Soyez les bienvenus à la 35e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Nous poursuivons l'étude de la maltraitance des aînés.
Très rapidement, avant d'entrer dans les détails, veuillez, chers membres et chers témoins, prendre note des services d'interprétation pour la séance. Dans le bas de l'écran de votre ordinateur, vous trouverez l'icône d'un globe et le choix de la langue d'écoute. Il vous est loisible de vous exprimer dans la langue officielle de votre choix.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous l'aie nommément accordée. Veuillez également activer votre micro. Un débit lent et une prononciation claire faciliteront le travail des interprètes. À la fin de votre prise de parole, veuillez désactiver votre micro.
Je vous rappelle d'adresser toutes vos observations à la présidence. Dans la constitution de la liste des intervenants, notre greffier et moi-même, nous ferons de notre mieux pour n'oublier personne.
Avant d'accueillir les témoins, je tiens à informer très rapidement les membres du Comité d'un incident survenu à la dernière séance, celle du jeudi 13 mai. En raison de difficultés techniques, l'enregistrement de deux parties ne s'est pas fait normalement et n'a pas pu être entendu sur ParlVU. À la place, on entendait un bruit blanc. L'incident est survenu pendant que MM. Moore et Virani questionnaient des témoins. Le bruit blanc dure 11 minutes en tout.
Malheureusement, nos services techniques ne pourront vraisemblablement pas récupérer l'enregistrement manquant. Le directeur des Comités devrait nous expliquer par lettre ce qui s'est produit. Déjà, nous avons reçu de plusieurs personnes l'assurance qu'on fera tout pour éviter la répétition de cet incident.
J'invite les membres, s'ils ont des [Difficultés techniques] témoins.
Très bien. Comme je n'entends aucune observation, poursuivons…
:
Très bien. Merci beaucoup.
Quelqu'un d'autre a-t-il des observations? Il semble que non.
Invitons nos témoins et remercions-les d'être ici.
[Français]
Nous accueillons l'Association du Barreau canadien, représentée par Jessica L. Lyle, présidente, Section du droit des personnes aînées, ainsi que par Jody Berkes, président, Section de la justice pénale.
[Traduction]
Nous accueillons également les représentantes de CanAge: la présidente-directrice générale, Mme Laura Tamblyn Watts; l'agente de la politique, Mme Haley Mason.
[Français]
Nous recevons aussi le Réseau FADOQ, représenté par Gisèle Tassé-Goodman, présidente du Secrétariat provincial, et par Danis Prud'homme, directeur général du Secrétariat provincial.
[Traduction]
Avant les déclarations préliminaires, il faut que j'attire votre attention sur les cartes que je vous montrerai pour vous signaler qu'il vous reste une minute ou 30 secondes pour votre déclaration.
Entendons d'abord l'Association du Barreau canadien.
Vous disposez de cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
:
Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je me nomme Jessica Lyle. Je suis la présidente de la section du droit des personnes aînées de l'Association du Barreau canadien. Je suis accompagnée de M. Jody Berkes, président de la section justice pénale de notre association. Je vous remercie d'avoir invité notre association à participer à votre étude de la maltraitance des aînés.
Je me trouve sur le territoire traditionnel des Micmacs, visé par les traités de paix et d'amitié que les Micmacs et les Malécites ont signés avec la Couronne britannique en 1725.
L'Association du Barreau canadien est une association nationale de plus de 36 000 avocats, notaires, professeurs de droit et universitaires, dont un des mandats importants est de chercher à améliorer la loi et l'administration de la justice. C'est ce qui nous amène ici, aujourd'hui.
Nous félicitons le gouvernement fédéral pour son appui accordé aux Canadiens âgés, dans le budget fédéral de 2021. Cet appui fait suite aux récents appels de notre association à l'amélioration des soins de longue durée, y compris à la création d'une stratégie canadienne de lutte contre la maltraitance des aînés.
Nous ne venons pas recommander de modifications au Code criminel. Néanmoins, le Parlement a un rôle essentiel dans la lutte contre la maltraitance des aînés. Nous recommandons la stratégie canadienne, à commencer par les cinq points suivants :
Premièrement, édicter des normes minimales universelles pour les établissements de soins de longue durée. Ces normes, si elles sont claires, garantiront aux membres les plus vulnérables de notre société les soins dont ils ont besoin. De plus, si un établissement omettait de s'y conformer, elles serviraient de preuve éclatante, en vue d'éventuelles poursuites.
Deuxièmement, la police doit reconnaître que la maltraitance des aînés est un crime et non une affaire privée entre individus ou membres d'une famille.
Troisièmement, donner une formation spéciale et appropriée à la police et aux avocats de la Couronne en vue de poursuivre les cas de maltraitance d'aînés. Il faudrait également envisager un système spécialisé de gestion des cas, y compris le recours à des mesures d'adaptation pour le témoignage.
Quatrièmement, responsabiliser les entreprises qui ne préviennent pas la maltraitance des aînés dans leurs établissements. Les articles 22.1 et 22.2 du Code criminel prévoient que, non seulement on peut accuser des individus, mais, pour les mêmes infractions, on peut tenir responsables les entreprises qui les emploient.
Cinquièmement, augmenter les ressources destinées à la sensibilisation et au soutien de la communauté. Par exemple, les ressources destinées à l'aide juridique et les cliniques spécialisées sont extrêmement peu nombreuses au Canada, puisqu'on y compte seulement deux cliniques permanentes: une à Vancouver et l'autre à Toronto.
M. Berkes abordera à son tour d'autres questions.
Les infractions criminelles énumérées dans notre mémoire visent déjà des activités qui se rangent dans la catégorie de la maltraitance des aînés. De plus, certaines des infractions, par exemple le vol par une personne détenant une procuration en application de l'article 331 du Code criminel, touchent déjà un aspect unique en son genre de la vulnérabilité des personnes âgées. Nous croyons que l'accroissement des ressources et de la formation sur l'application de la loi combat mieux la maltraitance des aînés que l'invention de nouvelles infractions.
L'un des problèmes les plus les importants, dans la maltraitance des aînés, est la vulnérabilité des plaignants enfermés dans un rapport de force très asymétrique. Le Code criminel prévoit déjà plusieurs moyens pour aider le témoignage des témoins vulnérables — par exemple la présence, dans le tribunal, de personnes de confiance, l'autorisation de témoigner par télévision en circuit fermé, conformément à l'article 486.2 du Code, et l'autorisation, prévue dans le même texte, d'employer une déclaration sur vidéo comme témoignage principal —, pourvu qu'ils s'en prévalent au moment du procès, ce qui est prévu à l'article 715.2 du Code criminel.
Nous notons que l'Advocacy Centre for the Elderly et CanAge ont proposé à votre comité la création d'une nouvelle infraction. Or, elle est déjà couverte par l'infraction de négligence criminelle causant des lésions corporelles ou la mort. De plus, la vulnérabilité des plaignants, dans le système de justice pénale, fait l'objet du mécanisme qui, dans les conditions de libération, interdit le contact entre l'accusé et le plaignant. De même, toute tentative d'intimidation ou de dissuasion d'un plaignant, pour l'empêcher de témoigner, est déjà sanctionnée par le Code criminel.
La maltraitance et la négligence des aînés sont souvent citées comme des marqueurs de la violence intrafamiliale d'il y a 20 ans, quand la politique qui permettait de les combattre était encore à naître et que les avocats de la Couronne et la police ne possédaient pas une compréhension, des outils ou des orientations claires qui suffisaient pour s'attaquer à la dynamique de pouvoir et du contrôle en jeu dans le couple formé de la victime et de son bourreau. Une meilleure connaissance de la violence intrafamiliale a conduit à l'amélioration des moyens. Nous proposons la même démarche pour combattre la maltraitance des aînés.
Merci encore de votre invitation. Nous attendons avec impatience de répondre à vos questions.
:
Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, merci beaucoup.
Je me nomme Laura Tamblyn Watts. Je suis la présidente et directrice générale de CanAge, une organisation nationale canadienne qui prend la défense des personnes âgées. Pancanadien, impartial, sans but lucratif, notre organisme milite pour les droits et le mieux-être des Canadiens, à mesure qu'ils prennent de l'âge, pour les faire profiter d'une vieillesse active, en contact avec la société.
Je suis accompagnée de Mme Haley Mason, notre agente de la politique. Je prononcerai le début de notre déclaration préliminaire, qu'elle conclura. Nos observations porteront sur trois domaines importants: la réforme de la justice pénale; la prévention et la sensibilisation; les interventions et la recherche.
Notre première recommandation est de créer un chef d'accusation, dans le Code criminel, pour maltraitance et négligence d'une personne âgée. Depuis plus de 20 ans, j'étudie les effets de la criminalité dans la maltraitance des aînés, et peu d'arguments viennent contredire cette recommandation. Sans vouloir offenser mes confrères et consœurs, j'estime qu'il est temps de le faire. Dans la lutte contre la maltraitance et la négligence des aînés, on a peu fait intervenir la police, on a porté peu d'accusations, et le système de justice pénale a été mis à contribution de façon minimale. Or, à l'opposé, on constate une irritation dans le public et chez les agents, faute des outils nécessaires pour réagir convenablement à la propagation et aux répercussions croissantes de la maltraitance et de la négligence. Des lacunes sont évidentes.
Il importe de créer une disposition, dans le Code criminel, pour faciliter le dépôt d'accusations contre des types de comportements de maltraitance ou de négligence qui ne se rangent pas carrément dans les dispositions en vigueur ordinairement mises en évidence. Il faut tout simplement combler les lacunes qui se trouvent dans le Code criminel et qui correspondent à la maltraitance et à la négligence des aînés. Même si l'existence d'un chef d'accusation contre ces infractions est importante pour la dissuasion, elle annonce sans équivoque que la maltraitance de personnes âgées vulnérables n'est pas uniquement du ressort du droit civil. Elle met en place des conditions permettant de porter des accusations multiples.
L'article 215, souvent cité, sur l'omission de remplir l'obligation de fournir les choses nécessaires à l'existence, est très rarement invoqué. Dans le contexte de la maltraitance et de la négligence des aînés, ce chef d'accusation n'est ordinairement porté que dans les circonstances les plus extrêmes et les plus graves, comme abandonner une personne âgée dans un garage non chauffé pour qu'elle meure de faim et de septicémie causée par des lésions non traitées. Le plus souvent, la maltraitance de personnes âgées concerne la limitation ou la diminution de leur liberté, l'intrusion dans leur vie privée et des formes prédatrices de suivi de leurs mouvements, de manipulation psychologique et de coercition.
CanAge a eu l'avantage d'examiner les propositions de l'Advocacy Centre for the Elderly et appuie l'idée d'en tenir compte pour les nouveaux chefs d'accusation d'exposition criminelle au danger. Mais CanAge voudrait attirer l'attention sur le projet de loi , récemment étudié par votre comité, sur la conduite contrôlante et coercitive.
Je laisse ma collègue Mme Mason poursuivre.
Nos prochaines recommandations concernent la prévention de la maltraitance et de la négligence des aînés et la sensibilisation à ces problèmes.
La recommandation B.6 concerne le financement. Il faut un financement soutenu et approprié pour réagir aux cas de maltraitance et de négligence des aînés qui soit égal à celui des interventions contre la violence intrafamiliale. Fournir particulièrement un soutien et un financement spécialisés au Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés et à d'autres organismes de sensibilisation et d'intervention contre la maltraitance et la négligence des aînés.
La recommandation 7.B concerne la sensibilisation. Appuyer et mettre en oeuvre une stratégie nationale d'intervention contre la maltraitance des aînés. Dans le cadre de la stratégie nationale d'intervention contre la maltraitance des aînés, intégrer les nouvelles dispositions du Code criminel, y compris des campagnes de formation et de sensibilisation.
La recommandation 8.B concerne la communication de données. Exiger des organismes fédéraux, des organismes recevant un financement fédéral ou des organismes sous réglementation fédérale qu'ils recueillent des données regroupées sur la maltraitance et négligence des personnes âgées et le vécu de personnes âgées appartenant à des groupes d'âge plus étroits. La catégorie 65 ans et plus est un groupe trop nombreux, et des données désagrégées devraient également englober d'autres caractéristiques déclarées par les intéressés, pour mieux comprendre les répercussions de la marginalisation et des discriminations croisées chez ces personnes.
Maintenant, en ce qui concerne les interventions et la recherche.
La recommandation 9.C concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Modifier cette loi pour permettre aux institutions financières de mieux signaler les cas de maltraitance. Modifier le sous-alinéa 7(3)d.3 pour: a) définir la notion de maltraitance financière des aînés et celle de capacité mentale; b) actualiser la liste des personnes à qui la divulgation peut-être faite; c) créer un lien avec les interventions des provinces et des territoires.
La recommandation 10.C concerne la recherche. Publier l'étude pionnière de recherche sur la maltraitance des aînés intitulée Into the Light, de Lynn McDonald, livrée au gouvernement en 2015-2016. Ce rapport capital a été financé par le gouvernement canadien, avec le financement supplémentaire des provinces et des territoires. C'était la plus grande étude faite au Canada sur la maltraitance et la négligence des aînés et l'une des plus importantes à l'échelle mondiale, par sa taille et son influence. Mais, pour des raisons inconnues, elle n'a jamais été officiellement publiée. On peut en trouver une petite partie en ligne.
De plus, le gouvernement du Canada doit investir dans la recherche pour mieux comprendre les phénomènes de maltraitance et de négligence des aînés et y réagir, y compris par le financement du réseau de l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (INSPA).
Merci.
:
Madame la présidente, je vous remercie.
Mesdames et messieurs les députés, je me nomme Gisèle Tassé-Goodman et je suis présidente du Réseau FADOQ. Je suis accompagnée de M. Danis Prud'homme, directeur général de notre organisation.
J'aimerais d'abord remercier les membres du Comité de cette invitation.
Le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte plus de 550 000 membres. Dans chacune de nos représentations politiques, nous souhaitons contribuer à l'amélioration de la qualité de vie des aînés. Tristement, nous devons parler encore une fois du fléau de la maltraitance à l'endroit des personnes aînées.
Dans le cadre de la crise de la COVID-19, les gestes et paroles teintés d'âgisme se sont multipliés. Notre organisation a d'ailleurs transmis une correspondance à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, puisque les droits et libertés des aînés avaient été sérieusement escamotés avec le confinement et que les invectives liées à l'âge étaient nombreuses.
Nous pensons notamment à la déclaration publique de Patrick Lévy, propriétaire de l'Olympia de Montréal, selon qui les personnes de 65 ans et plus ne devraient pas être admises aux spectacles et événements en salle afin de favoriser une reprise rapide de ce secteur d'activité. Ce type de déclaration est inadmissible, inconcevable et, bien sûr, intolérable.
Bien que la discrimination en fonction de l'âge soit interdite par la Charte des droits et libertés, trop peu de signalements sont effectués à ce sujet. De nombreuses personnes ne sont pas conscientes qu'elles subissent de l'âgisme ou n'ont pas le courage d'entamer des démarches à ce sujet. Il importe que le gouvernement fédéral mène une campagne nationale de communication afin de parler de cette forme de discrimination ainsi que des recours possibles pour les victimes.
La discrimination en fonction de l'âge est fréquente chez les travailleurs d'expérience. Les invectives sont nombreuses, et l'organisation du travail est peu adaptée aux besoins de ces travailleurs, qui font les frais d'un déficit de formation continue. Les statistiques démontrent que le taux de chômage augmente avec l'âge, ce qui est révélateur de difficultés particulières pour ces travailleurs. Notre organisation souhaite que les gouvernements soutiennent plus activement les travailleurs d'expérience afin de favoriser leur maintien sur le marché du travail. Les mesures mises en place doivent concerner la formation continue, les services d'orientation et la réinsertion au bénéfice de ces travailleurs.
La maltraitance de toute nature doit être condamnée et châtiée. Puisque la maltraitance est fréquemment l'acte d'un proche d'une personne aînée, il importe de faire en sorte que les victimes soient sensibilisées à cette question. Au moyen d'un financement gouvernemental, des ateliers pourraient être offerts par des organismes afin que les personnes aînées puissent reconnaître les situations inadmissibles. Cette sensibilisation doit s'effectuer prioritairement dans les milieux de vie pour aînés et les lieux fréquentés par les aînés. Il est également possible d'aborder ce sujet sous un angle des meilleures pratiques. Notre organisation met beaucoup l'accent sur la bientraitance. Il s'agit d'un concept qui vise le bien-être et la sécurité de la personne.
Finalement, le Réseau FADOQ souhaite aborder la question de la maltraitance organisationnelle. Ce concept fait référence à toute situation préjudiciable qui est créée ou tolérée par les procédures d'organisations responsables d'offrir des soins ou des services, et qui compromet l'exercice des droits et des libertés des personnes. Depuis un certain nombre d'années, le système de santé québécois est constamment sous tension. Le manque de ressources humaines, les réformes successives et le manque d'investissements dans le système font en sorte que les patients n'ont pas accès à des soins et des services de qualité.
Néanmoins, le financement des soins de santé des provinces et des territoires accapare 40 % de leur budget, alors que le gouvernement canadien ne finance que 22 % de ces dépenses. Il importe que le gouvernement fédéral aide de manière plus importante les provinces et les territoires, qui peinent à supporter le poids et l'augmentation des dépenses dans le domaine de la santé. Les avancées médicales et le vieillissement de la population accroîtront les dépenses en soins de santé pour les provinces et les territoires. Afin de rattraper ce sous-financement, le Réseau FADOQ demande au gouvernement fédéral d'indexer le transfert canadien en matière de santé de 6 % annuellement. Il serait également pertinent d'inclure une variable tenant compte du vieillissement de la population des provinces et des territoires dans le calcul des sommes qui leur sont allouées.
J'aimerais remercier les membres du Comité de nous avoir écoutés. Mon collègue M. Danis Prud'homme répondra aux questions. Je conserve le privilège d'y répondre également.
:
Avec votre permission, madame la présidente, je peux répondre à cette question.
Je vous remercie de cette question très importante sur l'application de la loi.
Le Code criminel sert à l'application de sanctions justes à ceux qui commettent des infractions criminelles. Il y a 20 ans, à titre d'exemple, il était fréquent, dans le contexte de la violence conjugale entre un homme et son épouse, dans un couple ou entre partenaires, que la police intervienne pour séparer les parties en leur disant qu'elles devaient régler cela entre elles. Trop de victimes vulnérables ont ainsi été mises à risque de subir d'autres violences. La violence était balayée sous le tapis et cachée du public. Ce n'est qu'après les efforts concertés des provinces, des organismes d'application de la loi et des groupes de défense des droits pour mettre ces cas de violence en lumière qu'on a commencé à intenter des poursuites en vertu du Code criminel. Aujourd'hui, de tels actes font l'objet de poursuites vigoureuses.
On peut dire la même chose par rapport aux mauvais traitements à l'égard des aînés. Pendant trop longtemps, la police arrivait, faisait une enquête, parlait à l'une des parties — généralement la partie qui exerçait un contrôle sur le plaignant dans l'affaire, l'aîné —, puis disait que la personne était atteinte de démence, par exemple. On ne prenait pas la peine de retirer la victime potentielle de la situation pour lui parler seul à seul, changer la dynamique de la discussion en tenant compte de sa peur de dénoncer et de nommer son agresseur et lui donner l'occasion de dire qu'elle craint pour sa vie ou sa sécurité.
Nous devons offrir aux agents chargés de l'application de la loi une formation sur la façon de poser les questions pertinentes de la bonne manière pour obtenir cette preuve. Ensuite, il faut une volonté de porter des accusations, et non de considérer cela uniquement comme une affaire familiale privée dans laquelle les policiers se contentent de dire « Bon, bon, calmez-vous. Allez chacun de votre côté quelques minutes. Quand vous serez calmés, nous partirons. » Ces affaires doivent faire l'objet d'une enquête adéquate, puis de poursuites vigoureuses. Voilà le contexte dont je parle.
Merci.
:
Merci, madame la présidente, et merci à tous nos témoins d'aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Berkes, de l'Association du Barreau canadien.
[Français]
Dans votre présentation, vous avez indiqué que, à votre avis, le Code criminel était suffisant pour s'attaquer à la maltraitance envers les aînés.
Effectivement, parfois, quand on veut être trop précis, on peut passer à côté de l'objectif. Cependant, pensez-vous qu'il devrait quand même y avoir quelques modifications au Code criminel pour mieux répondre au problème dont nous discutons ce matin?
:
Madame la présidente, je vous remercie de la question.
Je suis désolé si je me suis mal exprimé tout à l'heure. Pour être clair, je ne crois pas qu'il est nécessaire de modifier le Code criminel. Il faut une application plus vigoureuse des infractions qui existent déjà.
Comme la députée l'a souligné à juste titre, l'élaboration d'infractions trop précises risque de créer des échappatoires, de sorte que des coupables pourraient être disculpés si nous ne parvenons pas à satisfaire à ces critères précis en raison de ce que le public considère comme un détail technique, mais qui, en réalité, est... La législation en matière criminelle est toujours construite et appliquée de manière stricte, car il est question de droits fondamentaux, notamment la liberté d'un accusé.
Je tiens à souligner que l'infraction proposée par CanAge et d'autres organismes de défense des droits est identique à l'infraction de négligence criminelle. Je peux vous dire qu'aux termes de cette infraction, est condamnable de négligence criminelle quiconque, soit en faisant quelque chose, soit en omettant de faire quelque chose qu'il est de son devoir d'accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
Cette infraction est taillée sur mesure pour intenter des poursuites dans les cas de mauvais traitements à l'égard des personnes âgées. Les établissements de soins de longue durée sont tenus par la loi de répondre aux besoins de leurs clients. Cette infraction criminalise précisément le fait d'agir ou d'omettre d'agir d'une manière qui cause un préjudice à autrui. En vertu des articles 22.1 et 22.2 du Code criminel, ce n'est pas seulement l'auteur de l'infraction qui pourrait être criminellement responsable, mais aussi l'organisme pour lequel il travaille. Cette mesure législative a été adoptée dans la foulée de la tragédie de la mine Westray, dans l'Est du pays. Elle permet de poursuivre également les sociétés. Si vous voulez régler le problème des activités axées sur le profit, vous devez être en mesure d'intenter des poursuites contre ces sociétés.
Je m'excuse si je n'ai pas été clair auparavant. Le Code criminel comprend tous les outils nécessaires. Ce qu'il faut, c'est la volonté et la formation nécessaires pour utiliser ces dispositions et porter des accusations dans les affaires de mauvais traitements aux personnes âgées.
Merci.
:
Je vous remercie de votre question.
Nous nous sommes rendu compte d'un problème très important, à savoir que les gens se sentaient très isolés. C'est notamment parce qu'on a cessé temporairement de prodiguer des soins à domicile le temps de régler les consignes sanitaires. Malheureusement, cette pause temporaire est devenue très longue.
Les trois quarts des gens qui recevaient des soins, soit la majorité d'entre eux, ont vu leur situation s'aggraver, parce qu'ils n'ont pas reçu les soins nécessaires et parce que certaines choses de base qu'ils ne pouvaient pas faire eux-mêmes n'ont pas été faites.
On a assisté par la bande à ce qu'on peut appeler une maltraitance organisationnelle. Étant donné qu'on n'a pas pris soin des gens et qu'on a cessé de leur prodiguer des soins, la santé de certains d'entre eux s'est détériorée, tant sur le plan émotionnel que sur le plan physique.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins qui sont ici aujourd'hui. Leur présence et leurs témoignages sont précieux et vont nous éclairer dans le cadre de nos travaux à venir. La maltraitance envers les aînés n'est pas un sujet banal.
Mes questions s'adressent aux représentants de la FADOQ.
M. Prud'homme a répondu à la dernière question, mais je suis également intéressé par ce que Mme Tassé-Goodman a dit. Effectivement, la question de l'augmentation des transferts en santé a toujours été prioritaire et essentielle, mais je pense que la pandémie a mis en exergue les manques majeurs de financement du système de santé et des systèmes sociaux en général. Je suis heureux d'entendre ce témoignage, qui m'apparaît pertinent et judicieux.
Cela dit, nous traitons de la question de la maltraitance envers les aînés relativement aux services à offrir, mais également en vue de déterminer s'il faut ou non adopter de nouvelles dispositions au Code criminel pour pénaliser les situations inacceptables que vivent nos aînés.
Vous avez probablement entendu le témoignage des représentants du Barreau canadien, qui nous disent que, à leur avis, les dispositions nécessaires sont déjà prévues au Code criminel. Je peux comprendre leur position. Selon eux, il faut trouver une façon de les mettre en application et peut-être offrir de la formation aux différents acteurs du système judiciaire, soit les juges, les avocats et ainsi de suite. C'est un point de vue intéressant. J'aimerais entendre Mme Tassé-Goodman ou M. Prud'homme sur cette question.
Selon la FADOQ, les mesures actuelles prévues au Code criminel sont-elles suffisantes pour bien encadrer tout ce qui peut nuire aux personnes âgées, ou est-ce que des amendements devraient être adoptés?
:
Encore une fois, je vous remercie de votre question.
Il y a plusieurs éléments. Au Québec, il y a un régime d'examen des plaintes, et un projet de loi a été déposé pour le renforcer sur le plan des examens, dans un premier temps, et pour y inclure les plaintes liées à la maltraitance organisationnelle dans un deuxième temps. Forcément, il n'y a pas tout ce qu'il faut, actuellement, puisqu'on demande d'ajouter des choses.
Par ailleurs, comme la présidente l'a mentionné, nous avons demandé à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de prévoir des sanctions pénales lorsqu'il y a de la négligence, de la maltraitance, de l'âgisme, de l'isolement, du contrôle, bref tout ce qui touche la maltraitance et la violence.
Pour terminer, l'Organisation des Nations unies travaille actuellement à une convention internationale sur les droits des personnes âgées. Cela a démontré que, partout dans le monde, bien que les systèmes pénaux existent, il reste beaucoup de zones grises en ce qui concerne les différentes choses qui touchent les aînés, ce qui permet aux gens d'échapper à des sanctions. De ce côté-là aussi, il est donc très important de s'assurer que tous les détails sont là.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
J'aimerais commencer par une question pour CanAge. Je veux d'abord vous remercier d'avoir établi un parallèle avec les comportements coercitifs et contrôlants. Comme les témoins le savent sans doute, c'est un sujet qui me tient à cœur.
Ce que nous avons entendu dans les témoignages à ce sujet, c'est que souvent, la législation sur la violence familiale est trop axée sur les incidents, en particulier les incidents les plus graves, pour être utilisée efficacement contre la violence familiale. Je suppose que c'est ce que vous voulez faire valoir.
Manque-t-il quelque chose par rapport aux tendances de négligence que nous essayons de cerner en modifiant le Code criminel?
:
Merci beaucoup. C'est précisément cela.
Très respectueusement, je sais qu'il y a évidemment des éléments fondamentaux comme les voies de fait, le vol et l'adaptabilité du système judiciaire. Cependant, il est important de nommer les mauvais traitements à l'égard des personnes âgées. Il existe des lacunes par rapport aux modèles comportementaux liés à la violence qui ne sont pas nécessairement captées isolément.
En outre, nous ne craignons pas le principe de Kienapple, selon lequel une ou plusieurs accusations peuvent avoir préséance sur d'autres. Vous pouvez être accusé de conduite avec facultés affaiblies parce que vous avez dépassé la limite de 0,08. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas aussi être accusé d'agression, de vol, de fraude ou de vol en vertu d'une procuration, mais ce comportement de contrôle, ce modèle de violence, n'est pas saisi comme tel dans le Code criminel.
Nous croyons, comme nous l'avons fait pour d'autres infractions désignées — comme la violence entre partenaires intimes, un aspect que le Comité a étudié —, que les mauvais traitements à l'égard des personnes âgées entrent aussi dans cette catégorie.
Je vais donc me tourner vers les représentants de l'Association du Barreau canadien et poser une question sur la fonction de dénonciation dont parle Mme Tamblyn Watts, je pense. Outre l'énumération d'infractions précises, le Code criminel a une fonction sociale en établissant que certains comportements précis sont criminels et inacceptables.
L'Association du Barreau a fait valoir que certaines choses sont déjà visées par le Code criminel. On s'explique donc mal pourquoi des accusations ne sont pas portées ou pourquoi, par exemple, nous n'avons pas vu de poursuites pour négligence contre des entreprises du secteur des soins de longue durée.
Êtes-vous vraiment certains que nous ne pourrions pas nous attaquer plus efficacement à ce problème en créant une infraction précise de « mise en danger criminelle », en plus des autres infractions, comme Mme Tamblyn Watts l'a souligné?
:
Merci beaucoup de cette question, madame la présidente.
C'est une très bonne question, et je pense que le député soulève un point intéressant. La mesure législative proposée ne comprend aucun élément différent de la disposition actuelle sur la négligence criminelle. Tous les éléments sont exactement les mêmes. Donc, ce n'est même pas un problème, mais une duplication des infractions.
La question n'est pas que les outils n'existent pas, mais la volonté de les utiliser.
Vous parlez de dénonciation. L'article 718.2 du Code criminel porte sur les principes de détermination de la peine. Il se lit comme suit:
a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes
Le sous-alinéa 718.2a)(iii) se lit comme suit:
que l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d’autorité à son égard.
C'est précisément la dynamique sous-jacente de la maltraitance des personnes âgées. Donc, le Code criminel permet déjà la prise en compte de circonstances aggravantes pour l'imposition d'une peine plus longue et plus sévère. Les principes de détermination de la peine reflètent la désapprobation de la société. Lors de la prononciation de la peine, le juge a non seulement le droit, mais aussi l'obligation de dénoncer cette dynamique précise de la maltraitance des personnes âgées en disant: « Normalement, je vous condamnerais à un an de prison, mais je vous condamne à 18 mois pour tenir compte du fait que vous avez profité de votre parent âgé qui vous a fait confiance, qui vous a élevé, qui vous a aimé, qui vous a guidé et à qui vous deviez le même respect. »
Je dirais, très respectueusement, que c'est déjà là. Ce qu'il faut faire, c'est inciter les services de police et les procureurs à enquêter, et inciter les procureurs à porter des accusations.
:
Je vais me lancer. Je vous remercie.
Je crois que ce qui manque... L'Association du Barreau canadien a deux résolutions nationales, et notre résolution au sujet du caractère suffisant du Code date de 2011. C'est toujours la position de l'ABC, jusqu'à ce qu'il y ait un changement. C'est le point de départ.
Nous croyons qu'il faut beaucoup plus d'éducation, fondée sur des bases sociales. Les outils sont peut-être là et oui, ils pourraient être améliorés, mais ce n'est pas pour cela que l'ABC est ici aujourd'hui.
Une chose me préoccupe. Dans les cas de violence familiale, par exemple, on peut parler aux deux personnes impliquées séparément et leur demander de démêler les choses. Lorsqu'il est question de maltraitance des aînés, toutefois, la question de la démence amène plusieurs nuances de gris. La démence est fixée dans le temps, dans les activités et dans les lieux. Il faut une mise en oeuvre accrue de la stratégie nationale en matière de démence et avoir des conversations avec tous les membres de la communauté judiciaire, de sorte qu'ils comprennent que l'incapacité apparente d'une personne à un certain moment ne donne pas un passe-droit à une personne soupçonnée d'abus.
C'est le message que je veux transmettre, qui va au-delà des simples dispositions du Code criminel. Il faut les utiliser, qu'elles soient nouvelles ou existantes. La question n'est pas là, à mon avis. Je crois qu'il faut appuyer les personnes qui travaillent aux premières lignes et qui prennent les décisions, les personnes en place, de sorte que les policiers qui veulent porter des accusations aient le soutien des procureurs et des juges, qui comprennent ce qui se passe. C'est ce que je voulais ajouter.
Merci.
:
C'est bien dit. Merci beaucoup.
J'ai déjà eu un cabinet et j'ai fait beaucoup de droit de la famille où il était parfois question de maltraitance des aînés. Je comprends donc que la participation des témoins est l'un des grands enjeux en matière de poursuite. Ils ne réalisent parfois pas qu'ils sont victimes de maltraitance. Ils ne savent pas non plus qu'ils ont des recours. Enfin, lorsque vient le temps d'intenter les poursuites, les personnes âgées vulnérables sur le plan financier et émotionnel ont peur de ce qui va leur arriver si elles parlent.
Souvent, les policiers s'assurent que ces personnes sont dans une situation sécuritaire et se disent qu'il vaut mieux laisser les choses aller ensuite, parce que tout cela est très compliqué.
Je m'intéresse aux moyens désignés par l'Association du Barreau canadien pour aider les aînés qui dénoncent un agresseur. Pour les enfants, nous avons les centres d'appui aux enfants, par exemple, parce qu'ils sont vulnérables.
Y a-t-il des mesures que pourrait financer ou appuyer le gouvernement fédéral pour mettre en œuvre les dispositions du Code, ou la simple décence, pour le bien des aînés?
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Bien sûr, madame la présidente. Je vous remercie pour votre question.
C'est une question importante, parce qu'encore une fois, je crois que le Comité se centre sur la rédaction d'une mesure législative qui fera disparaître le problème comme par magie et permettra d'intenter des poursuites contre les agresseurs. Même la nouvelle loi nécessitera des preuves; ces preuves viennent des témoins. Les témoins qui sont en sécurité et qui reçoivent l'appui dont ils ont besoin pour raconter leur histoire le font de la manière la plus efficace... la plus convaincante. Ces histoires transmettent des renseignements aux juges, leur permettent de rendre des décisions et de désigner des coupables dans certains cas de maltraitance à l'égard des aînés.
Il faut offrir le même financement en ce qui a trait à la violence au sein de la cellule familiale. Il faut offrir du soutien aux intervenants afin qu'ils aident les victimes à raconter leur histoire. Il faut fournir les ressources nécessaires aux divisions, aux associations et aux forces policières, afin de leur permettre d'enregistrer les témoignages sur vidéo de sorte que lorsque les questions de compétence sont soulevées plus tard dans le processus, ces témoignages puissent être présentés en vertu de l'article 715.2 du Code criminel.
Je vois qu'il ne me reste plus vraiment de temps.
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Merci, madame la présidente.
Je veux d'abord remercier grandement tous les témoins de leur témoignage.
[Traduction]
Nous vous remercions de votre présence. La discussion est très robuste.
J'aimerais remercier particulièrement Mme Tamblyn Watts, qui habite dans ma circonscription. Je vous remercie pour votre travail dans ce domaine, pour ce que vous faites avec CanAge et pour la défense de ce segment de la population, surtout en temps de pandémie, alors que nous voulons tous nous porter à leur défense en raison de ce que nous avons vu au cours des 15 derniers mois.
J'aimerais commencer avec vous, madame Tamblyn Watts. Depuis les 45 dernières minutes, nous discutons de ce qu'il faudrait modifier ou ne pas modifier... J'ai entendu ce que vous avez dit à M. Garrison. Pouvez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, les lois actuelles sont insuffisantes et pourquoi il faudrait ajouter une nouvelle accusation, en 90 secondes si possible?
Merci.
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Je vais essayer de m'en tenir à 60 secondes.
À l'heure actuelle, si une personne est reconnue coupable ou condamnée, elle peut être mise en probation pendant une période maximale de trois ans, et devoir respecter certaines conditions, notamment l'interdiction de travailler avec les aînés.
Lorsqu'une personne est reconnue coupable d'une infraction au Code criminel, elle a un casier judiciaire et doit attendre cinq ans avant de pouvoir présenter une demande de suspension. Pour octroyer un permis ou engager une personne, l'employeur peut procéder à une vérification des antécédents en vue d'un travail auprès de personnes vulnérables. Je sais que l'Ontario vient tout juste d'adopter une loi et que la recherche d'antécédents en vue d'un travail auprès de personnes vulnérables indique si une personne a été reconnue coupable d'une infraction impliquant des aînés, comme des voies de fait ou du harcèlement criminel. Ainsi, l'employeur est en mesure de déterminer si une personne a un casier judiciaire. Ce sont là deux outils.
En ce qui a trait à la dénonciation, vous m'excuserez si je me répète, mais elle n'est pas seulement associée aux infractions criminelles. La dénonciation passe par l'éducation de la population.
Nous n'allons pas éliminer la conduite avec les facultés affaiblies uniquement en imposant des lois. Nous légiférons cette infraction depuis 50 ans et elle est toujours présente. C'est la sensibilisation de la population au sujet des dégâts qu'entraîne la conduite avec les facultés affaiblies qui nous permettra de l'éliminer, et c'est cette même sensibilisation qui jettera la lumière sur la maltraitance envers les aînés et qui, je l'espère, en réduira l'incidence.
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Je vous remercie de votre question.
Pendant trois ans, soit de 2013 à 2016, plusieurs experts provenant de partout au monde se sont penchés sur les outils qui pourraient être mis en place en matière de droits des personnes âgées. Je vais parler des droits d'une façon large tout en m'attardant à ce que vous m'avez demandé.
Nous avons constaté qu'il n'y avait pas d'outils consacrés aux droits des personnes âgées. Un peu comme nous l'avons fait pour les femmes, les enfants et les Autochtones, il faut établir une convention internationale pour faire connaître et protéger ces droits. Par la suite, il s'agit de définir les outils qui découleront de cela et qui seront élaborés et modifiés. Nous pourrons alors prendre les mesures nécessaires pour protéger adéquatement les personnes âgées contre les abus et la fraude.
D'ailleurs, ce qui a été considéré, une fois qu'il s'est avéré nécessaire d'établir une convention, c'est tout ce qui touche les abus, la fraude et la maltraitance à l'égard des aînés. À l'heure actuelle, beaucoup d'outils sont destinés aux personnes handicapées ou diminuées mentalement. Or les aînés ne sont pas majoritairement diminués physiquement ou mentalement. Il n'y a donc rien qui les couvre de façon générale pour le moment, et c'est pourquoi nous devons aborder cela de façon plus large et nous concentrer sur cette question.
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J'aimerais répondre à cette question en premier, monsieur Berkes. Vous pourrez intervenir ensuite.
Dans les faits, nous établissons très clairement dans notre mémoire que les dispositions du Code criminel existent. Ce que nous voulons, ce sont des normes et des connaissances.
M. Berkes vous expliquera les choses un peu différemment, mais je crois que si nos attentes sont claires et que les connaissances de nos équipes sur le terrain, qu'il s'agisse des juges, des procureurs et des policiers... S'ils sont au courant des critères, si je puis dire, alors ils pourront appliquer les dispositions actuelles du Code criminel.
Allez-y, monsieur Berkes.
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Merci beaucoup, monsieur le greffier.
Avant de présenter les témoins, j'aimerais vous faire part de quelques règles à suivre.
Vous remarquerez la barre d'interprétation au bas de votre écran Zoom. Veuillez choisir la langue dans laquelle vous voulez entendre les intervenants. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix: l'anglais ou le français. Veuillez vous assurer que votre micro est éteint lorsque vous n'avez pas la parole. Veuillez aussi attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Assurez-vous de parler lentement et clairement afin d'éviter les problèmes d'interprétation. J'ai un carton pour vous indiquer qu'il vous reste une minute et un autre pour vous indiquer qu'il reste 30 secondes à votre intervention.
Sur ce, je vais présenter les témoins.
Pour la deuxième partie de la réunion, nous recevons Sherry Baker, qui est directrice exécutive de la B.C. Association of Community Response Networks pour le Council to Reduce Elder Abuse. Nous recevons également les représentants de Seniors First B.C.: la directrice exécutive et avocate Marie-Noël Campbell et l'avocat et président du conseil d'administration, Eric B. Clavier. Enfin, nous recevons les représentants de Statistique Canada: Jeff Latimer, directeur général, Santé, justice, diversité et population, et Kathy AuCoin, chef du programme de l'analyse pour le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités.
Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Nous allons d'abord entendre la représentante du Council to Reduce Elder Abuse. Vous disposez de cinq minutes. Allez-y.
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Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de contribuer au travail important que vous réalisez dans le cadre de votre étude sur la maltraitance des aînés au Canada.
Je suis fière de pouvoir vous expliquer le travail réalisé en Colombie-Britannique pour sensibiliser la population à l'égard de la maltraitance, de la négligence et de la négligence de soi, et pour aider nos collectivités à les prévenir.
Les deux derniers gouvernements provinciaux ont reconnu que ce problème était souvent caché, mal compris et très dommageable pour les adultes âgés et vulnérables dans l'ensemble de la province. Au cours des 10 dernières années, ils ont financé notre travail, et je suis heureuse d'y contribuer depuis le début.
J'ai préparé une description détaillée de la façon dont la B.C. Association of Community Response Networks et le Council to Reduce Elder Abuse s'organisent dans le but de réduire la maltraitance des aînés en appuyant les intervenants communautaires locaux.
J'aimerais vous présenter un échantillon des problèmes et des solutions que vous pouvez envisager. Premièrement, les enfants d'âge moyen qui ont des parents âgés trouvent qu'il est difficile de répondre aux besoins grandissants de leur famille. Ils savent que leurs parents ont des actifs et aimeraient toucher leur héritage avant qu'ils ne meurent.
Deuxièmement, lorsque les entreprises doivent réduire leur taille ou mettre à pied des travailleurs — comme nous l'avons vu au cours de la pandémie de COVID-19 —, bon nombre de salariés se retrouvent dans une situation désespérée et retournent vivre chez leurs parents, souvent avec leurs enfants.
Troisièmement, les familles d'immigrants font souvent venir des membres âgés de leur famille pour les aider avec les enfants. Parfois, ces adultes âgés n'ont pas la liberté de se créer une vie sécuritaire, et leur situation est souvent aggravée en raison de leur incapacité de parler l'anglais ou le français.
Quatrièmement, en plus des défis associés à la réconciliation, à la décolonisation et aux conséquences des pensionnats, certains Autochtones aînés du Canada font aussi face à des pressions de la part des plus jeunes membres de leur famille, qui s'attendent à ce qu'ils les aident financièrement à régler leurs propres problèmes.
J'aimerais dresser une liste des façons dont le gouvernement fédéral peut aider à réduire la maltraitance envers les aînés.
Premièrement, il doit comprendre qu'il s'agit d'un problème systémique pour lequel il n'y a pas de solution rapide.
Lorsqu'on pense au signalement obligatoire, il faut comprendre que dans la plupart des cas, les auteurs de la maltraitance envers les aînés sont des membres de la famille, et peu de parents voudront dénoncer leur propre enfant ou déposer des accusations contre lui. On pourrait enfouir encore plus les cas de violence.
Comme l'a fait valoir Krista James du Canadian Centre for Elder Law lors de la dernière réunion, les adultes maltraités ne veulent pas que les membres de leur famille aillent en prison; ils veulent seulement que la maltraitance cesse.
Le gouvernement peut appuyer des initiatives visant une réforme juridique.
Il peut appuyer le rôle clé que joue la GRC afin de l'aider à intervenir de manière efficace.
Il peut appuyer les projets de recherche qui aident les aînés à vivre de façon sécuritaire dans leur maison.
Il peut appuyer la recherche sur les causes de la maltraitance des aînés.
Il peut appuyer des projets de logements sécuritaires et accessibles pour les aînés.
Il peut favoriser la création d'emplois et la conservation du personnel pour les gens qui tentent d'entrer sur le marché du travail ou qui ont été mis à pied en raison de la réduction des effectifs.
Il peut aider à la formation des travailleurs de première ligne dans les établissements et dans la collectivité.
Il peut appuyer les projets d'anglais langue seconde pour les immigrants aînés, en plus d'autres services d'intégration.
Il peut aider les collectivités autochtones à offrir des logements sécuritaires et salubres à leurs familles et à leurs aînés.
Il peut appuyer les services d'aide en santé mentale et en toxicomanie, surtout pour les familles en crise. Personne ne peut être forcé de suivre une thérapie; il faut donc des mesures de soutien en place pour inciter les gens à changer.
Il peut appuyer le développement de maisons de transitions sécuritaires et accessibles pour les adultes âgés et leur permettre d'y rester plus longtemps. En Colombie-Britannique, les femmes ne peuvent rester plus de 30 jours dans une maison de transition.
Il peut appuyer l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre la maltraitance des aînés.
Vous trouverez encore plus de renseignements dans le mémoire que je vous ai présenté.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Merci.
:
Madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie d'avoir invité Seniors First BC à prendre la parole aujourd'hui sur l'importante question de la maltraitance des aînés.
Seniors First BC est un organisme sans but lucratif qui offre des services directs aux personnes âgées vulnérables en Colombie-Britannique. Nos services comprennent une ligne d'information et d'aide pour les aînés victimes de mauvais traitements, des services aux victimes, des services juridiques et un programme d'éducation et de sensibilisation du public.
La ligne d'information et d'aide pour les aînés victimes de mauvais traitements est la porte d'entrée de notre organisme, et nous avons joint à notre mémoire des statistiques sur les appels. Entre 2019 et 2021, les deux types de maltraitance les plus souvent signalés par les appelants sont premièrement la violence émotionnelle et psychologique, et deuxièmement l'exploitation financière. Nous allons donc nous concentrer aujourd'hui sur ces éléments.
En ce qui concerne la violence psychologique et émotionnelle, et comme on l'a mentionné, la plupart des agresseurs sont des membres de la famille. Souvent, les aînés ne souhaitent pas faire appel à la police parce qu'ils craignent les répercussions sur leurs proches et craignent de ne pas trouver un autre aidant, mais aussi parce qu'ils pensent ne pas être pris au sérieux. Nos travailleurs disent avoir souvent entendu des plaintes concernant le fait que des organismes font fi des préoccupations des aînés, estimant qu'ils sont atteints de démence, qu'ils sont incompétents ou qu'ils ne comprennent pas ce qui leur arrive.
Nos travailleurs des services aux victimes ont aussi entendu des clients leur dire qu'ils ont contacté la police, et qu'en fait, l'agresseur les a même encouragés à le faire parce qu'il connaît déjà la routine. Un agent de police arrive, désamorce la situation et s'en va. Peu de temps après, l'agresseur revient. Parfois, l'agent de police refuse de rédiger un rapport parce qu'il considère qu'il s'agit d'une affaire civile ou familiale.
On nous a aussi parlé d'expériences positives liées à l'application de la loi. Dans ce cas, habituellement, l'agent a écouté le récit de l'aîné, a eu une conversation franche avec l'agresseur — l'avertissant parfois des conséquences pénales possibles — et a fait un suivi avec l'adulte. C'est une stratégie qui donne des résultats et qu'on trouve généralement dans de petites communautés en Colombie-Britannique.
Nous recommandons donc d'offrir une meilleure formation aux organismes locaux d'application de la loi sur la maltraitance des aînés, y compris [Difficultés techniques], et d'encourager les enquêtes et le suivi.
Au sujet de la maltraitance dans les établissements de soins, nous appuyons les recommandations de Graham Webb visant à créer une infraction distincte de mise en danger criminelle, et à offrir une solide protection des dénonciateurs aux résidents et aux mandataires autorisés.
Le deuxième type de maltraitance signalé par les appelants est l'exploitation financière, et la plupart de ces cas impliquent, là encore, un membre de la famille ou une personne en position de confiance qui utilise une procuration ou un compte bancaire conjoint. Les escroqueries internationales sont aussi de plus en plus fréquentes.
Contrairement aux sociétés de cartes de crédit, les banques et les coopératives de crédit ne surveillent pas les activités suspectes sur les comptes de leurs clients. Dans les rares cas où des institutions financières ont été poursuivies pour négligence, les tribunaux ont estimé qu'elles n'avaient aucun devoir de diligence envers leurs titulaires de compte ou des tiers. Idéalement, les institutions financières devraient avoir un devoir de diligence conféré par la loi. Les problèmes de confidentialité possibles concernant les comptes des clients pourraient être couverts par la convention de compte.
Une autre première étape possible serait de présenter une mesure législative pour protéger les dénonciateurs au sein des institutions financières, à l'instar du Senior Safe Act américain, qui prévoit une immunité dans toute procédure civile ou administrative. Les employés des institutions financières qui sont formés, comme les caissiers, les conseillers et les spécialistes en investissement, signalent l'exploitation potentielle d'aînés, même si cela enfreint la loi sur la protection de la vie privée, et ils reçoivent une formation.
À notre avis, si en tirant la sonnette d'alarme, le geste est suivi d'une enquête et d'une action des forces de l'ordre, cela aurait au moins un effet dissuasif sur les auteurs de comportements frauduleux.
Je vous remercie.
:
Madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter nos statistiques les plus récentes sur la maltraitance des aînés au Canada.
Une grande partie des renseignements présentés cet après-midi est disponible dans la publication La violence familiale au Canada : un profil statistique. Un lien vers le rapport et une série de tableaux personnalisés ont été fournis au greffier à titre d'information.
Il est important de noter que les données de ce rapport mettent en évidence les formes de maltraitance qui atteignent le seuil du comportement criminel et qui ont été déclarées à la police. En tant que telles, elles ne nous donnent pas une vue complète de la prévalence globale de la maltraitance des aînés, car elles ne comprennent pas la violence psychologique et émotionnelle ou l’exploitation financière. En outre, Statistique Canada travaille à la collecte de données désagrégées, soit par ethnicité, les étapes de la vie et le genre, lesquelles nous aideront à mieux comprendre les groupes d’aînés qui sont plus à risque de maltraitance.
Veuillez noter que je vais faire référence aux données les plus récentes des services de police qui remontent à 2019. Les données de 2020 seront disponibles à la fin du mois de juillet, et cette information sera essentielle pour nous aider à comprendre les répercussions des restrictions imposées par la COVID-19 sur les aînés et à déterminer s’ils subissent une victimisation supplémentaire en raison d’un plus grand isolement.
En 2019, plus de 14 000 personnes âgées ont été victimes d’une affaire de violence déclarée par la police au Canada. Par victimes âgées, j’entends les personnes âgées de 65 ans et plus. Parmi ces victimes, 55 % étaient des hommes et 45 % étaient des femmes. Ces chiffres correspondent à un taux de 227 victimes âgées pour 100 000 habitants.
Depuis 2014, on constate une augmentation constante du nombre de cas de violence envers des personnes âgées déclaré par la police. Plus précisément, nous avons constaté une augmentation de 29 % du taux de victimisation des aînés entre 2014 et 2019. Au cours de la même période, le taux de violence a augmenté plus chez les femmes âgées que chez les hommes âgés. On a également constaté des augmentations de la violence à l’égard d’autres groupes d’âge, comme chez les 0 à 17 ans, ou les 18 à 64 ans, mais l'augmentation était moindre, soit 16 %.
Selon les statistiques des services de police, les taux les plus élevés de victimisation chez les aînés ont été observés dans les trois territoires et dans les provinces du Manitoba et du Nouveau-Brunswick. Le taux le plus faible a été observé en Nouvelle-Écosse.
Selon le Recensement de 2016, 7 % des personnes âgées vivent dans des milieux en commun, comme des maisons de soins infirmiers. D’après les données déclarées par la police, nous sommes en mesure d’avoir un aperçu de la violence commise contre les personnes âgées dans ces milieux. En 2019, un peu plus d’une victime âgée sur dix d'une affaire de violence déclarée à la police résidait dans une maison de soins infirmiers ou de retraite au moment de l’incident. Les deux tiers de ces victimes étaient des femmes âgées. La plupart des personnes âgées qui ont été victimes de violence dans ces milieux ont été agressées physiquement, et environ une sur sept a été agressée sexuellement.
Dans les maisons de soins infirmiers ou de retraite, les auteurs de cette violence étaient le plus souvent eux-mêmes des personnes âgées et étaient une connaissance de la victime, un voisin dans la maison de retraite ou.... Nous n’avons aucun moyen de déterminer à partir des données si les auteurs de cette violence souffraient d’une forme quelconque de déficience cognitive ou de démence qui aurait pu jouer un rôle dans la violence. En outre, les données déclarées par la police font état de très peu de cas où l’auteur de la violence était un membre du personnel de la résidence.
Une autre source de données sur les mauvais traitements infligés aux personnes âgées est l’Enquête sociale générale sur la victimisation, qui mesure trois types de violence — agression sexuelle, vol qualifié et voies de fait —, de même que cinq formes de crimes non violents. Ces données sont essentielles à notre compréhension, car elles rendent compte de la victimisation, qu’elle ait été signalée à la police ou non.
Selon l’enquête sociale générale de 2019, un aîné sur dix a déclaré avoir été victime d’un crime contre le ménage ou violent au cours des 12 derniers mois, et 84 000 personnes âgées ont été victimes d’un crime violent. Grâce à cette enquête, nous sommes également en mesure de consigner les expériences de violence émotionnelle et d’exploitation financière par un membre de la famille ou un aidant. Les derniers résultats ont révélé qu'environ 2 % des aînés ont signalé avoir été victimes d’exploitation financière ou de violence émotionnelle au cours des cinq dernières années. Enfin, l'enquête a aussi permis de révéler que 14 % des personnes âgées ont été victimes de fraude au cours de cette période.
La collecte de données sur la maltraitance des aînés pose des défis. Plus précisément, pour obtenir des données robustes, il faut une définition convenue d'aîné, une définition convenue de maltraitance, et une méthode solide pour consigner cette information recueile auprès des personnes qui résident dans des établissements.
Je vous remercie, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité de votre attention.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être avec nous virtuellement aujourd'hui, et je salue tout spécialement les représentants du Seniors First BC et du Council to Reduce Elder Abuse. Ces organismes de la Colombie-Britannique font un travail important dans ma province d'origine.
Madame Baker, j'ai trouvé que votre liste détaillée des problèmes et des soutiens fédéraux souhaitables était tout particulièrement utile, et je vous en remercie.
Mes premières questions s'adressent à M. Latimer et Mme AuCoin de Statistique Canada, et peut-être juste à Mme AuCoin si M. Latimer ne peut prendre la parole.
Nous savons que les données sont importantes pour remédier aux problèmes de la violence contre les aînés, et ces données, comme des témoins l'ont mentionné tout au long de notre étude, sont souvent manquantes. Dans leur témoignage, les représentantes du Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s ont mentionné que leur organisme a été profondément déçu de voir que le gouvernement ne s'est pas engagé dans le budget de 2021 à améliorer la collecte de données sur la maltraitance des aînés pour guider la prise de décisions, étant donné qu'il en était question tant dans la lettre de mandat du que dans celle de la .
Pourriez-vous nous dire où, d'après votre opinion professionnelle, se trouvent les lacunes dans la collecte de données sur la maltraitance des aînés?
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Je vous remercie, madame la présidente. C'est une excellente question.
En 2008, Statistique Canada a mené une étude de faisabilité exhaustive pour examiner la maltraitance chez les personnes âgées ou les aînés afin d'arriver à comprendre comment combler ce manque important de données. En discutant avec différents experts au pays, nous avons constaté qu'un problème important est que nous n'avons pas de définition de la « maltraitance des aînés ». Parle-t-on des plus de 55 ans, des plus de 65 ans? C'était un problème important à régler.
Deuxièmement, il faut définir ce qu'on inclut dans la notion de maltraitance des aînés. Les données que j'ai examinées plus récemment étaient des données policières qui se fiaient aux définitions dans le Code criminel. La maltraitance des aînés, comme telle, n'est pas inscrite dans le Code criminel. Comprendre les liens, la confiance, la violence émotionnelle, physique et psychologique, comment mesure-t-on le tout?
Troisièmement, comment mesure-t-on cela chez une population qui se trouve dans un établissement, un aîné difficile à joindre, qui peut aussi souffrir de déficience cognitive et qui ne peut pas rapporter ce qu'il vit? Est-ce qu'on les interroge par personne interposée? Est-ce qu'on interroge les membres de leur famille? Les obstacles et les défis sont nombreux. Cela ne veut pas dire qu'on ne devrait pas mesurer cela, mais pour créer... mesurer la prévalence, les niveaux de maltraitance dans un établissement présente de nombreux défis.
Je n'ai pas non plus réfléchi à une définition de la maltraitance des aînés. Je pense qu'un des problèmes dont nous sommes tous conscients est qu'il s'agit d'un concept très général. Nous devons assurément nous pencher sur la question pour en donner une définition plus délimitée.
Comme Mme Campbell l'a mentionné dans sa déclaration liminaire, la forme de maltraitance la plus commune est notamment l'exploitation financière. Ce n'est pas nécessairement lié aux personnes âgées, mais si on pouvait avoir une définition qui cible précisément cette forme de maltraitance des aînés, où des gens profitent d'une location conjointe ou d'un compte conjoint, cela pourrait être utile. Je ne peux pas, malheureusement, proposer au Comité une définition qui pourrait lui être utile aujourd'hui.
L'un des problèmes que nous constatons, c'est la présence de membres de la famille qui servent d'interprètes dans une banque. Lorsque les personnes plus âgées souhaitent ouvrir un compte conjoint et un membre de la famille sert d'interprète à la banque, c'est un problème. Bien évidemment, un parent ne devrait pas être présent dans la salle.
Nous voyons aussi ce cas de figure lorsque les aînés souhaitent changer d'adresse ou d'autres renseignements personnels liés à leurs comptes. Lorsqu'ils téléphonent à Service Canada, il n'y a pas d'interprète. Bien souvent, le parent, qui pourrait les maltraiter, sert d'interprète.
À titre de première démarche facile, Service Canada et les banques pourraient avoir plus d'interprètes afin de s'assurer que lorsque quelqu'un devient mandataire, que ce soit par procuration ou à titre de cotitulaire de compte, le parent qui en bénéficiera ne sera pas présent dans la salle et la personne plus âgée sera informée des risques associés au mandat.
:
Notre organisation offre un soutien aux communautés afin qu'il y ait une réponse communautaire. Nous n'offrons pas de services directement aux personnes maltraitées. Nous aidons plutôt les membres de la communauté, les voisins, les amis et les familles à reconnaître les signes de maltraitance et ensuite à savoir où ils peuvent obtenir des services. Seniors First est l'un des organismes de la province auxquels nous renvoyons les gens pour des services.
La Colombie-Britannique compte 81 réseaux de réponse communautaire qui desservent 233 communautés. Notre rôle consiste à sensibiliser les gens à la maltraitance, à la négligence et à l'autonégligence. Nous avons un réseau chinois et nous sommes en train de constituer un réseau de langue panjabi. Nous avons des réseaux autochtones et LGBTQ, et nous sommes très réceptifs à leurs besoins. L'effort est dirigé par les communautés, et non pas par nos organismes provinciaux. C'est la raison pour laquelle nous avons deux organismes.
La B.C. Association of Community Response Networks est un organisme local, et le Council to Reduce Elder Abuse est un réseau provincial qui chapeaute tous les autres organismes offrant des services, ce qui fait que nous savons tous ce que font les autres.
Je ne crois pas avoir répondu à votre question, car je ne suis pas vraiment bien placée pour le faire.
Je vais répondre en français puisque la question a été posée en français.
Le Senior Safe Act est entré en vigueur à la suite d'une initiative de l'État du Maine, le Senior$afe Training Program. Ce programme de formation a été mis sur pied parce que l'État du Maine est celui qui compte le plus grand nombre d'aînés aux États-Unis. De ce que j'en comprends, le Senior Safe Act est une loi nationale.
Dans l'État du Maine, le travail a été fait en collaboration avec la NASAA, la North American Securities Administrators Association. On fournit des formations aux employés des banques pour leur expliquer comment reconnaître l'exploitation et la maltraitance des aînés, que ce soit par des membres de leurs familles ou à cause de fraudes internationales ou de publicités mensongères. On a ensuite la possibilité de dénoncer ces crimes à des individus qui sont identifiés dans les lois. Il ne s'agit donc pas de n'importe qui.
Si une telle loi était mise en œuvre au Canada, on pourrait par exemple dénoncer ces crimes à la police, mais aussi des agences désignées qui feraient suivre l'information au tuteur et curateur public. Ce n'est pas obligatoire d'y avoir recours, mais ce mécanisme permet aux agents des banques de sonner l'alarme et d'essayer de mettre fin à ces problèmes.
Par ailleurs, les aînés ne sont pas toujours au courant de ce qui se passe et des transactions qui sont portées à leur compte de banque. Je pense que, s'ils étaient au moins mis au courant et qu'il y avait une enquête, cela pourrait aider à mettre fin à ce type de comportements.
Le plus important, c'est que cela ne cause pas de problème sur le plan de la divulgation de l'information. Normalement, les employés des banques n'ont pas le droit de divulguer des informations sur les transactions qui sont portées aux comptes de leurs clients.
J'espère que j'ai répondu à votre question.
:
Oui, vous y avez répondu en partie.
Vous dites que c'est surtout une question de formation. Vous nous avez parlé du Senior Safe Act. Je ne connais pas du tout cette loi, mais je soupçonne qu'elle prévoit autre chose que de la formation.
Vous dites que les employés des banques peuvent dénoncer l'exploitation ou la maltraitance des aînés. Je pense que c'est une bonne idée qu'il faudrait appliquer au Canada. Effectivement, les employés des institutions financières devraient avoir à l'oeil l'exploitation économique. C'est une bonne idée.
Cela dit, cette loi prévoit-elle d'autres mesures? À votre connaissance, prévoit-elle des sanctions particulières, par exemple contre la maltraitance physique ou la négligence envers les personnes âgées?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais remercier chaleureusement les témoins d'aujourd'hui, en commençant par Mme Baker, qui a souligné la diversité de la population des aînés. Je crois que nous, tout comme notre société, tombons parfois dans le piège qui consiste à penser que les aînés forment un tout homogène.
Je vais commencer en posant une question à Mme Baker.
Pensez-vous que les programmes du gouvernement fédéral reconnaissent suffisamment la diversité parmi les aînés, qu'il s'agisse d'ethnicité, de statut autochtone, d'orientation sexuelle ou d'identité du genre, et le gouvernement fédéral pourrait-il en faire plus à ce chapitre?
:
J'ignore dans quelle mesure le gouvernement fédéral reconnaît la diversité, mais elle devient de plus en plus une question d'actualité, notamment au sein des populations autochtones et immigrantes. La diversité devient une distinction importante que nous avons certainement reconnue en Colombie-Britannique dans notre travail, et nous sommes prêts à appuyer tout groupe qui cherche à examiner la question dans une optique particulière. Nous sommes pour, il va sans dire.
J'aimerais aussi souligner l'importance des causes de la maltraitance. Pourquoi les gens maltraitent-ils les personnes âgées dans leur famille, comme c'est habituellement le cas, ou dans leur communauté, et que se passe-t-il dans la communauté elle-même? J'ai indiqué certaines préoccupations que pourrait examiner le gouvernement fédéral. C'est un phénomène qui touche toutes les cultures. Peu importe s'il s'agit d'une communauté européenne, d'Asie du Sud, orientale ou quoi qu'il en soit, chaque communauté a un problème de maltraitance envers ses aînés.
Le problème s'aggrave lorsque la société souffre, comme c'est le cas avec la COVID, ou lorsque les moyens commencent à manquer et l'économie a le plomb dans l'aile. Nous voyons que les gens qui se retrouvent dans de telles situations ont davantage tendance à s'attaquer aux personnes qui sont perçues comme ayant plus d'argent, plus de moyens...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Nous reconnaissons que la majorité des aînés ne vivent pas dans des résidences de soins de longue durée, mais il reste que la crise de la COVID et l'isolement que subissent certains aînés dans les établissements de soins de longue durée sont certainement un problème.
Je vais peut-être poser ma question à Mme Campbell.
En ce qui concerne les services que vous offrez, recevez-vous des signalisations de la part d'aînés qui sont justement dans des établissements de soins de longue durée? Pensez-vous qu'il y a suffisamment de personnel dans les établissements de soins de longue durée, comme des travailleurs sociaux, à qui pourraient s'adresser les personnes âgées si elles sont maltraitées?
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Merci, madame la présidente.
Seulement 6 % des appels proviennent de personnes vivant dans un établissement de soins de longue durée ou dans un établissement de soins en général. Nous ignorons si c'est parce qu'il y a moins de problèmes dans les établissements de soins de longue durée, ou si c'est parce que nous n'avons pas les moyens de communiquer avec eux correctement.
Quant à savoir si on leur accorde suffisamment de temps, la réponse est non. J'ai entendu dire pendant ces séances que les personnes devraient recevoir environ quatre heures de soins, mais dans le secteur des soins assistés, on offre moins qu'une heure par semaine. En règle générale, le nombre d'heures accordées dans les résidences de soins de longue durée est beaucoup moins important. Au mieux, c'est deux à trois heures. Je suis d'accord qu'il faudrait avoir plus de personnel. Je crois qu'une enveloppe a été prévue pour la formation de nouveaux employés afin de répondre au besoin.
Le fait que les membres de la famille ont peur de signaler la maltraitance des aînés est un problème. Ils ont peur des répercussions. Encore une fois, il serait utile d'avoir ou bien des médiateurs, ou bien plus de protection pour les dénonciateurs dans de tels cas, comme l'a proposé Graham Webb.