Bienvenue à la neuvième réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur les relations entre le Canada et la République populaire de Chine.
Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine, en mettant l'accent sur les relations entre le Canada et Taïwan pendant la première heure et sur l'exposition des fonds d'investissement canadiens aux actions et obligations chinoises liées à des violations des droits de la personne pendant les deuxième et troisième heures.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres assistent à la réunion en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
J'ai quelques commentaires à faire en premier lieu.
Au bénéfice des témoins et des membres, veuillez attendre que je vous nomme avant de parler. Pour ceux qui participent avec vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer. Veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Je pense que tout le monde sur Zoom a fait le test et reçu toutes les instructions, mais vous avez le choix au bas de votre écran du parquet, de l'anglais ou du français pour l'interprétation. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Pour les membres dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les membres sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à notre motion de régie interne concernant les tests de connexion des témoins, je peux confirmer que tous nos témoins qui comparaissent avec vidéoconférence ont effectué les tests et sont prêts à témoigner.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Mathyssen et à M. Kurek au... Je suis désolé. C'est Mme Blaney. Je le savais, mais la route est longue jusqu'ici. Merci de venir remplacer. Au fait, veuillez transmettre nos meilleurs voeux à Mme McPherson, qui ne se sent pas bien du tout aujourd'hui. Ne manquez pas de lui faire savoir que nous pensons à elle.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins de la première heure. Du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, nous accueillons Paul Thoppil, sous-ministre adjoint, Asie-Pacifique; Weldon Epp, directeur général, Asie du Nord-Est; et Jennie Chen, directrice exécutive, Politique et coordination de la Grande Chine.
J'ai deux points à soulever brièvement.
Comme vous le savez, ce groupe devait nous rendre visite la semaine dernière, mais n'a pas pu le faire à la dernière minute. Des lettres ont été échangées et des explications données. Je crois que celles-ci ont été distribuées aux membres.
Je demande aussi l'indulgence du comité. Le sujet que ce groupe d'experts est venu nous présenter concerne le commerce et il pourrait y avoir, en fait, d'importants chevauchements entre l'accent mis sur Taïwan et le sujet de la prochaine étude que nous effectuerons sur le commerce avec la Chine. Je vous demande de bien vouloir accepter les questions et les réponses de ce groupe de travail en vue de leur utilisation dans le cadre de l'étude sur Taïwan, ainsi que dans l'étude suivante.
Si tout le monde est d'accord, nous demanderons, je crois, à M. Thoppil de faire la déclaration liminaire.
Vous disposez d'au plus cinq minutes.
:
Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser au Comité au sujet de Taïwan et de l'engagement du Canada à son égard..
[Traduction]
Permettez-moi tout d'abord d'exprimer mes sincères regrets pour le désagrément involontaire subi par les membres du comité la semaine dernière en raison des difficultés techniques rencontrées par les deux représentants de GAC. Après plusieurs tentatives infructueuses de connexion, le service informatique de la Chambre des communes nous a informés que la comparution des fonctionnaires avec vidéoconférence ne pouvait avoir lieu - bien que les deux fonctionnaires soient restés en attente d'instructions ou d'options à ce moment-là.
Je suis ici ce soir avec les mêmes fonctionnaires pour répondre à vos questions. Si le comité le souhaite, je serais heureux d'avoir l'occasion de vous informer de ma récente participation à la 18e consultation économique annuelle Canada-Taïwan à Taipei, où je me trouvais la semaine dernière au moment de l'audience du comité et où j'ai rencontré divers ministres taïwanais.
[Français]
Depuis 1970, le Canada a noué avec Taïwan des liens importants sur les plans culturel et économique, ainsi qu'entre nos peuples respectifs. Taïwan est une société novatrice, démocratique et tournée vers le monde.
[Traduction]
L'engagement du Canada envers Taïwan est ancré dans sa politique d'une seule Chine, en vertu de laquelle le gouvernement du Canada reconnaît la République populaire de Chine comme le seul gouvernement légitime de la Chine, tout en prenant note — sans la contester ni l'approuver — de la position du gouvernement chinois sur Taïwan.
[Français]
Ce cadre a permis au Canada d'approfondir sa coopération avec Taïwan dans des domaines tels que l'énergie éolienne renouvelable en mer et le commerce autochtone.
[Traduction]
Qu'il s'agisse de maintenir des chaînes d'approvisionnement en semi-conducteurs pour soutenir des industries mondiales essentielles ou de fournir une assistance médicale et une expertise pour lutter contre la pandémie de COVID-19, Taïwan est devenu un acteur important dans toute une série de questions urgentes d'intérêt mondial. C'est pour cette raison que le Canada continue d'appuyer la participation significative de Taïwan aux organisations internationales où il existe un impératif pratique et où l'absence de Taïwan serait préjudiciable aux intérêts mondiaux.
Comme vous le savez peut-être, le Canada entretient avec Taïwan des relations commerciales et économiques complémentaires et croissantes, fondées sur des liens solides entre entreprises, des valeurs communes et une importante collaboration en matière de science, de technologie et d'innovation. Les consultations économiques en cours entre le Canada et Taïwan continuent d'être très productives et couvrent un large éventail de sujets, tels que l'accès au marché agricole, la coopération en matière d'affaires autochtones, l'économie verte, la sécurité de la chaîne d'approvisionnement, le dialogue sur les politiques en matière de propriété intellectuelle, le contrôle des exportations et l'éducation.
Bien que le Canada ait retrouvé un accès partiel au marché du bœuf taïwanais en juillet 2016, nous continuons de plaider pour un plus grand accès au marché canadien pour le boeuf de plus de 30 mois.
Le Canada reste gravement préoccupé par les événements du mois d'août qui ont conduit à une escalade rapide des tensions à travers le détroit de Taïwan. En réponse aux exercices de tir réel et à la coercition économique exercés par la RPC à la suite de la visite de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, à Taïwan les 2 et 3 août, la et ses homologues du G7 ont exhorté la RPC à ne pas modifier unilatéralement le statu quo par la force dans la région et à résoudre les différends entre les deux rives du détroit par des moyens pacifiques.
Les fonctionnaires canadiens ont également communiqué directement avec l'ambassade de Chine au sujet des préoccupations du Canada dans la région.
[Français]
En tant que démocratie de langue chinoise, Taïwan continue de réaliser des progrès importants vers le développement d'une société dynamique et pluraliste, dans laquelle les droits et libertés des femmes, de la communauté LGBTQ+ et des peuples autochtones sont garantis par la primauté du droit.
Dans le cadre de sa politique d'une seule Chine, le Canada s'engage auprès des deux rives du détroit de Taïwan à faire avancer les questions d'intérêt commun, tout en assurant le respect des droits de la personne et des libertés fondamentales. Cette politique a orienté l'approche du gouvernement du Canada dans la promotion de ses intérêts auprès de Taïwan et en ce qui concerne ce pays pendant plus de cinq décennies. Elle servira de base à un engagement continu dans l'avenir.
[Traduction]
À mesure que nous avançons, la Stratégie pour l'Indo-Pacifique récemment publiée par le Canada contribuera également à façonner l'évolution de nos relations avec Taïwan. La stratégie présente un cadre complet pour approfondir notre présence et notre engagement dans la région en augmentant nos contributions à la paix et à la sécurité régionales. Enfin, elle permettra au Canada de renforcer sa position en tant que partenaire actif, engagé et fiable dans la région indo-pacifique, y compris à Taïwan.
[Français]
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être venus pour témoigner en personne. Nous leur en sommes très reconnaissants.
Dans la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, le gouvernement dit « nous allons défier la Chine » lorsqu'il s'agit de la belligérance et du comportement menaçant de la Chine dans la région. Vous avez mentionné, comme cela a été souligné, que la s'est exprimée publiquement lorsque la Chine a intensifié son agression militaire envers Taïwan, à l'époque de la visite de la présidente de la Chambre des représentants Mme Pelosi.
Ma question est de savoir s'il existe un processus au ministère pour évaluer quand le gouvernement du Canada va prendre la parole pour défier la Chine sur ce genre de comportement, ou s'agit-il plutôt d'une évaluation au cas par cas?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également les hauts fonctionnaires d'être des nôtres, ce soir. Nous leur en sommes reconnaissants.
J'ai quelques questions au sujet de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique. Au cours des discussions que j'ai avec les différentes entreprises de ma circonscription, on me demande souvent en quoi consiste cette fameuse stratégie indopacifique.
Au deuxième point du document, il est question de l'objectif d'accroître les échanges commerciaux et les investissements et renforcer la résilience des chaînes d'approvisionnement.
Pouvez-vous nous expliquer comment les entreprises canadiennes pourront bénéficier de cette stratégie, dont on sait qu'elle ne durera pas une semaine ou plusieurs mois, mais bien plusieurs années?
Comment les entreprises canadiennes vont-elles pouvoir profiter de cette nouvelle stratégie?
J'aimerais que vous répondiez à ma question en une ou deux minutes, puisque j'ai d'autres questions à vous poser par la suite.
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D'accord, je vous remercie.
Je parle encore de ma circonscription, parce que, comme vous le savez, dans le domaine des pêches, nous exportons vers la Chine beaucoup de nos produits, notamment le crabe et le homard.
L'une des questions qui revenaient souvent portait sur le fait qu'il a fallu des années pour développer un marché vers la Chine pour ces produits.
Combien d'années faudra-t-il encore pour développer un nouveau marché de ce genre vers ces autres pays?
Êtes-vous certain que nous pourrons réussir à diversifier nos marchés vers ces autres pays? Ce sera certainement un travail de longue haleine.
D'un point de vue stratégique, avez-vous bon espoir que nous allons réussir à profiter de ces nouveaux débouchés qui s'offrent à nous?
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Monsieur le président, je tiens à remercier le député pour cette question vraiment importante. Je sais que les entreprises canadiennes se la posent en raison de l'environnement géopolitique qui est en train de changer.
Tout d'abord, je devrais commencer par indiquer que la Stratégie ne dit pas que les entreprises canadiennes devraient suspendre leurs échanges commerciaux avec la Chine. Il est assez évident que les entreprises doivent être présentes et se diversifier en Chine, mais aussi ailleurs.
La a été très claire: les entreprises canadiennes devraient adopter une approche ouverte à l'égard de leur présence en Chine, compte tenu de l'imprévisibilité dont les entreprises canadiennes ont été témoins dans les flux commerciaux avec ce pays — tout comme d'autres pays ont aussi vécu cette imprévisibilité — mais c'est une évaluation des risques que chaque entreprise canadienne doit faire.
La diversification des flux de revenus des entreprises ne se fait pas du jour au lendemain. Tout ce que le gouvernement peut faire, c'est de créer les conditions propices en fait de cadres pour les débouchés commerciaux au moyen d'accords de libre-échange et d'accords de protection des investissements étrangers, et se concentrer sur les endroits où les fonds de promotion commerciale et de développement des affaires devraient être investis afin d'aider les entreprises canadiennes à renforcer leur marketing et leur développement des affaires en vue de diversifier leurs flux de revenus.
C'est pourquoi le gouvernement a été très clair dans sa Stratégie pour l'Indo-Pacifique en désignant un représentant commercial pour l'Indo-Pacifique, en adoptant de missions modernisées d'Équipe Canada et en créant une plaque tournante ou une passerelle commerciale vers l'Asie du Sud-Est, et en lançant les négociations d'un accord commercial avec l'Inde pour tirer parti de ce que dit le directeur exécutif du FMI, à savoir que l'Inde et l'ANASE sont les deux régions du monde qui connaissent les taux de croissance économique les plus rapides. Nous essayons de créer les conditions propices pour encourager les entreprises canadiennes à essayer au moins d'augmenter nos possibilités de réussite en matière de diversification des flux.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous ce soir.
Vous nous avez beaucoup manqué, la semaine dernière, alors nous sommes très heureux de vous retrouver ce soir.
Lors d'un discours prononcé le 6 septembre dernier, la présidente de Taïwan, Mme Tsai Ing-wen a accusé la République populaire de Chine de mener une guerre cognitive contre Taïwan par la diffusion de désinformation.
Selon un rapport de l'Associated Press du 6 septembre, les experts ont prévenu que la République populaire de Chine a fait des percées considérables dans les médias de masse taïwanais et pourrait semer de faux récits dans les médias sociaux.
Le Global Taïwan Institute, un institut de recherche en politiques publiques basé à Washington, explique que la capacité de la République populaire de Chine à s'ingérer dans les élections à Taïwan est devenue plus sophistiquée, tout en devenant plus agressive.
Sans m'insérer dans le débat qui a cours présentement sur l'ingérence chinoise, la question que j'aurais le goût de vous poser est la suivante: que sait-on des mesures mises en place par Taïwan pour tenter de prévenir cette désinformation et cette ingérence de la part de la République populaire de Chine dans ses affaires internes?
Par ailleurs, que peut apprendre le Canada de l'expérience de Taïwan en ces matières?
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Monsieur le président, le député a posé une très bonne question, qui était le sujet d'une discussion que j'ai eue à Taïwan la semaine dernière et dont j'aimerais faire part aux membres du Comité.
Leur solution a consisté à créer, au sein de leur gouvernement, un organe indépendant qui a la capacité de réagir à la désinformation provenant de sources extérieures, et de répondre par l'entremise des médias sociaux grâce à une application dans l'heure qui suit. Ils ont la capacité de le faire et surveillent la situation. Le peuple taïwanais est très conscient de cette application et de sa nature réactive. Par conséquent, en raison du degré de réactivité et de la rapidité d'exécution, les Taïwanais ne prennent pas nécessairement en compte ce qui constitue, en quelque sorte, les dernières nouvelles qui peuvent provenir d'une source qui propage peut-être une information non factuelle. C'est ce degré de rapidité qui, selon le gouvernement taïwanais, a été très efficace pour faire prendre conscience aux gens qu'ils ne doivent pas prendre, au pied de la lettre, les nouvelles qui arrivent sur-le-champ. La clé est la réactivité et le délai maximal d'une heure.
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Je vous remercie de cette question.
Je pense que notre Stratégie pour l'Indo-Pacifique, que le gouvernement du Canada a publiée dimanche, expose très clairement notre position à l'égard de Taïwan et notre réaffirmation que nous resterons fidèles à notre politique d'une seule Chine.
Cela dit, à notre avis, il y a beaucoup de place pour l'interprétation des échanges avec Taïwan en fonction des valeurs et des intérêts nationaux du Canada, et je crois que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique couvre, en ce qui concerne les échanges avec Taïwan, et conformément à notre politique d'une seule Chine, un certain nombre de domaines au-delà du commerce, comme la technologie, la santé, la gouvernance démocratique et la lutte contre la désinformation, pour ne citer que quelques exemples de ce que nous pouvons faire dans le cadre de cette politique d'une seule Chine.
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Monsieur le président, je pense que le gouvernement du Canada a déjà annoncé un moyen d'élargir ses relations économiques avec Taïwan en lançant des discussions exploratoires sur l'accord pour la protection des investissements étrangers.
Comme je l'ai dit, le gouvernement du Canada est en voie de communiquer bientôt les résultats de ce processus exploratoire qui est maintenant terminé. S'il est mis en oeuvre, cet accord de protection des investissements étrangers renforcera effectivement les relations commerciales déjà solides entre Taïwan et le Canada, ce qui n'est qu'un exemple de ce que nous pouvons faire.
L'autre exemple est le résultat des consultations économiques bilatérales entre le Canada et Taïwan, que j'ai eu le privilège de présider au nom du Canada avec Taïwan, où un résultat positif a été convenu, soit l'élaboration d'un protocole d'entente sur la résilience de la chaîne d'approvisionnement dans un certain nombre de secteurs. Cela rassurerait un certain nombre de secteurs de nos économies qui pourraient ainsi collaborer plus étroitement.
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Merci, monsieur le président.
Je pense que c'est une excellente question. Elle a fait l'objet de nombreuses analyses et discussions, de toute évidence.
Je sais que la députée est bien consciente que les situations sont tout à fait exceptionnelles et différentes à bien des égards, mais il a été fascinant de voir comment toutes les parties concernées par les tensions de part et d'autre du détroit ont intégré les leçons apprises.
Nous sommes bien conscients que les autorités taïwanaises sont en train de revoir et de réviser certaines de leurs propres hypothèses de planification et de fonctionnement en matière d'autodéfense. Nous en verrons certains résultats dans les années à venir.
Nous sommes aussi très préoccupés par les leçons que la RPC pourrait tirer, par la bande, de la détermination de l'Occident à s'opposer, comme la l'a dit récemment, à tout changement unilatéral du statu quo dans le détroit de Taïwan.
Je pense que les sanctions économiques et la riposte rapide et unie contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont été intéressantes, mais les Chinois ont toujours eu une vision à très long terme de Taïwan. Leur approche ne repose pas sur un échéancier précis. Je pense qu'ils tireront eux aussi des leçons de ce qui s'est passé en Ukraine. Nous pourrions voir certains de ces enseignements ressortir du congrès du parti en ce qui concerne les décisions relatives à la sécurité de leur propre chaîne d'approvisionnement à l'échelle nationale et leur capacité à résister à ce type de contre-mesures en réaction.
Bien que les situations soient très différentes, il y aura malheureusement beaucoup de révision des hypothèses concernant la sécurité de Taïwan. Cela rend la situation encore plus préoccupante pour le Canada, car cela fait entrer en jeu le risque d'erreurs de calcul ou de malentendus. L'une des principales préoccupations est le genre d'exercices auxquels l'Armée populaire de libération s'est livrée au mois d'août.
Je vais passer à un autre sujet, soit la Stratégie pour l'Indo-Pacifique.
J'espérais que vous pourriez nous éclairer sur le fait que le Canada se positionne un peu plus à l'égard de l'accord AUKUS ou du dialogue quadrilatéral sur la sécurité. Ceux-ci n'ont pas été mentionnés dans la Stratégie.
Ne déployons-nous pas des efforts pour y adhérer? Ne s'agit-il pas d'une priorité?
Pour moi, il me semble que ce n'est pas une priorité. Peut-être pouvez-vous expliquer pourquoi c'est le cas et si c'est néfaste dans une certaine mesure. Il semble que cela concorderait très bien avec la Stratégie, compte tenu du langage utilisé et des partenaires avec lesquels nous cherchons à nous associer pour mettre en commun des renseignements et des choses du genre.
Si vous pouviez nous faire part de vos commentaires, nous vous en serions reconnaissants.
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Merci beaucoup pour cette question. Je pense que d'autres l'ont posée aussi, alors c'est une très bonne question.
Je pense que le Canada s'intéresse à des groupements plurilatéraux, quel qu'en soit l'objectif, selon qu'il y a un intérêt canadien à le faire. En ce qui concerne l'AUKUS, je pense que le a précisé qu'il s'agissait d'un arrangement visant à acquérir des sous-marins nucléaires. À ma connaissance, la Défense nationale ne plaide pas forcément pour l'acquisition de ceux-ci.
Dans les limites de cet accord ou de cette entente, il y a des groupes de travail sur d'autres sujets, comme les technologies émergentes et critiques. Cela nous intéresse. Nous avons informé l'Australie de notre intérêt pour certains aspects des groupes de travail dans le cadre de cet accord. L'Australie voit notre proposition d'un bon oeil.
Ma prochaine question porte sur les technologies critiques. Je passe un peu du coq à l'âne.
Ma question porte sur les micropuces et les semi-conducteurs de Taïwan. Il a beaucoup été question de savoir si, en cas de prise de contrôle de Taïwan — pour ainsi dire —, la Chine contrôlerait entièrement le plus grand producteur de semi-conducteurs et de micropuces au monde. Comme la plupart des autres pays du monde, nous serions très vulnérables.
Le Canada a-t-il discuté avec ses alliés pour que nous soyons moins dépendants de Taïwan à cet égard? Est-ce que c'est dans l'air du temps? Je n'ai pas encore lu chaque mot de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, mais je n'ai pas remarqué que c'était une priorité ou une préoccupation. Je me demande si c'est une préoccupation et ce que nous faisons à ce sujet.
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Monsieur le président, j'ai deux ou trois choses à dire à ce sujet.
Tout d'abord, en réponse à la prémisse de la question, une question très importante, certains députés ont peut-être pris note d'un excellent rapport très récent du Rhodium Group, basé sur la modélisation économique, qui a chiffré l'effet d'un blocus économique sur l'économie mondiale, principalement en raison de la chaîne d'approvisionnement des puces. Si vous imaginez que la Chine fasse ce qu'elle a fait à titre d'exercice au mois d'août, mais de manière à imposer un blocus économique, cette intervention aurait à elle seule, selon les estimations, des répercussions de premier ordre de 2 500 milliards de dollars sur l'économie mondiale.
C'est important pour deux raisons.
Cela nous amène à la question posée, monsieur le président, à savoir comment collaborer avec nos partenaires pour faire en sorte que nous n'attendions pas la perturbation d'une partie essentielle de tout ce que nous faisons, de notre économie tout entière, pour planifier le lendemain d'un embargo? Les discussions sont très actives.
Je pense que le point important à retenir de l'étude du Rhodium Group, c'est que cela ne devrait pas être une préoccupation uniquement pour la Chine elle-même. Sa propre économie serait touchée par les perturbations des chaînes d'approvisionnement dans l'industrie des puces, celle du Canada également... et celle des voisins les plus immédiats de la Chine. Le gouvernement chinois part du principe que ce qui se passe de l'autre côté du détroit de Taïwan est une affaire interne... Sauf votre respect, même le genre d'exercice qu'ils ont mené en août aurait des répercussions économiques mondiales immédiates.
Je pense qu'un scénario dans lequel la Chine prendrait le contrôle de Taïwan et contrôlerait ensuite cet approvisionnement est très hypothétique. Beaucoup de variables entrent en jeu. C'est pourquoi des organisations comme le Rhodium Group ont répondu à votre question en isolant un impact encore plus limité. Par comparaison, l'impact économique de la situation en Ukraine semblerait minime.
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Merci, monsieur le président, et c'est exact, je vais partager mon temps avec Mme Yip.
[Français]
Tout d'abord, j'aimerais saluer les témoins et les remercier de leur présence.
J'aimerais simplement leur poser une question.
Je tiens à dire que je salue la Stratégie du Canada pour l’Indo‑Pacifique, lancée dimanche. Cependant, un témoin nous a dit que, dans le contexte géopolitique actuel, Pékin semble de plus en plus conscient que Taïwan ne tombera pas entre ses mains de manière pacifique et qu'une certaine forme de confrontation avec les États‑Unis et leurs alliés est inévitable.
Selon vous, comment le Canada devrait-il se protéger d'un tel risque éventuel? Quel impact cela peut-il avoir sur la Stratégie du Canada pour l'Indo‑Pacifique?
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Monsieur le président, je serais heureux de répondre à cette question.
Je pense que le député a raison de dire que des analystes et des gouvernements du monde entier examinent la situation de l'autre côté du détroit de Taïwan et reconnaissent un fait fondamental et évident que nous prenons très à coeur dans la planification de nos propres politiques, c'est-à-dire qu'une situation qui, pendant des décennies, se déroulait dans un environnement externe relativement stable — il y a eu des hauts et des bas et des tensions, mais en gos, la prémisse était assez stable — est en train de changer. Elle est dynamique et suscite de nombreuses inquiétudes.
Par ailleurs, les choses deviennent plus confuses, bien sûr, parce que nous parlons de l'avenir. Bien sûr, on s'inquiète du fait que les dirigeants chinois ont en quelque sorte établi un échéancier à l'égard de la situation à Taïwan, et certains analystes se concentrent beaucoup sur cet échéancier.
Je voudrais soulever deux ou trois points. Je pense qu'il est prématuré de notre part de supposer qu'une invasion de Taïwan est inévitable. Nous savons tous que la politique officielle du Parti communiste et tous ses plans visent à réunifier Taïwan, mais sa préférence, de toute évidence, serait de prendre toutes les mesures qu'il pourrait prendre sans aller jusqu'à une activité cinétique ou une guerre, notamment en raison des répercussions qu'une guerre aurait sur sa propre économie et sa propre population.
Il n'y a pas d'invasion inévitable, mais il y a maintenant une tension croissante. En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, monsieur le président, c'est là où le Canada travaille très activement avec des pays d'optiques similaires pour comprendre comment réagir efficacement à une situation dynamique, mais dans un objectif commun. La a clairement indiqué dans ses déclarations publiques, et nous l'avons fait sur le plan diplomatique, et à son homologue ministériel, M. Wang Yi, que le Canada est en très bonne compagnie pour s'opposer à toute intervention qui déstabiliserait unilatéralement le détroit de Taïwan et la situation de l'autre côté du détroit.
Cependant, cela ne peut se faire de manière isolée. Nous ne pouvons pas avoir un effet sur cette situation à nous seuls. Voilà pourquoi les discussions se poursuivent, et voilà pourquoi vous voyez que le G7, ces derniers mois, s'est exprimé de plus en plus, d'une même voix, pour faire valoir les mêmes arguments.
Je vous remercie.
:
C'est une question très pertinente.
[Traduction]
La politique d'une seule Chine offre une occasion importante d'échanger avec Taïwan lorsque c'est dans notre intérêt national de le faire, comme je l'ai dit.
Vous avez reconnu dans la question qu'ils possèdent un savoir-faire dont il est dans notre intérêt de tirer des leçons. Des conversations ont été entamées pour cette même raison, à la fois sur la façon dont ils s'attaquent à la désinformation — et j'ai décrit comment ils s'y prennent avec rapidité et réactivité — et aussi, peut-être, parce qu'ils sont le meilleur parti au monde pour comprendre la Chine et ses comportements.
Il nous incombe donc, afin d'échanger et de travailler avec eux, de mieux comprendre et, par conséquent, d'intégrer les pratiques qui fonctionneraient dans notre système.
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Monsieur le président, je pense que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique est claire: ce à quoi aspire le Canada, c'est le statu quo en matière de paix et de stabilité dans la région. Par conséquent, nous nous engagerons, de concert avec d'autres pays d'optiques communes, à nous opposer à toute intervention unilatérale qui menacera le statu quo.
Dans cet effort, le Canada a investi dans plusieurs initiatives visant à contribuer au statu quo ainsi qu'à la paix et à la sécurité dans cette région. Il s'agit d'une contribution pluridimensionnelle, comprenant une présence navale accrue et une initiative de cybersécurité, pour ne citer que deux éléments de cet objectif stratégique de promotion de la paix, de la résilience et de la sécurité.
Pour répondre à la deuxième question sur l'OTAN, je pense que nous devons être conscients que l'OTAN est l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. Par conséquent, nous devons être attentifs à ce que les pays asiatiques souhaitent dans la façon dont ils s'organisent, discutent et entrent en rapport avec des pays non asiatiques par rapport aux désirs de les voir s'engager afin d'être utiles à cet égard. Voilà pourquoi la participation à des forums tels que la Conférence post-ministérielle de l'ANASE et le Forum régional de l'ANASE est très importante pour que nous puissions comprendre le soutien dont ils ont besoin pour réaliser leur objectif et le nôtre, c'est-à-dire la paix régionale.
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Merci, monsieur le président.
Je n'ai qu'une question très brève.
La et le ont parlé récemment de réduire le commerce avec la République populaire de Chine et d'autres pays autoritaires. Mme Freeland était à Washington le 11 octobre à la Brookings Institution pour parler d'approvisionnements auprès de pays amis et le ministre Champagne était à Washington le 21 octobre pour parler de découplage.
En quoi la réduction des échanges et des relations commerciales, autrement dit, l'approvisionnement auprès de pays amis ou le découplage, est-elle compatible avec la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, qui stipule que « le Canada continuera à protéger l'accès du Canada au marché chinois »?
C'est ma question.
:
Monsieur le président, tout est dit ou presque.
Pour répondre brièvement à la question du député, je dirai que je ne pense pas qu'il y ait des données crédibles montrant que les résultats aux élections locales laissent supposer un changement d'attitude fondamental des Taïwanais par rapport à leur propre avenir et envers la RPC.
Ce qu'il y a de merveilleux, entre autres, avec les élections à Taïwan, c'est que souvent, même au niveau national, beaucoup de gens ne votent pas en fonction de sujets qui retiennent notre attention, comme les tensions relatives au détroit. Nos amis à Taïwan se concentrent souvent sur des questions locales, comme des questions environnementales, etc.
S'il me semble qu'un des partis a essayé d'en faire un thème de campagne, le résultat me paraît sans équivoque, et selon moi, c'est une des raisons pour lesquelles la cheffe de parti a décidé de démissionner.
Je vous remercie.
:
Certes. Je vous remercie de la question, monsieur le président.
Je pense que nous encourageons une collaboration croissante dans plusieurs domaines entre non seulement les organismes gouvernementaux compétents qui sont chargés de différents aspects des objectifs de développement de l'ONU, mais aussi avec la société civile. Cela comprend, selon moi, la collaboration étroite que nous voyons déjà depuis des décennies entre les communautés autochtones canadiennes et taïwanaises pour atteindre les objectifs de développement et de préservation de leur patrimoine et de leur culture. Nous le voyons pour ce qui est d'apprendre de l'exemple taïwanais et de la gestion des problèmes de santé à Taïwan. Le contexte est très différent du contexte canadien, mais Taïwan a adopté dans le passé une grande partie de l'approche canadienne du système de santé publique et du régime public d'assurance-maladie, mais avec des caractéristiques locales.
Quand le SRAS est arrivé, ou la pandémie que nous connaissons actuellement, nous en avons profité non seulement pour regarder comment Taïwan gère ces problèmes de santé, mais aussi pour voir s'il y a des enseignements à en tirer pour le travail que nous faisons en tant que membre d'organismes de l'ONU dans l'ensemble des engagements onusiens envers les résultats en matière de santé ou de développement.
Par ailleurs, l'histoire de la gouvernance à Taïwan est très intéressante et positive. Elle lui a permis de passer d'un des pays les plus pauvres d'Asie il y a seulement un siècle, ou d'un des territoires les plus pauvres, à une économie aujourd'hui dynamique, avec un PIB par habitant élevé, avec une société également très inclusive pour ce qui est de la participation des femmes et d'autres groupes minoritaires. Il y a beaucoup d'enseignements à en tirer.
Le Canada travaille avec d'autres partenaires et Taïwan dans le cadre du GCTF, qui est une plateforme d'initiatives mondiales. Bien que n'appartenant pas au système onusien et aux organisations internationales, le gouvernement taïwanais utilise cette plateforme pour offrir ses pratiques exemplaires. Nous avons maintenant commandité deux de ces événements. Nous nous réjouissons de collaborer avec Taïwan, le Japon, les États-Unis et d'autres pour faire connaître les expériences uniques de Taïwan, même si Taïwan ne peut pas siéger dans les organisations des Nations unies et le faire officiellement elle-même.
Je vous remercie.
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Nous reprenons donc la réunion avec notre deuxième groupe de témoins.
Je souhaite la bienvenue aux témoins. À titre personnel, nous avons Mme Geneviève Dufour, professeure de droit international, Université de Sherbrooke, et Mme Laura Murphy, professeure, Droits humains et esclavage contemporain, Sheffield Hallam University, où il est 1 h 30 du matin.
Représentant le Projet de défense des droits des Ouïghours, nous avons Mehmet Tohti, directeur exécutif, et Kayum Masimov, chef de projet.
Chaque groupe disposera de cinq minutes pour présenter ses observations préliminaires.
Nous commencerons par Mme Dufour, pour cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonsoir. Je vous remercie de m'avoir invitée à intervenir.
Je suis professeure de droit international et je concentre mes recherches sur la relation entre le droit du commerce international, les droits de la personne et le droit de l'environnement.
La relation du Canada avec la Chine touche mon champ de compétence, dans la mesure où les produits importés de la Chine sont souvent soupçonnés d'avoir été produits dans des conditions qui ne respectent pas nos normes en matière de droits de la personne et de protection de l'environnement. À part certaines exceptions, les industries canadiennes importent très souvent des intrants venant de Chine, et nos magasins de détail vendent des produits chinois.
Aussi, le Canada a conclu avec la Chine un traité bilatéral d'investissement visant à encourager les entreprises chinoises à venir s'installer sur le territoire canadien. Nos fonds de placement et nos régimes de retraite investissent à leur tour dans ces entreprises canadiennes qui importent des produits chinois et dans ces entreprises chinoises venues s'installer au Canada. Ces fonds et régimes, bien qu'ils soient très souvent gérés par des personnes de bonne volonté souhaitent investir dans des entreprises privilégiant la durabilité et la responsabilité sociale, mais ils n'ont pas les moyens de s'en assurer.
Certains pays ont trouvé une solution à ce problème, à savoir l'adoption d'une loi imposant un devoir de vigilance aux entreprises se situant sur leur territoire. C'est le cas de la France, depuis 2017, ce sera le cas de l'Allemagne, à partir du 1er janvier prochain, et ce sera probablement aussi le cas du Mexique, qui s'apprête à adopter une loi très ambitieuse.
En vertu de ces lois sur le devoir de vigilance, ces pays exigent que leurs entreprises forment leurs employés au respect des droits de la personne et à la protection de l'environnement. Ils les incitent à repérer les risques de non-respect dans la chaîne d'approvisionnement et les obligent à prendre les mesures nécessaires pour éviter ou faire cesser les violations, à défaut de quoi des amendes sont prévues, ou d'autres conséquences, comme l'interdiction de soumissionner des appels d'offres pendant une période donnée.
Les pays qui adoptent ce type de loi prévoient aussi des voies de recours devant des tribunaux internes pour que les victimes de violations, souvent étrangères, puissent être dédommagées. Enfin, le devoir de vigilance implique un exercice de reddition de comptes par les entreprises. Idéalement, cet exercice est rendu public.
Ainsi, chaque année, les entreprises doivent produire des données, démontrer qu'elles ont pris des mesures pour éviter de faire affaire avec des fournisseurs non respectueux et indiquer d'où viennent leurs produits, soit leurs intrants.
À ce jour, le Canada n'impose aucun devoir de vigilance à ses entreprises. Cela fait en sorte que les entreprises canadiennes n'ont aucune obligation d'établir si les produits qu'elles importent, qu'elles utilisent comme intrants ou qu'elles commercialisent ont été fabriqués dans le respect des droits de la personne et de la protection de l'environnement.
Évidemment, certaines entreprises s'imposent elles-mêmes un devoir de vigilance, mais c'est selon leurs conditions. Plusieurs ne le font pas et, surtout, aucun registre ne permet aujourd'hui à un fonds d'investissement ou à un régime de retraite de connaître précisément le niveau réel de respect des droits de la personne ou des normes environnementales d'une entreprise tout au long de sa chaîne d'approvisionnement. Or, comme on le sait, on s'approvisionne énormément en Chine.
La semaine dernière, plus de 100 universitaires — j'en fais partie — ont signé une lettre envoyée au . Nous lui avons demandé d'imposer aux entreprises canadiennes un devoir de vigilance raisonnable en matière de droits de la personne et d'environnement. Comme nous l'avons mentionné dans la lettre, depuis plus de 20 ans, le gouvernement canadien se contente d'affirmer qu'il s'attend à ce que les entreprises canadiennes respectent les droits de la personne, mais cette stratégie ne fonctionne pas.
En somme, le Canada devrait adopter une telle loi s'il souhaite être un chef de file en matière de respect des droits de la personne et de protection de l'environnement, s'il veut se conformer à ses obligations internationales et s'il veut atteindre les objectifs de développement durable de l'ONU. Il doit aussi le faire pour s'assurer que les produits entrant sur son territoire n'ont pas été fabriqués dans des conditions de violation des normes en matière de droits de la personne et de l'environnement, et pour s'assurer que nous n'investissons pas dans des entreprises qui se rendent coupables de telles violations. Sans loi sur la vigilance, nos entreprises et nos importateurs n'ont aucune obligation de vérifier ce qu'ils importent et de rendre des comptes. Nos investisseurs, nos fonds de dotation et nos régimes de retraite ne peuvent dès lors pas faire les choix qui s'imposent.
Si le Canada veut réellement se soucier de la nature durable et responsable des biens et des investissements, il n'a aucune bonne raison de ne pas emboîter le pas à la France, à la Norvège, aux Pays‑Bas et à l'Allemagne, qui ont adopté des lois modernes et progressistes.
Je vous remercie, monsieur le président.
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Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer devant le comité aujourd'hui et de me donner l'occasion de vous parler aux côtés de mes estimés collègues, y compris de membres de la communauté ouïghoure concernée.
Tout le monde sait maintenant que la République populaire de Chine applique dans la région ouïghoure un programme de répression d'une ampleur jamais vue de notre vivant. La stratégie de gouvernance inflexible et délibérée de la RPC dans la région repose sur au moins trois mécanismes de contrôle qui se recoupent; à savoir: l'internement, la surveillance et le travail forcé.
Ensemble, ces trois mécanismes sont des instruments conçus non seulement pour museler la dissidence, mais aussi pour éliminer la culture, la religion et le profil démographique du peuple ouïghour. Ils visent à contrôler les comportements quotidiens et cherchent même à contrôler jusqu'aux pensées des Ouïghours et d'autres peuples mis en situation minoritaire.
L'internement et la surveillance servent une forme de coercition qui garantit que les Ouïghours deviennent une main-d'oeuvre docile et obéissante dans les usines dans toute la région et, en fait, dans toute la Chine.
La recherche menée à Sheffield Hallam, dont je suis la principale auteure, est présentée en six études approfondies qui concluent que les entreprises sont complices du système de répression de la RPC en ceci qu'elles participent au recrutement, aux migrations forcées, à l'endoctrinement, au confinement, à la surveillance et aux mesures disciplinaires visant les Ouïghours, tant dans les usines et les fermes qu'elles exploitent qu'ailleurs. Elles font partie intégrante, activement et même avec enthousiasme, du génocide perpétré actuellement dans la région ouïghoure.
Il ressort de la recherche que nous avons menée récemment pour savoir si les entreprises connues pour être complices de ce système figuraient dans les listes des fonds indiciels que MSCI, qui est un des principaux fonds indiciels du monde et dont l'indice sert de référence à la plupart des autres, comprend au moins 13 entreprises mentionnées dans des médias crédibles et dans d'autres rapports de recherche comme étant impliquées dans l'internement, la surveillance et le travail forcé dans la région ouïghoure. Certaines de ces entreprises ont même été sanctionnées par le gouvernement américain et pourtant, elles figurent toujours sur ces listes qui déterminent en grande partie où nos fonds de retraite et de placement sont investis.
Par exemple, une de ces entreprises, le China Railway Group Limited, figure sur plusieurs indices de MSCI et est littéralement l'architecte de la prison de Tumxuk dans la région ouïghoure. C'est un endroit qui a été transformé de prison ordinaire en camp d'internement de facto où des personnes sont détenues simplement pour avoir pratiqué leur religion, sans aucune forme de procès.
ZTE, entreprise de télécommunications en partie propriété de l'État, figure aussi dans les indices de MSCI. Elle a annoncé que ses produits sont utilisés pour « surveiller l'opposition politique, les activistes et les journalistes » en Chine.
Hoshine Silicon Industry Co., entreprise privée, mais très subventionnée par l'État, qui fabrique des produits pour le secteur automobile et le secteur de l'énergie solaire, entre autres, a participé au transfert contre leur volonté de centaines de Ouïghours dans des usines et des mines en plein désert de la région ouïghoure. Elle a reconnu les avoir éloignés de leur famille et de leurs exploitations agricoles pour les « transformer » en citoyens-travailleurs idéaux.
Ces constatations résultent d'un simple examen de fonds indiciels reposant sur des données accessibles au public largement exposées dans les médias. Les fonds qui font l'objet de placements actifs investissent également dans les actions d'un large éventail d'entreprises complices, y compris celles que je viens de nommer. Il suffirait aux gestionnaires d'actifs de faire une simple recherche sur Internet au sujet de certaines de ces entreprises pour connaître l'ampleur de leur participation à ces violations des droits de la personne.
Beaucoup de gens n'ont aucune idée du fait que leurs pensions et leurs placements servent les intérêts d'entreprises qui profitent de l'oppression des Ouïghours. Les gouvernements devraient veiller à ce que leurs citoyens ne récoltent pas à leur insu les dividendes de cette crise des droits de la personne.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, membres du comité, de cette occasion de vous parler.
Tout d'abord, je suis désolé de devoir parler d'une voix aussi basse. Hier, j'ai trop crié contre l'ambassade de Chine et l'Université d'Ottawa.
Je parlerai aujourd'hui des investissements canadiens dans le génocide ouïghour du point de vue des fonds universitaires. C'est une réalité de l'ensemble des fonds de pension, des fonds de dotation des universités et d'autres fonds structurés, et il faut que cela cesse.
Suffisamment de comptes rendus exposent en détail la complicité des fonds de pension fédéraux canadiens ainsi que des fonds de pension provinciaux avec le génocide ouïghour. Ces fonds de pension investissent directement ou indirectement dans des entreprises qui sont liées au génocide ouïghour. Le travail forcé de Ouïghours, la construction de l'infrastructure répressive, comme les camps de concentration et les prisons, et les technologies de surveillance qui font partie d'une plateforme opérationnelle commune intégrée qui sert à l'identification et à l'arrestation immédiate de Ouïghours et d'autres qui ont un profil ethno-religieux. En investissant dans des entreprises qui surveillent la diaspora ouïghoure, nous sommes complices de la répression transnationale de plus de 2 000 Canadiens d'origine ouïghoure, nos voisins et amis.
Il y a quelques mois, en mars, deux jeunes étudiants de premier cycle de l'Université McGill ont découvert que 15 millions de dollars du fonds de dotation de leur école étaient investis dans le génocide ouïghour par le biais d'entreprises liées au travail forcé et à la surveillance des Ouïghours. Après avoir consacré plus de temps à chercher des correspondances dans le portefeuille de placements de McGill, nous avons découvert que les placements approchaient les 100 millions de dollars. Certaines des entreprises dans lesquelles McGill investit sont directement liées à des programmes de transfert de main-d'oeuvre dans la région ouïghoure. Il s'agit notamment de sociétés minières. D'autres ont à voir avec les technologies de surveillance, comme Alibaba, ou avec une technologie qui contrôle les prisons intelligentes utilisées pour détenir les Ouïghours, comme Tencent. Certaines font l'objet de sanctions américaines. Elles figurent toujours sur la liste des entreprises visées par des sanctions.
Il ne s'agit probablement pas d'un cas isolé. Nous soupçonnons que les placements de toutes les universités canadiennes sont pareillement complices du génocide ouïghour. Nous recueillons d'autres données pour en savoir plus à ce sujet.
En attendant, les étudiants de McGill se mobilisent et demandent instamment à leur université de retirer ses fonds des entreprises impliquées dans le génocide ouïghour et de modifier son portefeuille de placements de manière à prendre en compte les intérêts des étudiants et les engagements à protéger leurs droits fondamentaux.
Nous devons aussi protéger les principes et les obligations de notre pays. Le Parlement canadien a reconnu le génocide ouïghour en février 2021. Le travail forcé généralisé des Ouïghours ne fait aucun doute. Depuis, les placements des régimes de retraite du Canada en Chine n'ont fait qu'augmenter.
Ce paradoxe est visible dans tout le gouvernement. Alors que nous publions des avertissements relatifs aux entreprises canadiennes et déposons des projets de loi condamnant le travail forcé qui, au mieux, empêcheront d'importer des marchandises fabriquées dans la région ouïghoure, même si nous obtenons ce résultat, nos relations d'affaires lâches avec la Chine et le renforcement de nos liens commerciaux continuent de nous rapporter de l'argent, malgré les mises en garde et les déclarations de hauts responsables gouvernementaux.
Étant donné la gravité et l'ampleur de ce problème, le génocide ouïghour qui se poursuit et l'absence de mesure du gouvernement, le travail forcé et l'inaction de l'ASFC, l'ingérence chinoise au Canada, et nos placements importants de fonds publics dans des entreprises liées au génocide ouïghour, nous en venons à penser que des mesures législatives vigoureuses sont plus nécessaires que jamais pour tenir compte, au moins, des déclarations des hauts responsables gouvernementaux sur le sujet.
Ce doit être une faillite morale douloureuse pour chacun de nous ici présent de recevoir à un moment donné de nos vies une pension entachée par le génocide que nous avons un jour unanimement condamné.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les témoins de leur présence.
C'est un réel problème. Le Parlement a reconnu qu'un génocide est perpétré au Xinjiang contre les Ouïghours et d'autres minorités musulmanes turcophones de la région, où quelque 12 millions de personnes vivent sous surveillance constante de l'État. Je dirai même que la région est une prison à ciel ouvert.
Depuis deux ans, des lois sont en vigueur au Canada pour interdire l'importation de produits fabriqués en recourant au travail forcé, et elles ont été proposées par le gouvernement afin de respecter l'Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Malgré cela, on continue d'importer des produits.
Mettons cela de côté à présent. Il semble incongru que nous interdisions les produits d'entreprises qui utilisent le travail forcé, mais que nous continuions d'autoriser les investisseurs canadiens et les fonds de pension à investir, directement ou pas, dans ces mêmes entreprises. Je dirai, personnellement, qu'il semble y avoir une faille dans la politique canadienne actuelle.
Voici ma première question. Aux États-Unis, les Américains ont dressé une liste d'entreprises dont les sociétés de placement, les fonds de pension, etc. américains ont interdiction d'acheter ou de vendre des titres chinois. Au début, la liste comptait une trentaine d'entreprises. Je crois qu'elle en compte maintenant une soixantaine dont les investisseurs et les fonds de pension américains ont interdiction d'acheter ou de vendre des actions ou des titres chinois.
Selon vous, faut-il s'inspirer de ce modèle? Est-ce que le gouvernement du Canada pourrait dresser une liste des titres d'entreprises en République populaire de Chine qui figurent sur la liste américaine? Est-ce que cela aurait une incidence sur la politique ou existe-t-il une meilleure solution stratégique?
Je pose la question à tous les témoins.
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Je vous remercie de la question.
Comme l'a dit la professeure Laura Murphy, nous ne faisons rien. Le gouvernement n'impose pas la loi existante et, pour l'instant, l'ASFC n'a saisi aucune cargaison de produits qui sont le fruit du travail forcé des Ouïghours.
Nous renforçons le régime chinois en investissant directement nos fonds publics dans des entreprises chinoises qui profitent du génocide et du travail forcé, et en même temps, nous laissons ces entreprises lever des fonds sur les marchés boursiers.
De plus, nous achetons ces produits sur le marché canadien aussi, ce qui fait que nous soutenons pleinement la Chine dans sa politique continue de recours à une main-d'oeuvre esclave pour fabriquer des produits, tout en commettant un génocide. L'argent que nous envoyons en Chine ne renforce pas le peuple. Il renforce le Parti communiste chinois et Xi Jinping. Nous voyons le gouvernement chinois user de toutes sortes de violences contre les manifestants pacifiques. Cette puissance vient de nos dollars investis. Nous devons utiliser une approche législative ou simplement faire comme les États-Unis.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins.
Je vais probablement me concentrer un peu plus sur les professeures Murphy et Dufour parce que j'essaie de clarifier dans mon esprit tout un éventail d'activités. Tout d'abord, je pense que nous sommes tous d'accord autour de cette table pour dire que nous avons un problème dans notre monde avec l'intégrité de la chaîne d'approvisionnement et la contribution du commerce et des échanges à l'internement, au travail forcé et à la surveillance des Ouïghours, ainsi que d'autres personnes.
J'essaie de comprendre la meilleure approche dans tout cela. Il y a tout un éventail, de la divulgation — et j'ai déposé un projet loi sur la divulgation des fonds de pension en2009 — à la diligence raisonnable. J'essaie de comprendre parce que, même si vous avez mentionné les Pays-Bas et un autre pays, je crois que la France est le seul pays qui a, en fait, institué le concept de devoir de vigilance, mais j'ai également lu des articles selon lesquels ce n'est peut-être pas efficace.
Pouvez-vous, toutes deux, commenter une série d'options que nous pourrions recommander et nous dire s'il est efficace et pratique d'appliquer chacune d'elles?
Je vous remercie.
La professeure Murphy peut répondre en premier et peut-être la professeure Dufour ensuite.
Je cède toujours la parole à la professeure Dufour, car son argument concernait le devoir de vigilance. Je la laisserai donc en parler.
Je dirai qu'il doit y avoir des approches multiples en la matière. Vous avez raison, selon moi, de dire qu'il y a tout un éventail, évidemment, mais il est possible aussi de partir de différents angles. D'une part, on peut interdire directement, comme nous le mentionnions, les investissements dans certaines entreprises, mais toutes les entreprises qui ont des activités au Canada doivent aussi avoir une obligation de vigilance raisonnable en matière de droits de la personne, c'est-à-dire qu'elles doivent se renseigner sur leur chaîne d'approvisionnement afin de la connaître de fond en comble, jusqu'à la provenance des matières premières.
À l'heure actuelle, ce n'est pas obligatoire. Il n'existe qu'un protocole volontaire qu'une entreprise peut choisir de suivre, mais les entreprises, dans leur immense majorité, choisissent de ne pas le faire. En fait, c'est sciemment qu'elles ne veulent pas savoir ce qui se passe à la base, dans les parties les plus en amont de leurs chaînes d'approvisionnement, parce que nous savons que c'est là qu'il y a le plus de mauvais traitements et d'exploitation.
Il nous faut, à mon avis, une politique complète de vigilance raisonnable obligatoire en matière de droits de la personne qui comprenne la transparence, la traçabilité et la responsabilisation des entreprises qui ne s'y plient pas. C'est un autre problème que pose le droit international en matière de lutte contre l'esclavage et le travail forcé: une entreprise qui ne fait pas ce qu'elle est censée faire n'a pas de comptes à rendre. Il n'y a pas de mesure d'application ni de sanction. Les sanctions doivent aussi être suffisantes pour dissuader les entreprises de juste ignorer le droit et de payer l'amende comme si c'était la rançon des affaires.
Ces aspects sont, à mon sens, essentiels, mais je laisserai la professeure Dufour parler davantage du droit international pour ce qui est du devoir de vigilance que je ne connais pas aussi bien qu'elle.
Vous avez raison. Jusqu'à récemment, c'était la France qui était le modèle en ce qui concerne la loi sur la vigilance. Elle a été le premier pays à adopter une loi sur la vigilance de manière non sectorielle, qui s'appliquait à tous les secteurs. Elle s'appliquait à des entreprises tout de même d'une certaine taille qui avaient des activités transnationales. Depuis, d'autres pays ont adopté des lois sur la vigilance, notamment la Norvège et les Pays-Bas. À compter du 1er janvier prochain, donc dans un mois, l'Allemagne va avoir une loi sur la vigilance, que je considère être la plus progressiste en la matière.
Cette loi s'appliquera à un nombre considérable d'entreprises et visera de nombreux droits de la personne. Il s'agit de l'ensemble des droits fondamentaux du travail, mais aussi d'autres droits de la personne. Elle exigera des salaires décents et l'application des normes environnementales. Elle s'attaquera aussi au recours excessif à des agents de sécurité que font certaines entreprises et industries. Cette loi ratisse assez large pour s'assurer que les employés ont de bonnes conditions de travail. Elle englobe plusieurs normes environnementales, anticorruption, etc.
Cette loi est très intéressante parce que les entreprises auront vraiment un devoir de diligence assez large. Lorsqu'une entreprise contreviendra à la loi, des pénalités seront imposées non seulement à l'entreprise, mais aussi à ses administrateurs ainsi qu'à l'ensemble des employés qui étaient au courant de l'infraction.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs commentaires, qui enrichissent notre réflexion sur la question.
Professeure Dufour, je vous écoute parler et j'ai l'impression que le Canada est à des années-lumière de ce qui se fait de mieux dans le monde. Comme vous le savez sans doute, le projet de loi est à l'étude et en est présentement aux étapes finales de l'adoption. Hier, nous avons fait l'étude article par article de ce projet de loi au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Dans le cadre des audiences publiques, plusieurs témoins sont venus nous dire que ce projet de loi n'allait pas assez loin et ne faisait qu'obliger les entreprises à rendre compte de pratiques qui pourraient mettre en cause du travail forcé, sans plus. Conséquemment, l'expérience internationale nous amène généralement à constater que, si nous adoptons ce projet de loi, nous nous donnons bonne conscience sans aller plus loin.
Qu'en pensez-vous?
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Je vous remercie de votre question.
J'en pense que la Californie a fait cela en 2010, et que nous serons bientôt en 2023. Vous avez donc raison, nous sommes en retard. Il est certain que, au début des années 2010, c'était innovateur de se dire que nous allions enfin forcer les entreprises à contribuer au respect de l'environnement et des droits de la personne. Nous commencions à avoir cette idée. Nous l'appliquions uniquement au travail forcé ou dans certains secteurs, comme le secteur minier de certains pays. Je pense à une loi américaine qui concerne des activités au Congo.
Nous nous sommes rendu compte que ces lois sont inefficaces, soit parce qu'elles sont sectorielles, soit parce qu'elles ne s'attaquent qu'à un seul problème, en l'occurrence, le travail forcé. Nous avons besoin que les entreprises fassent leur travail de manière globale. Elles sont aux premières loges pour s'assurer d'un meilleur respect des droits de la personne et de la protection de l'environnement. Ce sont elles qui achètent, qui importent des produits et qui les commercialisent. Ces entreprises doivent collaborer.
Vous avez donc effectivement raison. Nous sommes à des années-lumière de ce qui devrait être fait aujourd'hui. C'est pour cela que nous disons que ce projet de loi n'est pas suffisamment ambitieux.
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Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Cela dit, à la lumière de ce que nous entendons aujourd'hui et de ce que certains témoins ont rapporté ces derniers temps concernant Hong Kong Watch et la Sheffield Hallam University, qui ont publié un rapport indiquant qu'un certain nombre de fonds d'investissement, notamment des fonds de pension publics, sont investis en République populaire de Chine, entre autres. De plus, ces fonds d'investissement contribuent au travail forcé et à des conditions de travail absolument ineptes. Or nous réalisons qu'il n'y aurait pas que les entreprises qui seront à blâmer pour cette contribution au travail forcé et au génocide des Ouïghours, mais que même des fonds publics pourraient être pointés du doigt.
J'aimerais me tourner vers nos amis ouïghours pour signaler que, non seulement ces fonds d'investissement et ces fonds de pension contribuent au génocide et au travail forcé, mais que du simple point de vue des investisseurs québécois et canadiens, il y a peut-être un danger important. C'est une espèce de bombe à retardement.
Je crois comprendre que des fonds d'investissement et des fonds de pension de pays scandinaves ont été investis en Ukraine, et qu'après l'application des sanctions par les pays occidentaux, la Russie a gelé ces investissements. Or ce sont des pertes pour les contributeurs.
N'y a-t-il pas un risque, par exemple, dans l'éventualité d'une invasion de Taïwan, que la Chine fasse de même et que les investisseurs canadiens et québécois perdent leurs avoirs?
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Merci de cette excellente et éloquente question. J'espère que les responsables du Régime de pensions du Canada et des régimes provinciaux, y compris le Régime de rentes du Québec, entendront cette question.
Vous avez tout à fait raison. Le Régime de rentes du Québec a investi de 2 à 3 milliards de dollars dans des sociétés chinoises associées directement au génocide ou au travail forcé. Il existe une liste des sociétés dans lesquelles des fonds du Régime des rentes du Québec ont été investis. Nous connaissons ces sociétés et nous connaissons leurs agissements.
C'est exactement la même chose pour l'Université McGill. Elle a investi près de 100 millions de dollars… Nous avons recensé sept sociétés qui sont directement associées au génocide du peuple ouïghour. Des sociétés ont contribué à la mise au point de technologies de surveillance utilisées par le gouvernement chinois, et d'autres font partie de la plateforme opérationnelle conjointe intégrale. Des sociétés adhèrent aux mesures de prévention des naissances imposées aux Ouïghours, ce qui en soi est alarmant.
Nous avons rencontré les représentants de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, qui se sont défendus en disant que les investissements ne sont pas faits en Chine ou dans un pays quelconque, mais dans des sociétés. Or, ces sociétés sont sous le contrôle direct du Parti communiste chinois. Elles accèdent à toutes les demandes du gouvernement chinois. C'est pourquoi cet argument ne tient pas la route.
Nous avons envoyé des lettres aux offices d'investissement du fédéral et des provinces. Ils font la sourde oreille. Ils ne sont pas du tout réceptifs, et il est impératif que le Parlement du Canada fasse quelque chose pour régler ce problème. Autrement, si la folie s'empare de Xi Jinping, ce qui selon moi est tout à fait possible… Si la folie s'empare de lui, si le feu vert est donné à une invasion de Taïwan, tous les investissements se volatiliseront. On parle de près de 100 millions de dollars.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis très heureux d'être des vôtres aujourd'hui.
Ce sujet est très important et il nécessite toute notre attention. Je remercie donc les témoins d'être parmi nous pour faire la lumière sur cette question.
Je reviens au projet de loi . Selon certaines critiques, il ne va pas assez loin en ce qui a trait au travail forcé. Le Canada est en retard à ce chapitre, nous en convenons.
Toutefois, ce projet de loi n'a-t-il pas un mérite, à savoir qu'il va forcer une certaine transparence et une divulgation de l'information?
Je demanderais que Mmes Dufour et Murphy répondent à ma question.
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Oui, certainement. On ne peut pas être contre la vertu.
Ce projet de loi est un premier pas. Cependant, comme on l'a dit, on est extrêmement en retard et on ne sait pas pourquoi. Qu'est-ce qui justifie qu'on n'ait pas créé un projet de loi beaucoup plus ambitieux, qui embrasse le problème plus largement et qui nous aurait permis d'être à l'avant-garde? On dit que le Canada est un pays progressiste, qui veut atteindre ses objectifs de développement durable et qui a à cœur la protection de l'environnement. Alors, pourquoi s'en être tenu à cela?
Ce n'est d'ailleurs pas le seul domaine où nous accusons un retard. Les autres pays adoptent des outils pour faire avancer la cause des droits de la personne, par exemple, les marchés publics ou des acquisitions responsables.
Nous sommes extrêmement en retard, et nous ne savons pas pourquoi.
Merci beaucoup, madame Murphy.
Professeure Dufour, je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais j'aimerais aborder le problème du retard du Canada en ce qui concerne le respect des droits de la personne à l'étranger.
Je soulignerai tout de même que 75 % des compagnies minières au monde sont enregistrées au Canada. Il y a peut-être ici un lien de cause à effet. On pourrait également regarder de ce côté.
Cependant, vous avez parlé un peu plus tôt de la loi allemande, probablement la plus progressiste en la matière. Vous aviez commencé à évoquer les dispositions incluses dans cette loi, qui me semblaient très intéressantes à plusieurs égards, notamment sur les droits de la personne, le droit du travail et la protection de l'environnement.
J'aimerais vous entendre, et les autres témoins également, sur la façon dont le gouvernement fédéral pourrait s'inspirer de cette loi allemande pour bonifier ses pratiques.
Vous avez raison, nous avons beaucoup de compagnies minières. Cela dit, il faut se rappeler qu'une chose a été mise en place au Canada et c'est le bureau de l'ombudsman. Ce bureau peut recevoir des plaintes concernant l'industrie minière et d'autres domaines, comme l'industrie textile. Le Canada a donc ouvert la porte, et il se targue d'avoir des compagnies minières plus respectueuses des droits de la personne et de l'environnement que d'autres pays. Il faut l'assumer.
Comment pourrait-on s'inspirer de la loi allemande? Le Canada peut s'en inspirer très largement, parce que la loi allemande serait facilement applicable chez nous. Les Allemands ont simplement repris des normes internationales auxquelles le Canada a adhéré. Ils n'ont pas réinventé la roue. J'en ai parlé dans ma présentation. Ils ont mis en place des obligations assez simples, comme la mise en place d'une gestion de risques, l'analyse des risques, la remise d'une déclaration de principes, l'élaboration de rapports qui doivent être rendus. De plus, ils ont prévu tout un processus de contrôles et de sanctions. En outre, un office fédéral vérifie les rapports annuellement, visite les établissements, en plus d'avoir un pouvoir d'enquête et de pouvoir même ordonner des mesures sous astreinte. Ils ont aussi mis en place des amendes pouvant aller jusqu'à 8 millions d'euros. Ce n'est pas 250 000 $, c'est 8 millions d'euros. Cela peut faire mal, sans compter qu'il y a d'autres genres de pénalités.
Je pense que le Canada peut vraiment bien s'en inspirer, s'il a envie que les choses évoluent. Le Canada peut aussi procéder de manière progressive, avec des entreprises qui ont une certaine taille, un certain chiffre d'affaires, des actifs transnationaux. Le Canada pourrait s'en inspirer.
De plus, il pourrait certainement participer aux travaux de l'ONU sur la question. Le Canada ne s'y est jamais pointé depuis 2014, alors que la Chine participe aux rencontres. Le Canada, lui, n'y va pas.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Tohti, je m'en voudrais de ne pas profiter de votre présence pour vous demander ce que vous pensez de ce qui nous apparaît comme un mouvement très prometteur en Chine.
Nous avons vu — ce qui ne s'était pas vu depuis des dizaines d'années — des manifestations éclater dans diverses villes chinoises. Les gens se dressent et dénoncent les injustices, et certains vont même jusqu'à demander la dissolution du régime du président Xi. Ce qui s'est passé à Ürumqi a mis le feu aux poudres.
Assistons-nous à un front commun des Ouïghours et de leurs voisins chinois? Quelles sont vos réflexions quant à l'importance et à l'incidence de ces manifestations pour la Chine en général et le peuple ouïghour en particulier?
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Merci de poser cette question.
Vous avez raison, malheureusement, de dire que la mort non pas de 10, mais de 44 Ouïghours a provoqué diverses manifestations de colère et de révolte, je peux l'affirmer, à la grandeur de la Chine. Dans 101 villes et 50 universités, des gens ont participé à ces mouvements et sont descendus dans les rues. Certains ont dit ouvertement « jiefàng Xinjiang », « Libérez le Xinjiang », « Ouvrez le Xinjiang ». Les gens ont scandé ce genre de slogans pour manifester leur appui au peuple ouïghour.
Cette colère a été attisée surtout par les mesures de confinement imposées par Xi Jinping pendant 100 jours, sans accès aux produits de première nécessité, à la nourriture et aux produits de santé. À cet égard, les Ouïghours et les Chinois Hans partagent la même souffrance, qui a été un facteur de motivation.
Par ailleurs, l'accident tragique a insufflé un élan de solidarité évident à l'intérieur de la Chine et à l'extérieur. Nous contribuons à cet élan. Les Chinois ont fait des cérémonies de commémoration dans différentes villes. Pour cette raison, je crois, cette prise de conscience est très importante et elle devrait se poursuivre.
Le peuple chinois n'a pas dirigé sa colère, ses réactions seulement contre le confinement lié à la COVID. Il a aussi dirigé sa colère directement contre le président chinois, Xi Jinping, et le Parti communiste. Les slogans les plus souvent entendus sont « Gongsun dung shate » et « Si jing ping shate », ou « À bas Xi Jinping » et « À bas le parti communiste ». Je crois que c'est un moment important.
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Merci de nous donner votre point de vue sur ces événements. Je trouve que c'est très important et très inspirant. Je voudrais vous témoigner mon appui sans réserve aux personnes qui manifestent et qui réclament la liberté, la justice et la protection des droits de la personne. Bien sûr, et c'est malheureux, un incident tragique a mis le feu aux poudres. Je pense qu'il est très marquant de voir que la mort d'Ouïghours est à l'origine de ce mouvement de protestation qui rallie des gens à la grandeur de la Chine. C'est lourd de sens.
J'aimerais vous entendre au sujet d'une approche mieux coordonnée entre les alliés aux vues similaires pour empêcher l'importation de produits issus du travail forcé, mais également pour contrer les investissements dans des sociétés impliquées dans le travail forcé.
Mme Murphy a souligné que les produits sont plus susceptibles d'aboutir dans les pays où les lois sont les moins strictes. On peut penser qu'il en est de même pour les investissements, qui proviennent probablement des pays dont le régime législatif est plus indulgent. Le sachant, ne serait-il pas judicieux qu'un groupe de pays aux vues similaires décident de se doter des mêmes règles, d'adopter une approche coordonnée et des normes analogues?
Cette cohésion faciliterait énormément l'application et les décisions des entreprises, ne pensez-vous pas? La même norme s'appliquerait dans tous les pays où elles ont des activités, et aucun de ces pays ne serait un refuge. Pensez-vous qu'une telle approche coordonnée a du sens? Si oui, pourquoi n'a-t-on rien fait en ce sens?
Madame Murphy, je vais vous demander d'intervenir la première. J'ai peu de temps, mais j'aimerais avoir les réponses du plus grand nombre de personnes possible.
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Je vais commencer avec plaisir.
J'entends les représentants du gouvernement des États-Unis réclamer une approche multilatérale depuis deux ans. Je ne sais pas pourquoi d'autres pays ne lui emboîtent pas le pas, si ce n'est qu'ils craignent de compromettre leurs liens avec la Chine, et surtout leurs relations commerciales. J'ai souvent entendu l'argument de la petite taille d'un pays par rapport au géant chinois. Les pays ne veulent pas jouer avec le feu.
Comme les États-Unis tiennent les rênes dans ce dossier, je crois qu'il est possible de profiter de cet élan. Toutefois, si une stratégie multilatérale est adoptée, il serait opportun de transposer ce modèle pour permettre aux petites et aux moyennes entreprises de suivre l'exemple des plus grandes. Je ne crois pas qu'il faille dire que seules les grandes firmes ou sociétés d'investissement doivent être assujetties aux normes de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
Nous savons que des petites sociétés font des achats directs au Xinjiang. Nous savons que de petites firmes d'investissement placent de l'argent dans ces sociétés. Il faut que ces grands concurrents prennent les devants, qu'ils fassent preuve de diligence raisonnable, qu'ils se tiennent debout et aident les petites entreprises et, si on veut les appeler ainsi, les « petits pays »…
Je n'aime pas ce concept. Un pays est un pays, et ils ont tous une voix aux Nations unies et d'autres organismes internationaux. Ils peuvent tous dénoncer ces violations des droits de la personne. Et le Canada doit le faire aussi.
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Il est évident qu'il est difficile pour les entreprises de faire un vrai suivi tout au long de leur chaîne d'approvisionnement. C'est pour cette raison que ce sont surtout les entreprises d'une certaine taille qui sont astreintes à ce type d'obligation. Cela implique de faire des audits et de recueillir beaucoup d'informations sur les fournisseurs. En effet, c'est toute la chaîne d'approvisionnement qui est visée, même lorsqu'elle se trouve à l'étranger.
De plus, on se rend compte que les entreprises sont très mal outillées pour procéder à ce genre de suivi. Comme on le sait, un seul appareil peut être fait de pièces provenant de plusieurs pays et de différentes entreprises.
Parfois, un contrat de sous-traitance est donné à une compagnie, et cette dernière va elle-même donner le contrat à une autre entreprise. C'est donc assez difficile d'assurer le suivi de manière réaliste, mais il n'en demeure pas moins qu'il faut commencer quelque part. Pour y parvenir, il faut mettre en place des cadres normatifs clairs, précis et ambitieux.
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Je vous remercie encore une fois.
[Traduction]
Monsieur le président, c'est ma dernière question pour Mme Murphy.
Pensez-vous, madame, qu'il existe des façons pour le Canada de collaborer avec les moyennes puissances par l'intermédiaire des forums internationaux pour parvenir aux résultats que vous réclamez tous ce soir? À lui seul, je ne sais pas si le Canada, même s'il met en place un régime législatif extrêmement sévère, peut avoir une réelle influence. En revanche, une collaboration avec d'autres pays produirait sans doute ses effets.
Je songe en particulier à l'efficacité. Ma question précédente portait sur les défis administratifs. Mon intention n'est pas de discréditer vos idées, mais simplement de mettre en évidence les immenses défis que représente ne serait-ce que la mise en place des mesures proposées. Il vaudrait peut-être la peine d'aborder la situation sous d'autres angles et, en se sens, de voir dans quelle mesure nous pouvons collaborer avec d'autres pays pour assurer l'uniformité de nos démarches législatives. Qu'en pensez-vous?
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De nombreux témoins ont déjà pris la parole dans cette salle. Ils étaient tous d'accord pour dire que Xi Jinping est imprévisible et qu'il règne un climat d'incertitude en Chine actuellement. Les activités militaires soutenues dans le détroit de Taïwan ne sont pas anodines. Et si vous portez attention aux propos sur la Chine de son président, Xi Jinping, à la fin du Congrès du Parti communiste de 2022, vous remarquerez la différence énorme, radicale par rapport à ce qu'il disait auparavant sur son pays. Tous les présidents précédents envisageaient l'unification pacifique de Taïwan à la mère patrie comme l'unique objectif mais, pour le président actuel, toutes les options sont envisageables.
Par deux fois, le président a ordonné à l'armée chinoise à se tenir fin prête pour la guerre. Il avait une idée en tête, c'est clair, et nous devons prendre ces menaces et ces messages très au sérieux.
Si cela arrive, qu'adviendra-t-il de nos investissements? Avons-nous une idée de ce qui arrivera aux centaines de milliards de dollars investis en Chine par le Régime de pensions du Canada, les régimes de retraite provinciaux, les fonds de dotation des universités et les investissements communautaires? Nous pourrons leur dire adieu si le gouvernement chinois décide de bloquer la sortie des fonds ou si, en raison des sanctions, le cours des actions dégringole, comme cela s'est passé avec la Russie? L'argent investi en Russie s'est tout simplement volatilisé.
Le danger est immense. Le risque géopolitique est énorme et, pour cette raison, nos régimes de retraite devraient retirer leurs investissements de la Chine.
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Merci, monsieur le président.
Comme démocrates et défenseurs des droits de la personne, nous sommes là pour défendre les droits de tous, qu'il s'agisse des Ukrainiens, des Ouïghours, des Tibétains ou des gens de Hong Kong, mais aussi ceux des Palestiniens, qui subissent aussi une occupation militaire. Parfois, nous aimerions bien savoir si les produits fabriqués dans des colonies israéliennes illégales condamnées par des résolutions des Nations unies.
Madame Murphy, comment fait-on pour savoir quels sont les produits qui ont été fabriqués dans la province du Xinjiang, possiblement dans des camps de travaux forcés, alors que nous avons déjà de la difficulté à savoir quels produits ont été fabriqués dans des colonies israéliennes illégales?
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Mon travail quotidien consiste à remonter les filières d'approvisionnement dans la région où vivent les Ouïghours. Nous commençons par les sociétés qui y sont installées et, à partir de leurs déclarations quant à ceux à qui elles vendent leurs produits, nous pouvons avoir une vue d'ensemble des chaînes d'approvisionnement entre la région ouïghoure et les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Union européenne. Souvent, nous faisons simplement une recherche des registres des sociétés présentes dans la région ouïghoure, y compris leurs rapports annuels, leurs communiqués de presse ou leurs publications dans les médias sociaux, dans lesquels elles parlent clairement des gros contrats signés avec des sociétés internationales ou des sociétés chinoises d'envergure internationale.
Ensuite, nous établisson à qui ces sociétés vendent leurs produits en examinant les dossiers douaniers auxquels nous avons accès dans 19 pays, mais pas au Canada, ce qui n'est pas négligeable.
Nous faisons notre travail dans nos bureaux, en naviguant sur Internet à l'aide d'un programme auquel l'abonnement coûte 7 000 $. C'est tout.
Je crois que les gouvernements peuvent et doivent en faire autant, de même que les sociétés. Il faut cesser de chercher des excuses. Je fais ce travail tous les jours.
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Je souhaite de nouveau la bienvenue à tous.
Nous en sommes au troisième groupe de témoins.
Je souhaite la bienvenue aux témoins, qui se joignent à nous par vidéoconférence.
Tout d'abord, M. Sam Goodman témoignera à titre personnel. Il est auteur, directeur de politique et défense des intérêts pour Hong Kong Watch, ainsi que cofondateur et coprésident de New Diplomacy UK. Nous recevons aussi Mme Aileen Calverley, co-fondatrice et curatrice de Hong Kong Watch.
Monsieur Goodman, vous disposez de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Mon plus grand souhait est que cette étude donne lieu à un dialogue plus honnête sur les risques très réels que leurs caisses de retraite imposent aux Canadiens ordinaires en investissant dans les actions et les obligations publiques chinoises. Ces risques sont trop souvent ignorés parce que beaucoup trop de gestionnaires de fonds affamés de gains à court terme succombent aux sirènes des marchés financiers chinois et au mythe d'une Chine dont le potentiel économique est trop énorme pour ne pas en profiter.
Depuis 18 mois, Hong Kong Watch examine les caisses de retraite canadiennes et nous avertit que certains parmi les principaux régimes de retraite publics du Canada pourraient être associés à des sociétés impliquées dans des violations des droits de la personne dans la région du Xinjiang. Il y a un an, nous avons découvert que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et certaines caisses de retraite provinciales, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec et la British Columbia Investment Management Corporation, détiennent des participations directes dans des sociétés de technologie chinoises mises à l'index par les États-Unis en raison de leur association à des camps d'internement au Xinjiang, ainsi que dans d'autres grandes sociétés de technologie qui sont complices du régime d'oppression chinois, y compris Alibaba et Tencent.
Je suis heureux de pouvoir dire que ces caisses se sont départies de la plupart de ces participations directes. Toutefois, certaines restent exposées de manière passive à des fonds indiciels négociables en bourse comme MSCI Chine et MSCI marchés émergents, qui détiennent 12 et 13 sociétés respectivement impliquées dans le travail forcé des Ouïghours.
Dans le cas de l'OIRPC, les derniers chiffres publiés sur son portefeuille le 31 mars 2022 confirment l'exposition d'avoirs de 6,4 milliards de dollars à l'indice MSCI Chine, et de 7,7 milliards de dollars à l'indice MSCI marchés émergents. Quant à elle, la Banque Royale du Canada, par l'intermédiaire de son partenariat avec BlackRock, offre directement au public canadien des produits d'épargne retraite qui suivent l'indice MSCI marchés émergents. Malheureusement, l'information publiée par ces caisses est beaucoup trop nébuleuse pour que le législateur moyen, et encore moins le citoyen canadien ordinaire, puisse avoir une idée exacte de l'ampleur de l'exposition de ces caisses de retraite au marché chinois.
La plupart des caisses de retraite provinciales et fédérales que j'ai examinées ne publient pas régulièrement la liste à jour de la totalité de leurs avoirs. Dans certains cas, l'information remontait à un an.
L'autre problème courant a trait à l'externalisation de l'administration des caisses de retraite à des sociétés privées d'investissement. Dans les faits, les gouvernements externalisent les fonctions liées aux droits de la personne et à la diligence raisonnable.
Même si cela n'a rien d'emballant, il faut de toute urgence obliger les caisses de retraite canadiennes à publier régulièrement la totalité de leurs avoirs publics, des avoirs des sociétés privées d'investissement qui administrent leurs fonds, ainsi que leur exposition passive à des fonds indiciels comme NSCI.
De manière plus générale, je pense qu'investir en Chine est de plus en plus incompatible avec les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ou ESG, auxquels toutes les principales caisses de retraite au Canada prétendent se conformer. Ces dernières années, la croissance des investissements dans des actions et des obligations chinoises a coïncidé avec une montée en flèche des investissements dans des actifs ESG. Selon Bloomberg, les actifs ESG ont dépassé 35 mille milliards de dollars en 2020. C'est le tiers de tous les actifs gérés dans le monde, même si nous sommes nombreux à avoir conclu qu'investir dans les actions et les obligations chinoises est incompatible avec les critères ESG, y compris des personnalités très en vue de la communauté des investisseurs comme George Soros et la baronne Helena Kennedy.
Si nous prenons le critère auquel correspond le « E » dans l'acronyme ESG, il y a belle lurette que les militants pour le climat font valoir que les investissements dans des sociétés d'État chinoises comme Sinopec, qui a été accusée de produire plus d'émissions de carbone que certains pays développés entiers, peuvent difficilement être considérés comme étant bénéfiques pour l'environnement.
Pour ce qui concerne le critère « S » dans ESG, les groupes de défense des droits de la personne comme Hong Kong Watch mettent en garde les investisseurs contre les risques sociaux accrus associés aux investissements dans des sociétés chinoises impliquées dans le travail forcé. Il suffit de penser aux grandes sociétés de technologie comme Alibaba et Tencent, qui sont de mèche avec l'État chinois pour surveiller le peuple et censurer Internet.
Et pour le « G » dans ESG, les mesures de répression décrétées par Xi Jinping l'an dernier sur les secteurs des technologies et de l'éducation, de même que la guerre de Poutine en Ukraine, ont soulevé des risques légitimes en matière de gouvernance dans un pays où il n'existe pas de frontière entre le secteur privé et l'État. Un simple coup de crayon peut suffire pour détruire un secteur industriel entier.
Le limogeage des réformistes au sein du comité central lors du dernier congrès du Parti, ainsi que la multiplication des politiques zéro COVID ont exacerbé les risques de gouvernance associés aux investissements en Chine. C'est aussi ce qui a provoqué les manifestations de masse dont nous sommes témoins actuellement à l'échelle de la Chine. Je crois qu'il est grand temps pour les législateurs de songer à l'adoption de règlements sensés qui définiront les critères ESG, qui décréteront que la Chine pose un risque à cet égard, et qui établiront, à l'instar des États-Unis, la liste des sociétés chinoises dans lesquelles les investissements doivent être restreints en raison de leurs agissements douteux en matière de droits de la personne, de respect de l'environnement et de gouvernance.
En dernier lieu, j'exhorte le Comité à convoquer des représentants des caisses de retraite afin qu'ils expliquent pourquoi ils sont tout à fait à l'aise de mener leurs activités derrière un écran de fumée qui empêche les Canadiens d'avoir une idée précise de la manière dont leurs fonds de retraite sont investis et des risques réels associés à ces investissements.
Merci.
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Je remercie le Comité de me donner l'occasion de parler des investissements des caisses de retraite du Canada dans les actions chinoises.
J'aimerais aborder un enjeu plus large pour les caisses de retraite du Canada et d'autres investisseurs institutionnels. La détention d'actions chinoises expose les investisseurs au risque-pays de la Chine. Elle occupe aujourd'hui une place importante au sein des fonds indiciels internationaux. À la fin d'octobre, l'indice MSCI marchés émergents était composé à 27 % d'actions chinoises. Les caisses de retraite du Canada investissent directement dans les actions chinoises, pas seulement dans les fonds indiciels sous gestion passive. En mars de cette année, l'OIRPC détenait 189 actions chinoises.
Or, les actions chinoises ont eu un rendement très médiocre ces dernières années à cause des nombreux problèmes économiques. De plus, la dimension politique du risque-pays de la Chine ne cesse de s'accroître. Les risques géopolitiques préoccupent de nombreux investisseurs internationaux, notamment au vu des événements après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. En février, des investisseurs internationaux ont subi le gel de leurs investissements dans des actions russes par suite des sanctions internationales et des mesures prises par les Russes. La Russie interdit aux étrangers d'acheter ou de vendre des actions, ou de changer des roubles en dollars, si bien que les investissements en Russie sont gelés. Beaucoup d'investisseurs ont essuyé des pertes importantes. BlackRock a perdu 17 milliards de dollars de fonds appartenant à ses investisseurs.
Un autre exemple vient d'un fonds MSCI Russie négocié en bourse aux États-Unis, qui investit uniquement dans des actions russes. Une liquidation est en cours après une perte de 99,8 % de sa valeur cette année. Qu'adviendrait-il si des actions chinoises subissaient le même sort?
En raison des relations plus tendues entre les États-Unis et la Chine ces dernières années, les risques de conflits se multiplient. La principale pomme de discorde est Taïwan, mais plusieurs autres territoires contestés dans la région indo-pacifique pourraient déclencher un conflit entre les États-Unis et la Chine. En cas de confrontation, plusieurs scénarios sont possibles, allant de l'imposition de sanctions limitées à la Chine à la guerre proprement dite. Peu importe le scénario, les investissements canadiens en Chine seront à risque. Les chefs d'état-major américains ont été avertis du risque que la Chine envahisse Taïwan dans les prochaines années. Une rumeur veut que Xi Jinping souhaite laisser en héritage la soi-disant récupération de Taïwan.
Si la Chine tente d'envahir Taïwan, une réplique américaine est hautement probable. Le président Biden a déclaré qu'il y aurait une intervention des États-Unis, et il est clair que des sanctions seraient imposées et qu'il y aurait alors des représailles de la Chine contre les investisseurs étrangers.
De nombreux observateurs estiment que la Chine ne prendrait pas le risque d'une telle attaque, du moins pas avant un certain nombre d'années. Toutefois, d'autres options pourraient s'offrir à la Chine pour faire pression sur Taïwan. Elle pourrait notamment recourir à un blocus commercial. Dans un rapport récent, le département d'État américain nous prévient que si la Chine impose un blocus commercial à Taïwan, les pertes économiques mondiales pourraient atteindre 2,5 mille milliards de dollars. Si on met cela en perspective, c'est plus que le recul de l'économie mondiale après la crise financière de 2008, qui lui a coûté 2 mille milliards de dollars.
Là encore, les sanctions des pays occidentaux seraient tout à fait concevables si la Chine tente une invasion, auquel cas ses représailles contre les investisseurs étrangers se répercuteraient négativement sur les caisses de retraite canadiennes.
Les pays occidentaux pourraient aussi imposer des sanctions si la Chine prend des mesures pour réprimer la dissidence sur son territoire. Dans la dernière semaine, les Chinois ont manifesté contre les mesures de confinement liées à la COVID. Si ces mouvements prennent de l'ampleur ou si un autre enjeu attise la colère de la population dans les mois ou les années à venir, une intervention répressive disproportionnée, à l'instar de celle qui a donné lieu au massacre de la place Tiananmen en 1989, pourrait entraîner une réponse des pays occidentaux.
Il faut garder à l'esprit qu'un conflit entre les États-Unis et la Chine, peu importe son ampleur, risque de faire chuter les marchés boursiers partout dans le monde. La dégringolade des actifs des caisses de retraite qui s'ensuivraient mettrait à risque la capacité de verser les prestations de retraite. Les caisses de retraite canadiennes pourraient perdre l'intégralité de leurs investissements en Chine.
Cela pourrait poser un problème majeur au gouvernement canadien. L'imposition de sanctions risque d'entraîner des pertes pour les caisses de retraite publiques.
J'ai deux recommandations.
La première porte sur l'analyse du risque-pays. Nous devons avoir une idée plus exacte de l'ampleur des investissements des caisses de retraite en Chine, de la manière dont ils sont surveillés et gérés, et de la connaissance réelle des risques de la part des gestionnaires des investissements. Existe-t-il des règles de divulgation? La stratégie pour l'Indo-Pacifique devrait prévoir une analyse du risque-pays.
La deuxième recommandation serait d'inciter les caisses de retraite publiques à éviter l'exposition à la Chine.
Sur le plan du suivi des fonds, plusieurs fonds sont présents dans les marchés émergents en Asie autres que la Chine. Par conséquent, une exposition aux marchés émergents est tout à fait possible sans détenir des actions chinoises.
En conclusion, j'exhorte le Comité à prendre acte du risque-pays croissant associé aux investissements en Chine et à établir un plan en conséquence.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Merci également aux témoins d'être ici. J'ai beaucoup apprécié vos déclarations préliminaires.
J'aimerais approfondir quelques sujets que vous venez d'aborder. Ce peut être assez troublant de vous entendre pour des personnes qui ne comprennent pas vraiment comment les caisses de retraite du Canada investissement dans divers secteurs et divers pays. Considérant ce que nous savons maintenant sur la manière dont la Chine traite les Ouïghours — nous avons entendu des témoins à ce sujet juste avant vous — et ses agissements à Hong Kong, que vous connaissez très bien, et certainement beaucoup mieux que moi, et notamment les menaces proférées et ses plans à l'égard de Taïwan…
Pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détail dans quelle proportion des fonds des caisses de retraite canadiennes sont investis dans des sociétés en Chine? Est-ce que c'est la totalité de ces fonds, ou une grande partie de ces fonds? Pouvez-vous nous en dire davantage?
Qui de vous deux voudrait répondre en premier?
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Oui. La situation est en effet très grave. Je pense que parler d'une guerre entre les États-Unis, la Chine et Taïwan est le pire scénario. Mais je pense que même sans cela, même avec un blocus commercial, ce serait un coup énorme pour l'économie mondiale et pour nos fonds de pension. Un blocus affecterait les chaînes d'approvisionnement, par exemple, de Taïwan et de la Chine, ainsi que le financement du commerce. Je pense que, bien souvent, nous ne parlons que des marchandises, mais nous oublions les finances sur lesquelles repose le commerce. Lorsque quelque chose de ce genre se produit, même les finances s'arrêtent — nous pouvons voir la situation en Russie. Si nous parlons d'une guerre en bonne et due forme, ce sera très grave. Je verrais les actions chinoises s'effondrer, tout comme c'est le cas en Russie.
Je voudrais revenir à votre première question.
En fait, les fonds de pension sont nombreux au Canada. Ils détiennent des participations dans des fonds de marchés émergents. Ainsi, 27 % des fonds de marchés émergents investissent effectivement en Chine. Ils peuvent aussi investir dans des actions individuelles.
Je peux vous donner quelques listes. En fait, c'est une très longue liste. Je ne veux pas utiliser beaucoup de temps. Bien sûr, il y a l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, l'Alberta Investment Management Corporation, le Manitoba Civil Service Superannuation Board, l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, la British Columbia Investment Management Corp. et l'Investment Management Corporation of Ontario.
Je pense qu'il est très important qu'il y ait un règlement exigeant des fonds de pension la divulgation. Nous avons fait des recherches et examiné les avoirs, mais beaucoup d'entre eux ne paraissent pas. L'Office d'investissement du régime de pensions du Canada montre les avoirs en actions du régime, dont 589 actions chinoises, soit le deuxième avoir le plus important après les actions américaines. C'est frappant.
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Merci d'avoir souligné ce point.
Je peux peut-être intervenir pendant la minute qui me reste. Les fonds de pension que vous avez mentionnés sont des fonds de pension des gouvernements provinciaux et le fonds de pension national auquel nous cotisons tous, que nous travaillions pour le gouvernement ou non, mais les fonds de pension provinciaux sont certainement ceux des gouvernements provinciaux.
Mme Aileen Calverley: Oui.
Mme Raquel Dancho: Le gouvernement fédéral a récemment publié sa stratégie indopacifique, comme vous le savez certainement, et il a vraiment souligné l'importance de rechercher les valeurs du Canada dans nos affaires étrangères dans cette région. D'après ce que vous avez dit, cependant, et ce que le Comité sait très bien, ce qui se passe avec la Chine et ce qu'elle fait à son peuple, etc., nous devrions restreindre l'investissement de nos fonds de pension en Chine.
Ce que nous voyons dans la stratégie indopacifique au sujet des valeurs et la volonté du gouvernement de poursuivre ces valeurs ne semble pas correspondre à votre point de vue sur la façon dont nous investissons notre pension du gouvernement.
Avec le temps qu'il me reste, je vous donne la parole, monsieur Goodman, puis madame Calverley, pour vos remarques. Comment pouvons-nous aligner notre stratégie sur l'endroit où nous plaçons notre argent, je suppose?
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Je pense que cela doit être très choquant. Nous entendons souvent dire que dans la chaîne d'approvisionnement, il y a du coton fabriqué par des Ouïgours et qu'ils sont dans des camps de concentration. Nous ne regardons jamais de près nos fonds de pension.
Je pense que les politiciens de ce comité travaillent très dur pour défendre nos valeurs, les valeurs du Canada et aussi les droits de la personne. Les investisseurs, notamment les gestionnaires de fonds, sont très occupés à investir en Chine. Ils n'ont pas besoin d'y aller. Ils ont juste besoin d'acheter les actions. Ils achètent simplement les obligations.
Les investissements du Régime de pensions du Canada sont énormes. C'est vraiment lié à nos pensions. Lorsque nous ouvrons la liste de ses avoirs en actions, il y a 189 actions chinoises. C'est la deuxième plus grande participation après les actions américaines, donc c'est plutôt frappant.
Bien sûr, lorsque nous parlons des facteurs ESG, nous mettons en relief une longue liste d'entreprises qui violent les droits de la personne. Le Régime de pensions du Canada ne devrait pas investir dans ces entreprises. Ensuite, lorsque nous examinons la stratégie indopacifique, nous devons être prêts. Nous devons avoir un plan de contingence. Si quelque chose se produit à Taïwan, pas même une guerre, juste un blocus, ou si cela déborde sur la mer de Chine méridionale, ou encore si, en raison de la répression des manifestations en Chine pour la démocratie, des pays partageant les mêmes idées imposent des sanctions à la Chine, qu'arrivera-t-il aux actions et aux obligations chinoises? Elles s'effondreront certainement. Nous verrons alors nos fonds de pension perdre de la valeur.
Je pense que c'est dans ce domaine que le comité doit faire pression sur le gouvernement. Il doit disposer d'une véritable analyse par pays. Le gouvernement doit travailler sur ce point. Quel est le risque d'une sorte de confrontation dans la région indopacifique? Cela touchera-t-il nos pensions? En outre, quel genre de relations devrions-nous avoir compte tenu de ce risque particulier?
Il y a deux ou trois ans, personne ne pensait à cela. À l'époque, il était tout à fait à la mode d'investir en Chine. Il y a deux ou trois ans, le rendement était l'un des plus élevés. Ensuite, si on regarde le rendement moyen des actions chinoises au cours des deux dernières décennies, il est presque nul, car il s'est fortement effondré l'année dernière. Le marché chinois n'est pas le meilleur endroit où placer nos investissements.
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Dans le rapport de novembre 2022 intitulé « Passively Funding Crimes Against Humanity: How Your Savings May Be Financing Internment Camps and Forced Labor in China », dont vous êtes le coauteur, vous commentez la Uyghur Forced Labor Prevention Act, qui interdit l'importation aux États‑Unis de produits extraits ou fabriqués dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Le rapport souligne que cette loi n'exige pas l'interdiction des investissements dans les entreprises de la région autonome ouïghoure. Vous recommandez que les États‑Unis appliquent cette interdiction par l'entremise du décret 14032.
Je trouve cela fort intéressant, parce que le gouvernement du Canada a procédé de façon différente. Il a plutôt procédé par décret, pour interdire l'entrée au Canada de produits venant de la région du Xinjiang qui ont probablement été fabriqués en ayant recours au travail forcé.
Le problème, c'est qu'on n'est pas en mesure de mettre en œuvre ce décret. Évidemment, dans celui-ci, il n'est absolument pas question d'investissements dans la région autonome ouïghoure. On interdit donc l'entrée au Canada de produits fabriqués dans la région du Xinjiang, qui ont probablement été fabriqués en ayant recours au travail forcé, mais on n'interdit pas les investissements dans des entreprises qui produisent des biens qui seront exportés ailleurs si on ne les importe pas ici. N'y a-t-il pas là une contradiction?
Je reviendrai ensuite sur ce que vous proposez par rapport au décret 14032.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être avec nous ce soir.
Ma question s'adresse aux deux témoins. Elle est liée aux propos de M. Goodman en ce qui concerne les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, soit les critères ESG.
Vous avez laissé entendre que ces critères n'étaient pas pris au sérieux, un peu comme des blagues, et qu'il n'y avait pas de conséquences réelles à ne pas les observer.
Pouvez-vous développer ce que vous pensez, monsieur Goodman, au sujet de ces fameux critères ESG et ce qu'ils représentent dans la vraie vie?
Mme Calverley pourra intervenir par la suite si elle le veut.
:
Pour le Régime de pensions du Canada, nous pouvons voir qu'Alibaba et Tencent sont des parts énormes. Ce sont quelques-unes des plus grosses parts de ce régime de retraite, et toutes deux, en fait, avec des violations des droits de l'homme au Xinjiang.
Je ne sais pas si les régimes de pension ont pour mandat de vérifier si leurs avoirs respectent les critères ESG. Je ne suis pas sûre que c'est une exigence.
Pour beaucoup de gestionnaires de fonds, il est maintenant très à la mode de vérifier les critères ESG, mais je pense qu'il n'y a pas d'autorité. Par exemple, pour les agences de cotation du risque pays, nous avons Standard & Poor's et Moody's, mais pour les entreprises, nous n'avons jamais de cote pour les critères ESG. Par exemple, si l'entreprise obtient une cote de 10, cela signifie qu'elle est très bonne, alors qu'une cote de 1 indique de graves violations de l'environnement ou des droits de la personne. Nous n'avons pas ce type de cotation. Nous n'avons des cotes que pour le risque. Nous demandons à Moody's et à Standard & Poor's de coter, par exemple, les obligations du Canada. Nos obligations ont en fait la cote AAA. Nous obtenons ce type de cotation, mais pour les actions, ça n'existe pas encore. C'est vraiment à nos gestionnaires de fonds de prendre les décisions, surtout s'il n'y a pas de règlement que notre fonds de pension doit respecter pour les facteurs ESG.
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Je vous remercie beaucoup tous les deux.
Comme je reviens de la COP27, la conférence de l'ONU sur le climat qui a eu lieu en Égypte, je suis assez conscient du concept d'écoblanchiment.
En utilisant les critères ESG, n'est-on pas en train de faire du blanchiment de main-d'œuvre ou de droits de la personne?
Comment le gouvernement fédéral canadien pourrait-il faire en sorte que ce principe soit davantage appliqué et qu'il ne soit pas seulement une case à cocher, comme vous l'avez dit?
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Merci, monsieur le président, et monsieur Chong.
Monsieur Goodman et madame Calverley, c'est un plaisir de vous voir tous les deux. Merci de votre présence ici et, surtout, merci de votre travail sur une question aussi importante.
Il est important de souligner, je pense, que ce problème — des produits fabriqués par des esclaves sont importés au Canada, et l'argent des pensions canadiennes ou d'autres fonds du Canada sont investis dans des entreprises qui participent à la répression en Chine — n'est pas nouveau, fondamentalement. C'est une question sur laquelle vous travaillez tous les deux et vous sonnez l'alarme depuis des années. Nous en avons parlé au Parlement et à divers comités.
J'extrais une question de 2019 posée par mon ami M. Kmiec, qui est assis ici à côté de moi. Il a posé une question précise au gouvernement sur les investissements de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada dans des entreprises qui sont complices de crimes liés au génocide ouïgour. Il y a trois ans et demi, au moins, nous avons soulevé ces questions au Parlement. Je pense que l'ampleur et les horreurs de la situation exigeaient, à l'époque comme aujourd'hui, un plan d'action ambitieux de la part du gouvernement. Nous continuons à en parler et à entendre des membres du gouvernement prononcer certaines bonnes paroles, mais le fait est que nous n'avons vu aucune sorte d'action, ou de plan d'action, à ce sujet.
Nous avons parlé un peu du projet de loi . C'est un projet de loi d'initiative parlementaire. Il a été proposé par un sénateur indépendant, défendu par plusieurs députés et parrainé par un député d'arrière-ban du parti au pouvoir, mais nous n'avons vu aucun projet de loi du gouvernement, aucun effort pour négocier de nouveaux accords internationaux ni aucune proposition de fond. Le gouvernement fait preuve d'un manque de réponse et d'ambition pour ce qui est de tenter de résoudre ce problème très important. C'est formidable que vous soyez ici et que nous en parlions, mais je pense qu'il est grand temps que le gouvernement agisse à ce sujet.
En ce qui concerne l'Office d'investissement du RPC, la réponse à mon honorable ami, il y a trois ans et demi, était que l'Office fonctionne de façon indépendante, sans lien de dépendance, et que le gouvernement fait confiance à ses décisions. La réponse aux questions que j'ai posées aux directeurs de l'Office a été la suivante: « Eh bien, nous fonctionnons en vertu d'une loi-cadre. Nous sommes limités par cette loi-cadre. Elle définit les facteurs que nous devons ou ne devons pas prendre en considération. » On se pointe un peu du doigt dans les deux sens, mais nous avons désespérément besoin d'action. Je pense que la direction doit partir du gouvernement.
Pourriez-vous nous dire précisément quel genre de mesures concrètes vous aimeriez voir le gouvernement du Canada prendre, le plus tôt possible, pour s'attaquer à l'importation inacceptable de biens produits par du travail forcé, ou à l'investissement dans des entreprises participant à un genre d'esclavage?
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Je note l'« environ », monsieur le président. Je vous remercie beaucoup.
La question va d'abord à Mme Calverley.
Merci à vous deux pour vos présentations.
Madame Calverley, de 2019 à 2021 environ, la question de Hong Kong était au coeur des préoccupations. Elle était à la une au Canada et dans d'autres pays. Maintenant, ce serait beau de trouver la question de Hong Kong en page A20, disons, du Globe and Mail ou d'autres journaux.
Cela vous inquiète-t-il? Comment voyez-vous cela? Il est certain qu'en ce qui concerne la Chine, l'accent est mis sur Taïwan pour le moment, pour des raisons évidentes. Nous — les parlementaires ou la société canadienne, en général — risquons de perdre de vue l'importance de la question de Hong Kong. Il y a un aspect de perdu, en ce qui concerne l'engagement du Canada envers la Chine.
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Eh bien, je pense que le gouvernement chinois est très bon pour « séduire » les gens d'affaires qui vont en Chine. Il est très doué pour dérouler le tapis rouge.
Je pense que beaucoup de fonds d'investissement suivent certains des grands chefs de file dans ce domaine, comme BlackRock, qui a été le premier à lancer l'appel, vraiment, pour de nouveaux investissements en Chine. En fait, BlackRock, jusqu'à l'année dernière, disait que la pondération des marchés émergents était trop faible et qu'il visait, en fait, une pondération plus importante. Je pense qu'il y a un risque qu'un grand nombre d'investisseurs soient attirés, parce que certains des principaux investisseurs ont manifestement une perspective pro-affaires en ce qui concerne la Chine.
Je pense aussi que les gens veulent traiter avec la Chine qu'ils imaginent, plutôt qu'avec la Chine qui est la réalité, et à ce stade, nous devons nous rendre compte que Xi Jinping et la Chine, ainsi que l'environnement d'investissement en Chine ont fondamentalement changé.
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Je voulais parler de cela, parce que je pense qu'en Chine ou à Hong Kong, toute personne qui essaye de dire la vérité et admet que le rendement des investissements est nul en Chine ou que l'économie n'est pas bonne sera persécutée. Elle peut être arrêtée. Les gens n'ont pas le droit de dire ce genre de choses. Je crois que, souvent, on n'entend pas la vérité. C'est le gros problème.
En ce moment, je commence à lire des articles qui expliquent qu'il n'y a aucun retour sur les investissements en Chine. Je pense que si l'on prend les investissements dans des actions chinoises au cours des dix dernières années, on constate qu'ils perdent de l'argent, mais d'une manière ou d'une autre, je pense que le Parti communiste chinois est très fort en propagande dans le monde, pour chanter les louanges de la Chine: investissez en Chine, établissez votre entreprise en Chine ou obtenez d'énormes rendements sur votre investissement parce que le marché est énorme en Chine.
Les gens ont ce genre d'impression, mais si l'on examine les résultats et les graphiques, ils content une autre histoire. Beaucoup d'économistes et d'autres personnes ont peur de dire la vérité. Ils ne veulent pas écrire quelque chose de mauvais sur la Chine, car cela pourrait leur causer des problèmes.
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Je pense, surtout en ce qui concerne la Chine, qu'elle est très progressive. Elle est plus progressive que je m'y attendais. Elle mentionne la défense des droits de la personne et des valeurs canadiennes, mais il ne suffit pas de le dire. Il faut avoir une stratégie et un plan pour protéger nos intérêts nationaux.
Je pense qu'elle déclare vouloir protéger nos intérêts nationaux, mais comment le fera-t-elle? Si l'on prend tous les fonds de pension, on parle de milliards de dollars. Nous avons d'énormes investissements en Chine.
La stratégie parle de Taïwan. Que se passera-t-il s'il y a des conflits ou des blocages à Taïwan? Quel est notre plan? Y a-t-il un plan d'urgence? Y a-t-il une préparation à une telle confrontation?
Par exemple, même s'il y a une répression des manifestations et que le Canada se joint à d'autres pays partageant les mêmes idées pour sanctionner la Chine, mais lorsqu'ils sanctionnent la Chine, les actions chinoises baissent. Nos pensions perdent de la valeur. Cela signifie que notre politique nuit à nos propres pensions. Nous ne voulons pas que cette action s'arrête. Si nous nous inquiétons pour nos propres retraites et que, par conséquent, nous ne voulons pas sanctionner la Chine, ce n'est pas une très bonne situation.
C'est pourquoi je pense que dans la stratégie indopacifique, surtout dans la section sur la Chine, il devrait y avoir une analyse des risques pour les pays afin d'estimer l'ampleur des pertes en cas de conflit.