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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er décembre 2020

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, où nous allons entreprendre l’examen du projet de loi C-6
    S’agissant de nos règles de fonctionnement, je vous demande de parler lentement et clairement afin que les interprètes puissent faire leur travail. Lorsque vous n’avez pas la parole, assurez-vous que votre micro est fermé. Vous pouvez choisir le canal d’interprétation que vous voulez en appuyant sur l’icône situé en bas de votre écran.
     Nous avons la chance d’accueillir aujourd’hui deux ministres au sujet du projet de loi C-6. Je souhaite donc la bienvenue à l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, ainsi qu’à l’honorable Bardish Chagger, ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse.
     Nous accueillons aussi plusieurs fonctionnaires: François Daigle, sous-ministre délégué, et Robert Brookfield, sous-ministre adjoint délégué, représentent le ministère de la Justice, et Fernand Comeau, directeur exécutif du Secrétariat LGBTQ2, représente le ministère du Patrimoine canadien.
     Je vais donner la parole aux deux ministres pour qu’ils puissent faire leur déclaration liminaire. Ils auront droit à cinq minutes chacun, et ensuite nous passerons aux questions.
     Nous allons commencer par vous, madame la ministre. Vous avez cinq minutes.
     Allez-y.
    Madame la présidente, membres du Comité, j’aimerais d’abord souligner que je me joins à vous depuis Waterloo sur le territoire traditionnel des peuples Anishinabeg, Haudenosaunee et Neutre.
     Je vous remercie de votre invitation à discuter du projet de loi C-6 aux côtés de mon collègue, l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada.
     La pratique des thérapies de conversion est basée sur une idée malavisée: celle que l’orientation sexuelle et l’identité ou l’expression de genre d’une personne peuvent et doivent être changées pour cadrer avec une perspective réduite de la « normalité ».

[Français]

    Cette idée n'est pas seulement fausse, elle est néfaste. Ces pratiques n'ont pas lieu d'exister dans notre société.
    Le gouvernement du Canada se doit de défendre les personnes attaquées ou persécutées pour ce qu'elles sont. Nous devons défendre, sans discrimination et sans violence, toutes les personnes que l'on empêche de s'épanouir. Nous avons le devoir de protéger les droits et les libertés de tous les Canadiens et de bâtir un pays sûr, accueillant et inclusif.

[Traduction]

    En tant que ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse, je suis responsable de promouvoir, défendre et encourager la diversité et l’inclusion au Canada. Je suis fermement déterminée à y parvenir et à soutenir les communautés LGBTQ2 d’un bout à l’autre du pays.
    Les modifications que nous proposons au Code criminel, dans le projet de loi C-6, apporteront soutien et protection aux personnes LGBTQ2 par la criminalisation des efforts systématiques visant à forcer une personne à adopter une orientation sexuelle, identité de genre ou expression de genre contraire à ce qu’elle est.
     Il y a eu des commentaires sur les intentions de ce projet de loi. Je tiens à être parfaitement claire. Ce projet de loi ne criminalise aucunement les convictions religieuses ou les valeurs d’une personne. Ce projet de loi ne criminalise aucunement les conversations exploratoires avec les enfants, les étudiants et les mentors. Ce projet de loi s’attaque aux efforts coercitifs et coordonnés visant à changer une personne en ce qu’elle n’est pas.
     Le projet de loi C-6 nous permet aussi de garantir les droits en matière d’égalité, y compris la religion et les droits des personnes LGBTQ2. Le projet de loi n’établit pas de hiérarchie des droits.
     Cette année, j’ai participé à des tables rondes pour discuter des enjeux qui touchent les communautés LGBTQ2. Ces rencontres qui se faisaient autrefois en personne sont devenues virtuelles. La pandémie de COVID-19 a secoué le monde entier. Toute la population canadienne a subi ses effets et certaines franges beaucoup plus que d’autres — les communautés LGBTQ2 ne font pas exception.
     Lors de ces rencontres, j’ai reçu des témoignages sans équivoque des ravages causés par les thérapies de conversion. Je suis déchirée à l’idée qu’une autre génération puisse encore subir des thérapies de conversion. Il est essentiel de reconnaître ce qu’ont vécu les personnes dont les vies ont été emportées, ainsi que les personnes qui ont survécu. Je ne peux m’empêcher de penser à toutes celles dont les vies sont détruites en ce moment même.
     Nous avons tous un rôle à jouer lorsque vient le temps de bâtir un Canada meilleur, plus sûr et plus délibérément inclusif pour tous et toutes. Ensemble, bâtissons un avenir meilleur où les enfants, qui viennent au monde l’âme innocente et heureuse, n’apprendront pas l’intolérance et n’auront pas honte de s’affirmer. Imaginons un Canada où toutes les personnes seraient libres de mener une vie authentique en accord avec leur être véritable. Imaginons la contribution qu’elles pourraient apporter à notre société.
(1110)

[Français]

    Vendredi dernier, j'ai eu le plaisir d'annoncer que nous avions franchi une première étape vers le tout premier plan d'action fédéral LGBTQ2 avec le lancement d'un sondage fédéral LGBTQ2. Ce sondage sera accessible jusqu'au 28 février et il orientera les travaux de notre gouvernement visant à améliorer les résultats sociaux, sanitaires et économiques des diverses communautés LGBTQ2 partout au Canada.

[Traduction]

    Le premier ministre Justin Trudeau dit souvent que la diversité du Canada est l’une de nos plus grandes forces. Les diverses formes d’identité de genre, d’expression de genre et d’orientation sexuelle font partie de notre diversité.
     J’aimerais rappeler pourquoi il est important de nous mettre d’accord de façon constructive aujourd’hui. J’aimerais que nous soyons tous et toutes bien conscients de la dimension humaine de cet enjeu et des ravages qui sont causés ici. Il s’agit d’une réalité que beaucoup subissent et continuent à subir au Canada. Nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de protéger la population canadienne contre cette pratique néfaste et dévastatrice.
     Le projet de loi C-6 se veut un pas de plus vers l’inclusion au Canada. L’abolition des thérapies de conversion au pays était une promesse électorale, mais je peux vous assurer qu’on la réclamait constamment dans les tables rondes que j’ai animées auprès des communautés LGBTQ2.
     Je vous remercie de votre attention. Je vais écouter la déclaration du ministre Lametti et ensuite je serai prête à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame la ministre.
     Je vais maintenant donner la parole au ministre Lametti, pour cinq minutes.
     Je vous en prie.

[Français]

    Chers collègues, je suis à Ottawa. Je participe donc à cette réunion à partir du territoire traditionnel des Algonquins.
    Je suis heureux de vous parler aujourd'hui des réformes du droit pénal proposées dans le projet de loi C-6, loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion).
    Le soutien quasi unanime qui a mené au renvoi du projet de loi C-6 à ce comité reflète l'importance capitale de ce projet de loi. Je tiens tout d'abord à remercier ceux qui ont courageusement parlé de leur propre expérience de discrimination. Ce sont ces réalités vécues par les personnes LGBTQ2 qui nous permettent de mieux comprendre pourquoi le projet de loi C-6 est si essentiel à la protection de leur dignité et de leur égalité.
    Plus particulièrement, le projet de loi C-6 et les cinq nouvelles infractions pénales qu'il propose ciblent une pratique qui est discriminatoire quant aux personnes LGBTQ2 du fait que, selon cette pratique, ces dernières peuvent et doivent changer une partie fondamentale de leur identité, à savoir leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Cette pratique trouve ses racines dans l'idée erronée et discriminatoire selon laquelle les orientations non hétérosexuelles et les identités non cisgenres sont des maladies qui peuvent être « corrigées ».
    En bref, son origine trahit les points de vue discriminatoires sur lesquels la pratique est fondée. Ces points de vue sont complètement en décalage avec la science moderne. Il n'est pas surprenant que la thérapie de conversion soit vue comme étant inefficace et néfaste pour les personnes qui y sont soumises.
(1115)

[Traduction]

    Je vais m’attarder sur la définition que le projet de loi donne de la thérapie de conversion, car une certaine confusion semble persister quant à sa portée.
     Le projet de loi C-6 définit la thérapie de conversion de la façon suivante: « thérapie de conversion s’entend d’une pratique, d’un traitement ou d’un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels ». Cette définition comporte donc deux éléments: premièrement, le comportement dont il est question est assimilé à une pratique, un traitement ou un service; et deuxièmement, cette pratique, ce traitement ou ce service vise l’un des objectifs prohibés.
     Les termes « traitement », « service » et « pratique » sont utilisés dans le Code criminel et dans plusieurs autres lois fédérales et provinciales, y compris dans les définitions que les lois provinciales adoptées dans ce domaine donnent de la thérapie de conversion. Par exemple, la loi de l’Île-du-Prince-Édouard reprend précisément les termes « pratique, traitement ou service ».
     Il convient de noter que ces termes ne sont définis dans aucun de ces contextes, sans doute parce qu’ils ont une signification tout à fait claire. Dans la définition que le projet de loi C-6 donne de la thérapie de conversion, le terme « traitement » s’entend d’une thérapie ou d’une procédure utilisée pour soigner une affection médicale, selon le dictionnaire Merriam-Webster. On emploie également ce terme, en lui donnant la même signification, dans les dispositions du Code criminel qui portent sur les troubles mentaux, par exemple au paragraphe 672.59.
     Dans ce contexte, le terme « service » s’entend d’un travail qui ne produit pas un bien tangible, toujours selon le dictionnaire Merriam-Webster. Ce terme est employé avec la même signification dans les dispositions sur la traite des personnes qui stipulent, au paragraphe 279.04 du Code criminel, que les trafiquants amènent une personne « à fournir — ou à offrir de fournir — son travail ou ses services ». On retrouve également ce terme dans la Loi sur le cannabis, où il est question d’avoir recours aux « services d’un jeune » dans la perpétration d’une infraction liée au cannabis, ou de services liés au cannabis dans le contexte d’une activité commerciale.
     Le terme « pratique » s’entend d’une action répétée ou habituelle, toujours selon le dictionnaire Merriam-Webster. Ce terme est utilisé avec la même acception dans les dispositions du Code criminel qui concernent les paris illégaux, à l’article 203, ainsi que dans celles qui concernent la cruauté envers les animaux, au paragraphe 445.2.
     Tous ces termes sous-entendent une intervention établie ou officielle, qui est généralement offerte au public ou à une partie du public. Une simple conversation ne peut donc pas être considérée comme une pratique, un service ou un traitement, à moins qu’elle ne fasse partie d’une intervention officielle, comme une thérapie par la parole.

[Français]

    La deuxième partie de la définition réduit encore sa portée. Les pratiques, les services ou les traitements doivent être spécifiquement conçus pour atteindre des objectifs clairement définis. C'est pourquoi la définition utilise les termes « hétérosexuel », « cisgenre » et « non hétérosexuel ». Plus précisément, pour être visée par la définition, l'intervention doit être conçue pour rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, ou pour réprimer ou réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels.
    Cela signifie que les pratiques, les services ou les traitements qui visent à atteindre d'autres objectifs, tels que l'abstinence de toute activité sexuelle, la lutte contre la dépendance sexuelle ou les comportements sexuels criminels — par exemple, les agressions sexuelles à l'égard des enfants —, ne sont clairement pas visés par la définition. Les pratiques médicales ou thérapeutiques légitimes ne peuvent pas non plus entrer dans la définition, comme les interventions visant à soutenir la transition de genre d'une personne, l'observation vigilante pour les jeunes dont l'identité de genre ne correspond pas à son sexe assigné à la naissance ou la détransition pour ceux qui la choisissent.
    Je vous remercie, monsieur Lametti.
    En effet, ces pratiques sont conçues pour aider...

[Traduction]

    Monsieur le ministre, je suis désolée, mais votre temps est écoulé. Je suis sûre que vous aurez l’occasion de revenir là-dessus à l’occasion des questions et des réponses.
    J’invoque le Règlement, madame la présidente. On me dit que la ligne téléphonique anglaise est quasiment inaudible. Le greffier pourrait-il vérifier? Nous pourrions peut-être suspendre la réunion en attendant que cette ligne soit réparée.
(1120)
    Bien sûr. Mais pour ce qui est de suspendre les travaux, nous n’avons vraiment pas beaucoup de temps à notre disposition. Je suis sûre que l’équipe des TI va faire de son mieux.
     À ce propos, nous célébrons les 20 ans d’ancienneté du greffier de notre comité.
     Monsieur le greffier, nous vous remercions beaucoup de tout ce que vous avez fait pendant ces 20 années.
    Merci beaucoup, vos paroles me vont droit au coeur.
    Merci.
     Nous nous occupons du problème de téléphone, monsieur Cooper.
     Nous allons entamer notre première série...
    J’aimerais moi aussi invoquer le Règlement sur une question technique, madame la présidente.
    Oui, madame Findlay.
    Comme nous l’avons déjà fait remarquer, lorsque vous commencez à parler, nous ne vous entendons pas, à moins de nous brancher sur le canal du parquet et de revenir ensuite sur notre canal — c’est ce que M. Vilani a fait remarquer, et je lui en sais gré. Il faudrait que vous attendiez quelques secondes avant de parler, pour que nous ayons le temps de changer de canal, sinon nous perdons les premières secondes de votre intervention.
     Merci.
    Merci de me le rappeler, madame Findlay. Je vais m’efforcer d’attendre quelques secondes avant de parler.
     Nous entamons maintenant la première série de questions.
     Monsieur Cooper, vous avez la parole pendant six minutes.
     Allez-y.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je remercie les deux ministres de leurs déclarations liminaires au sujet du projet de loi C-6.
    Des parties prenantes nous ont dit craindre que le projet de loi ne vise des conversations de bonne foi destinées à aider des gens à définir leur sexualité. Que ce soit intentionnel ou non, ces craintes sont très réelles.
    Quand le projet de loi a été présenté, le site web du ministère de la Justice indiquait qu’il ne visait pas:
... les conversations privées dans lesquelles des opinions personnelles sur l’orientation sexuelle ou les sentiments sexuels ou l’identité de genre sont exprimées, comme lorsque des enseignants, des conseillers scolaires, des conseillers pastoraux, des chefs religieux, des médecins, des professionnels de la santé mentale, des amis ou des membres de la famille fournissent du soutien aux personnes qui se posent des questions au sujet de leur orientation sexuelle, de leurs sentiments sexuels ou de leur identité de genre.
    Tout le monde s’entend pour dire qu’il faut interdire à quiconque d’obliger une personne à changer d’orientation sexuelle ou de genre. Mais j’aimerais demander aux fonctionnaires du ministère de la Justice si on ne pourrait pas tout simplement reprendre, dans le projet de loi, une formulation identique ou similaire à celle du site web du ministère de la Justice, pour que les choses soient plus claires.
    Permettez-moi de répondre.
     Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, que j’ai prononcée surtout en français, nous estimons que la définition englobe tout ce que vous préconisez en toute bonne foi. Comme je l’ai dit, cette définition comporte deux éléments — le premier est qu’il doit s’agir d’une pratique, d’un traitement ou d’un service, et le deuxième, que cette pratique, ce traitement ou ce service poursuit un objectif prohibé… Cela englobe donc ce que dit le site web du ministère de la Justice. Autrement dit, le projet de loi ne vise pas les conversations qu’on peut avoir de bonne foi avec une personne pour l’aider à définir son identité.
     La définition de thérapie de conversion est d’ailleurs suivie, dans le projet de loi, d’une disposition introduite par l’expression « Il est entendu que la présente définition ne vise pas… » qui, même si elle n’est pas indispensable sur le plan juridique, englobe bien tout ce que vous proposez.
    Merci, monsieur le ministre.
     S’agissant des organisations qui sont parties prenantes, le CIJA, par exemple, a présenté un mémoire aujourd’hui dans lequel ils se disent favorables aux objectifs du projet de loi. En fait, celui qui a rédigé ce mémoire est un ancien député, Richard Marceau, qui défend depuis longtemps les droits des LGBTQ. Mais le CIJA, dans son mémoire, estime que le libellé du projet de loi est ambigu.
     Je sais que, pendant le débat en seconde lecture, vous avez indiqué que vous seriez prêt à travailler avec des députés de l’opposition pour essayer de dégager un consensus, afin de corriger la chose. Seriez-vous au moins prêt à examiner des amendements si… d’autres témoins soulignent cette ambiguïté, afin que nous puissions rassurer les groupes que cela préoccupe.
(1125)
    Comme je l’ai déjà dit, je suis toujours prêt à examiner des amendements proposés de bonne foi. Cela fait partie de la procédure parlementaire. Par contre, si c’est déjà inscrit dans le projet de loi, je ne suis guère enclin à examiner des amendements qui seraient redondants ou qui sont déjà englobés ailleurs dans le projet de loi. Je vais voir comment les définitions vont fonctionner. Bien sûr, je vais lire le mémoire du CIJA avec beaucoup d’attention.
     Je suis prêt à examiner des amendements proposés de bonne foi, mais si ce qu’ils proposent est déjà prévu dans le projet de loi, et si les experts juridiques me disent qu’ils sont superflus, il vous restera alors à me convaincre.
    J’observe, à la lecture des exemptions, qu’on n’indique pas clairement toutes les conversations médicales ou thérapeutiques. Il est simplement question d’une exemption pour une pratique, un traitement ou un service lié à la transition de genre. Pour ce qui est de la deuxième exemption, je trouve qu’elle aussi est ambiguë. J’aimerais que les fonctionnaires me disent s’il serait possible d’inclure dans le projet de loi une formulation qui serait plus précise.
    Il vous reste moins de 30 secondes.
    J’avais posé ma question aux fonctionnaires, au départ. J’ai pris note de la réponse du ministre, mais maintenant je voudrais m’adresser aux fonctionnaires: que le ministre estime ou non que le libellé actuel englobe ce que je demande, j’aimerais savoir si, à votre avis, l’inclusion de « il est entendu que » poserait des problèmes. Je pense que c’est une question qui a son importance.
    Monsieur Daigle ou monsieur Brookfield...?
    Nous avons des difficultés à vous entendre, monsieur Daigle. Je vous propose de nous faire parvenir plus tard une réponse écrite à la question de M. Cooper.
    Nous allons maintenant passer au député suivant.
    Madame la présidente, une fois que les problèmes de TI seront réglés, les fonctionnaires auront peut-être le temps de répondre à la question avant la fin de l’heure qui nous est impartie.
    Je suis tout à fait d’accord, si nous en avons le temps.
     Merci de votre suggestion, monsieur Cooper.
     Je vais maintenant donner la parole à M. Kelloway pour six minutes.
     Allez-y.
    Merci, madame la présidente.
     Je salue mes collègues, les ministres et leurs collaborateurs.
     Ma première question s’adresse à la ministre.
     Votre portefeuille me fascine, madame la ministre, car je suis convaincu que la diversité, la jeunesse et l’inclusion sont notre avenir. J’ai travaillé pendant des années avec des jeunes de Cape Breton-Canso, et je tiens à vous remercier de tout ce que vous faites pour encourager les gens à se faire entendre.
    Justin Trudeau est le premier ministre à avoir présenté ses excuses aux fonctionnaires LGBTQ2 et aux membres des Forces armées canadiennes qui ont été victimes de persécution et de discrimination à cause de ce qu’ils sont. Je pense que notre gouvernement a fait quelque chose de très important en faveur de ces Canadiens qui ont été marginalisés pendant trop longtemps.
     Ma question, madame la ministre, est la suivante: pensez-vous que ce projet de loi poursuive le même objectif?
    Madame la présidente, je remercie le député de sa question.
     J’en ai la conviction. Lorsque nous avons commencé à en parler, je n’étais pas ministre, et tout ce travail se poursuit depuis deux mandats.
     Depuis que je suis devenu ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse, nous avons pris des mesures qui ont renforcé ce qui avait été fait auparavant. Je pense que c’est très important que nous poursuivions nos efforts.
     Outre les excuses qui ont été présentées, on a nommé, pour la première fois, un conseiller spécial sur les questions LGBTQ2 auprès du premier ministre. Il s’agissait de Randy Boissonnault. Depuis, nous avons un ministre à part entière au Cabinet.
     En mars 2017, nous avons créé le premier secrétariat LGBTQ2, à la suite de nos rencontres avec les communautés LGBTQ2. Et je suis particulièrement heureuse de voir que mon collègue Fernand Comeau participe à notre réunion, car il a constitué une équipe fabuleuse qui nous permettra de poursuivre nos efforts de façon encore plus inclusive.
     Ce projet de loi est le fruit de tous ces efforts, et c’est pour cela que je suis très confiante.
(1130)
    Je vous remercie. Je vais vous poser une autre question.
     Pouvez-vous nous dire si d’autres mesures, à part celles-ci, vont être prises pour lutter contre les thérapies de conversion?
    L’une des choses dont je suis particulièrement fière, c’est que ce projet de loi a été créé par la communauté pour la communauté. C’est très important pour moi que les individus et les Canadiens… Nous sommes très fiers de notre Charte des droits et libertés, mais il nous reste à interdire ces thérapies de conversion. Les spécialistes nous ont démontré qu’elles sont nocives et délétères.
     Les conversations qui sont destinées à aider une personne à définir qui elle est sont tout à fait les bienvenues. Elles ne sont pas interdites par ce projet de loi. Nous allons toujours continuer de les encourager.
     Parmi les autres mesures que nous avons prises, il y a celle qui a permis de ramener à trois mois l’interdiction de don de sang. Mais nous continuons d’investir dans la recherche, en collaboration avec Héma-Québec et la Société canadienne du sang, parce que nous voulons supprimer complètement cette interdiction du don de sang. Nous avons mis en place plusieurs autres programmes et services, y compris le Fonds de développement des capacités communautaires LGBTQ2. Nous nous félicitons d’avoir pu prendre ces mesures, et nous entendons poursuivre nos efforts dans ce sens.
     Merci de vos excellentes questions.
    Merci, madame la ministre.
     Monsieur le ministre, je n’arrive vraiment pas à croire qu’il y ait encore des individus qui cherchent à convaincre une personne de moins de 18 ans à subir une thérapie de conversion.
     Beaucoup de parlementaires ont dit que le projet de loi ne vise pas les conversations privées qui ne constituent pas des thérapies de conversion, et je pense que vous y avez fait allusion dans votre déclaration liminaire. Pouvez-vous le confirmer et nous expliquer pourquoi c’est important?
    Nous avons fait en sorte de ne pas interdire les conversations exploratoires légitimes, comme l’a dit la ministre, avec raison. Nous n’essayons pas d’interdire les conversations légitimes qui visent à aider une personne à définir ce qu’elle est. Par contre, nous voulons interdire les conversations qui visent à vous convaincre que vous devez changer d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. C’est cela que nous voulons interdire. C’est ce que vise clairement la définition, et c’est ce que nous voulons faire, sans pour autant être redondants.
    C’est de cette façon que nous pourrons, je pense, respecter cette ligne de démarcation très fragile entre la liberté d’expression — liberté de religion, exploration légitime, enseignement légitime, mentorat légitime et conversations légitimes — et ce qui est illégitime, c’est-à-dire, au moyen d’une pratique, changer la nature d’une personne sous le prétexte fallacieux que cette personne n’a pas la bonne orientation sexuelle.
     Je pense que le projet de loi atteint cet objectif, et j’en suis fier.
    Merci beaucoup.
    Vous n’avez pas d’autres questions, monsieur Kelloway?
    Non.
     Je vous remercie.
    Merci.
     Chers collègues, les lignes téléphoniques du personnel sont maintenant rétablies. N’hésitez pas à nous signaler d’autres problèmes.
     Je vais maintenant donner la parole à M. Fortin.

[Français]

     Monsieur Fortin, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur Lametti et madame Chagger.
    Monsieur Lametti, au Bloq québécois, nous accueillons favorablement ce projet de loi. Je pense, effectivement, qu'il faut exercer un certain contrôle et éviter le genre de dérapage qui consiste à tenter de modifier l'orientation sexuelle de l'un ou de l'autre. Cependant, le projet de loi comporte des zones d'ombre. Vous avez déjà donné certaines réponses à mes collègues sur ces points.
    J'aimerais aborder encore la question de ce qui peut être fait ou non lors de discussions avec ces personnes. L'article 5 du projet de loi viendrait modifier le Code criminel par l'adjonction de l'article 320.101. On dit ceci:
320.101 [...] Il est entendu que la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent:

[...]

b) à l’exploration ou à la construction de son identité.
    Il en a beaucoup été question, mais j'aimerais vraiment que vous me précisiez ce que visent les mots « à l'exploration ou à la construction de son identité » dans le projet de loi. Il me semble qu'ils ouvrent la porte à une interprétation très large.
(1135)
    Je vous remercie de la question, monsieur Fortin. Je suppose que la question s'adresse à moi, n'est-ce pas?
    Oui, monsieur Lametti.
    L'article vise les conversations légitimes, par exemple entre un mentor et un élève ou un jeune; entre un parent et un enfant; ou entre des grands-parents et un petit-enfant. On parle ici de conversations dont le but est d'explorer l'identité ou l'expression de genre de la personne, sans que cela soit encadré par une présomption de base voulant que ce que la personne pourrait être soit illégitime, immoral ou quoi que ce soit d'autre ni par l'intention de changer son identité.
    Dans votre explication, monsieur le ministre, vous nous dites qu'il s'agit de discussions tenues entre des parents ou grands-parents et des enfants. Je ne vois pas cette restriction à l'article 320.101.
    Cela semble être ouvert à tous et permettre une discussion avec n'importe quelle personne, comme un professionnel de la santé, un conseiller ou chef spirituel, ou encore un enseignant sans aucune restriction. Je pourrais avoir une discussion avec le fils de mon troisième voisin et lui dire qu'il me semble avoir un comportement très hétérosexuel et qu'il devrait s'ouvrir à l'homosexualité, par exemple. Si je comprends bien, cela pourrait être autorisé suivant cette exception.
    Y aurait-il lieu de préciser davantage qui sont ces individus qui peuvent se prévaloir de l'exception prévue à l'alinéa 320.101b)?
    On ne vise pas les relations particulières. Quelqu'un peut aller chercher un avis soit d'un professionnel, soit d'un non-professionnel, soit d'un membre de la famille. C'est donc très vaste.
    Selon moi, cela serait très difficile de particulariser de telles conversations ou d'en restreindre la possibilité.
    Je suis d'accord avec vous. Cela va être difficile, et je pense que c'est le défi qu'on devra relever.
    Je suis d'accord.
    Nous avons essayé de viser les pratiques, les traitements ou les services — ce sont des concepts assez bien connus, sur le plan juridique — dans un contexte d'interdiction. Nous avons essayé d'encadrer ce qui était légal au moyen de la définition.
    Je crois que la définition est suffisante, mais, si vous avez des suggestions à nous faire en toute bonne foi, nous travaillerons avec vous.
    Plusieurs personnes avec qui j'ai parlé du projet de loi ont formulé des suggestions, et elles m'ont dit souhaiter venir témoigner. Certains pensent qu'il faudrait laisser davantage d'espace aux conseillers spirituels, aux enseignants ou à d'autres. Certains autres groupes pensent, au contraire, qu'il faudrait éviter toute discussion qui vise justement l'exploration ou la construction de son identité, à moins, peut-être, que ce soit un des parents qui intervienne auprès de l'enfant.
    C'est un sujet qui n'est manifestement pas clair dans le projet de loi, et j'avoue que cela m'inquiète un peu.
    Vous avez répondu à votre question, dans un sens. En visant les pratiques, nous avons bien encadré ce problème.
    C'est évidemment mon opinion.
    Je me répète, mais je pense qu'il faut encadrer ces pratiques. Je ne suis pas en train de dire que le projet de loi n'a pas sa place, au contraire. Je dis qu'il y a ici une zone d'ombre et qu'il va être très difficile de la définir. Il va y avoir des décisions contradictoires des tribunaux en fonction de chacun des dossiers.
    Je suis de ceux qui pensent que les tribunaux doivent avoir une certaine marge de manœuvre, mais je pense aussi que le législateur se doit de faire des lois les plus claires possible. Ici, je suis d'avis que le champ d'interprétation est très vaste.
    Cela étant dit, il y a un autre aspect qui me préoccupe, soit la question de l'âge quant au consentement. On parle de « moins de 18 ans ». Vous savez que, au Québec, le Code civil prévoit que les enfants sont en âge de prendre des décisions quant à leur santé à partir de 14 ans. Il s'agit plus précisément de l'article 14 du Code civil du Québec.
    Comment conciliez-vous la position du législateur dans le projet de loi C-6 et la position du Code civil du Québec pour ce qui est de l'âge quant au consentement? Si vous ne le conciliez pas, pouvez-vous m'expliquer ce choix?
(1140)

[Traduction]

    Je vais vous demander d’être très bref.

[Français]

    Je connais bien le Code civil.
    Je le sais.
    Je l'ai enseigné pendant des années. C'est vrai que, en ce qui concerne les traitements au Québec, l'âge quant au consentement est de 14 ans.
    Le fédéral a le Code criminel, dans lequel l'âge de 18 ans est employé partout. Il y a un autre code pénal pour les personnes de moins de 18 ans. C'est donc un âge qui est connu.
    On veut complètement interdire ces pratiques pour des jeunes, des personnes de moins de 18 ans, qui sont susceptibles de subir de la pression. On a choisi l'âge de 18 ans parce que c'est cohérent.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le ministre.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Monsieur Fortin, votre temps est écoulé.
     Je donne maintenant la parole à M. Garrison pour six minutes.
     Allez-y.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Si vous le permettez, je voudrais, à titre de porte-parole du NPD en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, vous rappeler qu’aujourd’hui, c’est la Journée mondiale du sida. En tant qu’homosexuel d’un certain âge, je suis très heureux que nous en soyons enfin arrivés au point où nous pouvons envisager l’élimination du sida, qui est un véritable fléau pour la population tout entière, plus seulement pour les homosexuels.
     J’ai inscrit aujourd’hui plusieurs questions au Feuilleton que j’aimerais porter à l’attention de la ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse. Elles concernent les mesures que le gouvernement entend prendre pour s’assurer que les nouvelles méthodes de dépistage seront accessibles aux communautés éloignées et marginalisées, car pour éradiquer le sida, il faut que ceux qui sont exposés au risque sachent s’ils sont positifs.
     J’aimerais maintenant revenir au sujet du jour, c’est-à-dire le projet de loi, et dire d’emblée que je continue d’appuyer totalement l’ensemble de ce texte, même s’il n’interdit pas catégoriquement toutes les thérapies de conversion. J’aimerais discuter avec le ministre de la Justice de l’exclusion, dans ce projet de loi, de ce qu’on appelle les « adultes consentants ».
    Je sais que le ministre craint une contestation au titre de la Charte, mais j’aimerais savoir si, à part ce risque, il serait possible d’inclure les adultes dans ce projet de loi sans pour autant compromettre l’ensemble du projet de loi, en cas de contestation au titre de la Charte.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison, de me poser cette question qui, je le sais, vous touche très personnellement.
     S’agissant des adultes, nous avons essayé de le restreindre uniquement aux adultes consentants. La contrainte est un concept juridiquement reconnu, et par conséquent, les adultes vulnérables seront protégés par le projet de loi.
     Pour autant, vous avez raison de dire que je crains une contestation au titre de la Charte. Pour un adulte qui est capable de donner son consentement, qui n’est pas vulnérable à la contrainte et qui n’est pas soumis à la contrainte, ce serait difficile de le défendre devant un tribunal.
     Les esprits les plus brillants de mon ministère ont essayé de trouver une solution, mais en vain. C’est une position de départ, je le reconnais, et je suis prêt à examiner toute proposition que vous me ferez à ce sujet.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
     S’agissant des adultes consentants et des thérapies de conversion, il existe des principes juridiques bien établis selon lesquels on ne peut pas consentir à certaines choses qui sont préjudiciables. Une personne ne peut pas consentir à se faire blesser ou à se faire agresser. Une personne ne peut pas consentir à faire partie d’un club de combat, par exemple.
     À mon avis, et c’est celui de beaucoup de spécialistes, une thérapie de conversion peut être assimilée à une agression. Si nous laissons les « adultes consentants » hors du champ d’application du projet de loi, j’aimerais alors proposer un amendement pour que soient indiquées très clairement dans le projet de loi les différentes formes que peut prendre l’absence de consentement, ou de ce que nous entendons par consentement, comme nous l’avons fait dans d’autres dispositions du Code criminel.
(1145)
    Encore une fois, je vous remercie. C’est quelque chose que nous avons essayé de couvrir dans ce projet de loi, mais si ce n’est pas suffisant, nous verrons ce que nous pouvons faire ensemble.
     C’est toujours le même problème: quand on essaie de dresser une liste des pratiques ou des conversations qu’on veut autoriser ou interdire, cela peut avoir des effets pervers. Cela s’applique aussi aux questions de certains de vos collègues.
     C’est ma seule réserve, mais je suis toujours prêt à examiner de bonne foi un amendement présenté de bonne foi.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
     Le projet de loi interdit la publicité, mais certains membres de la communauté se demandent s’il n’y a pas d’autres moyens de faire la promotion des thérapies de conversion qui ne sont pas de la publicité au sens strict du terme, surtout s’ils sont gratuits.
     Pensez-vous que la promotion gratuite des thérapies de conversion est couverte par le projet de loi?
    C’est ce que nous croyons, car la promotion, qu’elle soit gratuite ou payante, tombe dans le champ de la définition juridique. Encore une fois, je suis prêt à regarder cela de plus près, mais notre objectif était d’inclure la promotion gratuite, et je pense que c’est ce que fait le projet de loi.
    Merci beaucoup.
    Comme il me reste très peu de temps, je voudrais m’adresser à la ministre de la Diversité et de l’Inclusion.
     Vous avez entrepris un sondage dans le but d’élaborer un plan d’action. J’ai jeté un coup d’oeil à ce sondage et j’ai constaté que, malheureusement, on n’y mentionne pas d’initiatives précises. Certes, il vous permettra de recueillir des informations utiles sur la situation actuelle, mais il ne demande même pas aux répondants, par exemple, s’ils sont en faveur d’une interdiction des thérapies de conversion ou s’ils appuient telle ou telle mesure du gouvernement.
     La ministre pourrait-elle nous préciser quels types de mesures ce sondage va permettre de planifier?
    Je tiens, par l’entremise de la présidente, à remercier le député non seulement de ses observations et de sa question, mais aussi de son militantisme et du rôle essentiel qu’il a joué dans l’élaboration du projet de loi dont le Comité est actuellement saisi.
     S’agissant des thérapies de conversion, je pense, comme on l’a dit tout à l’heure, que la majorité des Canadiens approuvent leur interdiction. C’est la raison pour laquelle il faut que le Comité fasse son travail et qu’il s’assure que le projet de loi répond à cette attente. À l’instar du ministre Lametti, je vous invite à nous signaler toute omission involontaire de notre part. Quant à l’interdiction de cette pratique, les communautés nous ont clairement dit que ce n’était pas négociable, qu’il fallait l’interdire au Canada.
     Le sondage nous permettre de planifier d’autres mesures, en fonction des besoins exprimés par les communautés et de la façon dont nous pouvons y répondre. Cela s’ajoutera au travail que nous avons déjà fait dans le cadre des tables rondes que nous avons organisées, car nous devons nous assurer que le gouvernement répond aux besoins des communautés de façon proactive et encore plus inclusive. C’est aussi la raison pour laquelle Fernand m’accompagne aujourd’hui. Son secrétariat coordonne ses activités avec tous les autres ministères et agences. Notre gouvernement...
    Merci, madame la ministre.
     Je suis désolée, mais votre temps est écoulé, monsieur Garrison.
     Nous allons entamer notre deuxième série de questions et commencer par Mme Findlay qui dispose de cinq minutes.
     Allez-y.
    Merci, madame la présidente.
     Je remercie les deux ministres d’être parmi nous aujourd’hui.
     Ma première question s’adresse aux fonctionnaires. Lorsque le projet de loi a été présenté, on nous a dit qu’il reprendrait le libellé figurant sur le site web du ministère. Aujourd’hui, nous avons reçu un mémoire écrit du CIJA, qui milite activement en faveur des droits humains. Il se dit favorable à l’inclusion, dans le projet de loi, du libellé initial du site web.
     Mais par la suite, ce libellé a été modifié. Les fonctionnaires pourraient-ils me dire pourquoi?
(1150)
    Nous ne vous entendons toujours pas, monsieur Daigle.
    Nous sommes en train de changer d’appareil.
    J’espère que ce problème technique n’empiète pas sur mon temps, madame la présidente.
    Non, j’ai arrêté le chronomètre.
     Monsieur Daigle, nous ne vous entendons toujours pas. Le technicien va essayer de vous rappeler.
     En attendant, monsieur Brookfield, voulez-vous dire quelque chose?
    Monsieur Daigle, je crois que le son est rétabli.
    Oui. Vous m’entendez?
     Bonjour. Je suis désolé de ce contretemps.
     Comme l’a dit le ministre, ce que nous criminalisons avec ce projet de loi est très clair. Ce sont trois termes qui sont utilisés ailleurs dans le Code criminel: « service », « traitement » et « pratique ». Nous n’avons pas jugé nécessaire d’être plus précis, car sinon, on risque d’exclure des choses qu’on ne voudrait pas exclure.
    Excusez-moi, monsieur Daigle. Ce n’est pas ce que je vous ai demandé. Vous n’avez peut-être pas entendu ma question, à cause du problème de son.
     Je vous ai demandé pourquoi le libellé du site web avait été modifié. On a ajouté un mot qui n’y figurait pas avant. J’aimerais savoir pourquoi.
    Quand on rédige un projet de loi, on prend en compte un certain nombre de choses. Le texte que le ministre a présenté à la Chambre est celui auquel nous avons finalement abouti. Le libellé qui figurait sur notre site web ne servait qu’à donner des informations générales sur l’objectif du projet de loi. Au final, nous avons élaboré un texte qui nous paraît acceptable et que nous sommes prêts à défendre. Nous sommes également disposés...
    Je suis désolée, mais vous ne répondez pas à ma question. Le libellé initial de votre site web avait suscité beaucoup d’intérêt et rallié beaucoup d’appuis, mais il a été modifié par la suite. Pouvez-vous me dire pourquoi vous l’avez modifié?
    Nous ne rédigeons pas des lois sur un site web. Nous avons rédigé ce projet de loi en fonction des informations que nous avons recueillies au cours de nos consultations. Nous estimons que le texte est très clair, et nous...
    Très bien. Merci. Je vais passer à autre chose car mon temps est limité.
     Avec ce projet de loi, combien d’individus ou d’organisations le gouvernement compte-t-il poursuivre? Je m’adresse au ministre Lametti. Comment pensez-vous documenter ce genre de poursuites?
    Comme on le fait d’habitude. Il y a d’abord une enquête, à la suite d’une plainte ou d’une information de la police, et ensuite le dossier est transmis au procureur provincial ou au procureur fédéral, selon le cas. C’est complètement indépendant, étant donné que nous avons des services de poursuites indépendants dans la plupart des provinces. Grâce à mon prédécesseur Rob Nicholson, nous avons un service de poursuites indépendant au niveau fédéral.
     Nous n’avons pas de statistiques très précises — j’ai déjà eu l’occasion de le dire — sur les thérapies de conversion, car la plupart se déroulent dans le secret. Mais un certain nombre d’études indiquent que cette pratique est très répandue au Canada et qu’elle a un impact négatif considérable sur la communauté LGBTQ2 au Canada, et c’est la raison pour laquelle nous proposons ce projet de loi.
    Dans le même ordre d’idée...
    Je suis désolée, madame Findlay, mais votre temps est écoulé.
     Je vais donner la parole au député suivant.
     Monsieur Sangha, vous avez cinq minutes. Allez-y.
(1155)
    Merci, madame la présidente.
     Ma question s’adresse à la ministre. Madame la ministre, nous avons entendu des centaines et des centaines de témoignages bouleversants d’hommes de tous âges qui ont subi une thérapie de conversion mais qui s’en sont finalement sortis. Leurs témoignages montrent bien les conséquences dévastatrices de cette thérapie, notamment la dépression et les pensées suicidaires. En fait, les premiers résultats du sondage de 2019-2020 indiquent que l’orientation sexuelle, l’identité de genre et la dépression sont des facteurs.
     Le projet de loi dont nous sommes saisis est sans doute l’un des textes les plus progressistes qu’un gouvernement ait jamais proposé pour interdire, criminaliser et éradiquer ces pratiques déplorables. Il était grand temps.
     Toutefois, madame la ministre, j’aimerais vous demander si vous êtes vraiment sûre que ce projet de loi est l’outil qu’il nous faut, aujourd’hui, pour éradiquer la pratique de la thérapie de conversion.
    Merci de votre question.
     Je dirai pour commencer que j’ai éprouvé une grande satisfaction de voir tous les membres de votre comité, de quelque parti qu’ils soient, voter pour le projet de loi C-6 à la Chambre et l’envoyer en comité. J’espère que nous arriverons à nous entendre pour le renvoyer à la Chambre le plus rapidement possible. Cela montre que nous sommes tous d’accord pour dénoncer et criminaliser la pratique qui consiste à faire des efforts systématiques pour changer l’orientation sexuelle de quelqu’un, son identité de genre ou son expression de genre, surtout s’il s’agit d’un enfant.
    C’est exactement ce que propose de faire le projet de loi dont nous sommes saisis, qui établit les conditions nécessaires à l’éradication de cette pratique préjudiciable et délétère dans notre pays. Je sais qu’il y encore beaucoup à faire pour que les Canadiens LGBTQ2 puissent vivre leur vie librement, comme la plupart des autres Canadiens, sans être menacés de violence ou de discrimination. En tant que ministre responsable de l’inclusion, et en tant qu’alliée, j’entends continuer à travailler avec les communautés LGBTQ2 et à piloter les initiatives du gouvernement pour la défense des droits des LGBTQ2. Les droits des LGBTQ2 sont des droits humains.
     Pour résumer ma réponse au député, je dirai que je suis convaincue que ce projet de loi est un pas important dans la construction d’un Canada délibérément inclusif.
    Merci, madame la ministre.
     Je suis tout à fait d’accord avec vous là-dessus. D’un point de vue moral, ces thérapies de conversion sont inacceptables.
     Pourriez-vous nous dire quelques mots sur la dimension morale de ce projet de loi, et sur les personnes qui sont couvertes par ses dispositions?
    Personnellement, et d’après les conversations que j’ai eues au Canada, j’aimerais que chaque individu puisse développer son moi authentique et participer pleinement à la société. J’aimerais que chaque individu soit fier de ce qu’il est. Malheureusement, cela n’est pas le cas avec les thérapies de conversion.
     Selon ce projet de loi, il est tout à fait acceptable d’accompagner un individu à la recherche de sa propre identité. En revanche, ce qui ne l’est pas, c’est de forcer un individu à la recherche de sa propre identité à devenir quelqu’un qu’il n’est pas. Cela n’est pas acceptable au Canada.
    Madame la ministre, pensez-vous que ce projet de loi va changer le comportement de ceux qui suivent des thérapies de conversion? Vont-ils comprendre que ce n’est pas bien de faire ce genre de choses?
    Les adultes consentants qui veulent… Ils font un choix en adultes. Ce que nous allons arriver à faire, c’est rendre chaque individu fier de ce qu’il est. Le plus souvent, un individu essaie de faire plaisir à ceux qui l’entourent, et s’il envisage une thérapie de conversion, c’est parce qu’il pense qu’il va pouvoir changer qui il est. Mais on est qui on est, et c’est bien comme ça.
     Personnellement, j’estime que, sur un plan moral et éthique, mon rôle consiste à aider les individus à être comme ils sont et à s’épanouir pleinement. Les gens peuvent avoir des conversations sur ce qui est bien et ce qui est mal, mais notre rôle à nous est de veiller à ce que tous les droits soient protégés, y compris ceux des LGBTQ2.
(1200)
    Merci.
    Merci, madame la présidente. Je n’ai pas d’autres questions.
    Merci, monsieur Sangha.
     Je donne maintenant la parole à M. Fortin, pour deux minutes et demie.
     Allez-y.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ce n'est pas que je n'aime pas vos réponses, madame Chagger, mais j'aimerais aborder plus particulièrement des points de droit avec M. Lametti.
    Monsieur Lametti, je demeure perplexe quant à une malheureuse définition de la thérapie de conversion, où ce qui est exclu semble être la même chose que ce qui est inclus. Lorsque l'on parle de ce qui est interdit, il n'y a aucune zone d'ombre quant aux concepts de « contre son gré » et d'« enfants mineurs ».
    On définit cependant la thérapie de conversion de la façon suivante:
[...] thérapie de conversion s'entend d'une pratique, d'un traitement ou d'un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance [...]
    On ajoute à cela:
[...] la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent:

a) à la transition de genre d'une personne;

b) à l'exploration ou à la construction de son identité.
    Quelle distinction faites-vous entre, d'une part, l'énoncé « rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance » et, d'autre part, le concept de « transition de genre »? Ne dit-on pas ici une chose et son contraire?
    La transition de genre fait partie des thérapies reconnues par la profession médicale et les experts dans le domaine de la santé, et ces thérapies sont reconnues par les systèmes établis dans les provinces.
    Je m'excuse de vous interrompre, c'est que je ne dispose que de deux minutes.
    On utilise pourtant le concept de « contre son gré ». On ne parle pas d'un service demandé par un adulte consentant. On dit que cela va constituer une infraction lorsqu'on fera suivre une thérapie de conversion à une personne ou à un mineur « contre son gré ».
    On dit aussi que l'on va permettre des pratiques, des traitements ou des services qui se rapportent à une transition de genre. Est-ce vraiment ce que l'on souhaite?
    On ne vise pas les pratiques légitimes où une personne est en train d'explorer la thérapie de conversion ou de faire la transition de genre.
    On vise évidemment l'aspect « contre son gré » en ce qui concerne les adultes. Toutefois, quand il s'agit de mineurs, ce qui domine, c'est l'idée de « normalité ». Il s'agit donc de pratiques ou de services qui visent à changer l'orientation d'une personne parce qu'elle n'est pas hétérosexuelle.
    Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interrompre...

[Traduction]

    Je suis désolée, monsieur Fortin, mais votre temps est écoulé.
     Je donne la parole à M. Garrison pour deux minutes et demie.
     Allez-y, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je voudrais aborder une question qui préoccupe beaucoup de gens de ma circonscription. Il s’agit de savoir si le projet de loi couvre adéquatement les pratiques qui visent des personnes ayant une expression de genre différente des autres. Certes, le libellé est très clair en ce qui concerne les moyens qu’on utilise le plus fréquemment pour essayer de convertir ou de modifier l’orientation sexuelle d’une personne. Mais s’agissant de l’identité de genre et de l’expression de genre, d’aucuns pensent que le projet de loi n’est pas assez précis.
     Je préférerais que l’on reprenne le libellé du projet de loi C-16 qui protège expressément l’identité de genre et l’expression de genre. Le ministre est-il convaincu que, dans son libellé actuel, le projet de loi couvre bien l’expression de genre?
     C'est ce que nous pensions, mais vous avez tout à fait raison de parler du projet de loi C-16 et du libellé différent. Je suis ouvert aux suggestions du Comité s'il vous apparaît que les définitions ne sont pas uniformes.
    Effectivement, nous pensons que l'expression du genre devrait être incluse. Idéalement, les libellés doivent être uniformes et nous sommes prêts à apporter un amendement pour qu'ils le soient.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je vous promets que nous vous en proposerons un.
    Ma dernière question s'adresse à la ministre Chagger.
    De toute évidence, l'adoption d'une loi interdisant les thérapies de conversion ne suffira pas pour que les survivants surmontent tous les traumatismes subis. Madame la ministre, est-ce que votre ministère a des plans précis concernant le soutien financier de la communauté pour l'offre de programmes axés sur les traumatismes découlant des thérapies de conversion?
    C'est exactement l'objectif du plan d'action et du sondage. Les possibilités de contribuer, pour nous de...
    J'ai compris au fil de mes discussions avec les membres des communautés que certains préjudices ne disparaîtront peut-être jamais, mais que nous pouvons quand même agir et, surtout, tout mettre en œuvre pour protéger les prochaines générations. C'est pourquoi nous allons continuer de consulter les communautés et de collaborer avec elles. La rédaction du projet de loi a été guidée et inspirée par le dialogue avec les communautés, et c'est de là que vient sa force selon moi.
    Je voudrais remercier de nouveau le ministre Lametti d'avoir reconnu les divergences entre le projet de loi à l'étude et le projet de loi C-16 proposé par un gouvernement précédent, et qu'il faudra s'assurer que ce soit inclus. Il est important de travailler ensemble et consciemment pour bâtir un Canada inclusif.
(1205)
    Merci.
    Merci aux deux ministres.
    Les cinq prochaines minutes appartiennent à M. Moore.
    Allez-y, monsieur Moore.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur le ministre et madame la ministre, de comparaître devant le comité de la justice.
    Monsieur le ministre, je vais d'emblée aborder le sujet de la définition. Nous voulons adopter un projet de loi qui aura l'effet que vous avez annoncé dans votre conférence de presse et que votre ministère a annoncé, mais il reste encore beaucoup d'incertitude autour de la définition. Or, la définition est la pierre d'assise du projet de loi. Je vous ai entendu dire, il y a cinq minutes, que vos meilleurs experts ont concocté le projet de loi. Pourtant, il y a une minute à peine, vous avez admis que l'harmonisation avec le projet de loi C-16 n'était pas parfaite.
    Quand il a d'abord été question du projet de loi, on a beaucoup parlé de vos remarques et du site Web du ministère de la Justice, où il était expliqué ce qui n'était pas visé par cette mesure. Plus précisément, il était indiqué qu'on ne criminaliserait pas les conversations au cours desquelles des « opinions personnelles sur l'orientation sexuelle ou les sentiments sexuels ou l'identité de genre sont exprimées, comme lorsque des enseignants, des conseillers scolaires, des conseillers pastoraux, des chefs religieux, des médecins, des professionnels de la santé mentale, des amis ou des membres de la famille fournissent du soutien aux personnes qui se posent des questions ».
    Des personnes et des organismes ont demandé... Aujourd'hui, j'ai lu un mémoire du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le CIJA, dans lequel il exprime sa totale opposition à la thérapie de conversion, mais demande des précisions. J'imagine que vous avez un faible pour les dispositions de précision puisqu'il y en a deux dans ce seul projet de loi. Cependant, certains jugent que c'est insuffisant et réclament un projet de loi qui inclut explicitement ce que vous avez annoncé.
    Je vais vous donner la possibilité de répondre à une question qui a été posée aux fonctionnaires du ministère de la Justice. Quand le public a entendu parler des pressions exercées pour que des détails soient inclus dans le projet de loi, le site Web du ministère a été modifié. Dans la version anglaise, le passage provide support a été remplacé par provide affirming support.
    J'aimerais que vous m'expliquiez la démarche qui a mené à cette modification. Pourquoi l'énoncé a-t-il été modifié dans le site Web? Je pense que certaines craintes des gens au sujet du projet de loi ont eu un effet. Il y a tout juste deux ans, votre gouvernement a déclaré que ce projet de loi n'était pas nécessaire parce que les gouvernements provinciaux s'occupaient de ce dossier et que vous ne disposiez pas de statistiques claires. Pourtant, nous voilà en train de discuter d'une loi modifiant le Code criminel. Le Code criminel prescrit les sanctions les plus sévères que notre gouvernement peut infliger, et c'est pourquoi nous devons nous assurer que le projet de loi a exactement les effets que vous avez annoncés.
    Pourquoi l'énoncé du site Web a-t-il été modifié, monsieur le ministre?
    Nous en sommes là. Nous allons utiliser le Code criminel pour sanctionner une pratique que nous estimons odieuse, qui n'a pas sa place dans la société canadienne. La mesure sera coordonnée avec celles qui sont déjà appliquées par les provinces et viendra renforcer ce qu'elles font déjà.
    Nous allons vérifier si le site Web a effectivement été modifié mais, quand on rédige une définition inscrite dans une loi — il y a plusieurs avocats autour de la table, y compris moi-même —, il faut s'assurer qu'elle décrit seulement l'activité visée de manière succincte. Il faut éviter que la définition soit trop détaillée et donne une longue liste qui inclurait trop ou trop peu d'éléments. On pourrait discuter longtemps de la question de savoir si la liste devrait être fermée ou ouverte.
    Nous nous sommes concentrés sur la pratique. Tout ce que vous avez indiqué, tous les éléments que vous avez mentionnés dans votre question sont couverts par la définition, parce que l'accent est mis sur les pratiques, les traitements ou les services. Les types de conversations très légitimes que vous avez évoqués dans votre question ne sont pas visés.
    Je crois que la formulation utilisée dans le projet de loi est tout à fait juste d'un point de vue juridique. Nous avons réussi à éviter les redondances et l'ajout d'une disposition de précision.
    Nous allons bien entendu prendre connaissance des observations du CIJA, mais rien de ce que j'ai entendu jusqu'ici n'a réussi à me convaincre que la définition est inadéquate. Nous nous sommes concentrés sur les pratiques, les traitements et les services illégaux dont les objectifs sont interdits, sans aller plus loin.
(1210)
    Il vous reste 20 secondes, monsieur Moore.
    D'accord.
    Merci, monsieur le ministre.
    J'aimerais simplement souligner que le projet de loi contient déjà deux dispositions qui commencent par « Il est entendu que ». Je pense que d'autres témoins de bonne foi nous diront la même chose que le Centre consultatif des relations juives et israéliennes. Tous ces gens nous demanderont d'aller au fond des choses, mais ils voudront aussi s'assurer que le projet de loi n'aura pas les effets que vous avez promis qu'il n'aurait pas. Je vous inviterais donc à rester réceptif à ce type d'amendement.
    Merci.
    Je suis toujours réceptif aux amendements proposés de bonne foi, mais il faut faire très attention à la redondance. Elle pourrait avoir des conséquences imprévues à long terme, et nous devons être prudents.
    Merci beaucoup.
    Nous sommes rendus au dernier tour de questions. Monsieur Zuberi, vous avez cinq minutes.
    Nous vous écoutons.
    Je voudrais tout d'abord remercier les deux ministres de consacrer du temps au Comité.
    J'aimerais demander au ministre Lametti d'apporter des clarifications sur ce qu'il a dit plus tôt concernant ce que le projet de loi criminalise et ce qu'il ne criminalise pas. Même si je crois que c'est limpide pour les membres du Comité, il serait bien pour nous tous de l'entendre de nouveau pour pouvoir ensuite faire passer le message. Si j'ai bien compris, le projet de loi ne criminalise pas les conversations entre les membres d'une famille et des amis, avec un professeur, un travailleur social, un psychologue ou un chef religieux. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
    J'imagine que la question s'adresse à moi, monsieur Zuberi? Merci.
    Comme je l'ai déjà dit, notre intention est de criminaliser les discussions qui découlent d'une présomption que ce que vous êtes n'est pas bien et qu'une intervention est nécessaire pour vous changer, que ce soit sous la forme d'une pratique, d'un traitement ou d'un service. Ce sont les objectifs que la loi interdit.
    Nous ne voulons pas criminaliser les conversations légitimes qui visent à accompagner une personne dans une démarche, que ce soit par un pasteur ou un membre de la famille — entre des parents et leurs enfants, ou des grands-parents et leurs petits-enfants, par exemple —, et qui découlent d'une question du type « qui suis-je et comment puis-je m'épanouir dans ce cadre? ».
    Pour couvrir les activités visées, nous nous sommes concentrés sur des concepts juridiques établis — les pratiques, le traitement et les services — et nous avons précisé les objectifs interdits. Sur le plan juridique, nous estimons avoir fait ce qu'il fallait faire. Nous pensons que ce que nous proposons s'harmonise très bien avec les définitions appliquées par les systèmes de soins et d'assurances des provinces. La définition proposée englobe tous les éléments nécessaires de manière suffisamment claire selon nous.
    Merci.
    Ma question suivante portera sur les publications évaluées par les pairs. J'aimerais demander aux ministres s'ils connaissent les effets de la thérapie de conversion sur les personnes qui la subissent. Plus précisément, que révèlent ces publications sur la validité, l'efficacité ou le caractère éthique de ces thérapies?
    J'imagine que la question est encore pour moi.
    Les publications évaluées par les pairs, du moins celles du domaine médical, condamnent entièrement ce type de pratiques. Certains auteurs vont même jusqu'à parler de torture, et je dois dire que j'abonde dans le même sens. Les effets à long terme sur la vie des victimes sont dévastateurs, comme des témoins viendront certainement vous le raconter. Nous avons nous-mêmes entendu ce genre de témoignages durant les consultations que nous avons tenues avant la présentation du projet de loi.
    Ces thérapies sont tout simplement destructrices, et les publications évaluées par les pairs le confirment.
    Merci.
    Dans les questions posées par mes collègues et les réponses qu'ils ont obtenues, je n'ai pas entendu le mot « entraîneurs ». Si nous voulons que la liste des personnes susceptibles d'engager une conversation exploratoire soit complète... Pour l'instant, le mot « entraîneurs » n'y figure pas.
    Selon vous, faut-il ou non limiter les catégories de personnes qui peuvent engager une conversation exploratoire, et quelle sera l'incidence dans chaque cas?
(1215)
    Votre question illustre parfaitement la raison pour laquelle j'ai de sérieuses réserves quant à la pertinence d'inclure une liste de catégories de personnes. Il y en a trop. Comme je l'ai expliqué en français à M. Fortin, nous ne voulons pas limiter les possibilités d'une personne d'avoir accès à quelqu'un qui pour la conseiller ou l'accompagner peu importe où cette personne se trouve.
    Peu importe la liste de catégories de personnes proposée, elle ne sera jamais parfaite. Soit elle englobera trop de catégories, soit elle n'en englobera pas suffisamment, et elle posera problème à un moment ou un autre. Une liste pourrait avoir pour conséquence fâcheuse que quelqu'un s'empêchera d'avoir une conversation avec une personne qui aurait pu l'aider tout simplement parce qu'elle ne fait pas partie des catégories protégées.
    Une liste pourrait avoir toutes sortes de conséquences inattendues. J'ai une grande confiance dans la démarche que nous avons suivie pour ce qui concerne la définition de la pratique et de l'objectif. Je suis convaincu que nous avons réussi à garantir l'effet juridique espéré de manière très efficace, très efficiente et très concise.
    Merci beaucoup.
    Au nom du Comité, j'aimerais remercier le ministre Lametti et la ministre Chagger de nous avoir accordé du temps aujourd'hui.
    Je m'adresse maintenant aux représentants des ministères. Si des questions sont restées en suspens — je pense par exemple à une question de M. Cooper qui n'a pas obtenu de réponse en raison de difficultés techniques —, vous serait-il possible de nous faire parvenir la réponse par écrit? Ce serait très apprécié. Vous pourrez également apporter des précisions à toute autre question qui a été soulevée.
    Merci beaucoup. Nous allons suspendre la séance pour 30 secondes afin d'accueillir les témoins suivants.
    Merci encore aux ministres. Nous vous sommes très reconnaissants.
(1215)

(1220)
    Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je vous remercie de votre patience.
    Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-6 avec un deuxième groupe de témoins formé de M. Matt Ashcroft, de M. Kristopher Wells et de M. Kenneth Zucker, qui comparaîtront tous les trois à titre personnel.
    Nous recevons également Mme Ghislaine Gendron, qui représente l'organisme Pour les Droits des Femmes du Québec, ainsi que M. James Cantor, qui en est le conseiller.
    Avant de passer aux exposés de cinq minutes des témoins, notre greffier législatif, M. Jacques Maziade, ainsi que notre conseillère législative, et Mme Isabelle D'Souza, vont nous expliquer brièvement comment fonctionne le processus de demande d'amendement.
    Nous vous écoutons.
    Je prends quelques secondes pour me présenter au Comité. J'agirai à titre de greffier législatif responsable du projet de loi C-6. Comme vous l'avez annoncé, je m'appelle Jacques Maziade. J'invite les membres du Comité à me soumettre les amendements qu'ils souhaitent proposer pour que j'en confirme l'admissibilité.

[Français]

    Les membres du Comité peuvent également communiquer avec moi s'ils ont des questions concernant l'étude article par article du projet de loi.
    Mes coordonnées se trouvent dans la note de service que le greffier a envoyée à tous les membres du Comité la semaine dernière.
    Madame la présidente, je cède maintenant la parole à ma collègue Mme Isabelle D'Souza, qui est conseillère législative.

[Traduction]

    Je m'appelle Isabelle D'Souza et je suis conseillère législative. Je serai responsable de la rédaction des amendements au projet de loi C-6.
    Je vais vous donner les grandes lignes du processus de rédaction lui-même. Je vous encourage fortement à me soumettre vos demandes d'amendement le plus tôt possible. Rédigez-les dans vos propres mots, même s'il s'agit seulement d'ébauches. Je vais transposer vos propositions dans un texte législatif qui permettra d'obtenir l'effet juridique visé.
    Par ailleurs, je vous aviserai si jamais vos propositions soulèvent des questions d'ordre juridique, de compétence ou relatives à la Charte, et je vous donnerai des solutions de rechange, le cas échéant. Je vous rappelle que tous nos échanges seront confidentiels et non partisans.
    Le processus d'amendement est en fait une version simplifiée du processus de rédaction d'un projet de loi d'initiative parlementaire, que certains d'entre vous connaissent. Les étapes sont les suivantes: rédaction de l'amendement; approbation; correction; traduction et révision. C'est parfois un processus laborieux, tout dépendant de la complexité et du volume de demandes reçues, mais également parce que nous recevons parfois des demandes d'amendement à plusieurs projets de loi en même temps. Il faut des heures, parfois des jours avant de parvenir à la version définitive.
    C'est pourquoi je vous demanderais de me soumettre vos demandes d'amendement le plus tôt possible. Je crois que vous avez jusqu'au 9 décembre pour soumettre vos demandes. C'est assez proche. N'hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions ou des inquiétudes. Je suis à votre service.
    Merci de m'avoir accordé du temps.
    Si vous avez des questions au sujet du processus, M. Maziade et moi-même pouvons y répondre dès maintenant.
    Merci beaucoup.
    Je vais demander aux membres du Comité de communiquer directement avec vous s'ils ont des questions afin que nous puissions aller de l'avant avec notre ordre du jour.
    Merci pour vos explications.
    Nous entendrons maintenant les observations de M. Ashcroft. Vous avez cinq minutes.
(1225)
    Tout d'abord, permettez-moi de remercier M. Randall Garrison et son équipe de m'avoir invité à m'exprimer devant le Comité. Je suis très heureux de la relation très positive que nous avons bâtie depuis mars. Je vous remercie de nous avoir consultés, Erika Muse et moi, au sujet des étapes suivantes du projet de loi C-6.
    Il s'agit d'un projet de loi d'une importance capitale pour les survivants des thérapies de conversion, dont je fais partie. J'ai une expérience intime des torts causés par ceux qui appliquent des thérapies de conversion, même s'ils n'utilisent pas exactement ce vocabulaire.
    Avant de vous livrer mes observations, je voudrais vous donner les prénoms et l'initiale du nom de famille des personnes qui étaient à mes côtés au camp de thérapie de conversion. Cela me permettra de leur rendre hommage tout en respectant leur vie privée. Ces personnes s'appellent ou s'appelaient John S., Jay C., CJ ou Calvin James W., Adam W., Steven M., Jerry M., Dean K., Rick S. et Rocky M. Je ne sais pas si vous êtes toujours parmi nous, mais je tiens à vous dire que, tous les jours, je pense à votre bien-être.
    À mes frères et à mes soeurs, Milton, Marlon, Makye et Myanna, je voudrais exprimer ma joie de vous avoir retrouvés. Vous êtes tous devenus de grands êtres humains et je suis heureux que vous m'ayez accepté pour ce que je suis. Je vous aimerai toujours. Ne l'oubliez jamais.
    Maintenant que tout cela est dit, je vais plonger au cœur de mon exposé. Si ce que j'ai à dire vous intéresse vraiment, vous allez m'écouter avec un esprit ouvert et un cœur ouvert.
    Il est facile de parler. De penser que ce processus pourrait se dérouler sans que survivants de la thérapie de conversion aient leur mot à dire me remplit de tristesse. C'est triste parce que je suis un être humain qui en a fait l'expérience. Quand, dans les entrevues des médias, vous vous vantez d'avoir la meilleure législation du monde et que vous utilisez les survivants de la thérapie de conversion comme faire-valoir, c'est blessant. Malheureusement, c'est un rôle auquel je suis habitué puisqu'on nous présentait comme des exemples de l'efficacité de la thérapie de conversion.
    Non seulement je suis triste de cette situation, mais je suis triste aussi de voir que le projet de loi ne protégera pas les Canadiens qu'il prétend vouloir protéger. Selon les estimations tirées de l'enquête Sexe au présent, 47 000 personnes ont été victimes de pratiques de thérapie de conversion. Même si seulement 35 % de ces personnes avaient moins de 18 ans, le projet de loi protégerait seulement 16 450 Canadiens. Il abandonnerait donc à leur sort deux tiers de la population. Il faut pourtant nous assurer que le grand nombre possible de Canadiens queers, transgenres et non binaires seront protégés.
    C'est facile de parler. Je demande au gouvernement canadien s'il est vraiment sérieux quand il dit que son objectif est de devenir le pays où les personnes LGBTQ2IA+ seront les mieux protégées dans le monde. Je me souviens que la dernière fois, quand la ville de St. Albert a adopté un règlement concernant la conversion de thérapie, le gouvernement fédéral a déclaré qu'il appartenait aux provinces d'interdire ces pratiques et qu'il ne s'en mêlerait pas. Peut-on vraiment parler de transparence dans votre démarche?
    Si vous voulez vraiment vous impliquer, je peux vous indiquer par où commencer.
    En Australie, le gouvernement de l'état de Victoria a travaillé très fort sur son projet de loi. C'est le plus complet qui existe dans le monde. Merci à Nathan Despott, le cofondateur de l'organisme Brave Network Melbourne, pour ses sages paroles. J'ai énormément appris au fil des discussions que j'ai eues sur ce qui se fait dans d'autres pays. Je vais vous citer les propos exacts qu'il a publiés dans les médias sociaux.
    Premièrement, toutes les pratiques de conversion seront interdites, peu importe qui les applique, s'il faut payer ou non pour les suivre, si elles sont offertes par un professionnel ou non, ou si elles sont destinées à un adulte ou à un enfant. Il sera aussi interdit d'inciter une personne à subir des pratiques de conversion ou de l'aiguiller vers quelqu'un qui offre de telles pratiques, qu'il s'agisse ou non d'un professionnel. Une sanction pénale sera imposée pour tous ces actes s'il en résulte un préjudice avéré pour la santé, et notamment pour la santé mentale. Si le seuil criminel n'est pas atteint, le dossier fera l'objet d'une procédure civile devant la Victorian Equal Opportunity and Human Rights Commission, ou VEOHRC. Aucune médiation de quelque sorte ne sera requise. La VEOHRC aura le pouvoir d'enquêter et d'imposer des sanctions. Tout manquement sera passible d'une sanction pénale.
    Deuxièmement, toute annonce publicitaire concernant une pratique de conversion, offerte contre un avantage pécuniaire ou non, sera considérée comme une infraction criminelle.
    Troisièmement, toute tentative de contourner la loi en amenant une personne dans un autre État sera considérée comme une infraction criminelle. Au Canada, on parlerait d'amener une personne dans une autre province ou un autre territoire, ou dans un autre pays.
    Quatrièmement, les adultes ne pourront pas être réputés aptes à consentir à une pratique de conversion. Autrement dit, le consentement éclairé ne sera pas permis.
    Il est impossible de consentir à être la victime d'un traitement abusif. Puisque toutes les associations médicales mettent en doute les pratiques de thérapie de conversion et n'ont trouvé aucune preuve de leur efficacité, l'inclusion des adultes ne devrait pas poser problème.
    Le temps est venu pour le gouvernement de faire preuve de transparence et de faire le nécessaire pour protéger les Canadiens queers, transgenres et non binaires, dont il se prétend l'allié.
(1230)
    À ce sujet, il faudra inclure la thérapie de conversion des personnes transgenres dans le projet de loi ou adopter une autre mesure législative qui sanctionnera les fautes médicales infligées aux personnes transgenres.
    Ce n'est pas un jeu. Nous parlons de nos vies.
    Merci.
    Merci, monsieur Ashcroft.
    Je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé.
    Je donne maintenant la parole à M. Kristopher Wells. Vous avez cinq minutes.
    Allez-y.
    Je m'adresse au Comité depuis la région d'Edmonton, qui se trouve sur le territoire du Traité no 6.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer devant le Comité, et surtout en cette Journée mondiale du sida. La lutte que nous menons actuellement concerne une autre forme de discrimination, de préjudice et de traumatisme causée par la thérapie de conversion.
    J'ai soumis un mémoire écrit à l'appui de mon exposé, et je voudrais également attirer l'attention du Comité sur notre rapport national, intitulé « Conversion Therapy in Canada: A Guide for Legislative Action ». Ce guide présente 15 appuis nationaux émanant de différents organismes du secteur public et représentant la communauté LGBTQ2, des données générales et de recherche. Plus important encore, on trouve dans le guide les points de vue et les récits de ce qu'ont vécu de braves Canadiens qui ont survécu à une thérapie de conversion et qui, à l'exemple de Matt, soutiennent l'adoption d'une loi nécessaire pour mettre fin à cette pratique frauduleuse et abusive.
    Je tiens à féliciter le gouvernement du Canada pour son leadership et son soutien à la lutte contre la thérapie de conversion. Je tiens à préciser que le terme « thérapie » est mal choisi puisqu'il s'agit d'une forme reconnue de coercition et de sévice, qui peut même s'apparenter à de la torture suivant la définition du Centre international pour la réadaptation des victimes de torture et de l'expert indépendant des Nations Unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre.
    J'appuie sans réserve le projet de loi C-6, une mesure législative d'une grande importance pour faire de la sensibilisation à la réalité de la thérapie de conversion et aux préjudices qui en découlent. Le projet de loi offre aux victimes un mécanisme essentiel de protection et de réparation au titre du Code criminel du Canada.
    Le projet de loi livre à l'ensemble des Canadiens un message fondamental concernant la dignité intrinsèque, l'estime de soi et le respect auxquels doivent aspirer toutes les personnes LGBTQ2. Il est fondamentalement inacceptable que quiconque ait à changer qui il est et qui il aime pour être accepté et soutenu par un groupe confessionnel, sa famille et sa communauté.
    Les résultats de la recherche établissent sans appel que la thérapie de conversion est contraire à l'éthique, préjudiciable et dangereuse. La grande majorité des principales associations pour la santé, médicales et professionnelles ont condamné la thérapie de conversion et les pratiques associées.
    Au Canada, une lettre ouverte d'opposition aux thérapies de conversion fondée sur les résultats consensuels de la recherche a été signée par 120 universitaires et experts en politiques publiques, dont 16 éminents titulaires de chaires de recherche.
    Dans la dernière partie de mon exposé, j'aimerais aborder trois aspects essentiels à l'égard desquels des amendements pourraient être proposés au projet de loi C-6. Ces aspects sont l'uniformisation et la clarification de la définition de thérapie de conversion; l'élargissement des mesures de protection prévues dans la législation à tous les adultes, et l'offre de soutien aux victimes et aux survivants des pratiques de thérapie de conversion.
     Tout d'abord, la définition de thérapie de conversion dans le projet de loi C-6 devrait être uniformisée avec celle qui est devenue la norme dans bon nombre de règlements municipaux et lois provinciales ou territoriales interdisant la thérapie de conversion. Plutôt que de mettre l'accent sur des identités particulières ou une orientation directionnelle, les définitions législatives devraient être formulées de manière simple et énoncer les motifs de discrimination explicites qui sont interdits par toutes les lois provinciales et territoriales en matière des droits de la personne en vigueur au Canada.
     Plus particulièrement, le projet de loi C-6 devrait, à l'instar de la Loi canadienne sur les droits de la personne, prévoir des mesures expresses de protection contre toute pratique visant à changer l'orientation sexuelle d'une personne, son identité de genre ou son expression de genre. Des amendements simples permettraient de préciser la définition contenue dans le projet de loi C-6, d'établir sans équivoque que toutes les formes de thérapie de conversion sont interdites et de donner des indications claires quant aux pratiques qui ne sont pas visées et qui sont considérées comme étant acceptables pour aider les personnes à obtenir le soutien nécessaire. L'élément important est que toutes les méthodes doivent être objectives, neutres et dénuées de jugement relativement au résultat, en plus de viser à responsabiliser la personne afin qu'elle fasse elle-même l'effort de trouver et de comprendre son identité.
    Historiquement, les pratiques de thérapie de conversion participent d'une idéologie qui rejette les personnes LGBTQ2 parce qu'elles sont considérées comme des êtres malades, déviants ou qui vivent dans le péché, qu'il faut guérir et ramener dans le droit chemin.
     Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-6 se borne à interdire l'imposition d'une thérapie de conversion à des adultes. Étant donné les preuves irréfutables des préjudices qu'elle cause et de l'absence de résultats de recherche montrant son efficacité, la notion de consentement éclairé ne peut pas être appliquée à la thérapie de conversion. Qui plus est, les préjudices bien documentés et bien connus de la thérapie de conversion constituent des facteurs raisonnables pour empêcher des adultes soi-disant consentants de devenir l'objet de ces pratiques.
    Le gouvernement doit protéger tout le monde contre les préjudices et les dangers connus ou raisonnablement prévisibles. C'est la raison d'être des lois strictes de protection des consommateurs et d'un grand nombre des règlements dans les domaines de la médecine et de la santé au Canada. Il existe des restrictions clairement raisonnables, qui justifient de limiter certaines libertés et certains droits individuels. Pensons seulement au projet de loi no 70 du Québec et à de nombreux règlements municipaux qui s'appliquent aux personnes de tous âges et de tous les groupes.
(1235)
     Et finalement, il est impératif que le gouvernement fédéral travaille avec des survivants et des organisations de la société civile LGBTQ2 en vue d'établir un programme d'éducation et un fonds d'indemnisation pour soutenir les victimes de la thérapie de conversion. Tenter d'obtenir des recours juridiques par l'intermédiaire du Code criminel du Canada s'avère très difficile, et elles ont besoin d'aide.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup, docteur Wells.
    Nous allons maintenant céder la parole au Dr Kenneth Zucker, pour cinq minutes.
     Je vous en prie.
    Je vous remercie de me fournir l'occasion de m'adresser à votre comité.
    Je suis un chercheur et psychologue clinicien. Depuis 1976, j'ai vu en consultation plus de 1 600 enfants et adolescents ayant fait l'expérience de la dysphorie de genre. J'ai présidé un groupe de travail sur les troubles sexuels et de l'identité de genre qui faisait lui-même partie du groupe d'étude constitué en vue de la publication de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'American Psychiatric Association. Je suis l'auteur de plus de 300 articles évalués par les pairs et chapitres de livres sur ce sujet. J'estime donc posséder les antécédents requis pour vous parler de certains éléments du projet de loi C-6.
    D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que j'appuie sans réserve l'idée que les cliniciens en santé mentale ne devraient pas essayer de modifier l'orientation sexuelle d'enfants âgés de moins de 18 ans. Cependant, j'aimerais insister fortement sur le fait que les cliniciens en santé mentale d'aujourd'hui ne s'adonnent pas à de telles pratiques, et que c'est ainsi depuis des décennies. En effet, les cliniciens en santé mentale ne pratiquent pas de thérapie de conversion avec les adolescents, qu'ils soient gais, bisexuels ou lesbiennes.
    En revanche, je désapprouve fortement que l'on insiste davantage dans le projet de loi C-6 sur l'identité de genre des enfants et des adolescents. Depuis que l'État de la Californie a adopté une mesure législative comparable en 2012, on constate un amalgame insidieux de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre. Non seulement le projet de loi proposé tend-il à confondre à tort deux phénomènes psychologiques très distincts, mais il passe aussi complètement sous silence les considérations liées au développement
    Initialement, les critiques des efforts de changement d'orientation sexuelle étaient dirigées vers les tentatives infructueuses de cliniciens de modifier l'orientation sexuelle d'adultes. En alimentant cette confusion au sujet de l'orientation sexuelle, le projet de loi C-6 cible maintenant les cliniciens qui travaillent avec des enfants d'au plus trois ans, et avec leurs parents.
    Selon moi, il s'agit d'une grave erreur. Est-ce que les politiciens se rendent compte de cette confusion? La documentation d'information scientifique fournie au Comité par Phillips et Walker passe complètement sous silence ce que l'on connaît de la thérapie fondée sur des pratiques exemplaires qui est administrée aux enfants et aux adolescents atteints de dysphorie de genre. Aucun clinicien en santé mentale compétent ne tentera de changer l'identité de genre d'un enfant ou d'un adolescent contre la volonté de ce dernier. En effet, les cliniciens compétents considèrent que la meilleure approche thérapeutique consiste à réduire la dysphorie de genre, un diagnostic en santé mentale qui figure dans le DSM-5, et la détresse qui l'accompagne. Il existe divers moyens d'y arriver.
     Voici quel est le problème avec le projet de loi C-6.
     À la division 5, l'article 320.101 proposé définit en partie la « thérapie de conversion » comme suit « s'entend d'une pratique, d’un traitement ou d’un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre... ». Et pourtant, le même article proposé indique que la présente définition n'inclut pas « les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent: à l'exploration ou à la construction de son identité. » Le projet de loi C-6, à l'instar de nombreuses initiatives qui l'ont précédé, est complètement vide de sens pour ce qui est de définir à quoi une telle exploration pourrait ressembler ou ce qu'elle pourrait constituer. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
    Un petit garçon de trois ans exprime un très fort désir d'être une fille. Lorsque ses parents lui demandent pourquoi, il répond qu'il aimerait beaucoup jouer avec des poupées Barbie et porter des robes. Au titre du projet de loi C-6, est-ce qu'un clinicien en santé mentale peut explorer cette croyance avec un enfant comme celui-ci? À titre d'exemple, serait-il acceptable de mentionner que les garçons aussi peuvent jouer avec des poupées Barbie?
     Un autre garçon de sept ans exprime un fort désir d'être une fille. Quand on lui demande pourquoi, il répond que tous les garçons de sa classe sont méchants et brutaux. Au contraire, toutes les filles de sa classe sont douces et gentilles. Il ne veut pas être méchant ni jouer au dur. Au titre du projet de loi C-6, un clinicien en santé mentale pourrait-il examiner les raisons pour lesquelles cet enfant entretient ces croyances? Par exemple, serait-il acceptable de mentionner que tous les garçons ne sont pas nécessairement méchants et durs, et que toutes les filles ne sont pas non plus nécessairement douces et gentilles?
     Une fille de 14 ans exprime un très fort désir d'être un garçon. Cette fille a aussi reçu un diagnostic de trouble du spectre de l'autisme qui comprend notamment une propension à penser en termes binaires. Comme elle ne se sent pas comme les autres filles, elle pense que la seule option pour elle est d'être un garçon. Au titre du projet de loi C-6, un clinicien en santé mentale pourrait-il explorer avec cette adolescente l'idée qu'il existe de nombreuses manières d'être une fille?
(1240)
    Selon moi, le projet de loi C-6 devrait être modifié de l'une des deux façons suivantes. La première consiste à supprimer complètement toute allusion à l'identité de genre et à se limiter à l'orientation sexuelle, qui est la cible initiale de la critique de la thérapie de conversion. Faute de quoi, le projet de loi C-6 devrait faire l'objet d'une révision complète de manière à expliquer la portée exacte qu'il souhaite avoir concernant l'exploration de l'identité de genre ou de son développement — autrement dit, de manière fournir des marqueurs objectifs.
    Une telle révision aiderait tant les cliniciens que les familles qui ont un enfant ou un adolescent faisant l'expérience de la dysphorie de genre à comprendre les intentions réelles de la mesure législative.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons passer maintenant à Pour les Droits des Femmes du Québec.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    J'aimerais d'abord apporter une correction. Je ne suis pas la présidente de l'organisme Pour les droits des femmes du Québec. Je suis représentante du comité de réflexion sur l'identité de genre pour cet organisme.
    Je suis accompagnée du Dr James Cantor, qui a été le conseiller de l'organisme Pour les droits des femmes du Québec concernant un dossier sur l'identité de genre dont je vais vous parler.
    Je donne la parole au Dr Cantor pour qu'il se présente, et je reprendrai ensuite la parole.

[Traduction]

    Je n'ai que quelques mots à dire.
     J'espère que vous appuierez le projet de loi C-6, sauf en ce qui a trait à l'inclusion de l'identité de genre, parce que le projet de loi la met sur le même pied que l'orientation sexuelle.
    En tant que psychologue clinicien et chercheur scientifique, j'offre une aide thérapeutique et je publie sur les neurosciences de la sexualité humaine depuis plus de 25 ans. J'ai notamment aidé de nombreux transsexuels à effectuer avec succès leur transition. J'ai agi à titre de chercheur principal pour le Centre for Addiction and Mental Health, à titre de rédacteur en chef de la revue Sexual Abuse, et de professeur agrégé à l'Université de Toronto. Je suis actuellement directeur du Toronto Sexuality Centre.
    Et finalement, je suis ouvertement gai. J'ai eu la chance de recevoir une thérapie de soutien appropriée pendant mon adolescence, depuis longtemps révolue, et je me sens honoré d'avoir la possibilité de contribuer à ce que les générations futures y aient accès elles aussi.
    Par conséquent, je suis ici aujourd'hui pour vous présenter trois points de vue: celui d'un scientifique, en signalant que cette mesure législative comprend mal le contenu de la science actuelle; celui d'un fournisseur de soins en santé mentale, en indiquant que ce projet de loi aurait un effet dissuasif sur ma propre capacité et sur celle d'autres cliniciens d'agir dans l'intérêt du patient; et celui d'un membre de la communauté LGBT elle-même, en décrivant exactement les répercussions de cette situation sur mes frères et sœurs.
    Merci, je suis impatient de répondre à vos questions.

[Français]

     Je vous remercie, docteur Cantor.
    J'aimerais remercier les membres du Comité d'avoir invité notre organisme, Pour les droits des femmes du Québec, ou PDF Québec.
    En septembre 2019, PDF Québec a reçu un courriel de lapart d'une jeune femme qui nous alertait au sujet des traitements qu'elle avait suivis pour soigner une dysphorie de genre et à propos des répercutions que cela avait sur sa vie, alors qu'elle avait atteint l'âge adulte. Elle m'a demandé de vous lire le témoignage suivant, en son nom:
Durant mon adolescence, mes menstruations étaient si douloureuses et abondantes qu'elles perturbaient mon éducation. Mon médecin ne m'aidait pas à obtenir des soins appropriés. C'est aussi à ce moment que mon trouble de la personnalité limite a fait surface. J'étais connue en psychiatrie après de multiples hospitalisations. J'étais obsédée par l'idée d'être parfaite, et mon apparence me complexait : je ne me sentais pas comme une femme acceptable.

Après avoir été en contact par internet aux identités de genre, j'ai trouvé ma porte de sortie à mes complexes et mes menstruations: transitionner. J'ai eu accès à des bloqueurs d'hormones, de la testostérone, et une mastectomie. L’équipe psychiatrique qui me suivait avaient noté une hausse d'agressivité et aussi les tentatives de suicide. Mais c'était une façon de fuir qui j'étais, plutôt que de m'accepter. J'ai arrêté les hormones après 3 ans, mais certains effets ne sont pas réversibles. Je suis endettée de mes implants mammaires. Le retour en arrière n'est pas aussi accessible que la transition elle-même.
    Cette jeune fille était mineure au moment où elle a subi une mastectomie et de la biomédicalisation. Elle souffrait d'un trouble de la personnalité, qui avait été diagnostiqué avant qu'elle entreprenne ses démarches en vue de recevoir une thérapie d'affirmation de genre. Son cas est malheureusement semblable à celui de nombreuses jeunes filles qui se présentent à ces cliniques de genre. Le Dr Cantor, qui m'accompagne, pourra vous en parler mieux que moi.
    Comment la pratique d'un psychologue qui rencontrera cette jeune fille demain sera-t-elle considérée dans le cadre du projet de loi C-6?
    Est-ce qu'il sera criminalisé s'il s'interroge sur la perception d'un enfant à l'égard de sa condition ou sur son autodiagnostic de dysphorie de genre?
    Les jeunes filles sont deux fois plus touchées que les garçons par la dysphorie de genre. Ce ratio s'est inversé dans les statistiques récentes. Dans le résumé législatif du projet de loi C-6, ce sujet n'est ni abordé ni expliqué.
    Ce matin, nous avons dû changer notre déclaration d'ouverture à la toute dernière minute, et je m'en excuse auprès des membres du Comité ainsi que des interprètes. En effet, il y a trois heures à peine, la BBC a diffusé une nouvelle d'une importance cruciale à ce sujet. Je souhaite vous en faire part.
    La Cour supérieure du Royaume-Uni vient de déclarer aujourd'hui, dans un jugement qualifié d'historique, que les enfants de moins de 16 ans atteints de dysphorie de genre sont peu susceptibles d'être en mesure de donner un consentement éclairé pour suivre un traitement comportant des médicaments qui bloquent la puberté et des hormones de l'autre sexe.
    La jeune Keira Bell, qui a détransitionné à l'âge adulte, vient de gagner sa cause contre le ministère de la Santé, en Angleterre. Or, le ministère de la Santé ne semble pas avoir été inclus dans le processus du projet de loi.
    Je vous remercie de votre attention.
(1245)

[Traduction]

    Merci beaucoup de vos observations.
    Nous allons commencer la première série de questions avec M. Moore, pour six minutes.
    Je vous en prie, monsieur Moore.
    Merci, madame la présidente.
     Je remercie chacun des témoins qui comparaissent aujourd'hui concernant l'étude du projet de loi C-6. Nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de nous faire part de vos points de vue concernant cette mesure législative.
    Pour notre part, nous voulons nous assurer que ce projet de loi sera fait correctement et qu'il aura les effets escomptés.
    Docteur Zucker, j'aimerais vous poser une question. Vous avez mentionné éprouver des difficultés avec la définition qui est donnée dans le projet de loi. C'est un problème que nous avons déjà repéré. Lorsque ce projet de loi a été présenté, le ministre nous a gratifiés de longues remarques destinées à nous renseigner sur ce que la mesure législative ne faisait pas. Il a déclaré que le projet de loi ne vise pas à criminaliser de nombreuses choses, notamment l'expression « des points de vue personnels au sujet de l'orientation sexuelle, de sentiments d'ordre sexuel ou de l'identité de genre... comme lorsque les professeurs, les conseillers scolaires, les conseillers pastoraux, les chefs religieux, les médecins, les professionnels de la santé mentale, les amis ou les membres de la famille fournissent du soutien aux personnes aux prises avec leur orientation sexuelle, leurs sentiments sexuels ou leur identité de genre. »
    Nous commençons à recevoir des commentaires de diverses parties prenantes des quatre coins du Canada. L'une des préoccupations qui a été soulevée est la suivante: si c'est ce que le projet de loi ne vise pas à faire, si c'est bien ce que le ministre dit qu'il ne fait pas, dans ce cas, il faut corriger ou resserrer la formulation et la définition afin qu'elles insistent avec plus de précision sur notre objectif, c'est-à-dire veiller à ce que personne ne soit forcé de subir la thérapie de conversion.
    Pourriez-vous développer un peu plus vos réflexions sur la définition et sur ce que vous considérez comme des lacunes dans la définition dans sa version actuelle? En tant que parlementaires, il nous incombe de faire en sorte que ce projet de loi soit fait correctement. C'est à notre niveau, au sein de notre comité, que nous recevons les commentaires qui nous inciteront peut-être à apporter des modifications susceptibles d'améliorer la mesure législative.
(1250)
    Certainement, je vais essayer de vous répondre.
    Dans le domaine scientifique, il existe une expression appelée « définition opérationnelle ». Elle signifie que l'on utilise un terme précis, et qu'il faut définir le terme en question afin que tous puissent s'entendre sur ce que l'on veut réellement mesurer.
     Le point que je fais valoir concernant le projet de loi C-6 — qui s'apparente à ce que l'on retrouve dans toutes les mesures législatives antérieures, y compris le projet de loi 77 en Ontario — vise l'existence de cette clause « n'inclut pas », dont je vous ai fait lecture. Autrement dit, il n'inclut pas les pratiques, et ainsi de suite, qui se rapportent: à l'exploration (...) de son identité.
    Voilà une description complètement vague. Elle ne fournit pas aux cliniciens de directives claires sur ce que l'on considère acceptable sur le plan de l'exploration. Je pense que cela présente un problème fondamental. Ce n'est pas rassurant pour les parents, parce qu'ils s'inquiètent à l'idée d'être accusés de conduire leurs enfants à une thérapie de conversion, alors que, comme je l'ai déjà dit, n'importe quel clinicien compétent ne va pas essayer de façon coercitive de changer l'identité de genre d'un enfant ou d'un adolescent.
    Au contraire, je pense qu'un clinicien compétent va entreprendre divers genres d'exploration. Le problème avec le projet de loi C-6, c'est qu'il ne définit pas ce qu'il entend par exploration. Je pense que c'est un très grave problème.
    Merci, docteur.
    Cette question pourrait s'adresser tant au Dr Cantor qu'au Dr Zucker.
    Vous affirmez dans vos témoignages que le libellé du projet de loi est trop vague et qu'il est insuffisant, de sorte que l'on ne sait pas ce qui est inclus ou non. Si on sent des réticences de la part du gouvernement... Le ministre a comparu lors d'une séance précédente et je lui ai demandé s'il était prêt à accepter des modifications qui contribueraient à préciser davantage de quoi il est question exactement dans la définition.
    Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous s'inquiète à l'idée que des professionnels de la santé pourraient se montrer réticents à s'occuper de jeunes gens qui essaient de se débrouiller avec, par exemple, la dysphorie de genre?
    Je pense que c'est probablement le résultat le plus probable que l'on obtiendra, c'est-à-dire un certain refroidissement de l'enthousiasme. Les psychologues, en particulier, sont à leur manière, un groupe relativement conservateur. Les gens vont se dire, « Oh, oh », si la situation entraîne des complications. Si les activistes s'expriment beaucoup à ce sujet, si on constate beaucoup de positionnement politique, de nombreux praticiens vont décider simplement de ne pas se mouiller. Ils se cacheront derrière des affirmations comme celle-ci, « Je ne suis pas suffisamment spécialisé dans ce domaine pour m'attaquer à cette question » et ils vont éviter les clients de ce genre.
    Nous allons nous retrouver avec des cliniciens qui, comme vous venez de le dire, vont se dérober. Ils ne seront tout simplement pas prêts à s'attaquer à ce genre de question; il deviendra impossible d'obtenir ce genre de service. En effet, sans une indication claire de ce que l'on entend par « exploration » et sans une définition exacte de cette pratique, n'importe qui pourrait éprouver des réticences à s'engager dans ce genre de pratique avec toute la confiance nécessaire pour venir en aide à son client.
    Dire que l'on va explorer, ou qu'un client est en train d'explorer, son identité de genre revient à affirmer qu'il existe une identité de genre concrète, et que l'on va se contenter d'observer en silence. Mais il n'existe pas d'éléments probants de ce genre en matière d'identité de genre. Les éléments probants existent pour l'orientation sexuelle, mais on ne peut pas traiter l'identité de genre comme s'il s'agissait de la même chose.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à la prochaine série de questions, avec M. Virani, pour six minutes.
    Je vous en prie, monsieur Virani.
    Tout d'abord, monsieur Ashcroft, je tiens à vous remercier. Merci de votre franchise, et merci du courage dont vous faites preuve en vous présentant ici pour nous aider à élucider beaucoup de questions importantes sur lesquelles nous devrons réfléchir.
    Je tiens à exprimer mon acceptation de certaines remarques que j'ai entendues, en particulier du Dr Wells. Même le terme « thérapie » semble ne pas convenir dans les circonstances, étant donné que nous sommes en train de parler d'un traitement forcé, que l'on impose à des personnes. À mon avis, il ne s'agit pas du tout d'une thérapie.
    Ce qui nous guide, surtout aujourd'hui, en cette Journée mondiale du SIDA — et il a été question de la discrimination historique en ce qui concerne cet enjeu pour la communauté LGBTQ2... Donc, ce dont il est question ici, c'est simplement de la liberté d'être ce que vous êtes, et d'aimer qui vous voulez aimer. C'est ce qui guide tous nos travaux.
    Monsieur Wells, j'aimerais vous poser quelques questions, et je vous demanderais de ne pas prendre plus de 30 à 45 secondes pour répondre.
    De mon point de vue, ce projet de loi exprime très clairement ce qui constitue une infraction. Commet une infraction, au titre du Code criminel, et conformément au présent projet de loi, s'il est adopté, quiconque force une personne à subir quelque chose sans son consentement, et ce, peu importe l'âge de cette personne.
    Est-ce que cela est suffisamment clair pour tous, y compris pour les médecins praticiens, monsieur Wells?
(1255)
    Je ne pense pas que le problème ait à voir avec la thérapie de conversion forcée ou les pratiques qui y sont associées, mais plutôt avec cette notion qu'une personne pourrait consentir à ce qui est intrinsèquement une pratique frauduleuse, comme la thérapie de conversion. Il n'existe aucune preuve scientifique à l'appui de l'efficacité d'une pratique visant à changer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Comment pourrait-on consentir à quelque chose n'ayant aucun fondement scientifique et qui repose sur une idéologie anti-LGBTQ? C'est la raison pour laquelle beaucoup de personnes souhaitent l'inclusion des adultes. La notion d'« adultes consentants » est tout à fait absurde.
    En outre, permettez-moi de dire brièvement, que le problème avec le projet de loi, c'est qu'il dit que, dans certains cas, la thérapie de conversion n'est pas acceptable pour les mineurs, mais que dans d'autres cas, elle peut être acceptable pour les adultes. Cette affirmation envoie un message contradictoire au sujet des dommages et des dangers que présente la thérapie de conversion en créant des distinctions artificielles fondées sur l'âge.
    Pour revenir un peu sur le sujet du consentement, je me place du point de vue du médecin praticien. Je suppose que du moment qu'il obtient le consentement du patient — j'imagine que les médecins font ça tout le temps, obtenir le consentement du patient à recevoir divers traitements, qu'il s'agisse de ce traitement ou d'un autre genre de traitement — il serait à l'abri de toute poursuite.
    Est-ce bien cela?
    Étant donné la manière dont le projet de loi est libellé actuellement, et c'est ce qui préoccupe la communauté LGBTQ...
    Prenons l'exemple d'un jeune adulte de 18 à 25 ans, qui se trouve dans une situation de vulnérabilité. Il peut être forcé de suivre une thérapie de conversion en raison des pressions exercées par sa famille, son milieu culturel ou son groupe confessionnel. Il ne consent pas à la pratique, mais il sait quels choix s'offrent à lui: ou bien il suit la thérapie, ou bien il est expulsé de son foyer. Nous savons que la communauté LGBTQ est largement surreprésentée dans la population de sans-abri, et l'une des principales raisons qui expliquent cette situation est le manque d'acceptation des familles.
    Très bien, parlons-en encore un peu, parce que beaucoup de gens ont déclaré que cela allait de quelque manière criminaliser les conversations avec les parents, et ainsi de suite.
    Nous avons entendu parler de l'idée d'une liste. Il en a été abondamment question lors de la dernière réunion avec le ministre. Je suis personnellement d'avis qu'à partir du moment où l'on s'échine à établir une liste, on court le risque d'oublier quelqu'un. On a souligné précédemment que des personnes telles que les professeurs de musique et les entraîneurs de soccer ne figuraient pas dans la liste qui avait été mise en ligne sur le site web à un moment donné.
    Quel danger court-on en établissant une liste plutôt qu'en ciblant une pratique, un traitement ou un service?
     Tout à fait. Comme l'avait dit le ministre minister, ce qui ne figure pas dans la liste devient alors considéré comme permis ou acceptable.
    Je pense que les gens perdent l'objectif de vue dans cette conversation au sujet d'une liste.Si votre pratique consiste à tenir des conversations qui sont objectives et neutres, et qui ne visent pas de résultat prédéterminé, dans ce cas vous n'avez rien à craindre, parce que vous n'êtes pas en train de mener une thérapie de conversion. Il est fréquent que ceux qui se font les plus ardents défenseurs de ce genre de listes ou de ce genre d'exceptions soient ceux qui pratiquent les thérapies de conversion.
    La mesure législative que le gouvernement propose actuellement n'est pas tellement différente de ce qui a été proposé et adopté au Canada dans plusieurs provinces ou territoires, ou encore au niveau municipal. Je pense que ce qu'a fait la Ville de Calgary en constitue un excellent exemple. On a adopté une loi très claire, et une foire aux questions est fréquemment mise à jour et en ligne sur leur site web. C'est dans ce contexte que l'on peut citer des exemples précis afin de montrer comment cette loi pourrait être interprétée en pratique.
    J'approuve l'idée qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer tous ces cas dans la loi.
    Merci.
    J'aimerais m'adresser rapidement à M. Ashcroft. Vous nous avez livré un témoignage très convaincant au sujet de votre expérience personnelle. Nous savions qu'il existe de nombreuses preuves indiquant que les personnes ayant été forcées de suivre une thérapie de conversion font souvent l'expérience de la dépression et peuvent même entretenir des idées suicidaires.
     Pourriez-vous nous en parler, et aussi du caractère aussi important que la vie et la mort que revêt ce genre de traitement? Pourriez-vous nous expliquer aussi comment, en y mettant fin, on pourrait prévenir des tentatives de suicide?
    Je vais vous parler de ma propre histoire. Lorsque je suis allé dans un camp offrant une thérapie de conversion, j'ai vu une personne reconstituer le viol d'une autre personne sous mes yeux. Je n'arrive pas à chasser de mon esprit les cris de l'homme que j'ai mentionné dans mon témoignage. C'est une expérience qui peut entraîner la dépression. Et aussi des idées suicidaires. C'est documenté.
    Il est très inquiétant que l'on doive se retrouver dans des endroits comme celui-ci pour obtenir l'équité et la justice pour les personnes queer, trans et non binaires.
(1300)
    Merci.
    Merci.
    Merci, monsieur Virani.
    Nous allons maintenant passer à M. Fortin, pour six minutes.
    Je vous en prie.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à Mme Gendron de l'organisme Pour le droit des femmes du Québec.
    Madame Gendron, selon ce que je comprends de votre témoignage ainsi que de ceux du Dr Cantor et de l'ensemble des témoins, c'est que vous êtes d'accord sur l'idée d'interdire les thérapies de conversion. Ce que serait le nouvel article 320.101 du Code criminel définit une thérapie de conversion de la façon suivante:
320.101 [...] thérapie de conversion s'entend d'une pratique, d' un traitement ou d'un service qui vise soit à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, soit à réprimer ou à réduire toute attirance [...]
    Cependant, on exclut les pratiques, les traitements et les services qui se rapportent à la transition de genre ainsi qu'à l'exploration et à la construction de l'identité. Ce qui est exclu est assez semblable à ce qui est interdit. C'est aussi ce que je comprends des témoignages, et j'y vois une certaine contradiction.
    Votre organisme ne serait-il pas plus à l'aise à l'idée d'intégrer une exclusion qui permettrait les conversations de bonne foi, qui ne seraient pas interventionnistes, se rapportant à la transition de genre ainsi qu'à l'exploration et à la construction de l'identité?
    Je parle de permettre des conversations de bonne foi qui ne visent aucune intervention, plutôt que de permettre des pratiques, des traitements et des services.
    Non. D'après ce que nous comprenons de l'alinéa 320.101b), les conversations sont visées. Le problème, ce ne sont pas les conversations — enfin, je ne crois pas —, mais plutôt les psychothérapies d'exploration.
    Comme l'ont expliqué le Dr Cantor et le Dr Zucker, les enfants ne doivent pas faire d'autodiagnostic de dysphorie de genre. Ils doivent avoir accès à de la psychothérapie, qui n'inclut pas nécessairement de la biomédicalisation.
    Autrement dit, notre grande préoccupation, c'est que les parents et les enfants puissent avoir accès à des psychothérapies qui n'incluent pas nécessairement de la biomédicalisation. Nous désirons que ces psychothérapies n'incluant pas de biomédicalisation soient permises et non criminalisées par le projet de loi.
    Beaucoup de jeunes filles qui souffrent d'autisme ou de trouble de la personnalité se retrouvent dans des cliniques de genre. Elles représentent une nouvelle clientèle. D'ailleurs, j'aimerais entendre le Dr Cantor à cet égard. Elles font un autodiagnostic de dysphorie de genre. Le projet de loi semble tendre à ce que le psychologue ne puisse que valider cette information, alors que les patientes peuvent souffrir d'autre chose.
    Dans votre mémoire, madame Gendron, vous parlez de ne pas inciter à criminaliser la psychothérapie non affirmative.
    C'est exact.
    Les thérapies de conversion sont permises. Elles sont interdites quand elles sont effectuées contre le gré de la personne ou quand elles s'adressent à une personne mineure.
    De ce que je comprends de votre position par rapport à une personne mineure, par exemple, vous souhaitez qu'elle puisse avoir accès à de la psychothérapie, mais à de la psychothérapie non affirmative, qui ne viserait pas à modifier son identité de genre ou son orientation sexuelle.
    Est-ce que j'ai bien compris?
    Non, vous n'avez pas bien compris. Excusez-moi.
    Vous n'avez pas à vous excuser pour cela.
    À l'opposé de la psychologie non affirmative, la psychologie affirmative valide d'emblée l'identité de genre que présente l'enfant, et elle propose tout d'abord la transition sociale, puis les bloqueurs de puberté, les hormones de l'autre sexe et, peut-être, pour finir, la chirurgie. Ce que nous proposons, c'est que les parents et les enfants puissent avoir accès à cela. Nous craignons que tout ce qui n'est pas « thérapie affirmative » et qui ne valide pas d'emblée l'identité de l'enfant soit étiqueté « thérapie de conversion ». Voilà ce que nous considérons comme un grand problème à propos de ce projet de loi.
    Bien évidemment, nous sommes absolument contre les thérapies de conversion telles que celle que M. Ashcroft a subie. Toutefois, il ne faut pas confondre l'orientation sexuelle et l'identité de genre. L'identité de genre, c'est un diagnostic de santé mentale qui donne lieu à des thérapies, qui demande des thérapies. L'homosexualité n'est pas un diagnostic de santé mentale. Ce n'est pas du tout le cas.
(1305)
    D'accord.
    Vous souhaitez donc que les gens puissent avoir accès à des services de psychothérapie. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Est-ce que vous seriez prête à aller jusqu'à de la psychothérapie qui viserait à influencer l'identité de genre ou l'orientation, mais pas nécessairement dans le sens de l'identité de l'individu. Ce n'est pas clair pour moi, ce que vous souhaitez ou pas par rapport à cela.
    Ce que nous souhaitons, c'est que les parents et les enfants puissent choisir la psychothérapie, qu'ils puissent avoir la possibilité de choisir une thérapie affirmative et que le gouvernement n'interdise aucun choix.
    Quand on choisit la psychothérapie, c'est que l'on ne veut pas que l'enfant ait nécessairement de la biomédicalisation. On ne veut pas qu'il soit dirigé automatiquement vers une validation. Ce sont des enfants qui souffrent. La moitié de ces enfants qui vont en clinique du genre souffrent aussi de ce qu'on appelle de la comorbidité, c'est-à-dire qu'ils souffrent aussi d'une autre maladie mentale. Vous pouvez demander au Dr Cantor ou au Dr Zucker de valider ces chiffres.
    C'est sur le consentement de l'enfant et son auto-identification qu'il faut s'interroger. Ce que nous voulons, c'est que le psychologue puisse l'aider à déterminer les causes de sa souffrance, que le psychologue puisse l'aider à comprendre sa souffrance.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Je vous remercie, madame Gendron.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Maintenant, c'est le tour de M. Garrison pour six minutes. Je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Et merci à tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je tiens à remercier tout particulièrement M. Ashcroft pour ses aimables paroles du tout début. Je veux lui dire que l'un des privilèges qui se rattachent au rôle de député est que l'on a souvent l'occasion de rencontrer des personnes comme lui qui sont incroyablement braves et incroyablement déterminées à raconter leur histoire afin que le monde devienne un meilleur endroit pour les autres. Alors, je le remercie de sa présence ici aujourd'hui et pour ses activités de sensibilisation. Je sais que ce n'est pas facile.
    Je pense vraiment que notre comité devrait accorder un peu plus de temps aujourd'hui pour entendre la voix des survivants. J'aimerais demander à M. Ashcroft qui, je le sais, travaille auprès d'un groupe de survivants, de nous parler de ce groupe et des besoins réels exprimés par les membres de ce groupe.
    Je vous remercie infiniment de votre question. Je vous en suis très reconnaissant. J'avais abordé le sujet dans ma déclaration.
    Essentiellement, nous avons fondé ctsurvivors.org, qui est une organisation où des survivants de la thérapie de conversion d'un peu partout au Canada et aux États-Unis peuvent se rencontrer. Nous collaborons avec Brave Network, à Melbourne, parce que cette organisation fait la même chose que nous.
    Nous cherchons à obtenir du soutien pour les survivants, des recherches plus poussées sur le sujet, un espace de guérison où célébrer l'amitié, et la santé mentale. Notre organisation compte quelques cliniciens. Et nous pouvons aussi compter sur une équipe juridique qui vient en aide aux survivants.
    Merci.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des difficultés communes que doivent affronter les survivants à la suite d'une thérapie de conversion?
    Les survivants éprouvent beaucoup de difficultés dans leurs relations et sur le plan relationnel en général.
    Je me réjouis d'avoir pu bénéficier de séances hebdomadaires de counselling dès le début. Ces séances m'ont aidé à intégrer ce par quoi je suis passé. Beaucoup de survivants n'ont pas d'argent et ne reçoivent pas d'aide. Lorsque l'on travaille avec des personnes ayant subi des traumatismes, je pense qu'il est très important de réaliser qu'il faudra être patient, et qu'il pourrait même arriver qu'elles ne guérissent jamais de ce traumatisme.
    Nous nous efforçons de créer un endroit sûr pour les survivants, et nous espérons recevoir votre appui
(1310)
    Je vous remercie.
    La dernière chose que j'aimerais vous demander, en tant que porte-parole des survivants — et je sais que vous avez indiqué quelques chiffres — c'est si vous pourriez nous donner une idée du nombre de personnes qui font encore l'objet de diverses formes de thérapie de conversion.
    Je pense que les Canadiens raisonnables vont probablement se dire, « Mince, ce genre de choses ne doit sûrement plus se produire aujourd'hui ».
    Au contraire. Bref, un article du magazine VICE a fait état de quelques allégations de pratiques de thérapie de conversion qui se dérouleraient à Kingston, en Ontario. Il faut donner la parole à ceux qui dénoncent de telles pratiques, parce qu'on ne les entend pas assez, et ces pratiques échappent aux mailles du filet.
    Merci.
    Je vais maintenant revenir au Dr Wells sur la question du consentement, parce que je pense qu'il a apporté une très importante contribution à nos travaux.
    Le ministre a déclaré craindre une contestation fondée sur la Charte. Pensez-vous, docteur Wells, que ces craintes sont fondées et que l'on est justifié de s'attendre à ce que de telles plaintes soient accueillies au motif que le consentement serait possible?
    Non, je ne partage pas ces inquiétudes. Et les juristes que j'ai consultés non plus, et cela inclut ceux qui ont déjà présenté des arguments devant la Cour suprême du Canada sur des enjeux de la communauté LGBTQ.
    Très simplement, c'est parce que toutes les grandes associations de professionnels de la santé et du monde médical ont répété à maintes reprises que des recherches montrent clairement que cette notion de thérapie de conversion n'a aucun fondement scientifique. Elles ont dénoncé cette pratique tout aussi clairement. En revanche, nous connaissons les dommages et les dangers qui s'y rattachent.
    Je pense que le meilleur moyen de décrire la thérapie de conversion c'est de dire que ce n'est rien d'autre qu'un dangereux mensonge. Il s'agit d'une pratique abusive, frauduleuse, coercitive, aussi l'idée même qu'une personne puisse accorder son consentement à suivre un traitement qui ne donne aucun résultat... Le gouvernement restreint divers types de comportements chez les adultes. Ainsi, vous ne pouvez pas conduire votre voiture sans attacher votre ceinture de sécurité. Cela fait peut-être partie de votre liberté d'expression, mais nous savons que ce n'est pas seulement pour vous protéger personnellement, mais aussi pour protéger les autres.
    Il existe un irréfutable intérêt du point de vue de la santé publique pour que cette mesure législative englobe les adultes. C'est un peu ce qu'a fait le Québec dans son projet de loi — le projet de loi 70 qui est actuellement à l'étude — et bon nombre de municipalités des quatre coins du Canada veillent à ce que leurs propres mesures législatives couvrent tous les âges.
    Super.
    Me reste-t-il encore du temps, madame la présidente?
    Il vous reste une minute, monsieur.
    Je souhaite m'adresser au Dr Zucker et revenir sur sa préoccupation au sujet de ce que l'on entend par « exploration ».
    Je me demande, et de nombreuses personnes en ont fait la remarque... Si nous ne devrions pas remplacer « exploration » par une expression un peu plus précise. Nous pourrions utiliser une formulation du genre, sont permis « l'exploration et le développement d'une identité personnelle intégrée, sans favoriser une orientation sexuelle, une identité de genre ou une expression de genre en particulier ». Est-ce le genre de formulation qui pourrait vous convenir, docteur Zucker, pour rendre cette partie du projet de loi plus précise?
    C'est un peu mieux, mais c'est toujours insatisfaisant.
    Je pense que si les politiciens souhaitent sérieusement déterminer ce qui serait acceptable pour les praticiens cliniciens, il faudrait qu'ils mettent cette section du projet de loi sur pause et qu'ils réunissent un groupe d'experts dans le domaine de la dysphorie de genre afin qu'ils puissent produire une directive unanime sur ce que constitue exactement l'« exploration ».
    À défaut de cela, l'ambiguïté créera beaucoup d'anxiété.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison. Votre temps est écoulé.
    On dirait que c'est tout le temps que nous avions à notre disposition aujourd'hui. Au nom de notre comité, j'aimerais remercier les témoins de leur présence et de leurs témoignages très convaincants.
    Je suis impatiente de recevoir les mémoires écrits que vous avez fournis ou que vous nous fournirez plus tard. Merci à vous tous.
    La séance est levée.
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