine.
Merci, madame Wang.
Vous n'avez plus de temps, monsieur Bergeron.
Madame McPherson, vous disposez de deux minutes et demie.
Merci beaucoup.
Nous avons entendu d'autres défenseurs des droits de la personne témoigner devant ce comité et d'autres. J'ai déjà siégé au Sous-comité des droits internationaux de la personne et au comité des affaires étrangères. Nous avons entendu de nombreux intervenants et experts sur le besoin d'établir une stratégie exhaustive en matière des droits de la personne au Canada.
Monsieur Mehdi, j'aimerais commencer avec vous, parce que je ne vous ai pas posé de question plus tôt.
Pourriez-vous me parler de l'importance d'une telle stratégie? Croyez-vous que le Canada doive la mettre sur pied?
Merci beaucoup.
Oui, tout à fait.
L'un des rôles de ce comité des droits de la personne pourrait être de demander des comptes à tous les gouvernements, du moins sur la scène internationale.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, il faut un forum international important sur la lutte contre l'utilisation abusive des lois antiterroristes et des recommandations du Groupe d'action financière, l'organisme qui effectue actuellement l'examen des évaluations mutuelles. Je crois que le Canada devrait montrer tous les rapports d'Amnistie internationale et de la Global Non-Profit Organization Coalition sur le Groupe d'action financière, dont j'ai parlé dans mon exposé.
Je pense que ce sont là des questions très importantes auxquelles l'Inde devra répondre sur la scène internationale.
Je crois qu'il faut une stratégie. Il faut aussi des ressources et du financement. Sinon, ce ne sont que des paroles en l'air. J'aimerais que le Canada mette sur pied une stratégie exhaustive.
Oui, et je crois que c'est ce que nous avons vu avec le régime de sanctions. Je vous poserai des questions à ce sujet à la prochaine série de questions, si j'en ai l'occasion. Si on ne met pas les mesures à exécution, si on ne les finance pas et si on n'y affecte pas les ressources nécessaires, cela n'est qu'une stratégie de relations publiques, et non une stratégie significative.
Allez‑y, madame Tethong.
Oui, je pense que c'est essentiel pour la continuité d'un gouvernement à l'autre, mais aussi simplement pour alimenter chaque discussion. Je pense aux diverses façons dont les gouvernements traitent avec la Chine sur les questions de sécurité nationale — la sécurité militaire, les questions régionales, le commerce et l'économie —, et je crois que les droits de la personne doivent faire partie intégrante de cet engagement. La seule façon d'y arriver, c'est d'avoir une idée claire et cohérente de la façon et du moment de soulever ces questions et d'établir des liens entre elles.
Je suis tout à fait d'accord avec Mme Wang pour dire qu'on ne peut pas y arriver sans un ministère compétent et bien doté en personnel pour y donner suite.
Je pense que plus les droits de la personne sont morcelés et gérés pays par pays ou endroit par endroit, moins ils ont de mordant, et je pense que des dirigeants comme Xi Jinping le savent.
Je le sais. C'était un bel essai.
Nous allons maintenant entendre M. Chong, qui dispose de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
L'un des points saillants de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, ce sont les efforts du gouvernement du Canada pour soutenir la démocratie dans la région. Si nous examinons les recherches menées par des groupes de réflexion et d'autres organisations, nous constatons qu'au cours de la dernière décennie et demie ou des deux dernières décennies, il y a eu un recul démocratique dans la région, en particulier dans des pays de l'Asie du Sud-Est comme la Thaïlande, le Myanmar, le Cambodge et d'autres.
Ma question est simple. Que devrait faire le gouvernement du Canada de façon pratique et réalisable pour renforcer la démocratie dans ces pays? En raison de leur taille, nous savons que le Canada pourrait avoir une incidence en ce sens.
Ma question s'adresse aux trois témoins, monsieur le président.
Très bien. Monsieur Mehdi, nous allons commencer avec vous. Nous entendrons ensuite Mme Tethong puis Mme Wang.
Comme nous le savons tous, il n'y a pas d'aide au développement et à la coopération internationale entre le Canada et l'Inde. Ainsi, il n'y a pas beaucoup de dialogues entre les organisations de la société civile canadienne et les organisations de défense des droits de la personne et de la société civile en Inde. J'en connais très peu.
Je travaille dans le secteur des ONG depuis plus de 30 ans, et il y avait à une époque beaucoup d'échanges avec nos gouvernements provinciaux et fédéraux au sujet de la situation et de ce que les gouvernements et nos représentants pouvaient faire pour promouvoir les institutions démocratiques en surveillant ce qui se passe en Inde. C'est ce qui manque aujourd'hui.
Je pense que le gouvernement canadien pourrait investir dans une sorte de plateforme pour rouvrir ce dialogue, qui fait cruellement défaut. Au cours de ma carrière, j'ai remarqué que les échanges dans la société civile étaient à une époque très dynamiques et sont presque nuls aujourd'hui.
La Thaïlande compte environ 70 millions d'habitants. Le Myanmar en compte environ 55 millions et le Cambodge environ 17 millions. Ce sont des pays dont la population équivaut à peu près à celle du Canada. Notre économie est aussi beaucoup plus vaste que celle de ces pays, et nous pourrions y exercer une grande influence.
Concrètement, la Stratégie du gouvernement pour l'Indo-Pacifique reconnaît cette question d'échelle. Elle met particulièrement l'accent sur la stratégie économique du Nord de l'Indo-Pacifique en se centrant sur des pays comme le Japon et la Corée du Sud. On fait état de la sensibilisation diplomatique dans les chaînes d'îles de la région indo-pacifique. Je pense que tout cela repose sur la reconnaissance du fait que le Canada n'est pas le plus grand pays du monde sur le plan de la population ni le deuxième.
Compte tenu des ressources limitées dont nous disposons, comment pouvons-nous les utiliser le plus efficacement possible dans la région? Le gouvernement a décidé qu'en ce qui concerne certains domaines de cette stratégie, l'accent sera mis sur le Nord de l'Indo-Pacifique. Dans d'autres domaines, il a décidé de se concentrer sur l'ANASE.
Ma question est la suivante: étant donné le recul démocratique actuel en Asie du Sud-Est — la partie de l'Indo-Pacifique que des organisations comme le Hudson Institute ont désignée comme étant la plus grande faiblesse, et en particulier des pays comme la Thaïlande, le Myanmar et le Cambodge —, quelles mesures concrètes le gouvernement peut‑il prendre pour renforcer les institutions démocratiques dans ces régions et dans ces pays?
Nous pourrions peut-être entendre Mme Wang.
Merci.
Je sais que votre liste de choses à faire sera probablement très longue. Je pourrais vous envoyer les rapports de recherche sur les droits de la personne des décennies précédentes avec une très longue liste également.
Nous assistons à un recul de la démocratie dans le monde entier en même temps que nous vivons une période de commerce international et d'économie sans principes... de mondialisation, essentiellement. Nous constatons une inégalité croissante entre les plus riches et les travailleurs. La Chine représente la pièce à conviction A. L'ancien président Clinton disait qu'à mesure que la Chine grandirait, la classe moyenne grandirait aussi, ce qui assurerait la démocratie du pays. Ce n'était pas vrai. Ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement chinois a acquis un pouvoir incroyable.
Je ne suis pas un expert de tous les autres gouvernements avec lesquels vous devez traiter, mais bon nombre de ces gouvernements sont également devenus riches et très puissants d'une manière autoritaire. Je soupçonne qu'une loi visant à réintégrer les droits de la personne et les droits des travailleurs dans le commerce international et la mondialisation contribuerait grandement à corriger ce genre de déséquilibre des pouvoirs entre la population et les gouvernements. Cela pourrait régler des problèmes plus vastes qui dépassent la Chine et la région.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.
Au début des années 2000, il était courant, non seulement dans les milieux universitaires, mais aussi dans les milieux de la politique étrangère, de défendre l'idée de la promotion de la démocratie. En gros, le concept voulait que pour assurer la stabilité et la paix dans le monde, les démocraties devaient promouvoir la démocratie en théorie et en pratique à chaque occasion, puisqu'il n'y avait jamais eu de guerre entre deux démocraties. La démocratie était perçue exactement à ce titre: comme une force stabilisatrice.
Cela faisait partie de la politique étrangère des États-Unis et même du Canada. D'autres démocraties en ont fait un point central également.
Après la guerre en Irak, pour des raisons évidentes, je crois, l'idée est tombée complètement en désuétude. Par la suite, on en est venu à la conclusion que pour que la démocratie soit durable, pour qu'elle se concrétise de façon significative et pour qu'elle soit une force stabilisatrice en soi, elle devait être organique.
La question que j'ai découle de ce que M. Oliphant a soulevé plus tôt: comment pouvons-nous, en tant que puissance moyenne ici au Canada, mieux promouvoir la démocratie d'une manière qui n'impose rien, mais qui permet un mouvement organique vers celle‑ci dans des environnements autoritaires où, de toute évidence, l'expression démocratique est extrêmement limitée?
Cette question s'adresse à vous tous.
Je voudrais profiter de l'occasion pour évoquer la publication d'un ami. L'International Center on Nonviolent Conflict et le Conseil de l'Atlantique ont publié un ouvrage de Hardy Merriman, un de nos collègues, intitulé « Fostering a Fourth Democratic Wave: A Playbook for Countering the Authoritarian Threat ». Il porte sur l'investissement dans la résistance civile, les mouvements et les citoyens.
Je pense que la clé est de chercher des alliés naturels dans ces endroits, surtout si l'on ne veut pas d'une approche descendante ou qu'une partie fasse la leçon à l'autre. Parfois, il s'agit d'un mouvement en exil, comme dans le cas du Tibet. Souvent, ce sont des gens sur le terrain. Dans la plupart des pays du monde, même ceux qui glissent de plus en plus vers l'autoritarisme, il existe encore des personnes, des mouvements, des organisations et des groupes de la société civile qui constituent la meilleure défense à court et long terme pour lutter pour les droits et libertés et pour créer les sociétés que nous désirons et dont nous avons besoin.
Ce n'est pas toujours facile, mais je pense que la réponse est si simple d'une certaine façon. La clé, c'est le peuple.
Je trouve que l'ouvrage « Fostering a Fourth Democratic Wave » décortique tout cela et donne des idées très claires sur de nouveaux principes de mobilisation, les endroits où les gouvernements peuvent financer les fondations et les organisations de financement en général. Je pense que les gens et les gouvernements ont peur de parler de ce genre de choses ouvertement et de dire clairement qu'ils financent la résilience démocratique, la résistance ou tout autre mouvement. Je ne pense pas que cela rende service à qui que ce soit, surtout pas à ceux qui sont sur le terrain dans les endroits qui ont le plus besoin...
Je connais le Canada en tant que pays grâce à mes voyages et à mon travail. Je vis présentement aux États-Unis. J'ai voyagé dans le monde entier dans le cadre de mon travail sur le Tibet. Le Canada est considéré comme un phare par de nombreuses personnes à l'international. Les Canadiens, le gouvernement canadien et le Parlement canadien disent les choses clairement, tout comme vous, mais nous pourrions en faire beaucoup plus. Nous ne pouvons pas sous-estimer l'importance pour le moral de ceux qui se trouvent dans des endroits comme le Tibet d'être mis à l'avant-scène, de s'exprimer et de mener...
Je suis désolé, madame Tethong, mais il ne me reste qu'environ 40 secondes.
Pourrions-nous entendre ce que Mme Wang a à dire, puisqu'elle est la prochaine sur ma liste? Je dis cela avec tout le respect que je dois à M. Mehdi.
Je dirais tout d'abord que le Canada ne devrait pas penser qu'il impose des valeurs à d'autres peuples. Partout dans le monde, des gens ont montré qu'ils aimaient ces valeurs au péril de leur vie.
De façon générale, les seuls à dire qu'il ne faut pas imposer ces valeurs sont les gouvernements autoritaires. Ce sont ces dirigeants qui disent qu'il ne faut pas faire cela.
Je crois que tout repose sur la façon dont nous envisageons ces questions. J'estime que le Canada devrait voir sa contribution comme un élan de solidarité.
Que ferait le Canada si vous vous teniez sur la ligne de front démocratique avec ces gens, face à une police et une armée très sérieusement militarisées ces jours‑ci et venues pour vous écraser? Que ferait le Canada?
Je pense que la réponse viendrait très facilement à n'importe qui.
À l'instar de l'Allemagne et de la France, le Canada se considère parfois comme une puissance moyenne, mais ce n'est pas le cas en matière d'économie et de représentation. Le Canada a beaucoup de potentiel, surtout dans le cadre des discussions entre les États-Unis et la Chine, où je pense qu'il n'est pas nécessairement considéré comme... La situation devient un peu plus problématique ces jours‑ci, car les États-Unis invoquent les droits de la personne pour concurrencer la Chine, mais je pense que le Canada a un profil différent.
Très bien.
Voici où nous en sommes. Il nous reste 10 minutes. Nous aurons le temps d'avoir un tour complet de cinq minutes, que je vais donner à M. Erskine-Smith. Nous diviserons ensuite les cinq dernières minutes entre M. Bergeron et Mme McPherson.
Si vous êtes prêt, monsieur Erskine-Smith, les cinq prochaines minutes sont à vous.
Merci beaucoup.
Je voudrais commencer par Mme Wang et boucler la boucle sur la législation relative au travail forcé.
Nous disposons présentement de la Loi sur l'esclavage moderne, qui porte davantage sur les obligations de signalement. Vous avez évoqué l'Union européenne et les États‑Unis de différentes façons.
Le budget de 2024 comprend un engagement à déposer un projet de loi en 2024 pour éradiquer le travail forcé des chaînes d'approvisionnement canadiennes.
Pour gagner du temps, seriez-vous en mesure de nous envoyer par écrit les succès et les lacunes d'autres pays en la matière par l'entremise de Human Rights Watch afin d'éclairer l'approche canadienne en 2024?
Génial.
En ce qui concerne l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, nous avons vu, en particulier en ce qui concerne la discrimination, que les Nations unies sont préoccupées par les crimes contre l'humanité commis à l'encontre des musulmans ouïghours. Rien qu'au cours de la dernière année, le Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a ouvert des enquêtes contre Walmart, Hugo Boss, Diesel Canada, Guess et Levi Strauss. Dans sa toute première analyse, tout récemment, il a estimé qu'une opération minière avait probablement bénéficié du travail forcé des Ouïghours.
Bien sûr, cette toute première analyse nous a appris ce que nous savions déjà, à savoir que l'OCRE ne peut que faire des recommandations et n'a pas de véritable pouvoir. En fait, le ministre a plus de pouvoir dans la Loi sur l'esclavage moderne et en ce qui concerne les obligations de signalement que l'ombudsman n'en a quant aux violations réelles des droits de la personne.
Pensez-vous, madame Wang, qu'en plus de déposer un projet de loi visant à éradiquer le travail forcé, nous devrions doter l'OCRE de pouvoirs adéquats une bonne fois pour toutes?
Je ne suis pas une experte de ce bureau, mais d'après ce que vous avez décrit, je serais d'accord pour dire qu'il serait nécessaire de disposer d'un pouvoir d'application de la loi pour agir contre le travail forcé, oui.
Merci beaucoup.
Au‑delà de l'action sur l'enjeu du travail forcé, je pense que Mme McPherson a bien expliqué le fait que le Parlement a non seulement débattu de la question, mais a aussi conclu par un vote qu'un génocide avait été perpétré contre les musulmans ouïghours. Le gouvernement s'est exprimé avec force à ce sujet à plusieurs reprises.
Que pensez-vous que le gouvernement et nous-mêmes devrions faire de plus, au‑delà du projet de loi sur le travail forcé?
J'ai déjà parlé des actions qui devraient être entreprises aux Nations unies. La prochaine session du Conseil des droits de l'homme aura lieu en juin. En outre, notre rapport sur le Xinjiang contient de nombreuses recommandations, et je serais heureuse de vous le faire suivre.
Par exemple, nous estimons que le gouvernement canadien devrait encourager la préparation d'enquêtes criminelles sur les fonctionnaires chinois responsables de crimes contre l'humanité. Nous entendons par là la préparation de dossiers d'accusation.
Nous encourageons également le gouvernement à documenter les cas de personnes toujours portées disparues dans la région, qui sont détenues et emprisonnées, et bien sûr à faire pression pour qu'elles soient libérées.
De plus, je pense qu'il y a des familles ou..
Il y a sans aucun doute des familles liées, et, en fait, l'un des cas les plus anciens est lié au Canada.
Ma dernière question concerne la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, car il est écrit noir sur blanc que le Canada a une stratégie qui dénonce les violations des droits de la personne en Chine. Je pense qu'elle ne mentionne pas certains des défis auxquels nous faisons face dans les relations entre le Canada et l'Inde, mais qu'elle articule clairement ceux dans les relations entre le Canada et la Chine.
Je ne vais pas vous demander de me donner une réponse en moins d'une minute — et cela s'applique également à M. Mehdi et à Mme Tethong —, mais je vous serais reconnaissant si vous pouviez nous envoyer des recommandations par écrit sur la façon d'améliorer la Stratégie pour l'Indo-Pacifique actuelle.
Merci, monsieur Erskine-Smith.
Nous allons maintenant passer à M. Bergeron pendant deux minutes et demie.
[Français]
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais reprendre là où j'ai laissé la discussion la dernière fois. Malheureusement, seule Mme Wang a eu l'occasion de se prononcer sur la question que je posais à propos des prétentions du Canada pour ce qui est de normaliser les relations avec la République populaire de Chine.
J'aimerais que Mme Tethong et M. Mehdi nous parlent de la possibilité de normaliser les relations avec une dictature du type de celle qui règne en République populaire de Chine.
[Traduction]
Je ne pense pas qu'il soit possible de normaliser les relations avec la République populaire de Chine, en particulier sous Xi Jinping. Je pense que son avenir et celui du Parti communiste sont très menacés et incertains à l'heure actuelle. J'ai entendu quelqu'un dire récemment que c'était comme s'ils faisaient face à huit armes chargées présentement, et que la question est de savoir laquelle explosera en premier, qu'il s'agisse de la démographie, des questions internes, de l'économie ou des banques, bref de tout cela.
Nous devrions percevoir Xi Jinping et le gouvernement chinois de la même façon que nous percevons présentement la Russie et Poutine, et réfléchir à ce que nous allons devenir et à quoi cela va ressembler. Je pense que le changement arrive plus vite que nous ne le pensons et qu'il va probablement s'imposer à nous avant que nous nous en rendions compte. Nous devrions y réfléchir très clairement maintenant et creuser pour savoir qui est là, quels sont les mouvements, où sont les gens, ce que nous pouvons soutenir et quels sont les plans. Je pense qu'agir ainsi constituerait une stratégie plus sûre pour l'avenir que de chercher à normaliser les relations.
Je n'ai pas eu l'occasion de le dire plus tôt, mais mon collègue tibétain, qui a 35 ans d'expérience dans le secteur de l'éducation, suit ce qui se passe tous les jours du point de vue tibétain et dans les discussions internes chinoises. Il pense que nous allons arriver à un point critique très bientôt et que personne n'est réellement prêt pour cela.
Je pense que la façon dont Xi Jinping s'est comporté récemment et le fait qu'il se manifeste sont dus, comme l'a dit mon collègue, au fait qu'il a besoin de nous. Il se manifeste car il est faible, et nous, nous le renforçons lorsque nous continuons à lui donner une légitimité et les plateformes qui l'acceptent au lieu de le défier, d'une certaine façon. C'est ce que nous avons fait avec Poutine.
Je ne sais pas. Je ne pense pas que l'on puisse avoir des relations normales avec la République populaire de Chine, le gouvernement de la RPC et Xi Jinping et ceux qui sont au pouvoir présentement en particulier.
Merci, madame Tethong. Vos deux minutes et demie sont écoulées.
Nous allons maintenant passer à Mme McPherson pour notre dernier tour de deux minutes et demie.
Merci, monsieur le président.
Ce que vous venez de dire m'interpelle beaucoup, madame Tethong.
En ce qui concerne le soutien aux mouvements, j'ai trouvé votre référence à l'International Center on Nonviolent Conflict merveilleuse. Merci de reconnaître le travail extraordinaire qu'il accomplit.
Je terminerai par une question très simple. Vous avez tous les trois parlé de la possibilité que les sanctions jouent un rôle important. J'ai été assez critique de la façon dont le gouvernement a appliqué nos sanctions.
J'aimerais demander à chacun d'entre vous s'il y a des individus qui ne sont pas encore sanctionnés par le Canada et qui devraient l'être. Avez-vous des suggestions à nous faire en ce qui concerne le régime de sanctions?
Je vais commencer par vous, monsieur Medhi.
Je ne peux pas parler de sanctions contre des individus. Tout ce que je peux dire, c'est qu'en Inde, nous parlons du recul de la démocratie dans la région indo-pacifique.
Tout d'abord, l'Inde dispose d'une constitution très robuste et excellente, qui a été adoptée en 1950. Cependant, depuis 2014 et l'arrivée au pouvoir du régime actuel, on observe un recul très important des institutions démocratiques. Je pense que nous devons nous pencher sur cette question et mettre un terme à ce recul.
Si vous observez la façon dont les élections se déroulent en Inde ces temps‑ci, vous verrez qu'il y a une déclaration de guerre très franche entre la démocratie et la dictature, alors je pense que c'est la question qui se pose pour l'Inde présentement. Le gouvernement, qui est majoritaire présentement — espérons qu'il ne le sera pas après les prochaines élections en juin — devrait être dénoncé pour ses violations des droits de la personne et remis en question sur les plateformes internationales.
Malheureusement, je n'ai pas de liste toute prête pour vous, mais il existe des listes d'autres groupes de Hong Kong. J'ai notamment parlé de l'importance de sanctionner les dirigeants de Hong Kong. La liste est très longue, mais je dirais que le moment... J'aimerais voir... C'est un peu tard pour l'article 23, mais c'est toujours opportun.
Lorsque le magnat des médias prodémocratique Jimmy Lai et les 47 ex‑législateurs prodémocratiques obtiendront leur peine, j'aimerais à tout le moins qu'il y ait des sanctions en retour.
Merci.
Oui, la reddition de comptes est essentielle, et je pense qu'au Tibet, elle devrait tout particulièrement s'appliquer aux secrétaires du Parti et, en ce qui concerne les pensionnats, aux architectes intellectuels de la politique visant à assimiler ouvertement, de façon flagrante et forcée les enfants tibétains, les enfants ouïghours et les Mongols du Sud. Je pense que toutes ces personnes devraient rendre des comptes.
Le moment est venu d'utiliser les sanctions et d'en utiliser davantage. Pensons aux décisions prises au sein du Parti communiste et à leurs répercussions dans toute la Chine, au Tibet, au Turkestan oriental ou au Xinjiang. De nombreux dirigeants chinois faisant partie du système se demandent quel sera leur avenir et comment tout cela va se terminer si nous décidons de faire pression sur Xi Jinping pour ces politiques terribles, l'ethnonationalisme et tout le reste.
Bien sûr, nous voulons essayer de faire pression sur lui pour qu'il mette fin à ces politiques, mais au moins nous pouvons désormais signaler à toutes ces personnes qu'elles ne veulent pas être impliquées dans cette affaire et leur demander si elles veulent continuer à être associées à ce type d'individu. Leurs décisions doivent avoir des conséquences aujourd'hui et à l'avenir, et je pense que les sanctions sont l'un des seuls outils dont nous disposons pour le faire comprendre.
Les États-Unis ont imposé des sanctions en matière de visa aux dirigeants chinois impliqués dans le système colonial des pensionnats au Tibet, et je pense que le Canada pourrait et devrait lui emboîter le pas. Les secrétaires du Parti sont les cibles les plus évidentes, car ils sont responsables de la politique du PCC mise en œuvre dans l'ensemble du Tibet, bien qu'ils l'aient divisé en Région autonome du Tibet et en d'autres régions dites autonomes. Il y a également les architectes intellectuels de ce type de mesures. Nous nous efforçons présentement de dresser un tableau clair des responsables.
Voilà qui met fin au témoignage de nos trois témoins. Merci à vous trois.
En fait, en commençant par vous, madame Tethong, vous avez mentionné qu'un de vos collègues avait publié un livre sur la démocratie, et je me demandais si vous pourriez envoyer un courriel à notre greffière pour lui en donner les détails. Il a l'air tout à fait fascinant. Je vous remercie d'avoir été des nôtres.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication