Passer au contenu

HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 143 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mai 2019

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

     Bonjour. Bienvenue à la 143e séance du Comité permanent de la santé. Nous poursuivons notre étude sur la santé des personnes LGBTQ2 au Canada. Aujourd'hui, nous entendrons un assez grand nombre de témoins.
    À titre personnel, nous accueillons Andrea Daley, professeure agrégée en service social, Renison University College, et Bill Ryan, professeur auxiliaire en service social à l’Université McGill. Nous avons aussi Brook Biggin, fondateur de l’Edmonton Men’s Health Collective, et Jeff Chalifoux, coordonnateur du Programme de réduction des méfaits. De l'organisme Healing Our Nations, nous accueillons Arthur Miller, éducateur en santé communautaire, ainsi que le fondateur de Our City of Colours, Darren Ho.
    Bienvenue à tous. Vous aurez chacun 10 minutes pour nous présenter votre allocution.
    Nous allons commencer par Mme Daley.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs membres du Comité permanent, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler de la santé des personnes LGBTQ2. Je vous remercie d’avoir pris l'initiative importante de mener la première étude canadienne sur la santé des personnes LGBTQ2.
    Je suis travailleuse sociale. J’ai plus de dix ans d’expérience de première ligne en santé mentale communautaire. Dans le cadre de ce travail, j'ai fourni des services de counseling aux membres des communautés LGBTQ2 de Toronto. J’y ai également participé aux travaux de réseaux communautaires LGBTQ2 comme membre du Rainbow Health Network, où j'ai collaboré avec d'autres bénévoles à la conception de Rainbow Health Ontario.
     Depuis environ dix ans, je suis professeure agrégée et directrice de l’École de travail social de l’Université York et, depuis quelque temps, j'enseigne aussi au Renison University College, qui est affilié à l’Université de Waterloo. Mon programme de recherche universitaire porte sur l’accès aux services de santé et sur l’équité de ces services. Je me concentre particulièrement sur les effets des politiques et des pratiques des établissements de santé sur l'équité et sur la qualité des soins fournis aux personnes LGBTQ2 qui se trouvent dans différentes situations. Je suis une femme cisgenre, lesbienne et allosexuelle.
    J’ai écouté plusieurs témoins au cours des dernières réunions du Comité. Je félicite mes honorables collègues d’avoir présenté un bilan critique de la disparité des soins fournis aux personnes LGBTQ. Je les remercie d’avoir souligné les répercussions de l’homophobie et de la transphobie sur la santé mentale. Ils ont aussi mis l'accent sur la nécessité de tenir compte des déterminants de la santé ainsi que de la discrimination et de la stigmatisation que vivent bien des clients du domaine de la santé à cause de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur race, de leur situation socioéconomique ou du vieillissement, entre autres choses. Enfin, je les remercie d’avoir réclamé la création de structures et de méthodes robustes pour recueillir des données sur les inégalités que les personnes LGBTQ2 subissent dans le domaine de la santé au Canada.
    Aujourd’hui, je vais concentrer mes observations et mes recommandations sur les questions d’accès et d’équité dans le domaine de la santé. Je vais notamment souligner un point clé en y ajoutant des recommandations qui devraient favoriser les changements et améliorer l’accès à des soins de grande qualité pour les personnes LGBTQ2. Il s'agit de l’éducation et de la formation des professionnels de la santé. Pour souligner cela, je m’appuie sur le vécu des participants à un projet de recherche que j'ai dirigé en Ontario et qui était financé par les IRSC pour examiner l’accès aux soins à domicile offerts aux personnes LGBTQ2.
    Plusieurs recherches menées au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni documentent les obstacles à l’accès à des soins de bonne qualité pour les personnes LGBTQ2 qui se trouvent dans différentes situations. Il s'agit des pratiques et des politiques hétéronormatives qui se reflètent notamment dans les formulaires d’évaluation et d’admission conçus en fonction du système binaire homme-femme et qui ne tiennent pas compte des conjoints de même sexe. De façon plus générale, l’hétérosexisme institutionnalisé, la biphobie, la transphobie ainsi que le manque de connaissances des fournisseurs de santé sur les besoins et les vécus de la communauté LGBTQ2 ont incité les membres de ces communautés à ne pas recevoir de soins préventifs en temps voulu, à ne pas se présenter à leurs rendez-vous de suivi et, de façon plus générale, à ne pas signaler leurs problèmes de santé.
    Par exemple, l'organisme de recherche Trans PULSE indique que 21 % de ses participants transgenres évitent de se présenter à l’urgence parce qu’ils craignent y être mal accueillis. Un participant au projet d’accès aux soins à domicile pour les LGBTQ a fait remarquer qu'à la suite d'une intervention chirurgicale au postérieur, certains patients préfèrent se faire soigner par des amis, par des membres de leur famille ou par leur partenaire, même s'ils ont des fistules ou une infection, parce qu’ils sont terrorisés. Ils refusent les soins à domicile.
    Pour éliminer les obstacles à l’accès, des chercheurs universitaires et communautaires ainsi que des militants LGBTQ2, des organismes et des personnes alliées ont souligné la nécessité d’éduquer les fournisseurs de soins afin qu'ils comprennent ce que vivent les membres des minorités sexuelles et de genre quand ils reçoivent des soins et des services de santé. Il est urgent d'éduquer et de former les fournisseurs de soins des hôpitaux, des établissements de soins de longue durée et de la santé publique. En outre, la documentation souligne la nécessité d'ajouter cette formation aux programmes de cours des étudiants en médecine, en sciences infirmières et en travail social.
    L'examen de la documentation suggère que les initiatives d’éducation et de formation visent souvent les compétences culturelles et qu'elles se déroulent sous forme d'ateliers d'une à six heures comprenant des discussions en petits groupes, la distribution de documents ainsi que des exposés et des vidéos sur la communauté LGBTQ2. On y présente souvent la terminologie et les concepts liés à la communauté LGBTQ2 ainsi que de l’information sur les obstacles auxquels elle se heurte et sur la disparité de la prestation des services de santé. On y présente aussi de l'information sur les différents secteurs, services et maladies — par exemple sur le vieillissement et les soins de longue durée, sur les soins palliatifs, sur le VIH, sur la santé mentale des jeunes.
(1535)
    Pour les étudiants des professions de la santé réglementées, l’accès à l’éducation sur la santé des personnes LGBTQ2 et sur leur accès aux services de la santé est très varié. Toutefois, les occasions répétées de formation approfondie et étendue sur ces enjeux sont extrêmement rares. Il est crucial d'offrir cette formation fréquemment. Les fournisseurs de soins ne doivent pas simplement acquérir des connaissances, ils doivent modifier leurs croyances et leurs attitudes discriminatoires et surmonter la peur et l'appréhension, ce qui est un cheminement extrêmement difficile.
    Une bénéficiaire des services du projet d’accès aux soins à domicile pour les personnes LGBTQ2 nous a décrit la réaction qu'a eue sa fournisseuse de soins en apprenant qu’elle était une lesbienne mariée à une femme. Elle a fait un pas en arrière en s'écriant: « Oh! Je n'avais jamais entendu parler de cela! ». Elle n'a pas dit grand-chose, mais son langage corporel était clairement désapprobateur. Elle a reculé en levant les mains, puis elle a fait très attention de ne pas toucher sa cliente.
    Voici donc les recommandations que je propose aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'envisager sur l'éducation et sur la formation des fournisseurs de soins de santé mentale.
    Ma première recommandation est d'établir diverses formules de financement afin d'obtenir des ressources qui permettent d'offrir des programmes complets aux professionnels de la santé.
    Au niveau des politiques, les ministères responsables de l’éducation et de la santé devraient collaborer pour établir des formules de financement qui permettent d'obtenir les ressources nécessaires pour offrir des programmes complets aux professionnels de la santé. Il est en effet crucial de les préparer à répondre aux besoins divers et complexes et à l'expérience de leurs clients des minorités de sexe et de genre. Ces programmes devront non seulement présenter des données cliniques sur les personnes LGBTQ2, mais ils devront reposer sur des approches éducatives qui favorisent un apprentissage transformateur, une modification des croyances et des attitudes profondément discriminatoires à l’égard des personnes LGBTQ2.
    Comme les programmes de formation des professionnels de la santé ne sont pas complets, les personnes LGBTQ2 doivent trop souvent éduquer elles-mêmes leurs fournisseurs de soins tout en combattant une maladie grave, chronique ou potentiellement mortelle. Un participant au projet de soins à domicile nous a dit d'un ton aimable: « J’ai dû les éduquer moi-même, et ils m'ont remercié, parce qu’il ne leur arrivait pas souvent de soigner des personnes transgenres. Ils ne comprenaient pas ce que cela voulait dire, alors j’ai dû le leur expliquer ».
    Ma deuxième recommandation porte sur les normes d'accréditation des programmes postsecondaires en sciences de la santé.
    Il faudrait mener un examen systématique des normes d’agrément de tous les programmes de professionnels de la santé en collaboration avec leurs organismes d’agrément nationaux respectifs afin de cerner les lacunes propres aux communautés LGBTQ2. Il faudrait ensuite élaborer de nouvelles normes qui incluent ces communautés. Il semble particulièrement important de veiller à ce que les programmes d’études des professionnels de la santé comprennent de l’information sur les communautés LGBTQ2, compte tenu de la rareté de ce contenu dans ces programmes et du manque d'occasions de formation continue offertes aux diplômés qui commencent à exercer leur profession.
    Dans le cadre du projet de soins à domicile, sur les 379 fournisseurs de soins de santé que nous avons sondés, seulement 47 avaient reçu de l'éducation sur la communauté LGBTQ2. De ce nombre, 50 % avaient participé à un atelier d’une demi-journée. Les autres avaient participé à un atelier d’une à deux heures. Depuis qu'ils avaient commencé à travailler dans le secteur des soins de santé, 90 % d'entre eux n’avaient jamais reçu d’éducation sur la communauté LGBTQ2.
    Je vais sauter ma troisième recommandation et passer à la quatrième, qui porte sur les possibilités d’éducation et de formation offertes aux fournisseurs de soins de santé non réglementés.
    Les préposés aux services de soutien à la personne fournissent aujourd'hui la majeure partie des soins de santé aux bénéficiaires. Les participants à notre projet sur les soins à domicile nous ont dit qu’on ne leur avait jamais offert d’éducation et de formation sur les clients LGBTQ2, autant pendant leur programme de formation que depuis qu’ils travaillent dans le secteur des soins à domicile. On leur offre cependant d’autres possibilités de formation qui n'ont rien à voir avec la communauté LGBTQ2.
    Ma cinquième recommandation porte sur une structure de responsabilisation fédérale qui surveille et qui dirige la mise en oeuvre des recommandations susmentionnées. En créant cette structure de reddition de comptes, le gouvernement fédéral soutiendrait sa promesse de promouvoir la protection des droits des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et intersexuées dans le monde entier.
(1540)
    Malgré cela, il serait peut-être mieux et plus facile de créer des structures de responsabilisation dans les provinces et dans les territoires, puisque l’éducation et la santé relèvent de ces gouvernements.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant la parole à M. Ryan pour 10 minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous cet après-midi. Merci d'avoir décidé d'étudier plus en profondeur les troubles de santé liés au genre et aux minorités sexuelles.
    Permettez-moi de souligner avant tout que l’une des mesures les plus concrètes et les plus pratiques serait de faire inclure, dans le projet de loi présenté au Sénat, l'interdiction d'infliger une thérapie de conversion aux jeunes qui divulguent leur orientation sexuelle. Cette thérapie est encore offerte un peu partout, bien que tous les professionnels de la médecine et de la psychologie la condamnent. Il faut que cela cesse.
    Les diverses communautés LGBTQ2I atteignent plus ou moins lentement le statut d'égalité qu'elles réclament. Les témoignages que vous avez entendus ont souvent dénoncé le fait que les Canadiens intersexués ne bénéficient d’aucune protection.
    Après avoir terminé mes études, je suis allé m'installer à Montréal, où j'ai concentré mon enseignement et mes activités de recherche sur le genre et sur la santé des minorités sexuelles. Dès ma première étude de recherche, vers la fin des années 1980, j'ai concentré toutes mes activités sur ce thème. Cette orientation est liée au fait que je suis psychothérapeute et que ma vaste clientèle se compose principalement de jeunes et d’adultes appartenant à une minorité sexuelle ainsi que de parents qui viennent d'apprendre que l’un de leurs enfants fait partie de cette minorité.
    Mon allocution repose sur mes expériences d'enseignant, de chercheur, de thérapeute et de militant.
    Il fait bon reconnaître qu'au cours de ces 30 dernières années, les lois et les politiques sociales ont beaucoup changé. Malheureusement, malgré ces grandes transformations, la détresse psychologique ressentie surtout à l'adolescence — mais à d'autres périodes de la vie aussi — est toujours aussi intense qu'elle ne l'était il y a 30 ans.
    Suivant l'endroit où nous vivons, les personnes qui nous ont éduqués et le domaine dans lequel nous travaillons, les choses ont soit énormément changé, soit pas changé du tout. Tant que l'on n'aura pas harmonisé les indicateurs de la santé mentale et physique de cette minorité avec ceux de la population générale, nous aurons un travail monumental à accomplir.
    Pour étendre la portée de cette discussion, je vais vous présenter deux cas. Le premier est celui d'un jeune qui m'a écrit il n'y a pas très longtemps. Je vais vous lire une partie de sa lettre.
    Ce jeune m'écrit: « Bonjour, Monsieur Ryan. J'ai 16 ans et je suis au secondaire à Trois-Rivières. Je vous ai vu à la télé il n'y a pas longtemps, alors j'ai appelé pour obtenir votre adresse. Je suis gai, mais je ne l'ai dit officiellement à personne. Tout le monde me rend la vie dure à l'école, à un tel point que j'ai peur d'aller à la cafétéria. Il y a des gars qui me menacent de me faire toutes sortes de choses. Personne à l'école, profs et autres, ne fait quoi que ce soit pour les arrêter. Je ne peux plus me concentrer. Je n'ai plus d'espoir dans la vie. S'il vous plaît, venez à mon école pour leur parler. Personne ne m'aide, ici. S'il vous plaît, faites quelque chose avant que je n'aie plus d'autre choix que de me suicider. Mes parents ne savent rien de tout cela. J'ai peur de leur en parler. S'ils se mettent à me détester parce que je suis gai, je ne sais pas ce que je ferai ».
    Voici la lettre d'une autre personne, qui m'écrit: « Pendant plusieurs années, j'ai dirigé pour l'ASPC le programme Safe Spaces qui offrait des services aux jeunes de minorité sexuelle dans tout le Canada. Avant que j'entame ma recherche auprès des jeunes participants, on m'a demandé de rencontrer les parents d'un garçon de 16 ans qui venait de se suicider en sautant du haut d'un pont. Il avait laissé une note à la maison, que ses parents ont découverte après coup. Il leur écrivait: « Maman, papa, je suis gai. Je crois que vous préféreriez que je sois mort, alors quand vous lirez cette note, je le serai ». Quand j'ai rencontré ses parents, ils m'ont dit qu'ils auraient accepté son orientation sexuelle. Mais lui, pour une raison quelconque, ne le savait pas.
    En me basant sur ces deux exemples, je voudrais vous parler de la santé de la population. Je m'inquiétais de devoir traiter du même sujet que deux professeurs et des travailleurs sociaux, mais je constate avec plaisir qu'en fait, nos présentations se complètent.
    Il y a quelques années, l'Agence de la santé publique du Canada m'a demandé de donner une conférence sur la santé de la population du point de vue des Canadiens gais, bisexuels, transgenres et bispirituels. J'ai examiné les déterminants de la santé qui pourraient s'appliquer aux minorités sexuelles. Je vais donc vous résumer les principaux facteurs que mon équipe et moi avons découverts en faisant des recherches dans la documentation, en dirigeant des groupes de réflexion et en menant des entrevues individuelles.
    Je vais parler très vite, parce que j’ai l’habitude de donner des cours de trois heures, alors dix minutes, ce n’est vraiment pas très long.
    Dans le contexte de la santé de la population, on considère généralement les réseaux de soutien social comme venant de la famille, des amis et de la collectivité. Ils aident les gens à faire face à des situations difficiles et à reprendre un certain contrôle sur leur vie et sur leur situation. Le soutien de la famille et des amis ainsi que la participation à la vie sociale semblent servir de tampon contre les troubles de santé. Plus les gens reçoivent de soutien émotionnel et plus ils participent à des activités sociales, meilleure est leur santé. Les relations intimes sont des facteurs de santé et de bien-être. D'un autre côté, l’absence de soutien social et l’isolement sont considérés comme des déterminants de la maladie.
    Les interventions favorisant la santé de la population que l'on cite pour renforcer les réseaux de soutien social comprennent des programmes de soutien aux familles, le développement communautaire qui favorise l’interaction sociale et les initiatives qui réduisent la discrimination et qui encouragent la tolérance sociale. De façon plus générale, les réseaux de soutien social font partie intégrante du milieu social de chaque personne.
(1545)
    Les adultes LGBTQI2, et surtout les jeunes, se voient souvent exclus de leur milieu social conventionnel à cause de l’homophobie, de la transphobie et de l’hétérosexisme. Ils se sont donc toujours créé, avec beaucoup de créativité, des relations et des réseaux de soutien social formels et informels. Ils exigent aussi souvent que les réseaux de soutien social conventionnels s'occupent mieux de leur bien-être.
    L’isolement est la caractéristique la plus récurrente dans la vie de la plupart des jeunes des minorités sexuelles. Il s'agit non seulement d'un isolement social et physique, mais aussi d'un isolement cognitif. Ils se connaissent mal eux-mêmes et se sentent isolés émotionnellement. Appartenant à un groupe marginalisé, ils souffrent d'un manque de soutien émotionnel et d'une absence de soutien social qui rend leur vie quotidienne difficile à l'école secondaire et dans les groupes de jeunes.
    Je vais maintenant passer au domaine de l’éducation. Je vais répéter certaines choses que l'on vous a déjà dites afin de souligner leur importance. L’éducation permet aux gens d’acquérir des aptitudes à la vie quotidienne, de participer à la vie de la collectivité et d’accroître les possibilités d’emploi. Les écoles ont toujours été des milieux hostiles pour les jeunes des minorités sexuelles. La discussion sur les minorités sexuelles a été lente à entrer dans les programmes d’études des écoles canadiennes. Lorsque c’est le cas, cette discussion suscite souvent de l’opposition. Cette hostilité — due à l’homophobie, à la transphobie et à l’hétérosexisme — s'exprime sous forme de violence verbale et physique. L’homophobie, la transphobie et l’hétérosexisme en milieu scolaire contribuent au décrochage de nombreux jeunes lesbiennes, gais et bisexuels. Un grand nombre d'entre eux finissent par vivre dans la rue, par se suicider ou par tenter de le faire, parce qu'ils intériorisent leur honte profonde et leur faible estime de soi.
    Malgré les risques que prennent courageusement les jeunes allosexuels en particulier — et leurs alliés, comme nous l’avons vu récemment en Alberta lors de la controverse entourant les alliances gays-hétéros —, ils se heurtent à d’énormes obstacles. Les enseignants hésitent à avouer leur orientation sexuelle ou à s'allier plus ouvertement à eux, car ils craignent de se faire mal voir et de nuire à leur avancement professionnel. Ils privent ainsi les jeunes de modèles et de soutien.
    J’ai inclus ici une section sur l’emploi et sur les conditions de travail. Vous la trouverez dans le mémoire que je vous ai remis, mais je vais maintenant passer au développement sain des enfants et des adolescents.
    Dans la population générale, les expériences prénatales positives et le vécu de la petite enfance ont des effets positifs notables sur la santé, sur le bien-être et sur les aptitudes d’adaptation. La qualité de ces premières expériences dépend des déterminants socioéconomiques. La pauvreté en particulier a un puissant effet négatif. L’adolescence des jeunes LGBTQI2 a une influence cruciale sur leur santé et sur leur bien-être. Pendant cette période de leur développement, ils examinent en profondeur leur orientation sexuelle et leur identité de genre. Ils réfléchissent aux moyens de résister et de survivre à l’homophobie, à la transphobie et à l’hétérosexisme.
    L’accès aux soins et aux services de santé est aussi une question très importante. D'autres témoins l'ont souligné. Vous trouverez plus de détails à ce sujet dans mon mémoire, mais je vais passer à l’aspect de la formation. L’homophobie, la transphobie et l’hétérosexisme ont une incidence importante sur la qualité des soins. Les professionnels de la santé semblent mal préparés pour interagir efficacement avec les clients et avec les patients des minorités sexuelles. Ces personnes sont victimes de discrimination systémique et subissent les préjugés personnels des professionnels de la santé. Les transgenres et les membres de groupes culturels, ethniques ou racialisés minoritaires sont souvent victimes de discrimination, à laquelle s'ajoutent des préjugés systémiques. En outre, les systèmes de soins de santé rendent souvent les membres des minorités sexuelles invisibles. Ces systèmes sont perçus comme étant très peu sûrs.
    Le manque de formation adéquate et pertinente des fournisseurs de soins pose un obstacle majeur à la santé des personnes LGBTQI2. Par exemple, les fournisseurs ne semblent pas avoir appris à recueillir l’information nécessaire pour les aider. Apparemment, ils confondent souvent le comportement sexuel et l’orientation sexuelle. Ils semblent en général mal préparés pour traiter des patients allosexuels. Ceux qui appartiennent eux-mêmes à une minorité sexuelle semblent souvent mieux comprendre les enjeux, mais ils acquièrent habituellement ces connaissances par eux-mêmes.
    Je vais m'attarder un peu sur les soins fournis aux transgenres. On leur refuse des services qui n'ont rien à voir avec leur identité trans et qui ne concernent aucunement leur état hormonal ou chirurgical. Par exemple, un client s’est fait dire qu’il ne pourrait pas consulter un médecin pour une douleur au pied parce que la clinique ne traite pas les transsexuels qui prennent des hormones. Un autre problème est le fait que bien des médecins ordonnent que l'on cesse l'hormonothérapie même si le trouble médical du client n’y est aucunement lié. Ces médecins n'évaluent pas l'effet que cette ordonnance aura sur le bien-être de la personne transgenre.
(1550)
     Les écoles de formation professionnelle partout au Canada doivent reconnaître que le manque de formation sur les questions liées à la santé des minorités sexuelles les a encore plus marginalisées et a fait en sorte qu'elles se sont retrouvées dans des situations présentant de plus grands risques pour la santé.
    Permettez-moi de citer un exemple du Québec. Depuis 20 ans au Québec, le ministère de la Santé et des Services sociaux finance un programme de formation sur la diversité de genre et la diversité sexuelle. Ce programme, dont je suis le coauteur et l'un des formateurs, a permis de former 40 000 personnes. Il a eu un impact énorme sur ceux qui l'ont suivi en ce qui concerne les services offerts et le niveau de confort avec les clients et les patients des minorités sexuelles et de genre.
    Je vais m'arrêter ici. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
    Nous passons maintenant à Brook Biggin et Jeff Chalifoux, qui partageront leur temps de parole.
    Bonjour. Au nom de l'Edmonton Men's Health Collective, ou EMHC, je vous remercie d'aborder cette question importante et de nous avoir invités à participer. Pour mettre mes observations en contexte, en plus de mon rôle à EMHC, je suis coprésident de la stratégie de l'Alberta sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang et directeur national du Centre de recherche communautaire.
    Je dois avouer au Comité que je n'avais jamais prévu faire ce genre de travail. À quatre ans, je voulais être paléontologue. À 12 ans, je suis à peu près certain que je voulais juste être Shania Twain. Je croyais pouvoir devenir ce que je voulais, mais à l'âge de 23 ans, quand on m'a diagnostiqué le VIH, mes possibilités m'ont semblé moins infinies. Je ne saurai jamais avec certitude si je serais séropositif si je n'étais pas gai, mais je sais qu'en tant qu'homosexuel, j'étais 131 fois plus susceptible d'être infecté que les hétérosexuels de mon âge. Depuis que le Canada existe, ses citoyens queer ont du retard à rattraper par rapport au reste de la population. Alors que la plupart de nos concitoyens ont eu l'occasion de s'épanouir, nous avons souvent dû nous battre pour rester en vie.
    Inspiré par un militantisme précoce dans la lutte contre le VIH, EMHC a été fondé en réponse aux disparités extrêmes au chapitre de la santé auxquelles est confrontée notre communauté et à l'absence d'une réponse efficace de la part des institutions chargées de notre bien-être. En seulement trois ans, EMHC est passé d'un rassemblement informel de membres de la communauté dans le salon de quelqu'un — devant une caisse de bière bon marché, parce que nous n'avions pas d'argent — à un organisme solide doté d'un budget de 250 000 $, qui compte des employés et offre une variété de stratégies novatrices qui répondent aux besoins uniques de notre communauté. Nous sommes arrivés à cela en dépit du fait que, jusqu'à il y a quelques mois, tout notre travail était entièrement fait par des bénévoles, et que bon nombre de nos efforts nous obligeaient à contourner le système de santé au lieu d'être soutenus par lui.
    Lorsque je repense aux premières personnes qui nous ont inspirées, je crois qu'elles aussi n'avaient peut-être pas l'intention de faire ce travail, mais qu'elles ont plutôt répondu avec abnégation à l'appel de servir ceux qu'elles aimaient, leurs communautés et leur pays. Les répercussions de leurs services se font sentir dans tous les secteurs de la société canadienne, notamment dans les vies qu'elles ont contribué à sauver, y compris les quelque 70 000 personnes vivant avec le VIH au pays, qui continueront de vivre et ne mourront pas en raison de leur contribution. Je suis une de celles-là.
    Aujourd'hui, le Comité a l'occasion d'honorer cet héritage et de veiller à ce que l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne ne l'oblige pas à commencer dans la vie en étant désavantagée, à compromettre sa santé ou à limiter ses possibilités. Cette étude se démarque parce qu'elle permet de redresser une injustice qui nous a privés d'innombrables vies et qui a réduit la qualité de vie de tant de personnes.
    Bien que nous souscrivions à de nombreuses recommandations présentées au Comité, nous reconnaissons qu'il est difficile de régler tous les problèmes qui ont été soulevés. Nous en soulignerons quatre qui, selon nous, pourraient avoir un impact structurel important et durable.
    Premièrement, bien qu'il existe de nombreux aspects à la moins bonne qualité de vie des personnes queer dans ce pays, pour certaines, la situation est particulièrement urgente. C'est particulièrement le cas pour les Canadiens transgenres et de diverses identités de genre, dont un grand nombre font face à des obstacles importants lorsqu'il s'agit d'obtenir des soins liés à l'affirmation du genre, comme l'hormonothérapie ou les chirurgies affirmatives du genre — des soins qui, non seulement amélioreront leur vie, mais, dans certains cas, les sauveront. Nous exhortons le Comité à prendre des mesures exhaustives, en collaboration avec tous les ordres de gouvernement, pour veiller à ce que les personnes transgenres partout au Canada aient un accès équitable à des soins liés à l'affirmation du genre, peu importe où elles résident ou quels sont leurs moyens financiers.
    Deuxièmement, bien que nous reconnaissions l'investissement actuel du gouvernement dans la santé des personnes queer, qui est décrit en détail dans plusieurs mémoires présentés, un coup d'œil sur les disparités extrêmes dont a pris connaissance le Comité nous montre qu'en termes d'échelle et d'application, l'investissement actuel est insuffisant. Nous recommandons l'établissement de volets de financement destinés spécifiquement aux communautés queer au sein de tous les ministères qui s'occupent d'enjeux qui ont des répercussions disproportionnées sur la santé de ces communautés.
    Troisièmement, les lacunes dans les connaissances médicales et les compétences culturelles au sujet de la communauté queer chez les fournisseurs de soins de santé demeurent les principaux obstacles à l'accès de celle-ci aux soins de santé, ce qui fait que de nombreuses personnes ne divulguent pas leur situation de minorité sexuelle ou de genre ou retardent leur accès aux soins. Nous recommandons que le gouvernement fournisse des fonds à tous les intervenants compétents et qu'il travaille avec eux pour veiller à ce que les fournisseurs de soins de santé soient adéquatement formés pour fournir des soins éclairés et culturellement adaptés aux personnes appartenant aux minorités sexuelles et de genre partout au pays.
    Quatrièmement, une grande partie de notre travail consiste à corriger les systèmes existants qui ne répondent pas à nos besoins. Toutefois, avec le nouvel engagement du gouvernement d'aller de l'avant avec trois éléments fondamentaux d'un régime national d'assurance-médicaments, nous avons la possibilité de bien faire les choses dès le départ. À mesure que le gouvernement ira de l'avant, il doit mobiliser des experts en santé queer pour veiller à ce que nos besoins uniques soient pris en compte, y compris l'accès aux médicaments pour le traitement et la prévention du VIH, l'immunisation contre le VPH et l'accès à l'hormonothérapie.
(1555)
     Pour conclure, je tiens encore une fois à remercier le Comité de nous avoir invités et nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Je vais maintenant céder la parole à Jeff Chalifoux, coordonnateur du Programme de réduction des méfaits à EMHC et coprésident de la 2 Spirit Society d'Edmonton.
    Tansi. Bonjour.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler de la santé et du bien-être de nos communautés. Je tiens plus précisément à vous remercier au nom de l'Edmonton 2 Spirit Society et des autres communautés bispirituelles de Turtle Island.
    Je suis le coprésident et l'un des fondateurs de l'Edmonton 2 Spirit Society, un organisme communautaire qui offre des espaces sûrs et du soutien aux personnes bispirituelles de la région d'Edmonton et qui assure l'éducation de l'ensemble de la collectivité. Je suis également, en tant que travailleur social autochtone, délégué de l'International Council of Two Spirit Societies et membre du comité de la diversité sexuelle et de genre de l'Alberta College of Social Workers. Je vais utiliser mes qualités de conteur pour vous parler de l'importance de l'identité et de la culture, ce qui vous permettra de réfléchir à la façon dont l'histoire et les événements actuels affectent la communauté bispirituelle.
    Vous avez déjà beaucoup entendu parler des disparités auxquelles font face la communauté LGBTIQ et la communauté bispirituelle, comme l'itinérance, la vulnérabilité, la stigmatisation et la discrimination, les inégalités en matière d'accès aux soins de santé, à l'emploi, au revenu et au soutien social, les taux plus élevés de maladie mentale, de suicide, de VIH et d'ITSS et une pléthore d'autres problèmes auxquels les personnes bispirituelles sont confrontées et, comme vous le savez très bien, la surreprésentation des collectivités autochtones au chapitre des autres préoccupations socioéconomiques.
    Je pourrais vous faire part de statistiques et de recherches sur la santé des personnes bispirituelles, ainsi que sur les défis et les obstacles auxquels elles font face, mais cela ne vous donnera pas une image exacte. Voyez-vous, la tradition des communautés bispirituelles avait presque été éradiquée avec la colonisation, les pensionnats et les systèmes auxquels sont assujettis actuellement les peuples autochtones. Je n'ai pas besoin de rappeler ici les traitements et les traumatismes qu'ils ont subis, mais nous pouvons au moins honorer et reconnaître notre histoire et ce que nous avons appris pendant la Commission de vérité et réconciliation.
    Autrefois, les bispirituels étaient vénérés et honorés, et ils jouaient des rôles traditionnels, comme ceux de gardiens des remèdes, de dispensateurs de soins et de guérisseurs. Les langues et les traditions orales ont presque été oubliées, et certaines ont été perdues à jamais. Dans certaines tribus, comme les Cris des plaines et les Pieds-Noirs, il y a sept rôles sexuels reconnus, et de nombreuses tribus en Amérique du Nord ont compris qu'il était interdit d'interférer avec l'expression de l'identité d'une personne.
    Par conséquent, traditionnellement, tous les genres étaient respectés. Les Européens, qui ne comprenaient pas notre culture, ont condamné activement les gens bispirituels, nous ont exclus de l'histoire et ont mis en place des systèmes visant à éradiquer notre culture. C'est là qu'a vu le jour un système de genre binaire hétéronormatif et cisnormatif. Par exemple, on a créé des espaces réservés aux garçons et aux filles dans les pensionnats, et les enfants étaient systématiquement séparés selon leurs organes génitaux.
    La question la plus importante dont nous devons discuter aujourd'hui est celle des répercussions sur les personnes bispirituelles. Pour ce faire, je vais vous raconter un peu ma propre histoire. Je suis bispirituel. Je suis un père et un travailleur social. J'ai vécu les disparités dont vous avez entendu parler. J'ai fait de nombreuses surdoses. J'ai tenté de me suicider, je me suis automutilé et je vis avec le TDAH, de l'anxiété et des incapacités, et je suis passé au travers de choses que personne d'autre n'a eu à affronter.
    Étant jeune, j'ai vécu dans des foyers de groupe, puis j'ai passé plus de 12 ans dans le système correctionnel canadien, dont près de cinq en isolement cellulaire. Soit j'étais sans abri dans les rues d'Edmonton, soit j'étais en prison. La première seringue que je me suis entrée dans le bras, à l'âge de 13 ans, contenait des méthamphétamines. À un âge où mon taux d'hormones était élevé et où ma puberté commençait à peine, alors que j'aurais dû explorer ma sexualité, j'étais plutôt en train de la réprimer.
    J'aurais dû vivre une vie d'enfant à l'époque, mais je n'ai pas pu le faire parce que j'étais perdu, confus et que je n'avais pas accès aux connaissances et aux enseignements traditionnels. Je n'ai jamais connu ma culture parce que, dans ma famille, nos racines autochtones ont été éradiquées. À 35 ans, après presque 25 ans de toxicomanie grave, je suis devenu un homme bispirituel. Cela fait maintenant quatre ans que je suis sobre, et je m'apprête à entreprendre des études supérieures en travail social. Je marche sur le sentier rouge comme aidant traditionnel bispirituel. Je suis également à l'écoute des besoins de mon fils de cinq ans, qui est élevé à l'abri des obstacles auxquels j'ai dû faire face. Mon conjoint de fait et moi élevons notre fils avec ma femme, sa mère. Nous vivons les uns chez les autres, à l'abri de la honte et de la culpabilité, nous nous aimons et nous prenons soin les uns des autres.
    Mon histoire n'est pas unique. Je m'assois souvent avec des jeunes Autochtones qui me parlent de choses dont jamais personne ne m'a parlé. La sexualité et la santé sexuelle, la toxicomanie et la santé mentale sont des éléments importants de ces conversations.
    Un jeune m'a raconté que lorsqu'il avait 12 ans, il a dit à sa mère adoptive qu'il avait commencé à embrasser d'autres garçons. Cela lui a valu une raclée, on lui a interdit les sorties et on lui a confisqué ses appareils électroniques. Un autre jeune m'a dit qu'on l'avait expulsé de chez lui et de la réserve. Il s'est installé à Edmonton et a rapidement commencé à se livrer à des activités sexuelles avec d'autres hommes pour acheter de la drogue et survivre. Il y a de nombreux bispirituels qui sont perdus et qui tentent tout simplement d'exister.
    M. Biggin vous a dit que je suis le coordonnateur du Programme de réduction des méfaits à EMHC, et j'ai la chance et je suis honoré de faire de mes expériences passées un atout pour ceux que j'aide aujourd'hui.
(1600)
     Je tiens à souligner qu'EMHC reconnaît et appuie pleinement les personnes bispirituelles. J'espère que le gouvernement canadien fera de même en supprimant les disparités auxquelles les bispirituels font face aujourd'hui en s'engageant activement dans des cercles et des discussions avec les leaders et les aînés bispirituels. La recherche de moyens pour s'attaquer efficacement aux disparités et financer des mesures pratiques ancrées dans la culture et guidées par la communauté bispirituelle nous aidera à survivre. Des événements comme des pow-wow bispirituels, des rassemblements bispirituels et de l'éducation dans les Premières Nations seraient certainement utiles.
    Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Arthur Miller, de Healing Our Nations.
    J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invité à parler aujourd'hui de la santé des personnes LGBTQ2 au Canada. J'aimerais me concentrer sur la santé des Autochtones LGBTQ2.
     Je voudrais d'abord reconnaître le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinaabe.
    Je m'appelle Arthur Miller. Je travaille auprès de Healing Our Nations en tant qu'éducateur en santé communautaire. Nous sommes un organisme sans but lucratif. Nous œuvrons dans 33 collectivités des Premières Nations du Canada atlantique dans le domaine de la santé sexuelle. Tout a commencé avec le VIH, lorsque nous avons constaté un besoin. Nous avons vu que nos gens mouraient du sida. Nous avons mis sur pied un groupe de travail qui a progressé au fil des ans. Aujourd'hui, nous faisons de l'éducation vraiment sur tout ce dont les gens ont besoin dans leur collectivité pour vivre une vie saine et heureuse. Nous avons différents ateliers sur l'établissement des limites et sur les jeunes LGBTQ.
    Nous travaillons beaucoup avec les jeunes du Canada atlantique. Chaque année, nous organisons un rassemblement de jeunes et d'aînés, auquel participent une dizaine de jeunes Autochtones LGBT. Nous faisons un cours 101 sur la santé sexuelle. Il y a des cérémonies accompagnées de tambours, des cérémonies de dénomination, des marches de guérison et, surtout, du temps consacré à apprendre à connaître les aînés. Ils savent d'où nous venons et ils sont là pour passer le flambeau aux jeunes.
     Des témoignages au sujet de ce genre de rassemblement ont démontré que les personnes LGBTQ autochtones ont acquis des connaissances, de la confiance et de l'autonomie. Certaines de ces personnes ont dit qu'elles n'avaient pas de lien avec leur culture, mais qu'après avoir assisté à la réunion, elles avaient l'impression qu'il y avait un chaînon manquant qui avait été remplacé. Il est difficile de vivre sa vie si on ne connaît pas certains aspects de ce que l'on est. La culture est très importante, parce qu'elle apporte un équilibre, et l'équilibre contribue à une meilleure santé.
    Nous avons un projet de mentorat par les pairs avec l'APHA, qui s'adresse aux Autochtones qui ont récemment reçu un diagnostic de VIH ou qui vivent avec le VIH. Nous constatons qu'il faut vraiment plus de mentors pairs. Il est très important que les gens partagent leurs expériences avec d'autres qui vivent peut-être la même chose. Par exemple, dans une collectivité du Nouveau-Brunswick, des jeunes qui ont assisté à notre atelier organisent maintenant des ateliers sur la santé sexuelle avec leurs pairs.
     Ce travail est très important pour moi. Je suis un Autochtone vivant avec le VIH, et j'ai constaté que de meilleurs services ou qu'un plus grand nombre de services conçus pour les Autochtones étaient nécessaires.
    L'un des plus grands défis à relever est la stigmatisation et la discrimination à plusieurs niveaux. Non seulement nous voyons de la stigmatisation et de la discrimination à l'endroit des Autochtones, mais nous en voyons aussi parce qu'ils font partie de la communauté LGBTQ et qu'ils ont parfois en plus un diagnostic de VIH ou d'hépatite C. À cela s'ajoute le manque de compétence culturelle dans les services non autochtones. Il est difficile pour certains de prendre l'initiative de parler à leurs médecins des problèmes liés à leur appartenance à la communauté LGBTQ par crainte de discrimination, et il est aussi difficile d'expliquer qui ils sont et leurs différences par rapport aux non-Autochtones.
     La connaissance des peuples autochtones doit commencer au sommet. Nous avons fait des progrès dans l'éducation, grâce à la formation sur les compétences culturelles, mais nous devrions vraiment envisager de faire de la formation sur les compétences culturelles une exigence dans nos services de santé. Je travaille en étroite collaboration avec tous les médecins spécialistes des maladies infectieuses du Canada atlantique et, heureusement, au fil des ans, j'ai pu les sensibiliser à la culture des Premières Nations, mais cela dépendait d'eux. De plus, un de nos spécialistes a fait valoir que peu d'information, voire pas du tout, est disponible sur les personnes transgenres.
(1605)
    Dans de nombreux services de première ligne, on ne comprend pas grand-chose aux peuples autochtones, ce qui constitue un obstacle au moment de les traiter et de progresser dans la démarche. C'est frustrant non seulement pour les patients, mais aussi pour les professionnels. La situation est très difficile pour beaucoup d'entre eux parce que les centres de soins de santé en milieu rural n'ont pas les mêmes services et le même soutien que ceux en régions urbaines. L'un des problèmes pour les patients, c'est qu'ils doivent se rendre dans les grandes villes pour recevoir des traitements auxquels ils devraient avoir accès dans leur propre collectivité.
    Ce qui est préoccupant ici, par exemple, c'est qu'une personne peut maintenant se soumettre à un test de dépistage du VIH ou de l'hépatite C dans un centre de soins de santé de sa collectivité. Nous avons des taux très élevés au sein de la communauté LGBTQ. Toutefois, ce qui se passe, c'est que si ces personnes sont infectées par le VIH ou l'hépatite C, elles sont aiguillées vers un établissement plus grand qui, dans certains cas, peut se trouver à des heures de route. Nous perdons des gens entre le diagnostic et leur premier rendez-vous avec un spécialiste. Il doit y avoir plus de liens et de connaissances mises en commun entre les infirmières en santé communautaire et les spécialistes. Les gens ne savent pas à quoi ils doivent s'attendre et, par conséquent, il arrive souvent qu'ils ne prennent pas de rendez-vous de suivi, ce qui entraîne une détérioration de leur santé et d'autres problèmes.
    En Nouvelle-Écosse et dans d'autres provinces, il manque de médecins de famille. Ce qui est préoccupant, c'est que les personnes LGBTQ2 sont forcées de se rendre dans des cliniques sans rendez-vous. Elles ne sont pas à l'aise de le faire parce qu'il n'y a pas de relation médecin-patient. D'un autre côté, si elles ont la chance d'avoir un médecin de famille, elles doivent composer avec la durée limitée des visites qui est imposée.
     Un de mes collègues a mentionné que les personnes âgées craignent de devoir retourner dans le placard lorsqu'elles ne vivront plus de façon complètement autonome, en raison de l'homophobie. Les gens veulent des résidences ou des logements communautaires pour personnes âgées LGBTQ2. Nous devons travailler davantage à intégrer la communauté LGBTQ2.
    L'éducation en matière de santé sexuelle — pour les LGBTQ, plutôt que seulement les hétérosexuels — de même que les centres de santé, doivent être adaptés sur le plan de la diversité de genre, afin que des mesures de soutien soient en place lorsque Healing Our Nations n'est pas disponible pour assurer l'éducation. Par ailleurs, l'éducation ne devrait pas se limiter aux adolescents dans les écoles. Nous devons comprendre que le processus de sortie du placard diffère selon l'âge.
    En conclusion, nous devons renforcer la communauté LGBTQ et l'aider à être fière de ce qu'elle est et de ce qu'elle peut apporter.
    Merci.
(1610)
    Nous passons maintenant à Darren Ho, le fondateur de Our City of Colours, qui a la parole pour 10 minutes.
     Bonjour, mesdames et messieurs les vice-présidents et membres du Comité permanent.
    Je suis Darren Ho, un homme gai des territoires non cédés des Salish de la Côte des peuples Musqueam, Tsleil-Waututh et Squamish, aussi connus sous le nom de Vancouver. J'ai fondé un organisme appelé Our City of Colours, une initiative qui visait à accroître la visibilité des personnes LGBTQ provenant de communautés culturelles et linguistiques sous-représentées et mal desservies.
    Comme M. Biggin, je travaille actuellement pour le Centre de recherche communautaire, ou CBRC, dont la directrice générale, Jody Jollimore, a témoigné devant vous il y a quelque temps. Le CBRC utilise la recherche et la mise au point d'interventions pour promouvoir la santé des hommes queer.
    Dans ma déclaration, j'utiliserai l'acronyme QPOC pour désigner les personnes queer de couleur, un groupe dont je fais partie, étant à la fois gai et d'origine sino-asiatique. J'utilise le mot « queer » comme terme générique pour désigner ceux d'entre nous qui appartiennent à des minorités sexuelles et de genre, y compris les gais, les lesbiennes, les bisexuels et les transgenres.
    L'importance de l'intersectionnalité a été soulevée au cours de séances précédentes, mais je tiens à réitérer qu'il est très important pour les communautés QPOC que les questions de santé et les politiques soient abordées dans une optique intersectionnelle. Il arrive souvent que, dans les communautés racialisées, l'identité de genre soit effacée et que, dans les communautés queer, les identités racialisées ne soient pas bien accueillies.
    Il est courant chez mes pairs de cacher notre sexualité dans nos communautés culturelles — pour moi en particulier, dans la communauté chinoise. En même temps, dans les communautés gaies, nous devons faire face à des microagressions, de la discrimination et du racisme. Il est essentiel de comprendre l'intersectionnalité pour offrir des services aux personnes queer de couleur.
    Je vais vous raconter une histoire à mon sujet qui remonte au milieu des années 2000. Imaginez-moi à 18 ans, et j'aime à penser que j'ai encore la même apparence qu'à cette époque. J'avais 18 ans, je vivais à Coquitlam, en Colombie-Britannique, et je venais d'avoir ma première expérience sexuelle avec un autre homme. Je suis allé voir mon médecin de famille quelques jours plus tard, parce que j'étais vraiment inquiet. Je ne connaissais encore rien au sujet des périodes fenêtres s'appliquant aux tests, alors je me suis dit qu'il fallait que je subisse immédiatement un test de dépistage d'ITS. J'ai dit à mon médecin que j'avais eu des relations sexuelles avec un homme. Je me souviens encore de sa réponse, qui s'est résumée à me poser deux questions: premièrement, est-ce que j'avais utilisé un condom, et deuxièmement, est-ce que mes parents le savaient?
     Ces deux questions étaient très accusatoires et très subjectives. Mes parents ne savaient pas que j'étais gai, et je craignais que, même avec des politiques concernant la relation de confidentialité entre le médecin et le patient, mon médecin divulgue accidentellement ou intentionnellement mon orientation sexuelle à mes parents, parce que c'était notre médecin de famille. J'avais peur qu'il dévoile tout à mes parents. C'est la dernière fois que j'ai vu ce médecin.
    Ce que je veux dire, c'est que du fait de cette seule interaction, je n'ai pas consulté de médecin pendant plus de 10 ans. C'est arrivé lorsque j'avais 18 ans, et j'ai maintenant 30 ans et ce n'est qu'il y a quelques mois seulement que je me suis trouvé un médecin de famille.
    Je vous raconte aussi cette histoire en étant conscient du fait que les hommes gais qui n'ont pas révélé leur orientation sexuelle à leur médecin sont 10 fois moins susceptibles de subir un test de dépistage du VIH. Des études récentes ont porté sur la proportion d'hommes queer de couleur qui ont révélé leur orientation sexuelle à leurs fournisseurs de soins primaires, les estimations allant d'environ 70 % à environ 24 % dans certaines communautés.
    Indépendamment de ces chiffres, la réalité est que de nombreux membres de la communauté QPOC font face à un certain nombre d'obstacles pour ce qui est de s'ouvrir au sujet de leur sexualité. L'homosexualité est encore très stigmatisée dans beaucoup de nos communautés. En tant que jeunes hommes gais, on nous dit souvent qu'une fois que nous aurons parlé ouvertement de notre sexualité, un monde de possibilités de vivre au grand jour et heureux sera à notre portée. C'est vrai, mais pas pour nous tous et pas toujours. Il n'est pas toujours préférable de sortir du placard. Pour bon nombre d'entre nous, cela peut susciter des sentiments d'acceptation, mais cela peut susciter aussi des sentiments d'anxiété et de rejet, ou même en forcer certains à retourner dans le placard. Lorsque ces réalités semblent plus probables que le monde de possibilités que l'on nous promet, la décision de ne pas sortir du placard semble évidente.
    Je ne dis pas que nous ne devrions pas révéler notre orientation sexuelle à des gens comme nos professionnels de la santé. Je dis seulement qu'il faut reconsidérer ce que nous pensons des gens qui n'ont pas révélé leur orientation sexuelle à leur famille, leurs amis ou leur communauté, puis utiliser cette réflexion pour façonner de meilleurs espaces en santé. Des options confidentielles et anonymes en matière de santé sexuelle sont cruciales pour la santé de nombreux membres de notre communauté. Toutefois, il est tout aussi important d'avoir accès à des fournisseurs de soins qui ont la compétence et la formation nécessaires pour créer des environnements où les patients LBGTQ peuvent se sentir en sécurité de divulguer leur sexualité lorsqu'ils ont envie de le faire.
    Ma première recommandation est que le gouvernement fédéral veille à ce que les professionnels de la santé reçoivent une éducation et une formation intersectionnelles complètes, afin de fournir des soins de santé qui tiennent compte des complexités liées aux patients des communautés QPOC. En travaillant, en faisant du bénévolat et en évoluant dans le domaine de la santé des hommes gais, j'ai appris que la race est un déterminant social de la santé, tout comme le fait d'appartenir à une minorité sexuelle. La conclusion, bien sûr, c'est que ceux d'entre nous qui sont marginalisés parce qu'ils font partie d'une minorité raciale sont encore plus marginalisés à cause de cette intersection. M. Ryan a d'ailleurs aussi abordé cette question.
    Précédemment, vous avez entendu Travis Salway, chercheur postdoctoral de la School of Population et Public Health à l'Université de la Colombie-Britannique. Il a expliqué avec beaucoup d'éloquence que le stress des minorités est le stress qui s'accumule du fait de notre statut minoritaire. Le stress des minorités est un facteur qui contribue aux disparités en matière de santé que connaissent les minorités sexuelles et de genre, et nous savons aussi que les personnes queer de couleur, qui font partie de plusieurs groupes minoritaires, subissent davantage le stress des minorités et sont plus susceptibles d'être victimes de discrimination et de stigmatisation.
(1615)
    Nous savons également, grâce à la recherche, que le stress des minorités, aggravé par des facteurs liés à la race, accroît la vulnérabilité aux problèmes de santé mentale et au risque de VIH. La santé mentale est un problème de santé de premier plan chez les hommes homosexuels, particulièrement l'anxiété chez les hommes de l'Asie du Sud, de l'Asie de l'Est et de l'Asie du Sud-Est, ainsi que la dépression chez les hommes africains, antillais et noirs. Je recommande que le gouvernement fédéral investisse dans des programmes intersectionnels ciblés de promotion de la santé pour différentes communautés de personnes queer de couleur.
    Les communautés d'immigrants et de nouveaux arrivants queer sont étroitement liées aux communautés QPOC. L'accès aux soins de santé en tant que personne queer comporte ses propres obstacles, et la situation se complique davantage pour ceux dont l'anglais ou le français n'est pas la langue maternelle. Bon nombre d'entre nous qui sommes queer et issus de minorités raciales savons qu'il y a un fossé entre notre sexualité et notre culture. Certains d'entre nous ne savent peut-être même pas comment dire le mot « gai » dans leur langue maternelle, simplement parce que ce mot n'existe pas, parce que leur culture ne leur a jamais enseigné, ou parce que le colonialisme a effacé ces enseignements.
    De nombreux dirigeants des communautés QPOC travaillent d'arrache-pied pour s'opposer à la notion selon laquelle l'identité queer ne se retrouve que dans le monde occidental, à la notion selon laquelle l'homosexualité et l'identité queer n'existent que dans la culture des autres. Toutefois, le fait de voir de l'information sur la santé sexuelle et des messages positifs à l'endroit des personnes queer uniquement en anglais et en français vient renforcer cette impression.
    J'aimerais recommander que le gouvernement fédéral explore des options pour rendre les soins de santé accessibles et disponibles dans un plus grand nombre de communautés linguistiques représentatives des populations en croissance. Dans le même ordre d'idées, en ce qui concerne les nouveaux arrivants queer, il est essentiel de déployer davantage d'efforts pour inclure des ressources qui leur sont destinées dans les services de soutien à l'établissement. Cela constituerait un exemple très concret d'un programme intersectionnel.
    Une autre histoire dont je veux vous faire part est liée à mon travail dans le domaine de la prévention du VIH. En faisant ce travail, j'ai appris que les stratégies de promotion de la santé fonctionnent le mieux lorsqu'elles sont mises en œuvre par les collectivités locales et appuyées par le gouvernement fédéral.
    Aujourd'hui, en 2019, il est de plus en plus connu que la prophylaxie pré-exposition ou PrEP, qui sert d'outil de prévention du VIH, est couverte dans la plupart des provinces canadiennes. Toutefois, on a perdu de vue le fait que la PrEP est offerte gratuitement aux Premières Nations et aux Inuits depuis 2013. Tous les membres des Premières Nations qui vivent en Colombie-Britannique et qui touchent des prestations par l'entremise de la First Nations Health Authority ont accès à la PrEP gratuitement, et il en va de même pour les Inuits de la Colombie-Britannique et de l'ensemble du pays, par l'entremise de leurs services de santé non assurés.
    Nous savions que la PrEP était un outil efficace de prévention du VIH dès 2012. Au cours de la période de cinq ans entre 2013 et 2018, seulement 13 membres des Premières Nations de la Colombie-Britannique ont eu accès à ce médicament gratuit — seulement 13. Lorsque la PrEP est devenue accessible à l'ensemble de la population de la Colombie-Britannique, plus de 3 000 personnes s'en sont fait prescrire en une année. Encore une fois, au cours des cinq années où la PrEP a été offerte aux Premières nations et aux Inuits de la Colombie-Britannique, nous n'avons eu que 13 personnes qui l'ont utilisée. Pensez au nombre de membres des Premières Nations et d'Inuits qui ont contracté le VIH pendant cette période en raison d'un manque de sensibilisation à l'égard de cette thérapie. Quelque part en cours de route, les messages de promotion de la santé concernant cet important outil de prévention se sont perdus pour une très grande communauté au Canada.
    Afin que de telles occasions manquées ne se reproduisent plus, je recommande que le gouvernement fédéral, lorsqu'il élabore des politiques, des programmes et des recherches en matière de santé, assure l'équité pour les communautés ethnoculturelles et autochtones.
    Enfin, comme la communauté QPOC a des problèmes de visibilité, on me pose souvent la question suivante: « Combien y a-t-il de personnes de couleur queer dans la population de la région x selon les recherches? » On me demande aussi souvent « Combien d'immigrants et de nouveaux arrivants s'identifient comme LGBTQ2S? »
    Je n'ai pas ces chiffres avec moi aujourd'hui, mais même si je les avais, je veux rappeler que la communauté QPOC et les Autochtones ont toujours été sous-représentés dans le domaine de la recherche. La participation de personnes de couleur à la recherche a souvent été citée comme une limite aux études qui sont menées, et cette limite est liée au fait que la recherche est historiquement considérée comme un outil colonial et au manque d'accessibilité et de représentation des personnes de couleur dans ce domaine. C'est pourquoi je recommande que le gouvernement fédéral explore des outils de recherche novateurs, tire parti de ceux qui existent déjà et travaille en collaboration avec les communautés, afin d'obtenir des données qui vont au-delà des données quantitatives sur la communauté QPOC et les peuples autochtones.
    Merci de votre temps. Ce fut un privilège et un honneur de prendre la parole devant le Comité.
(1620)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux séries de questions, en commençant par M. McKinnon, qui dispose de sept minutes.
     Merci, madame la vice-présidente.
    Merci à tous d'être ici.
    Il s'agit de la dernière séance où nous y recevons des témoins dans le cadre de cette étude. Nous avons entendu de nombreux témoins et beaucoup de gens représentant un grand nombre d'intersectionnalités différentes, et nous avons entendu parler du genre d'enjeux, de préoccupations et de problèmes auxquels ils ont fait face et ils continuent de faire face en vivant dans un monde hétéronormatif où le genre binaire prédomine.
    Je vais prendre un risque et essayer d'extraire de tous ces témoignages ce que je considère comme un thème commun. Le thème commun, le problème fondamental que je vois ici, est un problème d'acceptation, tant par les individus eux-mêmes parfois, que par la société dans laquelle nous vivons. Je pense que cela mène au stress, à la stigmatisation, à la peur, à la discrimination et à toutes sortes d'autres choses du genre. Je crois que vous en avez tous parlé également.
    Cela découle d'un manque de sensibilisation et d'éducation. Bon nombre d'entre vous ont parlé de la nécessité de former différents professionnels et ainsi de suite. Pourriez-vous nous dire si, à votre avis, il s'agit vraiment d'un problème fondamental que nous pouvons régler grâce à cette étude?
    Madame Daley, je vais commencer par vous.
    À titre de précision, voulez-vous dire que la formation et l'éducation sont des éléments fondamentaux?
    Je dis que l'acceptation en général, qu'il s'agisse de la façon dont on s'accepte soi-même ou dont on s'insère dans la société — et de la société elle-même qui accepte des gens qui sont différents, par rapport au genre hétéronormatif binaire — entraîne tous ces autres résultats.
    Je vous demande si vous êtes d'accord pour dire qu'il s'agit d'un problème fondamental auquel nous devons nous attaquer et si vous avez des suggestions sur la façon de le faire. Je crois que vous en avez tous parlé. Est-ce que nous devons nous y attaquer par l'éducation, des campagnes de sensibilisation et ainsi de suite? C'est le sens de ma question, si vous voulez bien nous donner votre avis.
    Bien sûr.
    Je pense qu'il y a eu une amélioration des droits des personnes LGBTQ au Canada. Cependant, je ne suis pas convaincue que les droits acquis ont obtenu un énorme succès pour ce qui est de changer les attitudes, les croyances et les valeurs. À certains égards, oui, mais à d'autres, non. Nous voyons encore quotidiennement des croyances et des attitudes profondément homophobes, transphobes, biphobes et lesbophobes. C'est ce que j'entends en classe lorsque j'enseigne à des étudiants universitaires de troisième année, de quatrième année et parfois même de deuxième cycle. J'entends encore parler d'homophobie, de biphobie et de transphobie, après quatre années d'études postsecondaires à comprendre les droits qui ont été acquis par les communautés LGBTQ au Canada.
     Je pense qu'il s'agit d'un enjeu fondamental et d'une question essentielle, à savoir comment nous pouvons intervenir, non seulement lorsque les étudiants entreprennent leurs études postsecondaires, mais bien avant cela, pour commencer à changer les attitudes et les croyances. Je pense que M. Ryan en a parlé en lisant la lettre du jeune homme qui a communiqué avec lui. Ces attitudes et ces croyances sont extrêmement répandues dans nos écoles, dans nos établissements.
    Monsieur Ryan, voulez-vous ajouter quelque chose?
     Oui. Une des choses que j'ai remarquées... J'ai terminé ma formation universitaire en 1988, et je crois que dans les années 1980 et avant cela, après avoir commencé à nous interroger sur les minorités sexuelles et de genre et à envisager de remettre en question bon nombre des choses que nous avions apprises, nous avons tout simplement cessé de parler de ces choses dans les programmes de formation universitaire et collégiale.
    La pathologisation des minorités sexuelles et de genre, du point de vue du contenu, est peut-être terminée. Nous avons cessé de dire que les gens souffraient de maladie mentale, qu'ils avaient besoin de traitements et de ce genre de choses, mais nous avons aussi cessé complètement de parler du sujet. Je m'occupe de la formation des étudiants, mais aussi de la formation des professionnels qui ont terminé leurs études il y a des années, et ce que je remarque, c'est qu'une grande partie du contenu concernant les minorités sexuelles et de genre est optionnel. Il n'est pas intégré de façon transversale dans les programmes de formation en général, et rien ne garantit que lorsque vous poursuivez des études en santé ou en sciences sociales au pays, vous aurez accès à de l'information adéquate pendant votre formation de base, à moins de chercher vous-même cette information dans d'autres cours ou d'autres programmes offerts à l'université.
    Il y a des gens qui viennent suivre des cours que je donne à McGill parce que, dans leur propre université, ils ne trouvent rien, alors ils obtiennent la permission de suivre un cours dans une autre université où la question des minorités sexuelles et de genre est abordée. Je m'occupe d'étudiants qui prennent... Les cours que je donne sont optionnels parce qu'ils portent sur les minorités sexuelles et de genre, et j'espère qu'à un moment donné, ce contenu sera intégré à tous les cours. Ce n'est pas encore le cas.
    Je rencontre aussi des gens qui ont terminé leur formation il y a cinq ou six... Pas plus tard que mardi dernier, j'étais dans la région de Lanaudière, au Québec, et une des personnes qui suivaient un cours que je donnais au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec sur cette question, qui avait terminé sa formation il y a deux ans, m'a dit: « Je n'avais jamais rien appris de tel. » D'autres personnes qui ont terminé leurs études il y a 20 ou 30 ans se demandaient encore si des traitements aux électrochocs électriques étaient toujours utilisés ou si les gens devraient être aiguillés vers des psychiatres pour un traitement éventuel. Tout cela se produit en raison du manque d'information adéquate.
    Je pense que la recommandation que vous avez entendue à maintes reprises, j'en suis sûr, — et que vous avez entendue aujourd'hui — est que nous devons intervenir dans le domaine des services d'accréditation pour les programmes et auprès des associations professionnelles au sujet de l'accréditation, afin que les gens commencent à avoir de l'information adéquate. Ce que cela signifie, c'est qu'un médecin peut dire à une personne transgenre: « Je ne peux pas traiter votre coupure parce que je ne connais rien au sujet des personnes trans », et finalement, tout cela...
(1625)
    Je suis désolé, je vais devoir vous interrompre.
    Votre temps est écoulé.
    Puis-je poser une brève question? Je vais faire de la discrimination et passer à mon ami de Coquitlam. Peut-être pourriez-vous intervenir très rapidement.
    Je vous remercie du temps que vous m'accordez.
    Oui, je suis d'accord pour dire que l'acceptation est un problème, mais je pense aussi que si nous continuons notre travail, peu importe que tous les Canadiens acceptent ou non les personnes queer, nous pourrons quand même faire des progrès. Nous n'avons pas à nous concentrer sur l'acceptation en premier. C'est quelque chose qui se réglera tout simplement à mesure que nous continuerons de transmettre des messages positifs concernant les personnes queer.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Webber, pour sept minutes.
    Merci, madame la vice-présidente.
    Merci à tous d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de vos histoires.
    Monsieur Chalifoux, j'ai été très impressionné par vous et par le fait que vous êtes sobre depuis plus de quatre ans. Je vous en félicite. Je vous souhaite de garder la force de continuer.
    Merci.
     Ma première question s'adresse à Andrea Daley et à Bill Ryan, deux universitaires.
    J'ai reçu un document d'information de Santé Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada. On y parle de financement gouvernemental et de financement dans différents domaines. Les Instituts de recherche en santé du Canada ont un budget annuel d'environ 1 milliard de dollars. Par l'entremise de leur Institut de la santé des femmes et des hommes, ils encouragent la recherche sur la façon dont le sexe et le genre influencent la santé. Leur plan stratégique fait de la recherche sur la santé et le mieux-être des personnes qui s'identifient comme LGBTQI2S l'une de leurs priorités clés.
    J'ai lu des articles sur certains des investissements dans la recherche que fait cet organisme. Il consacre 11,7 millions de dollars à la production de nouvelles connaissances et de nouvelles données probantes menant à de meilleurs résultats en matière de santé et à l'amélioration de la qualité des soins pour les Canadiens LGBTQI2S. Il consacre 500 000 $ à une équipe de chercheurs qui élaborent des interventions pour la prévention des infections au VIH chez les HSH et 750 000 $ pour la recherche visant à améliorer le dépistage et le traitement des cancers graves causés par le VPH.
    Il y a un autre montant de 21 millions de dollars pour la recherche sur le VIH/sida, un montant annuel pour soutenir la recherche et les stagiaires; 3 millions de dollars pour la recherche visant à combler les lacunes persistantes en matière de santé auxquelles font face les adolescents LGBT au Canada; 1,3 million de dollars pour la recherche sur les résultats pour la santé des jeunes transgenres qui reçoivent des soins cliniques; et 2,3 millions de dollars pour la santé reproductive des femmes vivant avec le VIH. Et la liste continue.
    Madame Daley, vous avez mentionné que l'une de vos recommandations est, bien sûr, d'assurer un financement suffisant. Je suis simplement curieux d'en savoir plus. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Un financement suffisant dans quels domaines, et à combien devrait-il se chiffrer selon vous?
(1630)
     Pour ce qui est de ma recommandation, elle portait sur la façon d'intégrer l'information et les connaissances que nous avons dans le programme d'études. Comment élaborer un programme qui ne consiste pas seulement à transmettre des connaissances, mais aussi à transformer les croyances, les attitudes et les idées des gens?
    Bien qu'il y ait peut-être de la recherche en cours, je ne suis pas certaine que toute la recherche sur le VIH/sida soit axée sur les communautés queer et trans, le VPH, la santé reproductive des femmes et le VIH.
    L'Institut de la santé des femmes et des hommes adopte une perspective sexospécifique pour faire de la recherche, et ce n'est donc pas toujours en rapport avec la communauté LGBTQ, même si les gens supposent que le VIH est lié à cette communauté. Ce n'est pas toujours le cas.
    Mon argument principal est le suivant: comment pouvons-nous appliquer ce que nous savons à l'élaboration d'un programme d'études solide, intégré, cohérent et complet, afin que les gens ne reçoivent pas une formation limitée? Est-ce aujourd'hui que nous allons donner des conférences sur les personnes LGBTQ en travail social, en soins infirmiers, en médecine, en psychiatrie ou ailleurs?
    Ce à quoi les gens ont accès dans les programmes des professions de la santé est très limité. Cela risque, en fait, reproduire des stéréotypes. Lorsque nous parlons des personnes LGBTQ en travail social, nous pouvons parler du VIH ou de la dépression.
    Lorsque nous voyons certains de ces éléments être intégrés au programme, c'est souvent dans ce que j'appellerais un cadre de résolution des problèmes. Cela présente toujours la vie des LGBTQ comme étant problématique et pathologique d'une façon ou d'une autre. Nous devons nous servir des connaissances relatives à la santé des LGBTQ, aux services de santé des LGBTQ et à la vie des LGBTQ pour créer un solide programme d'études pour les professions de la santé, afin qu'il y ait une approche globale et intégrée.
    Puis-je également faire une brève remarque?
    Oui, absolument.
    Nous ne pouvons pas laisser de côté les sciences humaines et sociales. Les études sur l'équité, les femmes et le genre fourniront aux infirmières, aux travailleurs sociaux et aux médecins l'occasion d'avoir accès à des discussions beaucoup plus approfondies sur la sexualité et le genre.
     À ce sujet également, monsieur Ryan, vous dites que vous donnez des cours à McGill. Dans quelle faculté?
    J'enseigne dans trois programmes: le programme de travail social, le programme de thérapie pour les couples et les familles et le programme de MBA en santé médicale internationale. Dans tous ces domaines, mon enseignement porte sur le genre et la diversité sexuelle.
    Je suis tout à fait d'accord avec tout ce qui vient d'être dit. L'une des choses que je veux mentionner, c'est que si nous n'avions pas l'Institut de l'égalité des sexes au sein des IRSC, nous n'aurions rien. Je fais partie de ceux qui se souviennent que nous n'avons pas pu obtenir de financement pour la recherche sur les minorités sexuelles et de genre, sauf pour le modèle de la maladie du VIH, qui était important et nécessaire, mais qui était très limité. L'Institut pour l'égalité entre les hommes et les femmes a ouvert des portes. Nous sommes en train de faire du rattrapage avec beaucoup de recherches.
    Il fut un temps où nous pouvions réunir autour de cette table tous les chercheurs canadiens qui faisaient de la recherche sur cette question. L'Institut pour l'égalité entre les hommes et les femmes nous a permis de prendre de l'expansion. Nous devons en arriver au point où toutes les études portant sur les conditions de vie des êtres humains engloberont les minorités sexuelles et de genre. Il n'est pas nécessaire de toujours avoir des études précises, mais ces études précises comblent des lacunes que nous avons oubliées pendant des générations.
(1635)
    Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Davies, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages percutants et très intéressants.
    Brook, je sais que vous avez parlé publiquement des avantages de la PrEP. Je pense que l'Alberta a fait un excellent travail pour rendre cette prophylaxie disponible. J'allais demander si cela devrait être couvert pour tous les Canadiens, mais je crois connaître la réponse. C'est le cas.
    Lors de notre dernière réunion, nous avons découvert que des trousses d'autotest du VIH sont disponibles dans certains pays du monde, comme au Royaume-Uni, où vous pouvez les envoyer par la poste. C'est livré dans votre boîte aux lettres. Cela serait particulièrement utile pour les gens qui veulent faire le test en toute discrétion dans les petites villes rurales ou les endroits où ils hésitent à s'adresser à un professionnel de la santé qui les connaît peut-être.
    Avez-vous quelque chose à dire au Comité quant à savoir si le Canada devrait envisager ces trousses?
    Oui, bien sûr. Un mémoire présenté par le Centre de recherche communautaire contient des recommandations très précises à ce sujet.
     Je ne sais pas si vous connaissez l'objectif 90-90-90, mais essentiellement, en 2014, l'ONUSIDA a reconnu que lorsque les gens avaient une charge virale supprimée, ils ne pouvaient pas transmettre le virus à d'autres. Essentiellement, le message était qu'une façon de mettre fin à l'épidémie d'ici 2030 était de faire en sorte que 90 % des personnes vivant avec le VIH soit diagnostiquées, que 90 % des personnes diagnostiquées soient sous traitement et que 90 % des personnes sous traitement aient une charge virale supprimée ou indétectable. Les dernières données de l'Agence de la santé publique du Canada que j'ai pu voir remontent à la fin de 2016. On a constaté que 86 % des personnes vivant avec le VIH avaient reçu un diagnostic, que 81 % des personnes diagnostiquées suivaient un traitement et que 91 % des personnes sous traitement avaient une charge virale indétectable.
    Nous constatons que les personnes vivant avec le VIH font leur part, lorsqu'elles peuvent recevoir un diagnostic et un traitement et atteindre la cible quatre ans plus tôt, avant 2030, l'année où nous sommes censés atteindre l'objectif 90-90-90. Cependant, nous constatons que le système de santé ne fait pas entièrement sa part à l'égard des deux éléments qui dépendent le plus de lui. Bien sûr, l'un d'eux est lié aux diagnostics. Vous avez entendu de nombreux témoins parler, dans des mémoires écrits et des exposés oraux, de la nécessité de rattraper le temps perdu avec les tests. C'est vrai. Je crois que Jody Jollimore a mentionné que l'un de ces tests est fabriqué en Colombie-Britannique et que nous ne pouvons pas l'obtenir.
    C'est à Richmond.
    Beaucoup d'énergie a été dépensée sur le terrain, tant pour les recherches du CBRC que pour celles de l'EMHC. La communauté est prête. Lorsque vous examinez les préférences à l'égard des différents types de tests, vous n'en trouvez pas de disponible avant la troisième ou quatrième préférence.
    La communauté s'impatiente. Nous savons que cela fonctionne dans d'autres pays à revenu élevé. Je pense que les gens sur le terrain et dans les différentes provinces se demandent pourquoi il nous faut tant de temps pour rattraper le retard. Nous sommes tous pour les tests à domicile, différents types de tests aux points d'intervention. Nous devrions le faire. Cela fonctionne. Pourquoi pas?
    Merci.
    Darren, je viens de Vancouver. Dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique, nous apprécions de vivre dans l'une des collectivités les plus multiculturelles du pays. Je suis conscient des différentes sensibilités culturelles et développementales des communautés de minorités sexuelles et de diverses identités de genre.
    Selon vous, quels types d'outils, de services ou de soutiens seraient utiles pour favoriser la discussion sur ces questions au sein des familles ou des communautés ethniques, raciales et linguistiques minoritaires?
     Beaucoup de ces discussions doivent avoir lieu, comme vous le dites, dans les communautés ethnoraciales et racialisées. Ce qui manque, cependant, c'est l'appui de nos alliés sur la façon de lancer ces conversations, par exemple sur le plan des locaux, du temps, du personnel et de tout le reste. On croit souvent à tort que ces conversations doivent avoir lieu davantage dans les communautés racialisées, parce qu'elles sont peut-être plus homophobes, transphobes ou opposées aux droits des homosexuels.
    Il est également important de reconnaître que l'homophobie et la transphobie existent dans toutes les identités, races et cultures, mais peut-être que dans certaines régions du Canada, nous voyons plus d'homophobie et de transphobie dans certains groupes en raison des médias ou parce que nous donnons plus de plateformes aux gens. Je dirais qu'il faut continuer de tenir ces conversations dans toutes les collectivités et que cela finira par se répercuter sur les gens des communautés racialisées.
    Merci.
    Jeff, tout d'abord, merci d'avoir partagé avec nous votre histoire percutante. Je dois avouer mon ignorance. Au début de notre étude, je pensais que l'expression « bispirituel » était un mot autochtone pour désigner le fait d'être gai. Grâce à cette étude, j'ai appris qu'il s'agit en fait d'un concept beaucoup plus complexe qui varie d'une nation à l'autre au pays. Je suis curieux de savoir quelle serait votre définition de la « bispiritualité ».
(1640)
    Le terme « bispirituel » a été créé en 1990, à Winnipeg, à l'occasion d'un rassemblement bispirituel, un mot générique utilisé par les Premières Nations de l'île de la Tortue, dont bon nombre avaient des termes différents selon le sexe, et jusqu'à sept titres de genre. En ce qui concerne les bispirituels, l'idée à l'époque était que leur esprit était à la fois masculin et féminin et que cela correspondait aux facteurs d'identification des LGBTQI.
    Pour moi, les bispirituels sont les personnes qui transcendent les limites fixées par l'identification binaire, et le rôle des bispirituels est en quelque sorte de... C'est vraiment difficile parce que lors de cette rencontre à Winnipeg, on a trouvé ce terme et on en a beaucoup discuté entre les nations autochtones, de même qu'entre les organisations et les personnes bispirituelles. Il y a souvent des gens qui n'ont pas l'impression d'avoir un esprit à la fois masculin et féminin et cela témoigne des différences qui existent au niveau des nations, des langues et des traditions.
    Il est difficile de donner une définition. C'est très différent d'une personne à l'autre. Pour moi, en grandissant, j'ai toujours cru que je voulais vivre la vie que je mène maintenant où je peux être un père, avoir des relations amoureuses avec la personne de mon choix et avoir le genre d'union et de famille que j'ai maintenant avec l'entourage de mon fils. Je n'avais pas cela pendant ma jeunesse.
    Très bien, nous allons maintenant passer à Mme Sidhu.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d'être ici. Cela nous aide vraiment à produire un bon rapport.
    Lorsque j'écoutais tous les panélistes, une chose importante a été mentionnée: l'éducation intersectionnelle. Nous en avons besoin. Pour ce type d'éducation, il y a quatre catégories: les fournisseurs de soins de santé, les enseignants, les parents et les jeunes. Pour ce qui est des fournisseurs de soins de santé, pouvez-vous me dire comment nous pouvons éduquer les fournisseurs de soins de santé, les enseignants et les parents? Je suis mère de trois adolescents.
    Merci, Jeff, de nous avoir raconté votre histoire.
    Comment les parents peuvent-ils le savoir? J'ai un fils et nous ne parlons pas de relations sexuelles. Comment un parent peut-il savoir ce que vit son fils ou sa fille?
     C'est une excellente question. Je suis convaincu que si nous permettons cela, ou si nous permettons aux parents de poser ces questions à leurs enfants, et à leurs enfants d'expliquer à leurs parents ce qu'ils pensent d'eux-mêmes, ces conversations seraient beaucoup plus fructueuses que tout ce que je pourrais proposer en matière d'enseignement ou d'éducation.
    Y a-t-il des webinaires éducatifs ou d'autres moyens de s'informer? La plupart du temps, dans les communautés ethniques — je ne parle pas de moi —, ce sont des choses dont on ne parle pas. Quels autres outils peut-on utiliser?
    N'importe qui peut répondre.
     Ce qui me vient rapidement à l'esprit, c'est que nous avons des occasions où les professionnels de la santé et les éducateurs rencontrent les parents, soit dans un contexte de santé, soit dans le cadre de cours prénatals. Pour moi, les cours prénatals sont vraiment des endroits riches, où l'on peut aborder des sujets qui sont peut-être nouveaux pour certains parents. Je me plais à penser qu'un jour, quelqu'un demandera dans ces cours: « Qu'arriverait-il si dans 12 ou 13 ans, ou peut-être dans 5 ou 6 ans, votre enfant rentrait à la maison en disant: « Maman, papa, j'ai quelque chose dont je dois vous parler. » Je pense que si nous posons cette question avant que cela ne se produise, nous commençons déjà à décider de la réponse que nous pourrions donner.
     Je pense que nous sommes tous d'accord, de façon générale, pour dire que la plupart des parents aiment leurs enfants et veulent ce qu'il y a de mieux pour eux. La plupart des parents ne sont pas toujours bien équipés pour répondre, parce qu'ils sont mal informés. Dans de tels cas, nous pouvons les renseigner en lançant des campagnes. Le Québec a mené une campagne télévisée contre l'homophobie et la transphobie qui a été diffusée dans tous les salons de la province lors d'émissions de télévision populaires. Ce genre de choses nous amène à poser des questions auxquelles nous pourrions répondre avant qu'un certain pourcentage de parents aient un enfant qui rentre à la maison en disant: « Maman, papa, j'ai quelque chose à vous dire. »
(1645)
    Merci.
    Madame Daley, vous travaillez au projet d'accès aux soins à domicile pour les personnes LGBTQ2. À votre avis, a-t-on besoin d'établissements de soins de longue durée distincts pour les LGBTQ?
    Je pense que d'autres témoins ont peut-être des opinions à ce sujet également.
     J'ai une précision à apporter. Le projet de soins à domicile était axé sur les soins donnés au lieu de résidence. Cela englobe les établissements résidentiels, mais nous ne les avons pas inclus dans notre étude, parce que nous estimions qu'il s'agissait d'une situation différente en raison du contexte institutionnel.
    Je crois en une approche à plusieurs volets et je crois que les établissements de soins de longue durée existants doivent réfléchir à l'accès et à l'équité, ainsi qu'aux cadres d'accès et d'équité qui visent explicitement les personnes LGBTQ2 qui emménagent dans ces endroits. Je crois aussi qu'il faudrait peut-être prévoir des endroits distincts où les gens pourraient vivre. Bon nombre des établissements ne se penchent pas sur les politiques et les pratiques à l'égard de la communauté LGBTQ.
    Tamara Sussman, de l'École de travail social de l'Université McGill, a fait ce que je considère comme un examen de la portée. J'ai participé à ce travail, de façon plus marginale. Les chercheurs ont appelé un certain nombre d'établissements de soins de longue durée — je ne me souviens malheureusement plus si c'était au Québec ou ailleurs — pour leur demander quelles étaient leurs politiques à l'égard des aînés LGBTQ qui emménagent dans ces établissements. Je ne pense pas qu'un seul d'entre eux avait une politique. Je crois donc qu'en l'absence d'institutions qui élargissent leur façon d'envisager l'accès et l'équité, il faut probablement des espaces distincts.
    D'autres personnes ont probablement des idées à ce sujet également.
    Je participe à la recherche sur les soins aux aînés depuis un certain temps, et il y a deux modèles. Le modèle américain est un système privé, et les soins sont à vos frais. Toutes sortes de collectivités ont développé leurs propres services, mais pour être honnête avec vous, quand j'aurai besoin de soins aux aînés, je vais dire: « J'ai payé des impôts toute ma vie pour des services publics, et je veux que les services publics soient adaptés à mes besoins. » Je ne devrais pas avoir à payer 10 000 $ de plus par mois pour un service qui me respecte et qui m'est adapté, après avoir payé toute ma vie, comme mes voisins, pour que ces services me soient offerts. Je pense qu'il y a un débat au sein de la communauté à ce sujet.
    Je viens de Montréal, où il y a des établissements de soins aux aînés où la langue est l'italien, la télévision est en italien et la cuisine est en italien. Certaines personnes préféreraient peut-être cela, mais d'autres ne veulent pas se retrouver dans ce genre de placards. Elles ne veulent pas vivre à l'écart de la société. Je pense que nous verrons les deux. Je pense que les Canadiens estiment généralement que les services publics devraient être adaptés à nous et qu'ils devraient nous respecter. Sinon, il y a des commissions des droits de la personne qui vont remédier à cela.
     Merci.
    C'est la fin de notre premier tour de questions. Nous allons passer à notre deuxième tour, de cinq minutes.
    Monsieur Lobb.
    Merci, madame Gladu.
    Je suis sûr que nos analystes ont tous ces renseignements, mais je vais m'adresser à n'importe lequel d'entre vous. Si vous êtes séropositif, quelles provinces paieront vos médicaments? Est-ce qu'elles les payent toutes? Est-ce qu'aucune ne les paie? Pour être honnête, je n'en suis pas certain, et je ne sais pas si quelqu'un d'autre au Comité le sait.
    Je n'ai pas la liste exacte des provinces, mais je peux vous dire que ce n'est pas pareil partout. À l'heure actuelle, au Canada, si vous êtes séropositif et résidez dans une province comme l'Alberta, vous êtes couvert par le programme public provincial. Si vous vivez dans d'autres provinces, comme le Manitoba ou même l'Ontario, ce n'est pas la même chose. Cela impose un fardeau disproportionné aux personnes vivant avec le VIH.
    C'est pourquoi différentes personnes ont notamment recommandé un mécanisme quelconque, dans le cadre de l'assurance-médicaments ou d'un autre système, en vertu duquel Santé Canada ou l'Agence de la santé publique rembourseraient certaines provinces, comme le gouvernement fédéral l'a fait, je crois, pour les médicaments contre l'hépatite C. Il est certain que les médicaments contre le VIH devraient être examinés — surtout pour le traitement, mais aussi pour la prévention.
(1650)
    Très bien.
    De toute évidence, cette étude porte sur la santé, nous avons vu toutes sortes de choses différentes, et tout cela peut entrer en ligne de compte. Le gouvernement envisage actuellement un programme d'assurance-médicaments. Au bout du compte, pensez-vous que cela devrait être couvert par un programme d'assurance-médicaments, au minimum?
    Oui.
    Non seulement parce que les personnes vivant avec le VIH devraient être soignées, mais aussi parce qu'il s'agit d'une bonne stratégie de santé publique. Nous savons que lorsque ces personnes ont une charge virale indétectable, elles ne transmettent pas le virus à d'autres, alors ne voudrions-nous pas que les personnes vivant avec le VIH aient accès à des médicaments? Voulons-nous leur imposer des obstacles financiers? Je ne crois pas que ce soit le cas. N'oubliez pas que nous disons que nous pouvons effectivement mettre fin à l'épidémie de VIH dans notre pays d'ici 2030 si nous adoptons certaines de ces bonnes stratégies de santé publique. Nous ne devrions certainement pas dresser des obstacles devant les gens.
    J'avoue ne pas me souvenir si la question a été soulevée à d'autres comités ou non, mais comme il s'agit de notre dernière réunion, cela devrait probablement être consigné au compte rendu. Je ne me souviens pas si d'autres personnes ou groupes ont formulé des commentaires ou ont été consultés par M. Hoskins à ce sujet, mais nous allons probablement en parler dans notre comité.
    L'autre question que je veux vous poser concerne la PrEP. Je ne sais rien à ce sujet, mais je crois comprendre que cela supprime et prévient l'infection. Est-ce couvert? Faudrait-il que ce soit couvert? Il semble que oui. Qu'en pensent nos témoins?
    La PPrE est un médicament de prévention du VIH basé sur les ARV — un traitement antirétroviral ou un médicament contre le VIH. Nous savons que c'est un médicament efficace et qu'il est couvert dans la plupart des provinces canadiennes, comme la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario, le Québec et d'autres, je crois. Je ne me souviens pas de la liste exacte.
    Dans toutes ces provinces, il a fallu faire beaucoup de démarches pour que la PPrE soit couverte à l'échelle provinciale, dans chaque province, et cela reste encore à faire dans certaines provinces et certains territoires. Nous savons que la PPrE est un outil efficace, alors oui, elle devrait être couverte.
    Il faut vraiment une stratégie à plusieurs volets. Il n'y a pas de solution miracle en ce qui concerne le VIH, mais si nous appliquons la PPrE, si nous dépistons le virus et envoyons les gens se faire soigner en s'assurant qu'ils ont les moyens d'avoir accès à leurs médicaments pour que leur VIH devienne indétectable — si le Comité s'assurait que ces différentes choses soient couvertes —, nous mettrons fin à l'épidémie de VIH.
    J'ai plusieurs notes ici. L'hormonothérapie est-elle couverte actuellement? Je veux m'assurer que nous avons un large éventail d'opinions pour notre rapport. Je ne sais pas si quelqu'un a quelque chose à dire au sujet de l'hormonothérapie. Devrait-elle être couverte ou non? Je ne sais pas.
    Cela dépend de la province. Comme vous le savez, au Québec, nous avons un régime d'assurance-médicaments, alors au Québec, c'est couvert. D'après ce que je comprends, il y a plusieurs provinces où ce n'est pas couvert, ou du moins les exigences sont plus strictes qu'ailleurs pour que ce soit couvert.
    C'est certainement une chose qu'il faudrait envisager très sérieusement de recommander, du point de vue de la santé.
    J'ai une autre question, probablement d'une portée plus large, sur la vaccination contre le VPH. Je connais deux personnes chez qui ce virus a causé un cancer de la gorge. Est-ce quelque chose que votre omnipraticien devrait suggérer ou que la santé publique devrait suggérer? Que devrions-nous faire pour le VPH?
     Je pense que j'inscrirais cela sur la liste des cours de formation à l'intention des fournisseurs de soins de santé. S'ils parlent à un patient qui est un jeune homme gai qui a des rapports sexuels avec des hommes, ils devraient lui conseiller de se faire vacciner contre le VPH
    Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Ayoub, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
(1655)
    Je vais poursuivre en parlant plutôt de formation, notamment celle des professionnels.
    Monsieur Ryan, vous étiez dans la région de Lanaudière dernièrement, au Québec, si j'ai bien compris.
    Vous avez mentionné avoir entendu parler d'électrochocs comme méthode de traitement. Je ne veux pas faire un mauvais jeu de mots, mais cela m'a un peu choqué d'entendre parler d'électrochocs en tant que traitement médical utilisé en 2019. D'ailleurs, si vous, Monsieur Ryan, ou encore Mme Daley, avez de l'information à ce sujet, je serais désireux de la connaître.
    Pouvez-vous dresser un bref portrait de la situation concernant la formation des professionnels déjà en fonction, qui sont déjà sur le terrain et dont la formation date de quelques années? Nous savons, évidemment, qu'ils suivent des cours d'appoint tout au long de leur carrière, mais quelle est votre évaluation de la situation concernant la formation au regard de la communauté LGBTQ2?
    J'aimerais connaître votre opinion, Monsieur Ryan, particulièrement sur la question de la formation des professionnels déjà en fonction au Québec, si vous êtes en mesure de le faire.

[Traduction]

    Nous avons un programme qui est accrédité par l'Université de Montréal. C'est géré par la province. Il s'intitule « Sexes, genres et orientations sexuelles: comprendre la diversité ».
Il est offert gratuitement aux professionnels de la santé, aux organismes communautaires ou aux établissements d'enseignement qui veulent obtenir de la formation. Il est facultatif, ce qui veut dire que vous n'êtes pas obligé de le suivre et surtout, l'inscription à ce programme est facultative. Cela veut dire qu'en général, ceux qui le suivent le font par choix. L'un des problèmes que nous avons à le promouvoir, c'est qu'il est souvent perçu comme étant non essentiel. Certains professionnels de la santé vont suivre une formation en pharmacologie, par exemple, mais ils n'accepteront pas de suivre une formation sur la sexualité ou la diversité des genres parce qu'ils considèrent que c'est beaucoup moins important dans leur pratique.
    C'est une formation de deux jours. Selon que leurs études remontent à plus ou moins longtemps, les participants arrivent souvent en sachant ou pensant que leurs notions à ce sujet sont inexactes, mais comme ils ne savent pas par quoi les remplacer, ils gardent le silence. Ils disent souvent aux gens qui se disent gais, lesbiennes ou transgenres: « Ce n'est pas de mon ressort. Je ne peux rien faire pour vous. Je ne sais rien à ce sujet. »
    Nous essayons de les rassurer en leur disant qu'il ne faut pas beaucoup de formation pour se familiariser avec ce sujet. C'est une question de motivation. La communauté nous dit que ses membres éduquent leurs professionnels de la santé. Il est difficile d'éduquer son professionnel lorsque vous êtes dans une situation vulnérable et que vous n'avez pas nécessairement toutes les réponses vous-même.
    Il serait vraiment important de veiller à ce que ce contenu soit intégré dans l'ensemble des services de santé, des services sociaux et de l'éducation au niveau collégial et universitaire.
    Allez-y, si vous voulez ajouter quelque chose. J'aimerais peut-être répondre à cette question.
    Il y a aussi l'éducation et la formation intersectionnelles.
    Dans le contexte du travail social, nous répondons aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, et cela consiste en partie à réfléchir à la façon dont nous décolonisons l'éducation.
    Les idées se bousculent dans ma tête, car je pense que l'une des choses qui se passe à propos de la sexualité, c'est que nos vies sont réduites au sexe. Toute la question de la façon dont nous parlons de sexualité à nos enfants est chargée parce que les gens ne pensent qu'au sexe. Nos vies sont bien plus que cela. Je pense que lorsque nous réfléchissons à la façon dont nous formons et éduquons les fournisseurs de soins de santé, nous devons envisager les choses sous de multiples angles: celui de la décolonisation et...
(1700)
    Je dois vous interrompre, car je veux poser une autre question à M. Ryan.
    Peut-on dire que vous recommanderiez que les cours soient obligatoires?
    Oui. Je recommanderais que ce soit obligatoire pour l'agrément dans les domaines de la santé, des services sociaux et de l'éducation.
    Nous allons maintenant passer à M. Webber, pour cinq minutes.
    Je veux revenir au financement.
    Brook, vous avez mentionné dans votre exposé que l'investissement actuel dans la santé des homosexuels est insuffisant. Nous avons reçu une autre séance d'information de Santé Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada. Ces organismes nous ont dit qu'il existe un certain nombre de programmes communautaires de subventions et de contributions conçus expressément pour répondre aux besoins des populations LGBTQ, et ils ont mentionné un certain nombre de programmes différents.
    Encore une fois, il y a 112 millions de dollars et 92 millions de dollars de financement non gouvernemental dans des domaines qui visent à accroître la portée et l'impact des approches fondées sur des données probantes qui appuient les choix et les comportements sains dans la communauté LGBTQ. Il y a 30 millions de dollars pour appuyer des projets communautaires de réduction des préjudices partout au Canada afin d'améliorer la sensibilisation dans la rue, de renforcer la capacité des fournisseurs de services d'étendre la sensibilisation mobile et de réduire les taux de VIH et d'hépatite C. Il y a 5 millions de dollars pour un nouveau centre d'innovation sur les maladies infectieuses. Il y a 37,5 millions de dollars sur cinq ans pour les programmes et services liés aux ITSS pour les Premières Nations et les Inuits. Il y a 26,4 millions de dollars pour aider les collectivités canadiennes à mettre en oeuvre des interventions novatrices et fondées sur des données probantes pour la prévention des ITSS. La liste continue.
    Il y a 7 millions de dollars pour accroître l'accès des populations gaies, bisexuelles, bisexuelles et transgenres aux services de santé équitables et efficaces dont elles ont besoin. Il y a 550 000 $ pour réduire la stigmatisation à l'égard des personnes vivant avec le VIH. Cela continue. Santé Canada offre un certain nombre de programmes.
    Si vous dites que son investissement actuel est insuffisant. J'aimerais peut-être obtenir des précisions à ce sujet. Avez-vous accès à ces demandes de subvention?
    Ma question s'adresse à tous les membres de la communauté qui sont ici. Quel est votre financement?
    À ce sujet, j'ai lu le mémoire et une bonne partie des fonds mentionnés ne portent pas nécessairement sur les populations queer, mais sur d'autres questions. Bien entendu, les populations LGBTQ ne sont pas oubliées, mais si l'on s'en tient à la façon dont l'argent a été réparti, très peu de ces fonds ont été consacrés à l'étude des communautés d'orientation sexuelle et d'identité de genre minoritaires.
    Je pense que la question de l'échelle et de l'application se pose quand on parle de financement. Oui, bien sûr, avoir plus d'argent pour travailler n'est jamais une mauvaise chose, mais il y a aussi la question de l'application, et c'est pourquoi notre recommandation portait précisément sur l'établissement de volets de financement pour les homosexuels. Il ne s'agissait pas tant de donner plus d'argent pour toutes ces initiatives. Il s'agit plutôt de s'assurer que la communauté homosexuelle ait des fonds qui lui soient réservés — de la même façon que d'autres populations qui sont touchées de façon disproportionnée, comme dans le cas du Fonds pour la santé mentale pour les hommes noirs et, souvent, dans le cas du VIH, il y a des volets de financement précis pour les Autochtones. Autrement, si votre comité d'examen change ou que le gouvernement change, ou que ceci ou cela change, vous êtes en concurrence avec tout le monde et parfois, même s'il y a beaucoup d'argent, cette population qui en a tant besoin en reçoit très peu.
    Je vois.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
     Pour ce qui est de l'Edmonton 2 Spirit Society, je sais que nous avons présenté plusieurs demandes et que E2S n'est pas la seule à l'avoir fait. E2S est le sigle qui désigne la Edmonton 2 Spirit Society. La 2 Spirits in Motion Foundation a présenté plusieurs demandes de subvention à Patrimoine canadien, ainsi qu'à Femmes et Égalité des genres Canada. Je pense que tout a été refusé jusqu'ici parce que — je regarde simplement ce...
    Apparemment, ces demandes ne répondaient pas aux critères. Il s'agit de s'occuper de la santé des personnes bispirituelles, mais c'est une subvention patrimoniale qui porte sur les aspects culturels ou vice versa. Il est difficile pour nous, à E2S en particulier, d'intégrer nos pratiques culturelles dans le paradigme occidental quant à la façon de structurer ce genre de choses parce que lorsque vous demandez ces subventions, vous devez dépenser de l'argent et le faire d'une certaine façon. Parfois, cela ne prend pas en considération notre culture, notre tradition orale ou la façon dont nous nous réunissons lors des cérémonies.
    Il ne nous reste plus beaucoup d'anciens bispirituels et de gardiens du savoir. Nous savons que les organisations autochtones reçoivent beaucoup de financement. Je sais qu'à Edmonton seulement, il y a Bent Arrow et d'autres organismes, mais ils n'ont pas de personnel bispirituel. Ils n'ont pas de gens parlant la langue maternelle, et certains d'entre eux ne font pas appel à des aînés bispirituels et à des gardiens du savoir pour partager ces connaissances avec les jeunes et les autres.
(1705)
    Nous allons maintenant passer à M. Ouellette, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup à tous d'être venus témoigner aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    En fait, j'aimerais simplement avoir une conversation avec Jeff Chalifoux. J'ai rencontré Albert McLeod, que vous devez connaître, à Winnipeg. Nous avons beaucoup parlé de l'expression « bispirituel » — parce qu'il est venu ici à Ottawa pour recevoir un prix pour son travail dans le domaine de la santé mentale. La discussion tournait autour du fait que, lorsque les enfants naissent, leur sexe n'est pas la chose la plus importante dans les langues crie, anishinabe ou ojibwa.
    Nous avons tous un esprit. La question que nous nous posions l'un à l'autre, je suppose, était de savoir si l'on peut avoir deux esprits, et cela suppose que notre esprit est de nature sexuelle.
    Notre esprit est-il défini par la sexualité ou par quelque chose qui va au-delà?
    Pour moi, je pense que notre esprit est défini par notre propre sentiment de soi, et de la place que nous occupons dans notre société. À un certain moment, je pensais... Comme je l'ai dit, je viens de m'épanouir en tant qu'homme bispirituel, il y a cinq ans, pour en apprendre davantage sur la culture et obtenir ce genre d'enseignement. Cependant, j'ai déjà considéré que c'était parce que je voulais avoir des relations amoureuses avec les hommes, puis avec les femmes. Ensuite, j'ai réalisé qu'il y avait d'autres genres et que — au fur et à mesure que j'ai commencé à améliorer mes connaissances — à mes yeux, le fait d'être bispirituel n'est pas basé sur notre sexualité.
    C'est vraiment difficile à expliquer. C'est à Albert qu'il faudrait en parler, oui.
    Si ce n'est pas défini par la sexualité, c'est défini par quelque chose de beaucoup plus fort.
    Oui, et pour moi, c'est ce sentiment de soi. Encore une fois, le terme « bispirituel » a été créé il n'y a pas longtemps. Il ne s'agit pas du nom traditionnel dans chaque langue culturelle.
    De plus, selon la vision traditionnelle du monde cri, un esprit ne serait pas comme une personne, en soi. Les esprits sont quelque chose de beaucoup plus amorphe. Ils pourraient changer à tout moment. C'est plutôt une question d'énergie. Ce n'est pas précis. Ce n'est pas comme si nous étions la face de Dieu. Dieu est quelque chose de complètement différent.
    Vous êtes d'accord. Bien.
    Chacun conçoit cela à sa façon. Comme je l'ai dit, le terme « bispirituel » a seulement été créé à un moment donné pour désigner les lesbiennes, les gais, les bisexuels, les transgenres et les intersexués. C'est pour cela que ce terme a été créé.
    Pourquoi? Je n'étais pas là. Je ne sais pas ce qui s'est passé lorsque l'expression « deux esprits » a vu le jour et pourquoi le mot « esprit » en fait partie. Je ne l'ai pas encore appris au cours des cinq brèves années que je viens de passer à me comprendre et à m'identifier comme une personne bispirituelle.
    J'ai encore beaucoup à apprendre.
     J'ai une dernière question à poser au sujet des mesures de soutien dans les réserves et les petites collectivités rurales.
    Quel soutien y a-t-il pour les personnes bispirituelles ou LGBT2Q dans les réserves, et quels sont les problèmes de santé qui en découlent?
(1710)
    Je n'ai pas eu l'occasion de vivre dans une réserve, mais j'ai travaillé auprès de beaucoup d'autres gens et beaucoup de membres de notre société, et j'entends parler ce qu'ils vivent. Comme je l'ai dit, pas seulement à propos de la personne en question, lorsque les gens se confient au sujet de leur sexualité ou de la façon dont ils souhaitent s'exprimer ou s'engager dans des relations amoureuses ou sexuelles, ils sont exclus de leur communauté, forcés de partir, et restent sans soutien.
    Cependant, il y a des nations qui nous appuient beaucoup. Prenons le cas du Dr Makokis, à Enoch, près d'Edmonton, qui offre du soutien aux transgenres, ou à la communauté transgenre, qui s'est instruit et qui est lui-même bispirituel et un gardien spirituel.
    Est-ce que cela veut dire que les institutions de la réserve sont également impliquées dans cette discrimination, comme les fournisseurs de services, et est-ce que cela constituerait une violation des droits de la personne?
    Je crois que c'est le cas.
    Nous allons maintenant passer à M. Davies, pour trois minutes.
    Merci.
    Je sais que l'idée d'adopter une perspective sexospécifique dans les projets de loi s'est assez répandue ces deux dernières années. Vous en avez peut-être entendu parler au niveau fédéral. L'idée, c'est que le sexisme est tellement ancré dans notre culture que nous devons examiner chaque mesure législative sous cet angle. Cependant, il m'est venu à l'esprit qu'une optique sexospécifique doit être beaucoup plus que binaire. Je me demande simplement ce que vous pensez de l'idée d'élargir, disons, l'optique sexospécifique du gouvernement fédéral pour y englober l'ensemble des minorités sexuelles et de genre. A-t-on réfléchi à cette question?
    Il me semble que cela touche tous les aspects de la société et presque tout ce que nous faisons, mais je crois que nous n'en sommes pas suffisamment conscients.
    Monsieur Ryan, je vais vous demander ce que vous en pensez.
    Vous pouvez me voir en train de me préparer.
    Oui. Eh bien, c'est une question difficile.
    Je vais revenir sur une expérience au Québec. Depuis 2007, soit depuis 12 ans, nous avons ce qu'on appelle la Lutte contre l'homophobie et la transphobie. Cela ne se traduit pas bien, mais c'est un centre pour faire face à l'homophobie et à la transphobie, et c'est au sein du ministère de la Justice.
    La loi qui régit ce centre en particulier dit qu'il doit servir de miroir pour examiner les lois, les programmes, le financement et les politiques liés aux minorités sexuelles et de genre afin de s'assurer qu'il en soit tenu compte dans les initiatives, les lois, les programmes et le financement du gouvernement.
    Cela ne fonctionne pas toujours parfaitement, mais c'est une étape très importante, tout comme Condition féminine ou les initiatives de ce genre, qui permet de garder un oeil sur la situation et de s'assurer que lorsque des fonds sont annoncés ou des programmes sont annoncés, cette réalité n'est pas négligée. Je pense que c'est ce dont vous parlez.
    L'autre chose est une question vraiment compliquée, mais il me semble que notre éveil au genre et à la sexualité commence quand on a trois, quatre, cinq ou six ans et que ça continue. La puberté nous frappe vers l'âge de 11, 12 ou 13 ans. Une chose que je crois depuis longtemps, et que cette étude m'a confirmée, c'est que nous avons besoin d'une éducation sexuelle et sexospécifique obligatoire et adaptée à l'âge dans notre système scolaire, à partir de la maternelle, si nous voulons sensibiliser les gens.
    Je veux dire qu'à la maternelle, pour les enfants de quatre et cinq ans, c'est l'identification comme garçon ou fille. Il me semble que nous devons nous attaquer au sentiment d'isolement et d'appartenance à ce moment-là, puis à mesure qu'il évolue, à mesure que nous vieillissons.
    Avez-vous des suggestions?
    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Si vous voulez soumettre vos réponses au greffier, ce serait formidable.
    Désolé.
    Je pourrais écouter d'autres témoignages, mais notre temps est écoulé. Il nous reste quelques travaux du Comité à régler.
    Je remercie tous les témoins de leurs excellents témoignages.
     Nous allons suspendre la séance. Cela signifie que toute personne qui ne fait pas partie du Comité doit quitter la salle assez rapidement. Encore une fois, merci de votre témoignage.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU