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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

(1840)

[Traduction]

    Bienvenue à la quatrième réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur les Relations entre le Canada et la République populaire de Chine.
    J'ai déjà entendu dire que le ski, c'est un enchaînement de récupérations, et je pense que cela décrit ce qui nous amène à organiser ces réunions tard le mardi soir. Nous avons dû jouer un peu en cours de route, mais nous allons faire l'introduction pour les gens sur Zoom. Une fois que ce sera fait, je pense que nous allons devoir décider de ce que nous allons faire pour le vote qui doit avoir lieu un peu plus tard ce soir.
    Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Certains membres participent en personne dans la salle, et d'autres utilisent l'application Zoom. Dans l'intérêt des témoins et des membres, je vous demanderais de bien vouloir attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux et celles qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, puis veuillez vous mettre en sourdine quand vous ne parlez pas. Pour l'interprétation, dans l'application Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français. Pour les gens dans la salle, vous pouvez utiliser votre oreillette et sélectionner le canal de votre choix.
    Je vais rappeler à tous les participants et à toutes les participantes que tous vos commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Pour les membres qui sont dans la salle, si vous voulez intervenir, veuillez lever la main, si cela est approprié pour cette partie de la réunion. Pour les membres sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Je vais avoir l'œil sur l'écran pour vous. Bien sûr, nous allons essayer de respecter l'ordre des interventions du mieux que nous le pourrons.
    Avant d'accueillir les témoins, je crois que M. Chong souhaite intervenir.
    Oui, j'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Divers membres du Comité en ont discuté, et je crois que, si vous le demandez, vous obtiendrez le consentement unanime du Comité pour siéger jusqu'à 20 h 25 ce soir, puis suspendre la réunion pour le vote qui doit se tenir à 20 h 30 et ensuite reprendre les travaux après le vote, quand les membres seront de retour.
    Je crois que, si vous le demandez, vous obtiendrez le consentement unanime, ce qui permettra à nos deuxième et troisième groupes de témoins de tirer parti au maximum du temps qu'ils ont pour témoigner devant le Comité.
    J'ajouterai aussi que nous allons probablement demander le consentement unanime pour continuer juste un petit instant après le début de la sonnerie.
    C'est ce que je propose. La sonnerie débutera à 20 heures. Les votes sont à 20 h 30. Je crois que si vous le demandez, vous obtiendrez le consentement unanime pour suspendre les travaux à 20 h 25.
    Dans ce cas, je vais le demander. Tout le monde est‑il d'accord? Ai‑je votre consentement unanime?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Je pense que nous sommes d'accord. Merci beaucoup.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins pour cette première heure.
    Oh, il y a une autre chose, avant que j'oublie. Dans notre deuxième groupe de témoins, Mme Sophie Richardson de Human Rights Watch qui était censée témoigner, si vous regardez votre document, n'a malheureusement pas reçu le bon casque d'écoute à temps pour participer, et pour l'interprétation, nous devons nous assurer que les bons appareils sont utilisés. La greffière est en train de prendre des dispositions pour que Mme Richardson, qui est un témoin très important pour ces délibérations, puisse témoigner à notre prochaine réunion. Je voulais vous en aviser.
    Bienvenue aux témoins pour cette première heure: à titre personnel, nous accueillons M. David Curtis Wright, professeur agrégé d'histoire de l'Université de Calgary; et à titre personnel, M. Guy Saint-Jacques, consultant et administrateur.
    Monsieur Saint-Jacques, je crois que nous allons commencer par vous. Vous avez cinq minutes, pas plus.

[Français]

     Bonsoir, mesdames et messieurs, membres du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine.
    Je vous remercie de m'avoir invité à vous adresser la parole. Je ferai ma présentation essentiellement en anglais, mais je serai heureux de répondre aux questions en français.

[Traduction]

    Je parlerai d'abord de la Chine de Xi Jinping.
    Comme vous le savez, le Parti communiste chinois tient en ce moment même son 20e congrès national. Nous savons déjà que Xi Jinping sera nommé secrétaire général du parti pour un troisième mandat, et le seul suspense est donc de savoir s'il devra négocier un compromis avec les autres factions en ce qui concerne la composition du comité permanent du Politburo. Aussi, se fera‑t‑il donner un nouveau titre, comme président ou chef du peuple, ce qui lui donnerait un statut similaire à celui de Mao Zedong?
    Compte tenu du discours qu'il a prononcé à l'ouverture de la session, nous savons qu'il ne compte pas faire marche arrière, et son objectif demeure de faire de la Chine la plus grande superpuissance du monde d'ici 2049. Il a averti les membres du PCC de se tenir prêts à « résister aux vents violents, aux eaux agitées et même aux tempêtes dangereuses ». Il a aussi mis l'accent sur le besoin de raconter l'histoire de la Chine, de promouvoir la vision chinoise, de présenter une Chine crédible et respectable et de mieux montrer au monde la culture chinoise.

[Français]

     Nous devons aussi reconnaître que la Chine est devenue beaucoup plus influente dans les organisations internationales, où elle essaie de contrôler le débat, de changer les normes à son avantage et d'éviter toute critique sur ses pratiques et politiques. Tout récemment, cela s'est produit au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, à Genève, où la Chine et ses supporteurs ont réussi à empêcher un débat sur le rapport de la haut-commissaire des Nations unies aux droits de la personne, Mme Bachelet, sur la situation au Xinjiang.

[Traduction]

    Je vais maintenant parler de notre relation bilatérale. Malgré la libération de Meng Wanzhou et des deux Michael, il y a un an, notre relation avec la Chine est toujours très difficile et nous n'avons pratiquement aucun dialogue politique. La Chine continue de dire que le Canada doit apprendre de ses erreurs. Cela montre à quel point il est devenu difficile pour tous les pays occidentaux de discuter avec les diplomates chinois, puisqu'ils rejettent toute critique et suivent les instructions de Xi Jinping sur les ripostes.
    La bonne nouvelle, c'est que la Chine a accepté la nomination de Jennifer May en tant que nouvelle ambassadrice du Canada en Chine. Diplomate de carrière, Mme May fera un excellent travail à Pékin, étant donné ses expériences antérieures pertinentes et ses compétences — elle parle, par exemple, le mandarin, et je lui souhaite la meilleure des chances.
    Ottawa a eu de la difficulté à savoir comment agir avec la Chine. Il y a quelques années, le ministre Champagne nous a promis une stratégie révisée d'engagement avec la Chine, mais le processus n'a pas été mené à terme. Ensuite, on l'a retravaillé pour en faire la stratégie indopacifique, sur laquelle la ministre Joly travaille depuis un an maintenant. Nous avons récemment appris que, après tout, cette stratégie ne sera pas révélée avant que le premier ministre n'assiste au Sommet de l'APEC le mois prochain, donc un autre retard... Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est déroutant.
    Voici le défi d'Ottawa: composer avec une brute qui ne respecte pas le droit international tout en trouvant une façon de discuter avec ce pays et de s'y opposer quand nos valeurs et nos intérêts sont menacés. Pour cela, nous devrions normalement avoir une stratégie d'engagement beaucoup plus stratégique, qui se limite aux domaines où il est dans notre intérêt de poursuivre la coopération avec la Chine, en supposant, bien sûr, qu'elle veut une relation plus limitée.
    Par exemple, en matière d'environnement, le Canada a déjà bonne réputation en ce qui concerne l'aide qu'il fournit. Nous pourrions fournir à la Chine des technologies propres, du gaz naturel liquéfié et de l'hydrogène vert ou bleu pour l'aider à réduire sa dépendance au charbon. Du côté de la santé publique et des pandémies, le Canada devrait poursuivre sa collaboration avec la Chine, surtout pour veiller à ce qu'elle n'essaie pas de prendre des raccourcis. La prolifération nucléaire est un autre domaine qui nécessite plus de discussions.
(1845)

[Français]

    Il est aussi crucial que le Canada travaille étroitement avec ses alliés pour développer des stratégies communes pour s'opposer au comportement odieux de la Chine. Une façon de le faire serait de renforcer le système multilatéral et de s'assurer que les organisations des Nations unies, y compris l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation mondiale du commerce, jouent leur rôle et peuvent être utilisées pour contrer la Chine.
    À cet égard, j'ai été très encouragé par le discours prononcé la semaine dernière par la ministre Freeland devant la Brookings Institution, à Washington, où elle a souligné le besoin de réduire notre vulnérabilité face aux régimes totalitaires, et ce, tant du côté politique que commercial.

[Traduction]

    Monsieur Saint-Jacques, je crois que vos cinq minutes sont écoulées. Je suis sûr que vous en avez davantage à dire, et peut-être que vous pourrez profiter des questions des membres du Comité. Merci beaucoup de nous avoir présenté votre exposé.
    Monsieur Wright, c'est à vous. Vous avez cinq minutes, pas plus.
    Je donne un cours sur l'histoire de Taïwan à l'Université de Calgary. Je le donne une année sur deux. Actuellement, je suis en train de terminer d'écrire un livre sur la Terreur blanche de Taïwan, c'est‑à‑dire la répression exercée par Chiang Kai-shek de 1947 à 1986 environ sur les personnes soupçonnées d'être des agents communistes.
    Cela fait plus de 40 ans maintenant que je réfléchis à Taïwan et que je m'inquiète pour elle. Je suis allé à Taïwan la première fois en 1980, quand j'étais encore adolescent, et depuis, je franchis le Pacifique dans un sens et dans l'autre pour visiter cette île magnifique. J'en suis toujours aussi épris aujourd'hui que je l'étais en septembre 1980, mais à présent, je crains plus que jamais la menace militaire de la Chine continentale pour cette île.
    Dans le monde libre et démocratique, nous avons une affinité facile et naturelle avec les autres pays et sociétés démocratiques, et nous voulons profondément être solidaires avec eux et les protéger, si nous le pouvons, contre les menaces des dictatures non démocratiques et antidémocratiques, mais — et c'est aussi ironique que tragique —, certaines des mesures que les pays démocratiques veulent prendre pour protéger la démocratie à Taïwan pourraient très bien donner le résultat inverse.
    En ce qui concerne Taïwan, aujourd'hui, la meilleure façon de la soutenir est-elle vraiment d'envoyer de grosses pointures politiques de pays démocratiques y faire des visites très publiques? Peut-être que nous nous sentons mieux, mais peut-être aussi que cela contrarie énormément des centaines de millions de gens en Chine continentale.
    Pour citer ce que j'ai écrit dans le Calgary Herald le 6 août de cette année:
En Chine continentale, une forte majorité de Chinois soutiennent l'unification avec Taïwan, y compris par la force si nécessaire, non pas par pugnacité aveugle ou par simple insolence, mais bien parce qu'ils sentent au plus profond d'eux-mêmes, jusque dans leurs os, que la perte de Taïwan par la Chine en 1895 est une grave injustice historique pour leur pays, une injustice qui doit un jour être corrigée.
    La femme qui est mon épouse depuis 38 ans, et qui est avec moi ici ce soir, est née à Taïwan de parents chinois qui ont fui la Chine continentale en 1949, lorsque les communistes allaient prendre le pouvoir. Elle a une profonde aversion pour le communisme chinois et comprend en même temps très bien que l'écrasante majorité des gens qui s'identifient comme Chinois, comme elle, n'accepteront jamais que Taïwan officialise et normalise son indépendance de facto actuelle. Pour elle et pour une écrasante majorité des habitants de la Chine continentale, la perte de Taïwan par la Chine au profit du Japon en 1895 reste une grande humiliation, une humiliation qui ne s'effacera jamais tant que les effets du Traité de Shimonoseki ne seront pas entièrement annulés.
    Aujourd'hui, elle craint énormément que le défaut ou le refus de nombreux Taïwanais aujourd'hui de prendre cette menace au sérieux ne mène à une tragédie inimaginable pour Taïwan.
    Je suis certain que la situation en Ukraine présentement donne effectivement et énormément à réfléchir au PCC et à l'Armée populaire de libération et est une grande source de préoccupations, mais cela ne veut pas dire que le PCC va abandonner l'option d'utiliser sa force militaire contre Taïwan. La Chine va peut-être reporter son plan d'invasion de Taïwan, mais elle ne l'abandonnera jamais.
    Ne vous méprenez pas: la Chine attaquera Taïwan lorsqu'elle sera convaincue que Taïwan refusera toujours toute tentative d'annexion pacifique. Les tentatives d'intimidation et les discours hargneux de la Chine contre Taïwan ont peut-être des accents guerriers ou même comiques, mais cela ne veut pas dire que la Chine bluffe. Elle ne bluffe pas.
    Je n'ai pas la prétention de pouvoir conseiller le Comité sur tous les aspects des relations entre le Canada et la Chine, mais, pour gérer ces relations difficiles — et épineuses actuellement — vous devrez agir avec soin, prudence et polyvalence. Je demande seulement au Comité de tenir compte de l'engagement ferme de Pékin à l'égard de Taïwan, qu'il a récemment réitéré, pendant qu'il navigue sur les eaux troubles des relations entre le Canada et la Chine.
    Pour citer l'ancien texte chinois Tao Te Ching: « Il n'y a pas de plus grand malheur que de prendre son adversaire à la légère. »
    J'implore le Comité et le Parlement de ne pas sous-estimer, minimiser ou ignorer la détermination de Pékin à cet égard.
    Merci.
(1850)
    Merci beaucoup, monsieur Wright.
    Nous allons maintenant commencer la première série de questions.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Seeback et à M. Kmiec, les nouveaux membres conservateurs du Comité.
    Merci. Nous sommes heureux que vous soyez des nôtres.
    Mme Normandin représente le Bloc, ce soir, en remplacement de M. Stéphane Bergeron, et Mme Kwan est ici en remplacement de Mme Heather McPherson. À l'écran, je reconnais M. Iacono, qui ne ressemble pas du tout à Mme Jean Yip, mais qui va la remplacer ce soir.
    Sur ce, passons à la première série de questions. Monsieur Chong, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de nous avoir présenté leurs exposés.
    Je sais que mon père a ressenti une profonde humiliation quand il a fui la Chine continentale, avant que les communistes ne prennent le sud. Il n'y est jamais retourné. Il a immigré au Canada en 1952, tournant le dos à toute sa vie, comme l'ont fait des millions d'autres au cours des dernières décennies, à cause de l'autoritarisme de cet État et de ses violations des droits de la personne. Je voulais m'assurer, monsieur le président, que cela figure au compte rendu.
    J'ai une question pour M. Saint-Jacques. Comme il l'a dit dans sa déclaration préliminaire, le gouvernement travaille actuellement sur une stratégie indopacifique. Cela fait un certain temps qu'on en discute. M. Saint-Jacques croit‑il que ce document devrait désigner la République populaire de Chine rivale stratégique, comme nous l'avons fait pour certains proches alliés du Canada, comme l'Allemagne, les États-Unis et d'autres alliés officiels très proches?
(1855)
    Merci, monsieur Chong.
    Je pense que nous en avons appris énormément sur la Chine au cours des trois ou quatre dernières années. Évidemment, la détention des deux Michael a été une période très difficile, mais nous avons aussi appris que la Chine sait habilement utiliser les échanges commerciaux comme arme. Nous avons subi des pertes de 4,5 milliards de dollars en exportations après l'arrestation de Meng Wanzhou. Plus récemment, l'Australie en a fait les frais, après que l'ancien premier ministre Scott Morrison a demandé une enquête approfondie sur l'origine de la pandémie de COVID‑19.
    Nous savons aussi à quel point la répression a augmenté en Chine depuis que Xi Jinping est au pouvoir. J'ai écouté son discours, dimanche dernier, et clairement, il croit être investi de la mission de transformer les règles et les normes des organisations internationales. De mon point de vue, Ottawa pourrait facilement conclure que la Chine est devenue un rival et un concurrent stratégique, et que nous devons nous aligner très étroitement sur nos amis et nos alliés.
    Merci, monsieur Saint-Jacques. J'ai une autre question.
    Vous avez parlé de la grande réunion qui se tient actuellement à Pékin, où Xi Jinping sera couronné président pour un troisième mandat, ce qui est sans précédent, et où il obtiendra possiblement le titre que Mao a déjà eu. Malgré tout, certains signes montrent que la Chine faiblit. Hier, le gouvernement chinois a même reporté la publication de données clés sur l'économie et sur le PIB, et, selon les rumeurs qui circulent, c'est parce que les données ne sont pas très bonnes. La croissance chinoise a chuté très rapidement, et cela vaut aussi pour un élément clé de son économie: son marché immobilier. De nombreuses entreprises ont fait faillite ou dépendent des banques. On sait clairement que c'est le cas en Chine.
    Je me demandais si vous pouviez nous parler de l'objectif de Xi Jinping de faire de la Chine la plus grande superpuissance du monde, compte tenu de son économie défaillante et de sa population qui est sur le point de décliner après avoir atteint un sommet.
    Peut-être que M. Wright pourrait s'exprimer là‑dessus.
    Je pense que vous avez très bien décrit la situation qui attend le secrétaire général Xi. Le marché immobilier représente effectivement 25 % du PIB chinois. La construction de logements a chuté de 40 % cette année. Le taux de chômage chez les jeunes de 18 à 24 ans est de 20 %, donc il y a énormément d'insatisfaction chez les jeunes. En plus, nous commencerons probablement cette année à voir le déclin de la population chinoise, étant donné qu'il y a eu l'année dernière 10,6 millions de naissances, mais plus de neuf millions de décès. Cette année, le nombre de décès sera probablement supérieur au nombre de naissances.
    Si on ajoute à cela les décès dans la collectivité et les conséquences de la mauvaise gestion de la COVID‑19 sur l'économie chinoise, selon certaines organisations comme la Banque mondiale, la croissance chinoise va reculer de 2 %, ce qui veut dire que la Chine aura de la chance si son taux de croissance atteint 2,8 % ou peut-être trois points quelque chose...
    Merci, monsieur Saint-Jacques.
    J'aimerais entendre ce que M. Wright a à dire sur les difficultés que le président Xi devra surmonter, vu le déclin de la croissance économique par rapport à celle des 20 dernières années, et aussi par rapport aux défis démographiques de la Chine.
    Je vous prierais de répondre rapidement, si vous le pouvez, monsieur Wright. Merci.
    Le recul économique va être très difficile pour la Chine, selon moi. L'économie chinoise est toujours extrêmement axée sur l'exportation, et, à mesure que les conditions économiques dans le monde se détériorent, la situation économique de la Chine va s'aggraver également. Cela va avoir beaucoup de répercussions dans le monde politique, et je pense que Xi Jinping s'y prépare. En ce qui concerne la population, d'ici 2035, il n'y aura qu'un peu plus de trois travailleurs pour chaque personne âgée en Chine. Aucun régime de pension publique au monde ne peut supporter ce genre de poids. Cela explique pourquoi Xi Jinping veut reporter cette responsabilité sur les enfants, comme cela se faisait dans le passé. Il y a des gens...
(1900)
    Merci, monsieur Wright. Je vous suis reconnaissant de vos commentaires, mais le temps de M. Chong est écoulé.
    C'est maintenant au tour de M. Oliphant. Vous avez un maximum de six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci encore à nos deux témoins d'être ici.
    Je vais probablement m'adresser un peu plus à M. Saint-Jacques ce soir.
    Mais j'aimerais avertir M. Wright que nous allons peut-être lui demander de revenir quand nous étudierons Taïwan de plus près, ce que nous ferons très prochainement. Je voulais seulement vous prévenir, parce que je pense que votre expertise pourrait être très utile.
    Merci de vos commentaires, monsieur Saint-Jacques. Comme toujours, vous vous êtes exprimé de façon réfléchie et convaincante, en évitant le jargon ou la rhétorique, ce que vous faites très bien, et je vous en remercie.
    Je voulais vous donner l'occasion de conclure votre déclaration, parce que je pense que vous avez toujours de solides conclusions. J'avais un peu l'impression, quand vous n'employez pas le jargon que le gouvernement utilise, les quatre C du ministre Garneau: coopérer, concurrencer, contester et coexister... Vous ne les avez pas utilisés, mais ils me semblent alignés sur votre approche, maintenant que nous délaissons notre ancienne approche qui était peut-être naïve à l'égard de la Chine pour adopter une approche plus lucide.
    Avez-vous des commentaires à faire sur le sujet?
    Merci, monsieur Oliphant. À dire vrai, j'étais rendu à la partie de ma déclaration où je félicitais le gouvernement d'avoir adopté, en février de l'année dernière, la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d'État à État, et j'allais ajouter qu'il est peut-être temps maintenant d'ajouter un peu de mordant à cette déclaration, en discutant avec nos alliés pour convenir de réponses communes, y compris des sanctions, au cas où la Chine utiliserait à nouveau ce genre de tactiques.
    Je suis d'accord, comme je l'ai dit dans ma déclaration, sur le fait que nous devons entretenir des relations avec la Chine. Cela dit, je ne suis pas certain que la Chine voudra entretenir des relations avec nous. Par exemple, les messages transmis par l'ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, ne sont pas encourageants. Il ne cesse de répéter que nous devons apprendre de nos erreurs, mais, en supposant que la Chine ne fait que jouer la comédie et que l'ambassadrice May parvient à faire avancer les choses, nous devons définir les domaines dans lesquels il est dans notre intérêt et aussi dans l'intérêt de la Chine de collaborer.
    J'ai mentionné l'environnement et les changements climatiques. Le Canada a longtemps coopéré avec la Chine. Nous avons contribué à la création du ministère chinois de l'environnement, grâce à l'aide au développement fournie par l'ACDI. Nous l'avons aidée à créer son industrie laitière. Nous l'avons aidée dans de nombreux domaines et nous financions le fonctionnement du conseil chinois jusqu'à il y a quelques années.
    Du côté de la santé, je ne suis pas au fait de la situation, présentement, mais il y avait auparavant une excellente collaboration entre les scientifiques et les médecins canadiens et leurs homologues chinois. Malheureusement, l'arrestation de Meng Wanzhou a fait dérailler ce genre de coopération.
    Cela dit, j'ai trouvé très encourageant le discours de la ministre Freeland, la semaine dernière à Washington, parce que je pense qu'elle comprend très clairement les problèmes auxquels nous faisons face avec la Chine. Ce pays est devenu de plus en plus agressif et insistant sur la scène internationale, et il n'est pas très réceptif aux critiques. La Chine a aussi commencé à découpler son économie du reste du monde, ce qui veut dire que le Canada doit collaborer beaucoup plus étroitement avec ses alliés dans toutes sortes de dossiers politiques et commerciaux pour convenir d'approches et de positions communes en ce qui concerne la Chine.
(1905)
    Comme mon temps est très limité, je voudrais que vous fassiez un petit commentaire sur... Dans notre recherche d'alliés, nous sommes dans une situation difficile, depuis la publication du rapport du Conseil des droits de l'homme des nations unies de la Haute-Commissaire Michelle Bachelet, selon lequel la Chine a peut-être réussi mieux que nous à regrouper ses alliés. Avez-vous des commentaires là‑dessus?
    Il est clair que nous devons renforcer les organisations multilatérales. Le Canada est un petit pays, d'un point de vue international, et nous avons besoin d'organisations internationales bien huilées, comme l'Organisation mondiale de la santé ou l'Organisation mondiale du commerce.
    Effectivement, la Chine a utilisé l'aide reçue pour le projet des nouvelles routes de la soie, ainsi que son aide au développement pour rallier ses appuis, surtout ceux des pays en voie de développement, et elle a obtenu de bons résultats. Comme vous l'avez dit, le dernier exemple a été que le Conseil des droits de l'homme des nations unies à Genève a décidé de ne pas étudier le rapport de Mme Bachelet, ce qui a été énormément décevant.
    De ce côté‑là, je pense qu'il est possible de travailler avec nos alliés, de travailler avec les pays en développement, pour essayer de les convaincre que leurs intérêts seraient mieux servis par des organisations multilatérales efficaces.
    Merci, monsieur Oliphant. Votre temps est écoulé.
    Madame Normandin, vous avez un maximum de six minutes.

[Français]

     Je remercie les deux témoins de participer à cette séance. Je suis bien heureuse de participer aux travaux de ce comité, car j'en apprends toujours beaucoup.
    Monsieur Saint‑Jacques, je voudrais revenir sur ce que M. Oliphant vient de mentionner concernant les alliés auxquels le Canada peut faire appel sur la scène internationale, notamment en matière de sécurité.
     Comme on le sait, le Canada ne fait pas partie de l'alliance AUKUS. Certains disent que c'est une occasion manquée. D'autres affirment que le Canada n'a tout simplement pas été invité, peut-être en raison d'un manque de sérieux à certains égards. Très récemment, un ambassadeur de la France au Canada a un peu critiqué l'approche du Canada en matière de défense continentale. Il parlait alors de la flotte vieillissante de sous-marins du Canada.
    J'aimerais que vous me disiez ce que, selon vous, le Canada pourrait revoir afin de devenir un partenaire plus crédible pour d'éventuels alliés, notamment en matière de sécurité nationale.
    Malheureusement, je pense que vous avez raison: l'importance qu'avait le Canada à l'échelle internationale a effectivement diminué. Je pense que cela a commencé lorsque le gouvernement Harper était au pouvoir et que cela s'est hélàs poursuivi sous le gouvernement de M. Trudeau.
     Il faut comprendre que, dans le contexte actuel, les questions internationales sont intimement liées aux questions nationales. Si nous n'investissons pas suffisamment sur la scène internationale, cela peut revenir nous hanter.
     Auparavant, la diplomatie du Canada était très active, ce qui représentait une valeur ajoutée, notamment appréciée par Washington. En effet, nous étions en mesure d'interpréter le point de vue des pays en développement grâce à notre programme d'aide au développement, et nous avions beaucoup d'influence dans certains pays d'Afrique et d'Asie également.
     Le fait que nous n'avons pas été invités à nous joindre à l'alliance AUKUS ni à d'autres forums créés récemment indique peut-être que nous payons le prix après des années de négligence.
    Il est clair que, sur le plan de la défense, le Canada doit investir davantage, particulièrement dans l'Arctique canadien. Là encore, il faut lier cette question à la Chine, qui s'intéresse beaucoup à l'Arctique en raison des ressources halieutiques et minérales qui s'y trouvent. Or, je dirais que nous sommes sous-équipés. Accroître nos investissements serait une façon de démontrer à l'OTAN que nous sommes sérieux quant à la défense, non seulement du continent nord-américain, mais aussi de cette organisation.
    Au Comité permanent de la défense nationale, où je siège également, nous discutons justement de la sécurité dans l'Arctique. Le territoire à protéger est immense et son occupation effective est assez difficile.
     Je souligne cependant sur le plan politique que les États‑Unis ne considèrent même pas le passage du Nord‑Ouest comme faisant partie des eaux territoriales canadiennes.
    Y aurait-t-il du travail à faire du côté de nos alliés pour protéger politiquement ce passage, qui risque d'être encore plus emprunté dans l'avenir, notamment par des navires à vocation scientifique, mais aussi par des navires militaires chinois?
(1910)
     Il y a déjà eu un navire chinois dans le passage du Nord-Ouest.
    Cela étant dit, je pense que ce passage n'est pas aussi intéressant que celui par le nord. La Chine comprend qu'il est plus difficile de naviguer dans le passage du Nord-Ouest. De toute façon, en passant par le nord, c'est plus direct. En effet, cela prend moins de temps pour aller en Europe, pourvu qu'on puisse compter sur la contribution des brise-glaces russes, qui sont très actifs.
    Il faut avoir une approche globale vis-à-vis de l'Arctique. On parle d'occuper le territoire, mais, si nous n'y sommes pas présents, il est difficile de proclamer notre souveraineté et de protéger l'intégrité territoriale. Il faut y avoir une présence physique. Il faut avoir des avions qui survolent régulièrement l'Arctique. Il faut se rappeler que le réchauffement planétaire rendra de plus en plus accessibles certaines ressources, comme les poissons, qui se déplacent vers le nord. Il faut s'en préoccuper et il faut travailler avec nos amis et nos alliés au sein du Conseil de l'Arctique.
    À la Chambre, nous discutons présentement d'un projet de loi émanant d'un député, le projet de loi C‑281. Ce dernier porte sur les médias qui pourraient être interdits ou se voir refuser une licence d'exploitation au Canada s'ils sont la propriété de gouvernements de pays qui commettent des génocides. À ce sujet, d'ailleurs, le Canada n'a pas encore reconnu le génocide contre les Ouïghours.
    Vous parlez de l'influence des pays dans le monde. L’influence médiatique est-elle un aspect qu'on devrait moins négliger?
    Oui, tout à fait.
    Si j'avais eu l'occasion de finir mon discours, je vous aurais dit qu'il faut à tout prix contrer l'ingérence chinoise, non seulement au sein de la communauté chinoise au Canada, mais aussi dans nos institutions, incluant nos institutions politiques.
    Les Chinois utilisent toutes sortes de moyens pour créer de l'ingérence. Ils profitent du fait que nous sommes une société ouverte. Il y a des quotidiens chinois qui publient de pleines pages de publicité. On leur donne accès à nos médias. Or, évidemment, il n'y a pas de réciproque. Je pense que, de ce côté, il faut faire preuve de beaucoup plus de vigilance.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, madame Normandin.
    C'est maintenant au tour de Mme Kwan, pour pas plus de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins de nous avoir présenté leurs exposés.
    J'aimerais donner suite à ce que M. Saint-Jacques a répondu.
    Vous avez mentionné qu'il faut prendre des mesures pour contrer l'influence, qui se répand dans de nombreux domaines et dans nos collectivités d'un bout à l'autre du pays. Pouvez-vous me donner quelques exemples précis des mesures que le Canada devrait adopter?
    Nous devons commencer par surveiller beaucoup plus attentivement ce qui se dit sur les médias sociaux chinois. J'ai été surpris, au début de la crise de Meng Wanzhou. J'ai donné beaucoup d'entrevues dans des médias canadiens qui sont publiés en mandarin. Les questions qu'on me posait venaient directement de Pékin. Ils ignoraient tout de la position du gouvernement canadien. Ils ne la comprenaient pas. Ils ne faisaient que retransmettre les opinions exprimées par Pékin. De ce côté‑là, nous devons faire beaucoup plus d'efforts.
    Nous devons aussi regarder ce qui est fait dans d'autres pays, comme l'Australie. En Australie, on a adopté quatre lois dans le but de contrer l'influence étrangère dans la société et le système politique. Ce serait un bon point de départ.
    Merci beaucoup.
    Pour revenir à un sujet plus proche de nous, au Canada, le journaliste chevronné Victor Ho a été placé sur la liste des personnes recherchées en Chine. L'application de sa loi sur la sécurité nationale commence à s'étendre. Nous l'avons toujours su, parce que c'est effectivement ce que les Chinois disaient qu'ils feraient. Ils vont appliquer leurs lois non seulement à Hong Kong ou en Chine, mais dans le monde entier. M. Ho est le premier Canadien à avoir été ciblé ainsi.
    Selon vous, que peut faire le gouvernement canadien pour contrer cela? C'est un enjeu pour la protection de tous les Canadiens également.
    Je pose la question aux deux témoins. Peut-être que M. Saint-Jacques pourrait répondre, puis ensuite M. Wright.
(1915)
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je crois que le gouvernement canadien devrait dénoncer la situation avec fermeté, en disant qu'il va s'opposer à toute tentative de la Chine de cibler des gens au moyen de sa loi sur la sécurité nationale. Une chose que nous devons comprendre, d'ailleurs, c'est que, si les Canadiens sont visés... ils peuvent facilement être déclarés coupables. Je le serais moi-même. J'ai été très critique envers la Chine.
    Ce que je crains, c'est que la Chine veuille utiliser ses traités d'extradition avec d'autres pays. Disons que je vais visiter l'un de ces pays, la Chine pourrait demander que je sois arrêté et extradé vers la Chine, parce que j'ai critiqué la Chine. Je pense que le gouvernement doit dénoncer cela. Voilà un autre exemple de situation où nous devons travailler avec nos alliés pour convenir d'une position commune où nous pourrons bloquer la Chine.
    Mon instinct, quand il s'agit de ce genre de questions, c'est d'adopter une perspective à long terme, comme les historiens le font, sur des décennies.
    En ce qui concerne les médias chinois, il m'arrive de lire certains de leurs journaux, et c'est parfois troublant. Ce sont des étrangers, chez nous. Est‑ce qu'ils ne comprennent vraiment pas comment fonctionne le Canada? Mais ce sont des gens de première génération. Leurs enfants et leurs petits-enfants vont avoir une tout autre mentalité. Une grande partie de l'influence de Pékin que nous trouvons si préoccupante ne concerne qu'une seule génération. Leurs enfants et leurs petits-enfants vont être beaucoup plus conciliants, et de fait, c'est toujours comme cela que les choses se sont passées avec l'immigration chinoise au Canada.
    Pour ce qui est de la question de la sécurité nationale, j'ai lu la loi, et il est effectivement prévu que les gens qui nuisent aux intérêts de la Chine, n'importe où dans le monde, peuvent être arrêtés. Souvent, nous tenons pour acquis que cela s'applique aux citoyens chinois, mais M. Ho n'est pas un citoyen chinois; il est Sino-Canadien. Est‑ce que cela va un jour s'appliquer aux non-Chinois aussi? Je pense que c'est une possibilité. Je ne vois rien qui puisse l'empêcher, et c'est troublant.
    Merci.
    La Chine applique cette loi à Victor Ho, et je suis aussi consciente du fait que non seulement moi, mais divers parlementaires auraient effectivement violé cette loi sur la sécurité nationale, parce que nous avons fait des commentaires et avons voté à la Chambre pour dénoncer le traitement des Ouïghours en tant que génocide. Nous pourrions tous être arrêtés ou être inscrits sur la liste des personnes recherchées, rien de moins.
    Nous allons revenir à ce sujet dans une minute, parce que j'en ai beaucoup à dire là‑dessus, mais je veux d'abord parler de Taïwan.
    Compte tenu de la position de plus en plus menaçante de la Chine à l'égard de Taïwan, dans ce contexte, quelles mesures le Canada pourrait‑il prendre, selon vous, pour se préparer face à la situation de plus en plus tendue, et que devrions-nous faire avec nos pays alliés, monsieur Wright?
    Je vais vous demander de répondre assez rapidement. Nous n'avons plus vraiment de temps.
    Nous devrions nous préparer à la possibilité d'un conflit énorme, sale et des plus vifs. C'est peut-être le prix à payer pour nous être opposés à Pékin à ce chapitre. C'est un prix que nous, en tant que pays démocratique... Je ne vois pas comment nous pourrions ne pas le payer, le cas échéant.
    Quant à ce que le Canada devrait faire, le Canada devrait travailler en étroite collaboration avec ses alliés. Le Canada joue dans la cour des grands, en matière de relations internationales, et je pense que des discussions calmes, en coulisses, avec des diplomates chinois fonctionneraient mieux que l'humiliation publique.
    Merci, monsieur Wright, et merci à vous, madame Kwan.
    Nous allons commencer le deuxième tour.
    Monsieur Seeback, vous pouvez prendre un maximum de cinq minutes.
    Monsieur Saint-Jacques, vous avez mentionné que l'ambassadeur a dit que le Canada devait apprendre de ses erreurs. Selon vous, qu'est‑ce que l'ambassadeur voulait dire par là, précisément?
    Eh bien, vous savez, quand j'étais à Pékin, j'ai très souvent eu des discussions avec des gens qui disaient que nous étions le chien de poche des États-Unis. Depuis le début de ce malheureux épisode avec Mme Meng Wanzhou et les deux Michael, les gens me disent que nous n'aurions pas dû accepter la demande d'extradition. Ils ne comprenaient pas du tout comment les demandes d'extradition fonctionnent; ils tenaient simplement pour acquis que les choses pouvaient se passer au Canada comme elles se passent en Chine, où le premier ministre téléphone au juge et lui dit d'abandonner l'affaire et de tout simplement renvoyer la personne.
    Pour être franc avec vous, je ne pense pas que les Chinois tiennent les politiciens canadiens en très haute estime présentement, et c'est malheureux, vu tous les efforts que les gouvernements canadiens successifs ont déployés au cours des 40 dernières années pour aider la Chine à se moderniser. Nous l'avons aidée à se préparer à adhérer à l'Organisation mondiale du commerce. Nous l'avons aidée à développer son industrie laitière. Nous l'avons aidée à développer son réseau hydroélectrique. Tout cela a été balayé depuis l'arrestation de Mme Meng Wanzhou.
(1920)
    J'ai lu un rapport de l'Australian Strategic Policy Institute sur la diplomatie coercitive. Il semble vraiment y avoir eu une explosion du nombre d'incidents de diplomatie coercitive — du moins selon le rapport —, qui est passé d'une quinzaine en 2016 à près de 60 en 2019. La diplomatie coercitive englobe toutes sortes de choses: les détentions arbitraires, les restrictions sur les déplacements officiels, les pressions sur des entreprises ciblées. C'est apparemment un problème de plus en plus préoccupant.
    Ma question s'adresse à nos deux témoins d'aujourd'hui. Comment conseillez-vous au Canada de réagir à la diplomatie coercitive de la Chine?
    Il serait très important de rendre le régime commercial plus fiable et plus prévisible.
    Au début de nos plus récents problèmes avec la Chine, j'ai été surpris quand elle a interdit nos exportations de canola. Pourquoi n'avons-nous pas immédiatement porté plainte à l'Organisation mondiale du commerce? Nous devons utiliser ces mécanismes pour faire reculer la Chine.
    Je pense aussi que nous sommes à une étape où... Comme je l'ai dit, une première bonne mesure a été l'adoption de la déclaration pour essayer d'empêcher la prise d'otages dans nos relations de nation à nation.
    Du côté du commerce, nous en sommes à une étape où nous devons travailler avec nos alliés pour essayer de convenir de positions communes. Pour vous donner un exemple, il y a très peu de pays qui exportent de l'orge, du canola, du soya ou du blé vers la Chine. La prochaine fois que la Chine voudra imposer des sanctions punitives contre l'Australie, en ciblant son orge, le Canada et les États-Unis devraient s'entendre pour refuser d'augmenter leurs exportations au‑delà de leur part historique du marché chinois. Cela enverrait immédiatement à la Chine le message qu'elle ne peut plus nous diviser.
    D'ailleurs, l'Union européenne est en train d'adopter un nouvel outil anticoercition. Le Congrès des États-Unis a aussi présenté sa loi bipartisane sur l'opposition à la coercition économique de la Chine. Je pense que nous devons nous inspirer d'exemples concrets comme ceux‑ci pour forcer la Chine à reculer.
    Nous avons encore un peu de temps, monsieur Wright.
    La Chine est affamée de relations publiques favorables, sur la scène internationale, alors ce sera efficace, dans une certaine mesure, de trouver les façons créatives de porter atteinte à sa réputation auprès de nos autres alliés, même si la Chine affirme le contraire.
    Les démarches démocratiques peuvent donner des résultats. Il faudrait des représailles rapides contre la coercition commerciale. La Chine prétend que la politique ne devrait pas interférer avec le commerce, mais la décision sur le canola albertain montre très nettement que la politique interfère avec le commerce.
    Merci, monsieur Wright, et merci à vous, monsieur Seeback.
    La parole va à Mme Normandin. Vous avez deux minutes et demie, pas plus.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Un groupe de travail de l'Université d'Ottawa a recommandé que le Canada se dote d'un poste de coordonnateur national de la lutte contre l'ingérence étrangère. Selon ma compréhension, cela existe en Australie actuellement. Or, cela pourrait être problématique puisque, par exemple, le Canada n'a pas de point central pour coordonner les initiatives des différents ministères en matière d'ingérence.
    Monsieur Saint‑Jacques, j'aimerais vous entendre sur la pertinence de se doter de ce genre de poste au Canada. Est-ce que ce serait utile, voire nécessaire?
    Monsieur Wright, s'il reste du temps et que vous voulez sauter dans l'arène, vous serez le bienvenu.
(1925)
    C'est une question extrêmement importante. Je vois beaucoup de domaines où la Chine intervient de façon illégale. Comme je le disais plus tôt, ce pays profite de l'ouverture de nos systèmes, mais il a aussi compris comment utiliser nos médias sociaux, comme Twitter, Facebook et Linkedln, pour répandre de la désinformation et essayer de s'ingérer dans nos systèmes politiques.
    C'est une question qui devrait impliquer beaucoup de ministères, et il faut commencer par être beaucoup plus vigilant et s'entendre sur le fait qu'il y a un problème. Ensuite, il faut voir comment on peut contrer cela. Des moyens technologiques peuvent-ils être employés? Je ne sais pas si un poste de coordonnateur national pourrait être utile. Bien sûr, cela enverrait le message que c'est un sujet auquel le gouvernement attache de l'importance.
    Cela dit, si on regarde les cyberactivités de la Chine, elle se livre au vol de propriété intellectuelle, à de l'ingérence dans nos systèmes politiques et des atteintes à la liberté de parole et au système démocratique du Canada. Il faut donc bien étudier cette situation. J'espère que le groupe de travail créé à l'Université d'Ottawa pour se pencher sur ces questions fournira des recommandations que le gouvernement trouvera intéressantes.

[Traduction]

    Merci, monsieur Saint-Jacques.
    J'ai fait une erreur de débutant. J'ai oublié M. Fragiskatos.
    Vous avez cinq minutes, monsieur. Êtes-vous prêt?
    Oui, monsieur le président. Avec plaisir.
    Est‑ce que je pourrais demander à M. Curtis Wright...? En fait, il y a plusieurs choses.
    En ce qui concerne la dissuasion, dans le contexte d'une invasion éventuelle de Taïwan, y a‑t‑il quoi que ce soit qui pourrait dissuader la Chine? Par exemple, les Américains ont une politique sur leur participation à la défense de Taïwan. Est‑ce que c'est quelque chose que le président Xi Jinping exclut automatiquement?
    Je pense que la question de Taïwan va dépendre, au bout du compte, de la survie du régime.
    Si — mais cela n'arrivera jamais — Xi Jinping disait tout simplement « D'accord, nous abandonnons Taïwan. Nous n'allons pas utiliser de mesures coercitives du tout. Nous allons tout simplement courtiser Taïwan pour qu'elle accepte de se joindre à nous », cela susciterait un peu partout le désaccord et la colère du public. Je pense même qu'une division ou plus de l'Armée populaire de libération, l'APL, pourrait s'en mêler.
    La deuxième génération rouge, le principal pilier de Xi Jinping, est largement celle qui dirige l'APL aujourd'hui. L'APL ne se mêle pas de politique, mais, si quelque chose comme cela arrivait, je pense que l'APL pourrait intervenir. Xi Jinping le sait. Renoncer à Taïwan, ce serait pratiquement reconnaître la possibilité d'un renversement du régime, et si jamais c'était une possibilité, le régime serait prêt à tout.
    C'est le message qui a été passé en 1989 avec le massacre de la place Tiananmen. Deng Xiaoping a déclaré, lors d'une réunion clé avec le noyau du Politburo, qu'ils paieraient n'importe quel prix et endureraient n'importe quelle épreuve pour conserver leur pouvoir politique.
    Taïwan est un intérêt essentiel, c'est un élément essentiel de la survie du régime. Pour être très honnête, je doute que nous puissions faire grand-chose militairement. Nous pouvons déclarer très clairement qu'il y aurait un énorme coût, que la Chine deviendra un paria international et se verra imposer des boycotts énormes à l'échelle mondiale, mais au bout du compte, le PPC ne va pas s'en soucier.
    Il y a quelques jours à peine, le correspondant du Globe and Mail en Asie, James Griffiths, a dit que la décision de la Chine d'envahir ou non Taïwan revenait à une seule personne: le président Xi.
    Êtes-vous d'accord? Est‑ce que, au bout du compte, cela dépend vraiment de ce qu'il veut faire?
(1930)
    Tout à fait.
    Compte tenu de la configuration politique en Chine, présentement, tout l'appareil étatique n'est qu'un outil soumis à la volonté d'un seul homme. Il a plus de pouvoir politique que quiconque depuis Mao.
    Pas plus tard qu'hier, le secrétaire à la Défense des États-Unis a déclaré que, selon les intervenants du milieu de la défense des États-Unis, Xi Jinping semble avoir devancé l'échéancier. Autrement dit, l'invasion de Taïwan aura lieu dans un avenir rapproché, et non lointain. C'est terrifiant.
    Ça l'est.
    Ma dernière question, c'est qu'est‑ce que le Canada peut faire dans une situation comme celle‑ci? Plus tôt, M. Saint‑Jacques a dit que nous devrions nous adresser davantage à des organisations multilatérales et essayer de les renforcer en tant que pouvoir intermédiaire.
    Avez-vous des conseils? Je vous consulte vous plutôt que M. Saint‑Jacques, à ce sujet — sans vouloir lui manquer de respect —, parce que vous avez une perspective d'historien. Avec cette perspective, pour revenir à la tradition canadienne d'agir en tant que puissance intermédiaire, y a‑t‑il quoi que ce soit que nous puissions faire au sein des organisations multilatérales, pour continuer de mobiliser nos alliés?
    Cela a été un objectif central de notre politique étrangère, mais c'est difficile.
    Le Canada devrait garder le cap sur le multilatéralisme. Le Canada devrait faire jouer ses relations spéciales avec les États-Unis pour encourager les Américains à devenir plus multilatéraux.
    Peut-être que, pour faire la bonne chose, il faut surtout éviter de faire la mauvaise chose. Le Canada pourrait‑il faire quelque chose qui provoquerait ou accélérerait l'attaque contre Taïwan? Parfois, il vaut mieux ne pas agir du tout que d'agir stupidement.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    La parole va maintenant à Mme Kwan, pour deux minutes et demie.
    Au début, monsieur Saint‑Jacques, vous avez abordé la question du vote du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Cela a bien sûr des conséquences. Le résultat montre clairement, jusqu'à un certain point, que la Chine peut rallier ses alliés.
    Dans ce contexte, et devant les menaces qui planent sur nos amis à Taïwan et sur d'autres groupes — les Ouïghours, pour ne nommer que ceux‑là —, quelles mesures précises le Canada pourrait et devrait‑il prendre, selon vous, pour monter une coalition d'alliés, dans la communauté internationale, afin de faire face à la situation actuelle qui, je crois, s'aggrave, avec la Chine?
    Pour commencer par la question de Taïwan, il y a beaucoup de choses que le Canada peut faire. Si nous disons que nous soutenons les droits de la personne et de la démocratie, il faut que cela se reflète dans notre politique étrangère. À cet égard, il est important de maintenir les visites des parlementaires. Nous devons soutenir l'adhésion de Taïwan à des organisations multilatérales. Nous devrions commencer à négocier un accord de libre-échange avec les Taïwanais. Nous devrions les accueillir dans l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, et nous devrions travailler avec nos alliés pour envoyer conjointement un message à la Chine pour lui dire: « Si vous osez envahir Taïwan — ce qui serait plutôt probable dans trois à cinq ans d'ici, selon moi —, voici la liste des sanctions que nous appliquerons. » Les Chinois sauront alors le prix qu'ils devront payer. Je constate déjà que des entreprises canadiennes ont commencé à adapter leurs chaînes d'approvisionnement afin d'être moins vulnérables et moins dépendantes à l'égard de la Chine.
    Quant aux Ouïghours, il faut recourir à des sanctions pour contrer le recours au travail forcé en Chine. Cela aussi enverrait un message très puissant. Nous avons eu quelques difficultés à déterminer quelles marchandises expédiées provenaient peut-être du travail forcé. Je pense que nous devons en faire plus. Encore une fois, c'est une question de travailler avec nos alliés et d'élaborer des stratégies et des approches communes. Quand vous avez un message ferme à faire passer, vous le faites en groupe.
(1935)
    Merci, monsieur Saint-Jacques. C'est tout le temps que nous avions avec notre premier groupe de témoins.
    Monsieur Wright et monsieur Saint‑Jacques, merci beaucoup de votre présence ce soir.
    Nous prenons une courte pause, le temps de préparer notre deuxième heure.
(1935)

(1935)
    Reprenons les travaux pour la deuxième heure. Bienvenue.
    La séance reprend avec notre deuxième groupe de témoins... si on peut parler d'un groupe, cette fois. Notre témoin est Mme Stéphanie Martel, pour les 40 prochaines minutes, étant donné que nous allons devoir aller voter très bientôt à la Chambre des communes.
    J'aimerais vous présenter Mme Stéphanie Martel, professeure adjointe, Département d'études politiques de l'Université Queen's.
    Madame Martel, vous avez cinq minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire.

[Français]

    Je remercie le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de m'avoir invitée à témoigner ce soir et à participer à ces discussions d'une grande importance.
    Ma contribution aux discussions en cours sera ancrée dans mon expertise en relations internationales dans la région indo-pacifique et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, en particulier.
    Mes remarques initiales vont se concentrer sur la relation ambiguë qu'entretient la Chine vis-à-vis de l'ordre international libéral, communément appelé l'ordre international fondé sur les règles. Pour ce faire, je vais prendre appui sur des considérations qui sont relativement consensuelles et assez bien établies en analyse de politique étrangère et de défense, mais qui, selon moi, méritent d'être rappelées, parce qu'elles offrent des pistes de réflexion utiles pour penser à l'avenir de nos relations avec la Chine.
(1940)

[Traduction]

    Les gens, y compris les décideurs politiques, ont tendance à apprendre de leurs expériences et cela éclaire généralement leur interprétation de l'information et des événements. Les gens perçoivent essentiellement ce qu'ils s'attendent à percevoir, et leurs attentes — et il est important de tenir compte de ce que nous savons de la façon dont les décideurs politiques agissent en matière de politique étrangère et de défense — ne sont pas toujours justes, surtout lorsqu'elles sont enracinées dans des analogies inexactes. La leçon que nous pouvons tirer de l'analyse des politiques étrangères aura d'importantes répercussions sur la façon dont nous abordons notre relation avec la Chine.
    Par exemple, les décideurs chinois ont tendance à s'attendre à ce que la Chine soit stigmatisée ou traitée injustement par l'Occident sur la scène internationale, et ils agissent en conséquence. Cela veut dire que, parfois, les agents chinois exploitent des failles dans le système ou insistent sur certaines interprétations des règles pour défendre leurs intérêts. Cela n'est pas exactement surprenant, cependant, venant d'une grande puissance.
    Nous voyons aussi que les décideurs occidentaux ont tendance à s'attendre à ce que la Chine se comporte comme d'autres États, en particulier la Russie, entre autres puissances révisionnistes, dont les valeurs se sont opposées aux nôtres au cours de l'histoire. Les décideurs occidentaux s'attendent aussi typiquement à ce que la Chine, lorsqu'elle agit d'une certaine façon dans une région donnée pour défendre ses principaux intérêts, tente d'agir de la même façon dans les autres régions du monde — par exemple, dans l'Arctique —, mais nous devrions nous méfier de bon nombre de ces analogies et vérifier si elles tiennent vraiment la route.
    Une autre leçon que nous pouvons tirer de l'analyse en matière de politique étrangère est que les gens, y compris les décideurs politiques, ont tendance à voir les actions des autres comme étant davantage planifiées, centralisées et coordonnées qu'elles ne le sont vraiment. Cela est d'autant plus vrai quand l'information fiable est rare ainsi que dans le cas des États autoritaires.
    Il y a une tendance à tenir pour acquis que tout ce que la Chine fait s'inscrit dans un plan cohérent à long terme ou dans une vaste stratégie, alors qu'en vérité, ses actions sont probablement le résultat d'un ensemble distinct de décisions prises de façon ponctuelle et sans coordination par des personnes et des groupes qui ont des intérêts, des préférences et des visions du monde concurrents.
    Même s'il est évident que nous devrions nous préoccuper de la centralisation de plus en plus grande du pouvoir en Chine, cela ne veut pas dire que les autres groupes d'intérêt, dans l'écosystème politique chinois, n'ont pas leurs propres intérêts et leurs propres préférences en ce qui concerne la volonté de la Chine d'affirmer davantage sa position sur la scène internationale.
    Les gens, y compris les décideurs politiques, craignent aussi l'inconnu. Cela est typiquement vrai lorsqu'il s'agit d'inconnues inconnues, et donc le fait que nous ignorons les véritables intentions ou les véritables motifs de la Chine va en général donner lieu à des conjectures, et on ira jusqu'à supposer le pire pour ainsi dire dans tous les domaines de la Chine, lorsque le comportement des Chinois peut être une source de préoccupation. Cela peut cependant faire en sorte qu'un biais de confirmation entache les politiques et même mener potentiellement à une prophétie autoréalisatrice, ce dont nous devrions nous méfier.
    Je ne sais pas si nous connaîtrons jamais, pour être honnête, les véritables intentions de la Chine, et ce, pour de multiples raisons. Encore une fois, la Chine n'est pas une boîte noire.
    Je ne sais pas non plus si les intentions des décideurs politiques sont aussi claires et cohérentes que nous le croyons. Enfin, les motifs et les intentions changent, habituellement, au fil du temps et selon l'évolution des circonstances.
    Cela met donc en relief l'importance de soutenir une expertise saine sur la Chine et sur le Canada grâce à ce que nous savons de l'évolution des politiques intérieures.
    Merci, madame Martel. Si vous avez quoi que ce soit à ajouter, vous pourrez le faire avec un peu de chance dans vos réponses au Comité.
    Absolument.
    Nous allons commencer la période de questions maintenant, par Mme Dancho. Vous avez au maximum six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à notre témoin d'être ici.
    Je vous remercie de votre déclaration préliminaire. Je l'ai trouvée très intéressante. J'ai déjà siégé au comité sur la Chine, et la question a bien sûr été abordée au comité de l'immigration, quand je siégeais à ce comité, par rapport à Taïwan. Nous avons aussi étudié, au comité de la sécurité publique, la position de sécurité du Canada en réaction à l'agression russe, et la Chine est survenue dans cette discussion également.
    À dire vrai, il y a certaines choses dans votre déclaration qui m'ont un peu surprise. J'ai peut-être eu l'impression... Peut-être que « minimiser » n'est pas le bon mot, mais j'avais l'impression que vous disiez que le Canada est peut-être... que certaines personnes, dans les communications internationales, exagèrent les dangers de la Chine et pensent que les Chinois ne sont peut-être pas aussi coordonnés que certains d'entre nous le croient. Pouvez-vous clarifier ou approfondir vos commentaires? Peut-être que je comprends mal ce que vous avez dit.
(1945)
    Oui. Merci de me permettre de clarifier.
    Je pense que, lorsque nous essayons de décortiquer le comportement d'un État donné et d'interpréter les conséquences d'un tel comportement, il y a un risque de grossir la menace, et il faut en tenir compte. On a tendance à prendre pour des preuves nos hypothèses sur ce qui se passe ou ce que nous pensons qu'il va se passer. Nous devrions nous méfier de la tendance à faire des analogies: nous voyons ce que la Russie fait sur la scène internationale, et nous pensons que la Chine va nécessairement suivre un plan d'action similaire. Il est important de savoir que la relation de la Chine avec l'ordre international établi est beaucoup plus ambiguë, et rien ne permet d'affirmer que la Chine cherche à miner ou à déstabiliser l'ordre international comme le fait la Russie en ce moment même.
    Tout cela pour dire qu'il faut être prudent avec les analogies.
    Merci.
    Selon vous, quels sont les objectifs de la Chine sur la scène internationale?
    Je ne suis pas convaincue que la Chine cherche à renverser l'ordre international établi ni à remplacer les États-Unis en tant que principal pilote des règles existantes. Ce qui est important, quand nous évaluons le comportement de la Chine, c'est de compartimenter un peu la discussion, de s'assurer de distinguer les divers domaines de l'ordre international, puis de se demander si la conduite de la Chine a simplement pour but de promouvoir une interprétation particulière des règles qui ne correspond pas à nos intérêts ou à nos préférences ou si elle cherche plutôt à renverser les règles. Je pense qu'il y a une nuance, qu'il y a une différence. Ici, la conduite de la Chine, d'après ce que je peux dire... Je ne suis pas convaincue que la Chine veut promouvoir un autre ensemble de règles, comme le fait la Russie.
    Merci beaucoup.
    Je crois savoir que, au cours des 30 à 40 dernières années, nous avons envoyé un très grand nombre de nos emplois manufacturiers en Chine, et que l'Occident a véritablement axé sa politique étrangère à l'égard de la Chine sur l'idée que plus nous développions le commerce et les relations, plus la Chine allait devenir comme nous. Je suis sûre que je ne vous apprends rien. Ce n'est certainement pas ce qui est arrivé. Nous sommes vulnérables à bien des égards face à la Chine, comme nous l'avons constaté durant l'affaire Meng Wanzhou, avec l'interdiction du canola et du porc et dans bien d'autres affaires. Donc, notre commerce est très vulnérable de certaines façons. Bien entendu, la Chine doit nourrir plus d'un milliard de personnes, alors elle a besoin de nourriture, et le Canada est l'un de ses grands fournisseurs, mais nous avons très évidemment constaté que la Chine peut profiter de la situation.
    Simplement, ce qui me préoccupe, c'est que ses intentions, de façon très concrète, ne sont pas nécessairement en harmonie avec nos intérêts, mais qu'elles servent certainement les leurs.
    Vous avez peut-être entendu récemment que notre chef d'état-major de la défense, le général Eyre, a déclaré qu'il croit que la volonté de la Chine est de refaire le monde selon ses besoins. C'est exactement la position de nos forces armées, bien entendu. Pouvez-vous commenter? Selon vous, cette opinion est-elle erronée, ou est‑ce que nos forces de défense doivent se préparer à affronter le problème que le général Eyre perçoit?
    Vous avez tout à fait raison de souligner que nos attentes envers la Chine, qui devait devenir davantage comme nous, ne se sont pas concrétisées, et que nous devons nous adapter à cette réalité. Absolument.
    Je ne pense pas, cependant, que nous pouvons tirer de cela la conclusion que la Chine va toujours se conduire dans certains domaines précis d'une façon qui sera diamétralement opposée à nos intérêts et à nos préférences. C'est important de pouvoir cerner, d'une part, les domaines où, effectivement, il faut surveiller l'écart entre les intérêts, les valeurs et les préférences et y réagir, et, d'autre part, les domaines où nos intérêts et nos préférences peuvent s'aligner d'une façon qui pourrait nous surprendre. C'est important de garder cela à l'esprit.
    Même si nos attentes de voir la Chine transitionner vers une démocratie libérale, après avoir pris place dans l'économie mondiale, ne se sont pas concrétisées, cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas continuer d'entretenir des relations avec la Chine et de chercher des façons de la convaincre de se conduire d'une façon qui soit davantage en harmonie avec notre conception des règles qui sous-tendent l'ordre international, tout en respectant nos intérêts et nos préférences à ce chapitre.
    Je ne pense pas que ce soient des choses mutuellement exclusives, mais je pense que nous devrions cesser de penser que la Chine se transformera et que sa mentalité sera en harmonie avec la nôtre dans pour ainsi dire tous les domaines. Il faut laisser tomber ces attentes et réagir en conséquence, c'est important.
(1950)
    Merci, madame Martel.
    Madame Dancho, votre temps est écoulé. Monsieur Cormier, vous pouvez maintenant prendre six minutes, pas plus, pour poser vos questions.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Martel, d'être avec nous ce soir. J'ai quelques questions concernant nos relations commerciales, surtout celles avec la Chine. Je pense que vous serez en mesure de répondre à certaines d'entre elles.
    Comme on le sait, la Chine est notre deuxième ou troisième partenaire commercial, si je ne me trompe pas. Pour moi, le droit humanitaire devrait toujours être la priorité. Au-delà de tout cela, si on pense à la relation commerciale entre le Canada et la Chine et à tout ce que le Canada importe de la Chine, devrait-on être craintif? Devrait-on s'inquiéter du futur de nos entreprises qui font affaire avec la Chine? Comment voyez-vous la situation qu'on vit présentement?
    Merci de votre question.
    Le volet économique des relations que le Canada entretient avec la Chine est un peu en dehors de mon champ de compétence. Je me concentre davantage sur les questions de sécurité régionale.
    D'accord. Je vais poser ma question autrement.
    Dans ce cas, en ce qui a trait à la sécurité, nous pourrions parler des investissements étrangers de la Chine. Je vous donne un exemple très simple: dans ma région, beaucoup d'usines de transformation du poisson ont été acquises, du moins en partie, par des investissements étrangers, dont, probablement, des investissements de la Chine.
    Pour la sécurité du pays, devrait-on, dans nos régions, s'inquiéter de ces prises de contrôle par des investissements étrangers comme la Chine?
    Je pense que les doutes, les défis ou les vulnérabilités qu'on est en mesure de déterminer devraient être une cause de préoccupation dans une certaine mesure. Cela dit, je pense que la présence d'investissements étrangers et d'intérêts commerciaux et économiques chinois au pays est le simple reflet d'une économie mondiale interdépendante.
     Cela fait que les arguments en faveur d'un éventuel découplage d'avec la Chine ne me semblent pas réalistes, ni même souhaitables. Je pense que cette interdépendance entre la Chine et les dynamiques économiques mondiales permet également de mitiger les risques de confrontation et de conflit.
    La façon dont la Chine est imbriquée dans des dynamiques d'interdépendance économique ouvre donc la porte à un certain renforcement positif, dont on peut tirer avantage pour justement convaincre la Chine d'adopter des comportements plus favorables, puisqu'elle bénéficie beaucoup de l'ordre international actuel. Elle en a tout à fait conscience.
     Vous avez parlé tantôt de la centralisation du pouvoir en Chine. Vous avez également dit que, de l'extérieur, il y a peut-être de la dissidence avec le régime chinois. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
(1955)
    Je pense qu'un expert de la politique intérieure chinoise, ce que je ne suis pas, pourrait vous en dire davantage à ce sujet.
     Cependant, nous pouvons voir que l'ascension et le renforcement du pouvoir de Xi Jinping en Chine sont assez consensuels; on voit vraiment une centralisation du pouvoir autour de cette figure.
    Cela dit, je pense qu'il y a une tendance à exagérer cette centralisation du pouvoir en faisant une analogie entre Xi Jinping et Mao. Je pense aussi qu'il faut être conscient du fait que ces dynamiques qu'on observe en Chine sont également une réponse à un certain nombre de vulnérabilités dans le pays.
    Cela souligne l'importance de développer, de soutenir et de favoriser au Canada une expertise en lien avec les affaires intérieures chinoises, dont il faut tirer profit pour vraiment comprendre ce qui se passe en Chine. Cela aurait des répercussions directes sur la position de la Chine sur la scène internationale.
    Je pense que, plus tôt, vous avez aussi parlé de la sécurité de l'Arctique. Ai-je bien compris?
    Oui, j'ai parlé de l'Arctique.
    En fait, il y a beaucoup de préoccupations et de spéculations sur un éventuel accroissement de la présence chinoise dans l'Arctique, pour lequel on a tendance encore une fois à chercher des motifs ou des intentions cachées. Je parlais des inconnues inconnues tout à l'heure. Dans ce cas-ci, on craint une croissance de la présence chinoise dans l'Arctique. Ces craintes sont légitimes, puisqu'on a de la difficulté à voir où la Chine veut en venir en Arctique.
    Cela dit, sur papier, la Chine est assez claire sur ses intentions en Arctique. Elle a évidemment tout intérêt à développer son accès à des ressources stratégiques en Arctique et à pousser pour une définition des passages dans cette région qui lui permettrait un accès plus libre en eaux internationales.
    Je pense qu'il est sain et constructif d'observer ce que la Chine promeut. Elle ne cache pas ses intentions. Il est évident que la Chine est un acteur qui a des intérêts et qui les défend sur la scène internationale. Cependant, je pense que l'analogie voulant que la Chine ait en Arctique des motivations similaires à celles sous-tendant ce qu'elle fait en mer de Chine du Sud ne tient pas la route. En effet, ce n'est pas demain matin que la Chine va revendiquer la souveraineté sur des territoires en Arctique.
    Elle a suffisamment d'intérêts qui peuvent entrer en conflit avec notre intérêt national. Si c'est le cas, il faut évidemment que le Canada réagisse. Tout cela n'est pas...

[Traduction]

    Madame Martel, je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Le temps de M. Cormier est écoulé.

[Français]

    Merci, madame Martel.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de Mme Normandin pour six minutes. Peut-être va‑t‑elle vous demander de poursuivre.

[Français]

    Professeure Martel, je vous remercie de vos remarques.
    En fait, j'avais l'intention de poursuivre sur les commentaires de Mme Dancho et de M. Cormier et de revenir sur les intentions malveillantes qu'on a trop souvent tendance à prêter à la Chine. Votre commentaire à cet égard a piqué ma curiosité.
    Pouvez-vous nous donner des exemples de moments où on a prêté à tort des intentions malveillantes à la Chine?
     Je vais répondre indirectement à votre question en prenant l'exemple du conflit en mer de Chine du Sud. On a fait grand cas du fait que la Chine a réagi à une décision rendue par un tribunal d'arbitrage en mer de Chine du Sud en disant qu'elle n'allait pas se conformer au droit international, ou du moins à la vision du droit international défendue par un tribunal qu'elle considérait illégitime.
    Entre cette réaction rhétorique extrêmement forte des représentants du gouvernement chinois et ce qui s'est passé sur le terrain, on a pu observer que la Chine a graduellement abandonné l'idée de présenter ses revendications d'une manière considérée comme violant le droit international.
     En effet, par l'entremise du concept de la « ligne en neuf traits », la Chine a arrêté de présenter ses revendications d'une manière considérée par le tribunal d'arbitrage comme étant hors des limites prescrites par le droit international. Depuis, elle a plutôt tenté d'aligner sa position officielle internationale de plus en plus sur celle du droit maritime international, du moins dans les limites de son interprétation des règles de ce droit.
     Voilà donc un exemple où la position de la Chine vis-à-vis du respect du droit maritime international s'est avérée beaucoup plus ambiguë ou nuancée que celle à laquelle nous nous attendions.
(2000)
    Je vous remercie de votre réponse.
    Le présent comité a cessé de siéger avant la libération de Michael Kovrig et Michael Spavor. J'aimerais savoir si, depuis que cette bombe a été désamorcée, vous avez perçu un changement, positif ou négatif, dans les relations entre les deux pays. Pourriez-vous aussi nous l'expliquer un peu?
    Je n'ai pas perçu de changement fondamental, non. Je constate seulement que nous sommes sortis d'une période de crise. Nous avons ainsi là peut-être une occasion de rouvrir des canaux de communication qui avaient été fermés pendant la crise et de rétablir des bases un peu plus constructives et productives sur lesquelles trouver des intérêts peut-être plus compatibles que ce que l'on pensait initialement dans certains domaines de gouvernance mondiale.
    Cela dit, il n'y a pas eu beaucoup de changement dans le débat public à l'échelle du pays, ni dans la façon dont la Chine se livre à une espèce de guerre de rhétorique avec les pays qu'elle associe à une vision occidentale libérale de l'ordre international. Si l'on se fie aux sondages d'opinion, les perceptions des Canadiens vis-à-vis de la Chine n'ont pas évolué non plus.
     Je ne vois donc pas de changement fondamental autre qu'une sortie de crise. Nous pouvons peut-être espérer que les relations entre les deux pays se rétabliront sur des bases un peu moins toxiques qu'elles l'étaient auparavant.
    Merci beaucoup.
    Affaires mondiales Canada a annoncé que la question de la Chine serait en quelque sorte intégrée à sa stratégie dans la région indo-pacifique. Est-ce une bonne idée de procéder ainsi ou faudrait-il plutôt adopter une stratégie complètement distincte pour la Chine?
    Il y a matière à s'intéresser à notre relation avec la Chine de façon distincte.
    Cela dit, il faut absolument que notre stratégie vis-à-vis de la Chine s'aligne sur une approche plus globale et cohérente face à la région indo-pacifique, car les deux doivent aller de pair pour éviter tout risque de contradiction dans notre engagement dans cette région. Par ailleurs, la position de la Chine est centrale dans le cadre des négociations sur un ordre fondé sur les règles dans la région indo-pacifique. Ces deux volets doivent donc absolument aller de pair, être cohérents, et être alignés l'un sur l'autre.

[Traduction]

    Merci, madame Martel.
    La parole va maintenant à Mme Kwan. Vous avez six minutes, pas plus.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci pour les commentaires, madame Martel. Ma question s'appuie en quelque sorte sur cette notion.
    Vos premiers commentaires semblent indiquer que les intentions de la Chine sont peut-être mal interprétées dans diverses circonstances. Compte tenu de ce qui s'est passé à Hong Kong et de la situation que nous pouvons observer, de la détérioration de la situation à Hong Kong, de la violence, des injustices et de l'arrestation de civils dans ce contexte et, bien sûr, de l'imposition de la loi sur la sécurité nationale et de son application s'étendant au chevronné journaliste canadien Victor Ho, je me demandais si vous pouviez dire à notre comité comment nous devrions interpréter ces actions.
(2005)
    De toute évidence, lorsqu'il s'agit de ce que la Chine considère être ses intérêts fondamentaux, il est clair que nos préférences vont s'opposer à celles de la Chine. Notre système de valeurs va s'opposer à celui de la Chine. Je ne pense pas que nous devrions hésiter à le signaler lorsque c'est le cas.
    Ce que je veux souligner, c'est que ce n'est pas parce que les intérêts et les valeurs de la Chine, du Canada et des démocraties occidentales s'opposent dans un certain nombre de dossiers clés qu'ils sont opposés partout ailleurs. C'est la nuance que j'aimerais souligner au Comité.
    Nous devons distinguer les domaines où il existe clairement des préférences et des intérêts conflictuels qui doivent être mis de l'avant et débattus, et qui peuvent même justifier une certaine dénonciation. Cela ne signifie pas que dans d'autres domaines de la gouvernance mondiale, comme le changement climatique, nous ne pouvons pas trouver des domaines où nos intérêts s'alignent avec ceux de la Chine.
    Je pense qu'il est important pour nous d'avoir une certaine flexibilité dans notre approche de la Chine à cet égard.
    Merci. C'est intéressant.
    Devrions-nous faire preuve de souplesse dans notre approche du principe de la démocratie quant à la façon d'agir de la Chine à l'égard de Hong Kong, de ce qu'elle a en fait promis, non seulement aux Hongkongais, mais aussi à la communauté internationale? Elle a promis une règle, « un pays, deux systèmes », qu'elle a démantelée très rapidement.
    Comment devrions-nous soutenir les principes des droits de la personne et de la démocratie à cet égard? Comment devrions-nous promouvoir ces principes auprès de la Chine alors que nos points de vue à ce sujet divergent?
    La Chine a prouvé au fil des ans qu'elle était touchée par la dénonciation et la réprobation sur la scène internationale. Là où je vois une marge de manœuvre, pour que la dénonciation et la réprobation soient efficaces au regard de notre but ultime, que les droits de la personne soient respectés, que les gens ne soient pas soumis à des tactiques et à des comportements que nous jugeons condamnables, il doit également y avoir de la place pour que les canaux diplomatiques puissent promouvoir les démarches que nous favorisons.
    C'est là que je vois de la souplesse. Si l'objectif final est d'être encore plus fiers d'être Canadiens, la dénonciation et la réprobation ne nous amènent pas bien loin. Ce que nous voulons, en réalité, c'est que la Chine adopte un comportement plus proche que celui que nous souhaitons.
    Il y a de la place pour de la flexibilité; nous devons utiliser différents canaux, utiliser des tactiques de dénonciation et de réprobation bien sûr, qui font réagir la Chine même si elle dit le contraire, mais aussi utiliser des canaux en coulisses.
    Lorsque vous parlez de « dénonciation et réprobation », il y a bien sûr l'élément de la vérité qui dérange. Sur la question des Ouïghours et du génocide en cours, la Chine rejette avec véhémence la notion de violation des droits de la personne des Ouïghours. Elle affirme très clairement que c'est tout simplement faux.
    Dans ce contexte, comment devrions-nous aborder cette question, essayer d'y répondre et nous assurer que le Canada fait quelque chose pour soutenir les Ouïghours qui sont exposés à ces manquements graves aux droits de la personne?
(2010)
    Pourriez-vous répondre en environ 20 secondes, s'il vous plaît, madame Martel?
    Il sera très difficile pour le Canada de faire quoi que ce soit de conséquent à lui seul. Il s'agit donc de nouer des relations avec des partenaires qui partagent les mêmes idées afin de pouvoir faire pression sur la Chine et de présenter des preuves montrant que la Chine adopte des comportements condamnables qui doivent être dénoncés.
    Nous sommes maintenant au deuxième tour. La sonnerie retentit, mais nous devrions pouvoir compléter le deuxième tour si tout le monde respecte le plus possible le temps imparti.
    Sur ce, nous allons passer à M. Kmiec, pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Professeure Martel, ma collègue néo-démocrate a posé une bonne question: comment devrait-on interpréter les actions et l'attitude du gouvernement de Pékin envers Hong Kong?
    On a vu que la déclaration commune sino-britannique a été bafouée par le gouvernement de Pékin. On a ensuite assisté aux violations des droits de la personne et des droits démocratiques des gens de Hong Kong. Ce n'est pas que de la théorie. Notre relation avec Hong Kong dure depuis des décennies. Plus de 300 000 citoyens canadiens, ainsi que leurs familles, habitent à Hong Kong. Nous avons donc des liens très étroits et il est dans notre intérêt national de nous assurer que nos concitoyens sont bien traités quand ils sont dans d'autres pays.
    Je vais répéter la question de ma collègue néo-démocrate: comment devrait-on interpréter les actions du gouvernement communiste de Pékin quand il viole les droits de la personne et les droits civils et démocratiques de nos propres concitoyens et quand il fait la même chose, par la suite, en envoyant des agents de ses services de renseignement dans notre pays pour continuer l'intimidation de ces mêmes gens?
    Encore une fois, il s'agit d'un domaine où nos intérêts, nos préférences et nos valeurs s'opposent directement à ce qui est promu par la Chine. On ne devrait pas hésiter à continuer d'exprimer notre désaccord à cet égard. Je doute de la capacité du Canada à changer réellement la situation à Hong Kong, à moins de passer par des canaux multilatéraux et de créer et d'entretenir des collaborations avec d'autres acteurs, permettant ainsi d'exercer une forme de pression uniformisante sur la Chine.
    Cela dit, quand il s'agit de ce que la Chine considère comme étant son propre territoire, son domaine de compétence et ses affaires intérieures, il est extrêmement difficile d'obtenir que notre condamnation entraîne un changement positif de la situation. Je partage vos préoccupations à cet égard.
    Pour toucher au deuxième volet de votre question, je suis au courant des allégations révélant une possible présence policière chinoise au Canada qui donnerait lieu à des activités illicites sur notre territoire. Encore une fois, je pense qu'il est crucial d'obtenir des preuves de ce qui est avancé et de vérifier les faits. Je suis convaincue que nos services de police vont être en mesure de faire la lumière sur ces allégations.

[Traduction]

    Vous avez parlé de « territoire ». Il y a le territoire de Hong Kong, qui est en fait une partie de la République populaire de Chine, et il y a les habitants de Hong Kong.
    J'aimerais faire une distinction ici. Croyez-vous que nous pouvons sauver Hong Kong? Ou bien, croyez-vous que nous pouvons sauver les habitants de Hong Kong en offrant au plus grand nombre d'entre eux la possibilité de venir au Canada pour y trouver refuge, ce qui signifie alors également que nous devons nous assurer de protéger leurs droits, en tant que citoyens canadiens, résidents permanents et personnes travaillant ici, contre l'influence étrangère et les campagnes d'intimidation de la République populaire de Chine?
(2015)
    Évidemment, nous pouvons certainement faire quelque chose, si cela relève de notre propre compétence en nous assurant de donner suite aux allégations, d'établir clairement les faits et d'être en mesure de répondre en conséquence — absolument.
    En ce qui concerne ce que le Canada peut faire à l'égard de Hong Kong, encore une fois, l'utilisation des canaux multilatéraux et de nos réseaux et connexions avec d'autres partenaires internationaux est cruciale. À part cela, honnêtement, je ne vois pas ce que le Canada peut faire à lui seul pour s'assurer que la situation se règle, mais travailler avec nos partenaires et nos alliés et utiliser les canaux diplomatiques pourraient donner des résultats.
    Merci, monsieur Kmiec.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Oliphant, pour cinq minutes.

[Français]

     Mes questions iront dans le même sens que celles de Mme Normandin, qui étaient très sages. Je regrette un peu que ce soit la première fois qu'elle participe aux travaux du comité et que je me trouve à poser les mêmes questions qu'elle.

[Traduction]

    Je tiens à remercier la témoin de nous consacrer du temps aujourd'hui. Je pense qu'elle fait une chose importante au moment où nous débutons cette nouvelle phase de travail de notre comité. Elle nous rassure, elle est rationnelle et elle se fonde sur des preuves.
    Je veux poursuivre un peu sur ce sujet. Je vais m'exprimer de manière très personnelle. Lorsque j'ai commencé à siéger au Parlement, j'avais une compréhension très solide et ouverte de la Chine. Je voulais des relations plus étroites. J'ai effectué deux voyages en Chine qui m'ont ouvert les yeux. C'était mes deux premiers voyages.
    Michael Kovrig et Michael Spavor ont ensuite été détenus arbitrairement pendant plus de 1 000 jours. Cela me touche encore personnellement. C'est encore le cas pour tous les Canadiens. Je pense que nous souffrons encore de cette détention arbitraire.
    Nous entrons maintenant dans une nouvelle phase, à la recherche d'une ouverture pour voir si nous devrions, ou pourrions, ouvrir une autre porte sur la Chine. La question « Devrions-nous? » a trait à l'établissement de relations meilleures et pacifiques dans notre monde et à ce genre de choses. Est‑ce dans l'intérêt du Canada? Est‑ce dans l'intérêt du monde? Est‑ce dans l'intérêt des Canadiens?
    Si c'est ce que nous voulons faire, que recommanderiez-vous pour y parvenir? Parfois, je ne sais pas. Nous sommes des gens passionnés et nous avons été blessés. Maintenant, nous essayons de trouver une nouvelle voie possible.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Pour répondre à votre question, je ne pense pas que nous ayons beaucoup de choix, pour être honnête. La Chine est une grande puissance et elle ne va pas disparaître. Nous devons trouver des moyens de composer et de vivre avec cette réalité.
    Cela dit, le Canada a un bon bilan au chapitre de l'utilisation des mécanismes informels de diplomatie, par exemple, la diplomatie des experts et les autres canaux qui pourraient être utilisés pour trouver des domaines où nos intérêts pourraient converger. Il est clair que nous ne serons pas d'accord sur un certain nombre de choses. Dans certains domaines, nos intérêts et nos préférences vont clairement s'opposer. Nous devrons le comprendre et le faire comprendre à la Chine.
    À mon avis, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas utiliser également les canaux diplomatiques formels et informels pour trouver une convergence d'intérêts dans certains domaines.
    Si le Comité devait voyager pour mieux comprendre la situation, nos possibilités et nos perceptions multilatérales, y a‑t‑il des suggestions sur la manière dont il pourrait mieux saisir la façon de nous comporter avec la Chine?
(2020)
    Tout ce qui peut soutenir la perspective du pays et l'expertise du pays en ce qui concerne la Chine, mais qui peut également mettre à profit nos réseaux, qui donnent accès aux perspectives régionales sur la façon de composer avec la Chine et la rivalité entre les grandes puissances en général.
    C'est là que l'angle de l'ANASE pourrait entrer en jeu. Je pense que c'est quelque chose qui mérite plus d'attention. Lorsqu'il s'agit de discussions sur la politique étrangère et de défense dans la région indo-pacifique en général, mais aussi par rapport à la Chine en particulier, on a tendance à privilégier un certain type d'expertise, ce qui est absolument nécessaire dans ces discussions. Il s'agit de la perspective de l'expertise canadienne en matière de politique étrangère et de politique de la défense.
    Cependant, tout ce que nous pouvons faire pour donner de la place à l'expertise régionale et aux perspectives ancrées dans la région est vraiment nécessaire.
    Puis‑je demander...?
    Je suis désolé, monsieur Oliphant. Vous n'avez plus de temps.
    Madame Normandin, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question est un peu générale. Quand deux grandes puissances, qui respectent l'ordre international fondé sur des règles, ont un différend, elles vont souvent prendre un pas de recul, réfléchir à des solutions et revenir à la table en discuter.
    Quelqu'un me disait qu'on ne peut pas s'attendre à cela dans le cas d'un pays qui ne respecte pas l'ordre international fondé sur des règles. À titre d'exemple, la Russie pourrait interpréter tout pas de recul comme une occasion à saisir pour occuper l'espace.
    Dans un premier temps, est-ce que cette analyse pourrait aussi s'appliquer à la Chine et à sa façon d'intervenir lorsqu'il y a un différend?
    Dans un deuxième temps, quel rôle pourraient jouer de plus petites puissances, y compris le Canada, comme solution de rechange diplomatique avec la Chine, mais aussi, de façon générale, dans la région indo-pacifique?
    Si vous pensez à la façon dont l'engagement des États‑Unis a fluctué dans la région indo-pacifique, cela pourrait être un exemple de recul dont la Chine a bénéficié. Le fait de se retirer de certaines plateformes multilatérales ou de certains mécanismes de coopération privilégiant la voie diplomatique comme solution potentielle ou mécanisme de mitigation de différend ou de crise n'est pas une solution, puisque cela soulève ce risque.
    Pour promouvoir des règles bénéfiques à l'ensemble des acteurs, il faut plutôt garder le plus de portes ouvertes possible pour favoriser un engagement diplomatique et renforcer des tendances moins conflictuelles et plus positives, un rôle typiquement confié aux puissances moyennes, voire aux plus petites puissances.
    Il est d'autant plus important que le Canada adopte une stratégie indo-pacifique pour renouveler son engagement multilatéral dans cette région. Étant donné les préoccupations croissantes quant aux dynamiques entre les grandes puissances de cette région, le Canada doit non seulement assurer une présence officielle au sein des institutions clés, mais aussi avoir des oreilles informelles sur le terrain en dehors des canaux directs et officiels.

[Traduction]

    Merci, madame Martel.
    Nous passons maintenant à Mme Kwan pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je me demande quels commentaires Mme Martel pourrait faire sur le fait qu'un Canadien au Canada — Victor Ho — a maintenant été placé sur une liste de personnes recherchées par la Chine pour avoir supposément enfreint la loi sur la sécurité nationale. Il y a également eu le cas récent en Angleterre, où un manifestant protestant contre le président Xi Jinping aurait été traîné dans l'enceinte du consulat et battu. Il est clair qu'il s'agit de questions préoccupantes au regard des droits démocratiques des Britanniques dans ce cas‑là et, dans le cas présent, celui de Victor Ho, pour le Canada. Nos pays sont mis au défi.
    Comment devons-nous interpréter ces incidents et comment devons-nous y réagir?
(2025)
    Nous devons évidemment nous préoccuper de ces incidents. Il est clair que, lorsqu'il s'agit d'une potentielle présence chinoise et quand des activités de surveillance sanctionnées par l'État, potentiellement illégales, sont menées, il s'agit d'établir les faits et de nous assurer que tous les types de comportement qui sortent du cadre de la légalité sont cernés et traités.
    En ce qui concerne les autres incidents qui ont été mentionnés, il s'agit évidemment d'une préoccupation importante dont il faut s'occuper. Elle est également enracinée, malheureusement, dans le genre de cercle vicieux reflétant essentiellement l'animosité qui s'est créée entre la Chine et le Canada. Le débat public toxique a également des répercussions défavorables que nous devons prendre en compte, mais il est évident qu'il s'agit d'un sujet de préoccupations et que nous devons réagir en conséquence.
    Merci, madame Martel.
    Nous arrivons à l'heure du vote, mais nous avons le temps pour une petite question et une réponse rapide de chaque parti.
    Monsieur Kmiec, avez-vous une autre petite question?
    Non, pas vraiment.
    Monsieur Oliphant, je sais que vous aviez une autre question que vous n'avez pas eu le temps de poser, mais, M. Fragiskatos, vous avez la parole. Pouvons-nous avoir une question et une réponse courtes, s'il vous plaît?
    Merci, monsieur le président et merci aux témoins.
    En ce qui concerne les voyages, si le Comité devait voyager afin d'améliorer sa compréhension des relations entre le Canada et la Chine, quels pays devrions-nous visiter, madame Martel?
    Pour ce qui est d'avoir une expérience bien établie dans la gestion des situations difficiles liées à la rivalité entre les grandes puissances, il y a un certain nombre de pays de l'ANASE avec lesquels le Canada doit établir davantage de liens afin de définir son approche par rapport à la Chine, à la rivalité entre les grandes puissances de la région indo-pacifique et à la région indo-pacifique en général. Il s'agit, à mon avis, de Singapour, du Vietnam et de l'Indonésie, qui sont vraiment des acteurs clés dans les discussions sur la réforme de l'ordre régional fondé sur des règles.
    Le Japon, la Corée du Sud et l'Australie pourraient-ils...?
    Pardonnez-moi, monsieur Fragiskatos, mais nous allons passer à autre chose.
    Madame Normandin, avez-vous une question rapide qui nécessite une courte réponse?

[Français]

     Merci. Je ne sais pas si cela va ouvrir la porte à une réponse rapide, mais je vais essayer.
    On a mentionné que la Chine serait un volet de la stratégie indo-pacifique. Étant donné sa proximité avec la Chine, la Corée du Nord ne devrait-elle pas elle aussi être visée par cette stratégie?
    Les nouveaux développements en Corée du Nord méritent que le Canada s'y attarde, ce qu'il fait d'ailleurs depuis des années. Tout comme le Canada, la Corée du Nord est un État membre du Forum régional de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. Ce forum a ses failles, mais c'est tout de même un lieu privilégié qui permet au Canada d'ouvrir des canaux de communication avec la Corée du Nord. Je pense que le Canada devrait continuer de s'y impliquer.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Kwan, avez-vous une autre question?
    Merci.
    Comme la Chine a lancé des missiles balistiques au‑dessus de Taïwan, et ce, à de nombreuses occasions maintenant, et que beaucoup de Canadiens taïwanais sont très préoccupés par l'état des choses, je me demande si Mme Martel a une opinion quant à la façon dont le Canada devrait faire part de ses préoccupations à cet égard à la Chine. Comment pouvons-nous montrer notre appui à Taïwan et aux Canadiens taïwanais qui, à juste titre, sont très préoccupés par la situation?
(2030)
    Je dirais que le Canada partage l'opinion mentionnée par un témoin du groupe précédent: parfois, faire la même chose... Continuer de faire ce que nous faisons est sans doute mieux que de commettre des erreurs, ou il faut trouver de nouvelles mesures qui pourraient nous éviter de nous retrouver dans le cercle vicieux que nous voulons éviter.
    Lorsqu'il est question du Canada en particulier, je crois que la seule solution au problème de Taïwan passe par la diplomatie. Nous devons renforcer ce genre de solutions ou en trouver une meilleure.
    Madame Martel, vous avez occupé deux postes au cours du dernier segment avec le groupe de témoins précédent. Vous avez très bien répondu à de nombreuses questions, et nous sommes très heureux que vous soyez présente ce soir.
    Sur ce, nous devons aller voter dans environ cinq minutes. Nous prendrons une pause, puis nous poursuivrons après le vote avec le troisième groupe.
(2030)

(2100)
    Nous reprenons les travaux avec notre troisième groupe de témoins.
    Merci à tous d'assumer vos fonctions parlementaires démocratiques. Bienvenue à cette troisième heure de séance.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins dans le cadre de cette troisième heure, nous accueillons aujourd'hui, à titre personnel, Thomas Juneau, professeur agrégé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, Vincent Rigby, professeur invité de l'École de politiques publiques Max Bell de l'Université McGill, lui aussi à titre personnel, et, Jonathan Berkshire Miller, directeur et agréé supérieur du programme Indo-Pacifique de l'Institut Macdonald-Laurier.
    Nous accorderons un temps de parole d'une durée de cinq minutes à chaque invité, puis nous donnerons cinq minutes à chaque parti représenté ici.
    Nous commencerons avec vous, monsieur Juneau; vous avez un maximum de cinq minutes.
    M. Rigby et moi vous parlerons des résultats et des recommandations clés figurant dans un rapport que nous avons publié avec l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa en mai cette année. Le rapport a été co‑écrit par M. Rigby et moi avec l'appui d'un groupe de travail composé d'une dizaine de fonctionnaires expérimentés à la retraite, y compris des sous-ministres des Affaires étrangères et de la Défense, quatre anciens conseillers à la sécurité nationale, deux anciens directeurs du SCRS, des anciens ambassadeurs et d'autres personnes. Le rapport est accessible en ligne, et je serais heureux de le communiquer au Comité sous forme électronique.
    Le rapport aborde la menace ambiante qui pèse de plus en plus sur le Canada et, dans l'ensemble, formule 65 recommandations. De nombreuses recommandations sont pertinentes lorsqu'il est question du travail qu'effectue le Comité en ce qui concerne la Chine.
    Le point de départ du rapport sera connu de tout le monde ici: c'est le fait que le Canada fait face à un nombre grandissant de menaces en raison de la compétition acharnée pour obtenir le pouvoir, y compris, bien entendu, une Chine de plus en plus agressive et une augmentation du terrorisme et de l'extrémisme, sur le plan national ou international, en plus d'être confronté à différents problèmes transnationaux, notamment les changements climatiques et les pandémies. Essentiellement, le message livré par le rapport est que nous ne sommes pas prêts, collectivement, à composer avec le nombre grandissant de menaces auquel fait face le Canada aujourd'hui.
    Selon nous, les gouvernements canadiens successifs ont eu tendance à négliger les problèmes de sécurité nationale. Essentiellement, nous l'avons fait parce que nous pouvions le faire. Le Canada est chanceux sur le plan géographique; nous sommes protégés en Amérique du Nord, et nous sommes sous la protection des Américains. Cependant, le point le plus important qui a été souligné dans le rapport est le fait que cet avantage est en train de disparaître. Au fur et à mesure que ces menaces s'intensifient, notre crainte, qui est fondée sur la connaissance collective de notre groupe de travail, lequel compte des centaines d'années d'expérience aux plus hauts échelons du gouvernement, est que le prix que nous devrons payer ne cesse d'augmenter parce que nous ne sommes pas prêts à faire face aux problèmes. Je veux être clair: que la Chine n'est pas la seule menace que nous abordons dans le rapport, mais elle est, bien entendu, une menace importante qui est au cœur du rapport.
    Le Comité connaît très bien cet aspect, donc je vais l'aborder rapidement. La Chine menace les intérêts canadiens: elle peut notamment mener des cyberattaques, s'adonner à l'espionnage économique, faire de l'ingérence étrangère, sans compter que sa force militaire gagne en importance dans la région indo-pacifique.
    La valeur ajoutée de ce rapport réside dans la prochaine question: que pouvons-nous faire? Parmi les 65 recommandations formulées dans le rapport, un assez grand nombre d'entre elles concernent directement ou indirectement la Chine. Je vais seulement en mentionner quelques-unes plus générales, puis M. Rigby en abordera d'autres, plus précises.
    Tout d'abord, j'aimerais en citer une qui est de portée générale au chapitre de notre réponse: il faut que toute la société réagisse aux diverses menaces que pose la Chine. Le milieu du renseignement ne peut pas s'attaquer seul à la plupart des problèmes que je viens de mentionner. Bien entendu, il a un rôle clé à jouer, mais il doit travailler en collaboration avec d'autres partenaires au sein du gouvernement fédéral, comme, entre autres, les ministères à vocation économique ainsi qu'avec les gouvernements provinciaux, les municipalités et le secteur privé — pensez, notamment, à l'espionnage économique —, et la société civile — pensez particulièrement à l'ingérence étrangère et à la diaspora chinoise canadienne. Le Canada doit effectuer un bien meilleur travail sur ce plan, et le gouvernement fédéral doit être apte et disposé à diriger, coordonner et transmettre des renseignements au sujet des menaces et à nous conseiller quant à la façon de composer avec elles.
    Parfois, au sein du gouvernement fédéral, on n'est pas en mesure de réagir à une menace en raison d'obstacles au partage des informations entre les organismes de sécurité nationale. Le problème est encore plus important lorsqu'on va au‑delà de la collectivité de la sécurité nationale, et qu'on regarde le reste du gouvernement: je pense aux ministères à vocation économique comme, par exemple ISDE, et au‑delà d'Ottawa, à d'autres ordres de gouvernement, au secteur privé et à la société civile. Cependant, ces autres acteurs ont tous un rôle important à jouer au moment de gérer ces différentes menaces.
    La deuxième recommandation que j'aimerais mentionner concerne la transparence. Notre première ligne de défense contre de nombreuses menaces que pose la Chine, et d'autres instances, d'ailleurs, n'est pas toujours le SCRS, la GRC ou l'ASFC. Dans de nombreux cas, ce l'est. Dans d'autres, c'est la résistance sociale, comme par exemple, lorsqu'il est question de lutter contre l'espionnage économique et l'ingérence étrangère. Dans la plupart des cas, la cible de ces menaces n'est pas le gouvernement fédéral lui-même. Beaucoup de facteurs jouent un rôle au moment de renforcer la résistance sociale. Nous pourrions avoir une autre discussion complètement distincte à ce sujet, mais l'un des facteurs tient à la confiance envers le gouvernement, ce qui est un défi dans les démocraties aujourd'hui, non seulement au Canada, mais ailleurs aussi. Il n'existe pas de recette magique pour favoriser la résistance sociale, mais la solution doit passer par une plus grande transparence.
(2105)
    Monsieur Juneau, vous venez d'atteindre cinq minutes. Vous allez maintenant empiéter sur les cinq minutes de M. Rigby si vous poursuivez.
    J'aimerais prendre 20 secondes pour dire que nous devons donner un sens plus large à la définition de transparence, et y inclure la notion d'engagement, le partage d'information et des perceptions relatives aux menaces qui pèsent sur la société civile canadienne et le secteur privé en général.
    Je vais m'arrêter ici.
    Oui, presque.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de m'avoir invité ce soir. C'est un grand plaisir et un honneur.
    Durant ma carrière de 30 ans au sein de la fonction publique, j'ai témoigné de nombreuses fois devant les comités parlementaires à titre de représentant du gouvernement. Comme l'a dit le président, il s'agit de ma première présence à titre de simple citoyen. Je dois dire que je me sens un peu moins stressé que lorsque j'étais représentant du gouvernement, mais je pense que nous allons voir comment se déroulera la prochaine heure. Peut-être que nous finirons par avoir une tout autre conversation.
     Une des dernières tâches dont je me suis chargé avant de prendre ma retraite l'année passée en tant que conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre a été de prononcer un discours au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, le CIGI. Il s'agissait d'une des rares occasions où un conseiller à la sécurité nationale et au renseignement a parlé publiquement de problèmes de sécurité nationale.
    Le thème de mon discours était la réponse du Canada, à la lumière d'un environnement mondial en évolution. J'étais d'avis que le monde était à un moment déterminant. On vivait des changements politiques et économiques majeurs et on faisait face à divers défis complexes, nouveaux et anciens, sur le plan de la sécurité nationale.
    Au cœur de ce changement se trouvait une compétition géopolitique accrue. Cette compétition a fait pencher la balance du pouvoir international en faveur de la région indo-pacifique, et l'élément clé de cette transformation multipolaire était, bien entendu, la montée de la Chine.
    Selon moi, la montée politique, économique, militaire et technologique de Pékin est un des éléments clés du développement international au cours de notre siècle. J'ai laissé entendre que la Chine continuerait d'être une force internationale importante au cours des années à venir, et qu'elle s'affirmerait davantage dans sa région et au-delà.
    Elle a étendu son pouvoir et son influence, y compris à l'aide de l’Initiative route et ceinture. Elle a aussi tenté de nuire directement aux États qu'elle percevait comme des compétiteurs, et souvent, comme nous le savons très bien au Canada, au sein du pays lui-même. La Chine a trié parti d'outils économiques, militaires et diplomatiques bien intégrés, et elle s'est adonnée à l'espionnage et au cyberespionnage pour atteindre ses objectifs.
    À la lumière de cette analyse, à ce moment‑là, soit juin 2021, j'ai conclu que la République populaire de Chine représentait une menace stratégique clé pour l'Occident et le Canada. Un an et demi plus tard, je ne vois aucune raison de modifier mon évaluation. Effectivement, le rapport de l'Université d'Ottawa, que j'ai coécrit avec M. Juneau, fait ressortir mes propos avec beaucoup d'acuité.
    La Chine continue de s'affirmer à l'échelle mondiale, comme nous avons pu le constater lorsqu'elle s'est comportée de façon menaçante envers Taïwan, et a supprimé la démocratie à Hong Kong, et vu la façon dont elle continue de traiter sa minorité ouïghoure. Ses activités se poursuivent au Canada. Le dernier rapport annuel du SCRS mentionne que la Chine est active dans les domaines de l'ingérence étrangère, de l'espionnage et des cybermenaces.
     Dans son discours prononcé la semaine dernière à la Brookings Institution, la vice-première ministre a mentionné que la Chine était un des pays dictateurs du monde qui obéissent à des principes complètement différents des nôtres. Elle a mis l'accent sur la sécurité économique, affirmant que la Chine utilisait habilement et intentionnellement ses liens économiques avec nous pour atteindre ses objectifs géopolitiques.
    Collectivement, ces types d'activités minent nos institutions démocratiques, nos droits fondamentaux et nos libertés, ainsi que notre cohésion sociale et notre prospérité à long terme.
    Si nous admettons qu'une telle menace plane au‑dessus de notre tête, quelle devrait être la réponse du Canada? Je m'appuierai sur le rapport de l'Université d'Ottawa et les commentaires formulés plus tôt par M. Juneau pour formuler quelques suggestions rapides avant de passer aux questions.
    Premièrement, nous devons concevoir une nouvelle stratégie en matière de sécurité nationale qui intègre tous les atouts du gouvernement, depuis les services de renseignement jusqu'au ministère de la Défense en passant par la diplomatie et le développement international, de façon cohérente afin de lutter contre les menaces à la sécurité nationale du XXIe siècle, y compris les acteurs étatiques. Nous n'avons pas eu une telle stratégie depuis 2004, il y a presque 20 ans. Lorsqu'il est question du Groupe des cinq, nous détonnons à cet égard. Le Groupe publie régulièrement de tels documents, et je suis sûr que vous savez tous que les États-Unis ont publié leur stratégie en matière de sécurité nationale la semaine dernière.
    Deuxièmement, dans le cadre de cette stratégie, nous devons disposer d'un plan précis pour contrer les activités des acteurs étatiques hostiles; cela inclut non seulement la Chine, mais aussi la Russie, l'Iran et d'autres pays. Il faut notamment cerner des mesures précises et des outils pour lutter contre l'espionnage, l'ingérence étrangère, la désinformation, les cybermenaces et les menaces économiques.
    Troisièmement, nous devons avoir un plan national et international. La sécurité nationale englobe la sécurité sur le plan national et international. À cet égard, j'ai hâte de voir la stratégie indo-pacifique qui sera mise sur pied bientôt, nous l'espérons, et qui devrait combiner nos outils en matière de politique étrangère, de défense et de développement pour que nous puissions composer avec des menaces dans la région. Selon moi, elle devrait se concentrer sur la Chine.
    Enfin, nous devons travailler avec nos partenaires. Sur le plan national, comme l'a mentionné M. Juneau à l'instant, et pour le souligner une nouvelle fois, parce que je pense que c'est très important, cela veut dire d'autres ordres de gouvernement, le secteur privé, les universités et les centres de recherche qui sont menacés par des acteurs étrangers comme jamais auparavant. Il ne s'agit plus d'un pays qui en menace un autre; des citoyens canadiens peuvent être aussi touchés.
    Le fait de partager de l'information avec les Canadiens de façon transparente sera primordial pour faire avancer les choses, et, bien entendu, sur le plan international, cela veut dire partager de l'information avec nos amis et nos alliés importants, y compris le Groupe des cinq et le G7. La Chine aime par-dessus tout le fait de diviser pour mieux régner. Nous devons rester unis.
     Monsieur le président, nous vivons dans un monde complexe et dynamique dans lequel nous devons trouver des façons de coexister avec des compétiteurs qui ne partagent pas nos valeurs, comme l'a déclaré la vice-première ministre. Parmi ces pays, on retrouve la Chine, avec laquelle nous pourrions peut-être nous entendre sur des questions comme les changements climatiques et la gestion des pandémies, mais nous devons le faire en étant bien conscient de ce qui se passe, et en admettant clairement son objectif stratégique, et nous devons être prêts à lutter contre ce qui menace nos intérêts et nos valeurs, sur le plan tant national qu'international.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
(2110)
    Je vous remercie, monsieur Rigby. Vos cinq minutes sont écoulées.
    Monsieur Miller, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui sur un sujet aussi essentiel pour les intérêts du Canada.
    Je vais être franc. Le temps n'est pas de notre côté — évidemment, je parle non seulement des cinq minutes, mais du sujet en soi.
    De plus en plus, l'ordre international fondé sur des règles semble ne tenir qu'à un fil. Les grands États disposant d'armes nucléaires, comme la Russie et la Chine, continuent de faire pression sur leurs voisins — bien que de différentes manières — afin d'atteindre leurs intérêts maximalistes. Parallèlement, de plus petits pays, tels que la Corée du Nord, continuent de perfectionner leurs armes en vue de prendre les pays de la région, comme le Japon et la Corée du Sud, vulnérables au chantage nucléaire, et ce, souvent avec le soutien tacite et l'appui de Pékin.
    Monsieur le président, depuis très longtemps le Canada a adopté une approche tactique plutôt que stratégique à l'égard de sa politique étrangère envers la Chine, en ne pensant qu'à des objectifs à court terme plutôt qu'à long terme. Malheureusement, il a fallu la détention injuste de deux citoyens canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, pendant près de trois ans pour que les Canadiens réalisent les véritables enjeux des relations avec un acteur de plus en plus autoritaire à Pékin.
    Dans ce contexte, il est grand temps que le Canada élabore une stratégie sérieuse, claire et cohérente par rapport à la Chine, qui s'inscrive dans une plus grande stratégie indo-pacifique, comme l'ont mentionné mes collègues.
    Quant à savoir la forme que cela pourrait prendre, le Canada doit d'abord finaliser et mettre en œuvre une stratégie indépendante fondée sur les intérêts pour la région indo-pacifique qui mobilise ses partenaires régionaux. Des pays comme le Japon, l'Australie, l'Inde et la Corée du Sud sont tous importants d'une manière ou d'une autre, tout comme la collaboration avec Taïwan. Le Canada devrait également chercher à renforcer son engagement avec une vigueur renouvelée et en se concentrant sur des relations solides et exhaustives avec l'Asie du Sud-Est, avec des pays comme l'Indonésie, les Philippines et le Vietnam. Si nous renforçons ces liens commerciaux, augmentons la sécurité de notre coopération et améliorons nos liens diplomatiques, nous pouvons contrebalancer de manière importante certains des problèmes que pose la Chine, qui remet de plus en plus en question l'ordre fondé sur des règles.
    Par ailleurs, les organisations multilatérales et les accords commerciaux, comme l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est et le PTPGP, de même que d'autres mini-alignements latéraux spéciaux, offrent tous des points d'ancrage potentiels pour une approche renouvelée face à cette région.
    Permettez-moi d'être clair: la stratégie indo-pacifique qui est en train d'être élaborée ne devrait pas laisser de côté ni diluer les défis que pose la Chine, ni être monopolisée par Pékin ou avoir une fixation à son égard. Une approche réellement éclairée face à Pékin et aux risques qu'il représente, tant pour nos voisins que, plus globalement, pour l'ordre fondé sur des règles, doit être un élément fondamental de toute stratégie dans cette région.
    À l'égard de la Chine elle-même, le Canada doit être bien plus fort et clair en ce qui concerne les questions des droits de la personne. Cela suppose de dénoncer clairement et constamment le comportement scandaleux de la Chine envers les Ouïghours au Xinjiang, les Tibétains et les autres minorités religieuses, ainsi que de dénoncer les violations flagrantes et croissantes de la Chine par rapport à la déclaration conjointe sino-britannique concernant Hong Kong. Dans tous les cas, nous devrions utiliser notre capacité d'appliquer les sanctions Magnitsky contre les auteurs connus de violations des droits de la personne. Nous devrions explorer les moyens de procurer un meilleur refuge et de faciliter la réinstallation aux personnes risquant l'emprisonnement politique.
    Toutefois, nous devons aussi examiner les autres difficultés. Le désir de la Chine de dominer la chaîne d'approvisionnement en matériaux critiques et en matières premières, par exemple, est un enjeu à long terme ayant des conséquences sérieuses sur la sécurité nationale que le Canada doit aborder en tandem avec ses partenaires de la région.
    En même temps, les vives tensions et les actes de provocation qui menacent la stabilité de Taïwan sont simplement les dernières en date d'une longue liste de préoccupations concernant la position militaire accrue de Pékin dans la région. En fait, la stabilité du détroit de Taïwan est directement liée aux autres mesures prises par la Chine pour s'affirmer dans le domaine maritime.
    Bien franchement, la région indo-pacifique fait face à une multitude de défis conjoints en matière de sécurité, allant de la piraterie maritime à de vifs conflits territoriaux en passant par la criminalité. Dans ce vaste espace maritime qui s'étend de l'Afrique de l'Est aux chaînes d'îles du Pacifique, les fondements du commerce et de la sécurité au sein de la région sont assurés par la liberté de naviguer et la sécurité des lignes de communication maritime, pourtant cet ordre des choses est grandement menacé, et c'est la Chine qui fait planer ces menaces.
    Par exemple, dans la mer de Chine méridionale, Pékin continue de recourir à la tactique du salami pour assurer son contrôle de fait sur une grande partie de cette voie navigable clé. Pendant ce temps, Pékin continue aussi de soulever des préoccupations régionales par ses incursions constantes dans l'espace aérien maritime autour des îles Senkaku du Japon dans la mer de Chine orientale.
    Enfin, le Canada a besoin de diversifier son commerce en s'éloignant de la Chine pour se rapprocher de ses partenaires dans la région, en étant conscient des risques associés à une dépendance excessive envers l'économie chinoise. Cela devrait comprendre la création d'un mécanisme permettant spécifiquement aux démocraties de se soutenir mutuellement lorsque des pays tels que la Chine utilisent des pressions économiques afin d'atteindre leurs buts. Une telle action enverrait un message puissant selon lequel le fait de cibler le commerce à des fins politiques — comme l'a fait la Chine avec les exportations de canola, de bétail et de porcs du Canada — ne mènera à rien.
(2115)
    Fait plus important encore, et en conclusion, notre relation avec la Chine doit être mise en contexte dans la vaste région indo-pacifique. Nous devons envisager les liens bilatéraux avec Pékin non pas comme une relation exceptionnelle, mais plutôt comme une relation importante parmi tant d'autres dans une région diversifiée. Le Canada doit rééquilibrer de toute urgence sa relation avec la Chine et s'assurer que cette relation sert ses intérêts au chapitre de la sécurité nationale et de manière tout aussi importante, sa relation avec ses partenaires.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, monsieur Miller.
    Nous allons maintenant passer à une période de cinq minutes pour chaque parti. Je pense que nous allons donner la parole à M. Chong pour les conservateurs.
    Merci, monsieur le président, et je remercie nos témoins de comparaître.
    J'ai été frappé par vos remarques préliminaires concernant la nécessité de travailler plus étroitement avec les alliés et les partenaires, non seulement dans la région indo-pacifique, mais dans le monde entier. J'ai été surpris, comme beaucoup de gens l'ont été, par la conférence de presse du 7 juillet. Il s'agissait d'une conférence de presse conjointe — sans précédent, me semble‑t‑il — réunissant le directeur du FBI, Christopher Wray, et le dirigeant du MI5 au quartier général du MI5, Thames House, à Londres, l'été dernier. Christopher Wray et Ken McCallum, le directeur général du MI5, ont donné une conférence de presse sans précédent, déclarant que la Chine présentait la plus grande menace, non seulement à l'endroit du Royaume-Uni et des États-Unis, mais également pour les alliés en Europe et ailleurs.
    Ils ont aussi fait savoir que le gouvernement à Pékin s'est ingéré à coup sûr dans les élections du Congrès dans l'État de New York cette année. Je crois que de nombreux Canadiens ont conclu que Pékin a aussi influencé les dernières élections fédérales. Par conséquent, vos commentaires semblent véridiques.
    Ma première question est très simple: avez-vous la moindre indication selon laquelle le BCP, d'autres organismes centraux ou ministères responsables envisagent de nouvelles stratégies de sécurité nationale pour le Canada, étant donné que nous n'en avons pas depuis 2004? Y a‑t‑il la moindre indication que le gouvernement se penche sur cette idée de présenter une nouvelle stratégie de sécurité nationale parallèlement à la stratégie indo-pacifique?
    Je ne suis pas au courant, monsieur.
    Je ne suis pas au courant non plus.
    D'accord. Merci de vos réponses.
    L'autre question que je me pose concerne la stratégie indo-pacifique qui doit être lancée avant Noël cette année. Ma question s'adresse à chacun d'entre vous. Selon vous, quelles sont les choses essentielles qui doivent être incluses dans toute stratégie indo-pacifique crédible? Quand ce document sera publié au mois de décembre, que comptez-vous y trouver?
    Si je peux me permettre, je vais d'abord répondre à cela rapidement.
    Je crois que nous avons besoin d'équilibre. Depuis bien trop longtemps, la manière dont le Canada a approché cette région a été excessivement axée sur l'économie et l'investissement. Nous avons besoin de prendre conscience — et je crois que mes collègues l'ont souligné aussi dans leur déclaration — des lourds enjeux en matière de sécurité que nous rencontrons dans cette région, que ce soit dans la mer de Chine méridionale ou dans la péninsule coréenne.
    Nous devons faire preuve d'empathie avec nos partenaires. Nous ne pouvons pas fonder notre stratégie uniquement sur ce que nous voulons. Bien entendu, elle doit être fondée sur nos intérêts, mais elle doit tenir compte de nos partenaires et du type d'engagement qu'ils souhaitent de la part du Canada.
    Voilà exactement ce que je veux voir.
(2120)
    Merci.
    Je suis très d'accord avec ce que dit M. Berkshire Miller. J'espère que la stratégie abordera directement la question de la sécurité. Que cela vous plaise ou non, la Chine est le gorille de 800 livres dans la pièce, et il ne faut donc pas se concentrer exclusivement sur la Chine. La décision a été prise consciemment de ne pas se concentrer exclusivement sur la Chine, et je crois que c'est la bonne décision au bout du compte. La décision devrait être essentiellement régionale, mais comme la Chine est là et qu'on ne peut en faire abstraction, la sécurité doit être au cœur de la stratégie, selon moi.
    En même temps, toute stratégie doit être complètement intégrée. J'utilise souvent ce terme pour chaque stratégie que nous élaborons, qu'il s'agisse de la sécurité nationale dans la région indo-pacifique ou d'une stratégie de politique étrangère plus générale. Elle doit comprendre la défense. Elle doit comprendre la diplomatie, le développement, l'économie...
    Nous savons qu'un examen de la défense est en cours au moment même où nous parlons. On peut présumer qu'il y a une coordination entre la stratégie indo-pacifique qui est élaborée et la défense...
    C'est là que ça devient intéressant, puisque la mise à jour de la défense, je crois, a été demandée peu de temps après l'invasion de l'Ukraine par la Russie et elle a peut-être été axée sur l'Europe, mais j'espère qu'elle sera axée sur le monde. J'espère aussi qu'elle a une portée nationale, car il se passe beaucoup de choses dans notre propre voisinage, et elle doit donc être complètement intégrée.
    La dernière chose que j'évoquerais est qu'elle doit être durable. L'une des critiques qu'a reçues le Canada dans la région de l'Asie-Pacifique et de l'Indo-Pacifique est que nous intervenons et disparaissons, surtout au chapitre de la sécurité. Nous sommes là pendant un petit moment, puis nous repartons. J'ai entendu ce qui suit il y a 15 ans lorsque j'étais au ministère de la Défense nationale: « Ne vous contentez pas d'envoyer un navire de temps en temps; vous devez vraiment vous rendre sur place et vous salir les mains ». J'espère donc qu'il y aura des ressources et que nous pourrons la soutenir.
    J'aimerais ajouter à cela. D'après les rapports publics que nous avons vus sur ce que pourrait être la stratégie indo-pacifique, elle se concentre beaucoup sur la diplomatie et le commerce, et un peu sur la défense. Tout cela est important, mais je vais me pencher sur les éléments du renseignement et de la sécurité nationale, qui font très rarement l'objet de discussion publique au sein du pays, mais qui devraient faire partie de nos intérêts dans la région indo-pacifique. Les menaces dont nous avons discuté en font partie.
    En quoi cela concerne‑t‑il le SCRS, la GRC et le CST? Quel est leur rôle? Disposent-ils de ressources supplémentaires? Ils sont débordés de bien des façons et ne pourront répondre à certaines de ces menaces. Je ne peux pas dire que je suis très optimiste quant à la manière dont elles seront traitées.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Chong.
    Maintenant, monsieur Fragiskatos, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Ma première question s'adresse à M. Juneau et M. Rigby; j'en aurai une ensuite pour M. Miller.
    Vous avez tous les deux écrit — et cela est mis en lumière encore ce soir — au sujet de l'importance des États-Unis pour la sécurité nationale du Canada. À cet égard, vous avez toutefois ajouté une nuance qui, selon moi, est une observation très importante, à savoir la polarisation que nous observons aux États-Unis. À cela s'ajoute la montée du populisme d'extrême droite aux États-Unis, qui montre clairement que le rôle des États-Unis par rapport à la sécurité nationale canadienne est automatiquement et grandement remis en question.
    Au vu de cela, ma question est de savoir ce que cela représente pour les relations entre le Canada et la Chine. Pour approfondir davantage les choses et mettre l'accent sur le Canada, qu'est‑ce que la montée de la polarisation en général au Canada — et plus précisément le populisme de droite que nous observons ici aussi — implique pour les relations entre le Canada et la Chine?
    Il y a beaucoup de choses. Je vais essayer de reprendre au moins certains aspects. Même si tout ce que nous avons vu au début au sujet de la Chine est absolument valable, lorsque je pense à l'ordre des menaces auxquelles le Canada est confronté, ou pourrait l'être, la première est, d'une certaine façon, celle des États-Unis. Quand je dis « d'une certaine façon », je veux dire en fonction de certains scénarios, qui ne sont en aucun cas garantis, où la situation dégénérerait aux États-Unis. Cela peut constituer une plus grande menace pour le Canada, en raison de notre dépendance massive envers les États-Unis.
    Le scénario de la guerre civile, je pense, est très improbable, mais les scénarios d'élections contestées, d'une plus grande imprévisibilité dans leur politique étrangère, d'un plus grand unilatéralisme, d'un retrait de l'OTAN et d'autres organisations et de l'échange de renseignements au sein du Groupe des cinq, sont potentiellement très inquiétants.
    Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est que nous n'avons pas d'autres options. Cela fait 50 ans que l'on dit que nous avons besoin d'une troisième voie et que nous devons diversifier nos relations commerciales et autres. En raison de la géographie, nous ne serons jamais en mesure de le faire complètement.
    Si vous ajoutez la dimension chinoise, ce que cela signifie pour moi, c'est que le Canada doit faire des efforts importants pour diversifier ses relations, y compris avec les démocraties en Asie de l'Est, la Corée du Sud, l'Inde et le Japon. Nous avons vu un nouvel accord d'échange de renseignements avec le Japon annoncé la semaine dernière. C'est une excellente chose. C'est ce que nous devons faire davantage pour lier ces deux questions, mais c'est difficile. Ce n'est pas facile, parce que culturellement, nous sommes très concentrés sur les États-Unis.
(2125)
    Comment la montée du populisme de droite et la polarisation que nous observons ici influencent-elles les relations entre le Canada et la Chine?
    Je peux peut-être répondre à cette question. Je veux cependant faire une remarque sur la polarisation aux États-Unis. Il y a les répercussions potentielles sur les relations canado-américaines, la vieille rengaine selon laquelle lorsque les États-Unis éternuent, le Canada s'enrhume. S'il y a une instabilité extrême au sud de la frontière en ce qui concerne le recul de la démocratie, il y aura des répercussions.
    L'autre préoccupation, cependant, c'est que si les États-Unis sont en proie à l'instabilité — et le scénario de la guerre civile, encore une fois, je dirais qu'il s'agit d'un « cygne noir » et d'un scénario lointain — cela aura une incidence sur la politique étrangère des États-Unis et la capacité des États-Unis de fonctionner à l'échelle mondiale. Faire face à la menace chinoise et à toute autre menace sera potentiellement compromis, car ils seront très repliés sur eux-mêmes. C'est l'une de mes préoccupations.
    En ce qui concerne la polarisation au Canada, M. Juneau et moi travaillons en ce moment même sur un document portant sur l'extrémisme violent intérieur. Nous considérons qu'il s'agit d'une nouvelle menace. Une grande partie de cette question est abordée dans les discussions sur le convoi, etc.
    L'une de mes préoccupations à l'égard de la Chine concerne les ressources, pour être tout à fait honnête, car nos agences de renseignement et de sécurité nationale qui traitent de l'extrémisme violent intérieur... Le directeur du SCRS vous dira qu'il s'agit d'une nouvelle menace et de quelque chose à quoi nous devons accorder beaucoup plus d'attention, mais nos ressources sont limitées.
    Encore une fois, c'est un peu comme ce que je disais à propos des États-Unis. Si, soudainement, l'extrémisme violent intérieur devient la priorité numéro un de nos agences de sécurité nationale, comment allons-nous fonctionner à l'échelle mondiale et faire face à la menace chinoise?
    Il y a beaucoup d'autres dimensions à cela, et je n'ai pas le temps de les aborder, mais les ressources limitées dont nous disposons pour faire face à l'éventail des menaces actuelles seraient un élément qui me sauterait aux yeux.
    Il ne me reste que 30 secondes, donc je vais vous poser une question, monsieur Miller, et peut-être que nous pourrons parler à un autre moment, monsieur.
    Vous avez parlé des défis à long terme. Cela nous fait penser au changement climatique. Cela nous fait penser au fait de savoir si le Canada peut ou non coopérer avec la Chine sur cette question particulière. Peut-être que les collègues d'en face soulèveront également cette question — c'était un thème de notre premier groupe de témoins — mais je vais simplement laisser cette question sur la table. Encore une fois, je me ferai un plaisir d'y donner suite plus tard.
    Merci.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Nous allons maintenant passer à Mme Normandin pour cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup à vous trois de vos remarques liminaires, particulièrement intéressantes.
     J'aimerais maintenant votre point de vue sur le partage de données entre institutions fédérales.
    Lors de sa comparution devant le Comité, il y a environ un an et demi, M. Michel Juneau‑Katsuya a mentionné que les poursuites au criminel pour des cas d'espionnage étaient extrêmement complexes, parce que la GRC est responsable des poursuites, mais que c'est le SCRS qui détient l'information et que les deux organismes ne se parlent pas.
    Vous avez parlé d'une stratégie de sécurité nationale. Je me demandais à quel point cette stratégie serait inefficace si on ne réglait pas la question de cette mauvaise communication entre les diverses institutions fédérales.
    Merci beaucoup de votre question.
    J'aimerais préciser que M. Juneau‑Katsuya et moi ne sommes pas parents. Nous ne nous sommes même jamais rencontrés.
    Vous avez bien raison de souligner ce problème. Nous en parlons d'ailleurs beaucoup dans le rapport que nous avons publié avec l'Université d'Ottawa plus tôt cette année. La question du partage de renseignements est extrêmement complexe. Il est sûr qu'il est facile pour des gens de l'extérieur de dire qu'il faut partager plus d'informations, mais, en pratique, ce n'est pas évident.
    Certaines lois existent pour de bonnes raisons. Dans une démocratie, il faut un certain contrôle sur ce partage pour assurer le respect de la vie privée et la protection des sources, entre autres. Cela dit, même en considérant toutes les restrictions qui doivent rester en place dans une démocratie, on peut arriver à la conclusion que le Canada ne fait pas du bon boulot pour le partage d'informations. Les raisons en sont culturelles, institutionnelles et, dans certains cas, technologiques, puisque les systèmes informatiques ne sont pas nécessairement compatibles.
    Au bout du compte, en ce qui concerne une stratégie pour la région indo-pacifique, notre rapport affirme qu'il faut déployer de sérieux efforts pour régler le problème structurel de partage de l'information et celui des ressources humaines, qui occupe une place importante dans notre rapport même si nous n'en avons pas parlé tantôt. Sinon, notre capacité de contrer des menaces reliées à l'espionnage sera limitée.
(2130)
    J'aimerais renchérir là-dessus. Je crois comprendre que vous suggérez dans votre rapport qu'un poste soit créé comme point central pour une stratégie sur la sécurité.
    Quelles solutions concrètes suggérez-vous pour améliorer le partage d'informations et éviter toute dichotomie entre deux institutions fédérales?

[Traduction]

    Je peux peut-être aborder cette question.
    Nous avions toute une section sur la gouvernance dans le rapport et nous avons formulé quelques recommandations. La première était de créer un comité du Cabinet sur la sécurité nationale qui serait présidé par le premier ministre. Encore une fois, nous sommes un peu en décalage par rapport à nos alliés du Groupe des cinq et même du G7. Nous sommes le seul pays à ne pas avoir ce type de comité présidé par le premier ministre.
    Nous aimerions penser que si ce comité était créé et que ses membres se réunissaient de façon périodique, le premier ministre et les principaux ministres du Cabinet chargés de la sécurité nationale et de la sécurité publique recevant régulièrement des mémoires et traitant des divers problèmes toutes les deux ou trois semaines, cela contribuerait à régler certains des problèmes liés à l'échange d'information. Vous auriez un vecteur naturel, un endroit où tous ces renseignements finiraient par atterrir sur le bureau du premier ministre et des principaux ministres. Avoir ce type de zone cible serait utile à certains égards.
    Encore une fois, d'un point de vue plus stratégique, cela sera également très utile. Nous trouvons que le gouvernement a tendance à réagir de façon un peu trop ponctuelle et réactive aux questions de sécurité nationale de nos jours. Le Groupe d'intervention en cas d'incident est formidable, mais il est réactif. Il ne pense pas à long terme.
    L'autre recommandation que nous présentons est de créer une fonction de renseignement au centre du BCP. Nous avons actuellement un groupe appelé le Bureau de l'évaluation internationale. Nous recommandons de prendre le CIEM, le Centre intégré d'évaluation du terrorisme, et de le consolider avec le BEI au BCP. Ce serait presque une sorte de mini-directeur du renseignement national, comme nous en avons aux États-Unis.
    Je ne veux pas pousser la comparaison trop loin, mais il s'agirait d'un organe de coordination. Nous n'avons pas une grande communauté du renseignement. Nous ne devrions pas avoir ces problèmes. Il s'agirait d'un entonnoir permettant de rassembler tous les renseignements et de s'assurer qu'ils sont acheminés aux bons endroits et qu'ils sont en fin de compte acheminés vers ce comité et au premier ministre, savoir la personne clé qui a besoin de ces renseignements pour prendre des décisions éclairées.

[Français]

     La collaboration internationale permettrait-elle d'être un peu plus crédible et d'avoir de meilleurs partenariats au sein du Groupe des cinq?
    Je pense que c'est un argument très important. Le Canada est un énorme bénéficiaire du Groupe des cinq, dont les États‑Unis font aussi partie, puisqu'il reçoit beaucoup plus qu'il ne donne.
    Dans le milieu du renseignement, un des piliers est de donner pour recevoir. Si on donne suite à ce que M. Rigby vient de proposer et à ce que nous suggérons dans notre rapport, si le Canada donne plus d'éléments de renseignement, il va forcément en recevoir plus.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Normandin.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à Mme Kwan pour les cinq dernières minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
    M. Berkshire Miller a parlé un peu dans son exposé de l'imposition de sanctions Magnitski. Le Canada, bien sûr, s'est montré très réticent et très lent dans la situation avec Hong Kong et la rupture de la règle « un pays, deux systèmes ». C'était une promesse faite aux Hongkongais. Elle a été faite non seulement aux Hongkongais, mais aussi à la communauté internationale.
    Il y a des répercussions. Nous le voyons maintenant, avec la loi sur la sécurité nationale qui s'applique ici au Canada. Un journaliste canadien, Victor Ho, est pris pour cible et a été placé sur la liste des personnes recherchées.
    Ma question à tous les intervenants est la suivante: le Canada devrait‑il imposer des sanctions? Si oui, quelles mesures devrions-nous prendre? Selon vous, quelles seraient les répercussions?
    Pourquoi le Canada a‑t‑il si peur d'agir?
    Je peux répondre à cette question d'abord.
    Absolument, je pense que le Canada devrait examiner cette question très sérieusement. Je pense qu'il faudrait adopter une approche ciblée, c'est‑à‑dire que nous devrions nous intéresser précisément aux personnes que nous pouvons identifier et qui, selon nous, auraient le plus d'impact. Cependant, je ne pense pas que nous devrions avoir peur de cela.
    Si nous jugeons nos actions en matière de politique étrangère et nos décisions en fonction de la réaction de Pékin et de la possibilité qu'il nous contraigne, ce n'est pas la bonne façon de prendre des décisions. Je pense absolument qu'il y a un précédent et une possibilité. D'autres pays ont pris ces mesures et ont eu des discussions sérieuses à ce sujet, également.
    Nous ne sommes pas seuls dans cette affaire, et je pense absolument que nous devrions l'examiner.
    Je soutiens ce point de vue. Nous imposons des sanctions à d'autres pays dans des circonstances similaires, alors pourquoi ferions-nous une exception pour la Chine? Compte tenu des circonstances de ces dernières années, il y a peut-être des raisons pour lesquelles nous avons abordé la Chine d'une certaine manière, mais, dans une grande mesure, ces circonstances ne sont plus présentes en ce qui concerne les deux Michael et d'autres, de sorte que nous pouvons peut-être procéder de manière plus vigoureuse.
    Encore une fois, il s'agit d'un outil, et nous avons toute une boîte à outils. Il y a beaucoup de choses différentes que nous pouvons faire par rapport à la Chine, sur le plan tant international que national, et nous devons garder cela à l'esprit. Bien que je sois un grand partisan des sanctions dans certaines circonstances, nous devons examiner les résultats finaux et les résultats que nous obtiendrons de ces sanctions, et garder nos attentes au bon niveau.
(2135)
    Je répondrais oui, absolument, mais avec un énorme « mais ». C'est quelque chose que nous avons vu clairement dans le débat sur les sanctions contre l'Iran au cours des deux dernières semaines.
    Notre capacité de surveiller et d'appliquer les sanctions dans ce pays est énormément sollicitée, et le Canada a la réputation, parmi ses alliés — ainsi que parmi les méchants — de ne pas être doué pour appliquer des sanctions. Nous les déclarons et nous n'en assurons pas le suivi. À un moment donné, c'est dommageable, car cela signale aux méchants que lorsque nous imposons des sanctions, nous n'y donnons pas suite et ne les appliquons pas.
    La réponse est oui, mais il est absolument nécessaire d'augmenter de façon importante les ressources de notre capacité en matière de sanctions, au ministère des Affaires mondiales, au SCRS, à la GRC, à l'ASFC et ailleurs. Les 76 millions de dollars que le gouvernement a annoncés la semaine dernière constituent un bon premier pas, mais ce n'est vraiment pas suffisant. Nous n'avons pas beaucoup de détails, mais je ne suis même pas sûr que ce soit suffisant pour faire ce qu'il a dit qu'il ferait pour l'Iran, sans parler de la Russie et d'autres pays auxquels nous n'imposons pas pleinement les sanctions que nous avons déclarées. Cela signifie des ressources humaines, mais aussi l'amélioration du processus, y compris en ce qui concerne l'échange de renseignements, mais aussi d'autres aspects.
    Il y a un grand écart entre ce que nous disons et ce que nous faisons.
    Merci.
    En s'appuyant sur l'échange d'information, c'est vraiment une question d'application. Dans une certaine mesure, le SCRS est très limité dans sa capacité de faire respecter la loi.
    De quels outils d'application de la loi avons-nous besoin? Si vous dites quelque chose et que vous ne le faites pas, cela n'a aucun sens.
    Est‑ce que cela concerne précisément les sanctions, ou plus largement, les outils que nous utilisons?
    Si j'ai le temps, c'est de façon plus générale, mais je pense que nous n'avons probablement le temps que pour les sanctions.
    Je ne suis pas un expert en matière de sanctions. Pour ce qui est de l'application de la loi, je ne sais pas exactement comment nous aborderions la question.
    Je pense que la remarque de M. Juneau est très pertinente. C'est une question de ressources. Ayant travaillé à AMC il y a quelques années, je sais à quel point l'unité responsable des sanctions est petite. Elle est minuscule. En ce qui concerne les sanctions, c'est plus une direction d'AMC que du SCRS.
    Merci, madame Kwan. Notre temps est terminé.
    Sur ce, je remercie nos trois visiteurs, M. Juneau, M. Rigby et M. Miller. C'est un travail fascinant. J'ai le sentiment que nous pourrions probablement les garder ici beaucoup plus longtemps, mais notre technologie s'éteindra d'elle-même dans quelques minutes, et nous devrons donc nous arrêter là.
    Avant de terminer, cependant, M. Chong voulait passer en revue le processus relatif à sa motion.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais proposer ma motion, que tous les membres du Comité ont, je crois, dans les deux langues officielles:
Que le Comité étudie le sujet des trois postes de police illégaux qu'a ouverts dans la région du Grand Toronto le Bureau de sécurité publique de Fuzhou de la République populaire de Chine; que deux séances, divisées en quatre périodes de une heure et demie, soient consacrées à l'étude de ce sujet; que le ministre de la Sécurité publique et ses fonctionnaires soient invités à comparaître lors d'une des périodes; que la GRC et le SCRS soient invités à une autre période; et que des experts des services policiers et du renseignement soient invités comme témoins lors des deux autres périodes.
    Merci, monsieur Chong.
    Y a‑t‑il des commentaires?
    Allez‑y, madame Normandin.

[Français]

    Comme vous vous y attendiez, j'aimerais proposer un amendement.
    Je propose de remplacer les mots « quatre périodes d'une heure et demie » par les mots « six périodes d'une heure ».

[Traduction]

    Y a‑t‑il des commentaires sur l'amendement? Passons-nous au vote sur l'amendement?
    Madame la greffière, voulez-vous procéder à l'appel?
    (L'amendement est rejeté par 10 voix contre 1.)
(2140)
    Sommes-nous prêts à mettre aux voix la motion principale?
    (La motion est adoptée par 11 voix contre 0.)
    Nous n'avons pas abordé la question de savoir quand nous allons le faire. Ce sera peut-être pour une autre fois.
    Sur ce, je tiens à remercier tout le monde de cette soirée très productive, y compris notre greffière, les députés qui nous appuient, nos analystes, nos interprètes et notre personnel technique. Tout s'est très bien passé. La séance a été fascinante. Merci à tous d'avoir été là.
    La séance est levée.
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