Bienvenue à la 30e réunion du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine. Aujourd'hui, la réunion portera plus particulièrement sur la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, la BAII.
Je vais commencer par donner quelques consignes aux témoins et aux députés.
La réunion se déroule en mode hybride. Des députés y participent en personne et d'autres y participent à distance, au moyen de l'application Zoom.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous nous joignez par vidéoconférence, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer. Désactivez‑le quand vous avez terminé votre intervention.
Pour accéder aux services d'interprétation dans l'application Zoom, vous pouvez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran. Si vous êtes dans la salle, utilisez l'oreillette qui a été mise à votre disposition et sélectionnez le canal voulu. Nous vous demandons de garder une bonne distance entre l'oreillette et le microphone pour éviter les bruits parasites fort désagréables pour les interprètes.
Les députés dans la salle doivent lever la main pour demander la parole. Si vous utilisez l'application Zoom, utilisez la fonction de main levée. La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre d'intervention. Nous vous remercions à l'avance de faire preuve de patience et de compréhension à cet égard.
Sur ce, je souhaite la bienvenue aux députés qui nous font l'honneur de leur visite. M. Liepert, le député de Calgary, se joint à nous aujourd'hui, de même que M. Van Popta, le député de Langley—Aldergrove, la circonscription voisine de la mienne, Fleetwood—Port Kells. M. Van Popta est ici en remplacement de la députée .
Notre premier témoin sera M. Bob Pickard, qui se présente à titre personnel. Apparemment, il n'en est pas à sa première visite sur la Colline ni dans cet édifice, mais nous aurons les détails à un autre moment.
Monsieur Pickard, vous disposez de cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire.
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Je commencerai par remercier le président et les membres du Comité de me donner la parole afin que je puisse parler de mon expérience au sein de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, qui fut pour moi traumatisante et dramatique et, dois‑je ajouter, qui a fait résonner une fibre très patriotique en moi. J'ai eu le sentiment en effet que notre adhésion à cet organisme ne rapporte rien de tangible à notre pays, et qu'elle ne nous permet d'aucune façon d'expliquer avec fierté aux gens d'ici les avantages que nous pourrions tirer de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures.
En 2013, Xi Jinping a proposé de créer la BAII et, une décennie plus tard, la communauté internationale ne connaît pas vraiment cet organisme. Souvent, ce qui est connu publiquement à son sujet est vaguement associé aux politiques controversées et sans cesse plus agressives de la République populaire de Chine, la RPC, et notamment à l'initiative la Ceinture et la Route.
C'est dans ce contexte qu'on m'a demandé mon aide pour établir un profil et créer une image publique positive de la BAII. On m'a offert le poste de directeur général des communications mondiales à la fin de 2021, peu de temps après la libération des deux Michael.
J'avais auparavant occupé des postes de direction au sein de sociétés de relations publiques, dont Edelman et Burson-Marsteller, et je comptais notamment 16 années d'expérience dans la région Asie-Pacifique. J'étais donc bien placé pour aider la BAII dans ses communications. Toutefois, avant de signer mon contrat, j'avais certaines inquiétudes concernant une possible influence indue du gouvernement de la RPC dans les affaires de la Banque.
J'ai été rassuré, dans une certaine mesure, par la manière dont la structure de gouvernance de la BAII était présentée dans les publications officielles. La présence de pays occidentaux sur la liste des actionnaires, y compris mon propre pays, le Canada, a aussi contribué à dissiper mes inquiétudes.
J'ai rapidement réalisé, après mon entrée en fonction, qu'il y avait un monde entre la structure de pouvoir au sein de la BAII et la rhétorique. J'ai aussi constaté que des pays du G7 respectés et qui ont une bonne réputation, comme le Canada, servent de faire-valoir pour attirer des investissements occidentaux et éviter les conséquences adverses sur le plan politique de la part des autorités américaines à Washington.
À l'intérieur de la Banque, des membres du Parti communiste chinois, le PCC, occupent de nombreux postes clés à tous les échelons et détiennent le pouvoir. M. Jin, le président de la Banque et lui-même ardent militant du PCC, énonce souvent la politique du gouvernement chinois comme s'il s'agissait de la sienne.
Il est le porte-parole de la Banque, et je lui ai conseillé de communiquer son point de vue en tant que dirigeant d'une organisation multilatérale et de s'abstenir de répéter le discours du gouvernement chinois.
Même si j'étais en principe responsable de toutes les communications mondiales de la Banque, j'ai bientôt découvert que le bureau de M. Jin, sous l'emprise de membres du PCC, intervenait directement dans l'élaboration de communiqués de presse destinés au marché intérieur chinois qui étaient bien différents de ceux diffusés en anglais aux interlocuteurs étrangers.
La conception de messages publics visant à dissocier la BAII de la très controversée initiative la Ceinture et la Route — le projet phare et prioritaire d'expansion géopolitique de Xi Jinping, comme nous le savons — était considérée comme une priorité absolue. Le président Jin m'a directement demandé de m'atteler à cette tâche. Toutefois, en coulisses, les liens entre ces deux initiatives de la RPC étaient beaucoup plus étroits et inextricables qu'on a voulu me le faire croire.
Dans mon propre service, une personne du PCC a été promue mon assistante. Imaginez la situation. J'ai découvert qu'en secret, elle relevait directement du membre du parti le plus haut placé dans le bureau de M. Jin.
Cet arrangement était loin de respecter la structure hiérarchique officielle de la Banque. Des espions rapportaient directement aux membres du Parti communiste ce qui se passait, y compris toutes mes rencontres avec des journalistes et des dirigeants de la société civile.
Fait intéressant, en 2022 — j'étais en poste depuis quelques mois —, la présence du PCC dans le bureau du président du BAII a été renforcée par l'arrivée d'un nouveau collègue dont personne ne semblait connaître la description de poste, si ce n'est qu'il était, murmurait‑on, « le nouvel homme du parti ».
Quelques mois plus tard, le bureau de M. Jin a été réaménagé. Des serrures de sécurité ont été installées pour faciliter le contrôle de l'accès de tout le personnel de la BAII.
Les vice-présidents de la Banque, dont aucun n'était chinois, devaient sonner pour entrer dans le bureau. Cela a suscité beaucoup de mécontentement en interne.
Ce cloisonnement du président cadre tout à fait avec la procédure voulant que les informations qu'il reçoit et les questions sur lesquelles il se prononce soient filtrées par les deux membres du PCC dont les bureaux à l'intérieur de cette bulle sont physiquement les plus proches du sien.
Dorénavant, ces deux piliers du Parti communiste sont impliqués de très près dans presque tout ce que voit, dit ou fait M. Jin, le président de la BAII. Pourquoi suis‑je au courant? Je suis au courant parce que le service des communications, dont j'étais responsable, était situé à côté du bureau de M. Jin.
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J'avais presque terminé. Je vais aller le plus rapidement possible. Je vous remercie.
Ce qu'il faut comprendre, le point clé, c'est que le bureau du président de la BAII a des pouvoirs extraordinaires, même dans le contexte d'un organisme multilatéral. C'est une structure très autoritaire. Ce bureau est cloisonné physiquement et il est contrôlé par des membres haut placés du Parti communiste.
L'obéissance aveugle, si je puis dire, aux ordres du bureau du président est la vertu la plus valorisée au sein de la BAII. La liberté d'expression ou la pensée indépendante ne sont aucunement prisées, ce qui est en soi assez singulier dans un organisme multilatéral.
Vous devez réaliser que même si la BAII clame à qui mieux mieux qu'elle est apolitique et indépendante, l'atmosphère dans les bureaux de Pékin est tout autre. C'est une instance politique, à la solde du PCC. La BAII est très différente de ce qu'elle prétend être, et cela a contribué à créer une culture toxique au sein de l'organisme.
Lorsque j'ai présenté ma démission pour la première fois en mai, j'ai parlé de mes préoccupations concernant l'influence évidente, profonde et omniprésente du PCC dans les activités d'exploitation courantes de la Banque et son impact toxique sur la culture. M. Jin, le président, ne l'a pas acceptée. Il a réussi à me convaincre de ne pas démissionner, et j'ai été plutôt surpris de voir que la Banque n'a pas cherché à nier ou à confirmer mes allégations ou mes préoccupations quant à l'influence du PCC. On m'a simplement informé que le bureau du président préférait que je m'abstienne de parler du sujet tabou du PCC.
J'ai de nouveau présenté ma démission en juin, et elle a été acceptée après mon départ précipité vers le Japon. La Banque a commencé à m'attaquer personnellement. Les journalistes qui ont couvert la nouvelle de mon départ, y compris certains que j'avais connus longtemps avant de me joindre à la Banque, m'ont averti que les cadres de la BAII menaient en aparté une campagne de dénigrement à mon endroit. Cela se passait bien avant l'enquête de la Banque. Sur Twitter, des centaines de robots pro-PCC m'ont insulté et on m'a traité d'espion américain, de suprémaciste blanc, de néo-colonialiste ou de fomentateur d'un infâme complot du gouvernement canadien visant à embarrasser la Chine. C'est ce qui m'amène à donner les précisions suivantes.
Lorsque j'ai annoncé que je quittais la Banque, je n'ai pas demandé au gouvernement du Canada d'intervenir. Jamais. J'ai agi de ma propre initiative, parce que c'est ce que ma responsabilité morale et mon devoir patriotique me commandaient de faire. J'ai toutefois offert ma pleine collaboration. J'ai participé à l'examen mené par le gouvernement du Canada et j'ai fourni de l'information au ministère des Finances à ce sujet. Je constate d'ailleurs que plusieurs éléments de l'examen approfondi reflètent les préoccupations que j'ai exprimées au ministère des Finances relativement à la transparence de la gouvernance, à la compétence en gestion et à l'adéquation de la culture professionnelle au sein de la Banque.
En conclusion, lorsque M. Xi a proposé la création de la BAII, il était un dirigeant relativement nouveau, encore perçu comme un réformateur potentiel qui pourrait s'inscrire dans la lignée de Deng Xiaoping, arrivé au pouvoir en 1978. Malheureusement, la Chine est aujourd'hui aux mains d'un dictateur autoritaire, adepte du maoïsme.
Après tant d'ingérences politiques, les choses semblent très différentes de ce qu'elles étaient à ce moment. Nous avions tous bon espoir qu'un investissement dans une institution multilatérale chinoise nous ouvrirait une fenêtre sur le développement en Asie. Malheureusement, nous nous retrouvons avec une banque qui est sous l'emprise de la Chine, qui est la seule à profiter des avantages géopolitiques découlant des prêts de la Banque.
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Oui. J'ai vu des choses.
Tout d'abord, il y a eu une décision concernant les pays que le président de la Banque devait approcher lors du sommet de l'Asie centrale, auquel Xi Jinping devait aussi participer.
L'an dernier, au moment où j'ai quitté la Banque, une décision a été prise concernant les endroits où le président se rendrait et ce qu'il dirait durant ses visites. C'était clair à mes yeux qu'il y avait des calculs géopolitiques derrière tout ça et que c'était une opération pour mousser les intérêts de la Chine. Les photographies n'ont pas été publiées. Le président de la Banque, M. Jin, a rencontré des leaders mondiaux non pas comme représentant de la BAII, mais comme représentant de la République populaire de Chine. J'ai empêché leur diffusion en interne parce que je pensais que ce ne serait pas à l'avantage de la Banque, un organisme multilatéral, si son président assistait à des rencontres comme représentant de la Chine.
J'ai reçu l'ordre de publier un message de condoléances sur le site Web d'un organisme multilatéral quand Jiang Zemin, un ancien dirigeant de la Chine, est décédé. Notre service s'est opposé. Nous ne pensions pas que ce serait à propos parce que la reine Elizabeth venait de mourir et que nous n'avions pas publié de message de condoléances pour elle.
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C'est une très bonne question, surtout que les défenseurs de la BAII prétendent que mes déclarations sont insignifiantes, qu'il n'y a pas matière à s'inquiéter. Selon eux, les liens entre le Parti communiste et la BAII à Pékin sont de la même nature que ceux que le Parti républicain et le Parti démocrate entretiennent avec la Banque mondiale à Washington.
Ce sont des écoles de pensée… C'est quelque chose qui a été abondamment répété quand j'ai quitté la Banque. Mais très honnêtement, j'en connais pas mal sur la manière dont les choses fonctionnent en Chine et j'ai aussi vécu aux États-Unis, et je ne crois pas que c'est une bonne analogie.
J'ai aussi eu l'occasion d'observer, durant les années que j'ai passées en Chine, la façon dont fonctionne le bureau du président. Je suis fermement convaincu que les vastes pouvoirs conférés au bureau du président de la BAII et que sa gestion autoritaire, pyramidale et très contrôlante n'ont rien à voir avec les pratiques, selon ce que j'en sais, de la Banque asiatique de développement à Manille ou de la Banque mondiale à Washington.
J'avais l'impression que la BAII fonctionnait davantage comme un établissement financier qui a ses activités en Chine seulement que comme un organisme multilatéral. Dans différents pays, les organismes multilatéraux constitués de différents membres sont censés coopérer et avoir entre eux une communication qui ne se fait pas dans un cadre pyramidal et très autoritaire, comme ce que j'ai observé à la BAII.
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J'espère que mon départ contribuera au moins à améliorer les aspects problématiques que j'ai pointés sur le plan de la gouvernance, de la compétence en gestion et du caractère humain de la culture. Je crois que les erreurs flagrantes vont être soigneusement évitées.
Tout juste avant de me présenter devant le Comité, j'ai reçu un courriel d'une de mes sources à la Banque. Il semblerait que quand les employés étrangers quittent la Banque, toutes leurs archives et tous leurs dossiers sont retirés du système. Je crois que la réaction de la Banque consiste à…
Le service des communications a été rétrogradé. Je relevais du président Jin, et j'imagine qu'en guise de sanction, il a été décidé de placer le service sous la responsabilité du secrétaire général. À mon avis, il sera difficile pour le service de recruter des talents étrangers.
Énormément de gens m'ont posé des questions sur mon expérience. J'en ai parlé de manière transparente et ouverte. Je souhaite le meilleur à beaucoup de personnes qui travaillent à la Banque. Le personnel compte beaucoup de personnes talentueuses, éduquées et vraiment impressionnantes. Mes amis de la Chine me manquent, y compris mes amis chinois. Je ne les reverrai probablement jamais parce que je ne peux plus mettre les pieds dans ce pays.
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Je trouve ahurissant de voir à quel point les gens en place tiennent au statu quo.
Des membres du conseil d'administration, y compris le représentant du Canada, ne veulent pas donner l'impression qu'ils ont dormi au gaz et qu'ils n'ont pas vu ce qui se passait. C'était la pandémie. Toutes les réunions se tenaient au moyen de l'application Zoom. Le conseil d'administration de la BAII est non résident. D'autres BMD ont un conseil d'administration résident. Les administrateurs peuvent voir ce qui se passe à l'administration centrale. Je crois que c'est ce qui explique le manque d'information au sein de la Banque.
Je pense aussi que beaucoup des expatriés qui sont traités comme des coqs en pâte et très grassement payés ne veulent pas perdre leurs privilèges, et que les dirigeants en place ne veulent pas admettre qu'il pourrait y avoir du vrai dans mes révélations.
À mon avis, ceux qui ont eu un poste à la Banque ou qui ont un lien quelconque avec la Banque actuellement n'ont pas du tout intérêt à m'imiter.
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Notamment, il est indiqué dans le rapport que je n'ai jamais exprimé d'inquiétudes concernant ma sécurité alors que je l'avais fait par écrit, dans un document soumis au service des installations et de l'administration, de même qu'au secrétaire général. Je leur ai envoyé un courriel à cet effet.
Quand le Canada a expulsé un diplomate chinois au printemps, j'ai envoyé un courriel dont une copie conforme était adressée au bureau du président de la Banque. Dans ce courriel, je demandais si je devais m'inquiéter, si ma sécurité était en jeu. La réponse que j'ai reçue du responsable de la sécurité de la Banque n'avait pas vraiment de quoi me rassurer. Par pure coïncidence, ce responsable est un membre du Parti communiste chinois, un fait très bien connu à l'intérieur de la Banque.
J'ai aussi communiqué avec l'ambassade canadienne pour savoir si je devais m'inquiéter pour ma sécurité au vu de ce qui était arrivé aux deux Michael. Je n'ai pas vraiment été rassuré de ce côté non plus.
Je me suis alors demandé, surtout quand… Je tiens à ce que les membres du Comité comprennent bien que la BAII était au courant de mes préoccupations à l'égard du Parti communiste chinois et de mon intention d'en parler au gouvernement canadien. C'était connu depuis des semaines et, dans ces circonstances, j'étais inquiet pour ma sécurité parce que beaucoup de choses à l'intérieur de la Banque me laissaient perplexe et me semblaient pour le moins inhabituelles, surtout au vu de ce qui se passait dans mon propre service.
Je peux vous donner d'autres détails si nous avons du temps.
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La seule atteinte à ma réputation découle des allégations de conflits avec les gens de mon service ou de ma lenteur à traiter certains documents ou à me conformer à certains systèmes. C'est ce qu'on m'a reproché. Il est question également de mon manque d'assiduité aux réunions importantes.
J'aimerais revenir brièvement sur ces critiques, si vous me le permettez. Je n'ai pas assisté à une réunion parce que j'étais allé rendre visite à ma mère qui a un cancer et qui est dans un établissement spécialisé à Ottawa. J'étais absent pour des raisons familiales et je n'ai pas pu être présent pour une entrevue de la radio publique nationale à Washington, D.C. que j'avais programmée pour le président Jin. L'entrevue a eu lieu et il a réussi à communiquer son message. C'est à mon sens typique des bassesses dont la Banque est capable.
Je travaille dans le domaine des communications. Dans ce domaine, il faut traiter avec les médias, les groupes non gouvernementaux… Il y a constamment des feux à éteindre. Croyez-moi, il y a toujours un problème à régler à la BAII. On ne s'ennuie jamais.
Je dois souligner par ailleurs que le budget de mon service a considérablement augmenté durant la période où j'en ai été responsable. J'ai pu engager six nouveaux employés, et j'ai obtenu l'autorisation de mettre en place un studio des médias d'un demi-million de dollars.
J'étais peut-être le moins rapide à soumettre mes demandes de promotion pour les membres du personnel ou mes demandes budgétaires, mais nous arrivions toujours à respecter les échéances. D'autres directeurs généraux étaient peut-être plus rapides que moi à faire leurs demandes, mais j'imagine que j'étais plus occupé qu'eux.
Vous avez dit que le jour de votre départ, le gouvernement a mis fin à toutes ses activités liées à la Banque. Elle a procédé à un examen interne et le ministère des Finances mène actuellement son propre examen interne, pour lequel vous lui avez fourni de l'information.
Selon ce que j'ai compris, vous n'avez pas de documents à lui soumettre, mais vous avez participé à une entrevue. Vous avez donc fait des déclarations de vive voix.
Après plusieurs mois, le Canada a décidé d'élargir l'examen afin d'y intégrer une collaboration et des discussions avec des partenaires comme l'Australie, l'Allemagne, la Suède et le Royaume‑Uni. Pendant ce temps, nos activités restent suspendues.
S'agit‑il selon vous d'une réponse appropriée pour faire le point sur vos allégations?
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Les fonctionnaires du ministère des Finances m'ont déjà informé, en juillet, que des alliés du G7 étaient consultés dans ce dossier. Je le savais déjà.
Je crois, après avoir lu attentivement l'annonce du gouvernement, que l'examen en cours ne porte pas expressément sur mes allégations, mais sur un large éventail de préoccupations.
Les députés n'ont peut-être pas remarqué ce genre de détail à ce moment mais, quand j'ai quitté la Banque en juin, un représentant du gouvernement du Canada a parlé à Bloomberg et a précisé, aux fins du reportage, que le gouvernement avait déjà des préoccupations avant ma démission, y compris au sujet de la trop grande concentration des pouvoirs au bureau du président.
Je crois que le gouvernement a élargi la portée de son examen pour faire la lumière sur mes propos, mais aussi sur un large éventail de considérations pouvant influencer la décision du Canada de rester membre ou non de cet organisme.
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L'ombudsman de la Banque était censé publier un rapport, par exemple, après avoir examiné la situation dans mon service. Douze membres du service étaient de mon côté. Quatre, dont l'unique membre du Parti communiste, étaient contre moi. Nous n'en avons jamais eu de nouvelles. Je suis parti si rapidement après que je n'ai jamais eu l'occasion de demander des améliorations au bureau de l'ombudsman.
Je dirais que si je devais demander des améliorations, elles viseraient le service des ressources humaines qui fonctionne davantage comme une sorte de police secrète à l'intérieur de la Banque. Je demanderais des améliorations dans le service de l'informatique qui, au lieu de faciliter la communication, ce qui est mon travail, agissait plutôt comme un système de sécurité qui a conduit à une surveillance bien connue, infâme, à l'intérieur de la Banque. Je demanderais des réformes dans ce domaine également.
Je demanderais également une réforme du système des membres non-résidents du conseil d'administration. S'il y avait un conseil d'administration résident dans cette banque, qui aurait permis aux gens de Pékin, comme dans d'autres BMD, de voir ce qui se passait, la situation aurait pu être différente.
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Nous reprenons nos travaux.
Je pense que nous sommes en train d'enfiler l'aiguille avec certains votes à venir, alors nous allons simplement voir ce qui se passe.
Du ministère des Finances, nous avons le plaisir d'accueillir Steven Kuhn, sous-ministre adjoint délégué, Direction des finances et échanges internationaux — vos cartes de visite doivent être à peu près de cette longueur —, et Julie Trépanier, directrice générale, Division des finances internationales et du développement.
Monsieur Kuhn, je comprends que vous allez intervenir en premier. Vous disposez de cinq minutes pour nous présenter vos observations préliminaires.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette discussion.
Je m'appelle Steven Kuhn et je suis sous-ministre adjoint délégué à la Direction des Finances et échanges internationaux du ministère des Finances. Je suis accompagné ici aujourd'hui de Julie Trépanier, directrice générale de la Division des finances internationales et de la politique de développement, au sein de notre direction générale.
L'une des responsabilités de ma direction générale consiste à superviser la participation du Canada à diverses banques multilatérales de développement — BMD—, où la vice-première ministre et ministre des Finances exerce la fonction de gouverneure. Il s'agit notamment du Groupe de la Banque mondiale, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, la BAII.
Comme vous le savez, le Canada s'est officiellement joint à la BAII au début de 2018 et la Loi sur l'accord concernant la BAII désigne le ministre des Finances comme gouverneur du Canada auprès de la BAII.
Les gouverneurs auprès des BMD, les banques multilatérales de développement, dont cette institution, portent la responsabilité de prendre les décisions de plus haut niveau dans la gouvernance de ces institutions. Depuis qu'elle a rejoint la BAII, ma direction générale est responsable des interactions du Canada avec la direction de la BAII, notamment par une représentation au conseil d'administration de la BAII. Le conseil d'administration est chargé d'orienter les opérations générales de la Banque, comme l'approbation des stratégies et politiques globales. À cet égard, la structure de gouvernance de la BAII est largement similaire à celle des autres BMD dont le Canada fait partie, avec une réserve portant sur le fait que la BAII ne dispose pas de conseil d'administration résident à temps plein, comme le témoin précédent l'a souligné.
Depuis sa création, la BAII dispose d'un conseil d'administration non résident à temps partiel, composé en grande partie des hauts responsables financiers des plus grands actionnaires de la BAII, qui se réunissent régulièrement, soit en personne, soit par des moyens virtuels. Pour le Canada, cela signifie que notre représentant fut un haut fonctionnaire de la Direction des Finances et échanges internationaux au ministère des Finances, basé ici à Ottawa.
Je vais vous donner un aperçu de la chronologie des événements dont nous discutons aujourd'hui. Ce représentant a été informé de la démission du directeur général des communications de la BAII, M. Bob Pickard, par le vice-président et secrétaire général de la BAII, tard dans la soirée du 13 juin. Les responsables du ministère des Finances, y compris le représentant du Canada de l'époque au conseil d'administration de la BAII, n'avaient pas été en contact précédemment avec M. Pickard et n'avaient pas été informés de problèmes entourant son mandat à la BAII.
Je comprends que M. Pickard a informé à peu près au même moment notre représentant canadien à notre ambassade à Pékin de sa démission et de son intention de revenir immédiatement au Canada. Tôt le 14 juin, le ministère des Finances a appris, par les publications de M. Pickard sur ses comptes de médias sociaux, ses allégations contre la BAII. M. Pickard a formulé de nombreuses observations au sujet de la BAII. M. Pickard a eu l'occasion de discuter de ces observations avec ce comité.
Plus tard le même jour, la a publié une déclaration publique mettant immédiatement fin à toute activité du gouvernement du Canada au sein de la BAII et ordonnant aux fonctionnaires du ministère de diriger un examen des allégations soulevées par M. Pickard et de la participation du Canada à la BAII. Depuis, le ministère travaille à cet examen. La vice-première ministre a annoncé le 8 décembre que le gouvernement allait élargir son examen de la BAII, en collaboration avec certains de nos plus proches partenaires internationaux. Pendant que ces travaux se poursuivent, la participation du Canada à la BAII reste suspendue.
Ceci conclut mes propos. Julie Trépanier et moi serions heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie de votre attention.
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Je pense qu'il est important de comprendre deux éléments déterminants du contexte.
Le premier est que les procédures de retrait que vous voyez dans les statuts de l'institution sont calquées sur les procédures de retrait de différentes autres banques multilatérales de développement de même nature. À ma connaissance, ces procédures n'ont été invoquées que deux fois. Cuba s'est retiré de la Banque mondiale et du FMI au milieu des années 1960. Je crois que la France s'est retirée de la Banque de développement des Caraïbes il y a environ 23 ans.
Si je rappelle ce contexte, c'est pour dire qu'il y a beaucoup de terrain juridique non testé en ce qui concerne le retrait d'un membre de la BAII ou d'autres institutions. En ce qui concerne le préavis de six mois prévu dans les statuts, il vise à protéger tous les actionnaires et l'institution elle-même: si l'institution devait faire face à des difficultés financières, les membres ne pourraient pas se retirer instantanément et donc renoncer à leur part de ces difficultés financières, qui sont hypothétiques.
Dans le cas qui nous occupe, la BAII est une institution financière notée AAA par les trois principales agences de cotation. Je pense que la question de savoir de quoi nous serions responsables est une question hypothétique. Elle n'est pas pertinente dans le contexte actuel.
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Merci, monsieur le président.
Avant de poser des questions concernant le témoignage de M. Pickard, qui a exposé un aspect un peu plus problématique, j'aimerais avoir plus de détails au sujet de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, ou BAII. Depuis que le Canada en est membre, soit depuis 2018, il a certainement dû y avoir de bons coups, de bons avantages pour les compagnies canadiennes.
Pouvez-vous nous parler de ce qui a été fait en matière de projets, par exemple?
Pouvez-vous nous parler de certains de ces bons coups? Des compagnies canadiennes en ont-elles profité?
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Merci beaucoup pour cette question.
Je pense que la question comporte deux éléments importants. Le premier concerne les avantages que l'institution financière a apportés aux pays de la région dans laquelle elle concentre ses activités, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles le Canada et d'autres membres y ont adhéré. Comme on peut le lire dans le communiqué de presse que le Canada a publié au moment de son adhésion à l'institution, il s'agit de s'assurer que la croissance économique inclusive dans la région est un objectif et cela a été la priorité de l'institution.
Depuis que l'institution existe, et elle est très jeune, elle a jusqu'à présent accordé 35 milliards de dollars américains de financement à 178 projets dans 31 pays de cette région, dont environ un tiers, 11,1 milliards de dollars, pour atténuer les pressions économiques et sanitaires exercées par la COVID. Il y a une histoire importante à raconter sur le succès de l'institution à cet égard.
Toutefois, la question portait également sur les avantages pour les entreprises canadiennes en particulier. Sous ce rapport, j'aimerais souligner quelques points. Premièrement, en ce qui concerne les contrats obtenus par des entreprises canadiennes, je suis au courant de quatre contrats accordés à des entreprises canadiennes pour des projets financés par l'institution, de neuf contrats accordés à cinq entreprises canadiennes pour des achats au sein de l'organisation elle-même, ainsi que de 13 consultants canadiens qui ont participé à différents aspects des travaux de la BAII.
Le dernier point que j'ajouterais à cet égard est le rôle important que le secteur financier canadien joue également en ce qui concerne son rôle au sein de la BAII, en notant par exemple que 16 % des opérations bancaires effectuées par l'institution ont été gérées par des institutions financières canadiennes. De plus, des institutions financières canadiennes ont participé comme souscripteurs à 8 des 10 émissions d'obligations auxquelles l'institution a participé à ce jour.
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Il serait peut-être utile que je passe en revue la séquence des événements de la mi‑juin. M. Pickard l'a fait lui-même, mais pour préciser certains détails, sa démission est survenue le 12 juin, si je ne me trompe pas. L'institution a informé les représentants de notre gouvernement le 13 juin, tard dans la soirée du lendemain. C'est le lendemain, le 14 juin, que nous avons entendu parler pour la première fois des raisons de sa démission et que les allégations faites dans les médias sociaux ont été portées à notre attention.
C'est ce même jour, le 14 juin, que la a annoncé l'arrêt des activités du Canada au sein de l'institution et le début de l'examen dont nous discutons.
En ce qui concerne le lancement de l'examen et nos conversations avec M. Pickard, l'examen a commencé immédiatement. Le 14 juin était un mercredi et dès le vendredi suivant, le 16 juin, nous avons contacté M. Pickard pour lui demander un entretien. Le premier entretien avec lui a eu lieu le 20 juin. Il ne s'est pas déroulé en personne, mais par conférence téléphonique d'une durée d'environ 30 minutes. Nous voulions commencer à entendre son histoire et avoir un premier échange avec lui.
La conversation en personne plus longue que nous avons eue avec lui, celle à laquelle je pense qu'il faisait référence dans son témoignage, a eu lieu le 4 juillet. La conversation a duré environ 90 minutes, ce qui lui a donné l'occasion de nous raconter son histoire.
Par la suite, comme il l'a indiqué dans son témoignage, nous nous sommes montrés très ouverts et nous l'avons encouragé à nous communiquer des renseignements. Par la suite, il nous a fait parvenir une trentaine de courriels renfermant des observations supplémentaires sur ce qu'il avait vécu.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées.
Je ne voudrais surtout pas mettre des mots dans la bouche de M. Pickard. De plus, je n'ai pas eu l'occasion de réviser les « bleus », mais il me semble qu'il nous a dit que, lorsque les fonctionnaires l'avaient convoqué ou plutôt invité, devrais-je dire, à leur faire part de son expérience, ces fonctionnaires se seraient montrés peu intéressés ou, à tout le moins, peu curieux. M. Pickard s'attendait à devoir fournir davantage d'exemples, mais on ne lui a jamais demandé d'en fournir.
Ne vouliez-vous pas approfondir des éléments qu'il avait évoqués dans son courriel?
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Comme je l'ai dit dans ma réponse précédente, nous avons accordé à M. Pickard tout le temps dont il avait besoin pour présenter sa version des faits lors de son témoignage oral et nous l'avons invité à poursuivre ses échanges avec nous lorsqu'il serait en mesure de nous fournir davantage de renseignements. Il l'a fait au moyen de plusieurs courriels, comme je l'ai dit.
Deux autres faits sont également importants.
D'une part, il n'a pas été en mesure de corroborer ou d'étayer son témoignage par des documents écrits. Je pense qu'il a également fourni cette explication dans son témoignage.
D'autre part, en ce qui concerne les étapes ultérieures de notre examen, il ne serait pas au courant de tout le travail que nous avons réalisé, y compris l'organisation de plus de 40 entretiens avec diverses parties, tant au sein du gouvernement qu'à l'extérieur, pour essayer de comprendre et de corroborer la gravité des allégations qu'il a formulées et de déterminer la voie à suivre dans le cadre de notre examen en cours.
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Merci, monsieur le président.
Dans votre déclaration et dans vos réponses, vous avez parlé de la participation du Canada à la BAII pour aider à promouvoir une croissance économique mondiale inclusive.
J'aimerais parler un peu du travail forcé des Ouïghours. Les États-Unis ont publié la liste des entités répertoriées au titre de l'UFLPA, une liste d'entreprises qui, selon les États-Unis, ont recours au travail forcé dans la région du Xinjiang pour l'exploitation minière et la production ou la fabrication de biens.
En ce qui concerne les investissements réalisés avec notre argent par l'entremise de la BAII, le gouvernement du Canada a‑t‑il mis en place un système pour s'assurer qu'aucun projet financé par la Banque ne contrevient à la liste des entités de l'UFLPA?
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La pause est en vigueur depuis le 14 juin. C'est la date de l'annonce initiale faite par la . Cela signifie deux ou trois choses très concrètes pour nous.
Tout d'abord, comme j'y ai fait allusion dans l'une de mes réponses précédentes, cela signifie que nous n'avons pas participé aux réunions du conseil d'administration depuis cette date, et que nous n'avons pas participé aux réunions annuelles de l'institution depuis cette date. En fait, cela signifie que l'employé de mon équipe qui avait été désigné comme administrateur suppléant, le représentant au conseil d'administration de cette institution, n'occupe plus ce poste, et notre siège au conseil d'administration de l'institution, le siège de notre administrateur suppléant, est vacant.
Cela signifie également que, bien que nous ayons effectué quatre paiements de capital à l'institution, nous avons retenu le cinquième paiement de capital, qui est maintenant en retard, et nous le retiendrons tant que cette pause sera en vigueur.
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Il serait peut-être utile d'exposer certains éléments de l'examen que nous avons entrepris jusqu'à présent; je n'ai pas eu l'occasion de le faire.
Depuis notre entretien avec M. Pickard, avec qui nous avons mené l'un de nos premiers entretiens en juin, nous avons mené une quarantaine d'autres entretiens, y compris avec des employés actuels et d'ex‑employés de l'institution, des Canadiens qui travaillent ou ont travaillé dans l'institution.
Nous nous sommes également entretenus avec des experts du gouvernement canadien, notamment au sein d'Affaires mondiales Canada.
Nous nous sommes entretenus avec des représentants de l'appareil de sécurité et du renseignement du Canada, ainsi qu'avec un certain nombre d'alliés, de partenaires et de membres. Cependant, en plus de ces 40 entretiens ou plus que nous avons menés, nous avons aussi examiné des documents publics et les documents de l'institution.
Dans son témoignage, M. Pickard a fait référence aux sondages menés auprès du personnel. Nous avons examiné ces sondages et les avons comparés à ceux menés dans des institutions similaires. Ce n'est qu'un exemple du type de documents que nous avons examinés dans le cadre de notre examen.
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Merci, madame Lalonde. Votre temps de parole est écoulé.
Nous cédons la parole à M. Chong.
Nous commençons le troisième tour. Nous accorderons cinq minutes à M. Chong, cinq minutes à M. Fragiskatos, et deux minutes et demie à M. Bergeron et à Mme Ashton.
Après quoi, il restera peut-être un peu de temps. Si cela vous intéresse, nous pourrons accorder une question à chaque parti représenté ici, et cela conclura la séance.
Monsieur Chong, vous disposez des cinq prochaines minutes.
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Je vous remercie pour cette réponse.
Permettez-moi de vous donner d'autres exemples.
En 2020, plusieurs organismes non gouvernementaux ont accusé la BAII de violer les droits de la personne et les normes environnementales en Inde lorsque 103 familles ont été déplacées de force pour faire place à un projet de métro ferroviaire financé par la BAII.
La même année, des allégations similaires concernant l'absence de normes environnementales ont été formulées à l'endroit d'un projet de la BAII financé au Bangladesh. Il s'agissait de la centrale électrique de Bhola, où une inondation s'est produite et plusieurs ouvriers ont trouvé la mort.
Un an plus tard, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a affirmé que les droits de la personne ont été violés dans un projet touristique à Mandalika, en Indonésie, financé lui aussi par la BAII, notamment en raison du déplacement et de la réinstallation forcés d'habitants.
Plus récemment, des organismes de la société civile ont allégué l'existence de pratiques de recouvrement prédatrices et abusives dans un projet de microfinancement au Cambodge financé par la BAII.
Avec tous ces projets, il semble qu'une tendance se dessine en ce qui concerne un modèle de gouvernance différent de celui d'organisations multilatérales et de banques de développement, notamment la Banque mondiale.
Dans tous ces cas, comment le financement de ce type de projets peut‑il être cohérent avec les priorités officielles de la politique étrangère du gouvernement?
Il y a trois raisons générales pour lesquelles le Canada et d'autres membres participent à des banques multilatérales de développement, y compris la BAII.
La première, comme je l'ai dit et comme l'exposait le communiqué de presse annonçant l'adhésion du Canada à cette institution, c'est que nous souhaitons favoriser une croissance économique inclusive dans cette région — dans ce cas précis, la région de l'Asie — et que cela s'inscrit dans la stratégie pour l'Indo-Pacifique et d'autres priorités de la politique étrangère du gouvernement.
La deuxième raison essentielle pour laquelle le Canada participe à des banques multilatérales de développement, y compris celle‑ci, est de veiller à ce que les discussions qui ont lieu au sein de ces conseils d'administration tiennent compte des priorités et des valeurs canadiennes. Celles‑ci incluent les enjeux liés au travail forcé, dont nous avons parlé. Elles incluent les enjeux liés à la protection de l'environnement. Elles incluent les enjeux liés à l'égalité des sexes, et je pourrais en citer quelques autres.
L'important n'est pas que nous puissions opposer notre veto à tous les projets avec lesquels nous ne sommes pas d'accord, mais que nous puissions veiller à ce que les priorités et les valeurs canadiennes soient prises en compte lorsque l'institution examine ces projets.
Bien sûr, comme nous en avons discuté, la troisième raison concerne les débouchés commerciaux qui profitent aux Canadiens grâce à notre participation à l'institution.
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Je pense que le Canada a eu de nombreuses conversations ou de nombreux débats au sein du conseil d'administration de la BAII grâce auxquels nous avons réussi à créer des coalitions autour de cette table et à faire évoluer l'institution dans un sens qui ne correspond pas à ce que la Chine aurait pu souhaiter, malgré le fait qu'elle en est le principal actionnaire.
Je pense, par exemple, à la politique menée il y a quelques années, lorsque la BAII a annoncé qu'elle n'investirait pas dans des projets ou des infrastructures liés au charbon dans le cadre d'une politique climatique. Elle en a décidé ainsi parce que le Canada était présent à la table et avait insisté sur cet enjeu important.
Le traitement réservé à la Russie par la BAII, dans le contexte de l'agression contre l'Ukraine, est un autre exemple qui ne s'est produit que grâce au leadership du Canada. Par exemple, en 2022, les assemblées annuelles étaient censées se tenir en Russie, à Moscou, et nous avons été en mesure de former une coalition au sein de l'institution pour veiller à ce que cela ne se produise pas. Les activités de l'institution concernant la Russie sont également suspendues pour une durée indéterminée.
Ce sont des choses qui se produisent parce que nous sommes à la table, parce que nous avons des conversations, des conversations difficiles. Non, nous ne tenons pas le haut du pavé dans toutes nos conversations— c'est la nature même du travail dans un contexte multilatéral — mais nous avons ces conversations, et c'est un premier pas important.
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Je vais revenir à ma question précédente.
Monsieur Kuhn, au sujet des discussions qui ont eu lieu avec vos homologues de l'Australie, de l'Allemagne, de la Suède et du Royaume‑Uni, vous m'avez dit que vous ne pouviez pas vous livrer à des spéculations.
Je ne vous demande pas de vous livrer à des spéculations. Je vous demande simplement si, sur la base des discussions que vous avez eues avec vos homologues, ou que nos représentants — pas nécessairement vous personnellement — ont eues avec leurs homologues de l'Australie, de l'Allemagne, de la Suède et du Royaume‑Uni, il y avait des préoccupations communes relativement à ce qui nous préoccupe présentement.
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Je vous remercie de votre question.
Je pense que la façon la plus simple de comprendre la participation des autres pays est peut-être de commencer par reconnaître l'examen interne, dont nous avons entendu parler précédemment, que la BAII mène sur certains enjeux qui ont été répertoriés. Les partenaires qui siègent toujours au conseil d'administration de l'institution, pendant que le Canada s'en est retiré, regardent cet examen et tentent de demander des comptes à l'institution sur les enjeux liés à la gouvernance et à la culture, sur le mécanisme des plaintes et sur les problèmes de ressources humaines. Ces questions sont au coeur de l'examen et de certains des problèmes auxquels ces pays sont confrontés.
Pour notre part, dans le cadre de notre examen, les 19 recommandations qui ont été formulées et que le conseil d'administration examine sont importantes, mais elles ne sont pas suffisantes. Elles ne traitent pas entièrement de l'étendue et de la gravité des allégations qui ont été formulées. Nous devons y ajouter d'autres domaines d'examen et d'autres éléments dont nous aimerions tenir compte dans la poursuite de notre examen.
Ces quatre partenaires et d'autres avec lesquels nous nous sommes entretenus ont des points communs avec certains éléments de l'examen, mais je ne voudrais pas m'avancer sur le fait qu'ils partagent ou non tous les éléments de l'examen que nous avons entrepris.
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J'ai une question brève.
On a fait référence à des projets qui posent des problèmes parce qu'ils provoquent des déplacements. Je représente une région ravagée par le développement hydroélectrique qui a déplacé des milliers d'Autochtones et détruit l'environnement. Évidemment, cela ne fait pas partie de la BAII, mais c'est un gouvernement canadien qui a approuvé un projet de cette nature.
Sur le thème plus général, à propos de certains projets que j'ai vus sur le site Web, nous parlons de questions de vie ou de mort. Pensez-vous que les Canadiens jugeraient qu'il est important d'investir dans ce type d'initiatives sur le terrain, que ce soit dans le domaine de la santé ou, franchement, du climat?
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Nous avons commencé en retard, monsieur Oliphant.
Encore une fois, par souci d'équité, comme je l'ai dit, je n'ai pas voulu léser le Comité.
Y a‑t‑il d'autres questions?
Un député: Je propose de lever la séance.
Le président: Nous sommes appelés à voter sur une motion d'ajournement.
Des députés: D'accord.
Le président: Très bien, je vous remercie.
Je vous souhaite à tous un très joyeux Noël.
Merci encore à nos analystes et à notre greffière.
Un député: Nous serons de retour lundi.
Le président: Non, pas du tout.
À nos interprètes et à tout le personnel qui nous aide, je vous souhaite de passer un merveilleux temps des Fêtes.
La séance est levée.