FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 3 avril 2003
¿ | 0910 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. Kim Nossal (professeur de science politique, Université Queen's) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Pierre Martin (professeur de science politique, Université de Montréal) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Pierre Martin |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Pierre Martin |
Le président |
M. Kim Nossal |
Le président |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) |
¿ | 0950 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)) |
M. Pierre Martin |
M. Kim Nossal |
¿ | 0955 |
M. Stéphane Bergeron |
M. Kim Nossal |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.) |
M. Kim Nossal |
À | 1000 |
M. Pierre Martin |
M. Murray Calder |
M. Kim Nossal |
M. Murray Calder |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Murray Calder |
M. Kim Nossal |
M. Pierre Martin |
M. Murray Calder |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
À | 1005 |
M. Kim Nossal |
À | 1010 |
Mme Alexa McDonough |
M. Kim Nossal |
M. Pierre Martin |
À | 1015 |
Mme Alexa McDonough |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.) |
M. Pierre Martin |
M. Kim Nossal |
À | 1020 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC) |
M. Kim Nossal |
À | 1025 |
M. Greg Thompson |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Greg Thompson |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Keith Martin |
M. Pierre Martin |
À | 1030 |
M. Kim Nossal |
À | 1035 |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ) |
À | 1040 |
M. Pierre Martin |
M. Odina Desrochers |
M. Pierre Martin |
M. Odina Desrochers |
M. Pierre Martin |
M. Odina Desrochers |
M. Pierre Martin |
À | 1045 |
M. Odina Desrochers |
M. Pierre Martin |
M. Odina Desrochers |
M. Pierre Martin |
M. Odina Desrochers |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Odina Desrochers |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. Odina Desrochers |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
Mme Alexa McDonough |
M. Kim Nossal |
À | 1050 |
M. Pierre Martin |
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau) |
M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.) |
M. Pierre Martin |
À | 1055 |
M. André Harvey |
M. Pierre Martin |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne) |
Le président |
L'hon. Diane Marleau |
Á | 1100 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
M. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.) |
Á | 1105 |
M. Greg Thompson |
Mme Aileen Carroll |
Á | 1110 |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
M. Stockwell Day |
Mme Aileen Carroll |
M. Stockwell Day |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
Mme Alexa McDonough |
Mme Aileen Carroll |
Mme Alexa McDonough |
Mme Aileen Carroll |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
Á | 1115 |
Le président |
M. Keith Martin |
Le président |
Á | 1120 |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
M. Stéphane Bergeron |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 avril 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous nous réunissons aujourd'hui pour une étude du dialogue sur la politique étrangère du ministre des Affaires étrangères.
Nous accueillons ce matin deux témoins. Le premier est M. Kim Richard Nossal, de l'Université Queen's. M. Nossal a enseigné au Département de science politique de l'Université McMaster et a présidé ce département de 1992 à 1996. En 2001, il a été nommé professeur et chef du Département de science politique et professeur de l'École des études politiques de l'Université Queen's.
[Français]
Aussi, de l'Université de Montréal, nous avons le plaisir d'avoir avec nous ce matin M. Pierre Martin. M. Martin est professeur agrégé au Département de science politique de l'Université de Montréal. En 1999-2000, il était professeur invité à l'Université Harvard, au Department of Government et Weatherhead Center for International Affairs, en tant que William Lyon Mackenzie King Visiting Associate Professor of Canadian Studies et en tant que boursier Fulbright.
Bienvenue à vous deux.
[Traduction]
Nous allons commencer par M. Nossal. Je vous laisse la parole.
M. Kim Nossal (professeur de science politique, Université Queen's): Merci beaucoup, monsieur Patry.
C'est avec grand plaisir que je comparais devant vous ce matin pour participer à ce dialogue des parlementaires sur la politique du ministre des Affaires étrangères.
Je suis également ravi de voir ici ce matin mon collègue Pierre Martin. Pierre concentrera sur le présent et pour ma part, je me fonderai sur quelques leçons du passé, en réponse à la seconde question du document d'études que le comité a publié en mars 2003. Cette question est très simple : comment les engagements du Canada en matière de plurilatéralisme peuvent-ils être conjugués à des efforts pour influer sur la politique américaine?
Qu'un gouvernement canadien tente d'influencer la politique internationale américaine n'a en soi rien de nouveau. Au contraire, ces efforts constituent l'ordinaire de la diplomatie canadienne depuis que les États-Unis sont devenus une puissance mondiale au début du XXe siècle.
Si je vous parle d'histoire ce matin, c'est qu'il est utile à mon avis d'examiner le présent à la lumière du passé. Pour me préparer à la discussion de ce matin, j'ai consulté l'ouvrage de Denis Stairs sur la guerre de Corée, un livre intitulé The Diplomacy of Constraint , qui a été publié en 1974.
Ce livre demeure très pertinent, même s'il porte sur un conflit vieux de plus de 50 ans, non seulement parce qu'on y donne un excellent compte rendu de la diplomatie canadienne dans cet important conflit, mais aussi parce que Denis Stairs en tire des enseignements qui sont encore valables aujourd'hui.
Le gouvernement canadien a déployé de grands efforts en Corée pour limiter les élans du gouvernement démocrate de Harry S. Truman et l'expansion des visées guerrières de son administration. On s'inquiétait beaucoup à Ottawa des répercussions qu'aurait l 'inclusion dans ce conflit de la guerre civile en cours entre les nationalistes chinois, au sujet de Taïwan, et la République populaire communiste de Chine récemment créée. Les diplomates canadiens ont essayé à plusieurs reprises de modifier et de modérer le cours de la politique américaine; il faut toutefois noter que ces efforts n'ont pas toujours été couronnés de succès.
Ce qui est important au sujet de la guerre de Corée, ce sont les principes sur lesquels s'est guidé Lester Pearson, le ministre des Affaires étrangères du Canada à l'époque.
Voici ce qu'écrit Stairs à ce sujet :
Pearson était convaincu qu'en amenant les décideurs des grandes nations à travailler dans un cadre multilatéral, on pouvait exercer une plus grande influence sur leur comportement. Dans un tel cadre, ils sont assujettis aux exigences et aux pressions d'États plus petits... Par contre, il est essentiel de se rappeler que la principale caractéristique des grandes puissances est leur capacité, tout compte fait, de traiter les puissances moins grandes comme des éléments accessoires. Compte tenu de cela, l'influence que peuvent exercer les puissances moins grandes est toujours limitée par le degré d'importance qui est accordé à leurs opinions. |
À mon avis, ces principes demeurent tout aussi pertinents aujourd'hui qu'ils l'étaient en Corée, au début des années 50. Il faut toutefois noter qu'il existe une condition essentielle, pour que le gouvernement canadien puisse exercer une influence sur la politique étrangère américaine, et c'est que le gouvernement de Washington doit être prêt à écouter l'opinion des Canadiens à ce sujet. La question a toujours été et demeure encore de savoir comment y arriver.
Le regretté John W. Holmes était un diplomate canadien des années 50 qui est devenu directeur de l'Institut canadien des affaires internationales et qui a enseigné la science politique à l'Université de Toronto dans les années 60 et 70, ainsi qu'au début des années 80. Il a supervisé les études de doctorat d'un bon nombre de professeurs de science politique de tout le Canada, y compris moi-même, et il était, à mon avis en tout cas, l'un des observateurs les plus avisés des relations entre le Canada et les États-Unis.
Holmes disait toujours que les États-Unis avaient besoin d'amis comme le Canada pour leur signaler quand ils avaient mauvaise haleine, autrement dit, quand, de l'avis des Canadiens, les Américains commettaient des erreurs dans leurs affaires internationales. Mais ce que disait Holmes surtout, c'est que quand un ami a mauvaise haleine, que fait-on? Le crie-t-on sur les toits? Lui fait-on la leçon? L'humilie-t-on devant tous? Faut-il être grossier avec lui, l'insulter ou s'en moquer? Faut-il insister lourdement sur le sujet? Faut-il se livrer à des attaques personnelles et puériles? Non.
¿ (0915)
Comme Holmes le disait toujours, la sagesse consiste d'abord à comprendre que lorsqu'un différend oppose des amis, il est grandement préférable de ne pas exhiber sa vulnérabilité, de ne pas proclamer fièrement à la face du monde que vous avez raison et que l'autre a tort—autrement dit, il vaut beaucoup mieux faire preuve de politesse et exercer des efforts discrets pour amener l'autre à changer d'avis.
C'est là une leçon que tous les enfants gâtés finissent par apprendre un jour, mais elle s'applique tout autant aux affaires internationales qu'aux relations interpersonnelles. De même, la sagesse c'est aussi de comprendre que dans les faits, le diplomatie n'est pas un travail ponctuel; ce que vous dites aujourd'hui reviendra inexorablement vous hanter demain; si vous voulez continuer d'entretenir plus tard de bonnes relations, il faut éviter que vos actes d'aujourd'hui puissent y porter ombrage à l'avenir.
C'est là un principe que, je le répète, une vaste majorité de gens connaît et exerce au niveau interpersonnel. Mais à titre de politicologue, je trouve toujours intéressant de voir combien de gens supposent que ces règles élémentaires des relations entre personnes ne s'appliquent tout simplement pas aux relations entre nations.
Si tout cela vous semble un peu familier, c'est que les Canadiens ont tenu le même débat il y a une quarantaine d'années déjà au sujet de la guerre du Vietnam. Pearson et son ministre des Affaires étrangères, Paul Martin père, étaient convaincus que le gouvernement Johnson avait tort dans sa politique relative au Vietnam. Mais au lieu d'user de la diplomatie qui lui avait été si avantageuse dans les années 50, Pearson a décidé de tenter d'influer sur la politique de guerre du gouvernement américain en manifestant très publiquement son opposition à l'escalade de ce conflit.
Comme nous le savons tous, ces efforts ont eu des effets catastrophiques. Ils ont détruit la relation entre Pearson et Johnson et fait en sorte que durant tout le reste du mandat de premier ministre de Pearson, Washington a fait la sourde oreille au Canada en matière d'affaires étrangères. En fait, la relation était en si piètre état qu'on a demandé aux deux hauts fonctionnaires principaux des deux côtés de la frontière, Livingston Merchant et A.D.P. Heeney, comment il conviendrait de gérer cette relation. Ils ont publié à l'été de 1965 un rapport intitulé Principles for Partnership, dans lequel ils ont énoncé un certain nombre de règles élémentaires logiques pour traiter les désaccords en matière de politique internationale.
Si je fais l'éloge de la diplomatie discrète que recommandaient Merchant et Heeney dans leur rapport, c'est en raison des conséquences que pourrait avoir l'abandon de tels principes. Premièrement, en abandonnant ces principes, vous vous assurez de ne plus avoir aucune pertinence. Personne n'aime être humilié ou insulté, surtout publiquement. La personne que vous insultez se contentera de vous ignorer et de vous tenir à l'écart. En fait, elle se fera un grand plaisir de ne tenir aucun compte de vous. Si cela se produit, il ne vous reste plus qu'à critiquer en marge. Vous aurez beau vous draper dans votre dignité, vos colères seront sans effet.
Deuxièmement, en n'appliquant pas les principes de la diplomatie discrète, on risque sérieusement que les querelles suscitées dans un domaine de la relation nuisent au climat dans d'autres domaines.
Dans le contexte des relations canado-américaines, on nous rebat constamment les oreilles du vieil argument selon lequel les États-Unis exerceront contre nous des mesures de représailles si nous manifestons notre désaccord avec leur politique étrangère. Compte tenu du récent rapport sur les relations entre le Canada et les États-Unis, je n'ai pas besoin de vous dire que la politique ne fonctionne pas de cette façon en Amérique du Nord. Il faut plutôt dire que les Canadiens ont un intérêt durable à conserver un certain type de relation avec les États-Unis.
En 1981, lorsque le gouvernement Reagan venait d'arriver au pouvoir et que les relations canado-américaines s'orientaient vers un de leurs refroidissements cycliques, John W. Holmes a écrit ce qui suit :
Il est très important que le Canada conserve des relations amicales avec le gouvernement élu par les Américains, quel qu'il soit. Il ne faut pas pour autant se transformer en béni-oui-oui, mais il faut faire attention de ne pas déclencher de querelle. Sinon, nous risquons non seulement de nuire à nos intérêts en place, mais aussi de rendre Washington moins disposé à écouter nos plaidoyers sur les affaires internationales. |
Vingt ans plus tard, Denis Stairs, de l'Université Dalhousie, répète le conseil de Holmes. Vous connaissez tous ses arguments, c'est-à-dire que la politique étrangère canadienne n'a qu'un seul impératif : le maintien de relations politiques amicales et, par conséquent, de relations économiques efficaces, avec les États-Unis. À son avis, le fait de ne pas maintenir de telles relations amicales aura des conséquences beaucoup plus subtiles et beaucoup plus néfastes pour les intérêts canadiens.
¿ (0920)
Ce que je dis, ce n'est pas que le gouvernement canadien devrait, dans le simple but de protéger l'ouverture de la frontière, fermer les yeux sur tous les désaccords qui peuvent survenir entre lui et les États-Unis dans les dossiers internationaux. Je dis plutôt qu'il y a des façons plus habiles que d'autres de traiter avec les États-Unis. À mon avis, les méthodes utilisées au cours de la dernière année n'étaient pas des plus habiles. Le résultat en est qu'à court terme du moins, Washington ne tient plus compte de l'opinion du Canada en matière de politique étrangère et que la bonne gestion de la relation bilatérale s'en trouve grandement compromise. Il faut reconnaître également que la richesse et les conditions de vie des Canadiens peuvent être menacées par une récession ou une vague de chômage résultant de resserrements de la frontière canado-américaine.
Mais ce sont là des effets à court terme. L'expérience du passé indique que nous verrons bientôt de nouveaux dirigeants qui auront à coeur de réparer les dégâts considérables causés à la relation canado-américaine au cours des 12 derniers mois. C'est à ce moment qu'il conviendra à mon avis de revenir au principe de la diplomatie discrète que d'anciens leaders canadiens ont su par le passé utiliser à si bon escient. C'est alors qu'il faudra redécouvrir pourquoi les gouvernements canadiens se sont montrés plus efficaces en se retenant de faire publiquement un pied de nez à l'empire américain lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec leurs politiques internationales.
Merci.
[Français]
Le président: Thank you.
Monsieur Martin, s'il vous plaît.
M. Pierre Martin (professeur de science politique, Université de Montréal): Merci, monsieur le président.
C'est, bien sûr, un plaisir pour moi d'être parmi vous ce matin, d'autant plus que je me retrouve en compagnie d'un collègue que j'estime beaucoup et dont je partage pour une large part les idées sur les sujets dont nous aurons à discuter. Je retrouve aussi des visages familiers, et ça me fait plaisir puisque c'est la première fois que je me retrouve devant un comité comme celui-ci.
L'examen de l'ensemble d'une politique étrangère est un exercice difficile dans des circonstances comme celles qu'on vit maintenant. J'admets que je ne souhaiterais pas être à votre place parce qu'on se trouve dans une situation bien particulière. On est dans une situation où certains aspects de la politique étrangère posent des défis particuliers et où on peut perdre une vue d'ensemble.
Les questions que j'ai choisi d'aborder sont reliées à celles dont nous a parlé Kim Nossal, mais je vais laisser de côté les leçons du passé pour aborder directement quelques défis du présent et de l'avenir. J'aborde deux questions de fond. La première est tirée du document d'orientation que le ministre a fait circuler pour lancer le débat. C'est la deuxième question du document:
À la lumière de l’évolution de la situation mondiale, le Canada doit-il continuer à orienter sa politique étrangère en fonction d’une stratégie reposant sur les « trois piliers », ou doit-il plutôt rechercher un nouvel équilibre? |
La deuxième question est celle dont a parlé Kim Nossal et elle est aussi tirée du document de discussion que le comité nous a fait parvenir:
Comment la participation du Canada au multiculturalisme peut-elle être conjuguée à ses efforts visant à exercer une influence auprès des États-Unis? |
En bref, je pense qu'on peut gagner en reformulant ces questions d'une façon beaucoup plus simple. La première question se présenterait comme suit: à quoi doit servir la politique étrangère? La deuxième serait: comment fait-on pour gérer la relation avec les États-Unis? C'est une entreprise difficile s'il en est une.
On a beau concevoir une politique pour un monde meilleur, tel que l'annonce le document, mais on est bien forcé d'admettre que pour le Canada, les États-Unis représentent une partie très importante, sinon dominante de ce monde.
Selon les trois piliers de la politique qui a été énoncée en 1995, le Canada devait assurer la sécurité du pays, promouvoir la prospérité et diffuser les valeurs et la culture canadiennes. À mon sens, les deux premiers objectifs sont incontournables et tout à fait normaux. En fait, tous les pays en ont une version ou une autre dans leur politique étrangère. Donc, tout État doit assurer à ses citoyens un certain niveau de sécurité physique et de bien-être matériel, qui vont de pair avec les autres objectifs de développement humain et social.
Par contre, le troisième objectif, celui de la promotion des valeurs et de la culture, me semble aller beaucoup moins de soi. À mon avis, c'est plutôt un objectif de deuxième degré, parce qu'on doit quand même se demander pourquoi on doit projeter ces valeurs. En ce qui me concerne, je pense qu'il se cache quelque chose de plus fondamental derrière un tel objectif. Ce qu'il faut chercher à comprendre, ce sont les choses intangibles qu'on peut rechercher en plus de la sécurité physique et morale. Pourquoi veut-on défendre, projeter ou promouvoir ces valeurs? C'est d'abord et avant tout parce qu'on veut se les assurer à soi-même. On veut se donner un sentiment d'identité, savoir qui on est. On veut avoir une autonomie et avoir le sentiment de contrôler sa propre destinée. Finalement, il y a l'idée qu'on se fait de ce qu'on veut accomplir, ou le sense of purpose. Malheureusement, je tire mes commentaires d'un texte anglais et j'arrive difficilement à traduire l'expression sense of purpose.
¿ (0925)
Comme je n'ai peut-être pas autant le sens de la formule que ceux qui feront la synthèse de vos travaux pour essayer de redéfinir les piliers s'il y a lieu, je désignerai ici ce troisième pilier par le nom platement descriptif de «sécurité psychologique». Donc, il y a la sécurité physique et la sécurité matérielle, mais il est tout aussi important de se sentir à l'aise avec soi-même. C'est, à mon avis, ce qui est recherché par cette notion de projection et de promotion de la culture et des valeurs.
Les plus perspicaces parmi vous auront sans doute noté que ces trois piliers ne sont pas uniques à la politique extérieure. J'ajouterai que si le Canada est confronté aujourd'hui à ce genre de question dans le cadre de sa politique étrangère, ce sont des questions qui ont longtemps été au coeur de ses préoccupations en politique intérieure.
Toutefois, si on se limite à la politique étrangère, qu'on parle de sécurité physique, matérielle ou psychologique, on ne peut pas contourner l'énorme impact de la relation avec les États-Unis.
En bref, le problème du Canada est que, pour ce qui est de la sécurité matérielle et de la sécurité physique, il est presque entièrement dépendant de sa relation avec les États-Unis. Je ne vous réciterai pas des statistiques de commerce et je ne parlerai pas du fait que l'alliance dont on fait partie est dominée de façon outrageuse, selon certains, par notre voisin, et de façon réconfortante pour d'autres étant donné les menaces à notre sécurité physique. Mais il reste que l'immense domination de la puissance américaine va générer, même chez ses meilleurs amis, un niveau non négligeable d'insécurité du troisième type, c'est-à-dire d'insécurité psychologique.
Pour simplifier les choses et pour vous provoquer un peu, si ce n'est déjà fait, je dirai qu'après s'être donné l'impression que leurs débats identitaires internes sont réglés, certains Canadiens se sentent obligés de se placer en opposition directe avec les États-Unis pour se réconforter dans leur propre identité. Je ne veux surtout pas dire ici qu'il faut à tout prix éviter d'exprimer des désaccords de principe avec nos voisins, mais si on le fait, il faut être prêts à en payer le prix. Et si on le fait, comme le mentionnait Kim Nossal tout à l'heure, il faut accorder une attention particulière à la manière d'exprimer ces désaccords et au contexte dans lequel ces désaccords émergent.
Par exemple, je pense que les Canadiens ont, dans l'ensemble, sous-estimé l'impact qu'ont eu les événements du 11 septembre 2001 sur le sentiment d'insécurité physique des Américains et sur leur détermination à aller au-devant du danger ou des dangers qu'ils perçoivent.
Dans ce nouveau contexte, il convient de dire quelques mots sur certains des défis que représentent les enjeux de sécurité bilatéraux. Je vais être relativement bref sur ces enjeux. J'en retiens cinq, sur lesquels je dirai seulement quelques mots. Je suis certain qu'on pourra en discuter plus en détail par la suite.
Il y a d'abord la défense continentale. À ce sujet, je crois que les changements représentés par l'intégration des forces, entre autres avec la création de Northcom, étaient d'abord une question de degré plutôt qu'une question de nature de la collaboration de défense avec les États-Unis. Il s'agissait d'étendre à l'ensemble des forces un modèle qui existait déjà avec le NORAD, ce qui, à mon avis, était loin de justifier les innombrables objections qui ont été soulevées par certains qu'on appellerait, en termes analytiques, des nationalistes canadiens. Donc, la levée de boucliers qui a eu lieu au printemps passé, lorsque qu'on a discuté de ces enjeux, ne reposait pas sur des arguments très solides, à mon sens.
Deuxièmement, si on élargit un peu la notion de défense continentale, il est clair que des problèmes vont se poser, notamment en ce qui a trait à la défense antimissile. Si vous pensez que les relations avec nos voisins sont tendues, attendez qu'on discute de la défense antimissile, qui est la priorité des priorités pour la défense de leur propre territoire, dans une relation purement bilatérale avec le Canada. Si on est malmenés aujourd'hui, attendez demain: cet enjeu ne sera pas facile.
¿ (0930)
Donc, même si les militaires canadiens semblent assez ouverts à une participation du Canada à cette défense, c'est un choix qui me paraît assez difficile à soutenir politiquement, entre autres à cause de l'opinion canadienne qui y est plutôt défavorable, probablement encore plus aujourd'hui. Je pense que même sur le fond, il y a d'énormes problèmes dans la politique en tant que telle. Même si j'étais au sud de la frontière, je soutiendrais la même chose.
Par contre, si on dit non aux Américains sur la défense antimissile, ce qui me semble une option tout à fait raisonnable quant au fond de la politique, il faudra s'attendre à en payer le prix, entre autres au niveau des retombées présumées d'un tel programme.
Troisièmement, il y a la gestion des frontières et l'éventuel établissement de ce qu'on a appelé le périmètre de sécurité nord-américain. Là-dessus, je pense qu'il faut au moins retenir la chose suivante: même si le Canada harmonisait entièrement ses contrôles à l'entrée sur le continent nord-américain avec la politique des États-Unis, il me paraît illusoire de croire que nos voisins abandonneraient leur prérogative de contrôler l'entrée sur leur propre territoire si l'état d'esprit actuel quant à la sécurité ne change pas dans les années à venir. L'essentiel dans ce domaine reste, à mon avis, d'assurer le passage le plus fluide et efficace possible à la frontière, en tenant compte des préoccupations de sécurité très élevées qui resteront présentes aux États-Unis.
À mon sens, il n'y a pas vraiment d'échange possible sur le contrôle du périmètre nord-américain ou d'éventuelles concessions sur le passage de la frontière. Le passage de la frontière va rester un problème à gérer en fonction de la nouvelle donne de sécurité dans la perspective américaine.
Le quatrième enjeu n'est pas nouveau. C'est l'écart entre l'ampleur des engagements internationaux du Canada et sa capacité de les mettre en oeuvre sur le terrain. Je pense que nous avons parmi nous un ex-ministre de la Défense nationale qui sait précisément de quoi je parle quand je mentionne la différence qui peut exister entre les engagements et la capacité de remplir ces engagements, ne serait-ce que sur le plan strictement militaire.
Que ce soit sur le plan des dépenses militaires ou de l'aide internationale, je ne peux que reprendre encore une fois une expression de mon collègue ici, qui avait parlé, il y a quelques années, de pinchpenny diplomacy», ce qu'au Québec, on pourrait traduire ces jours-ci par «une diplomatie à la Séraphin». C'est donc un problème majeur dans la mesure où on cherche à se donner une zone d'autonomie. On cherche à se donner un rôle important, mais on persiste à refuser de s'en donner les moyens.
Le problème, c'est qu'il faudrait une augmentation considérable des ressources consacrées entre autres à l'aide étrangère, mais surtout à la défense. Même si on a une opinion publique assez réceptive à de telles hausses, un effort financier de cette ampleur nécessiterait de la part des leaders politiques canadiens qu'ils sachent articuler clairement et efficacement les motifs pour lesquels on doit exiger de tels sacrifices de la part des citoyens. Je ne crois pas qu'on ait fait preuve, dans les dernières années, de la capacité d'articuler clairement les objectifs d'une politique et d'expliquer pourquoi on demande aux citoyens de s'engager dans des dépenses considérables.
Cinquièmement et finalement, et on approche des enjeux du jour, l'intervention armée en Afghanistan et le conflit actuel en Irak ont forcé le Canada à envisager les circonstances dans lesquelles l'usage de la force est considéré comme acceptable. Dans le cas de l'Afghanistan, il était assez clair qu'il s'agissait d'une situation dans laquelle il était extraordinairement difficile de dire non aux États-Unis. En toute conscience, les Canadiens ont joint sans hésiter l'effort d'intervention en Afghanistan, qu'on qualifiera comme on le voudra.
¿ (0935)
Par contre, dans le cas de l'Irak, le Canada a choisi de situer l'enjeu dans le cadre multilatéral, c'est-à-dire de définir l'enjeu comme un test de sa position de principe en faveur du multilatéralisme, mais ce n'est pas comme ça que les États-Unis l'ont vu. En fait, le Canada a assez bien articulé sa position en termes de défense du multilatéralisme, mais ne s'est pas prononcé sur le mérite même, sur le fond de l'intervention, ce qui a provoqué de l'insatisfaction et un peu de confusion chez les Américains. Par exemple, en adoptant une position qui appuyait une date limite en vue d'une intervention éventuelle, on n'a jamais exclu que l'intervention serait justifiée, sans mentionner tous les autres éléments d'ambiguïté que vous connaissez tous beaucoup mieux que moi: on refuse de participer, mais on participe; on refuse d'appuyer, mais en fait, on ne s'oppose pas. Voilà toutes sortes de pirouettes qui ont rendu la position un peu difficile à identifier.
Par exemple, en 1998, alors que l'ancien président américain, Bill Clinton, utilisait la force en Irak sans avoir cherché un mandat du Conseil de sécurité de quelque nature que ce soit, le Canada avait plus ou moins approuvé, à mots couverts mais de façon assez claire, cette intervention qui, à l'époque, ne semblait pas justifier une nouvelle intervention du Conseil de sécurité. Il demeure donc une certaine dimension d'ambiguïté.
Dans les circonstances, je pense que le Canada, en choisissant de jouer un rôle intermédiaire, s'est donné un rôle valable, qu'il aurait pu remplir. Ce rôle intermédiaire que le Canada aurait voulu se donner aurait pu permettre de rétablir certains ponts entre les États-Unis et leurs alliés, mais pour cela, il aurait fallu que les liens avec les États-Unis n'aient pas été remis en question par une stratégie de communication qu'on pourrait qualifier, au mieux, de maladroite, pour les raisons que Kim Richard Nossal a bien résumées tout à l'heure et qui, j'en suis certain, feront l'objet d'une discussion animée entre nous.
Merci.
En passant, je pourrai répondre aux questions en anglais ou en français, mais mon texte était en français.
¿ (0940)
[Traduction]
Le président: Très bien.
Nous allons commencer la période de questions. Nous entendrons d'abord M. Martin, puis M. Bergeron et M. Calder.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur Patry.
Messieurs Martin et Nossal, permettez-moi d'abord de vous remercier de venir nous rencontrer aujourd'hui. J'ai trois questions à vous poser.
Premièrement, que devrait-on faire plus précisément pour réparer les pots cassés, pour réparer les dégâts causés à notre relation avec les États-Unis?
Monsieur Nossal, je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait qu'il est plus prudent d'user de diplomatie discrète en cas de désaccord, dans la gestion de notre relation avec les États-Unis. Mais finalement, si nous sommes fondamentalement en désaccord sur une question de politique publique, comment pouvons-nous exprimer ce désaccord sans empoisonner notre relation avec les États-Unis tout en nous assurant de conserver notre droit de prendre indépendamment nos propres décisions en matière de politique publique, en tant que nation indépendante?
Enfin, notre relation avec les États-Unis n'est pas à sens unique. Lorsque l'ambassadeur Cellucci dit que les Américains seraient solidaires du Canada si nous nous retrouvions dans les mêmes difficultés que les États-Unis, la déclaration semble un peu creuse, à mon avis, compte tenu des problèmes que nous avons eus dans les dossiers du bois d'oeuvre et des subventions à l'agriculture. Comment pouvons-nous faire savoir aux États-Unis que la relation doit être réparée des deux côtés?
Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Martin.
[Traduction]
M. Pierre Martin: Pour répondre à votre première question, sur la façon de réparer la relation, j'estime que certaines des dimensions de cette relation ne peuvent plus être réparées—c'est le cas par exemple de certains éléments des relations interpersonnelles et des messages que certaines actions ou certaines omissions lancent aux États-Unis, entre autres les déclarations de certains membres du cabinet du premier ministre ou de son personnel, déclarations dont le premier ministre ne juge pas nécessaire de punir concrètement les auteurs. Je l'ai déjà écrit et je le répète volontiers. À mon avis, la déclaration au sommet de l'OTAN... Et cela n'a rien à voir avec les États-Unis. On aurait jugé répréhensible que la même chose soit dite au sujet du leader du Luxembourg. À mon avis, il aurait été justifié d'agir immédiatement.
Le problème aurait pu être étouffé en quelques heures si le premier ministre avait renvoyé immédiatement son aide à Ottawa en attendant de pouvoir examiner la situation. Je ne crois pas qu'il avait vraiment besoin de ce genre de conseil en matière de communication, mais il n'aurait pas été obligé de renvoyer ce conseiller et de se priver de ses services.
Mais c'est beaucoup plus grave lorsque de tels commentaires viennent d'un membre du cabinet et que la seule réaction est une vague déclaration sur le fait que le premier ministre ne partage pas l'opinion exprimée par ce membre du cabinet. Cette stratégie de communication irrite nos alliés, à tous les niveaux. Une chose comme celle-là ne peut pas être réparée, surtout compte tenu de ce que le premier ministre quittera bientôt son poste.
¿ (0945)
Le président: Je rappelle à nos témoins que la période de cinq minutes s'applique à la question et à la réponse. Si vous prenez les cinq minutes pour répondre à une question, il ne vous restera plus de temps pour répondre aux autres.
M. Pierre Martin: À l'université, nous donnons des cours de trois heures. C'est pour cela que je prends tant de temps.
Le président: Non, je sais que c'est parce que vous enseignez. Je veux simplement donner une chance égale à tous les députés.
Monsieur Nossal.
M. Kim Nossal: Permettez-moi de continuer dans la même veine que Pierre, parce que sa réponse à la première question peut s'appliquer également à la deuxième. Est-il possible de dire non aux États-Unis? Tout à fait. Le Canada devrait-il s'opposer aux États-Unis dans certains dossiers? Tout à fait également. À mon avis, cependant, cela se joue surtout au niveau de l'optique.
Nous savons tous dans quelle optique on a dit non aux États-Unis ce jour-là. Quand le premier ministre en a fait l'annonce à la Chambre des communes, vous pouviez voir sur la bande vidéo un caucus tout entier se lever pour manifester sa joie—et la joie était bien l'expression qu'on pouvait lire sur leur visage. Mais lorsqu'un premier ministre est entouré d'un caucus qui se conduit de la sorte, les effets de l'image projetée par cette opposition seront nécessairement négatifs.
Il existait un moyen de s'opposer à cette guerre, mais il me semble qu'avant de réfléchir à la façon de procéder, il faut d'abord calculer quels sont les intérêts canadiens et, comme vous l'avez fait remarquer, quelle est la décision en principe. C'est exactement ce que disait Holmes. L'histoire tout entière de la politique étrangère canadienne de l'après-guerre a toujours consisté à voir comment on pouvait poursuivre nos intérêts de façon intelligente vis-à-vis d'une puissance dominante et supérieure. Je dois avouer respectueusement que la façon dont on a procédé n'était pas intelligente.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Bergeron, puis à M. Calder et Mme McDonough.
Monsieur Bergeron, s'il vous plaît.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.
Messieurs, je dois vous dire que j'ai beaucoup apprécié vos présentations. Dans le cadre de ce dialogue, on peut bien entreprendre un débat byzantin sur la place du Canada dans la communauté internationale et patati et patata, mais on sait pertinemment, et c'est un élément sur lequel je reviens continuellement, que le principal défi, le plus grand défi auquel aura à faire face le Canada au cours des prochaines années est de voir comment il se positionnera face à cette hyperpuissance émergente que constituent les États-Unis. De quelle marge de manoeuvre disposera le Canada au niveau de sa politique étrangère par rapport à ce super géant que constituent les États-Unis?
Pour revenir sur le point que M. Martin a évoqué tout à l'heure, je pense qu'à cet égard, quelles que soient les preuves de bonne volonté que peut montrer le Canada sur la question du périmètre de sécurité, ça ne suffit pas. On peut se donner l'illusion qu'en acceptant d'uniformiser nos politiques d'immigration, on va faciliter le transfert à la frontière, mais on sait pertinemment que ce ne sera probablement pas le cas.
Nous avons participé à la mission en Afghanistan. Malgré le fait que nous ne participions pas à la coalition, nous avons des troupes sur le terrain, alors que l'Espagne, qui est membre de la coalition, n'a pas de troupe sur le terrain. Quelle que soit la bonne volonté dont on puisse faire preuve, on tient toujours cela pour acquis; c'est comme si le Canada devait ça aux États-Unis. Mais quand on fait mine de vouloir avoir une politique étrangère autonome, les États-Unis montrent leur impatience, leur malaise et leur désagrément. La question est vraiment de savoir de quelle marge de manoeuvre le Canada va disposer dans l'avenir.
J'ai expliqué au comité que l'une des parties de l'équation en ce qui concerne les relations entre le Canada et les États-Unis est la question du Québec. Par exemple, j'ai évoqué au comité le fait que le sénateur démocrate américain Joseph Biden déclarait à toutes fins utiles que la politique étrangère du Canada, c'est le reste du pays contre le Québec. Ce point de vue est un peu partagé par certains universitaires, notamment par votre collègue professeur de science politique à l'UQAM Stéphane Roussel, qui déclarait:
Au Canada, le problème de politique intérieur qui affecte le plus directement les relations avec les États-Unis est celui de l'unité nationale. En 1976, l'élection du Parti québécois et la menace de sécession semblent avoir conduit le gouvernement Trudeau à adopter une attitude plus conciliante avec Washington, de façon à y trouver un appui et à éviter que les souverainistes québécois y développent des sympathies. |
Dans votre esprit, jusqu'à quel point la question du Québec constitue-t-elle une partie de l'équation en ce qui concerne les relations entre le Canada et les États-Unis?
¿ (0950)
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)): Qui veut répondre à la première question? Monsieur Martin, allez-y.
M. Pierre Martin: Je répondrai d'abord à la deuxième question, et on reviendra à la première.
Je pense avoir mentionné une partie de la réponse très détachée qui me semble être la bonne. Je ne crois pas que ce soit lié à des actions volontaires ou à quelque forme de tactique ou de stratégie volontaire que ce soit. Je pense que ce qui est le plus marquant dans le cas de cette question, et vous allez me dire que je vais un peu dans l'abstraction, c'est que les défis à l'identité et à la définition de soi, l'établissement des priorités, la définition des valeurs, tout ça a été tourné vers l'intérieur pendant environ 10 ans, de 1987 à 1997 à peu près, alors que le Canada était en quelque sorte en phase d'introspection. Il ne sentait pas la nécessité d'affirmer son identité par opposition à son voisin.
Depuis quelques années, il semble qu'on ait commencé à le faire. Bien sûr, c'est une stratégie qui a toujours été présente dans l'opinion, dans la littérature, dans les discussions intellectuelles, etc. C'est normal, et les Américains ne s'en font pas. Mais lorsque cela s'exprime par des applaudissements et des démonstrations d'exubérance en Chambre au moment où on s'oppose aux Américains sur un sujet qui leur tient particulièrement à coeur, ça a des implications politiques, des implications sur les relations avec un allié fondamental qui sont dommageables, et je pense qu'il va y avoir des ponts à refaire.
Revenons à votre première question: comment se positionner et comment refaire ces ponts-là? Je pense que Kim pourra poursuivre dans ce sens-là.
[Traduction]
M. Kim Nossal: Permettez-moi de préciser, monsieur Bergeron, que cela s'impose justement parce qu'il nous faut pouvoir nous insérer dans le processus à ce moment-ci, où la politique étrangère des États-Unis a pris, à mon avis, une trajectoire radicalement différente de celle qu'ils avaient par le passé. Il me semble que cette nouvelle politique étrangère qui est très différente de l'ancienne est marquée par un unilatéralisme comme nous n'en avons jamais vu dans toute la période qui s'est écoulée depuis 1945. Voilà le premier point.
Le deuxième, c'est que le terme «hyperpuissance» lancé par M. Védrine décrit de façon très exacte et éloquente la position des États-Unis dans le monde.
Troisièmement, le contretemps au sujet de l'Irak a été pour les Américains la preuve qu'il leur fallait une vision assez différente du monde, et j'estime que les changements dont nous avons été témoins depuis le 11 septembre, et qui ont été confirmés par la guerre en Irak, à plus forte raison si la guerre en Irak se déroule bien du point de vue des Américains, les conforteront dans leur conviction d'avoir fait ce qui devait être fait.
Par conséquent, le Canada, s'il veut protéger ses intérêts comme il le souhaiterait dans le nouvel ordre mondial dont il espère l'avènement, doit à mon avis être présent à Washington. Il nous faut avoir l'oreille du président des États-Unis. Il nous faut avoir l'oreille des membres de son gouvernement, des décideurs du Capitole.
C'est là quelque chose qui est d'une importance critique à mon avis. Si les portes sont fermées à Washington aux Canadiens qui souhaiteraient faire des observations de ce genre, cela me paraît mauvais pour les intérêts du Canada, et c'est pourquoi je m'inquiète tellement des dommages causés par l'épisode en question.
¿ (0955)
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Et que répondriez-vous à la deuxième question?
[Traduction]
M. Kim Nossal: En ce qui concerne la question du Québec, il me semble que les gestes posés par le gouvernement Clinton en 1995 correspondent à ce que nous verrons sans doute de la part d'autres gouvernements américains, républicains ou démocrates, relativement à ce qui se passe au nord de leur frontière. En effet, les gestes posés par le gouvernement Clinton en 1995 seront sans doute repris par les gouvernements futurs, indépendamment de ce que le gouvernement canadien pourra faire du côté de la politique internationale.
Je ne sais pas si cela répond vraiment à la question.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Nous allons donner la parole à M. Calder.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'ai bien aimé la séance d'aujourd'hui.
Kim, vous vous intéressez beaucoup à Internet, et vous, Pierre, à la science politique. Je vais donc essayer de formuler ma question de façon à ce que vous puissiez tous les deux y répondre dans votre optique particulière.
Guerre et propagande sont deux choses qui ont des liens très étroits. Ce matin, à mon réveil, j'ai pu voir, sur Canada AM, la septième cavalerie qui avançait sur Bagdad. De nos jours, les reportages sont instantanés. Sur Internet, les gens échangent entre eux sur toutes sortes de sujets. Si bien que la mainmise des gouvernements sur la propagande relativement aux guerres s'érode très rapidement.
Ma question est la suivante : cela étant, l'Internet étant un outil aussi puissant pour mobiliser l'opinion publique internationale, quelles leçons à long terme peut-on tirer de cela, et quelles en seront les conséquences pour la politique canadienne à l'avenir? Bien entendu, nous allons devoir mettre à profit les leçons que nous sommes en train de tirer de l'expérience actuelle pour les conflits futurs.
Je vous laisse répondre à cette question, puis j'en aurai une autre sur la politique étrangère du Canada et de l'Australie.
M. Kim Nossal: Je répondrai très brièvement à votre question au sujet de la guerre et de la propagande.
Pour tout vous dire, je suis plutôt sceptique à l'égard des nouvelles technologies et de l'effet qu'elles ont sur l'opinion publique, notamment parce que la principale conséquence de ces nouvelles technologies semble être simplement de comprimer le temps; ce qui a vraiment changé, c'est que le public a maintenant un accès instantané à certaines images, à certaines idées. Mais quand on creuse un peu la surface pour voir ce qui se produit quand les gens consultent des sites Internet, on constate qu'il y a certaines choses qui ne changent pas. Les gens écoutent en fait leurs dirigeants, et c'est là une des raisons qui expliquent l'importance de l'argument de Pierre au sujet de la vision qui doit être énoncée par les dirigeants politiques. Les gens sont effectivement au rendez-vous lorsqu'on diffuse un discours de leur chef politique pendant les grandes heures d'écoute. Ils n'ont pas besoin de l'Internet pour cela, même s'ils pourraient y recourir.
Le fait est, à mon avis, qu'il existe un danger bien réel de surestimer l'importance des nouvelles technologies et l'influence qu'elles pourraient avoir sur l'opinion publique. Ainsi, l'opinion publique, qui est absolument contre la guerre partout dans le monde, n'a pas été tellement influencée par l'Internet à mon avis. Elle est bien plus influencée simplement par l'image que présentent les autres médias que les gens regardent.
À (1000)
M. Pierre Martin: Sur ce point, j'ajouterais que ce qui demeure important, à mon avis, malgré bien souvent toutes ces nouvelles façons de faire les choses et de voir le monde, c'est la bonne vieille politique traditionnelle entre les États. Ainsi, non seulement les gens et les populations écoutent leurs dirigeants, mais les dirigeants s'écoutent l'un l'autre. D'où l'importance pour les dirigeants de présenter leurs politiques et de communiquer leurs idées, le style et le contenu de leurs messages étant ce que les gens retiennent plutôt que le fait qu'ils soient présentés sur Internet, par la télédiffusion en direct ou par les bons vieux quotidiens.
C'est là un des aspects de la question qu'il convient de souligner.
Vous aviez une autre question au sujet de l'Australie, et Kim est sans doute plus...
M. Murray Calder: Oui.
Kim, vous avez fait des comparaisons entre la politique étrangère du Canada et celle de l'Australie. Je me demande s'il y a des leçons importantes que le Canada pourrait tirer de la situation en Australie?
M. Kim Nossal: Il y a notamment des leçons intéressantes à tirer des répercussions pour l'Australie, et plus particulièrement pour le gouvernement australien, des attentats à la bombe de Bali. Autrement dit, pour expliquer l'enthousiasme dont fait preuve le gouvernement Howard et le fait que M. Howard lui-même ait fait sienne...
C'était vraiment la première fois que j'entendais un chef politique, du moins dans les temps modernes, reprendre le vieille argument d'Edmund Burke—celui qu'il avait servi aux électeurs de Bristol dans les années 1770—et dire que, même s'il savait que la grande majorité des Australiens s'opposaient à la position de leur gouvernement, il avait pris sa décision par souci de ce qu'il estimait être l'intérêt national et que, s'ils n'étaient pas contents, les électeurs n'avaient qu'à voter contre lui aux prochaines élections.
L'argument qu'il convient de retenir ici, c'est qu'il y a un lien fondamental entre l'ampleur perçue de la menace pour la sécurité et l'importance des ressources qu'on est prêt à y consacrer. L'Australie consacre maintenant des ressources considérables à sa sécurité. Les Australiens ont radicalement modifié la structure de leurs forces armées ces dernières années.
Dans cette perspective, il est donc important de reconnaître que tout dépend de la position dans laquelle on se trouve. Le Canada a la chance extraordinaire de pouvoir continuer à se sentir en sécurité, ce qui n'est tout simplement pas le cas pour l'Australie.
M. Murray Calder: S'il me reste encore du temps, madame la présidente, j'aimerais revenir à la première partie.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Très brièvement.
M. Murray Calder: D'accord.
Si j'ai bien compris vos propos à tous les deux, le fait que j'ai voté pour un chef politique devrait signifier que je suis prêt à appuyer ce chef en temps de crise comme en temps de paix et de prospérité. Dans cette optique, donc, étant donné que le vote a été si serré entre Bush et Gore aux dernières élections présidentielles, comment cela se répercutera-t-il d'après vous sur l'appui de la population américaine?
M. Kim Nossal: À vrai dire, je ne peux pas répondre à cette question. Le fait est que le processus s'est soldé par l'accession de M. Bush à la présidence, et la grande majorité des Américains estiment qu'il n'y a pas à revenir là-dessus. Même si l'opposition aux politiques de Bush est considérable aux États-Unis, on continue à être très partagé dans les milieux politiques américains sur la sagesse de cette politique-là en particulier.
M. Pierre Martin On dirait que vous êtes en mesure de choisir vous-mêmes un dirigeant...
M. Murray Calder: Oui, nous y travaillons.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Madame McDonough, je vous en prie.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, madame la présidente.
Je voudrais vous dire que je suis frappée par votre rappel qui nous semble très important, à savoir que c'est tout simplement la peur qui motive une bonne partie de la population américaine dans son interprétation actuelle des événements.
Deuxièmement, j'ai bien aimé vos citations de John Holmes sur la mauvais haleine et de Denis Stairs dans The Diplomacy of Constraint, mais j'aimerais approfondir la perspective de ce qui se passe en 2003 au Canada par rapport à ce qui s'est passé à cette époque. Je ne suis pas certaine que nous puissions nous dispenser d'une nouvelle analyse de la réalité actuelle, qui est bien différente.
J'aimerais aborder un sujet qui paraîtra sans doute assez éloigné de ceux auxquels vous vous êtes consacrés, et qui concerne la santé de notre démocratie. Quitte à simplifier à l'excès, je dirai que j'ai vécu au Texas au milieu des années 60 et j'y ai constaté que le gouvernement réagissait à la plupart des problèmes par la répression, par l'invocation de la loi et de l'ordre, par l'écrasement de la démocratie dès qu'elle remettait en question la domination des grosses sociétés et les intérêts de l'élite dirigeante.
Je dois dire qu'un grand nombre de mes concitoyens éprouvent comme moi un intense sentiment de peur en ce début de XXIe siècle. J'ai peur que le Canada ne soit en train d'abandonner ses valeurs essentielles, celles qui nous tiennent à coeur, pour adopter une façon toute différente d'aborder les tensions et les problèmes. Tout cela ressemble beaucoup trop à ce qui m'a fait si peur dans le Texas des années 60.
Je voudrais donc poser la question du rôle de nos institutions démocratiques. Vous avez parlé exclusivement de l'action du gouvernement, du comportement du Cabinet et du dirigeant de votre pays, mais il est vrai, à mon sens, qu'il existe une véritable bipolarisation chez les Canadiens quant à la façon d'aborder les problèmes.
Au passage, je suis la première à reconnaître que l'anti-américanisme primaire est inacceptable sous toutes ses formes, pour les raisons que vous avez évoquées. Cependant, est-ce qu'une nouvelle règle impose la renonciation à toute véritable opposition politique, comme on semble le constater actuellement, ou interdit tout véritable débat sur ces questions? Car c'est bien là ce qu'on a pu constater de plus effrayant dans l'actualité américaine, c'est-à-dire ce bâillonnement de la démocratie aux États-Unis. Il n'y a plus de véritable débat.
Je suis allée à Washington l'année dernière, et il était impossible de trouver un démocrate résolument opposé à la tournure des événements qui soit capable d'exprimer son opinion. Est-ce qu'il va en être de même ici? Parce qu'en réalité, le Parlement canadien est profondément divisé, comme les Canadiens peuvent l'être eux-mêmes.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Les députés de l'opposition peuvent paraître égoïstes en soulevant cette question, mais il me semble indispensable d'y répondre. Comment préserver une démocratie saine face à l'hégémonie américaine, à la domination des multinationales et à l'étroitesse de pensée qui semble caractériser la classe politique américaine?
À (1005)
M. Kim Nossal: En vous écoutant, je me demandais à quoi vous vouliez en venir, car quand on prononce le mot «démocratie», on soulève toutes sortes de questions intéressantes. La nature démocratique de certaines institutions est évidemment très contestée dans ce pays. Vous faites en effet partie d'un corps législatif qui arrive dans ces édifices à l'issue d'une procédure assez intéressante, mais qui a été abandonnée par la grande majorité des autres pays, où l'on s'efforce plutôt de faire en sorte que les préférences de l'électorat apparaissent davantage dans des institutions représentatives.
Au départ, j'ai cru que c'était de cela que vous vouliez...
À (1010)
Mme Alexa McDonough: J'aurais pu en parler également, mais je ne le ferai pas aujourd'hui. Vous parlez de la représentation proportionnelle dans un...
M. Kim Nossal: Non, je n'y pense pas précisément, même si c'est un élément à considérer.
En réalité, ce dont vous parlez, c'est du rôle des délibérations dans la prise de décisions sur la conduite des affaires publiques. Pour en revenir à ce que j'ai dit à M. Martin, rien ne justifie que les questions importantes ne fassent pas l'objet d'un débat approfondi. Et il n'y a pas de question plus importante que le souci de mettre ses concitoyens à l'abri en faisant la guerre.
À mon avis, la question consiste à savoir comment le débat va s'organiser, quel en sera le ton et le sujet, en particulier pour les responsables du gouvernement de la collectivité. Peu importe ce que les manifestants ont à dire, par rapport à la responsabilité de ceux qui détiennent les rênes du pouvoir et qui doivent assurer le bien-être de leurs concitoyens. Le problème, c'est quand les représentants élus cèdent au nombrilisme et remettent en question la sécurité de leurs concitoyens. Il se peut que certaines personnes aient peur, mais pour des raisons différentes de celles que vous invoquez.
Ce que je veux dire, c'est qu'il est possible de tenir ce débat, mais tout d'abord, celui-ci devra s'élever au-dessus du niveau élémentaire; deuxièmement, il devra réunir des gens qui savent de quoi ils parlent et, enfin, le débat devra être exhaustif et intègre, mais il devra aussi être éclairé. Et pour en revenir à ce que disait Pierre, il faudra du leadership, autrement dit les dirigeants de tous les partis politiques devront exprimer leurs points de vue.
Les Canadiens ne sont pas bêtes. Ils sont capables de suivre un débat bien mené. Mais il faut que ce débat ait lieu et qu'il soit parfaitement démocratique.
M. Pierre Martin: Il n'y a pas grand-chose à ajouter, sinon pour dire que ce qui a mal orienté le débat, ce sont les préjugés défavorables à l'action américaine, quels que soient les points de vue exprimés; il aurait fallu aller au fond des choses et se prononcer sur le bien-fondé de l'intervention.
Je pense que sur ce point, nous devrions nous inspirer des Britanniques, qui ont effectivement tenu au niveau législatif et politique un débat plus articulé et, en un sens, plus intelligent que ne l'ont fait les Américains eux-mêmes.
Au Canada, personne ne s'est véritablement demandé si l'intervention était justifiée. Comme il n'y a pas eu de débat de fond, on s'est mis à débattre des personnes, de George Bush et des personnalités américaines. Dans une telle situation, les opinions s'expriment à l'encontre des États-Unis plutôt qu'à l'encontre de ce que font les Américains.
Je pense que l'on peut s'opposer de façon tout à fait légitime à ce que font les Américains, même aux États-Unis, et c'est du reste ce que certains ont fait. Maintenant, il est trop tard. Le passé est le passé et il faut maintenant considérer la prochaine étape, la reconstruction, et ce qui se passe en Irak, mais il y aura un autre débat. Celui qui se prépare actuellement portera sur le bouclier de défense contre les missiles balistiques. Il s'agit d'un débat fondamental sur une question strictement bilatérale, où devront s'exprimer des arguments tout à fait convaincants sur le bien-fondé d'un tel système, et non pas sur les relations canado-américaines.
Si l'on veut exprimer son opposition, on peut toujours rejoindre une coalition quelconque; c'est ce que j'ai l'intention de faire. Si l'on veut sauver des vies, il y a bien mieux à faire avec des milliards de dollars. Chacun de nous sait à quoi on pourrait employer plus utilement cet argent.
Nous pourrions former avec des Américains qui partagent notre point de vue des coalitions de façon à mener un débat intelligent sur le fond de la question, et non pas dans une optique de confrontation avec nos voisins. Ce n'est pas l'attitude à adopter sur une question aussi importante.
À (1015)
Mme Alexa McDonough: Merci.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci beaucoup.
Passons maintenant à M. Cotler.
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): J'aimerais poser à M. Nossal une question à laquelle M. Martin vient de faire référence. Si nous avons le temps, les deux pourront y répondre.
Considérant que le Canada n'a pas voulu participer à la guerre en Irak, comment aurait-il fallu gérer cette décision et comment pouvons-nous maintenant en gérer les retombées? Permettez-moi de prendre un exemple concret.
La politique étrangère du Canada s'organise autour du droit international et des Nations Unies. Quant à l'action des États-Unis, elle ne s'est pas souciée de droit international, fût-ce au niveau des apparences, et elle a énoncé une nouvelle doctrine, à savoir le recours préventif à la force. Comment aurions-nous dû exprimer notre opinion à ce sujet?
M. Pierre Martin: Je vous dirai deux choses. Tout d'abord, comme je l'ai dit, l'attitude canadienne présente une certaine ambiguïté compte tenu, par exemple, de la réaction canadienne aux mesures prises en 1998 et considérées alors comme conformes aux résolutions du Conseil de sécurité. Évidemment, l'ampleur du recours à la force au cours de l'épisode actuel est bien différente, mais à l'époque, les Américains ont sans doute considéré que le Canada serait prêt à appuyer les motifs juridiques d'une intervention.
Cela étant dit, je ne pense pas que la position défendue par les autorités canadiennes ait été entachée d'erreur. Il était tout à fait fondé d'invoquer la suprématie du Conseil de sécurité et la légalité internationale pour essayer de rétablir les ponts entre deux points de vue inconciliables mais présentant néanmoins des éléments communs. Une politique visant à amener les extrêmes sur un terrain d'entente situé à mi-distance n'était pas nécessairement vouée à l'échec.
Mais si l'on veut établir des ponts, il ne faut pas les faire sauter avant de les avoir construits. Or, l'attitude canadienne vis-à-vis des États-Unis a pris un ton qui a fait dérailler le débat. Les choses ne devraient pas être bien différentes sur la question de la reconstruction de l'Irak, mais quant à la façon de gérer les relations...
Que peut-on faire maintenant? Il faut parler de reconstruction. Il faut essayer de rétablir les ponts et de faire intervenir le plus grand nombre de participants dans un effort multilatéral de reconstruction. Et pour cela, il va falloir que les Américains soient convaincants, je suppose.
M. Kim Nossal: Je voudrais faire une remarque sur le droit international et le point de vue canadien. Le problème, c'est qu'en 1999, dans l'affaire du Kosovo, le Canada s'est comporté d'une façon qui a sérieusement écorché le principe de l'interdiction de lever le doigt contre un autre pays à moins d'une autorisation explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans les faits, le gouvernement du Canada a jugé bon, en 1999, de participer aux hostilités contre l'ancienne République de Yougoslavie en l'absence de toute résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, et il l'a fait en invoquant l'intérêt national.
Il me semble que si le Canada ne voulait pas participer au recours à la force contre l'Irak, il aurait dû l'expliquer dès qu'on a constaté que les Américains avaient pour objectif de provoquer un changement de régime. Le gouvernement canadien aurait pu formuler très clairement son point de vue au lieu, comme l'a dit un journaliste, de jouer à cache-cache pendant huit mois quant à ses intentions.
Même si certains se régalent des méandres de la politique étrangère canadienne—tout le monde ici connaît le morceau de bravoure d'Andrew Coyne sur la clarté de la politique canadienne contemporaine—il reste qu'on aurait pu aisément s'en sortir par un refus, à condition de l'exprimer directement, aussi clairement que possible et de façon constante. Mais à mon avis, ce ne fut nullement le cas.
Je ne sais pas, monsieur Cotler, si vous avez parlé de la reconstruction en Irak, comme l'a compris Pierre, mais en ce qui concerne la reconstruction des relations canado-américaines, il s'agit essentiellement, à mon avis, de les remettre à neuf, comme le disait un ancien premier ministre. Quant à la façon d'y parvenir, elle n'a rien de secret.
Pensez à la façon dont le premier ministre Lester Pearson s'y est pris en 1963 pour réparer les dégâts infligés à ces relations quelques années auparavant par John Diefenbaker. Pensez à l'action menée en 1984 et 1985 par M. Mulroney pour remédier aux conséquences des dernières années du gouvernement Trudeau. Vous aurez ainsi une idée de la façon de remettre à neuf les relations canado-américaines.
En tant que politicologue, je dois reconnaître—en particulier après le retour de Mme McDonough—qu'il est fort utile de s'inspirer du passé, ne serait-ce parce que l'histoire nous donne bien souvent des leçons.
C'est d'ailleurs pour cela que je suis assez optimiste. Les relations canado-américaines évoluent constamment selon un processus cyclique qui leur imprime des hauts et des bas. Le bon temps se gâte inévitablement et comme on peut le voir tout au long de l'histoire des relations canado-américaines, les périodes de brouille sont toujours suivies d'une amélioration. Et je considère qu'à l'heure actuelle, il faut amorcer une remontée.
À (1020)
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci.
Monsieur Thompson.
M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Merci, madame la présidente. En tant qu'invité au sein du comté, je vous remercie de me permettre de poser quelques questions à nos témoins.
Votre analyse m'étonne quelque peu. J'ai pris des notes en vous écoutant. J'aimerais que vous nous précisiez les leçons à tirer du passé pour sortir de la situation où nous sommes aujourd'hui, en nous donnant quelques détails.
Vous avez parlé de M. Mulroney et de ses travaux de ravalement. Si je me souviens bien, vous faites sans doute référence au fait que lorsque le gouvernement Mulroney est entré en fonction, l'une de ses premières mesures a été d'abolir l'agence de tamisage de l'investissement étranger, qui apparaissait comme un instrument d'opposition aux Américains plutôt que tout autre pays. Par ailleurs, il y a eu le débat sur le libre-échange. Je crois que l'agence a été abolie avant que ne s'amorce le débat sur le libre-échange. Je crois qu'elle l'a été en 1984, peu de temps après l'arrivée des conservateurs au pouvoir.
Pour parler du débat sur le libre-échange, je pense que les libéraux ont perdu cette élection, en quelque sorte, puisque c'était une élection axée sur un thème unique, à cause de leur antiaméricanisme et de leur point de vue déconnecté de la réalité. Ils voulaient simplement dénoncer les Américains.
Peut-être pourriez-vous nous donner des détails sur ces élections et sur les travaux de ravalement entrepris par la suite, quitte à nous parler aussi de la tendance inverse et de M. Diefenbaker qui, à mon sens, représente une époque très particulière de notre histoire. Le temps a sans doute effacé certaines nuances ou certains événements de nos mémoires.
Monsieur Nossal, pouvez-vous nous en parler?
M. Kim Nossal: De façon générale, je pense que c'est vraiment une erreur d'attribuer le succès ou l'échec à des élections particulières à de telles forces uniques, comme vous le laissez entendre. Je ne pense pas du tout que les conservateurs ont perdu les élections de 1963 à cause de leur politique en matière de défense, ni que les libéraux ont perdu les élections de 1984 à cause des relations de M. Trudeau avec l'administration Reagan. Je ne crois pas que la politique fonctionne ainsi, certainement pas dans le cadre d'un système uninominal majoritaire à un tour.
En général, j'ai l'impression, et c'est en réalité ce que j'ai dit, que lorsque les relations entre le Canada et les États-Unis, et plus particulièrement les relations personnelles entre le président et le premier ministre, deviennent trop étroites, traditionnellement les Canadiens semblent bouleversés, et ils ont tendance à s'en préoccuper. Cela permet à ceux qui ont un avis contraire de faire valoir des arguments qui trouvent écho chez certains électeurs.
Songez à l'écho qu'ont trouvé les attaques de M. Diefenbaker sur le gouvernement Saint-Laurent lors des élections de 1957, et songez aussi au rapprochement des États-Unis et du gouvernement libéral à l'époque. Cela n'a pas permis de gagner les élections, mais est-ce que cela a trouvé écho chez les électeurs? En général, je pense qu'on pourrait le faire valoir. Il en va de même de tous ces autres aspects.
Je ne voudrais pas dire toutefois que ces élections-là ont été gagnées sur tel ou tel autre point. En grande partie, comme l'a dit Pierre, cela a à voir avec le style, le ton. Voilà, me semble-t-il, pour revenir à la question de M. Calder, où on peut le plus intervenir, au niveau du ton. Ainsi, les gouvernements, et ceux qui les appuient à la Chambre des communes, feraient peut-être bien de se rappeler le serment d'Hippocrate : «Premièrement, ne pas nuire».
À (1025)
M. Greg Thompson: Me reste-t-il du temps, madame la présidente?
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Un tout petit peu.
M. Greg Thompson: Dans ce cas je vais passer, car il me faudrait probablement plus qu'un peu de temps. Je vous remercie.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Je vous remercie.
Passons donc à M. Martin.
M. Keith Martin: Merci, madame la présidente.
Monsieur Martin, je pense que nous devons prendre des mesures très précises. Vous y avez fait allusion, il s'agit de notre financement ou manque de financement aux forces militaires depuis plus de dix ans.
Je pense—et peut-être le professeur Nossal voudra ajouter quelque chose—qu'il y a deux choses que nous devons faire. Tout d'abord, il nous faut investir des sommes considérables dans nos forces armées et il nous faut augmenter nos engagements vis-à-vis de nos entreprises multilatérales, plus particulièrement envers l'OTAN, nos relations avec les États-Unis, et nos déploiements dans le cadre de missions des Nations Unies. Il ne faut pas oublier qu'un engagement ferme à ce niveau enverrait un message très convaincant à Washington que nous avons l'intention de respecter nos engagements, ce que nous n'avons pas fait depuis dix ans.
Peut-être pourriez-vous, monsieur Nossal—il s'agit d'une question nuancée dont vous parlez, une question très délicate au coeur même peut-être de l'art de la diplomatie—nous donner quelques façons plus précises de gagner les États-Unis?
L'une des difficultés je pense que nous avons tous au sein de ce comité et d'autres auparavant, c'est de savoir comment faire pour gagner les États-Unis. Nous éprouvons déjà suffisamment de difficulté lorsque nous allons à Washington pour obtenir une audience avec nos homologues. Quelle structure devrions-nous avoir afin de mieux gagner nos homologues au sud de la frontière, sur une base d'un à un, afin d'améliorer les relations interpersonnelles ainsi que pour susciter une discussion fructueuse, un à un, palier à palier, sur des questions dont nous sommes responsables et dont sont responsables les Américains?
Merci beaucoup.
M. Pierre Martin: Je crois qu'il y a deux aspects à cette question.
Tout d'abord, si le Canada veut avoir son mot à dire dans les affaires internationales, s'il veut jouer un rôle autonome et s'il veut avoir les moyens de s'acquitter de ses engagements à l'échelle internationale, oui, le gouvernement canadien doit consacrer davantage de ressources à ses forces militaires. Celles-ci manquent cruellement d'effectifs et de matériel pour s'acquitter de leurs engagements actuel, et elles seront d'autant plus dépourvues si elles acceptent de nouveaux engagements. Je crois que c'est simplement une question de choix.
On pourrait dire que non, le Canada ne pèsera pas dans la balance en recourant à la force, d'autres moyens lui sont peut-être offerts. C'est un argument parfaitement légitime, mais au niveau de la perception mondiale, je crois qu'il ne serait pas sage d'abaisser ces ressources.
Cela dit, l'autre aspect de la question, c'est le message qu'on envoie à Washington. Ce qui m'amène à citer quelqu'un—je ne peux plus me rappeler de qui il s'agissait, mais la citation n'est pas de moi—qui disait que depuis un certain nombre d'années, le Canada doit choisir entre avoir des forces militaires qui sont insuffisantes et qui coûtent cher ou qui sont insuffisantes mais qui sont bon marché, et il a choisi de se doter de forces militaires qui sont insuffisantes et bon marché.
En fait, si l'on veut au minimum répondre aux attentes des États-Unis, il faudrait accroître énormément leurs ressources, et personne ne verra jamais ce jour. Disons que le Canada a décrété une augmentation de 25 à 30 p. 100, que son budget militaire passait de 1 p. 100 à 1,3 p. 100 du PIB. Eh bien, les États-Unis diraient : «C'est bien gentil, mais qu'est-ce que ça peut faire?», parce que le fait de passer de presque rien à un petit peu, ce n'est pas ça qui va modifier grandement la perception des États-Unis. Je crois que c'est le Canada qui doit déterminer lui-même s'il veut s'acquitter de certaines missions et ne rien attendre des États-Unis en retour.
Est-ce que je dis qu'il n'y a pas de lien entre ce que le Canada fait ou les ressources qu'il consacre à ses forces militaires, d'une part, et une relation un peu plus constructive avec les États-Unis, d'autre part? Ce n'est pas ce que je dis. La seule chose que je dis, c'est qu'il est beaucoup plus facile de perdre au jeu des liens que de gagner. À mon avis, on aurait tort de s'attendre à des profits immédiats dans cette relation bilatérale du fait que nous investirions lourdement dans nos forces militaires.
À (1030)
M. Kim Nossal: Permettez-moi de répondre d'abord à la question concernant les forces militaires et ensuite à la question de savoir comment nous pouvons créer des liens avec les États-Unis.
Je suis d'accord avec Pierre pour dire qu'on aurait tort de se servir du budget militaire dans l'espoir d'impressionner favorablement Washington. Cela dit, il y a lieu de s'interroger sur l'importance du budget militaire et sur son utilisation dans le cadre de notre politique étrangère.
À mon avis, l'une des difficultés tient au fait que, dans une large mesure, le budget militaire du Canada en est au point où il est aujourd'hui parce que ça fait 30 ans que nous évitons de prendre des décisions sérieuses concernant la nature de nos dépenses militaires. Le fait est que nous demeurons acquis à l'idée d'une force de combat polyvalente, qui ne coûte pas cher et qui est insuffisante, au lieu de songer véritablement à ce que nous avons vraiment besoin de dépenser pour la défense du Canada et des Canadiens dans la perspective de notre sécurité, mais aussi dans la perspective de notre politique étrangère.
Je reviens à l'exemple de l'Australie. L'Australie dépense à peu près autant que nous pour la défense, mais ses moyens sont radicalement différents des nôtres. Le Canada ne peut pas maintenir 750 soldats dans une situation de combat plus de six mois. Sauf tout le respect que je vous dois, le fait d'engager 3 000 soldats à Kaboul s'avérera être une folie. Si nous ne pouvons pas maintenir 750 soldats en campagne, comment allons-nous en maintenir 3 000?
Comparativement, l'Australie a épousé une approche totalement différente. Elle consacre ses 11 milliards de dollars par année... parce qu'elle a pris la peine de réfléchir à l'utilisation stratégique de ses forces, tant du point de vue de la politique étrangère que du point de vue militaire. Par exemple, ces dernières années, les forces australiennes se sont spécialisées. Elles occupent certains créneaux.
Donc, au lieu d'avoir une armée qui est très étendue mais qui a peu de profondeur, ce que le Canada essaie de faire depuis une trentaine d'années, il serait peut-être temps de réfléchir à la nature fluide—si vous voulez de nouvelles idées, madame McDonough—du système international.
Pierre a mentionné l'OTAN. Je dois dire, en portant mon regard sur l'avenir, comment j'entrevois l'avenir de l'OTAN. Je n'entrevois pas grand-chose; pas grand-chose. Et le Canada, à mon humble avis, va se retrouver dans la situation que deux ou trois générations de décideurs canadiens en matière de politique étrangère ont essayé d'éviter : c'est-à-dire le démantèlement des liens transatlantiques qui nous évitaient d'être amalgamés aux États-Unis. Je pense que le volet nord-américain de l'OTAN est en train de disparaître, et c'est largement à cause de la guerre en Irak.
Deuxièmement, pour ce qui est de savoir comment nous pourrions créer des liens avec nos voisins du Sud, je crois que la première chose à faire, c'est d'en finir avec l'improvisation. Cela fait quelques centaines d'années que nous, les Canadiens, avons avec les Américains des rapports qui sont marqués strictement par l'improvisation : nous n'avons jamais eu de grande vision d'ensemble, de grandes idées, nous nous débattons simplement au jour le jour dans les aspects extrêmement compliqués et divers de cette relation.
Je suis très nerveux lorsqu'on parle de grandes idées, simplement parce que la seule chose qui semble nous avoir toujours bien servi a été le fait que nous évitions ces liens. Un député a parlé plus tôt, c'était peut-être vous—oui, c'était vous—d'une rue à deux sens. N'essayez pas d'établir un lien entre le bois d'oeuvre et l'Irak. Traitez le dossier du bois d'oeuvre isolément. Tâchez de comprendre la dynamique politique du bois d'oeuvre chez nos voisins du Sud. Et composez avec. Considérez que l'Irak n'a absolument rien à voir avec le bois d'oeuvre.
Il me semble que cette improvisation, qui a fort bien servi les Canadiens par le passé, est la voie de l'avenir. Les grandes idées, c'est bien joli, et ça paraît très bien dans les pages éditoriales du Post, du Globe ou du Devoir, mais le fait est que sur le terrain, cette relation est beaucoup trop complexe pour être coiffée par une seule grande idée, sauf tout le respect que je vous dois.
À (1035)
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ): Merci, madame la présidente.
Monsieur Martin, monsieur Nossal, nous avons assisté ce matin à des exposés tantôt historiques, tantôt politiques. Nous avons parlé de John Diefenbaker, de Pierre Elliott Trudeau, de Lester B. Pearson, de Brian Mulroney et de l'actuel premier ministre. De tous ces exposés historiques, il semble se dégager une constante, soit la difficulté de définir ce qu'est un véritable partenaire.
Il semble que pour les États-Unis, ce partenariat soit à sens unique. Prenons l'exemple des tristes événements du 11 septembre 2001. Nous avons, à cette occasion, ouvert nos espaces aériens, démontrant ainsi clairement que nous les appuyions dans la lutte au terrorisme. Par contre, quelque temps plus tard, toujours dans le cadre d'un partenariat, le Canada et le Québec ont eu à subir des contraintes économiques ou une politique extrêmement restrictive dans les secteurs du bois d'oeuvre, de l'agriculture et de l'acier. Pour ma part, je crains beaucoup pour notre eau, étant donné que nous sommes à cet égard en deuxième position à l'échelle internationale.
Le Mexique, lui aussi, en tant que voisin, partage une frontière avec les États-Unis. Je ne lis pas régulièrement les quotidiens mexicains, mais d'après ce que j'en sais, les États-Unis ne font pas preuve de la même sévérité à l'égard des Mexicains qu'à l'endroit des Canadiens. À ce que je sache également, le Mexique a lui aussi refusé d'emboîter le pas pour ce qui est de la guerre en Irak; en outre, il est demeuré sur ses positions.
Monsieur Nossal et monsieur Martin, comment peut-on définir un véritable partenariat dans ce contexte? Les États-Unis ont besoin de nous, mais il semble que chacune de nos contributions soit pour eux de l'acquis. En outre, lorsqu'on essaie de défendre une certaine autonomie et d'appuyer nos politiques internationales, rien ne va plus. On nous fait de gros yeux et on doit de plus subir les conséquences de notre prise de position. Bien qu'il soit voisin des États-Unis, le Canada a un rayonnement international.
Être partenaire de cette super puissance américaine, selon vous, comment cela se définit-il ?
À (1040)
M. Pierre Martin: Je vais d'abord faire une mise au point sur la partie de votre question qui avait trait au Mexique. Ce dernier est dans une situation un peu différente. Le gouvernement de Vicente Fox a une marge d'appui beaucoup plus ténue que celle du gouvernement canadien actuel. Prenons les choses comme elles le sont.
Le président américain est conscient de cela. D'abord et avant tout, mise à part la relation en tant que telle et le rôle que le Mexique aurait pu jouer, le président américain a vraiment besoin de garder en place un gouvernement comme celui de Fox, au risque que ce dernier adopte des positions qui, en matière de politique étrangère, ne conviennent pas aux États-Unis. Ils s'en contentent néanmoins parce que l'alternative serait vraisemblablement...
M. Odina Desrochers: Un gouvernement socialiste?
M. Pierre Martin: Ce serait un gouvernement certainement plus nationaliste qui résisterait beaucoup plus à l'ensemble des autres priorités en matière de politique étrangère.
Cela dit, le Mexique regrette sans doute aujourd'hui d'avoir insisté pour accéder au Conseil de sécurité. Il se demande probablement pourquoi il a raté une si belle occasion de rester tranquille dans son coin, aux Nations Unies. J'ai discuté de cela récemment avec un diplomate canadien, que je ne nommerai pas; il disait qu'en effet, ses collègues mexicains regrettaient un peu d'avoir pris cette décision.
Pour revenir à votre question sur la façon de définir un partenariat, je dirai qu'à mon avis, il n'y a pas qu'un partenariat entre le Canada et les États-Unis; il y en a des millions. La relation n'est pas uniquement d'État à État, mais aussi d'entreprise à entreprise. C'est aussi une relation qui existe à l'intérieur des entreprises, entre les individus, entre les institutions et entre parlementaires. À preuve, vous avez des relations avec vos collègues américains. C'est donc cette relation dans son ensemble qu'il faut considérer.
M. Odina Desrochers: Par contre, on constate qu'il y a des accrochages diplomatiques et qu'un message circule entre les nombreux partenaires dont vous parlez. On a l'impression qu'ils deviennent aussi frileux que le sont les dirigeants actuels des États-Unis.
M. Pierre Martin: D'accord. Vous parlez ici en termes de semaines ou de mois, mais les choses évoluent et reviennent à la normale. Les États-Unis sont en guerre depuis deux semaines; un ensemble de facteurs ont accentué les tensions et mené à cette guerre. Cette situation n'est pas normale et, pour ce qui est des millions de partenariats dont je parlais plus tôt, les choses reprendront rapidement leur cours normal.
Présentement, on regarde la forêt, mais il ne faut pas oublier de regarder les arbres de temps en temps. En ce qui concerne la définition de la relation, ça a une certaine importance.
M. Odina Desrochers: Vous dites que les États-Unis préfèrent être plus tolérants à l'endroit du Mexique au cas où ce dernier élirait un nouveau gouvernement, plus nationaliste et peut-être aussi plus socialiste.
Est-ce à dire que si le Canada changeait d'attitude au plan politique, les Américains deviendraient plus tolérants à son égard? Est-ce la façon dont ils se comportent?
M. Pierre Martin: Je parlerais plutôt de la relation entre le président Bush et le président Fox. J'amenderais ce que je viens de dire de la façon suivante. Si le Mexique se retrouvait aujourd'hui dans la situation financière où il se trouvait en 1994 et qu'il devait frapper à la porte du Congrès des États-Unis pour demander une aide d'urgence visant à soutenir sa monnaie, je suis loin d'être sûr que le résultat serait exactement le même. Donc, à court terme, il y a des risques qui ne sont pas négligeables, mais il reste que les intérêts en jeu font que l'État américain a peu à gagner à adopter une attitude très agressive envers l'État mexicain.
Mettons les choses en perspective. Les États-Unis n'ont pas été très agressifs envers le Canada non plus. Ils nous mettent de côté et font ce qu'ils ont à faire.
À (1045)
M. Odina Desrochers: Notre interprétation n'est pas la même, monsieur Martin.
M. Pierre Martin: Aux yeux des États-Unis, le Canada ne représente pas grand-chose. Dans le contexte actuel, je regrette d'être obligé de l'exprimer de cette façon.
M. Odina Desrochers: Mais si on ne représente pas grand-chose pour eux, pourquoi ont-ils insisté pour que nous participions à la guerre?
M. Pierre Martin: Les États-Unis ont insisté auprès de tous leurs alliés. Il faut dire, par contre, qu'ils ont été un peu irrités par l'ambiguïté de la définition de notre politique.
Est-ce que notre relation a subi plus de préjudices que celle de la France, de l'Allemagne ou de tous les autres pays qui ont refusé de suivre la coalition? Je pense qu'il ne faut pas exagérer notre propre position dans ce conflit.
M. Odina Desrochers: Avez-vous un commentaire à émettre, monsieur Nossal?
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Je pense que vous avez dépassé votre limite de temps.
M. Odina Desrochers: J'aimerais seulement que vous accordiez 30 secondes à M. Nossal.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Vous êtes rendu à huit minutes et 39 secondes.
M. Odina Desrochers: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Madame McDonough, une dernière question.
Mme Alexa McDonough: J'aimerais seulement revenir à la question du rapport qu'il y a entre notre politique militaire et notre politique étrangère. J'avance que toute personne raisonnable est d'accord pour dire que la politique militaire doit découler de la politique étrangère, mais cela dit, un comité parlementaire a repensé la politique militaire du Canada sans se pencher sur notre politique étrangère, et nous avons maintenant un dialogue sur la politique étrangère qui ne dit pas explicitement que la politique militaire doit découler de notre politique étrangère. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Deuxièmement, très rapidement, on dit de plus en plus sur la scène internationale que le seul moyen d'équilibrer l'hyperpuissance que les États-Unis constituent aujourd'hui, c'est de bâtir une force équivalente qui réunirait les citoyens progressistes du monde. La définition de ce concept présente des difficultés considérables. Je veux seulement savoir ce que vous pensez de cette hyperpuissance qui ne connaît pas de force équivalente dans le monde d'aujourd'hui.
M. Kim Nossal: Je vais d'abord répondre à votre question sur les forces militaires et ensuite à la question sur le rapport qu'il y a entre la politique militaire et la politique étrangère.
Il y a plusieurs décennies que nos forces militaires sont déconnectées de notre politique étrangère. Ce n'est pour ça que nous dépensons 11 milliards de dollars par année. Même si on ne peut pas dire, au niveau de la politique publique, qu'aucun examen de la politique militaire n'a jamais vraiment porté sur le paradoxe essentiel de notre politique militaire, je ne crois pas franchement pour ma part qu'aucun examen ne nous permettra de vraiment savoir pourquoi nous dépensons ces 11 milliards de dollars par année.
En réponse à votre deuxième question, au sujet du contrepoids de cette hyperpuissance, j'ai l'intuition qu'il y a pas grand-chose à faire ou qu'on va faire quelque chose. Cela fait partie de la définition d'une hyperpuissance, à savoir qu'il n'y a pas moyen d'y faire contrepoids.
Cela dit, on peut bien sûr faire des conjectures sur les possibilités d'une union des citoyens progressistes, mais toute chose étant égale, à mon humble avis du moins, il faut se pencher ici sur les gouvernements du monde et se demander comment ils vont répondre à l'affirmation de la puissance américaine. Il me semble que c'est là un événement nouveau, et c'est une chose à laquelle le gouvernement canadien n'a pas vraiment réfléchi. Il demeure fermement attaché à de très vieilles idées; non pas que cela soit entièrement mauvais, mais le Canada n'a pas réfléchi à l'avenir qu'il a comme voisin d'une hyperpuissance. Par exemple, M. Cotler a mentionné la doctrine de la guerre préventive. Je crois que si ça marche dans ce cas-ci, on interviendra ailleurs aussi.
Je cède la parole à Pierre.
À (1050)
M. Pierre Martin: Une petite observation... et pardonnez-moi, je n'ai pas très compris vos questions.
Au sujet de cette étude de la politique militaire qui précède l'étude sur la politique étrangère, je crois que c'est mettre la charrue avant les boeufs. À mon avis, la réflexion sur la politique militaire doit suivre la réflexion sur la politique étrangère. Pour moi, c'est l'évidence même.
En réponse à votre deuxième question, au sujet du contrepoids à l'hyperpuissance, il y a contrepoids au sens classique du terme et au sens du pouvoir structurel des marchés. Je pense qu'il y a des façons de comprendre cela. Kim a dit qu'on ne peut pas vraiment lui faire contrepoids, qu'il faut ni plus ni moins apprendre à vivre avec. Mais dans un sens, même lorsque le vent est fort, on peut naviguer contre le vent. Il y a des moyens d'utiliser les structures afin de... En vivant à l'intérieur de ces structures, et à l'intérieur des contraintes qu'elles imposent, on semble s'imaginer qu'on peut modifier du jour au lendemain toute la structure, il y a des moyens de naviguer contre le vent et d'utiliser ces forces à son propre avantage.
Je sais que c'est une réponse très insatisfaisante si votre but, à long terme, est de changer les structures, mais c'est à tout le moins un premier pas vers le changement. C'est aussi une bonne façon de gouverner dans la mesure où vous ne vous opposez pas nécessairement à ces forces, mais vous essayez d'atteindre vos objectifs à l'intérieur de ces contraintes.
Mais c'est une réponse philosophique qui contourne de nombreux problèmes, je le sais.
La vice-présidente (L'hon. Diane Marleau): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Harvey, vous vouliez poser une question.
M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Monsieur Martin, je tiens d'abord à vous remercier d'être venu témoigner.
Vous avez mentionné que la politique du gouvernement était ponctuée de pirouettes. Je vais vous demander de préciser ces propos étant donné que, dès le début de cette crise, le premier ministre a dit souhaiter que les Nations Unies décident d'assumer leur leadership.
Je ne sais pas si vous avez fait cette allusion à l'égard des militaires canadiens qui font partie d'échanges opérationnels. On ne peut pas participer à des échanges opérationnels et, de temps à autre, demander à nos 30 soldats de revenir sous prétexte qu'il y a un peu trop d'action dans un secteur donné. Le rôle de ces militaires a toujours été défini dans le cadre de batailles contre le terrorisme. J'aimerais donc que vous précisiez dans quel sens vous avez utilisé le mot « pirouettes ».
Dès le départ, le premier ministre a statué que notre position était de nous ranger sous le parapluie des Nations Unies. Il s'agissait effectivement de défendre ces organismes multilatéraux qui vont grandement nous servir dans le cadre de la reconstruction et, éventuellement, de la bataille contre la pauvreté internationale. Je pense que c'est le grand défi du XXIe siècle.
M. Pierre Martin: Je vérifierai la transcription pour savoir si j'ai effectivement utilisé le mot pirouettes ». Je ne crois pas l'avoir fait. La position du Canada était d'intervenir si les Nations Unies le décidaient. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous n'avons pas dévié de notre position, mais il reste que ce faisant, nous ne nous sommes pas prononcés sur le fond de la question. À un certain moment du débat, nous avons déclaré que trois semaines plus tard, il serait pertinent d'intervenir, mais que pour l'heure, ce ne l'était pas. Maintenant que l'intervention a commencé, nous persistons à dire que ce n'était pas une bonne décision, mais que si nous avions attendu trois semaines, il aurait été approprié d'intervenir.
Quelle est donc, s'il y en a une, la position prise par le gouvernement à l'égard de l'intervention comme telle? Je n'ai pas parlé de pirouettes étant donné qu'on n'a rien mis en marche. Nous nous sommes prononcés sur le groupe d'experts qui devait prendre cette décision, mais nous n'avons pas pris cette décision nous-mêmes.
Il peut donc y avoir ici différentes interprétations de la situation. Si tous les autres membres des Nations Unies avaient pris la décision, nous aurions pu nous mettre à leur remorque, dire que nous étions d'accord et que nous n'avions pas besoin de nous prononcer sur le fond puisque les Nations Unies l'avaient fait pour nous. Mais il reste qu'on ne s'est toujours pas prononcés sur le fond: cette intervention était-elle justifiée, oui ou non?
À (1055)
M. André Harvey: Pour notre part, nous nous en sommes toujours tenus à la résolution sur le désarmement de l'Irak. Par contre, nous avons toujours manifesté beaucoup de respect envers les interventionnistes qui ont décidé de procéder plus rapidement.
M. Pierre Martin: Je prendrais ça comme votre...
Le président: Merci beaucoup, monsieur Nossal et monsieur Martin, d'être venus ici. Veuillez m'excuser, mais j'ai dû me rendre personnellement à la Chambre.
Il y a deux motions ce matin.
[Traduction]
Nous avons la motion de M. Stockwell Day, et nous devons aussi discuter du budget de notre voyage étant donné que nous avons modifié l'itinéraire.
Monsieur Day, vous avez la parole. Voulez-vous que je lise la motion?
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Je vais la lire, monsieur le président. Je vous remercie, ainsi que les autres membres du comité.
La motion concerne le statut d'observateur de Taïwan au sein de l'Organisation mondiale de la santé. Je propose :
Que le comité, en reconnaissance du fait que les questions de santé transcendent les frontières politiques, appuie la proposition visant à conférer le statut d'observateur à Taïwan au sein de l'Organisation mondiale de la santé et en fasse rapport à la Chambre. |
Monsieur le président, je serai bref. Je sais que les gens ont des idées très claires sur l'effet positif de cette motion. Nous devons garder à l'esprit que diverses maladies infectieuses comme le VIH, la tuberculose, la malaria et le SRAS franchissent très facilement les frontières. Ces maladies ne connaissent pas de frontières politiques ou nationales et ne font pas de différence entre les races.
Taïwan a demandé de l'aide et a demandé de participer à la prochaine réunion de l'Organisation mondiale de la santé à titre d'observateur. Plus de 150 000 Taïwanais visitent le Canada chaque année, sans compter les quelque 150 000 immigrants ou étudiants taïwanais qui vivent au Canada et qui retournent souvent en visite en Asie. En raison de ce nombre si élevé d'échanges humains, il est essentiel que Taïwan ait accès à l'OMS afin de pouvoir protéger les citoyens taïwanais et canadiens. Si Taïwan était exclue de cette organisation, cela constituerait un trou noir épidémiologique dans le fonctionnement de l'OMS.
Monsieur le président, je tiens à rappeler que Taïwan a réalisé des progrès importants dans de nombreux domaines, que son espérance de vie est l'une des plus élevées au monde et que ses taux de mortalité liés à la maternité et de mortalité infantile sont comparables à ceux des pays occidentaux. Elle a éradiqué des maladies comme le choléra, la variole et la peste.
La population de Taïwan est plus élevée que celle de 148 autres pays des Nations Unies, ce qui équivaut à la population combinée des 50 pays les moins peuplés des Nations Unies. Il est très important de savoir que Taïwan est le seul pays de taille considérable du monde entier dont la population est privée des avantages d'une participation à l'OMS. Nous demandons simplement qu'on lui accorde le statut d'observateur.
L'Organisation mondiale de la santé est très importante. Les pays membres des Nations Unies ne sont pas tous membres de l'OMS. Par exemple, l'île de Niue, une petite île de 260 kilomètres carrés seulement dont la population ne dépasse pas 2 100 personnes a non seulement le statut d'observateur, mais celui de membre à part entière de l'OMS. Les îles Cook, d'une superficie de 234 kilomètres carrés dont la population n'est que de 21 000 habitants, ne sont pas membres des Nations Unies mais elles participent à l'OMS. L'Ordre de Malte, le Saint Siège, le Comité international de la Croix-Rouge, et l'Organisation de libération de la Palestine ont tous statut d'observateur.
Si nous acceptons de faire notre possible pour que cette motion soit adoptée, notre geste serait interprété comme un effort pour faire avancer les causes humanitaires. Elle demande un tout petit coup de pouce pour l'aider à obtenir le statut d'observateur à l'Organisation mondiale de la santé.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Day.
Madame Marleau.
L'hon. Diane Marleau: J'aimerais appuyer la motion. Je connais bien la position du ministère des Affaires étrangères sur cette question, mais je pense que nous devrions exprimer notre désaccord. Je pense que M. Day a été très éloquent et qu'il serait important pour nous d'appuyer la participation de Taïwan à titre d'observateur au sein de l'Organisation mondiale de la santé.
Nous ne serions pas le premier corps législatif à adopter une telle motion. Je crois savoir que les deux chambres du Congrès américain ont adopté des motions semblables. Je crois savoir également que l'Union européenne a aussi adopté une motion à cet effet. Ainsi, ce ne serait pas un manque de solidarité envers nos alliés et je pense qu'il serait très important pour Taïwan d'être admise à titre d'observateur, surtout dans le contexte de l'épidémie du SRAS.
Je pense que nous aurions tort de ne pas nous faire entendre. Le gouvernement a le droit d'adopter la position qui lui semble juste, mais le comité est maître de ses actions. Nous sommes tous députés et nous avons le droit de prendre des décisions et de faire des recommandations.
Nous devrions recommander au Parlement d'appuyer la participation de Taïwan à titre d'observateur au sein de l'Organisation mondiale de la santé.
Á (1100)
Le président: Merci, madame Marleau.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Je veux seulement dire brièvement que mes collègues du caucus du Nouveau parti démocratique et moi-même appuyons fermement cette motion dont le comité est saisi. Vous savez, monsieur le président, que mon prédécesseur au Comité des affaires étrangères s'est constamment fait le champion de ce point de vue. Je pense que nous reconnaissons tous que Taïwan s'est vraiment affirmée parmi le concert des nations en déployant beaucoup d'efforts pour faire en sorte que l'on comprenne pleinement pourquoi c'est tellement important.
À certains égards, ça semble tout à fait évident. Je n'ai pas entendu un seul argument de fond valable indiquant que nous ne devrions pas appuyer cette motion.
À la lumière des exposés que nous avons entendus ce matin de la part de nos éminents conférenciers universitaires, pour des raisons bassement politiques que l'on ne prend même pas la peine d'expliquer au public, le gouvernement prend parfois position sur un sujet quelconque et le monde entier s'interroge sur les raisons de son comportement, parce que les faits et les chiffres et tous les arguments de fond démontrent clairement qu'il faut appuyer cette motion.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Cotler et ensuite madame Carroll.
M. Irwin Cotler: Je voudrais faire quelques brèves observations pour récapituler.
Premièrement, je pense que nous devons mettre en place un réseau mondial de la santé, en particulier à la suite de la propagation transnationale de maladies infectieuses. Taïwan aurait naturellement sa place dans ce réseau mondial de la santé.
Deuxièmement, on a dit que l'OMS n'a pas une liste de membres commune avec l'Assemblée générale de l'ONU ou les autres organismes spécialisés. Mais c'est d'autant plus absurde de garder à l'écart un pays de 23 millions d'habitants qui, comme M. Day l'a dit, est plus populeux que 148 pays souverains, alors même que l'on est prêt à accepter, pas seulement comme observateur, mais en tant qu'État participant, Niue, qui a 2 100 habitants, ou encore les îles Cook, dont la population est de 21 000 habitants.
Troisièmement, lui interdire le statut d'observateur constitue, à mon sens, une violation du principe d'universalité exprimé dans la constitution de l'OMS elle-même.
Quatrièmement, on a fait allusion à la politisation de l'OMS. Je dirais que c'est l'exclusion qui politiserait l'OMS; inclure ce pays serait en fait un antidote à cette sorte de politisation.
Enfin, très brièvement, la question ne se pose pas seulement en termes de Taïwan comme pays bénéficiaire, mais aussi de Taïwan comme pays contributeur, compte tenu de sa propre expertise dans le domaine médical. On nous a parlé d'autres pays qui l'ont appuyé : le Parlement européen, le Congrès des États-Unis, le Japon. Et la dernière absurdité est qu'il y a déjà un certain nombre de groupes qui ont le statut d'observateur, le CICR, le Saint Siège, l'Ordre de Malte, l'OLP, etc.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, j'appuie sans réserve la motion.
Le président: Merci, monsieur Cotler.
Madame Carroll.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai écouté attentivement mes collègues des deux côtés de la table. Je me rappelle toutefois de l'un de mes cours de sciences politiques, à l'époque où j'étudiais le Parlement britannique. On avait coutume de rapporter ce vieil adage : le Parlement britannique a tellement de pouvoir qu'il peut tout faire—sauf changer un homme en femme.
Par conséquent, nous avons peut-être des opinions profondément ancrées sur le plan émotif et politique sur cette question, et j'ai fait l'objet de démarches de la part de lobbys bien organisés au fil des années, mais je pense qu'il faut tenir compte des faits. Si vous voulez bien m'écouter, je vais m'expliquer.
Pour faire partie de l'Organisation mondiale de la santé, les États doivent être membres des Nations Unies. Taïwan n'est pas membre des Nations Unies. Je ne voudrais pas embrouiller la question en citant des faits, mais c'est un fait que la Chine en est membre. Elle est membre du Conseil de sécurité. Elle a le droit de veto. Par conséquent, la probabilité que Taïwan devienne membre des Nations Unies est probablement très mince.
Le deuxième point qui m'apparaît important est que la constitution de l'Organisation mondiale de la santé ne permet pas le statut d'observateur. Donc, même si des Canadiens bien intentionnés souhaitent peut-être, comme je l'ai dit, changer ce règlement, à l'instar du Parlement de Grande-Bretagne, vous avez beaucoup de pouvoirs, mais pas celui-là. Vous n'avez pas le pouvoir de changer le règlement de l'Organisation mondiale de la santé relativement aux observateurs. Vous ne pouvez pas changer les règles des Nations Unies et faire de Taïwan un membre des Nations Unies et donc un membre de l'Organisation mondiale de la santé.
Alors, même s'il est parfois frustrant d'avoir à se frotter le nez sur la réalité, je pense qu'il nous incombe de le faire.
Maintenant, il y aurait une solution qui permettrait à Taïwan de participer aux activités des Nations Unies et de ses organismes comme l'Organisation mondiale de la santé, mais il faudrait obtenir l'appui de l'ONU, y compris de la Chine. Et nous l'avons fait. L'Organisation mondiale de la santé a indiqué qu'il n'y a aucun obstacle pratique—voilà un fait très important, à savoir qu'il n'y a aucun obstacle d'ordre pratique—interdisant l'échange d'information et la collaboration entre l'Organisation mondiale de la santé et Taïwan, obstacle susceptible de menacer le moindrement la santé des Taïwanais. Pas plus que Taïwan ne se verrait interdire l'aide humanitaire de l'Organisation mondiale de la santé dans l'éventualité d'une urgence médicale.
Autrement dit, nous avons établi la situation des jurés, et il reste maintenant la situation de facto, à savoir que tout ce qui est offert par l'Organisation mondiale de la santé, tout ce à quoi les États membres peuvent avoir droit, tout cela, Taïwan y a accès. Donc, même si cette motion dit que nous ne devons pas laisser les questions politiques transcender les questions de santé, il me semble, monsieur le président, qu'en réalité, telle est exactement la raison d'être de la motion de M. Day dont nous sommes saisis. Elle vise à aborder un aspect politique et non pas une question relative à la santé.
Par conséquent, il est important de bien comprendre que l'OMS a collaboré directement avec les Taïwanais dans la prise de mesures pour enrayer la propagation de la maladie et à dépêché des équipes de ses centres de collaboration à Taïwan pour aider à régler des problèmes de santé spécifiques. En tant que membre de la communauté internationale, Taïwan est actuellement libre d'avoir accès à toute l'information sur la santé de l'Organisation mondiale de la santé, soit directement, en consultant le site Web de l'OMS, soit en passant par les centres de collaboration de l'OMS. Je vais vous remettre un document sur les centres de collaboration.
Taïwan est en mesure de participer à tout un éventail de programmes de promotion de la santé de l'Organisation mondiale de la santé, dans la situation actuelle. L'Organisation mondiale de la santé fournit une aide indirecte à Taïwan dans les dossiers relatifs à la santé et à la lutte contre les maladies. Cette aide est dispensée par des tierces parties qui agissent en leur nom propre et au nom de l'OMS, mais qui ne représentent pas officiellement l'Organisation mondiale de la santé.
Il y a des exemples récents de cette aide indirecte parrainée par l'OMS. En 1998, quand il y a eu une flambée de cas de fièvre virale à Taïwan, l'OMS a pris des dispositions pour envoyer à Taïwan une équipe de ses centres de collaboration des États-Unis et du Japon, afin d'évaluer la situation sur place.
Á (1105)
En mars 1998, l'Organisation mondiale de la santé a pris des mesures pour que le président de son comité régional de lutte contre la polio, le Dr Anthony Adams, se rende à Taipei après une réunion locale qu'il avait présidée, et l'Organisation mondiale de la santé a payé ses frais...
M. Greg Thompson: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je m'interroge : est-ce un sermon, ou bien de l'obstruction systématique?
Je pense que pour la plupart, nous comprenons bien la question et je ne pense pas que ce discours incitera quelqu'un de ce côté-ci de la pièce à changer sa position, si vous voulez, alors pourrions-nous...? Enfin, je veux dire, pour la plupart, nous remplaçons un autre député ici et nous avons d'autres engagements.
Donc, par simple courtoisie, monsieur le président, pourriez-vous mettre la question aux voix? Serait-ce déraisonnable de le demander?
Mme Aileen Carroll: Puis-je poursuivre, monsieur le président?
Á (1110)
Le président: Je veux seulement signaler aux députés que la question a été cette semaine portée à l'attention du Président de la Chambre par un autre comité, et Mme Carroll peut poursuivre.
Vous pouvez poursuivre.
Mme Aileen Carroll: Merci.
M. Stockwell Day: J'invoque le Règlement. J'apprécie la façon dont vous faites face à la situation, mais s'il s'agit d'une obstruction systématique, si nous pouvions le savoir... nous pouvons communiquer avec nos bureaux, commander le déjeuner, etc. J'aimerais savoir, car je vous fais respectueusement remarquer que s'il s'agit d'obstruction systématique, le Canada entier, veuillez me croire, en entendra parler en termes plutôt exagérés alors que nous pourrions avoir ici une question qui se prête merveilleusement bien à la coopération.
Si la députée pouvait tout simplement nous prévenir, par respect, nous pourrions prendre des dispositions, faire venir de la nourriture, modifier nos engagements.
Mme Aileen Carroll: Je ne pense pas, monsieur le président, qu'en tentant de donner de l'information, ce que j'essaie vraiment de faire, afin de pouvoir examiner cette motion car je me demande vraiment si c'est ou non par souci des Taïwanais qu'on ne leur fournit pas d'information de la santé... car cette motion découle d'une motivation politique qui vise à participer à une campagne mondiale. Voilà ce que j'essaie de faire.
Je pense que c'est très pertinent et à mon avis ce n'est pas du tout de l'obstruction. Comme secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, je tiens à vous faire part de ce que l'organisation qui est visée par cette motion a fait par le passé dans la situation dont parle justement la motion.
M. Stockwell Day: Dix minutes, dix heures...?
Mme Aileen Carroll: Si vous voulez bien attendre, monsieur Day, je pense que le président peut vous aider. Comment on définit exactement cette définition n'a pas été tranché, malgré la longueur de l'intervention.
Le président: Madame Carroll, vous avez le droit et c'est tout à fait pertinent vu ce que vous dites. Donc, continuons pendant un certain temps, mais pour la gouverne des membres du comité, si vous avez l'intention de continuer après midi, nous aimerions le savoir.
Mme Aileen Carroll: Non, je ne dépasserai pas midi.
Le président: Très bien, parfait. Merci. Vous avez la parole.
Mme Aileen Carroll: J'ose espérer, puisque j'ai consacré beaucoup de temps à me préparer, que vous me ferez la courtoisie de m'écouter.
Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, j'invoque le Règlement...
Mme Aileen Carroll: L' Organisation mondiale de la santé...
Mme Alexa McDonough: ... si vous avez de l'information importante dont vous voulez nous faire part...
Mme Aileen Carroll: C'est très important.
Mme Alexa McDonough: ... c'est la coutume d'en faire état avant la réunion, alors que cette fois-ci nous sommes au courant depuis dix minutes. À l'avenir, la secrétaire parlementaire aux affaires étrangères pourrait peut-être nous faire part de cette information à l'avance.
Le président: Très bien. C'est noté, madame McDonough.
Madame Carroll.
Mme Aileen Carroll: En 1999, l'Organisation mondiale de la santé a fait une contribution financière à la Croix-Rouge internationale afin que celle-ci fournisse de l'aide médicale aux victimes du tremblement de terre du 21 septembre. Il s'agissait du même genre de contribution et de la même aide en situation d'urgence dont tout État membre de l'Organisation mondiale de la santé aurait bénéficié. C'est très important. Taïwan a reçu une aide aussi rapide et aussi bonne que tout autre pays membre. Il ne faut pas l'oublier dans le contexte de ce qui est demandé dans cette motion.
Suite au tremblement de terre de 1999, l'Organisation mondiale de la santé a également pris des dispositions pour que soient traduites en chinois et distribuées aux travailleurs de la santé publique l'information technique et les directives sur la gestion des centres d'évacuation.
J'aurais pensé que vous étiez tous au courant de cela à l'avance.
Un réseau d'information de la santé qui alimente les travailleurs de la santé publique à Taïwan et leurs homologues au Japon a été mis sur pied par l'entremise du centre de collaboration de l'Organisation mondiale de la santé au Japon.
Il est très important de le noter, car nous avons été nombreux à exprimer notre inquiétude face à la flambée de SRAS, la pneumonie atypique. En effet, le parrain de cette motion ainsi que mon collègue, M. Cotler, ont fait état de cette inquiétude particulière. Soyez assurés que cela nous préoccupe aussi. Taïwan a reçu de l'aide du Centre pour le contrôle des maladies des États-Unis, le CDC. Je le mentionne parce qu'il s'agit là d'un des centres de collaboration de l'Organisation mondiale de la santé.
Il est important de savoir ce qui est fait dans la lutte contre le SRAS. Il est tout à fait essentiel, je vous en assure, madame McDonough, pour moi et mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, que Taïwan reçoive exactement la même aide que les autres. Je ne pense donc pas qu'il soit juste que votre côté de la table ait inclus cela dans la motion.
Le 16 mars 2003, le Centre pour le contrôle des maladies a envoyé deux responsables à Taïwan pour évaluer les cas de SRAS. Les données sur les cas de SRAS déclarés à Taïwan apparaissent depuis le 18 mars 2003 dans les rapports de l'Organisation mondiale de la santé sur Internet.
Taïwan dispose de l'information nécessaire pour faire face à cette flambée de SRAS grâce au Centre pour le contrôle des maladies qui est en fait un lien à l'Organisation mondiale de la santé. Taïwan dispose des mêmes renseignements que les autres pays, y compris le Canada, pour faire face à cette crise. La seule différence dans le cas de Taïwan, c'est que l'information a été fournie par le Centre pour le contrôle des maladies, un centre de collaboration de l'OMS, et non pas directement par l'OMS. Cela ne modifie en rien la capacité de Taïwan de faire face à cette crise, pas plus que cela n'a eu d'incidence néfaste sur la santé et la sécurité des Taïwanais.
Monsieur le président, j'aimerais vraiment que M. Day reste dans la salle pour...
Monsieur Day, ce serait bien gentil à vous de vous joindre à nous; nous traitons de votre motion.
La situation actuelle ne ressemble en rien à de l'obstruction systématique. Dans de tels cas, on parle et on parle de choses qui n'ont rien à voir. Or je vous donne de l'information qui devrait être considérée tout à fait vitale dans le cadre de votre motion, mais qui va tout à fait à l'encontre du but visé par votre motion.
Je suis donc tout à fait étonnée d'entendre Mme McDonough dire que j'aurais dû vous transmettre cette information sur le SRAS. J'aurais pensé qu'il revenait à certains de vos collaborateurs—à votre porte-parole en matière de santé peut-être—de vous fournir cette information puisque vous êtes le porte-parole des affaires étrangères à ce comité.
Dans ce contexte—j'ai parlé du SRAS et de la capacité de Taïwan d'obtenir les services de santé fournis par l'Organisation mondiale de la santé—je pense qu'il faut également mentionner, comme on l'a fait, que dans le contexte de la politique du Canada d'une seule Chine, et en l'absence de relations diplomatiques, nous avons la possibilité de créer et de maintenir des relations culturelles, économiques, et personnelles solides avec Taïwan. Les activités des entreprises canadiennes et des communautés culturelles sont la preuve de ces liens officieux qui ne cessent de croître. Les entreprises canadiennes continuent à jouir des avantages de liens économiques solides avec Taïwan. La culture canadienne est également à l'avant-plan comme on peut le constater à des expositions où est représentée toute la gamme des communautés artistiques dynamiques du Canada.
Le Canada a toujours appuyé l'accès de Taïwan aux nombreux programmes de l'Organisation mondiale de la santé en matière de protection et de promotion de la santé qui existent actuellement, et il continue à encourager les responsables taïwanais à se prévaloir des possibilités de coopération qui existent déjà au sein du cadre de l'OMS en vue d'assurer que les connaissances sont communiquées et que tous ont accès à l'information sur les soins de santé.
Á (1115)
Monsieur le président, je pense qu'il est tout a fait clair pour les membres du comité qui écoutaient que cette motion est sans objet. La motion n'a rien à voir avec la capacité de ce pays avec lequel nous avons des liens très solides, comme je l'ai expliqué, à tous les niveaux imaginables; cela n'a rien à voir avec la capacité de ce pays d'avoir accès aux services de l'Organisation mondiale de la santé et à ses programmes parce que tout cela est déjà en place.
Je pense donc qu'il est très important que ce soit consigné au procès-verbal, tout comme le fait que la réglementation actuelle des Nations Unies et de l'Organisation mondiale de la santé empêchent Taïwan d'être observateur ou membre. Notre comité est un peu, je suppose, comme le Parlement britannique—c'est-à-dire nous tentons de contourner des règles qui échappent à notre pouvoir.
Merci.
Le président: Merci, madame Carroll.
Monsieur Martin.
M. Keith Martin: Non, nous pouvons passer au vote.
Le président: D'accord.
Sommes-nous prêts pour le vote? Bon.
Voici le texte de la motion :
Que le comité, en reconnaissance du fait que les questions de santé transcendent les frontières politiques, appuie la proposition visant à conférer le statut d'observateur à Taïwan au sein de l'Organisation mondiale de la santé et en fasse rapport à la Chambre. |
Sommes-nous d'accord...?
Vous souhaitez un vote par appel nominal? Bon, il suffisait de le demander. Nous allons procéder à un vote par appel nominal, pas de problème.
(La motion est adoptée par 10 voix contre 3)
Le président: Madame Carroll.
Á (1120)
Mme Aileen Carroll: À titre de précision, pour la question du budget, je crois que nous n'avons plus de temps.
Le président: Non, le budget va nous prendre 10 secondes, si cela ne vous dérange pas.
Mme Aileen Carroll: Mais donner automatiquement... j'espérais avoir l'aide...
Le président: Non, je pense que nous pouvons avoir le consentement unanime. C'est simplement parce que nous changeons un pays. Le comité a accepté à l'unanimité d'aller à New York, Paris, Londres et Bruxelles, mais nous allons sauter Bruxelles pour aller au Maroc à la place, à Casablanca. C'est la seule demande. D'après le greffier, nous devons revenir sur le budget parce qu'il y a un changement dans le voyage lui-même. Pour ce qui est du montant, nous ne demanderons pas un sou de plus. C'est conforme au budget qui a déjà été accepté par le sous-comité.
Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, je comprends que le montant qui est demandé est exactement le même que celui que nous avions demandé. Est-il possible, à l'intérieur de cette enveloppe, de faire en sorte ou de voir s'il y aurait moyen d'augmenter le nombre de députés prévus, puisque le nombre prévu est de 10 et que ce nombre, d'après ce que m'a dit le greffier, correspond à cinq députés libéraux, deux députés alliancistes, un député du Bloc québécois, un député du Nouveau parti démocratique et un député du Parti progressiste-conservateur? Le greffier me dit que cela respecte les proportions des députés à la Chambre des communes, ce qui n'est pas tout à fait exact, puisque le nombre total des députés du Bloc québécois excède le nombre total des députés néo-démocrates et conservateurs mis ensemble.
S'il était possible d'envisager d'inclure un ou deux députés additionnels à l'intérieur de la même enveloppe, je vous assure que ça serait très apprécié, compte tenu de l'intérêt de certains d'entre nous, dont moi-même, à suivre assidûment les travaux de ce comité sur la question des relations entre le Canada et le monde musulman.
Le président: Une motion a été acceptée par la Chambre, et on y parlait de 10 députés et de membres du personnel. C'est la motion. Disons qu'on peut regarder le budget, mais l'idée est de ne pas demander un budget supplémentaire. Je pense que c'est important.
La résolution de ce matin est que le comité demande l'autorisation du Sous-comité des budgets de comité du Comité de liaison d'imputer, au besoin, des frais d'hospitalité officielle au budget des opérations de base du comité quand les coûts que cette hospitalité dépassent le montant autorisé pour cette activité.
[Traduction]
Nous devons parfois budgéter les frais d'hospitalité officiels et il y a un budget de 10 000 $ à la disposition du comité. Il y a 5 000 $ actuellement et il y en aura 5 000 autres en septembre, simplement parce que quelquefois nous avons des frais pour lesquels nous pouvons utiliser cette enveloppe de 5 000 $. Nous demandons toujours l'aval du comité. Nous ne dépensons strictement rien sans l'autorisation du comité.
Nous sommes d'accord là-dessus?
Des voix: Oui.
Le président: Nous sommes d'accord sur la motion?
(La motion est adoptée [voir le Procès-verbal])
Le président: Y a-t-il autre chose?
[Français]
C'est tout? Merci.
La séance est levée.