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Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à nouveau. Je suis venu ici il y a environ un an et demi et je crois avoir déjà comparu devant votre comité auparavant, à l'occasion, probablement au cours de la dernière décennie. Je vous remercie de l'invitation.
Je vous ai fourni des documents qui mettent à jour certains des tableaux préparés en mai 2006. Il y a quelques nouveaux tableaux, de même que des données plus récentes sur la question.
J'aimerais commencer en mettant l'accent sur les enjeux politiques particuliers et, si le temps me le permet, je ferai quelques observations concernant les tableaux. Si je n'ai pas le temps, sentez-vous à l'aise de poser les questions que vous voudrez.
Premièrement, j'ai quelques observations à faire sur la nature des défis qui se posent concernant l'appréciation du dollar canadien.
Ce qui nous échappe parfois c'est que l'une des répercussions les plus importantes de l'appréciation de la devise canadienne sur l'économie entraîne une redistribution de l'argent et des revenus entre divers groupes de Canadiens — divers secteurs industriels, diverses professions, diverses catégories de revenu, et certainement entre les différentes provinces du Canada.
Après une période de transition difficile, il est très important de comprendre que l'économie canadienne peut fonctionner et qu'elle a déjà fonctionné à un bon niveau de rendement alors que la devise était tantôt élevée, et tantôt faible. C'est d'abord et avant tout une question de redistribution.
Avec une devise beaucoup plus élevée comme c'est le cas depuis 2002, il importe aussi de comprendre que la composition industrielle de l'économie canadienne devrait être différente. C'est tout à fait approprié. Quand le dollar passe de 65 ¢ à la parité avec la devise américaine, il est approprié que la structure de l'économie subisse des changements importants.
Pour que l'économie soit compétitive, le nombre de personnes qui gagnent leur vie grâces aux exportations vers les États-Unis doit diminuer.
Il est essentiel que le gouvernement reconnaisse pleinement les ajustements qui doivent survenir au sein des entreprises et chez les travailleurs, et aussi entre les économies provinciales.
Je crois que le gouvernement peut et devrait aider les travailleurs à s'adapter à la nouvelle réalité en leur offrant la possibilité de se recycler et de se réinstaller. Là où des politiques existent déjà, je crois qu'il faudrait les revoir pour aider les travailleurs à s'adapter à cette nouvelle réalité. Cela est important.
Avant de parler des problèmes du marché du travail, permettez-moi d'aborder d'abord les problèmes des affaires. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si le gouvernement devrait aider directement le milieu des affaires pour compenser pour l'appréciation de la devise canadienne.
Manifestement, plusieurs entreprises comptent beaucoup sur les exportations vers les États-Unis et elles éprouvent beaucoup de difficultés en raison d'une capacité réduite de concurrencer sur le marché américain. Cela ne fait aucun doute. Et les correctifs ne sont pas disponibles, loin de là. Toutefois, d'un point de vue théorique la question qui se pose est de savoir s'il est approprié de fournir une aide nouvelle directement aux entreprises, précisément pour compenser les difficultés qu'elles ont à s'adapter à un dollar dont la valeur est plus élevée. C'est ce qui pose problème.
L'adaptation à un nouveau taux de change est un risque bien connu chez les hommes d'affaires au Canada. C'est ainsi que sont les choses. Faire des affaires consiste aussi à s'ajuster au taux de change. Cela comporte aussi d'autres risques bien connus comme les prix élevés de l'énergie, la plus grande faiblesse de l'économie américaine. Une variation de la valeur de notre dollar est une de ces difficultés. Nous avons opté pour une devise flexible, et c'est ainsi que vont les choses.
Il est très difficile de concevoir une aide qui soit équitable et efficace pour les entreprises qui souffrent de la valeur élevée de la devise canadienne. Outre nous demander s'il faut compenser les compagnies qui prennent ce risque... supposons que c'est ainsi que nous souhaitons procéder. Ensuite, il devient très difficile de le faire et de dépenser sagement l'argent des contribuables, voici pourquoi.
Certaines entreprises ont adopté des stratégies d'opération de couverture, tandis que d'autres ne l'ont pas fait. Ainsi, allez-vous compenser celles qui n'ont pas adopté une stratégie de gestion appropriée?
Certains manufacturiers ne comptent pas beaucoup sur les exportations vers les États-Unis. Certaines comptent sur les exportations vers l'Europe plutôt que vers les États-Unis. Certaines peuvent aisément changer la destination de leurs exportations.
Certains fabricants n'exportent pas. De fait, certains manufacturiers se débrouillent très bien en approvisionnant le secteur de l'énergie, par exemple.
Certains manufacturiers souffrent de problèmes autres que ceux de la valeur élevée du dollar canadien. Le prix élevé de l'énergie en serait un bon exemple.
Certains manufacturiers — et je parle ici spécifiquement des fabricants d'automobiles établis à Detroit, aux États-Unis — ont de graves problèmes qui vont au-delà de la valeur élevée du dollar canadien et, ils auront à faire face à ces problèmes pendant un certain temps encore.
D'autres entreprises, sociétés et secteurs souffrent en raison de la faiblesse de l'économie américaine, et peut-être est-ce une situation indirectement reliée à la valeur du dollar.
De même, certaines entreprises qui ne sont pas dans le secteur manufacturier — les fabricants de logiciels, par exemple — comptent davantage sur les exportations vers les États-Unis que d'autres manufacturiers. Certaines de ces entreprises n'exportent pas vers les États-Unis, mais elles souffrent grandement de la concurrence accrue des importations des États-Unis. Le secteur du tourisme serait un bon exemple. Ainsi, toute forme d'aide visant à compenser les manufacturiers pour les difficultés qu'ils ont à s'adapter à la valeur élevée du dollar canadien, si tel était votre choix, serait sérieusement compromise par le fait que ce serait injuste pour certaines entreprises autres que des fabricants.
Permettez-moi d'être assez spécifique en ce qui a trait aux déductions pour amortissement contenues dans le budget de 2007. Bien entendu, le gouvernement songe à inclure une mesure semblable dans le budget de 2008. Je suis d'avis qu'aucune mesure particulière ne devrait être prise pour les manufacturiers par rapport à d'autres entreprises dans d'autres secteurs. Tout allègement ne devrait pas être justifié par les difficultés particulières qu'éprouvent certaines de ces entreprises face à la valeur élevée du dollar canadien.
Toute aide au secteur des affaires pour l'aider à composer avec la valeur élevée du dollar pose problème. Si vous voulez le faire, il sera alors très difficile d'utiliser sagement l'argent des contribuables. Si vous décidez de maintenir cet allégement fiscal en particulier, vous devriez l'appliquer à toutes les entreprises et non seulement aux manufacturiers.
Cet allégement fiscal devrait être étendu non pas en évoquant la difficulté de composer avec la valeur élevée du dollar, mais bien pour la bonne raison qu'il pourrait être très utile pour améliorer la productivité et la compétitivité. Il aurait été très sage et très avisé d'annoncer ce genre de mesure il y a trois ans, il y a deux ans, il y a un an et même dans un an. C'est une bonne idée. La mesure peut être très efficace pour améliorer la productivité, et c'est là une autre des raisons pour ne pas la limiter aux manufacturiers.
Bien entendu, une telle mesure pourrait faire en sorte que le taux effectif marginal d'imposition se rapproche davantage de celui d'autres pays de l'OCDE. Nous nous en tirons relativement bien par rapport aux Américains, mais nous traînons de l'arrière par rapport à d'autres pays. La compétitivité internationale est une autre bonne raison d'offrir cet allégement fiscal.
Cet allégement fiscal ne sera pas aussi coûteux que vous croyez qu'il pourrait l'être. La raison en est que dans le budget 2007 ou dans tout autre document budgétaire du gouvernement, on parle du coût financier. Ce coût financier ne comprend jamais la rétroaction et la stimulation que le gouvernement obtiendra d'une croissance économique supplémentaire, stimulée par la réduction d'impôt.
Quand le gouvernement attribue un coût à toute mesure inscrite dans le budget, il parle de coût financier. Ne vous y trompez pas, il le fait toujours, et n'oubliez surtout pas d'insister sur cela auprès des responsables du ministère des Finances. Ainsi, le gouvernement n'inclut pas le fait que certaines réductions d'impôt — et ici nous parlons d'une réduction importante, les réductions d'impôt sur l'investissement ou de l'impôt marginal affectent les gens — stimulent la croissance économique et permettent au gouvernement de récupérer une partie de son argent. Il ne comptabilise toutefois cet aspect. J'insiste. Dans le cas de cet allégement fiscal en particulier, le gouvernement récupérera une partie de son argent étant donné qu'à moyen terme cette mesure stimulera la productivité et la croissance économique.
Quand le gouvernement établit le coût d'une mesure et dit « Dale Orr dit de l'appliquer à tout le monde. Dommage, j'aimerais que nous ayons suffisamment d'argent. Il nous en coûtera trois fois plus », je répondrais « Mieux encore, ne faites pas de discrimination. Appliquez la mesure à tout le monde puis si cela représente trop d'argent, ne la maintenez pas à 50 p. 100 ». Faites en sorte que tout corresponde aux fonds disponibles. Mieux vaut réduire le taux et appliquer la mesure à tout le monde que de faire preuve de discrimination.
Dans le cas de cet allégement fiscal particulier, la déduction pour amortissement, sous quelle que forme que ce soit, devrait s'appliquer à tout le monde et non pas seulement aux manufacturiers. Et n'allez pas justifier cette décision avec la valeur élevée de la devise, mais dites plutôt qu'il s'agit d'une bonne décision pour stimuler la productivité et la compétitivité.
Si vous décidez d'aller dans ce sens, je crois que la mesure devrait faire partie des plans pour le budget de 2008. Mais est-ce plus important que de réduire certains éléments de l'impôt sur le revenu personnel? Est-ce plus important que d'affecter des fonds au développement de l'infrastructure? Est-ce plus important que d'utiliser les fonds du gouvernement pour réduire la pauvreté? Je ne sais pas. C'est pourquoi je dis qu'il y a problème.
Permettez-moi de me tourner du côté des travailleurs. Je suis beaucoup plus favorable au fait que le gouvernement accroisse son aide aux travailleurs qu'au secteur des affaires. Le gouvernement peut et devrait offrir une aide accrue aux travailleurs, mais cette aide ne devrait pas être justifiée uniquement parce des travailleurs souffrent de la valeur élevée de la devise canadienne. Cette aide devrait être justifiée parce qu'elle permet aux travailleurs d'acquérir une formation, de se recycler, de déménager pour occuper un emploi plus rémunérateur et plus sûr, et qu'elle aide les travailleurs et leurs familles et, en bout de ligne, aider l'économie canadienne.
À l'heure actuelle, il y a des problèmes plus pressants que d'autres au Canada. Si certains d'entre vous viennent de l'Ouest du Canada, vous diriez « Eh bien, quel est le problème pressant? ». C'est la pénurie de main-d'oeuvre, n'est-ce pas? Nous sommes ici et nous disons « Eh bien, nous avons tous ces travailleurs qui perdent leur emploi à cause de la valeur élevée du dollar canadien ». Cela semble ironique, n'est-ce pas?
Le taux de chômage au Canada est à son plus bas en 30 ans, mais il y a tout de même environ un million de Canadiens qui sont sans emploi. Environ 40 p. 100 des personnes qui n'ont pas d'emploi vivent dans des régions qui connaissent des taux de chômage perpétuellement élevés, particulièrement dans l'Est du pays. Environ 70 p. 100 de ces sans-emploi ont moins de 45 ans. Ainsi, si ces personnes déménageaient là où il y a des emplois, dans l'Ouest du Canada par exemple, le résultat serait bon. C'est pourquoi je dis qu'il est important d'insister sur la réinstallation des plus jeunes travailleurs. C'est la mesure qui rapportera le plus.
Plusieurs des offres d'emploi dans l'Ouest du Canada sont comblées par des immigrants, tandis que les Canadiens continuent de payer de l'assurance-emploi pour des personnes qui ne veulent pas se déplacer pour accepter un emploi. Cela fait en sorte que le niveau de vie est plus faible qu'il ne devrait l'être au Canada, et cela est injuste envers les Canadiens qui travaillent fort.
Ces dernières années, un nombre croissant de personnes se sont réinstallées dans des marchés plus prometteurs, mais ces personnes avaient des motivations personnelles et privées, et ils ont profité d'une intervention importante de la part de certains employés du secteur privé dans l'Ouest du pays. Toutefois, le gouvernement fédéral n'a pas suffisamment bonifié son aide pour permettre aux travailleurs de se déplacer là où les emplois se trouvent, pour répondre aux besoins croissants du marché du travail dans l'Ouest et pour permettre aux travailleurs de se déplacer d'une province à une autre. Cela n'est pas acceptable au gouvernement fédéral. Cela n'était pas acceptable quand je travaillais pour le gouvernement fédéral il y a 20 ans, et je crois comprendre que cela le demeure. Mais j'estime que le Canada, les travailleurs et leurs familles profiteraient de mesures facilitant la réinstallation interprovinciale. Bonifiez ces mesures qui auraient dû être prises il y a fort longtemps.
Voilà, c'est tout. J'ai les tableaux. Je crois bien que mes dix minutes sont écoulées.
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Merci d'être venu, monsieur Orr.
J'ai été très intéressé par la première partie de votre exposé, mais la dernière partie concernant la réinstallation me préoccupe beaucoup, particulièrement parce que je viens d'une région rurale l'Est du Canada. Il y a l'hypothèse selon laquelle nous devrions commencer à déplacer les gens un peu partout dans le pays pour suivre les emplois. C'est la solution que vous proposez. Elle contribue surtout à dépeupler les régions rurales et elle laisse les collectivités avec un manque à gagner au plan fiscal et les dépouille d'autres avantages.
Je vous donnerai un exemple de ce qui s'est produit au Cap-Breton il y a dix ans. Nous avons perdu notre industrie des poissons de fonds, puis nous avons perdu notre industrie houillère à cause des marchés internationaux, puis nous avons perdu notre industrie sidérurgique. Nous avons donc perdu quelque 15 000 emplois dans la région, et le taux de chômage a atteint 28 p. 100.
Il suffirait d'utiliser votre modèle pour dire à tous ces gens d'aller en Alberta. Ce serait une excellente façon de vider la collectivité et ce serait la fin de cette collectivité. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Il y avait des fonds disponibles et nous avions une agence de développement et DRHC offrait une aide pour le recyclage des travailleurs, ceux qui travaillaient dans les mines de charbon, dans les de transformation du poisson, pour leur permettre de travailler dans le domaine des communications et dans divers autres domaines. Actuellement, le taux de sans-emploi est de 13 p. 100. La collectivité se débrouille bien et nous aimerions bien nous situer dans la moyenne nationale. Oui, certains de nos citoyens travaillent en Alberta, mais ils reviennent, afin que leurs familles restent intactes.
Je crois que de leur demander de déménager est une solution simpliste. Si vous fermez une usine de sciage quelque part, ou si vous modifiez une industrie de la pêche, laissez-les tous déménager. Mais je crois que nous sommes capables d'être plus créatifs dans ce pays. Je crois que nous pouvons aider. Il arrive que les entreprises viennent dans les régions qui font face à des défis. Nous pouvons recycler les travailleurs afin qu'ils demeurent dans les régions. Parfois, il en coûte moins cher pour les entreprises d'établir leur infrastructure dans ces régions.
J'aimerais vous entendre commenter cet aspect, nous dire qu'il existe des modèles qui peuvent aider les personnes à se recycler et les collectivités à survivre et à traverser ces difficultés, grâce à une certaine aide et à une intervention du gouvernement. Cette aide n'est pas là pour les subventionner à perpétuité, ni pour leur tenir la main pendant tout ce temps, mais plutôt pour les aider à faire la transition, les aider à accueillir de nouvelles industries dans leurs villes, les aider à surmonter des difficultés.
J'aimerais vous entendre à ce sujet, parce que le modèle a bien fonctionné pour nous et je crois qu'il pourrait fonctionner dans plusieurs autres régions.
Si vous voulez bien regarder le tableau de l'évolution prévue du dollar canadien, vous verrez que, selon nos prévisions, au cours de six prochains mois, le dollar se rapprocher de la parité au cours des six prochains mois. Il se situera un peu sous la valeur de la devise américaine vers la fin de 2008, et se situera aux environs de 98¢ en 2009. Cela attribuable à une combinaison de prix pour l'énergie légèrement plus bas. De plus, il y a compensation. Par contre, il y aura probablement d'autres pressions à la baisse sur le dollar américain, mais nous ne croyons pas que le prix du pétrole pourra rester au sommet qu'il a atteint le mois dernier, c'est-à-dire dans les 95 $. Nous croyons plutôt qu'il se situera aux alentours de 76 $ à la fin de 2008.
Pour reprendre ce que vous disiez au sujet de la Chine et de l'Inde, à 76 $ le baril de pétrole, il s'agit d'un prix relativement élevé par rapport à ce que les gens attendaient, il y a quelques années. L'économie chinoise en particulier a continué de croître à au rythme phénoménal de neuf à dix pour cent. Je crois que tel sera le cas pendant quelques années encore. Cette économie exigera beaucoup de nos ressources, non seulement en termes de pétrole, mais aussi d'autres métaux et ainsi de suite.
En ce qui a trait à la demande de pétrole, le fait de dire qu'il se situera dans la fourchette de 70 à 75 $ représente même une demande saine. Du côté des forêts, je crois qu'il s'écoulera un bon moment avant que le marché de la construction domiciliaire ne reprenne aux États-Unis et ne nous apporte la vigueur nécessaire pour notre secteur des forêts.
C'est l'évolution que nous prévoyons pour le dollar et c'est la raison pour laquelle j'estime qu'il est très important que l'aide que vous voudrez offrir corresponde à un ajustement. Les entreprises prennent des décisions stratégiques à long terme concernant leurs investissements et l'emplacement des installations. Il s'agit d'une décision d'affaires à très long terme. Les entreprises planifient d'avance. Il y a environ un an, je crois que les responsables de ces grandes décisions d'investissement, par exemple l'agrandissement et le déménagement des usines, s'attendaient à ce que le dollar canadien se situe dans la fourchette de 85 à 90 ¢. Il importe de retenir que même si demain le dollar se situait à 95 ¢, ce qui représenterait une diminution de cinq cents, et restait à ce niveau pendant quelques années, ceux qui investissent et qui prennent des décisions concernant la réinstallation devraient le faire avec un dollar à 95 ¢, ce qui est probablement un peu plus élevé que ce à quoi ils pensaient, il y a un an à peine.
Ainsi, en ce qui concerne les décisions d'expansion d'usine, ou d'emplacement d'installations, nous n'avons pas encore vu la fin des répercussions négatives du dollar canadien. Les effets se feront sentir au cours des deux ou trois prochaines années.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Orr.
J'ai écouté attentivement votre analyse, du moins ce que vous nous avez dit par rapport au dollar élevé avec lequel on vit actuellement. J'aimerais vous poser deux ou trois questions, et vous déciderez dans quel ordre vous voulez y répondre.
Je suis originaire du Québec, où il y a un problème en ce qui a trait à la relocalisation des employés. Une des raisons à cela est que dans le secteur de la construction, par exemple, la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre du Québec empêche les travailleurs de l'Ontario, de l'Alberta et de toutes les autres provinces de venir travailler au Québec. Par contre, je pourrais aller travailler à l'extérieur du Québec, mais quand les gens savent qu'ils ne peuvent pas venir travailler chez nous, ils ne m'engagent pas pour aller travailler chez eux. C'est le premier problème, et j'aimerais connaître votre opinion sur ce sujet.
Deuxièmement, vous avez mentionné « en dehors de la relocalisation des employés ». Je paie mon impôt en dollar canadien dans ma province. Je paie à peu près 50 p. 100 d'impôt sur mon salaire, et le gouvernement du Québec prend mon argent pour payer une dette en dollars américains. Présentement, je lui donne le même montant, soit 50 p. 100 de mon salaire, mais il rembourse deux fois plus vite le montant de la dette. Le gouvernement du Québec ne se plaint pas présentement parce que cela fait son affaire. En effet, il paie ses dettes comme il ne l'a jamais fait. Le Québec a une dette de 112 milliards de dollars, et on peut payer, justement grâce à la hausse du dollar canadien.
Troisièmement, comme député membre du gouvernement, comment puis-je faire ou suggérer quelque chose quand la politique monétaire dépend de la Banque du Canada? Celle-ci est censée être indépendante de nous. Nous ne sommes même pas censés lui faire de recommandations. Alors, d'après ce que j'entends, comment voulez-vous que je fasse quelque chose aujourd'hui, même minime, pour influencer le cours du dollar, si on doit l'influencer?
Ce sont là mes trois questions.
En ce qui a trait au premier élément, oui, il y a des barrières interprovinciales et je pense que cela a été mentionné concernant certaines professions et certains métiers. Je sais que le gouvernement cherche actuellement à réduire ces obstacles et qu'il connaît un certain succès. C'est un excellent effort qui exige beaucoup de coopération. Comme vous le savez peut-être, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont signé l'Entente sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'oeuvre et, je crois, que c'est là un bon exemple que d'autres provinces devraient suivre.
Comme vous l'avez mentionné, la vigueur de la devise canadienne contribue à effacer plus rapidement la dette des États-Unis — je ne suis pas sûr qu'il s'agissait d'une question — c'est probablement un avantage. En tant que comité, vous entendez beaucoup plus de gens qui se sentent lésés par une chose ou par une autre. Il peut y avoir cinq personnes qui bénéficient d'une aide pour toute personne qui se sent lésée, mais vous entendrez parler bien plus de la personne qui est lésée. Je crois que c'est là un exemple. Le dollar fort a un gros avantage.
En ce qui a trait à la Banque du Canada, j'apprécie ce que vous dites, c'est-à-dire que la Banque a une certaine indépendance. Vous pouvez toujours parler aux autorités, mais vous n'avez pas de pouvoir sur eux. Ce n'est pas que cela qui vous apporterait beaucoup d'avantages, parce que la capacité de la Banque du Canada d'influencer le dollar canadien est très limitée. Je l'ai souvent dit, parfois de manière facétieuse, que la seule influence négative de la Banque surviendrait si le gouverneur disait quelque chose de vraiment stupide: le dollar pourrait alors chuter temporairement. Heureusement, nous avons un excellent gouverneur et nous avons eu avant lui d'excellents gouverneurs, et ils n'ont pas fait cela. C'est une des raisons pour lesquelles nous choisissons les bonnes personnes, et nous sommes très chanceux.
Il est beaucoup plus difficile pour lui de provoquer une hausse du dollar. On vous dira qu'il existe un instrument et que cet instrument est la modification du taux d'intérêt, alors qu'en fait il ne s'agit que d'un demi-instrument, car le plus gros effet sur la fluctuation des taux d'intérêt canadiens dépend de l'écart entre les taux canadiens et américains. Si la Banque du Canada abaisse son taux d'un demi-point et que, le jour suivant, la réserve fédérale américaine abaisse le sien d'un demi-point, il ne se produira pas grand-chose du point de vue du dollar.
Les autorités de la Banque du Canada aiment nous dire que nous sommes souverains parce que nous n'avons pas de devise commune. Il serait possible d'en débattre longuement parce que s'il y avait une banque centrale nord-américaine, au moins nous aurions voix au chapitre. À l'heure actuelle, nous n'avons rien à dire face à ce que fait la réserve fédérale et c'est là la moitié de l'équation. Je dis donc qu'il est possible d'en débattre. Que nous ayons plus ou moins d'influence sur notre taux d'intérêt en vertu d'une devise commune, est un point discutable en raison de l'écart, qui lui a un effet beaucoup plus important.
Ne vous sentez donc pas mal à l'aise ni malheureux de ne pouvoir parler à la banque, parce que son pouvoir est limité.