Bonsoir, tout le monde. Bienvenue à la septième réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine. Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations sino-canadiennes, en mettant l'accent sur les relations entre le Canada et Taïwan.
La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Des membres y assistent en personne dans la salle et d'autres le font à distance par l'application Zoom.
Nous allons maintenant accueillir quelques-uns de nos invités.
Monsieur Genuis, c'est bon de vous voir.
Madame Sgro, nous sommes heureux de vous accueillir. Je suis un peu intimidé, parce que Mme Sgro a été la première à présider un comité où je siégeais lorsque je suis arrivé ici en 2015. Voilà.
Monsieur Zuberi, c'est bon de vous voir aussi.
Taleeb Noormohamed est caché quelque part. Ah, le voici, au bas de l'écran. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous.
Je vais maintenant faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, vous devez cliquer sur l'icône du microphone pour ouvrir votre micro et, s'il vous plaît, mettez‑le en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre la langue du parquet, le français ou l'anglais. Les membres présents dans la salle peuvent se servir de l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Si vous voulez prendre la parole, veuillez lever la main. Si vous êtes sur Zoom, servez-vous de la fonction « main levée ». La greffière et moi allons gérer de notre mieux l'ordre des interventions, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Maintenant, surtout pour la gouverne de M. Bergeron, nous voulons nous assurer que tout le monde a bien fait ses tests. Le son était bon lorsque nous avons vérifié, mais il est arrivé récemment que tout aille bien une partie de la journée, mais pas aussi bien lorsque s'ouvrait la séance. Ce sera toujours à la limite, mais nous verrons bien.
Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins de la première heure.
Nous accueillons M. Tong Lam, professeur agrégé à l'Université de Toronto, et M. Colin Robertson, conseiller principal et membre associé de l'Institut canadien des affaires mondiales, qui comparaissent tous deux à titre personnel.
Messieurs, bienvenue au comité Canada-Chine.
Monsieur Lam, vous avez cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
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Merci, monsieur le président, et merci au Comité spécial.
C'est un honneur pour moi d'être ici ce soir.
Ce que nous appelons aujourd'hui Taïwan est le produit d'une longue histoire. Pendant des siècles, l'île s'est tenue à la frange d'empires dynastiques successifs jusqu'à ce qu'elle soit colonisée par l'Empire du Japon dans la dernière décennie du XIXe siècle.
Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les nationalistes ont perdu la guerre civile chinoise aux mains des communistes, leur gouvernement s'est retiré à Taïwan. Afin de maintenir leur domination à titre d'étrangers, les nationalistes ont imposé un régime de loi martiale pendant près de quatre décennies.
À la fin des années 1980, des pressions nationales et internationales ont poussé Taïwan à entreprendre une série de réformes démocratiques, et la première élection présidentielle directe a eu lieu en 1996. Taïwan a connu depuis de nombreux changements de gouvernement et quatre élections démocratiques avec un fort taux de participation publique, comme cela se produit à tous les niveaux du gouvernement.
Autrement dit, malgré quatre décennies de loi martiale appliquée jusqu'en 1987, le gouvernement nationaliste, autrefois considéré comme l'occupant étranger, s'est réinventé et la population le considère maintenant comme un parti politique légitime de Taïwan.
Les élections à Taïwan sont si animées que, encore récemment, les élections présidentielles attiraient de nombreux Chinois du continent, au point qu'on parlait d'une petite industrie du tourisme électoral. Évidemment, Taïwan est aussi une destination importante pour les militants politiques de langue chinoise en exil.
Il est peut-être juste de dire que la paix et la prospérité économique des dernières décennies se fondent sur le canevas d'une seule Chine ou, plus précisément, sur l'interprétation de ce canevas qui est généralement acceptée des deux côtés du détroit de Taïwan, ainsi que par la communauté internationale, dont le Canada, même si la communauté internationale interprète diversement la notion d'une seule Chine.
Au cours des dernières décennies, cependant, la Chine continentale a beaucoup changé. Entre autres, elle est devenue une nouvelle superpuissance intégrée à l'économie mondiale. Il importe aussi de souligner que la politique étrangère du gouvernement chinois est en partie dictée par ce qu'il en est venu à appeler le « siècle de l'humiliation », soit la période qui a suivi la première Guerre de l'opium, du milieu du XIXe siècle jusqu'à la fondation de la République populaire de Chine par le Parti communiste en 1949.
C'est durant cette période que les empires dynastiques, et plus tard la République de Chine, ont été assujettis à des puissances étrangères qui les ont occupés. Dans cette perspective, la séparation de Taïwan de la Chine est perçue comme une humiliation et un problème qu'il faut corriger.
Que nous adhérions ou non à cette perspective tacite, il est essentiel de reconnaître la charge émotive qui sous-tend les revendications actuelles de la Chine à l'égard de Taïwan. Entretemps, Taïwan aussi a beaucoup changé. La démocratisation a amené de nombreux Taïwanais à réfléchir à ce qu'ils ont vécu chez eux, notamment le colonialisme japonais et la loi martiale des nationalistes. Pour de nombreux Taïwanais, surtout chez les jeunes générations, cette somme d'expériences, aussi traumatisantes qu'elles aient pu être, a fait d'eux un peuple différent.
Taïwan abrite aujourd'hui une société civile dynamique qui chérit les valeurs progressistes. Par exemple, les droits des LGBTQ à Taïwan sont souvent considérés comme les plus progressistes en Asie et, comme au Canada, le mariage homosexuel a été légalisé. De plus, Taïwan embrasse la diversité ethnique et linguistique et a commencé à s'intéresser au bien-être de sa population autochtone en élaborant son propre programme de vérité et réconciliation.
De même, le gouvernement taïwanais et la société en général ont une forte conscience écologique, puisque le premier mouvement démocratique de Taïwan était lié à son activisme élémentaire.
Bref, au cours des dernières décennies, l'évolution du paysage politique et économique des deux côtés du détroit de Taïwan a sapé les fondements de la paix et de la sécurité fragiles dont nous avons tous bénéficié, car les deux parties semblent s'éloigner l'une de l'autre.
Cela ne veut pas dire que la guerre est inévitable. La plupart des Taïwanais, quelle que soit leur allégeance politique, garderaient les choses telles quelles, et le Canada pourrait contribuer à maintenir le statu quo en renforçant ses liens avec Taïwan, en particulier ceux de la société civile.
En résumé, qu'il s'agisse de colonialisme, d'impérialisme, de typhons ou de tremblements de terre, ou encore de la crise de santé publique, les Taïwanais sont toujours conscients de leur propre précarité. Jusqu'à maintenant, ils n'ont pas seulement survécu, mais ils ont aussi prospéré, et j'espère qu'ils auront les coudées franches pour continuer de prospérer à l'avenir.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
J'ai visité Taïwan pour la première fois au printemps de 1988, six mois après mon affectation à titre de consul auprès de la colonie britannique de Hong Kong. Hong Kong était la plaque tournante de la Chine vers le monde et notre meilleur accès au reste de l'Asie. Hong Kong abritait aussi une population d'expatriés canadiens qui, après le massacre de la place Tiananmen et l'exode des Hongkongais vers le Canada, est maintenant la plus importante en Asie.
J'étais aussi accrédité auprès de la Chine. Tous les quatre mois, je voyageais par train vers le nord jusqu'à Guangzhou, où je m'occupais de nos affaires consulaires tout en faisant le point sur l'évolution de l'économie en Chine. J'ai vu Shenzhen passer d'un paysage bucolique de rizières et de buffles à la frénésie de croissance d'une ville pionnière hérissée d'échafaudages en bambou. Shenzhen est aujourd'hui la Silicon Valley de la Chine et le siège de son champion de la technologie, Huawei.
J'avais déjà visité Pékin, noyée dans la fumée de charbon avec ses hutongs et ses vélos. Ma visite à Taipei m'a beaucoup rappelé Pékin. Sur le plan ethnique, les gens étaient les mêmes — des Chinois Han —, sauf qu'ils avaient appuyé le mauvais camp dans la guerre civile. Le parti Kuomintang de la République de Chine et le Parti communiste chinois de la République populaire de Chine gouvernaient de la même façon autocratique.
Pour l'Occident, le leader emblématique de l'époque en Asie était Lee Kuan Yew, de Singapour. Lee disait que la règle en Asie, ou du moins en Chine, était d'avoir un gouvernement bienveillant, mais autocratique, qui n'accordait aucune priorité aux droits de la personne. Son analyse me semblait juste.
Je suis retourné à Taïwan en 2019. Des mois auparavant, j'avais visité Shanghai et Pékin, des villes modernes et dynamiques. Taipei avait suivi le rythme, mais il y avait une différence fondamentale. En entrant dans la ville, nous sommes passés devant la « Maison-Blanche » de Taipei, la résidence de la présidente Tsai Ing-wen. Il y avait une manifestation. J'ai demandé de quoi il s'agissait. C'était pour appuyer la liberté de presse. Un oligarque de mèche avec la Chine voulait acheter un journal local, ce à quoi la population s'opposait. Pour elle, cela faisait partie de la cybercampagne de désinformation que la République populaire de Chine menait depuis longtemps pour miner la démocratie taïwanaise.
Taïwan est devenue une démocratie vibrante de dynamisme, avec ses transitions pacifiques entre partis politiques, sa presse libre, sa magistrature indépendante et sa fonction publique compétente et sans doute la plus intègre de l'Asie. Dans son évaluation annuelle des droits politiques et des libertés civiles, Freedom House accorde à Taïwan un score de 94 sur 100. Le score du Canada est de 98 et celui des États-Unis, de 83. La Chine a un score de 9.
J'ai dîné avec la ministre des Affaires numériques, Audrey Tang, qui est une personne transgenre. Taïwan a été une des premières nations asiatiques à reconnaître les droits des LGBTQ.
Audrey Tang m'a dit que c'est la technologie appliquée, notamment celle des semi-conducteurs, qui a permis à Taïwan de se hisser au rang des pays développés. Elle a ajouté que la Chine menait sans relâche sa campagne de désinformation, sa cyberguerre et ses intrusions dans l'espace aérien pour déstabiliser et intimider les Taïwanais, mais que le peuple défendrait sa démocratie. Il compte sur les États-Unis et souhaite que nous, en Occident, ne nous laissions pas intimider par la Chine.
Je vais conclure par une observation et trois recommandations.
Mon observation, c'est que Taïwan contredit la croyance du Parti communiste chinois selon laquelle les Chinois et les Asiatiques préfèrent l'autocratie et s'en tirent mieux sous cette forme de gouvernement. En ce sens, Taïwan mine le credo fondateur et, par conséquent, la légitimité du Parti communiste chinois. Pour Xi Jinping, Taïwan est l'État hérétique, qu'il est résolu à réunir avec la Chine continentale, par la force s'il le faut. Vladimir Poutine est du même avis au sujet de l'Ukraine.
Quant aux recommandations, ma première est que maintenant que le Parti communiste chinois a supprimé les libertés garanties par les accords approuvés par l'ONU pour accroître la représentativité du gouvernement à Hong Kong, Taïwan est le meilleur endroit de la région indopacifique pour surveiller le continent. Les cellules de réflexion et les services de renseignement de Taïwan sur la Chine sont sans pareils. Étant donné que la Chine est un foyer de pandémies, mais qu'elle a tendance à les dissimuler, Taïwan toute proche nous sert de poste d'alerte rapide.
Deuxièmement, nous devons nous efforcer davantage de soutenir Taïwan par le commerce, l'investissement et les liens interpersonnels. Faisons la promotion de nos écoles et de nos universités et faisons la promotion du Canada pour attirer les touristes et les immigrants taïwanais.
Le Comité devrait faire une visite officielle à Taïwan. Nous devons reprendre les visites ministérielles en fonction d'intérêts communs comme le commerce, l'innovation, la santé et la sécurité régionale. Le dernier ministre à y être allé est John Manley en 1998, lorsqu'il était ministre de l'Industrie. Nous devrions aussi appuyer les aspirations légitimes de Taïwan à adhérer à des institutions comme le PTPGP, l'Organisation mondiale de la Santé et l'OACI, dont le siège se trouve à Montréal.
Troisièmement, la Chine conteste activement notre ordre fondé sur des règles et, comme nous le savons, elle tente secrètement de perturber les gouvernements démocratiques. J'applaudis vos délibérations sur la désinformation et les cyberintrusions chinoises, dont le vol de propriété intellectuelle et les attaques contre des équipements essentiels, mais qu'en est‑il des allégations de blanchiment d'argent, de police secrète, de récupération de fonctionnaires et de financement de campagne de candidats au Parlement?
Nous devons maintenir le dialogue avec la République populaire de Chine pour des raisons de géopolitique, de changements climatiques, de pandémies et de prolifération nucléaire, ainsi que nos échanges commerciaux et nos liens interpersonnels, mais nous devons revoir notre politique à l'égard des entreprises d'État chinoises. Nous devons ajouter du mordant — des sanctions — à la Déclaration contre la détention arbitraire afin de dissuader les Chinois de prendre d'autres otages.
Merci, monsieur le président.
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Monsieur, on redoute certainement que cela se produise. Je pense que ce qui va arriver — et c'est déjà commencé —, c'est qu'on va vouloir faire de Taïwan un porc-épic, comme on dit, c'est‑à‑dire lui fournir une capacité de défense suffisante pour qu'il en coûte très cher aux Chinois de l'envahir.
Je pense qu'à Taïwan, on est en train de repenser à l'armement nécessaire pour appliquer cette stratégie du porc-épic. Une grande partie de la capacité, bien sûr, viendra des États‑Unis, mais les Taïwanais ont déjà commencé à construire leurs nouveaux sous-marins, par exemple, et à assurer leur défense contre les missiles balistiques.
C'est ce qu'ils vont faire, je pense, en se disant que la meilleure dissuasion... À l'OTAN, nous estimons que la meilleure façon de dissuader les Russes d'attaquer est d'avoir une solide capacité de défense qui les oblige à y penser deux fois avant de mettre les pieds dans un pays de l'OTAN. Il en va de même pour Taïwan.
Si le pire devait arriver, il y a, comme vous le savez sans doute, passablement de dissidence dans les cercles de réflexion américains sur la façon dont les États‑Unis vont réagir et sur leur capacité d'intervenir. Bien sûr, cela dépendra en grande partie de ce que les Chinois vont faire, et du fait qu'ils auront ou non neutralisé certaines bases américaines à Guam et à Okinawa, par exemple. Vous pouvez être certains que les États‑Unis vont riposter sous une certaine forme, l'action militaire certes, mais je pense que la cyberguerre va entrer de plus en plus dans l'équation.
On espère bien ne pas en arriver là, mais la meilleure chose à faire pour l'instant est d'aider Taïwan à se doter d'un pouvoir de dissuasion suffisant pour que les généraux chinois y réfléchissent à deux fois et avertissent Xi Jinping que ce sera extrêmement difficile et coûteux.
Je pense que les signaux américains — et je suis convaincu que le président Biden l'a dit à Xi Jinping hier — sont que si les États‑Unis allaient de l'avant, leur riposte serait de nature à faire beaucoup de tort à la Chine.
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Notre préoccupation première, monsieur, ce sont toujours nos citoyens. Nous avons une bonne équipe à Taïwan. Il y a un certain nombre de Canadiens là‑bas. Il y a ceux qui ont des liens avec le Canada de par leurs études ou l'immigration. La première chose, c'est de nous préparer au pire, et je pense que nous devrions le faire.
En même temps, nous devrions faire de notre mieux pour contribuer, si nous sommes en mesure de le faire, à dissuader la Chine de vouloir entrer à Taïwan. Bien sûr, cela signifie des visites plus fréquentes de nos frégates, probablement aux côtés de l'Australie et des États‑Unis. Ma grande crainte est que les Chinois décident de faire quelque chose, comme ils l'ont fait avec les deux Michael, pour faire un exemple d'un allié des États‑Unis.
Puisque la navigation est libre dans le détroit de Taïwan, nous y envoyons régulièrement nos frégates, parfois aux côtés des États‑Unis et parfois de nos partenaires de l'Alliance. Je pense que c'est important, pour que les Chinois aient l'impression — l'impression que nous voulons leur laisser, d'ailleurs — qu'ils n'ont pas seulement affaire aux États‑Unis. Il y a d'autres pays, comme le Canada, qui ont intérêt à maintenir la situation actuelle à Taïwan.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier M. Lam et M. Robertson.
C'est bon de vous revoir, monsieur Robertson.
Je vais revenir un peu sur les questions de M. Chong. Il y a deux sujets que j'aimerais aborder. Le premier concerne la sécurité au sens où on l'entend habituellement. Je l'aborde sous un angle un peu différent de celui de M. Chong: au lieu de supposer qu'il va y avoir une invasion, je me demande plutôt comment préserver le statu quo. Lorsque je parle à des gens de Taïwan, ils tiennent généralement à préserver le statu quo, qui leur permet d'avoir une démocratie libre, un milieu d'affaires dynamique et une communauté culturelle que nous avons appris à aimer.
Par opposition à la dissuasion au sens militaire, est‑ce qu'il y a des engagements diplomatiques et des mesures défensives qu'on pourrait envisager pour préserver le statu quo dans le genre d'impasse qui perdure en ce moment?
J'aimerais entendre d'abord M. Robertson.
Oui, je suis un ancien diplomate, alors je préfère d'abord la diplomatie, mais comme je le disais à M. Chong, il faut une main de fer dans le gant de velours que nous mettons habituellement. C'est ainsi qu'on dialogue. Je crois fermement que nous devrions aborder avec la République populaire de Chine les sujets qui se prêtent au dialogue. En matière de climat, de santé, de prolifération nucléaire et dans un certain nombre de domaines, nous pouvons et nous devrions collaborer. Nos échanges commerciaux sont importants, ce qui profite aux Canadiens.
Je pense que plus nous dialoguons, mieux c'est, tout en faisant passer le message que nous n'allons pas ébranler le statu quo en ce qui concerne Taïwan, parce que, bien sûr, la grande crainte de Xi Jinping, c'est que nous reconnaissions l'indépendance de Taïwan. Je ne vois pas cela arriver. Je ne vois pas les Américains faire cela, même s'il y a des membres du Congrès qui voudraient bien. Je pense que les Taïwanais, comme vous le faites remarquer à juste titre, n'en ont certainement pas envie. Ils veulent maintenir le statu quo.
Nous le ferions en même temps, en collaboration avec nos autres alliés. Je pense qu'en travaillant avec l'Australie et des pays aux vues similaires, comme la Corée et le Japon, et avec des partenaires du PTPGP... Encore une fois, c'est une question de dialogue. D'après mon expérience, il doit y avoir un autre camp en Chine. Oui, c'est un État à parti unique, mais je sais de par ma longue expérience qu'il y a des factions à l'intérieur de ce pays. Il y en a une en pleine ascension présentement, comme nous l'avons vu au Congrès national du peuple, mais vous pouvez être sûr qu'en coulisse, monsieur, il y en a d'autres qui n'approuvent pas nécessairement l'attitude plutôt agressive qu'on voit actuellement.
Oui, je suis d'accord avec M. Lam. Je siège également au comité consultatif de la défense, qui relève du sous-ministre de la Défense nationale et du chef d'état-major de la défense. J'ai participé récemment à un projet — ce n'est pas secret — sur la désinformation.
Pour répondre à la question, j'ai beaucoup appris. Je pense qu'il y a deux endroits où nous avons beaucoup à apprendre. Le premier est Taïwan, qui subit quotidiennement des cyberintrusions. La ministre Tang aime bien le Canada et elle vient nous visiter. Nous avons beaucoup à apprendre des Taïwanais.
L'autre endroit, ce sont les pays baltes: l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Je pense qu'ils sont les plus avancés parce qu'ils font l'objet de cyberattaques de la part de la Russie. Évidemment, la Chine s'exerce sur Taïwan depuis un certain temps.
Pour répondre à la question de M. Oliphant, oui, nous pouvons en apprendre énormément. Je crois que nos services de renseignement sont en contact. Si le Comité se rendait sur place, il apprendrait énormément de choses. Cela aiderait à éclairer les parlementaires qui, à mon avis, devraient être bien informés à ce sujet. Après tout, vous êtes les garants de notre démocratie.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d'être des nôtres, ce soir, pour nous éclairer par rapport à ce volet de notre mission, de notre mandat, soit celui de se pencher particulièrement sur les relations avec Taïwan.
D'ailleurs, dans un récent discours qu'elle a prononcé à la Munk School of Global Affairs and Public Policy, la , Mélanie Joly, a prévenu que les entreprises canadiennes qui font affaire avec la République populaire de Chine le font à leurs propres risques. Elle a également dit que le Canada chercherait à resserrer ses liens économiques avec Taïwan.
Que signifie une telle déclaration pour les entreprises canadiennes, d'après vous, monsieur Lam?
Dans la conjoncture actuelle, la Chine ne passerait pas le test de l'adhésion au PTPGP pour les entreprises d'État et la transparence. Cela ne sera pas une question; nous n'aurons pas à choisir. À mon avis, et d'après ce que j'ai vu, Taïwan serait admissible. Nous n'aurions pas à choisir entre les deux, parce qu'il y a une certaine norme à atteindre. Je pense que les Chinois le savent eux aussi, mais les Taïwanais, dans la conjoncture actuelle, atteindraient...
Je me répète, dans la mesure du possible, nous voulons éviter de contrarier la Chine, mais dans ce cas‑ci, elle ne serait carrément pas admissible à moins d'apporter des changements radicaux, ce que je ne la crois pas prête à faire.
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Oui, nous avons énormément à apprendre.
Je pense que nos fonctionnaires et nos bureaux de représentation à Taïwan étudient la question. Une fois de plus, je recommanderais aux députés, à votre comité, de visiter Taïwan et de s'y arrêter. En tout cas, j'ai pu y constater que ses habitants ont beaucoup en commun avec nous, et j'ai beaucoup appris.
Récemment, j'ai fait le rapport avec le comité consultatif de la défense. Les Taïwanais n'ont pas été avares des renseignements et des pratiques exemplaires qu'ils étaient disposés à partager. Je sais que nous avons de bonnes équipes et de bons groupes canadiens qui se penchent sur la cybersécurité, et ils ont aussi tiré des enseignements de l'exemple taïwanais, parce qu'ils y ont été exposés.
Encore une fois, tout s'explique par l'agression constante dont ils font les frais depuis un bon bout de temps. À bien des égards, les Chinois maîtrisent probablement mieux le jeu, en un certain sens, que les Russes. Les Chinois semblent embaucher beaucoup de jeunes pirates très brillants, mais ils le font de façon extrêmement professionnelle, comme nous l'avons vu dans les intrusions, par exemple, dans nos réseaux et pipelines.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins de leurs propos.
Ils nous ont donné des réponses très intéressantes. Bien sûr, je pense que chacun d'entre nous, dans cette salle, cherche à comprendre comment nous pourrions le mieux aider Taïwan face à la menace constante, mais croissante dont elle est la cible.
Manifestement, il y a le fait que Taïwan est une démocratie. Le travail qu'elle fait pour faire avancer les objectifs de développement durable et venir en aide à la communauté LGBTQ est très important. Toutes ses valeurs correspondent à toutes les nôtres.
J'aimerais poser quelques questions au sujet de la stratégie indopacifique, dont nous espérons entendre parler. Certaines rumeurs nous ont alertés sur ce que sera la stratégie indopacifique, mais encore une fois, nous n'avons pas encore tout vu de cette stratégie fort attendue. La ministre nous a bien dit que le Canada s'opposera à l'escalade des mesures militaires taïwanaises et cherchera à resserrer ses liens économiques avec l'île autonome.
La question est un peu délicate, et j'essaie de la poser en des termes qui me permettront d'avoir la réponse sans toutefois donner le moindre indice d'approbation de ce que fait la Chine.
Pourrait‑il arriver que le Canada resserre sa relation économique avec Taïwan, au risque d'enrager le gouvernement chinois? Ce risque pourrait‑il prendre d'autres formes que nous pourrions atténuer, car j'estime qu'il est très important que le Canada joue ce rôle accru?
Monsieur Lam, je pourrais peut-être commencer par vous.
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Je pense que la question concerne notre approche à cet égard. Il y a, selon moi, des gestes symboliques qui finissent souvent par provoquer la Chine, mais il y a aussi des choses qui pourraient être faites avec beaucoup de substance aux premiers échelons. Pensons aux liens économiques. C'est certainement une possibilité, mais il y a aussi la collaboration en santé publique sur les enjeux des peuples autochtones et de la société civile en général.
J'estime qu'il est important que, quelle que soit la politique que le Canada, en tant que démocratie, finira par adopter pour appuyer Taïwan, elle doit recueillir un large appui du public. Je pense qu'il est extrêmement important pour la démocratie de faire comprendre aux citoyens que nous parlons d'un endroit où vit du vrai monde.
Je sais qu'il est beaucoup question des stratégies indopacifiques et des industries des semi-conducteurs, et tout cela est important, mais, en même temps, nous ne devrions pas parler de Taïwan comme si c'était un endroit abstrait. C'est un endroit réel, peuplé de personnes réelles, avec un tissu social, une industrie cinématographique très dynamique, une culture populaire. Nous pensons à la vague C coréenne; on pourrait faire valoir qu'il y a une vague T.
Je pense qu'il faut élever ces choses‑là à un autre niveau, et je ne crois pas que ces liens aux échelons inférieurs de la société civile provoqueront le moindrement la Chine.
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La réponse à votre question est oui. Nous devons faire preuve de beaucoup de diplomatie et de circonspection dans notre façon de faire les choses, car nous ne voulons pas voir d'autres Canadiens pris en otage.
À mon avis, la solution passe par la diplomatie. Nous avons une nouvelle ambassadrice à Pékin, ce qui est bien, parce qu'elle aura accès à des niveaux auxquels d'autres n'auraient pas accès. Cela interpelle l'ambassadeur de Chine ici, à Ottawa.
Le principe du « pas de surprises » s'applique à toute la diplomatie, ce qui signifie parler aux Chinois avant de faire quoi que ce soit. Nous devons éviter la diplomatie du mégaphone. Les Chinois la pratiquent, mais nous la faisons à nos risques et périls, parce qu'ils sont plus gros et qu'ils se vengeront sans retenue. Nous l'avons vu avec notre porc, notre bœuf et d'autres choses du genre.
Utilisons tous les liens que nous avons, tous les liens d'affaires que nous avons — le Canada a des liens d'affaires qui remontent à plusieurs décennies —, et tenons-nous au courant par la diplomatie. En même temps, nous devons défendre nos valeurs avec fermeté, mais sans pour autant donner l'impression de condescendance pour faire valoir notre point de vue.
Encore une fois, dans la mesure du possible, la diplomatie discrète est la voie à suivre. J'ai observé le premier ministre Mulroney et le premier ministre Chrétien, et trouvé qu'ils géraient assez bien notre relation avec les Chinois. Ils lui ont dit très clairement qu'ils voulaient lui parler des droits de la personne, mais ils l'ont fait derrière des portes closes sans mettre les Chinois dans l'embarras.
D'après mon expérience, en tout cas, les Chinois, pour certaines raisons que le M. Lam a mentionnées — les « cent ans d'humiliation », comme ils disent —, sont très susceptibles, et ils tiennent absolument à sauver la face. Nous devons être sensibles à cela nous aussi, car en fin de compte, nous avons d'importants intérêts en Chine et nous sommes beaucoup plus utiles au reste du monde lorsque nous maintenons cette relation avec elle.
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Absolument. Pour moi, il y a actuellement beaucoup de trafic étudiant entre le Canada et Taïwan. Ce sont des façons d'exercer le pouvoir de velours du Canada. Le Canada est aussi une marque de commerce à l'échelle mondiale, surtout dans certains domaines, et l'enseignement supérieur fait partie des domaines où nous avons laissé notre marque.
Nous attirons beaucoup d'étudiants de Taïwan, et il y a beaucoup d'échanges entre nos deux pays au niveau de l'enseignement supérieur, ainsi qu'entre les universitaires et ainsi de suite. Pour moi, c'est un point très important parce que nous n'attirons simplement pas d'étudiants de Taïwan. Nous attirons des étudiants de partout dans le monde, y compris de la Chine, qui est l'une des principales sources d'étudiants étrangers pour les universités canadiennes.
Autrement dit, le Canada est très bien placé pour favoriser ce genre de liens sociaux entre non seulement les Canadiens et les Taïwanais, mais aussi entre les Chinois et les Taïwanais. J'y vois une excellente occasion pour apaiser les tensions éventuelles aux niveaux supérieurs. Comme M. Robertson l'a dit plus tôt, la diplomatie et le dialogue sont extrêmement importants.
Il arrive que les conversations aux premiers échelons soient aussi très importantes. Certains comprennent que nous parlons à du « vrai monde », car lorsqu'un étudiant de la Chine continentale parle à un étudiant taïwanais, ils voient bien qu'ils sont en réalité semblables et ont beaucoup de points communs entre eux. Je pense que la guerre devient alors moins probable.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup au Comité de me permettre de siéger quelques minutes aujourd'hui, surtout que vous étudiez Taïwan.
Nous sommes revenus récemment avec le groupe d'amitié parlementaire qui a fait le voyage malgré les obstacles. Le comité est resté ferme et fort. J'ai douté jusqu'au dernier moment que nous puissions y aller, mais nous y sommes arrivés, et personne n'a reculé malgré les courriels, les menaces et tout ce qui allait censément déclencher la Troisième Guerre mondiale.
Voyez-vous, vos collègues et les miens sont restés fermes et ont fait un voyage absolument merveilleux. Nous avons été très impressionnés par le discours de la présidente à l'occasion de la fête nationale, où elle a déclaré que son pays résisterait à toute forme d'intervention militaire, qu'il ne compterait pas uniquement sur ses amis et ses voisins, qu'il avait investi des milliards de dollars taïwanais dans le système de défense et créé une agence de mobilisation de la défense pour se protéger, et qu'il ne reculerait pas et ne laisserait personne maltraiter sa population.
Je pense que la guerre en Ukraine a clairement révélé une grande crainte du monstre voisin. J'encourage vivement le Comité à se rendre à Taïwan parce que, à mon avis, ce serait très avantageux pour tout le monde.
Nous avons visité beaucoup d'entreprises là‑bas. Northland Power utilise l'énergie éolienne et solaire. Il y a un énorme investissement et des appels d'offres de plusieurs millions de dollars pour des projets éoliens et solaires, et ce sera probablement un succès.
L'Université de Waterloo est en train de signer un protocole d'entente avec Taïwan pour des semi-conducteurs et à d'autres égards. Taïwan a offert de partager ses connaissances avec des universitaires du Canada concernant les semi-conducteurs et d'autres choses. Le pays est très favorable au partage de connaissances. C'est très impressionnant.
Comme vous l'avez entendu de la bouche du professeur Robertson, c'est quand les choses sont difficiles qu'on a besoin du soutien de ses amis. Des groupes d'amitié parlementaires se sont rendus les uns après les autres à Taïwan. Quand nous sommes partis, un autre arrivait. Chaque semaine, des représentants d'un autre pays se présentaient à Taïwan pour faire savoir clairement à la Chine que Taïwan a beaucoup d'amis.
Nous devons cependant être très prudents sur le plan diplomatique pour continuer à... Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de marcher sur des œufs comme nous le faisons, mais je pense qu'il faut faire preuve de diplomatie. C'est ce que voulait dire M. Robertson. Taïwan en est là où elle est grâce à la diplomatie. C'est un pays discret qui continue de faire valoir tout ce qui sera nécessaire pour se protéger. Il est très fort sur le plan économique. Il a d'énormes excédents budgétaires dont nous ne pourrions que rêver, mais il les investit dans des domaines comme la protection et l'infrastructure.
J'aimerais poser une question à M. Robertson ou à M. Lam au sujet du PTPGP. Taïwan devrait y participer, veut y participer et fait campagne pour y participer. Y aurait‑il, d'après vous, beaucoup de résistance? Tout le monde marche sur des œufs, parce qu'on a peur de faire quoi que ce soit, comme durant notre visite, qui déclencherait quelque chose. D'après vous, est‑ce que, si les membres du PTPGP faisaient volte-face et invitaient Taïwan à participer — même si la Chine, elle, sait très bien qu'elle ne mérite en aucune façon d'y prendre part —, cela déclencherait une réaction très négative pour Taïwan?
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La Chine n'aimera pas cela, mais rappelez-vous que, quand elle s'est jointe à l'Organisation mondiale du commerce, nous avons reconnu les accords commerciaux plurilatéraux. Taïwan fait également partie de l'Organisation mondiale du commerce, et on pourrait donc dire que c'est simplement la suite logique de quelque chose que la Chine a déjà accepté.
Mais elle va réagir, c'est évident. Mes cinq années à Hong Kong m'ont convaincu que le grand défi qui nous attend n'est pas entre la droite et la gauche ni entre nos partis, mais bien entre des systèmes ouverts et des systèmes fermés. Ce sera, à mon avis, l'enjeu fondamental de notre époque.
Concernant la démocratie et le soutien apporté à ses amis, il ne faut pas hésiter, faute de quoi nous les perdrons.
Taïwan serait admissible au PTPGP. C'est une économie importante. Ce pays serait légitimement admissible. Je crois que la Chine n'aimerait pas cela, mais, si elle suit la logique de son adhésion à l'OMC et reconnaît les règles de l'OMC, elle devra l'accepter.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonsoir à toutes et à tous.
Aujourd'hui, ma présentation va mettre l'accent sur trois questions fondamentales à la compréhension de la position canadienne à l'égard de la région indo‑pacifique en général et, plus précisément, à l'égard de la relation entre le Canada et Taïwan.
La première question, c'est de bien définir les intérêts que le Canada doit défendre. La deuxième, c'est de savoir avec quelle vigueur on souhaite défendre ces intérêts. La troisième, enfin, c'est de déterminer dans quelle mesure et par quels moyens on veut atteindre le niveau d'ambition que nous nous serons fixé.
Personnellement, je suis un spécialiste des questions liées à la sécurité et à la défense. Je vais donc mettre l'accent sur ce qui m'apparaît être les intérêts fondamentaux du Canada dans la région.
Le premier, c'est de préserver la paix, c'est‑à‑dire d'empêcher l'invasion de Taïwan et une déclaration d'indépendance de sa part. Nous vivons dans une période très tendue, vu l'invasion de l'Ukraine et la montée en puissance de la Chine. Selon plusieurs analyses, cette montée pourrait atteindre un sommet au début des années 2030.
Dans leur stratégie de sécurité nationale, les États‑Unis reconnaissent eux-mêmes qu'ils sont en déclin et qu'ils sont faibles devant la montée en puissance de la Chine. Toute la recherche nous démontre que les puissances qui sont en déclin sont plus enclines à prendre des risques lors de situations tendues.
Il y a une montée en puissance et une modernisation de l'Armée populaire de libération de Chine, qui a devancé son objectif à 2027. Dans le nouveau livre blanc sur Taïwan, le désir d'annexer Taïwan contre la volonté du peuple taïwanais est clair.
L'intérêt, c'est évidemment de désamorcer toute velléité d'agression armée chinoise et de maintenir le statu quo, c'est‑à‑dire la politique d'une seule Chine, qui donne une espèce d'indépendance de facto à Taïwan, mais qui n'en est pas la reconnaissance.
Le deuxième intérêt fondamental dans la région, c'est d'assurer la liberté de circulation dans les voies maritimes, par exemple d'empêcher un éventuel blocus chinois dans la mer de Chine orientale ou dans la mer de Chine méridionale et de renforcer le droit international, notamment par le multilatéralisme en matière de sécurité maritime. Il y a présentement, dans cette région, un déficit de régulation et une absence de consensus multilatéral sur les conditions d'accès et d'utilisation des espaces communs.
Le troisième intérêt, c'est de réduire la vulnérabilité du Canada aux agissements hostiles de la Chine qui ne constituent pas un conflit ouvert. On l'a vu à Hydro‑Québec cette semaine. Cette situation rend le Canada très vulnérable. Il faut donc renforcer la résilience et la sécurité des chaînes d'approvisionnement. Il faut aussi faire un découpage sectoriel, mais pas général, dans les industries stratégiques, comme la haute technologie et le secteur minier. Enfin, il faut surtout contrer la désinformation et les ingérences hostiles, par exemple en interférence électorale.
Le quatrième intérêt, c'est celui de diversifier et d'approfondir des échanges commerciaux dans la région en général, avec Taïwan, mais aussi avec d'autres partenaires dans la région, comme le Japon, l'Australie, l'Inde, la Corée du Sud et les membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, ANASE, notamment dans le développement d'échanges non gouvernementaux avec Taïwan en matière de renseignements, des échanges parlementaires, universitaires, commerciaux et technologiques, et j'en passe.
Enfin, il y a un autre intérêt important dans la situation malheureuse que nous vivons, et c'est de lutter contre les effets des changements climatiques. Les sommets sur les changements climatiques démontrent qu'il s'agit d'une source de tensions. Le Canada doit mettre cela à son programme dans ses relations avec la Chine.
Le deuxième élément, sur lequel je veux revenir, c'est le niveau d'ambition que nous pouvons nous fixer. Les ressources du Canada ne sont pas illimitées. Celles qu'on peut consacrer à la région indo‑pacifique en sont qu'on ne peut pas investir dans d'autres régions, que ce soit en Europe, dans la zone arctique canadienne, en Afrique ou ailleurs. Il faut donc définir notre ambition. Selon les intérêts, on peut circonscrire le rôle que le Canada peut jouer, à mon avis.
Je pense que le Canada a un pouvoir de leadership beaucoup plus grand dans certains éléments, comme dans la stratégie visant à lutter contre la désinformation et l'interférence politique. Par contre, pour ce qui est du renforcement des capacités en matière de cybersécurité, d'infrastructures et de résilience des institutions, ainsi qu'en matière de défense musclée comme telle, le Canada a plutôt la capacité d'apporter une contribution plutôt que de réellement influencer le cours des choses ou même les diriger.
Quand je parlais de dissuasion, je parlais de dissuasion par déni, plus communément appelée une stratégie du hérisson. Il faut donner à Taïwan les capacités de se défendre de manière asymétrique contre la Chine. Le Canada a quand même des capacités limitées, comme le démontre la présente situation en Ukraine. Il en va de même pour ce qui est des voies maritimes: le Canada peine présentement à maintenir deux frégates dans la région — il en possède seulement 12.
Il y a un processus de modernisation, mais il demande beaucoup de temps et va coûter très cher. Le nombre de navires de combat que le Canada pourra utiliser est encore incertain. Cela limite beaucoup ses capacités.
Il en va de même pour ses capacités de projection rapide, qui sont limitées. On voit, dans le contexte de la guerre en Ukraine, que, pour augmenter le contingent canadien en Lettonie, il faut beaucoup de temps. Cela demande des ressources qui sont difficiles à obtenir présentement en raison de la pénurie de personnel dans les Forces armées canadiennes.
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Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'avoir invité à prendre la parole de nouveau devant vous aujourd'hui à propos du sujet très important des intérêts du Canada dans la région indopacifique et de nos relations avec Taïwan.
Concernant le sujet du jour, je crois que le Canada devrait se rendre compte des avantages d'une relation plus solide avec Taïwan. Pendant trop longtemps, les gouvernements canadiens qui se sont succédés n'ont pas su saisir les occasions de renforcer leurs liens avec Taipei, surtout parce qu'ils craignaient que le resserrement de leurs liens avec Taïwan n'entraîne des mesures punitives ou d'autres répercussions sur leurs relations avec la Chine.
En fait, nous avons permis que les paramètres de nos relations avec Taïwan soient repoussés aux limites de la Chine. À mon avis, cette formule est beaucoup trop simple. Évidemment que la politique du Canada s'adresse à une Chine unique, mais il ne faut pas pour autant éviter de prendre des mesures pour renforcer nos relations avec Taïwan, même si ces relations sont de nature diplomatique non officielle.
À vrai dire, monsieur le président, Taïwan joue un rôle central dans l'Indo-Pacifique, et c'est une démocratie solide dans une région où les valeurs démocratiques résilientes et durables sont rares. On trouve aussi à Taïwan une société civile florissante et une base technologique de pointe. Le pays partage les valeurs fondamentales du Canada en matière de liberté d'expression, d'élections libres et de primauté du droit.
Dans ce contexte, comment privilégier nos relations avec Taïwan et saisir ces occasions?
Il faut d'abord comprendre que la sécurité de Taïwan est notre sécurité. C'est à nos propres risques que nous ignorons ou écartons discrètement la question de la place de Taïwan dans l'ordre indo-pacifique comme un inconvénient politique.
En matière commerciale, le Canada — de concert avec d'autres partenaires, comme le Japon, qui est actuellement la plus grande économie participant à cet accord — devrait se prononcer en faveur de l'adhésion de Taïwan à l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, le PTPGP. C'est probablement le pire acronyme qu'on puisse imaginer, mais il ne faut pas le dire.
Il faudrait y ajouter la conclusion rapide d'un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers ou APIE, dans le cadre duquel les deux parties se sont entendues pour envisager des pourparlers au début de l'année.
En matière de sécurité, le maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan est d'un intérêt primordial pour le Canada et pour ses alliés et partenaires régionaux. Sur le plan géostratégique, Taïwan se trouve au milieu du premier archipel du Pacifique occidental et joue le rôle de colonne vertébrale stratégique reliant la mer de Chine orientale, au nord, et la mer de Chine méridionale, au sud. Il est important de comprendre ce continuum maritime, car tous les États de la région, y compris la Chine, dépendent de ses lignes de communication maritime ouvertes pour pouvoir commercer librement et acheminer des approvisionnements énergétiques et de nombreux autres matériaux.
Tout événement imprévu ou affrontement au sujet de Taïwan aurait des répercussions importantes pour le Canada et ses alliés. Ce ne serait pas un conflit dans lequel nous pourrions nous isoler. Le risque d'un débordement régional serait aigu.
Un exemple éloquent en est que l'archipel du sud-ouest du Japon se trouve juste à la limite nord de Taïwan. L'île japonaise de Yonaguni, par exemple, se trouve à moins de 70 milles de Taïwan. Franchement, l'idée qu'un conflit relatif à Taïwan puisse être limité et ne pas avoir d'impact plus général sur la région est un fantasme.
Nous ne savons toujours pas si les dirigeants de Pékin ont fait le choix politique d'envahir Taïwan, mais nous constatons un niveau sans précédent de coercition économique et militaire depuis quelques jours, sans parler d'une série provocatrice d'essais de missiles balistiques et d'exercices militaires autour de Taïwan au début de l'année, après la visite de la présidente du Congrès américain Nancy Pelosi.
La prochaine stratégie indo-pacifique devrait tenir compte de quelques éléments importants.
Premièrement, il faut admettre que la sécurité et la stabilité de Taïwan dans le détroit sont de la plus haute importance.
Deuxièmement, il faut définir précisément le désir d'améliorer les liens économiques avec l'économie dynamique de Taïwan et chercher d'autres domaines où les innovateurs et les entrepreneurs canadiens pourraient participer à un écosystème commun fondé sur des chaînes d'approvisionnement fiables et sûres.
Et troisièmement, il faut partir du principe que la région indo-pacifique a besoin d'une plus grande coopération pour la fourniture de biens publics et, plus précisément, circonscrire l'aide que Taïwan pourrait apporter. Cela pourrait passer, par exemple, par la participation à l'Assemblée mondiale de la santé.
En conclusion, monsieur le président, c'est à juste titre, bien que tardivement, qu'Ottawa s'intéresse à la région Indo-Pacifique comme centre de gravité géostratégique et géo-économique mondial. Pour la défense de nos intérêts et de nos valeurs, il est essentiel de considérer Taïwan comme une partie de la solution — et non du problème — dans la stabilité de cette région dynamique.
Merci de m'avoir donné de votre temps, monsieur le président et distingués membres du Comité. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de cette question et de me permettre de conclure mes idées initiales.
Effectivement, il faut établir les intérêts que le Canada doit défendre en fonction des moyens qui sont à sa disposition.
C'est pour cette raison que j'ai établi trois gradations des éléments sur lesquels le Canada peut exercer un leadership et une capacité de rallier d'autres alliés, parce que, à lui seul, son influence est limitée. Il y a des enjeux sur lesquels il peut avoir une influence importante, et il y a d'autres questions où il peut simplement apporter sa contribution. Sur le plan du leadership, la force du Canada est celle des initiatives, des idées, notamment avec la Convention d'Ottawa, le protocole de Kyoto et d'autres enjeux où il a fait preuve d'une capacité de leadership.
Je vois deux enjeux importants auxquels le Canada fait face présentement et sur lesquels il peut miser.
Une stratégie pour contrer la désinformation est l'un des éléments sur lesquels le Canada pourrait exercer beaucoup plus de leadership avec ses alliés pour développer des façons de lutter contre cette tentative de remettre en question la vérité par des acteurs et des visionnaires, qui veulent redéfinir l'histoire et le discours narratif.
L'autre élément sur lequel le Canada doit miser est l'ingérence étrangère dans le processus électoral, où, malheureusement, le Canada est également une cible d'ingérence étrangère et d'activités hostiles. Pour exercer ce leadership, il pourrait développer de meilleures pratiques avec ses alliés et développer ses stratégies pour échanger de meilleures informations.
Pour ce qui est des autres éléments, je pense que le Canada doit miser davantage sur une capacité d'influence ou de contribution, que ce soit en matière de cybersécurité, de renforcement des institutions et de gouvernance, ou encore, sur les questions de défense militaire spécifiquement.
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Premièrement, il s'agit d'avoir la capacité de réaction rapide. Ce que l'on voit présentement dans le cas de l'Ukraine, c'est que nous n'avons pas la capacité industrielle de mener une guerre de haute intensité qui se prolonge. Nous n'avons pas non plus une capacité de projection rapide sur le terrain. De plus, ces capacités prennent énormément de temps, parce qu'on vit dans une économie de temps de paix, et non dans une économie de temps de guerre.
Or, comme le dit le dicton, « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Il faut donc avoir cette capacité en amont pour être en mesure de la déployer et, idéalement, de ne pas la déployer. La beauté de la dissuasion, c'est que s'il y avait une telle crainte de coûts de la part de Pékin, il n'y aurait pas d'intervention militaire. Si on était certain qu'il y avait une réaction américaine ou que celle-ci serait très coûteuse et empêcherait l'atteinte des objectifs chinois, il n'y aurait pas d'intervention. C'est sur cet élément qu'il faut miser, c'est-à-dire sur cette capacité de dissuasion, de menaces d'une réaction rapide. La meilleure façon d'atteindre cet objectif, c'est d'avoir de la crédibilité et les capacités de le faire. Or, jusqu'à présent, le Canada n'a pas cette capacité et cette crédibilité n'a pas été démontrée, parce que c'est une capacité de projection rapide, par exemple, au moyen d'exercices militaires qu'il pourrait mener avec ses alliés.
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Je vous remercie de la question.
Pour ajouter à ce que mon collègue vient de dire, je pense qu'il y a trois enjeux principaux.
Je suis d'accord au sujet la dissuasion. Nous devons absolument renforcer notre capacité de dissuasion. Beaucoup d'alliés en Asie devraient le faire également. Par exemple, le Japon ne dépense encore qu'environ 1 % de son PIB, ce qui représente près de la moitié de ce que l'OTAN exige de la plupart de ses alliés, même si certains d'entre eux n'atteignent pas 2 %. À mon avis, le Japon est un allié qui devrait investir davantage dans la défense. La dissuasion est un élément important.
Il y a ensuite, bien sûr, la diplomatie. Nous devons travailler sur les plans officiel et officieux pour faire comprendre aux Chinois qu'il y a certains seuils et certaines lignes rouges à ne pas dépasser.
Troisièmement, il y a les éventualités. Nous devons discuter en privé avec les Américains, avec nos alliés du Groupe des cinq et avec d'autres partenaires et alliés de l'Indo-Pacifique, de ce qui « pourrait arriver », de la pire situation possible et de la façon de s'y préparer. Une partie en sera communiquée sur la place publique, mais une grande partie du travail doit se faire en privé.
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C'est une excellente question.
Je dirais d'abord qu'il faut de l'empathie pour élaborer une stratégie efficace. Nous devons évidemment nous concentrer sur les intérêts et les valeurs qui importent le plus aux Canadiens. Mais, si nous faisons cela sans demander l'avis des gens de la région où nous apportons de l'aide, ce sera un échec. Il faut engager un dialogue et tenir compte des besoins de la région au lieu de refiler des produits livrables et d'octroyer des fonds dont les gens n'ont que faire.
C'est le premier point important.
Quant à s'informer des stratégies régionales des autres, je commencerais par la région elle-même. Je ne veux pas minimiser l'importance de nos amis européens qui pensent aussi à l'Indo-Pacifique, mais je dis souvent que nous ne sommes pas l'Europe. Il est vrai que nous avons d'excellents liens sociaux avec l'Europe, mais nous avons une très longue côte sur le Pacifique. Nous sommes à beaucoup d'égards un pays de l'Indo-Pacifique.
Nos amis néerlandais nous diraient la même chose. Ils ont élaboré une stratégie indopacifique un an et demi avant même que nous... Nous n'en avons toujours pas. Ils n'ont pourtant pas de côte sur le Pacifique. Mais je suppose qu'il y avait l'Indonésie à l'époque.
Nous devons commencer à penser à nous-mêmes et à nous rendre compte que nous sommes un pays du Pacifique. À mon avis, nous devrions nous inspirer de l'exemple du Japon et de l'Australie et de certains pays d'Asie du Sud-Est.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous de votre consentement unanime.
Il est tout à fait juste de rappeler que nous devons écouter les locaux. Mais, sur le plan géopolitique, on s'inquiète de ce que vous avez dit, monsieur Miller, au sujet de la sécurité énergétique et des liens que cela peut avoir avec les questions que posent l'énergie, la sécurité et la militarisation de l'énergie dans la guerre contre l'Ukraine.
Le chancelier Scholz s'est récemment rendu en Chine et il y a parlé de Taïwan. Il a mis en garde le gouvernement chinois contre une escalade à Taïwan.
Quelles sont, d'après vous, les répercussions de la guerre en Ukraine à cet égard et comment le gouvernement chinois voit‑il ce qui s'y passe comparativement à ce qui se passe à Taïwan? Celui‑ci lui donne‑t‑il à penser qu'il peut accentuer la pression sans souci? Peut‑il penser que l'attention du monde est détournée ailleurs?
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
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C'est une excellente question.
À mon avis, la Chine envisage les choses sous deux angles différents. D'une part, elle est inquiète, puisqu'elle voit à quel point l'Occident s'est mobilisé, notamment sous la forme de sanctions financières. Elle ne veut pas se retrouver dans une situation où elle pourrait, elle aussi, souffrir de ce genre de sanctions, notamment du côté technologique. La technologie est le carburant qui fait tourner l'économie chinoise. Une rupture importante des ressources technologiques serait un vrai cauchemar économique pour elle. Je pense que la Chine comprend la leçon.
D'un autre côté, je pense que la Chine constate certaines faiblesses et essaie de les exploiter. Par exemple, elle profite des prix peu élevés de l'énergie pour acheter le gaz et le pétrole russes à des rabais de 30 %. On raconte qu'elle cède maintenant des contrats de gaz de schiste américains à nos alliés dans la région, comme le Japon et la Corée du Sud, aux prix du marché, tout en obtenant une réduction de 30 % sur le gaz russe. Ce qui est doublement ironique, c'est que c'est en partie notre GNL, puisque c'est notre GNL qui passe par les États-Unis, et la Chine en profite et tire avantage de la guerre en Ukraine.
Il y a deux versants à cette histoire, à mon avis.
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Merci, monsieur le président.
Mes questions porteront sur le risque d'une autre guerre catastrophique dans la région de l'Asie-Pacifique, qui ferait suite à une éventuelle invasion de Taïwan par la République populaire de Chine, et sur la réaction du Canada.
Le 12 janvier 1950, le secrétaire d'État américain Dean Acheson prononçait un discours au National Press Club à Washington, dans lequel il définissait le périmètre de défense des États-Unis dans le Pacifique. Ce périmètre excluait la Corée. Six mois plus tard, les communistes envahissaient la Corée du Sud, entraînant la mort de 40 000 Américains, outre de nombreux Canadiens et d'autres. Les communistes ont envahi la Corée du Sud parce qu'ils avaient calculé que personne ne se porterait à sa défense.
Le président Biden a malheureusement répété cette erreur. En décembre de l'année dernière, il a promis de lourdes sanctions, mais il a aussi explicitement exclu une réponse militaire américaine à une invasion de l'Ukraine, et la Russie a donc envahi l'Ukraine deux mois plus tard. Quand des pays hostiles décident de s'engager dans des actes d'agression, ils se préoccupent généralement de savoir si les coûts l'emporteront sur les avantages, dans une perspective amorale, mais rationnelle. L'histoire nous enseigne que c'est en s'engageant à soutenir les démocraties contre les agressions qu'on a le plus de chances de garantir la paix, parce que cette position a des effets dissuasifs. S'engager à défendre des alliés contre une attaque signale que le coût de l'invasion sera élevé et permet de dissuader l'agresseur.
C'est pourquoi j'estime que les pays occidentaux devraient s'engager clairement à appuyer Taïwan et qu'un engagement clair empêcherait la guerre. L'invasion de Taïwan par la Chine ne serait pas le résultat d'une impression de provocation, car les dirigeants chinois sont très rationnels. La Chine n'envahirait Taïwan que si ses dirigeants étaient convaincus, comme Poutine l'a été en février, que le pays envahi ne serait pas protégé.
Cela dit, j'ai soumis une question écrite au gouvernement du Canada pour lui demander simplement s'il avait prévu des mesures en cas d'invasion de Taïwan par la Chine et, dans l'affirmative, quels sont ses plans.
En réponse, le gouvernement a fait part de ses préoccupations au sujet d'une escalade possible et de son désir de participer à des échanges commerciaux et technologiques, mais il n'a fourni aucune information sur ses plans d'intervention en cas d'invasion.
Monsieur Miller, j'aimerais vous demander ce que le Canada peut faire pour éviter l'échec des mesures dissuasives dont nous avons été témoins dans le cas de la guerre actuelle en Ukraine, mais aussi de la guerre de Corée dont j'ai parlé, et quel devrait être le plan du Canada pour réagir à une invasion de Taïwan?
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Merci. C'est un excellent point.
Je pense qu'il faut partir de la prémisse selon laquelle, comme je l'ai mentionné dans mes observations, tout événement imprévu concernant Taïwan... Ce n'est pas un luxe. Nous ne nous isolons pas de cette situation. Nous ne sommes pas en Irak en 2003. Il ne s'agit pas d'un éventuel conflit de choix. Si les États-Unis sont impliqués dans une action cinétique et un conflit violent en Asie de l'Est contre la Chine, ce n'est qu'un adversaire de force égale. Nous sommes très impliqués. Souvent, je dis aux gens de consulter une carte. L'idée que nous puissions ne pas y être mêlés n'est pas plausible, à mon avis.
Mais avant cela, comment nous y préparons-nous? Comment planifier des événements imprévus? Je pense que nous devons travailler beaucoup plus étroitement avec bon nombre de nos engagements minilatéraux. Le Groupe des cinq, par exemple, est traditionnellement une alliance des services de renseignement électromagnétique. Nous devons commencer à réfléchir beaucoup plus étroitement avec les partenaires du Groupe des cinq de manière plus générale, en ce qui concerne la politique étrangère et la défense. Je pense que nous devons réfléchir à ces événements imprévus, nous y préparer et trouver des moyens de les éviter.
Enfin, je pense aussi que lorsqu'il s'agit de nos troupes sur le terrain... Je ne mets pas souvent tout cela sur le dos de la Marine royale canadienne. Je pense que nous devons commencer à penser de façon diplomatique et en ce qui concerne nos responsables de la sécurité à l'étranger. Nous avons besoin d'une présence beaucoup plus importante pour comprendre le renseignement sur le terrain. Le Groupe des cinq en a été le bénéficiaire net. Nous devons commencer à avoir notre propre renseignement pour vraiment bien comprendre ce qui se passe dans cette partie du monde.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Monsieur Massie, je vais commencer par vous. Soit dit en passant, cela n'a rien à voir avec ce que nous faisons ici, mais nous nous sommes ratés de peu à l'Université Queen's. J'ai étudié avec David Haglund et Wayne Cox. Je sais que vous les connaissez, eux et d'autres.
Je prends note des points que vous avez soulevés ce soir, en particulier celui qui portait sur les changements climatiques, et du fait qu'il s'agit d'un domaine de collaboration potentiel avec la Chine. La question a déjà été soulevée à notre comité et ailleurs, mais je me demande comment cela fonctionnerait. Comment cela pourrait‑il se faire?
D'une part, je pense que je comprends ce que vous et d'autres qui ont fait valoir ce point avez dit. Les changements climatiques sont une question existentielle par définition et, par conséquent, en ce qui concerne les questions existentielles et les menaces existentielles en particulier, nous devrions pouvoir collaborer et coopérer avec tous les États, démocratiques ou non.
Cependant, en même temps, le Canada est une puissance moyenne et la Chine ne l'est certainement pas, alors, là où la Chine peut trouver moyen de collaborer avec les États-Unis — et je constate qu'il y a eu des entretiens très positifs, ou qui semblaient être très positifs, entre les présidents Xi et Biden au cours des derniers jours sur la question des changements climatiques —, on pourrait faire valoir que les États-Unis sont plus susceptibles d'être entendus par la Chine sur la question des changements climatiques. La porte s'ouvre alors aux discussions et aux délibérations entre ces deux superpuissances.
Cependant, le Canada ne fait manifestement pas partie de cette catégorie, alors comment pouvons-nous attirer l'attention de la Chine sur cette question? Sur quels aspects précis pouvons-nous nous concentrer pour faire avancer le dialogue?
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Je vous remercie de votre question.
Il faut d'abord reconnaître le problème: même avec les engagements annoncés cette semaine par Pékin, c'est insuffisant pour atteindre les objectifs des Nations unies en matière de lutte contre les changements climatiques. Il faut aller plus loin, et c'est la même chose pour le Canada.
Le Canada, à lui seul, ne peut pas en faire beaucoup pour infléchir la position chinoise. Toutefois, la force du Canada est sa capacité de rallier ses alliés et les États aux vues similaires pour exercer des pressions. Une des idées qui est présentement discutée au sein de l'Union européenne consiste à imposer des droits de douane en fonction du taux de pollution associé aux importations internationales. Si nous créons des consensus internationaux avec les États‑Unis et nos collègues européens dans les échanges commerciaux et que nous mettons un prix sur la pollution, cela pourrait infléchir la position de la Chine. Cette coopération est une des façons de le faire.
On pense naïvement que tous les pays vont nécessairement vouloir collaborer, parce qu'il est question du bien commun et que tout le monde va périr si on ne s'attaque pas au réchauffement climatique, mais ce n'est pas le cas. Parfois, la Chine ne veut pas compartimenter les dossiers, c'est-à-dire qu'elle fait des liens entre la coopération dans le domaine des changements climatiques et nos positions sur Taïwan.
Il faut briser cela, et la seule façon de le faire pour le Canada, c'est de collaborer et d'avoir des stratégies communes qui visent à mettre un prix sur la pollution.
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Il faut pouvoir expliquer les décisions que l'on prend en cette matière.
Vu la présence de preuves, on est capable de démontrer qu'il y a de l'espionnage industriel, qu'il y a des menaces au secteur privé lorsqu'on fait affaire avec la Chine, et qu'il y a des liens entre le Parti communiste chinois et les entreprises d'État chinoises. Ce faisant, on est en mesure de mieux faire comprendre les raisons des réticences canadiennes à traiter avec la Chine, surtout dans des domaines hautement stratégiques.
Je ne parle pas de la fabrication de vêtements. Il est plutôt question de hauts secteurs, comme les hautes technologies ou le secteur minier, par exemple. C'est là où il faut réduire la vulnérabilité, et ce n'est pas propre au Canada. Ce que la Chine tente de faire, c'est attaquer les plus petits. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait à l'Australie pour la faire payer, sachant qu'elle ne pouvait infliger les mêmes coûts aux États‑Unis.
Alors, la manière de s'en sortir est d'avoir des positions communes, et c'est ce à quoi le Canada doit travailler. Il doit effectivement réduire sa vulnérabilité, mais le faire en s'associant avec d'autres pays qui ont une vision similaire de la situation, afin de réduire ce fardeau et limiter les coûts possibles pour l'économie canadienne. J'utilise le terme « limiter », car on ne peut pas penser qu'il n'y aura pas de coûts. Or l'inverse serait certainement pire. Il serait néfaste de continuer à commercer avec la Chine et de rendre nos entreprises, nos citoyens ainsi que nos chercheurs universitaires vulnérables à cet espionnage et à ce vol de propriété intellectuelle, notamment.
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Je vous remercie de cette excellente question.
Je pense qu'il y a deux éléments. Il y a les composantes essentielles de la technologie — les semi-conducteurs, etc., et la technologie quantique —, mais il y a aussi les composantes qui alimentent cela, qui sont les matières premières et indispensables. Il y a deux côtés à cette médaille.
Le Canada possède une abondance de ces matières premières et indispensables, mais nous n'avons pas fait le même genre de travail pour les extraire et les raffiner. Je pense que la situation actuelle est très différente de ce qu'elle pourrait être à l'avenir. Je pense que nous pourrions être une superpuissance à cet égard, si nous le voulons.
Le deuxième élément — et Neo Lithium en est un exemple clair —, c'est que nous devons avoir une vision plus large de la sécurité nationale lorsqu'il s'agit de nos investissements dans les matières premières et indispensables. Nous devons nous concentrer non seulement sur le territoire canadien, mais aussi sur la propriété intellectuelle et les entreprises canadiennes, même si elles sont à l'étranger.