Bienvenue à la 18e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroulera de façon hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021, et les délibérations seront accessibles sur le site Web de la Chambre des communes. En webdiffusion, on ne voit que la personne qui parle et pas tous les membres du Comité.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 28 octobre 2020, le Comité reprend son étude de l'examen du programme d'assurance-emploi.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins qui lanceront la discussion par des déclarations préliminaires de cinq minutes, après quoi, nous enchaînerons sur les questions.
Nous accueillons aujourd'hui, de l'Agence du revenu du Canada, Annette Butikofer, sous-commissaire et dirigeante principale de l'information, et Frank Vermaeten, sous-commissaire. De Statistique Canada, nous accueillons Josée Bégin, directrice générale, Marché du travail, de l'éducation et du bien-être socioéconomique, et Vincent Dale, directeur du Centre de l'information sur le marché du travail.
Je vais donner quelques précisions à l'intention de nos témoins. L'interprétation dans le cadre de cette vidéoconférence ressemblera beaucoup à celle d'une réunion régulière de comité. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Quand vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Si vous ne parlez pas, gardez votre micro en sourdine.
Nous allons commencer par M. Vermaeten, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
Vous avez la parole, monsieur. Bienvenue au Comité.
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Merci beaucoup et bonjour tout le monde.
Merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité aujourd'hui, alors que vous poursuivez votre examen du régime d'assurance-emploi.
Je suis accompagné de ma collègue, Annette Butikofer, sous-commissaire et dirigeante principale de l'information, Direction générale de l'informatique à l'Agence du revenu du Canada. Dans mes brèves remarques, j'aimerais présenter au Comité une description de la responsabilité de l'ARC en ce qui concerne le versement des prestations aux Canadiens.
D'abord et avant tout, l'ARC cherche à s'assurer que les Canadiens obtiennent les paiements de prestations en temps opportun et disposent de recours lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec une décision sur leur admissibilité aux prestations. L'ARC administre l'allocation canadienne pour enfants, le crédit pour la taxe sur les produits et services, le crédit de la taxe de vente harmonisée, les allocations spéciales pour enfants, le crédit d'impôt pour personnes handicapées, l'allocation canadienne pour les travailleurs et des programmes provinciaux et territoriaux.
En effet, l'ARC utilise son infrastructure d'administration de l'impôt fédéral pour offrir 181 services, programmes de prestations permanents et versements uniques au nom des provinces et des territoires. Ces prestations fondées sur le revenu et d'autres services contribuent directement au bien-être économique et social des Canadiens en soutenant les familles et les enfants.
Je dois souligner que, même si l'ARC est l'administrateur de nombreuses autres prestations, elle ne participe pas directement à l'administration du régime d'assurance-emploi ou des systèmes d'assurance-emploi.
Comme les membres du Comité le savent sans doute, le rôle de l'ARC dans le versement des prestations a évolué à mesure que la pandémie de COVID-19 a frappé au plus fort de la période des impôts de 2019. L'ARC a changé de vitesse pour se concentrer sur l'administration et le versement de prestations d'urgence aux Canadiens touchés par la pandémie. La Prestation canadienne d'urgence a été lancée en avril 2020 et a été administrée conjointement par l'ARC et Service Canada. Compte tenu de la vitesse requise pour verser les paiements de la PCU aux Canadiens — dans un délai d'environ trois semaines — et de la durée initiale de 16 semaines, l'ARC a utilisé les services existants de la technologie de l'information pour s'assurer que les paiements seraient versés en temps opportun.
En date du 14 février 2021, l'Agence a traité 22 652 229 demandes de PCU représentant 45,3 milliards de dollars versés aux Canadiens. La PCU a été suivie par la Prestation canadienne d'urgence pour les étudiants, la PCUE, en mai 2020, pour laquelle on a utilisé les mêmes programme et système que pour la PCU. Dans le cadre de l'administration de la PCUE, l'ARC a traité 2 140 226 demandes représentant 2,94 milliards de dollars versés aux Canadiens.
Depuis la transition de la PCU, à l'automne 2020, l'ARC administre trois nouvelles prestations de soutien liées à la COVID-19: la Prestation canadienne de la relance économique, la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants, et la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique.
En date du 13 février 2021, l'ARC avait traité et versé aux Canadiens, pour la PCRE ou Prestation canadienne de la relance économique, 9 864 423 demandes, ce qui représente 9,86 milliards de dollars. Pour la PCREPA, ou Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants, on parle de 2 840 045 demandes, ce qui représente 1,42 milliard de dollars, et pour la PCMRE, ou Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, 675 473 demandes, ce qui représente 337,74 millions de dollars.
De plus, l'ARC administre également les programmes de la Subvention salariale d'urgence du Canada, la SSUC, et de la Subvention d'urgence du Canada pour le loyer, la SUCL, qui ont été lancés pour aider les entreprises pendant la pandémie. En date du 14 février 2021, 2 619 890 demandes de SSUC ont été approuvées, pour une valeur de 65,56 milliards de dollars en subventions. En date du 7 février 2021, 347 480 demandes de SUCL ont été approuvées, ce qui représente 1,29 milliard de dollars en paiements de subventions.
En terminant, bien que l'ARC n'intervienne pas directement dans l'administration du régime ou des systèmes d'AE — puisqu'ils relèvent d'EDSC —, elle joue un rôle important dans le versement de nombreuses autres prestations sur lesquelles les Canadiens comptent.
Merci encore de m'avoir invité à témoigner, monsieur le président. Mme Butikofer et moi-même serons heureux de répondre à toutes les questions du Comité.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité. Je vous remercie d'avoir invité Statistique Canada à prendre la parole aujourd'hui dans le cadre de l'étude sur l'assurance-emploi.
[Français]
Statistique Canada dispose de plusieurs sources de données pour brosser un portrait plus complet du marché du travail, notamment l'Enquête sur la population active et les statistiques de l'assurance-emploi, dont la plupart des indicateurs que je vais citer aujourd'hui sont tirés. Chacune de ces sources de données présente des avantages et des limites, notamment en fait de couverture, de taille d'échantillon et d'actualité des données.
La pandémie a causé des pertes d'emplois sans précédent au Canada. L'emploi total a chuté de plus de 3 millions pendant le pire de la crise, en mars et avril. En l'espace de trois mois, le taux de chômage a presque triplé, pour atteindre 13,7 % en mai. Bien que le marché du travail se soit amélioré depuis, la plupart des indicateurs du marché du travail ne sont pas encore retournés à leur niveau d'avant la crise, leur progression étant ralentie par les mesures de santé publique en place.
En janvier 2021, le taux de chômage se situait à 9,4 %, comparativement à 5,7 % en février 2020. Le nombre de chômeurs de longue durée, c'est-à-dire les personnes à la recherche d'un emploi ou en mise à pied temporaire depuis 27 semaines ou plus, est resté à un niveau record, se situant à 512 000 personnes.
De nouvelles données expérimentales montrent que la COVID-19 a eu des répercussions importantes sur les groupes désignés comme minorité visible. En janvier, le taux de chômage des Canadiens de race noire était en hausse de 5,3 points de pourcentage par rapport à son niveau d'il y a un an, comparativement à une hausse de 3,7 points de pourcentage pour les Canadiens qui ne s'identifiaient pas comme Autochtones et qui n'appartenaient pas à un groupe désigné comme minorité visible. La situation plus difficile sur le marché du travail des groupes de populations désignés comme minorité visible peut s'expliquer en partie par la plus grande concentration de ces travailleurs dans certains des secteurs les plus touchés par la crise économique liée à la COVID-19, notamment dans les services d'hébergement et de restauration.
Par groupe d'âge, en janvier 2021, l'emploi chez les jeunes était le plus éloigné, soit à -14 %, des niveaux observés en février 2020 par rapport aux autres groupes démographiques, particulièrement l'emploi chez les jeunes femmes, à -17 %.
En décembre dernier, le nombre de Canadiens touchant des prestations régulières d'assurance-emploi s'est établi à 1,3 million, soit près du triple du nombre de février 2020, qui était de 446 000.
Les résultats de l'Enquête sur la population active indiquent que 1,8 million de personnes étaient au chômage en décembre, y compris 1,5 million de personnes qui étaient à la recherche d'un emploi et 300 000 personnes qui avaient un lien avec un emploi, soit parce qu'elles avaient été mises à pied temporairement, soit parce qu'elles avaient une entente confirmant le début d'un nouvel emploi dans un avenir rapproché.
Il y a toujours une certaine proportion de chômeurs qui ne sont pas admissibles à des prestations d'assurance-emploi. Certains chômeurs n'ont pas cotisé au régime parce qu'ils n'ont pas travaillé au cours des 12 derniers mois ou parce que leur emploi n'était pas assuré. D'autres chômeurs ont cotisé au régime, mais ne satisfont pas aux critères d'admissibilité.
En décembre, 13 % de toutes les personnes touchant des prestations régulières d'assurance-emploi y étaient admissibles par suite de changements temporaires apportés aux règles d'admissibilité en septembre 2020. Cette proportion était relativement plus élevée au Québec et dans les provinces de l'Atlantique que dans les autres provinces.
Les résultats de l'Enquête sur la population active de décembre démontrent que les secteurs où l'emploi est demeuré le plus éloigné des niveaux observés avant la pandémie comprenaient les services d'hébergement et de restauration, l'information, la culture et les loisirs, et les autres services comprenant les services personnels et les services de blanchissage. Les défis auxquels doivent faire face ces secteurs se reflètent dans le profil des personnes touchant des prestations régulières d'assurance-emploi. En décembre, plus d'une personne sur quatre touchant des prestations régulières d'assurance-emploi avait travaillé pour la dernière fois dans l'un de ces trois secteurs.
L'impact inégal de la COVID-19 selon les industries, combiné à l'assouplissement des règles d'accès au Programme d'assurance-emploi, a également fait croître la proportion des femmes touchant des prestations régulières. De février à décembre, cette proportion est passée à 37 à 48 %.
[Traduction]
Mon collègue, M. Dale, et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Voilà qui conclut mon exposé, monsieur le président. J'espère que cet aperçu du marché du travail canadien sera utile au Comité.
:
Je vous remercie de la question.
[Français]
De toute évidence, les défis que doivent relever les Canadiens ne sont pas les mêmes pour tous, selon qu'ils appartiennent à un groupe issu de la diversité ou non. La pandémie a vraiment mis en relief ces différences. Bien que Statistique Canada s'emploie depuis longtemps à brosser le portrait de la diversité canadienne par le truchement du recensement de la population, il existe encore des lacunes importantes dans les données désagrégées en ce qui concerne certains indicateurs économiques fondamentaux.
L'un des défis que nous rencontrons est lié au fait que la taille restreinte des échantillons de nos enquêtes limite parfois nos capacités à dégager une image claire, notamment dans le cas des taux d'emplois ou des indicateurs du marché du travail pour les groupes racisés.
À Statistique Canada, nous avons à cœur de collaborer avec des organismes, avec des groupes sans but lucratif et du secteur privé ainsi qu'avec diverses communautés ethnoculturelles pour mettre sur pied des initiatives conjointes de collecte et d'analyse des données. Ces initiatives nous permettront d'obtenir des statistiques plus représentatives et d'améliorer notre compréhension de manière générale. Cependant, tout aussi important est le fait que nous entendons également maintenir notre approche pangouvernementale et poursuivre notre collaboration avec nos partenaires fédéraux. Nous aurons ainsi accès aux données existantes et pourrons mieux intégrer les systèmes de collecte de données désagrégées, tout en continuant de protéger, comme il se doit, la confidentialité et la vie privée des Canadiens.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui et de nous offrir leur contribution dans le cadre de cette étude sur une réforme de l'assurance-emploi.
Ma première question s'adressera à nos témoins de l'Agence du revenu du Canada.
Bien que vous ayez souligné ne pas avoir administré le régime, j'aurais quand même une question à vous poser. Vous avez eu à administrer l'ensemble des mesures temporaires ou des mesures d'urgence qui ont été mises en place, vous les avez d'ailleurs nommées. Vous aurez probablement à administrer encore — vous me le confirmerez — les trois dernières mesures qui ont récemment été prolongées par voie réglementaire. De plus, la période des déclarations de revenus arrive.
Dans votre témoignage, vous avez dit que votre défi était de livrer ces prestations en temps opportun. Il y a eu des failles, vous le savez. Des gens ont attendu de sept à huit semaines pour avoir une réponse visant la PCRE. Nous avons eu beaucoup de dossiers qui concernaient aussi le RQAP, ou Régime québécois d'assurance parentale, et l'adéquation avec les nouvelles prestations.
À votre avis, ces retards sont-ils derrière nous?
:
Madame Bégin, je vous remercie de votre témoignage.
Ma question porte sur les taux de chômage, sans entrer dans les détails des statistiques.
En vertu du régime actuel de l'assurance-emploi, et non pas des mesures révisées, les taux de chômage sont variables dans 62 régions socioéconomiques du Canada. Il peut même y avoir deux taux de chômage différents dans une même région, par exemple, la Haute-Côte-Nord et la Basse-Côte-Nord, ce qui crée des critères différents d'admissibilité pour les prestataires d'assurance-emploi.
L'une des mesures d'assouplissement vise à utiliser le même taux de chômage minimum dans toutes les régions. Selon nous, cela ferait partie de la solution. Pensez-vous que cette avenue pourrait améliorer l'admissibilité, compte tenu surtout des dernières statistiques que vous avez données?
J'ai une dernière question. J'ai entendu beaucoup de représentants de la communauté des personnes handicapées dire que le crédit d'impôt pour personnes handicapées n'est pas un bon instrument de politique, parce qu'il privilégie ceux qui sont en mesure de travailler, et même pour eux, il a une très faible valeur.
Si une personne a droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées, elle peut, par exemple, ouvrir un régime enregistré d'épargne-invalidité, soit un REEI, ce qui peut être très utile, mais, encore une fois, cette mesure favorise également ceux qui ont les moyens de cotiser à un REEI.
Êtes-vous d'accord avec cette évaluation et, à votre avis, quelles sont les options stratégiques de rechange qui profiteraient aux personnes handicapées les plus marginalisées?
:
Je suis heureuse d'apprendre que cela ne se fait pas par l'entremise de l'ARC, parce que ma prochaine question portait sur les temps d'attente téléphonique pour parler à quelqu'un de l'ARC, dont vous avez probablement entendu parler jusqu'à plus soif, mais je voulais néanmoins vous en glisser un mot.
Partout au pays, nous entendons dire que beaucoup de gens ont de la difficulté à obtenir la ligne. Pendant la période des impôts d'une année normale, les gens attendent parfois quelques heures au téléphone, ce qui n'est pas nécessairement inhabituel, mais l'attente cette année semble incroyablement longue, même par rapport à la période des impôts d'une année normale. Beaucoup de gens m'en parlent et je sais que c'est la même chose pour d'autres députés partout au pays... Je suis certaine que tous les membres du Comité ont probablement entendu des électeurs se plaindre de cette situation, où quelqu'un attend trois ou quatre heures pour en fin de compte entendre un message lui apprenant que tous les agents sont occupés et lui demandant de rappeler plus tard, avant de se faire raccrocher la ligne au nez. Tout est ensuite à recommencer.
Ce qui me préoccupe, c'est que ce sont des gens à qui le gouvernement fédéral a promis de l'aide. Le gouvernement libéral a annoncé ces mesures d'aide, mais le problème, c'est que des milliers de personnes ne peuvent même pas y avoir accès par l'entremise de l'ARC, et il y a une foule de détails techniques, comme nous le savons, qui peuvent mal tourner et qui expliquent pourquoi les gens doivent appeler l'ARC pour obtenir ces prestations. Il est facile d'annoncer ces mesures, mais elles ne sont pas très utiles si elles sont bloquées pendant des semaines.
Comme je sais que vous êtes au courant de ce problème, pouvez-vous expliquer au Comité les mesures que vous prenez pour ramener ces périodes d'attente à un niveau plus normal?
Chers collègues, nous allons nous arrêter ici afin que nous puissions disposer d'une heure complète avec notre prochain groupe de témoins.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je vous remercie pour votre travail, surtout en cette période difficile où la fonction publique se retrouve sous les projecteurs.
Nous vous remercions également pour toutes les données que vous vous êtes engagés à nous faire parvenir par écrit. Sans vouloir trop m'avancer, je pense que ces renseignements éclaireront nos discussions avec d'autres témoins. Si vous pouvez nous en envoyer une partie rapidement et le reste plus tard, nous en serions heureux. Ces renseignements donneront une valeur et une portée accrue au travail du Comité.
Avant de vous dire au revoir, je vous remercie encore d'avoir été parmi nous.
Nous allons faire une pause de trois minutes, le temps d'accueillir le prochain groupe de témoins et de faire l'essai des micros.
Merci à tous.
Nous sommes réunis pour poursuivre notre examen du régime d'assurance-emploi.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins.
Avant de prendre la parole, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Durant cette vidéoconférence, l'interprétation sera offerte comme pour une réunion normale du Comité. Vous pouvez choisir, au bas de votre écran, le parquet, l'anglais ou le français. Veuillez parler lentement et clairement quand vous avez la parole et désactiver votre micro quand vous avez terminé.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins pour la suite de notre discussion. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire, à la suite de quoi, nous passerons aux questions.
Nous accueillons aujourd'hui Miles Corak, professeur d'économie, Graduate Center, City University of New York, et Mme Parisa Mahboubi, analyste principale de la politique à l'Institut C.D. Howe. Nous entendrons d'abord M. Corak, pendant cinq minutes.
Bienvenue au Comité, monsieur Corak. Vous avez la parole.
Je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler d'un sujet de plus en plus important.
[Traduction]
Le régime d'assurance-emploi laisse à désirer. De nombreux Canadiens en font les frais depuis des décennies et il est plus que temps de corriger le tir.
Le gouvernement peut immédiatement apporter une gamme de changements importants, ce qu'il a amplement la capacité administrative de faire, mais il doit aussi envisager une réforme majeure dans un proche avenir, ce qui pourrait nécessiter une consultation plus approfondie.
Je vais vous proposer six mesures, dont trois à mettre en œuvre immédiatement. Les trois autres sont des possibilités à moyen terme qui méritent un examen.
Permettez-moi d'abord de vous dire ce dont les Canadiens n'ont plus besoin. Ils n'ont plus besoin de se faire répéter qu'ils doivent parfaire leur éducation ou leur formation. Le programme d'assurance-emploi transfère déjà quelque trois milliards de dollars aux provinces pour des programmes de ce genre. Certains sont efficaces, d'autres moins, mais le gouvernement n'a pas besoin de puiser davantage dans le compte de l'assurance-emploi pour la formation, ni de demander aux travailleurs de faire plus pour s'adapter aux turbulences du marché du travail.
Ce que je veux dire, c'est que les Canadiens ont besoin d'une assurance revenu meilleure et plus complète. Mes propositions visent à combler ce besoin.
Je propose trois mesures que le gouvernement pourrait mettre en œuvre immédiatement dans son prochain budget.
La première consiste à établir l'admissibilité aux prestations en fonction du dernier relevé d'emploi. Je suggère au Comité et au gouvernement de tenir compte du motif de cessation d'emploi indiqué seulement sur le dernier des relevés d'emploi qui seront utilisés pour appuyer une demande. Les administrateurs du programme devraient ignorer les motifs indiqués dans les relevés d'emploi antérieurs et accorder l'admissibilité au demandeur si la pénurie de travail est le motif de cessation d'emploi indiqué dans son dernier relevé d'emploi.
Actuellement, de nombreux travailleurs en situation de précarité tentent de cumuler les emplois et les revenus et ils se retrouvent dans une impasse administrative parce que leurs relevés d'emploi précédents ont été incorrectement remplis par leur employeur ou parce qu'ils ont eux-mêmes mis fin à leur emploi. Pour simplifier un processus inutilement complexe, il faut tenir compte du motif de cessation d'emploi indiqué dans le dernier relevé d'emploi.
La deuxième mesure que je suggère est de rendre le critère d'admissibilité quasi uniforme. Il existe 62 régions économiques de l'assurance-emploi et chacune relie l'admissibilité aux prestations à un nombre d'heures travaillées établi en fonction du taux de chômage propre à la région. Les taux de chômage s'échelonnent sur neuf paliers, allant de moins de 6 %, le taux le plus faible, à plus de 13 %. C'est ce qui explique l'existence du trou noir dans certaines régions.
Nous relions étroitement les taux de chômage régionaux à l'admissibilité à l'assurance-emploi parce que nous traitons le programme comme s'il s'agissait d'un programme régional de soutien du revenu, assorti de certaines conditions liées au travail. Cela équivaut à une sorte de revenu de base pour bien des personnes vivant dans les régions à l'est de la rivière des Outaouais. C'est un objectif louable, mais il a faussé le rôle de l'assurance-emploi en excluant un grand nombre de Canadiens et en ralentissant la réaction aux grands chocs qui ont ébranlé le marché du travail.
Cela signifie qu'une fluctuation de 0,1 % du taux de chômage peut déterminer l'admissibilité ou non au programme. Cela revient à laisser le brouillard statistique influer sur l'admissibilité. Cela signifie également que pour dissiper ce brouillard statistique, Statistique Canada s'appuie sur la moyenne des taux de chômage régionaux des trois mois précédents. Les règles d'admissibilité sont solidement ancrées dans le passé.
Beaucoup réclament depuis longtemps une norme d'admissibilité uniforme. Voilà où nous en sommes. Une solution raisonnable consiste à ramener à trois les neuf paliers actuels, soit moins de 6 %, entre 6 et 10 % et plus de 10 %.
Le troisième changement immédiat que le gouvernement peut mettre en place est de hausser le taux de prestations et le maximum de la rémunération assurable. Le taux de prestations actuel est de 55 %, ce qui signifie qu'un prestataire reçoit 55 cents pour chaque dollar de rémunération assurable. Dans le passé, ce taux était de 66 2/3 % et pouvait même grimper à 80 % pour certaines catégories de prestataires. Les réformes successives ont réduit le taux de prestations et ces réductions ont souvent été faites pour lutter contre le déficit et inciter les gens à travailler. Ces priorités du passé ne servent pas bien notre présent ni notre futur. Il est possible et opportun de hausser le taux de prestations et d'offrir aux travailleurs une meilleure assurance qui tiendrait compte d'une plus grande part de leurs gains antérieurs.
J'en arrive maintenant aux trois autres mesures que le gouvernement pourrait prendre à moyen terme et qui nécessiteraient probablement des consultations plus poussées.
La première consiste à élargir l'accès à l'assurance et à faire un pas vers un revenu de base en intégrant l'allocation canadienne pour les travailleurs au régime d'assurance-emploi.
Le fait que seulement 40 % des travailleurs sans emploi soient admissibles à l'assurance-emploi, dans le meilleur des cas, et la perception selon laquelle les emplois de l'avenir risquent d'être plus occasionnels et plus précaires ont incité de nombreux observateurs à remettre en question les règles d'admissibilité à l'assurance-emploi et la capacité limitée du régime à couvrir les travailleurs autonomes. Cela les a également incités à exiger l'instauration d'une forme quelconque de revenu de base.
Je ne veux pas dire que tous les travailleurs autonomes devraient être couverts par l'assurance-emploi, surtout s'ils touchent des revenus de dividendes. De plus, l'économie à la demande n'est pas et ne sera jamais une réalité désastreuse pour bon nombre de travailleurs puisque le travail autonome ou indépendant sera de plus en plus une solution de dernier recours ou une source de revenu d'appoint pour de nombreux travailleurs en situation de précarité.
Il est certes pertinent de modifier les règles et de clarifier les catégories de travailleurs, mais les programmes de soutien du revenu et d'assurance-emploi peuvent jouer un rôle en mettant l'accent davantage sur l'assurance des revenus, plutôt que sur les emplois ou des catégories particulières d'emplois.
L'Allocation canadienne pour les travailleurs est un programme relativement modeste. Les personnes vivant seules doivent avoir un revenu gagné d'au moins 3 000 $ pour être admissibles à une prestation maximale d'environ 1 400 $. Les emplois occupés pour gagner ce revenu, même le travail autonome, ne permettent pas nécessairement d'accumuler le nombre d'heures travaillées requis pour être admissible à l'assurance-emploi. Je suggère de convertir tout revenu déclaré par un travailleur pour obtenir l'allocation canadienne en heures admissibles à l'assurance-emploi, peu importe la nature du travail effectué pour gagner ce revenu. Ainsi, les travailleurs autonomes, dont nous avons raison de nous préoccuper, deviendraient admissibles à l'assurance-emploi, tout comme d'autres travailleurs occasionnels.
Si le Comité recommandait une généreuse hausse de l'allocation canadienne pour les travailleurs, par exemple, un versement inconditionnel de 12 000 à 15 000 $ — l'équivalent du seuil de pauvreté-revenu extrême — ainsi qu'une prestation maximale qui hisserait les travailleurs au seuil de pauvreté officiel, ce serait deux pas importants dans la bonne direction.
Cela permettra d'étendre l'assurance-emploi aux travailleurs qui en ont besoin. Ce serait aussi un pas important vers l'instauration d'un revenu de base pour les travailleurs célibataires et ceux qui n'ont pas d'enfants et qui ont besoin de soutien, un peu à la manière de l'allocation canadienne pour enfants, des prestations de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti qui offrent un revenu de base aux familles avec enfants et aux aînés canadiens.
Voilà ce que je veux dire quand je suggère d'intégrer l'allocation canadienne pour les travailleurs au régime d'assurance-emploi.
Je recommande deux autres mesures, mais je ne vais que les nommer, monsieur le président.
La première est d'offrir une assurance-salaire aux travailleurs qui ont beaucoup d'ancienneté et qui sont mis à pied de manière permanente. Il en est question dans la lettre de mandat de la . C'est une forme d'assurance-salaire.
Ma dernière recommandation est de verser aux travailleurs les prestations spéciales de maternité et parentales dans leur compte individuel, dans le cadre d'un programme d'assurance familiale complémentaire créé en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.
Monsieur le président, merci de votre patience.
:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs du Comité. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
La pandémie a mis en évidence les lacunes de notre programme d'assurance-emploi et la nécessité d'une réforme du régime afin de construire un système de soutien du revenu plus durable. Aujourd'hui, je vais souligner les lacunes relatives aux conditions d'admissibilité et formuler des recommandations pour améliorer l'accès aux prestations.
Il est démontré que les conditions d'admissibilité d'avant la pandémie n'offrent pas une couverture assez large pour soutenir tous les Canadiens qui ont besoin d'aide financière. Par exemple, les travailleurs à temps partiel, les nouveaux venus sur le marché du travail et les travailleurs des régions où le taux de chômage est faible ont plus de difficulté à accumuler le nombre minimal d'heures assurables pour pouvoir toucher l'assurance-emploi.
Les statistiques du marché du travail indiquent que la crise a surtout touché les travailleurs rémunérés à l'heure et à bas salaires. Ces statistiques font ressortir l'importance des récentes modifications temporaires apportées aux conditions d'admissibilité à l'assurance-emploi pour élargir l'admissibilité et pour combler les lacunes du régime, en réduisant le nombre d'heures assurables et en uniformisant davantage les exigences d'une région à l'autre.
Plusieurs études ont déjà recommandé une réforme pour harmoniser les conditions d'admissibilité à l'assurance-emploi. L'une des raisons invoquées est que cela permettrait d'offrir un meilleur soutien aux travailleurs à temps partiel puisque les travailleurs des régions où le taux de chômage est faible doivent accumuler un plus grand nombre d'heures, ce qui rend leur admissibilité plus difficile.
Les récentes données sur les prestations régulières d'assurance-emploi et les taux de chômage montrent que le ratio entre les prestataires et les chômeurs, qui peut être considéré comme une mesure de la couverture de l'assurance-emploi, a augmenté d'environ 36 points de pourcentage sur une période de 12 mois pour atteindre 75 % en décembre 2020. Il s'agit là d'une hausse importante qui représente un taux de couverture élevé, étant donné qu'un grand nombre de chômeurs canadiens ne cotisent pas au régime, notamment les travailleurs à la demande.
Depuis la récession de 2008-2009, l'économie à la demande, comme on l'appelle, et le travail sur des plateformes en ligne sont de plus en plus courants, notamment en raison des rapides changements économiques générés par les progrès technologiques, la mondialisation et les changements démographiques. L'essor du travail à la demande et non conventionnel peut jouer un rôle important dans la reprise économique post-COVID-19, mais il y a lieu de s'inquiéter du manque de sécurité et de prévisibilité financière, des congés de maladie payés et d'autres avantages.
Des recherches antérieures menées par l'Institut C.D. Howe font ressortir l'idée que le Canada devrait miser sur des mesures qui offrent un soutien suffisant aux travailleurs qui occupent des emplois non traditionnels — par exemple au moyen d'un régime d'assurance-emploi élargi —, tout en maintenant un marché du travail dynamique. Actuellement, l'allocation canadienne pour les travailleurs offre un soutien financier à ces travailleurs, mais il s'agit d'une mesure temporaire, alors que les préoccupations relatives à la stabilité et à l'incertitude du revenu ne le sont pas.
Bien qu'il soit souhaitable d'avoir un régime d'assurance-emploi auquel les travailleurs à la demande et les travailleurs autonomes seraient admissibles, on ne sait pas exactement comment il faudrait le construire. Par exemple, certains travailleurs ont subi d'importantes pertes de revenu sans perdre leur travail, et des travailleurs autonomes peuvent avoir des gains négatifs. L'un des défis consiste à définir la période durant laquelle les pertes de revenus et les prestations sont évaluées pour déterminer l'admissibilité des travailleurs autonomes.
Les programmes d'assurance-emploi qui couvrent diverses formes de chômage doivent assurer les revenus d'une manière plus flexible, mais cela va remodeler le marché du travail, tout en faussant les décisions des entreprises, des employés et des travailleurs autonomes, ce qui n'est peut-être pas souhaitable.
En conclusion, pour élargir l'admissibilité, le gouvernement doit envisager un programme exigeant un nombre d'heures plus bas, mais uniforme d'une région à l'autre. Il doit toutefois approfondir ses recherches et obtenir des données plus probantes s'il veut bâtir un régime d'assurance-emploi pour le XXIe siècle couvrant toutes les formes d'emploi.
Je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Vos remarques d'ouverture m'ont beaucoup intéressée.
J'ai quelques questions pour vous, monsieur Corak. J'ai lu attentivement la lettre que vous avez adressée à la le 19 octobre 2020, et j'ai trouvé très intéressante votre idée d'un compte de prestations spéciales d'assurance-emploi. Vous en avez glissé un mot dans votre allocution d'ouverture. J'ai quelques questions à vous poser à ce sujet et j'espère que vous pourrez nous en dire plus.
D'après ce que je comprends, vous proposez en quelque sorte de verser les cotisations des travailleurs au régime dans leur propre compte, comme les prestations du Régime de pensions du Canada, et ce compte serait financé en fonction de leurs antécédents personnels. Vous avez dit que tout le monde serait libre d'utiliser son compte pendant une période d'absence au travail — peu importe la raison et la durée — à condition qu'il y ait un solde dans leur compte. D'après vous, comment est-ce que cela fonctionnerait dans le contexte d'une autre pandémie et est-ce que cela serait utile?
Ce que je veux dire, c'est que l'un des problèmes actuels du compte d'assurance-emploi, ce sont les personnes qui n'ont pas travaillé suffisamment pour y cotiser. Votre proposition poserait-elle un problème similaire, ou est-ce que j'ai mal compris?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, chers collègues.
Madame Mahboubi et monsieur Corak, je vous remercie de vos exposés. C'était très intéressant.
Madame Mahboubi, j'aimerais d'abord vous parler de la PCU. Nous savons tous qu'elle a été créée pour fournir le plus rapidement possible un revenu à ceux qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie. Nous pouvons tous être extrêmement fiers de la vitesse à laquelle cette prestation a été fournie à tant de gens.
À l'issue de ce programme, on est passé à une version simplifiée du programme d'assurance-emploi pour ceux qui y étaient admissibles, et, pour les autres, à la PCRE.
À votre avis, que se serait-il passé si on avait prolongé la PCU et si on n'avait pas relancé une version simplifiée et plus généreuse du programme d'assurance-emploi?
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Merci de me donner l'occasion d'en parler.
L'Institut C.D. Howe a publié des commentaires et des notes de renseignement expliquant pourquoi il était vraiment important de procéder à cette transition ou, si on voulait prolonger la PCU, de réformer ce programme, parce que la création et la mise en œuvre de la PCU visaient à inciter les gens à rester chez eux. On voulait que les gens arrêtent de travailler, cessent de faire autre chose et restent en sécurité chez eux.
Mais, quand l'économie et les entreprises ont été relancées, la PCU a posé un problème. Les gens n'étaient plus incités à chercher un emploi, parce que ceux qui avaient perdu leur emploi ou ont subi une réduction de leurs heures de travail avaient pour la plupart un faible revenu. La PCU était donc un programme tout à fait souhaitable pour eux.
Comme ils pouvaient toucher la PCU sans être obligés de chercher un emploi, les entreprises ont eu du mal à trouver des employés compétents. Personne n'était obligé de chercher un emploi.
Si on voulait prolonger la PCU, il fallait réformer le programme. Il fallait tenir compte de plusieurs éléments du programme d'assurance-emploi. La transition au programme d'assurance-emploi était la meilleure solution au moment où le gouvernement a été prêt à transférer ce nombre important de prestataires.
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Je vous remercie, madame Chabot.
Si vous me le permettez, je vous répondrai en anglais.
[Traduction]
Le gouvernement a laissé entendre — et cela semble être une mesure temporaire — que tout le monde devrait être assujetti à la même règle d'admissibilité, et ma collègue de l'Institut C.D. Howe en a souligné l'importance. Je propose un compromis, avec peut-être seulement trois intervalles de taux de chômage. En ce sens, madame Chabot, la carte régionale aurait moins d'importance pour la participation au programme, mais pas nécessairement pour la durée des prestations.
Je ne dis pas qu'il faut réécrire la carte régionale. Ce serait un enjeu politique. On pourrait cependant en réduire l'importance pour certains aspects du programme. La durée des prestations pourrait encore dépendre des régions et des taux d'emploi régionaux, mais ces critères devraient peut-être jouer un rôle moins important dans la détermination de l'admissibilité au programme.
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Je suis tout à fait d'accord.
[Traduction]
J'aimerais cependant ajouter qu'il faudrait considérer l'Allocation canadienne pour les travailleurs comme un complément important de l'assurance-emploi pour les personnes qui travaillent à temps partiel et qui ne sont pas admissibles par ailleurs. Elles pourraient être admissibles à cette allocation, dont le montant pourrait être converti — quels que soient les gains — en heures admissibles. À l'heure actuelle, il n'y a pas de lien ni d'intégration entre ces deux programmes. On peut facilement régler le problème des 60 % de chômeurs non admissibles à l'assurance-emploi en offrant ce programme complémentaire.
Il y a aussi que les règles d'admissibilité varient selon chaque variation en pourcentage du taux de chômage. Si une région passe de 8,9 à 9 %, les règles d'admissibilité changent. Un dixième de point de pourcentage, c'est du brouillard statistique. Cela n'est pas vraiment significatif: pourquoi donc cela devrait-il jouer un rôle dans la détermination de l'admissibilité?
Je propose de conserver seulement trois intervalles: un taux inférieur à 6 %, un taux de 6 à 10 %, et un taux supérieur à 10 %. Et d'en rester là.
Les nombreuses personnes non admissibles auraient accès à l'Allocation canadienne pour les travailleurs — maintenant versée automatiquement chaque trimestre à toutes sortes de gens —, et leur revenu serait simplement converti en heures de travail pour leur donner accès au régime d'assurance-emploi.
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C'est une bonne question.
Jusqu'ici, le taux était de 66 2/3 %. Je ne sais pas trop de quel ordre sera l'augmentation, mais cela devrait augmenter.
Il faut également se rappeler que, si les gains sont supérieurs au maximum de la rémunération assurable, c'est encore moins.
De quoi sera fait le travail demain? Il est probable que les gens du secteur des services — relativement bien rémunérés — affronteront les difficultés auxquels les travailleurs du secteur manufacturier ont été confrontés dans les années 1990 à mesure que les effets de la mondialisation se sont propagés au cœur de l'Ontario et du Québec et ont tué les emplois.
Si on peut travailler où on veut, combien de temps faudra-t-il à un patron pour se demander si n'importe qui d'autre peut faire le travail? L'implantation d'un système de sous-traitance multiple pourrait mettre en péril les gens qui se trouvent en haut de l'échelle salariale. Une fois au chômage, ils constateront que ce système — auquel ils ont cotisé toute leur vie — ne leur versera que 25 % de leur revenu, voire moins.
On ne prépare pas les gens à l'avenir du travail si on ne leur offre pas de meilleures garanties. L'augmentation du taux de prestations et du maximum de la rémunération assurable serait une façon de le faire, même si je ne suis pas en mesure de vous donner un chiffre, je l'avoue. Il faut tenir compte des contraintes financières auxquelles le gouvernement est confronté.
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Il y a naturellement beaucoup de confusion à ce sujet. Ce n'est pas très clair pour moi non plus. Ce que je comprends, c'est qu'il y a la question du « pourquoi » et celle du « comment ».
Je crois que tout le monde est d'accord sur le « pourquoi ». Et les raisons sont différentes. On veut simplifier l'administration des prestations. On veut lutter contre la pauvreté. On veut favoriser la solidarité, la communauté et la famille. Ce sont autant d'objectifs louables. Je crois que la plupart des gens sont d'accord. Les différences et la confusion ont trait au « comment ». Quand ce débat a commencé au Canada, on voyait le revenu de base comme un paiement universel à tous, quelle que soit la situation personnelle.
Les partisans d'un revenu de base ont énormément évolué, et je ne crois pas que beaucoup partagent ce point de vue. Je cherche quelque chose qui ressemblerait à l'Allocation canadienne pour enfants. Il y a un revenu de base pour les familles avec enfants. C'est l'Allocation canadienne pour enfants. On cherche quelque chose comme la SV ou le SRG. Il y a un revenu de base pour les personnes âgées. Il manque ce segment important de la population, dont les membres sont à mi-parcours de leur vie et de leur carrière, qui sont autonomes et qui doivent affronter des difficultés familiales et professionnelles. Je vous invite à employer les instruments à votre disposition.
L'Allocation canadienne pour les travailleurs est un revenu de base émergent. J'y ajouterais un paiement inconditionnel, comme l'Allocation canadienne pour enfants, qui garderait les gens au-dessus du seuil de pauvreté, disons entre 12 000 et 14 000 $ par an, selon la région.
Je bonifierais le supplément aux travailleurs pour les amener jusqu'au seuil de pauvreté, puis je réduirais les prestations à mesure que le revenu augmenterait.
Si le Comité et le gouvernement employaient les instruments dont ils disposent, on pourrait couvrir, à ces différents paliers, ce que nous appelons un revenu de base, ce que les économistes appellent un impôt négatif sur le revenu.
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Il est évident que le régime d'assurance-emploi actuel doit être révisé. Des témoins l'ont attesté devant le Comité la semaine dernière.
Mais il faut aussi reconnaître que les définitions actuelles du travail sont dépassées. Je peux vous dire que les répercussions en sont importantes dans ma circonscription. C'est pourquoi beaucoup de gens tombent dans les failles du système. Je parle souvent de gens qui souffrent, par exemple, de graves problèmes de santé mentale et de traumatismes et qui se retrouvent souvent à la rue et dans l'indigence.
Nous savons que les femmes, les personnes racialisées, les personnes handicapées, les Autochtones, les milléniaux, la génération Z et les personnes âgées sont surreprésentés dans les segments de la population qui vivent dans la pauvreté ou dans des conditions difficiles. Croyez-vous qu'une autre forme d'assurance-revenu, parallèlement à l'assurance-emploi, serait utile — par exemple, un revenu de subsistance garanti fondé sur le revenu?
Vous en avez brièvement parlé. Pourriez-vous expliciter et nous dire comment un revenu de subsistance garanti pourrait fonctionner en partenariat avec l'assurance-emploi?
C'est exactement ce que je propose. Je vous remercie de me donner l'occasion de préciser.
C'est ce que je vois dans l'Allocation canadienne pour les travailleurs. Cela dit, les gens affrontent toutes sortes de difficultés dans leur vie. L'argent n'est pas tout. Il faut ici une interface importante avec les provinces. L'Allocation canadienne pour les travailleurs pourrait être convertie en un élément inconditionnel, indépendant du statut d'emploi, échelonné en fonction du revenu.
Tout à l'heure, on a soulevé la question des gens qui font ou non une déclaration de revenus. Cette solution ne s'appliquerait qu'à ceux qui sont dans le système. Beaucoup de gens ont encore besoin d'être aidés. Il faut encore que les provinces et les municipalités participent activement.
À mon avis, c'est un enjeu important que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient régler ensemble. Il n'est pas nécessaire de classer les travailleurs en contractuels, travailleurs autonomes, etc. Ce qui compte, c'est que leur revenu soit tout simplement trop faible. Nous avons une stratégie de réduction de la pauvreté. Et ceux-là tombent entre les mailles du filet.
Si l’on veut créer un revenu d’emploi qui garantisse un soutien aux Canadiens, je dirais que le premier paramètre important est la couverture, c’est-à-dire la proportion de Canadiens susceptibles d’avoir accès au programme d’assurance-emploi quand ils perdent leur emploi, ou, si nous voulons moderniser le programme, il faudrait non seulement tenir compte de la perte d’emploi, mais peut-être aussi de la perte de revenu. C’est très compliqué. Nous avons besoin de beaucoup de données d’enquête pour pouvoir réfléchir au moyen de réformer le programme d’assurance-emploi et de tenir compte de la perte de revenu.
En général, du côté des prestations, je pense que la couverture est plus importante que le montant de la prestation, parce qu’on veut que les gens qui n’ont pas d’autre solution, qui n’ont pas de revenu, aient au moins accès à une certaine forme d’aide. Quand les gens auront une certaine aide, on pourra discuter de la question de savoir si cela suffit ou non.
Je crois qu’il faudrait surtout revoir les critères d’admissibilité du programme d’assurance-emploi pour déterminer comment il pourrait aider un plus grand nombre de Canadiens y ayant cotisé. Je crois que c’est important.
Concernant les variations régionales, la raison pour laquelle je crois qu’il faudrait éliminer cette caractéristique du programme d’assurance-emploi est que, dans le cas du télétravail par exemple, c’est la nature même du travail qui change. Le marché du travail est désormais sans frontières. Si les choses vont dans cette direction et que nous veuillions moderniser notre programme d’assurance-emploi, il faudra tenir compte de l’évolution du marché du travail et de la nature du travail. Le télétravail en est un exemple. On peut être physiquement à un endroit et travailler pour une organisation située dans une autre région, une autre province, voire un autre pays. Ces questions doivent faire partie de l’analyse préalable à la réforme du régime d’assurance-emploi.
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Merci de votre question, madame Falk.
La question des incitatifs au travail a beaucoup influencé la forme actuelle du régime d’assurance-emploi. J’aurais deux préoccupations à cet égard.
Les incitatifs sont importants du côté de la mobilité géographique. Comme ma collègue vient de le dire, cela aura peut-être moins d’importance dans l’avenir.
Deuxièmement, il y a les éléments dissuasifs intergénérationnels, puisque la connaissance du programme ou son utilisation se transmettent d’une génération à l’autre dans les familles. Cela s’inscrit dans les incitatifs prévus dans l’assurance-emploi du côté de la demande de main-d’œuvre. Il faut davantage se soucier de la façon dont les entreprises interagissent avec l’assurance-emploi pour en comprendre les conséquences au regard de l’efficacité et de la dissuasion.
L’assurance-emploi est depuis longtemps une forme de redistribution du revenu régionale et intersectorielle, les secteurs de l’extraction et de la construction en profitent beaucoup plus que les autres. On ne le dit pas souvent, même au sein des différents secteurs, mais il y a toujours des groupes d’entreprises qui reçoivent des subventions dans le cadre de ce programme. Cela pourrait jouer sur la croissance des entreprises et sur le dynamisme de l’économie à long terme. Il est dommage que nous n’accordions pas davantage d’importance à la demande sur le marché du travail.
Les personnes handicapées doivent effectivement surmonter des obstacles importants pour participer au marché du travail et trouver un emploi. Même lorsqu’elles ont un emploi — quoique cela dépende vraiment du degré ou de la gravité de leur incapacité —, elles gagnent généralement moins et participent moins au marché du travail que les autres. Les taux de chômage sont plus élevés dans ce segment de la population.
Quand on parle de variation régionale du taux de chômage, il faut se rappeler qu’il est également variable selon le segment de population. Il serait le même dans toutes les régions, parce que toutes les personnes handicapées se heurtent à des obstacles à l’emploi. Une personne handicapée en Ontario — par exemple, à Toronto — et une autre dans une autre région où le taux d’emploi est élevé se heurtent toutes deux à des obstacles semblables. Elles auront les mêmes difficultés à trouver un emploi. C’est pourquoi il faut vraiment réfléchir aux obstacles auxquels font face différents groupes de la population pour trouver un emploi et à la façon dont le programme d’assurance-emploi peut les aider en cas de perte d’emploi.
J’ai écrit des articles sur le rôle de l’aide sociale et sur la façon dont elle peut faciliter l’accès des personnes handicapées au marché du travail. Par exemple, certains de nos programmes d’aide sociale actuels n’incitent pas beaucoup les personnes handicapées à chercher un emploi et à surmonter ces obstacles. Oui, bien sûr, ce sera difficile pour certaines d’entre elles parce que les difficultés qu’elles doivent surmonter sont importantes. Ce n’est pas une alternative entre zéro ou un — un emploi ou pas. Il s’agit d’un spectre de possibilités. Certaines personnes sont aptes à participer.
Quand on conçoit un programme d’assurance-emploi, il faut penser à ces personnes — les personnes handicapées, les femmes, et les femmes qui ont de jeunes enfants. Différentes catégories de personnes se heurtent à différents obstacles sur le marché du travail.
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Je vous remercie de cette question.
À la base, il faut s’inquiéter des inégalités dans notre société, de toutes sortes d’inégalités, parce que ce sont elles qui déterminent les possibilités. Les différents types d’inégalités structurent les possibilités de façons différentes.
La courbe de Gatsby illustre la relation entre des pays dont les plus inégalitaires sont les plus structurés en classes sociales, où il est le plus difficile de progresser dans la vie et où les privilèges sont protégés.
Le Canada, par exemple, est beaucoup plus socialement mobile que les États-Unis, à la fois grâce à notre système de santé, à la qualité de notre système d’éducation et à un marché du travail ouvert et efficace qui récompense les talents, mais cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas de problèmes. La courbe de Gatsby souligne l’importance de la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités pour permettre à la prochaine génération de prospérer.
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Non, ce n’est pas mon avis.
Permettez que je reformule. Lorsque la loi de 1971 a été rédigée, pour chaque dollar de cotisation d’employé à l’assurance-chômage, comme on l’appelait à l’époque, l’employeur versait 1,40 $. La raison en était que, pour chaque démission, il y avait 1,4 mise à pied, de sorte qu’on a essayé de lier les taux de cotisation à qui était la cause du départ, l’employeur ou le travailleur.
Depuis, nous avons supprimé les démissionnaires du programme, mais les gens continuent de verser leur dollar. Il se trouve que les prestations spéciales ont pris de l’importance. Ce que j’ai en tête, c’est que ce dollar soit contrôlé par les gens eux-mêmes et qu’ils l’utilisent selon leurs besoins. Le programme continuerait de fonctionner tel quel. Il suffirait de simplifier et de réorganiser le volet des prestations spéciales.
Ce qu’on a fait avec les prestations spéciales est très bien. On ne sait jamais quand un enfant tombera malade. On ne sait jamais quand une mère ou un père âgé tombera malade. On ne sait jamais quand un adolescent fera l’objet d’un diagnostic de schizophrénie. Va-t-on lancer un autre programme pour cela? On ne sait rien de toutes sortes d’autres éventualités. Et c’est parce qu’on ne le sait pas qu’il faut donner aux gens le contrôle de leurs fonds.
Je propose évidemment aussi un retour au financement tripartite. En 1971, le gouvernement fédéral contribuait à la caisse de l’assurance-emploi parce qu’il y avait un risque collectif et qu’il fallait y faire face collectivement, tout comme dans le cas de la pandémie, qui était un risque collectif et qui exigeait l’intervention du gouvernement fédéral. Certaines prestations spéciales devraient donc être financées collectivement, elles aussi, au moins en partie.
Le programme resterait intact. Il s’agit de simplifier et de repenser les prestations spéciales.