Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 36e réunion du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine.
Aujourd'hui, M. Cooper remplace Mme Lantsman en tant que membre suppléant. Voilà une tâche bien difficile.
Par ailleurs, M. Ellis remplace M. Seeback, M. Naqvi remplace M. Oliphant, et M. Desjarlais remplace Mme McPherson.
Nous sommes heureux de vous compter parmi nous.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Les députés participent en personne dans la salle et à distance grâce à l'application Zoom.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous n'avez pas la parole.
Pour ce qui est de l'interprétation, les personnes qui participent sur Zoom peuvent sélectionner l'audio du parquet, l'anglais ou le français au bas de l'écran. Si vous participez en personne, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées par l'entremise de la présidence. Les députés présents dans la salle sont priés de lever la main s'ils souhaitent prendre la parole. Ceux qui participent sur Zoom doivent utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière et moi‑même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des intervenants. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à la motion adoptée le 26 mars 2024, nous entendons des témoignages relatifs aux questions révélées dans les documents du laboratoire de Winnipeg.
Je souhaite à présent la bienvenue à l'honorable Mark Holland, ministre de la Santé, ainsi qu'à Nadine Huggins, sous-ministre adjointe et chef de la sécurité, Direction générale des services de gestion.
De l'Agence de la santé publique du Canada, nous recevons Heather Jeffrey, présidente. Par vidéoconférence, nous recevons également Guillaume Poliquin, vice-président du Laboratoire national de microbiologie.
Je vois que tout le monde est présent.
Monsieur le ministre, vous avez cinq minutes pour formuler vos observations liminaires.
Je suis très heureux d'être parmi vous. Je remercie le Comité de me donner l'occasion de répondre à ses questions et de formuler quelques brèves observations liminaires.
Je tiens tout d'abord à dire que les actions des deux anciens employés du Laboratoire national de microbiologie sont répréhensibles et profondément troublantes. Ces deux citoyens canadiens, deux éminents scientifiques bien connus dans toute l'Amérique du Nord pour leurs contributions dans les domaines des produits thérapeutiques, des vaccins et de la virologie, ont menti. Ils ont fait de fausses déclarations. Ces employés avaient été embauchés en 2003 et 2006, respectivement, et ont apporté d'importantes contributions en dehors de ce contexte. L'Agence de la santé publique les a identifiés. Ils ont été licenciés et font maintenant l'objet d'une enquête.
J'aimerais également souligner d'emblée le travail extraordinaire et de classe mondiale qu'accomplit le Laboratoire national de microbiologie. Ses travaux de surveillance dans les domaines des maladies infectieuses, de la préparation aux urgences liées aux épidémies et de la réponse à celles‑ci, de la formation, de la recherche et du développement contribuent à assurer la sécurité des Canadiens. Nous avons la chance extraordinaire que certains des plus grands scientifiques du monde travaillent dans cette installation. Leurs travaux sont absolument essentiels pour l'environnement sanitaire en constante évolution dans lequel nous vivons et qui nécessite une coopération internationale.
J'aimerais également souligner que ces cinq ou six dernières années, non seulement nous avons connu une pandémie mondiale, mais l'environnement de menace dans lequel nous vivons a changé. Des pays comme la Chine commettent des ingérences dans nos processus nationaux qui auraient été inimaginables il y a seulement cinq ans. Nous devons donc réagir, et c'est ce que nous faisons. Je serai heureux de parler de certaines des mesures que nous avons prises.
Je pense qu'il est important d'expliquer comment nous en sommes arrivés là.
J'étais membre du Comité de la sécurité publique et nationale. J'en étais le vice-président. Nous avons eu l'occasion, en 2006, 2007, 2008 et 2011, de dire au gouvernement de l'époque, le gouvernement conservateur, que les recommandations des juges Iacobucci et O'Connor étaient essentielles. L'une des principales recommandations ayant découlé de ces deux procédures était de créer un comité de parlementaires chargés d'examiner tous les documents.
Il convient de noter que dans le cas des employés qui ont été embauchés en 2003 et 2006, la seule chose qui serait différente aujourd'hui s'il n'y avait pas eu de gouvernement libéral, c'est que nous ne tiendrions pas cette réunion et que vous ne verriez pas ces documents. Le gouvernement conservateur de l'époque a refusé d'autoriser le contrôle parlementaire.
En 2021, lorsque la Chambre des communes a été saisie de cette question, il y a eu une bataille au Parlement, un désaccord sur la manière dont ces documents devaient être examinés. À l'époque, on a proposé que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement examine ces documents afin que les parlementaires de tous les partis politiques puissent en prendre connaissance dans leur intégralité, sans qu'il y ait de caviardage. Après les élections de 2021, on m'a fait remarquer, lorsque j'étais leader à la Chambre, que les partis de l'opposition craignaient de ne pas pouvoir contester les caviardages s'ils n'étaient pas d'accord avec ceux‑ci. Ils ont donc demandé à pouvoir contester les caviardages.
En tant que leader à la Chambre, j'ai alors travaillé avec d'autres partis — au départ, il ne s'agissait que du Nouveau Parti démocratique, mais par la suite, de nombreux mois plus tard, les conservateurs et le Bloc se sont également joints à nous — pour mettre en place un processus ponctuel dans le cadre duquel des arbitres indépendants étaient en mesure d'examiner les documents et de prendre des décisions sur ce qui pouvait et ne pouvait pas être divulgué en cas de désaccord sur les caviardages. On a demandé à ce comité et au groupe d'arbitres indépendants de privilégier la divulgation publique et de veiller à ce que les documents soient mis à la disposition du public dans toute la mesure du possible. C'est exactement ce qui s'est passé.
Ces caviardages ne concernent pas seulement la sécurité nationale. L'Agence de la santé publique doit évidemment également tenir compte des renseignements confidentiels relatifs aux employés. Dans ce cas, les protections habituelles relatives à la confidentialité des renseignements sur les employés ont été levées à juste titre, compte tenu de la grave atteinte à la sécurité qu'ont commise ces deux citoyens canadiens. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Sur ce, monsieur le président, j'ai hâte de répondre aux questions des membres du Comité.
(1840)
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui, et je vous cède la parole.
Je remercie le ministre et les fonctionnaires d'être présents.
Monsieur le ministre, il y a trois semaines, lorsque vous avez comparu devant le Comité de la santé et que l'on vous a interrogé sur l'atteinte massive à la sécurité nationale survenue au laboratoire de Winnipeg, vous avez déclaré que l'ASPC avait toujours agi de la façon la plus appropriée et qu'en ce qui concerne la responsabilisation, personne au sein de l'ASPC ne serait renvoyé. Maintenez-vous ces propos?
Ces deux employés ont été licenciés. Ils ont dû répondre de leurs actes et des mensonges qu'ils ont proférés. Toutefois, je pense, comme je l'ai dit à l'époque, que l'Agence de la santé publique a agi de manière appropriée tout au long du processus lorsqu'elle a réagi à ces mensonges et à cette désinformation.
Je souhaite vous poser quelques questions sur les décisions prises par l'ASPC relativement à cet échec majeur en matière de sécurité nationale. Les Canadiens eux‑mêmes pourront déterminer si l'ASPC a agi de façon appropriée, comme vous l'avez déclaré il y a trois semaines devant le Comité de la santé.
Tout d'abord, pourquoi l'ASPC a‑t‑elle conclu, en octobre 2018, un accord de transfert de matériel avec l'Institut de virologie de Wuhan en vue de transférer, depuis le Laboratoire de Winnipeg, les virus de l'Ebola et de l'Henipah, deux des agents pathogènes les plus mortels? Pourquoi cela s'est‑il produit?
En 2018, nous avons travaillé en collaboration avec la Chine au développement de thérapies et d'interventions contre l'Ebola. Il s'agit d'un agent pathogène grave à l'échelle mondiale, et les efforts déployés à ce moment‑là consistaient à collaborer avec la Chine dans le cadre d'un partenariat...
Monsieur le ministre, je vous ai posé une question et je vais poursuivre dans cette voie.
Le mois d'octobre 2018 est important. Cet accord de transfert de matériel a été initié par nulle autre que Mme Qiu, l'une des deux scientifiques en question.
En octobre 2018, au moment où l'accord de transfert de matériel a été conclu, l'ASPC savait déjà que Mme Qiu figurait sur un brevet chinois très suspect et que le chef du Laboratoire de Winnipeg avait signalé au SCRS comme une menace potentielle pour la sécurité nationale. Comment l'ASPC a‑t‑elle pu transférer des agents pathogènes mortels et dangereux à Wuhan à la demande d'une scientifique dont elle savait à l'époque qu'elle représentait un risque potentiel pour la sécurité nationale?
Comme vous le savez, c'est à l'automne 2018 que cette question a été signalée pour la première fois à titre de préoccupation, et nous disposons d'une procédure établie. L'Agence de la santé publique était parfaitement au courant du transfert auquel vous faites référence et elle y a pleinement coopéré dans le but d'améliorer la protection de notre espèce contre cette maladie infectieuse qu'est l'Ebola. À ce moment‑là, étant donné que l'Ebola ne connaît pas de frontières, les efforts portaient sur la collaboration avec la Chine et d'autres pays. Il est profondément troublant, évidemment...
Monsieur le président, j'invoque le Règlement. C'est la troisième fois que M. Cooper interrompt le ministre, qui est ici en tant que témoin.
Il répond de bonne foi et je pense que M. Cooper pose des questions tout à fait légitimes. Toutefois, j'aimerais demander, monsieur le président, qu'on laisse les échanges habituels, typiques et collégiaux que nous attendons ici en comité se produire au lieu de les interrompre, parce que j'essaie aussi de comprendre les réponses et ces interruptions m'empêchent de le faire.
Monsieur le ministre, vous avez raison de dire que c'est à l'automne 2018 que des inquiétudes ont été signalées pour la première fois au sujet de ces deux scientifiques. L'enquête préliminaire n'a été entreprise qu'en décembre 2018, soit des mois plus tard. Entretemps, un accord de transfert de matériel a été signé avec Wuhan à la demande de l'une des scientifiques, qui était considérée comme une menace potentielle pour la sécurité nationale.
Pourquoi a‑t‑il fallu si longtemps pour ouvrir une enquête préliminaire? Trois ou quatre mois, c'est long.
Dans ce cas particulier, la nature de ce brevet et la raison pour laquelle il n'avait pas été divulgué faisaient l'objet d'une enquête, et il y a l'application régulière de la loi.
Il est effectivement triste pour le monde que nous ne puissions plus travailler en collaboration étroite avec certains pays pour lutter contre des agents pathogènes mortels qui représentent une menace claire et réelle pour l'espèce humaine. Le fait que certains pays se livrent à des activités qui mettent en danger non seulement notre pays, mais tous les êtres humains, est profondément inquiétant.
Monsieur le ministre, le rapport d'enquête préliminaire a été publié le 23 mars 2019. Il indiquait que ces deux scientifiques avaient commis de nombreuses atteintes à la sécurité et à la propriété intellectuelle, qu'ils avaient effectué des transferts non autorisés, y compris vers Wuhan, et qu'ils avaient collaboré à des recherches non autorisées avec le régime de Pékin, y compris avec l'armée populaire de libération.
Qu'a fait l'ASPC par la suite? L'ASPC a ensuite transféré les virus de l'Ebola et de l'Henipah à Wuhan.
Vous établissez un lien entre deux choses totalement distinctes.
Tout d'abord, le transfert et la collaboration avec la Chine à ce moment‑là pour tenter de protéger notre espèce de l'Ebola faisaient partie d'une démarche sincère, fondée sur la conviction que la Chine partageait notre souhait de protéger les êtres humains contre un agent pathogène mortel.
Deuxièmement, lorsque vous parlez des personnes — les scientifiques qui ont été licenciés — vous devez vous souvenir qu'elles avaient été embauchées en 2003 et 2006. Ces scientifiques ont publié des articles dans toute l'Amérique du Nord. Il s'agit d'éminents scientifiques. Ce sont des citoyens canadiens...
... il a fallu trois mois et demi de plus — jusqu'au 5 juillet 2019 — pour que ces deux scientifiques soient enfin expulsés du laboratoire de Winnipeg, des scientifiques dont on avait appris en mars qu'ils travaillaient avec l'armée populaire de libération.
Il s'agit du laboratoire dont le niveau de sécurité est le plus élevé au Canada. L'ASPC a‑t‑elle vraiment agi de la façon la plus appropriée, comme vous l'avez dit?
L'application régulière de la loi est extrêmement importante. Ces personnes travaillaient pour l'Agence de la santé publique. L'une avait été engagée en 2003 et l'autre en 2006. Ces scientifiques avaient publié des articles et étaient réputés dans toute l'Amérique du Nord pour leurs travaux sur les vaccins, la virologie et la thérapie. Ils étaient considérés comme des chefs de file qui contribuaient à sauver des vies.
Si vous portez une accusation contre quelqu'un, la carrière de cette personne peut, à juste titre, être détruite. Avant que l'on détruise la carrière d'une personne, celle‑ci a le droit de se prévaloir de l'application régulière de la loi. L'application régulière de la loi est importante dans ce pays.
Monsieur le ministre, bienvenue à la séance du Comité.
Je voudrais reprendre la conversation là où M. Cooper s'est interrompu, car j'estime qu'il cite pas mal de dates et qu'il embrouille peut-être les faits.
Je suppose que le Canada entretient une relation de longue date avec la Chine et d'autres pays lorsqu'il s'agit de trouver un remède à des agents pathogènes mortels, comme vous l'avez indiqué, et de gérer d'autres questions. Pouvez-vous nous expliquer le type de relations, de dispositions et d'accords que le Canada établit et entretient avec d'autres pays comme la Chine, par l'intermédiaire de l'Agence de la santé publique du Canada?
Les collaborations que nous entretenons à l'échelle internationale sont d'une importance capitale pour la protection de notre population et des êtres humains du monde entier. Comme je l'ai mentionné, les agents pathogènes ne reconnaissent pas les frontières internationales et ne s'intéressent certainement pas à la politique. Il est donc extrêmement important que nous puissions mettre en commun nos pratiques exemplaires, nos connaissances scientifiques et les données probantes les plus récentes concernant les mesures que nous pouvons prendre, qu'il s'agisse de thérapies ou de vaccins. Nous voulons que ces partenariats existent déjà lorsque de nouveaux renseignements surgissent.
Franchement, je crois qu'il est profondément tragique que nos relations avec la Chine se soient détériorées au point que nous ne puissions plus collaborer avec elle pour cerner ces questions. Il est impensable qu'un pays fasse passer ses intérêts en tant que nation avant les intérêts de la santé de notre espèce.
C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant, une situation très différente de celle que nous vivions il y a cinq ans, et c'est profondément tragique. Toutefois, cette situation se distingue des actes posés par les citoyens canadiens qui ont menti — et je pense que nous devons faire très attention de ne pas confondre ces circonstances. Dans le cadre de leur travail, ces personnes ont fait de fausses déclarations à l'Agence de la santé publique, ce qui est répréhensible.
Elles ont été licenciées à juste titre, et elles font à juste titre l'objet d'une enquête. Il s'agit certainement d'une affaire très sérieuse, mais en caractérisant cette affaire, nous devons, selon moi, faire attention de ne pas confondre ces circonstances.
De toute évidence, ce qui s'est passé en 2018 et 2019, c'est que ces deux scientifiques ont essentiellement menti à leur employeur, le Laboratoire national de microbiologie.
Pouvez-vous nous expliquer les mesures que le Laboratoire national de microbiologie a prises pour faire en sorte que sa sécurité soit renforcée et qu'aucun événement semblable à ce qui s'est passé en 2018 et 2019 ne peut se reproduire?
Écoutez, chaque fois que quelqu'un fait une fausse déclaration et adopte un comportement de cette nature, on tire des enseignements de cette situation. Il est certain que les menaces qui pèsent sur le Canada ont changé au cours des cinq dernières années. Des mesures tout à fait cruciales ont été prises, et je peux détailler ces mesures, mais je sais que nous ne disposons pas de beaucoup de temps.
La sécurité physique, l'accès aux installations, la communication avec les employés, les technologies de mobilisation, les partenariats et les affiliations de recherche, ainsi que la surveillance de la gouvernance, font l'objet d'un processus d'amélioration continue. En ce qui concerne la sécurité nationale, nous ne partageons malheureusement pas toujours, ni même la plupart du temps, les mêmes valeurs que certains de nos adversaires. Ils sont prêts à faire des choses qui nous semblent inimaginables. Je crois que, dans le passé, il aurait été inimaginable qu'un pays comme la Chine puisse, dans le cas qui nous occupe, être prêt à utiliser des agents pathogènes qui menacent l'humanité pour faire avancer son programme géopolitique. Cette possibilité n'est plus inimaginable, alors cela a modifié la façon dont nous réagissons.
Le fait d'examiner la façon dont les employés communiquent... Même des scientifiques canadiens incroyablement éminents qui ont écrit de nombreux articles reconnaissent que nous devons mener des enquêtes plus approfondies et poser davantage de questions. Dans le passé, les scientifiques auraient trouvé cela profondément insultant. Aujourd'hui, les scientifiques comprennent que nous ne pouvons pas les croire sur parole et que nous devons remettre en question d'autres relations qu'ils entretiennent et étudier leur vie d'une manière qui aurait semblé tout à fait inappropriée et insensée auparavant.
C'est l'avantage que le recul nous apporte lorsque quelqu'un fait quelque chose d'impensable. Cela modifie notre cadre et notre disposition, et les membres de notre société doivent alors accepter que nous ayons recours à des mesures plus invasives. C'est certainement le cas des scientifiques aujourd'hui.
En une minute, je pourrais peut-être demander aux hauts fonctionnaires de décrire le type de processus que l'Agence de la santé publique du Canada et le Laboratoire national de microbiologie ont suivi pour renforcer leurs protocoles de sécurité après 2018 et 2019.
Outre le renforcement de la sécurité physique et des mesures de contrôle liées à l'accès, toutes les politiques du Laboratoire national de microbiologie et de l'Agence ont été révisées. Pour avoir accès à ces installations de niveau secret, il est nécessaire d'obtenir des autorisations en vertu de la Loi sur les agents pathogènes humains et les toxines. Nos gardes de sécurité et notre personnel suivent régulièrement des cours de formation et font l'objet d'un examen continu. Nous avons renforcé les protocoles de livraison des services d'expédition et de réception, y compris les mesures de contrôle obligatoires ayant trait à la documentation et à la vérification des matières infectieuses. De plus, les accords de transfert de matériel et les accords de recherche concertée sont assujettis à des exigences, dont l'application doit être respectée.
Des évaluations complètes des menaces et des risques liés aux environnements physiques et informatiques ont été entreprises afin de garantir que toutes nos mesures de sécurité sont complètes et actualisées. En outre, nous avons mis à jour notre politique en matière d'affiliation et de collaboration avec des organismes universitaires, de recherche et de soins de santé, et nous avons mis en place une nouvelle politique d'embauche des étudiants, assortie de contrôles supplémentaires.
Ces mesures sont conçues pour répondre aux menaces auxquelles nous faisons face.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'être des nôtres.
En écoutant vos réponses aux questions de M. Cooper, j'ai trouvé qu'elles étaient empreintes d'une grande naïveté lorsque vous avez dit croire encore, à ce moment-là, que les autorités chinoises accordaient à des virus mortels comme l'Ebola exactement la même importance que celle que vous accordiez à protéger l'humanité.
Ces propos m'apparaissent d'autant plus naïfs que, dans un article paru sur le site de Radio‑Canada le 29 février dernier, vous avez affirmé que l'influence de la Chine sur la communauté scientifique canadienne « n'était pas connue autant qu'elle l'est aujourd'hui ».
Or, dans un article publié dans Le Journal de Montréal le 29 janvier 2024, on apprend que, en 2010, le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, a publié un rapport expliquant la croissance du pouvoir économique de la Chine, sa confiance croissante et une nouvelle agressivité dans le recrutement des agents, qui laisse entendre qu'elle a les ressources et la volonté d'intensifier de plus en plus ses activités de renseignement.
Bref, depuis plus de 20 ans, le SCRS alerte les autorités gouvernementales quant au fait que la République populaire de Chine se montre beaucoup plus agressive et qu'elle intensifie ses activités de renseignement, notamment en matière de recherches technologiques et d'avancées sur le plan biomédical.
Par conséquent, pourquoi prétendre que l'influence chinoise n'était pas connue autant qu'elle l'est aujourd'hui?
D'abord, je dois dire que l'enjeu de la sécurité publique est extrêmement complexe, parce qu'il comporte beaucoup de dimensions. Dans le cas d'un virus qui menace la population en général, on s'attend d'abord à ce que le gouvernement fasse tout ce qui est nécessaire pour protéger la population, incluant le fait de coopérer en vue de trouver des solutions. On s'attend à ce que, si une solution existe ailleurs dans le monde, le gouvernement agisse. En premier lieu, nous essayons donc de travailler avec toutes les communautés scientifiques du monde pour trouver une solution. C'est vraiment important, parce que si un événement tragique se produisait, on poserait d'autres types de questions. On demanderait au gouvernement ce qu'il a fait pour protéger la population, et s'il a cherché une solution. Il est donc important de coopérer, dans la mesure du possible.
Or, depuis cinq ans, le monde a beaucoup changé. À ce moment, nous avions certainement un problème avec la Chine. C'était absolument le cas. Toutefois, pour moi, il est terrible d'imaginer qu'un pays pourrait jouer avec un virus pour des raisons géopolitiques. Pour moi, c'est autre chose. Comme ministre de la Santé, il y a beaucoup d'objectifs dans ma tête en même temps, parce que beaucoup de menaces sont toujours présentes. Cela m'inquiète beaucoup.
Nous devons donc coopérer avec tous les pays, dans la mesure du possible. Il est donc extrêmement malheureux qu'il soit aujourd'hui impossible de travailler avec un pays aussi grand que la Chine. En Chine, il y a beaucoup de scientifiques incroyables; ils ont un énorme potentiel pour trouver des solutions pour leur pays, pour notre pays et pour la population en général. C'est très triste que notre interaction avec un tel pays prenne fin. Cela a de grandes répercussions non seulement pour le Canada, mais pour le monde entier.
Il faut reconnaître que votre préoccupation de collaborer avec l'ensemble des pays afin de prévenir la prolifération de virus qui peuvent être catastrophiques pour l'humanité est un objectif louable. Toutefois, à partir du moment où, depuis plus de 20 ans, le Service canadien du renseignement de sécurité avertit le gouvernement canadien qu'il y a un problème d'espionnage scientifique de la part de la République populaire de Chine, ne croyez-vous pas que nous ayons été un peu imprudents de continuer à partager nos secrets ou nos informations scientifiques avec des scientifiques qui les partageaient eux-mêmes avec les autorités de la République populaire de Chine?
Quand on partage de l'information, il existe effectivement le risque qu'un pays puisse utiliser cette information pour gagner un avantage économique. Ce type de risque est toutefois beaucoup moins important que les menaces à notre sécurité publique et nationale. Il y a cinq ans, il était possible que la Chine ou les scientifiques en Chine utilisent l'information pour en tirer un avantage économique. Cependant, la conséquence de cela n'est pas vraiment grave par rapport à l'utilisation d'un virus comme une arme ou comme une menace à la population mondiale, ce qui est complètement autre chose. Comme je l'ai déjà expliqué, je trouve extrêmement malheureux qu'il soit impossible de coopérer avec un milliard de personnes en ce qui concerne les virus.
Je tiens à remercier le ministre de s'être présenté pour discuter d'un travail très important. Ce travail est lié à un sujet qui, selon moi, préoccupe la plupart des Canadiens, à savoir la sécurité non seulement de notre pays, mais aussi de nos renseignements. À l'ère de la technologie numérique, alors que les entreprises et les pays participent à l'échange et à la rétention d'informations, ce travail pourrait devenir un champ de bataille, pour en parler comme les mauvais acteurs le feraient. Dans ce cas particulier, je pense que les Canadiens craignent que nous soyons désavantagés par la réalité des connaissances observées dans cette affaire très troublante si nous nous retrouvons sur un « champ de bataille informationnel ».
Monsieur le ministre, je pense que vous avez fait allusion au fait qu'il est important de rendre des comptes. Les deux personnes qui ont rendu des comptes ne sont plus là, bien sûr, mais ce que l'on ignore, c'est la mesure dans laquelle d'autres fonctionnaires, d'autres personnes ou d'autres membres du personnel auraient pu coopérer. Quelles informations avez-vous examinées, vous ou votre ministère, peut-être en coordination avec le SCRS, en ce qui concerne la sécurité d'autres personnes au sein de l'ASPC, en particulier dans le cadre du travail lié à l'information, aux sciences et aux technologies que votre ministère accomplit?
J'espère que tout le monde aura l'occasion de visiter le Laboratoire national de microbiologie et d'y rencontrer les scientifiques qui travaillent en première ligne afin d'étudier les scénarios cauchemardesques qui pourraient survenir. La COVID a été une catastrophe, mais cette pandémie aurait pu être beaucoup plus grave. Dans de nombreux cas, nous, les membres de la population, avons eu la chance de ne pas avoir affronté un agent pathogène beaucoup plus mortel.
Cela reste un risque qui pèse à tout moment sur notre population. Nous chargeons l'Agence de la santé publique et le Laboratoire national de microbiologie de trouver des solutions aux scénarios cauchemardesques, de coopérer avec des scientifiques, de les écouter et de dialoguer avec eux dans la mesure du possible, car si, par malheur, quelque chose se produit, les gens demanderont ce que nous avons fait pour trouver une solution au problème.
Comme je l'ai indiqué, lorsqu'un milliard de personnes quittent la planète et que nous ne pouvons plus coopérer avec des centaines de milliers de scientifiques qui sont eux-mêmes des chefs de file dans le domaine de la virologie et de la recherche de solutions, l'humanité traverse une période horriblement tragique. Lorsque j'examine la situation — et je vous encourage à l'examiner également —, je constate que les menaces que l'Agence de la santé publique tente de gérer... Pensez-y. Il s'agissait d'employés qui participaient à...
Pour revenir à la question, avez-vous examiné le personnel actuel de l'Agence ou avez-vous rencontré les responsables du SCRS afin d'examiner ces employés et de déterminer si les cotes de sécurité qu'ils doivent posséder sont appropriées?
En ce qui concerne les contrôles de sécurité des employés, je me tournerai vers les fonctionnaires à ce sujet — vers Mme Jeffrey, si possible. Cela relève de sa compétence.
Dans un premier temps, cette situation a été révélée dans ces cas à la suite d'une séance de sensibilisation à la sécurité organisée par le Service canadien du renseignement de sécurité concernant les menaces pesant sur la recherche canadienne et la vulnérabilité potentielle des scientifiques canadiens face aux pressions exercées. Cette sensibilisation se poursuit dans le cadre de réunions régulières avec nos services de sécurité et d'examens continus. Je tiens à souligner que l'enquête de la GRC sur ces affaires se poursuit, comme elle l'a déclaré publiquement.
Ces contacts ont été régularisés et sont constants et continus, comme il convient compte tenu de la nature de l'évolution de la situation en matière de risques.
Pour en venir au cœur du problème, je pense qu'il est important que l'ASPC et d'autres organismes gouvernementaux disposent de processus de sécurité pour traiter les renseignements vraiment importants comme ceux-ci. Il est un peu inquiétant de savoir que le SCRS a été le seul organisme à avoir décelé cette vulnérabilité en matière de renseignements avant l'ASPC. Je pense que les Canadiens s'attendent à ce qu'un organisme qui détient une énorme quantité de renseignements sur les personnes et, en particulier, des renseignements personnels dispose d'une certaine forme de surveillance de la sécurité au sein du ministère.
Je pense que cette affaire aurait pu être évitée en grande partie grâce aux récents changements dont vous avez parlé publiquement, monsieur le ministre. Ces changements auraient pu être apportés beaucoup plus tôt, je pense, ce qui aurait pu réduire certains des risques présents dans cette affaire.
En un mot, si vous pouviez recommencer, auriez-vous publié les documents plus tôt?
Non, parce que le processus par lequel nous avons publié les documents était incroyablement important.
Je peux peut-être m'arrêter un instant pour parler de ce moment. La sécurité nationale n'est pas la seule question qui se pose ici. Il faut également tenir compte de la protection de la vie privée des employés, et si vous renoncez à ce droit... Les personnes qui travaillent dans la fonction publique jouissent de ce droit — comme dans n'importe quel emploi, d'ailleurs. Je dirigeais le service des maladies cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux. Nous licencions des gens, et c'était parfois douloureux, parce qu'ils racontaient une histoire complètement fausse quant aux raisons de leur licenciement, mais je n'avais pas le droit de faire des commentaires. La raison pour laquelle je n'étais pas autorisé à faire des commentaires, c'est que la confidentialité des employés est extrêmement importante. Y renoncer n'est pas une mince affaire. Lorsque nous y renonçons, je crois que nous devons réfléchir à ces questions.
Ce qui m'a plu dans ce processus, c'est qu'un point faible a été repéré par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, à savoir la contestation du caviardage. Nous avons été en mesure de créer un processus au sein du comité spécial qui, par l'intermédiaire d'un arbitre indépendant, nous a permis de divulguer ces informations avec un maximum de transparence tout en protégeant les partenariats que nous avons établis avec les membres du Groupe des cinq, afin de garantir la protection des informations relatives aux employés et de la sécurité nationale.
Je pense que le fait que nous ayons été aussi prudents dans la gestion de cette question et que nous ayons trouvé un moyen de garantir à la fois la transparence et l'intérêt public tout en veillant à respecter nos engagements en matière de protection de nos processus...
J'ai peut-être mal compris votre question, et je m'en excuse. Je pensais que votre question portait sur la manière dont nous avons géré la publication des documents...
C'est vrai. En ce qui concerne la deuxième question — et je pense qu'il faut y réfléchir —, ces employés étaient des employés à long terme qui, de 2003 à 2006, ont publié...
Pouvez-vous nous dire pourquoi Dr Matthew Gilmour a soudainement démissionné en mai 2020, huit semaines après le début d'une pandémie mondiale, et pourquoi Tina Namiesniowski, la présidente de l'Agence de la santé publique du Canada, a soudainement démissionné un vendredi après-midi, en septembre 2020?
Je dirais que, dans un cas comme dans l'autre, il n'est pas vraiment approprié que nous commentions leur départ. Je pense qu'ils ont tous deux indiqué qu'ils avaient démissionné pour des raisons personnelles qui n'étaient pas liées à cette question.
Je peux peut-être répondre. Je pense que l'un des problèmes — et j'en ai parlé plus tôt —, c'est que chaque fois qu'il est question de renseignements concernant un employé...
Avec tout le respect que je vous dois, vous vous trompez sur ce point. La Loi sur la protection des renseignements personnels exempte les comités parlementaires et les autres procédures judiciaires de ses dispositions. C'est ce que stipulent les premiers articles de cette loi, qui est une loi du Parlement. Nous sommes exemptés des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et nous posons des questions sur des employés du gouvernement du Canada. Nous avons vécu cela au cours de la législature précédente, au sein de ce même comité, lorsque nous avons demandé ces documents.
Si vous ne connaissez pas les raisons pour lesquelles ils ont démissionné, ce n'est pas grave. Je ne fais que poser des questions. J'en déduis que vous ne...
Ce cas est le seul que je connaisse où nos scientifiques ont participé à ce programme, et je vous renvoie à nos services de sécurité pour information. Il s'agissait d'une collaboration non déclarée...
C'est exact, vous avez raison. Le gouvernement du Canada est tombé dessus par hasard.
Y a‑t‑il eu un examen ou une demande proactive de la part de la direction du gouvernement du Canada pour s'assurer que tous les scientifiques du gouvernement se conforment aux politiques de l'État en déclarant leur participation au Programme des mille talents?
Oui, et je pense que c'est profondément regrettable. Encore une fois, il est question de citoyens canadiens, d'employés de longue date, de scientifiques éminents largement publiés et connus dans toute l'Amérique du Nord. Mais il ont menti à l'Agence de la santé publique. Cela a changé la donne de façon concrète, de sorte qu'à ce moment‑là, il a fallu poser des questions et fouiller le passé des gens d'une manière qui aurait été considérée comme invasive et inappropriée auparavant.
Par souci de clarté, peut‑on affirmer qu'actuellement, il n'y a pas de collaboration entre le laboratoire national de microbiologie à Winnipeg et des entités ou des individus en République populaire de Chine?
J'ajouterai, pour faire suite au point précédent, qu'il est obligatoire, et qu'il l'a toujours été, de déclarer toute affiliation ou tout travail à l'extérieur. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces personnes ont été licenciées. Elles ont menti à ce sujet.
J'ai une question concernant les citoyens non canadiens. Les documents que nous avons reçus révèlent que des citoyens non canadiens dont, notamment, des ressortissants de la République populaire de Chine ont eu accès au laboratoire.
Ma première question est la suivante: qui, à Santé Canada ou à l'Agence de la santé publique du Canada, est responsable de l'octroi des autorisations de sécurité pour le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg?
Le processus de contrôle de sécurité commence par une vérification de la cote de fiabilité par le service de sécurité de l'agence. Le dossier est ensuite transmis à la GRC et au Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, pour l'obtention d'une cote de sécurité.
Ce n'est pas le SCRS qui donne la cote. Le SCRS, la GRC et d'autres organismes fournissent des conseils. C'est une personne de Santé Canada ou de l'Agence de la santé publique du Canada qui donne cette autorisation. Qui est cette personne?
Il s'agit d'un responsable de la sécurité de l'agence ou d'une personne ayant un titre similaire.
Pourquoi ont-ils accordé l'accès à un laboratoire de niveau 4 à des ressortissants de la République populaire de Chine, ce qui allait à l'encontre de la politique du gouvernement?
L'accès de ces étudiants s'est fait par l'intermédiaire d'un programme de recherche affilié à l'Université du Manitoba. Ces étudiants n'avaient pas d'autorisations aux termes de la Loi sur les agents pathogènes humains et les toxines. Ils ne participaient donc pas à des travaux de laboratoire de niveau 3 ou 4 et n'avaient rien à voir avec des agents pathogènes ou des toxines visés par des restrictions.
Il n'y avait pas que des étudiants. Un technicien supérieur de l'Institut de virologie de Wuhan — un ressortissant de la République populaire de Chine — a également eu accès au Laboratoire national de microbiologie. Cela figure également dans les documents, où on le désigne en tant qu'« individu numéro 2 ».
Là encore, il s'agit d'une personne qui appartient à l'agence. Il ne s'agit pas des deux scientifiques en question, car ces derniers ne pouvaient pas accorder de cote de sécurité pour leur propre laboratoire. Quelqu'un d'autre au sein de l'agence leur a donné une cote de sécurité.
Pourquoi ne les tient‑on pas responsables de cette grave négligence à l'égard de la protection de notre sécurité?
Par souci de clarté, est‑ce que le Canada a une collaboration bilatérale en matière de recherche avec les scientifiques de la République populaire de Chine?
Des personnes m'ont fait part d'un certain nombre de préoccupations concernant les lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenaires de recherche et les nouvelles listes d'organisations de recherche nommées. Certains scientifiques canadiens d'origine chinoise se sentent mal à l'aise ou ciblés, ou pensent que leur carrière pourrait être limitée parce qu'ils portent un nom chinois. Ils craignent de faire l'objet de soupçons.
Comment conciliez-vous les intérêts nationaux en matière de sécurité et les préoccupations de certains membres de la communauté chinoise?
Merci beaucoup de cette question. Je pense qu'elle mérite d'être posée.
Il est important de ne pas se fonder sur les agissements d'une personne pour faire des généralisations. Dans le cas présent, il s'agit de deux citoyens canadiens qui ont commis des actes répréhensibles qui ne concernent qu'eux. Qu'il s'agisse de scientifiques ou de toute autre personne, je pense que nous devons être très prudents et nous abstenir d'attribuer quoi que ce soit à qui que ce soit à cause des agissements répréhensibles d'autrui.
Dans l'environnement géopolitique actuel, compte tenu des tensions avec la Chine, il est très difficile de distinguer les agissements du gouvernement chinois de ceux des citoyens du Canada qui ont des ancêtres chinois ou, d'ailleurs, des gens qui vivent en Chine. À l'heure actuelle, il y a en Chine un nombre incroyable de scientifiques chinois qui font un travail formidable pour améliorer le sort de l'humanité. Nous ne pouvons pas laisser les actions du gouvernement chinois teinter notre point de vue et créer les distorsions dont vous parlez. Nous devons éviter ces distorsions.
Je dirais que nous devons prendre du recul et réfléchir très attentivement à la manière dont nous abordons ces questions. Je pense toujours aux premiers principes. Le premier principe — comme tout le monde ici présent en convient —, c'est que la protection de notre nation contre l'ingérence étrangère est notre priorité absolue. Nous devons protéger notre pays et, qui plus est, nous devons protéger la démocratie.
Nous sommes également d'accord pour dire que toute attaque contre la communauté scientifique ou contre les affaires intérieures de ce pays est une attaque contre nous tous. Cela touche tous les députés du Parlement de la même façon.
Troisièmement, les personnes qui s'engagent dans cette voie sont distinctes de toute communauté. Il s'agit soit d'agents gouvernementaux, soit de personnes qui prennent ces décisions. Nous ne devons pas les considérer comme faisant partie d'une communauté donnée.
Nous devons être très prudents, car l'histoire nous a enseigné que lorsque des caractérisations générales entrent en jeu et que nous ne faisons pas attention au pinceau avec lequel nous traçons ces traits, nous lésons un grand nombre de personnes tout à fait innocentes. Je pense que nous devons être très prudents à cet égard.
Madame Jeffrey ou madame Huggins, avez-vous des observations à formuler qui pourraient peut-être rassurer les scientifiques canadiens d'origine chinoise?
Je dirais que c'est l'une des raisons pour lesquelles il est très important que toute allégation ou tout indice fasse l'objet d'une enquête par les agences de sécurité appropriées et que des preuves soient recueillies par tous les moyens et outils dont ces agences disposent. Dans ce cas‑ci, nous avons eu affaire à des personnes qui se sont présentées sous un faux jour. Ceux qui ne l'ont pas fait n'ont rien à craindre de ce processus, et le Canada a besoin du talent de tous ses scientifiques.
Je pourrais peut-être ajouter quelque chose. C'est l'une des choses les plus dangereuses, car nous ne voulons pas que le Laboratoire national de microbiologie ou qui que ce soit d'autre du domaine de la virologie, des vaccins ou des thérapies commence à avoir peur de collaborer. C'est l'élément essentiel de la découverte scientifique. Les menaces qui planent sur nous en raison du potentiel des nouveaux agents pathogènes sont inouïes. Nous devons, dans la mesure du possible, travailler avec les gens.
Pour ce qui est savoir, avec cinq ans de recul, pourquoi nous collaborions et pourquoi nous travaillions de la sorte, la réponse est que ces personnes essaient sincèrement de trouver des solutions susceptibles de sauver des êtres humains. Il est navrant de voir que ces lignes doivent maintenant être tracées et que nous devons perdre des partenaires internationaux à cause de cela.
Nous ne pouvons pas permettre que des Canadiens innocents, des personnes qui n'ont rien fait de mal et qui sont des leaders dans leur domaine, se heurtent à de nouveaux obstacles. Nous ne pouvons pas les soupçonner, empêcher les gens de collaborer avec eux ou faire en sorte que leurs recherches soient ignorées. Dans notre crainte d'une chose, nous ne pouvons pas jeter une ombre qui aura des répercussions négatives immenses dans un autre domaine. Nous devons garder cela à l'esprit lorsque nous débattons de ces questions.
Je veux revenir à ce que j'évoquais il y a quelques instants. Malgré les indices, on n'a pas semblé tirer les conclusions qu'on aurait dû tirer au cours des 20 dernières années. De plus, il semble bien qu'on n'ait pas parfaitement bien évalué les faits objectifs et tangibles.
Par exemple, dans le cas de Mme Xiangguo Qiu, le gouvernement du Canada a établi la liste des organisations de recherche auxquelles elle était affiliée. Or, dans cette liste, on ne retrouvait pas l'Institut de virologie de Wuhan, pas plus que le fait qu'elle ait postulé pour le Programme des mille talents de la République populaire de Chine.
Comment peut-on expliquer que ces informations capitales n'aient pas figuré dans la liste des organisations auxquelles était associée Mme Qiu?
Selon moi, la personne dont vous parlez a menti. Il y a de fausses informations, et c'est terrible, c'est inacceptable.
Je trouve incompréhensible qu'une citoyenne canadienne, une scientifique très connue partout en Amérique du Nord ait pu présenter, de manière inexacte, des informations comme ça.
Dans un laboratoire hautement sécurisé, comme le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, lorsqu'on établit la liste des instances auxquelles est associé un chercheur, s'en remet-on simplement à une déclaration volontaire ou mène-t-on un genre d'enquête de sécurité?
Ce n'est pas une déclaration volontaire; la personne est obligée de déclarer toutes les interactions et tout le travail qu'elle a fait. C'est une obligation.
De ce que vous me dites, monsieur le ministre, je comprends qu'on se fie à la parole de la personne et qu'on ne fait pas intervenir nos services de renseignement pour vérifier cela.
Au début, en particulier dans le cas d'une personne vraiment connue, qui travaille depuis longtemps pour le gouvernement du Canada, comme citoyen canadien, il est de sa responsabilité d'affirmer son engagement, entre autres choses. Cependant, dans le cas d'un nouvel employé, la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité vérifient l'information, l'habilitation de sécurité, les relations et ce genre de choses. Cela existe aussi.
Cependant, dans ce milieu, et particulièrement à ce moment-là, il était possible de mentir et de créer un espace pour propager de fausses informations. Cela a été le cas. De notre côté, nous travaillons maintenant très fort pour nous assurer que chaque porte est fermée.
Monsieur le ministre, j'aimerais maintenant aborder une question d'opinion qui, étant donné votre statut de ministre, est susceptible de devenir une question de politique dans votre esprit. Je pense que de nombreux Canadiens veulent savoir ce que vous pensez de certains enjeux ayant trait aux décisions d'aujourd'hui. Quelle est l'importance de la sécurité, de la communication et du travail d'audit et d'évaluation pour votre ministère?
C'était et c'est toujours essentiel. Je pense que chaque fois qu'un acteur malveillant se comporte d'une manière impensable, nous apprenons quelque chose. C'est certainement ce qui s'est passé ici. Le comportement de ces deux personnes a permis d'améliorer les processus afin de garantir que des agissements similaires ne se reproduiront plus.
C'est essentiel, mais votre plan ministériel en date du 29 février 2024 indique que vous allez réduire les ressources dans ces trois domaines. Compte tenu de ce qui s'est passé à Winnipeg, je pense qu'il est tout à fait irresponsable de faire des compressions budgétaires dans ces domaines.
Pouvez-vous expliquer pourquoi votre ministère a déposé des plans ayant pour objet d'effectuer d'importantes compressions dans ces trois programmes?
Nous ne procédons à aucune réduction de nos dépenses en matière de sécurité, à l'exception de celles qui sont liées au caractère « surdimensionné » de notre réponse à la pandémie. Bien sûr, nos budgets ministériels sont en baisse par rapport à ce pic, mais nous faisons en fait de nouveaux investissements dans la cybersécurité, la restructuration des TI et notre sécurité.
C'était pour tous les aspects, parce que vous pouvez imaginer que le nombre d'employés que nous avions à ce moment‑là était beaucoup plus important qu'il ne l'était auparavant. Dans cette optique, si vous devez effectuer des contrôles de sécurité pour un effectif beaucoup plus important, les coûts vont augmenter. Si vous avez moins de personnel, les besoins en matière de sécurité vont diminuer. Toute compression en matière de sécurité n'a rien à voir avec une réduction de la sécurité; elle est liée à une réduction de la main-d'œuvre, qui entre en phase post-pandémie.
Nous sommes au‑dessus des niveaux prépandémiques — des niveaux de 2019 — et nous faisons des investissements continus pour les dépasser, investissements dont j'ai hâte de parler dans les jours à venir. Nous sommes au‑dessus de là où nous étions avant la pandémie.
Pour ce qui est de l'affectation des ressources dans ces domaines particuliers, à la lumière de l'incident de Winnipeg, comment justifiez-vous, ou non, l'augmentation?
Je pense que les investissements ont été appropriés et qu'ils continuent de l'être. Il y a, dans tout le spectre de la santé, des besoins incroyables. Chaque fois que l'on prend à un domaine, il faut donner à un autre, et il y a une limite à ce que l'on peut faire sur le plan financier.
Je dirais que les investissements accrus que nous avons faits dans la sécurité et la protection de nos installations sont extrêmement importants, et nous continuerons à faire les investissements nécessaires pour...
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, en 2017, les États-Unis ont soulevé des questions au sujet de l'Académie des sciences médicales militaires et de l'Institut de microbiologie et d'épidémiologie du ministère chinois de la Défense, affirmant qu'ils soupçonnaient ces entités d'avoir des capacités en matière d'armes biologiques et qu'elles représentaient donc un risque. Cela ne va‑t‑il pas à l'encontre de vos déclarations selon lesquelles nous entretenions d'excellentes relations avec la Chine à l'époque?
Je ne me souviens pas avoir dit que nous avions d'excellentes relations. J'ai dit que nous voyions poindre à l'époque des préoccupations sur la manière dont la Chine s'engageait sur la scène internationale. Certains signaux d'alerte ont montré que les choses commençaient à mal tourner. Toutefois, la gestion des risques revêtait une autre dimension à ce moment‑là — ce qui est particulièrement vrai en ce qui concerne les agents pathogènes mortels, puisqu'il faut essayer de trouver des réponses et envisager la possibilité qu'on utilise l'information sur les thérapies et les vaccins à des fins géopolitiques et militaires.
Soyons réalistes, monsieur le ministre. Les États-Unis ont clairement indiqué qu'il était question d'un programme d'armes biologiques offensives à petite échelle...
Ce que je dis, c'est que la collaboration internationale à ce moment portait sur le virus Ebola et un certain nombre d'autres agents pathogènes à l'échelle internationale. La Chine représente un milliard de personnes. C'est une mine de connaissances et d'informations...
Je pense qu'il est dangereux de cesser de collaborer avec un milliard de personnes. Malheureusement, nous avons dû le faire parce que le contexte de la menace a évolué.
Même si des scientifiques transfèrent un virus potentiellement militarisé à une puissance qui va fabriquer des armes biologiques, vous croyez manifestement que c'est acceptable.
L'Institut de virologie de Wuhan n'avait pas accès au virus Ebola avant que les scientifiques du Laboratoire national de microbiologie ne leur en envoient un échantillon. C'était inexistant là‑bas.
Voici ce que je dirais. Le virus Ebola existe aujourd'hui. C'est un agent pathogène mortel qui existe depuis des décennies, et il n'a pas besoin d'être militarisé. Il l'est déjà.
Je pense que les délibérations du Comité se déroulaient à merveille jusqu'ici. Il y a eu des échanges très réfléchis entre les députés de tous les partis et, tout à coup, je vois un comportement que j'ai déjà vu de la part de M. Ellis au comité de la santé, ce qui est tout à fait inapproprié. Je trouve que cela dévalorise le travail que fait le Comité sur ce sujet très important.
Posez une question et attendez d'obtenir la réponse. Vous n'aimerez peut-être pas la réponse, mais donnez au moins la possibilité à votre interlocuteur d'avoir droit à une discussion respectueuse. Je veux simplement...
Merci de m'avoir interrompu. M. Ellis vient de confirmer ce que je disais en interrompant un autre député dans le cadre d'un rappel au Règlement.
Êtes-vous venu ici avec une certaine attitude, ou êtes-vous ici pour veiller à ce qu'il y ait une conversation respectueuse, à l'instar d'autres députés de votre propre parti et d'autres membres du Comité?
Monsieur Ellis, si je peux me permettre, je vous prie... Encore une fois, c'est simplement dans l'intérêt de nos interprètes. Lorsque nous parlons tous en même temps, cela leur rend la tâche très difficile. Je demanderais donc, par respect pour eux, que nous maintenions l'ordre.
Oui, nous y arriverions peut-être si le ministre pouvait répondre à la question. Passons à autre chose. Je suppose que nous allons laisser de côté cette question.
Y a‑t‑il d'autres scientifiques du Programme des mille talents qui travaillent dans d'autres laboratoires canadiens dirigés par le gouvernement canadien?
Monsieur le président, allons-nous laisser ce type poursuivre ainsi? Une fois qu'il a répondu à une question, il n'a pas besoin de continuer à parler. Il a répondu à la question. J'en suis tout à fait satisfait.
Passons à autre chose, dans ce cas. Avez-vous fait une enquête approfondie pour savoir si d'autres scientifiques participent au Programme des mille talents?
Monsieur le président, je fais écho à ce que M. Naqvi a dit. La réunion se déroulait bien. Ce sont des questions importantes, et personne ne le nie, mais si nous voulons sérieusement obtenir des réponses qui permettront d'élaborer une véritable approche, de sorte que de telles erreurs ne se reproduisent plus à l'avenir, tâchons au moins d'avoir un dialogue civilisé. C'est tout ce que nous demandons.
Nous allons consacrer un certain nombre de réunions à ce sujet, semble‑t‑il. Je ne sais pas si M. Ellis est ici à titre de remplaçant permanent ou s'il est seulement de passage, mais je demanderais simplement au député de se comporter en adulte. Je ne sais pas comment le dire autrement.
Très bien. Écoutez, nous avons fait valoir nos arguments. Tenons-nous‑en à de brèves questions et réponses pour boucler la boucle en bonne et due forme.
Monsieur Ellis, il vous reste un peu plus d'une minute.
À la lumière de ce que nous avons appris jusqu'à maintenant, c'est‑à‑dire presque rien, qu'est‑ce qui a incité le directeur général scientifique du Laboratoire national de microbiologie à identifier Mme Qiu et M. Cheng comme des risques possibles pour la sécurité dès 2018?
Comme Mme Jeffrey l'a expliqué, il y a eu un processus au terme duquel le SCRS a fait le point sur la possibilité que des employés aient été sollicités par des acteurs cherchant à leur soutirer de l'information, et des examens ont ensuite été entrepris. Dans le cadre de l'examen qui a découlé de ce processus à l'automne 2018, on a constaté qu'un brevet avait été...
Excusez-moi, monsieur le ministre, mais ce n'est pas vrai parce que l'affaire des brevets, comme nous l'avons déjà établi, est survenue en octobre. Ce dont je parle s'est produit en août 2018. Le directeur général scientifique a dit au SCRS qu'il y avait un problème avec deux scientifiques. Il a nommé Mme Qiu et M. Cheng. Pourquoi?
Encore une fois, si j'ai bien compris la chronologie — et Mme Jeffrey pourra me corriger si je me trompe —, en août 2018, le SCRS a tenu une séance d'information.
Le temps est écoulé. Je suis désolé, monsieur Ellis.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
Nous avons dépassé un peu l'heure prévue. Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes, le temps que le prochain groupe de témoins s'installe.
Mesdames et messieurs, puisque le temps presse, pouvons-nous reprendre nos travaux et accueillir notre deuxième groupe de témoins?
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, et aux fonctionnaires suivants: Adam Fisher, directeur général, Litiges et divulgations, et Leonard Stern, sous-directeur général, Filtrage de sécurité.
Monsieur Vigneault, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
Monsieur le président et membres du Comité, je suis honoré de pouvoir me joindre à vous, ce soir, et d'avoir l'occasion de contribuer à votre discussion sur les révélations faites sur le Laboratoire national de microbiologie à Winnipeg et de manière plus générale, sur l'importance de protéger contre l'espionnage les travaux de recherche du Canada.
Aujourd'hui, j'aimerais clarifier comment le SCRS contribue à la protection des recherches en menant des activités de filtrage, en collectant des renseignements, en conseillant le gouvernement et en intervenant auprès des parties intéressées. En outre, j'entrevois favorablement cette occasion de fournir des précisions sur le processus de communication du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, et les moyens que prend l'organisme pour maximiser la transparence tout en protégeant les informations délicates.
[Traduction]
Comme le sait très bien le Comité, le secteur canadien de la recherche est souvent pris pour cible par des auteurs de menace étrangers qui cherchent à faire avancer leurs propres intérêts aux dépens du Canada. Ces opérations peuvent prendre plusieurs formes, qu'il s'agisse d'influencer secrètement les programmes de recherche ou les processus d'examen par les pairs, ou encore de prendre part à des ententes de financement dont l'origine peut être cachée ou trompeuse. Ces acteurs volent des travaux de recherche vitaux et des propriétés intellectuelles novatrices au moyen de partenariats et de projets de collaboration trompeurs. La République populaire de Chine est de loin le pays qui mène le plus d'activités d'ingérence.
Il va sans dire qu'au fur et à mesure que les activités de ces acteurs étatiques deviennent plus sophistiquées, elles deviennent plus difficiles à détecter et à contrer, d'où l'importance pour les Canadiens de travailler tous ensemble. Ces efforts requièrent avant tout des discussions éclairées et transparentes avec les communautés, les universitaires, les entreprises et tous les secteurs de tous les gouvernements.
En tant que partenaire engagé dans ces efforts, le SCRS continuera de mener des enquêtes, de conseiller le gouvernement et, le cas échéant, de prendre des mesures afin d'atténuer les menaces. Cela suppose une collaboration étroite avec d'autres organismes gouvernementaux. À titre d'exemple, le SCRS exploite ses outils et ses accès uniques pour fournir aux organismes gouvernementaux des évaluations de sécurité visant les personnes qui ont besoin d'accéder aux sites et aux informations sensibles du gouvernement du Canada. Il s'agit là d'un des outils utilisés pour protéger les infrastructures de recherche du Canada contre les menaces internes.
[Français]
Parmi les autres outils, figure l'intervention auprès de parties intéressées à des fins de sensibilisation et d'information, de façon à accroître la résilience contre l'ingérence étrangère et l'espionnage et à s'assurer que les investissements du gouvernement ne servent pas involontairement à faire avancer les recherches d'États hostiles dans des secteurs de nature délicate.
En tant que service de renseignement, le SCRS doit être en mesure de protéger ses renseignements; la réalisation de son mandat en dépend. Le SCRS a aussi pris des mesures pour favoriser la transparence auprès des Canadiens, comme l'intensification des interactions liées à la sécurité nationale avec des communautés et des organismes. Ainsi, le SCRS a donné des séances d'information à plus de 200 organisations et 1 000 personnes au Canada. Ces dernières sont maintenant bien informées des menaces possibles. Le SCRS leur a aussi donné des outils pour se protéger et protéger leurs travaux et leurs employés.
Le SCRS fait aussi preuve de transparence à l'occasion de communications régulières faites de façon proactive ou au besoin. Dans le cas des documents liés au laboratoire de Winnipeg, le SCRS a collaboré avec un groupe d'experts-arbitres pour favoriser la transparence au moyen de l'expurgation et en résumant certains documents de manière à fournir des documents classés non secrets. Ce travail a permis de transmettre plus d'information sur la sécurité nationale que par le passé. En outre, le groupe d'experts-arbitres a confirmé que la publication du contenu éliminé pourrait porter préjudice à la sécurité du Canada.
[Traduction]
Ce qui peut porter préjudice à la sécurité nationale n'est pas immobile. Cela change avec le temps. C'est pour cette raison que le SCRS demande à des experts d'examiner ses documents, ligne par ligne et sans égard à leur classification d'origine. Ce procédé vise à assurer une transparence maximale envers le Parlement et la population canadienne.
(1945)
La République populaire de Chine mène des activités audacieuses d'ingérence étrangère et d'espionnage stratégiques qui menacent la sécurité, la prospérité et les recherches du Canada. Pour contrer ces menaces, le SCRS tire profit des expériences passées et s'adapte continuellement au contexte de la menace. Cela comprend une transparence accrue envers les Canadiens, grâce à une plus grande ouverture et une volonté de communiquer autant d'informations que possible par l'entremise de processus comme celui d'aujourd'hui.
Pour terminer, je tiens à souligner que le SCRS ne peut pas formuler publiquement de commentaires sur les questions et les exigences de nature opérationnelle, et ce, afin de protéger la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Cela dit, je suis ravi d'avoir l'occasion de discuter avec vous de façon franche et aussi transparente que possible, et je répondrai à vos questions avec plaisir.
Je vous remercie, messieurs, de votre présence parmi nous.
En ce qui concerne plus précisément le Laboratoire national de microbiologie, est‑il vrai qu'en août 2018, le SCRS a offert une séance d'information aux responsables de la sécurité du Laboratoire national de microbiologie?
Absolument. Dans le cadre de ses efforts visant à accroître la résilience face aux menaces posées par un certain nombre d'acteurs étrangers, le SCRS a engagé des discussions proactives avec l'Agence de la santé publique, y compris le Laboratoire national de microbiologie, au sujet des menaces et des indicateurs de menaces internes. Ces discussions se sont avérées très importantes et très utiles en 2018.
Monsieur Vigneault, je ne sais pas dans quelle mesure vous voudrez faire des commentaires à ce sujet, mais n'est‑il pas vrai que le directeur général scientifique du Laboratoire national de microbiologie a soumis les noms de deux scientifiques chinois au SCRS à ce moment‑là?
Je ne suis pas tout à fait sûr, monsieur Vigneault, si vous êtes au courant de la chronologie, mais je vais tout de même vous poser la question.
Cela nous amènerait donc à croire qu'il y avait des préoccupations au sujet de Mme Qiu et de M. Cheng avant la découverte des deux brevets enregistrés en République populaire de Chine sous le nom de Mme Qiu. Est‑ce vrai, monsieur?
À ma connaissance, l'ASPC et le Laboratoire national de microbiologie ont fait part de certaines préoccupations initiales au SCRS. Par conséquent, nous avons entrepris d'autres enquêtes. C'est à la suite de ces enquêtes que nous avons découvert les renseignements sur le brevet.
Y a‑t‑il d'autres renseignements sur la nature exacte des préoccupations que les fonctionnaires ont signalées au SCRS en août 2018 en ce qui concerne Mme Qiu et M. Cheng?
Je vais certainement essayer de voir ce que nous pouvons faire. Bien sûr, il y aura des limites par rapport à ce qui a déjà été divulgué dans le cadre du processus. S'il y a d'autres renseignements que nous pouvons communiquer, nous ne manquerons pas de le faire.
Monsieur Vigneault, je suis conscient que cette question soulève un certain nombre d'enjeux en matière de sécurité. Nous avons interrogé le ministre au sujet des autres évaluations de sécurité en cours qui portent sur le Programme des mille talents et sur des programmes similaires mis sur pied par la Chine. Je crois savoir que ce programme pourrait porter un nouveau nom. Il concerne l'ensemble des chercheurs qui travaillent au sein des laboratoires gouvernementaux au Canada. Une enquête a‑t‑elle été ouverte à ce sujet?
Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, je suis assez limité par rapport aux renseignements que je peux divulguer.
Je peux d'abord vous confirmer que le milieu du renseignement canadien est particulièrement préoccupé par le Programme des mille talents. Les différentes façons dont la RPC et d'autres pays pourraient instrumentaliser ce type de programme font l'objet d'une enquête approfondie de la part du SCRS. Nous travaillons avec nos partenaires internationaux pour mieux comprendre cette dynamique.
Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous fournir plus de détails.
Monsieur Vigneault, êtes-vous en mesure de dire si le SCRS a connaissance de chercheurs de type TTP dans des laboratoires canadiens à l'heure actuelle?
Le ministre a beaucoup parlé du fait que le respect des procédures est plus important que le maintien de la sécurité nationale. De toute évidence, votre perspective diffère de celle du ministre. Toutefois, êtes-vous d'accord avec le ministre sur certains points?
Je souhaite d'abord préciser que je n'ai pas eu l'occasion d'écouter l'intervention du ministre au complet. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en tant que service de renseignement évoluant dans un environnement démocratique régi par l'État de droit, le SCRS doit également remplir son mandat, soit d'enquêter sur les menaces à la sécurité nationale. Nos équipes s'efforcent de respecter ce mandat, ainsi que le cadre démocratique dans lequel il s'inscrit.
Nous sommes également conscients que la population canadienne est en droit d'exiger du SCRS qu'il respecte la procédure établie. Dans le cas d'une évaluation de sécurité, notre rôle est très clair. Nous sommes tenus de mener des enquêtes approfondies et de conseiller les différents ministères demandeurs, qui sont les vrais décideurs, ne l'oublions pas.
Monsieur Vigneault, je dirais que la situation a considérablement évolué. Dès le début de l'année 2019, l'ordinateur du chercheur en question a été saisi. D'après ce que j'ai compris des renseignements dont nous disposons grâce au mémo, le Laboratoire national de microbiologie pour lequel travaillait ce chercheur a autorisé le transfert de deux agents pathogènes mortels et extrêmement contagieux, soit le virus Ebola et le virus Henipah, vers un laboratoire de niveau 4 de l'Institut de virologie de Wuhan, en RPC.
Monsieur Vigneault, d'après votre évaluation des menaces envers la sécurité, cela a‑t‑il un sens?
Comme le Comité s'est déjà penché en profondeur sur la manière dont ces échantillons ont été transférés d'un laboratoire à l'autre, je pense que vos membres ont acquis des renseignements très précis et sont mieux à même d'évaluer ce dossier que le SCRS.
Je peux seulement vous confirmer que le SCRS est très préoccupé par le fait que la RPC est en mesure d'intensifier de manière directe ou indirecte ses activités malveillantes contre le Canada et nos alliés occidentaux. C'est à travers ce prisme que nous examinons ces enjeux au SCRS.
Monsieur Vigneault, dans quelle mesure pourrions-nous dire que toutes les démocraties sont confrontées à de tels enjeux de collaboration en matière de recherche scientifique?
Je vais vous donner un exemple très précis pour illustrer mes propos. Mes collègues et moi-même, les chefs des services de renseignement du Groupe des cinq, avons pris l'initiative sans précédent de nous réunir en public pour la première fois de notre histoire. La réunion s'est tenue en octobre de l'année dernière à l'Université de Stanford, et nous avons discuté principalement de la nécessité de stimuler l'innovation pour assurer le bien-être, la prospérité et la sécurité de nos pays à long terme. Tous les dirigeants du Groupe des cinq en sont venus à la même conclusion: la RPC mène des opérations d'espionnage contre nos institutions académiques, ce qui compromet la sécurité de nos pays. La RPC se fonde sur une approche institutionnelle pour obtenir des renseignements sur nos pays, que ce soit au moyen de son Programme des mille talents, d'accords officiels, ou d'activités secrètes d'espionnage.
À mon avis, les opérations visibles que mènent d'autres États ne représentent pas un problème pour le Canada. Dans le cas de la RPC, le Parti communiste chinois a affiché très clairement sa volonté de se doter des forces armées les plus modernes au monde d'ici 2049. Pour ce faire, le président chinois, Xi Jinping, qui est également le secrétaire général du Parti communiste, préside un comité de rapprochement entre le militaire et le civil. L'ensemble des renseignements, des données et des connaissances que la RPC acquière s'inscrit dans une approche institutionnelle visant à obtenir d'importants avantages militaires.
De ce point de vue, monsieur Fragiskatos, vous avez raison de dire que ce n'est pas seulement le Canada qui est menacé; c'est tout pays détenant des actifs que la RPC souhaite acquérir.
Quel est, selon vous, le message à envoyer aux établissements d'enseignement postsecondaire? La ville de London, en Ontario, fait partie de la circonscription que je représente à la Chambre des communes. L'Université Western est située à London. Le Canada compte un grand nombre d'universités qui s'intéressent à la recherche médicale et à la recherche en général. Dans la plupart des cas, nos universités ne peuvent se passer de partenariats avec des institutions académiques étrangères.
Quelle est la position du Groupe des cinq par rapport à cet enjeu? Quel message souhaitez-vous envoyer aux universités canadiennes qui prennent conscience des activités d'espionnage de la Chine, et qui s'interrogent sur l'approche du Canada en matière de sécurité de la recherche?
Il s'agit évidemment d'un domaine où nous devons nous montrer particulièrement prudents. Le Canada est un pays prospère parce qu'il est doté d'universités et de centres de recherche de qualité, ce qui est synonyme d'innovation, de savoir et de savoir-faire. Voilà le socle de notre prospérité sur tous les plans. Par conséquent, nous devons continuer de favoriser l'innovation pour conserver notre avantage concurrentiel à l'échelle mondiale pour les 10, 15, voire 20 prochaines années. L'innovation, c'est quelque chose qui se protège. Néanmoins, force est de constater que le monde a changé, et que le nombre d'acteurs importants a augmenté sur la scène internationale. Certains de ces acteurs ont changé leurs manières d'opérer, et peuvent effectivement constituer une menace pour notre pays.
L'une des façons les plus importantes de travailler spécifiquement avec les universités est d'engager un dialogue ouvert et de leur transmettre certains renseignements. Le SCRS a publié récemment des documents non classifiés qui abordent le cœur de cet enjeu.
L'année dernière, le SCRS a établi des voies de communication directe avec les universités. Nos agents ont visité un total de 13 universités à travers le pays. Nous travaillons avec les universités de recherche du pays et avec Universités Canada pour leur faire profiter de notre expertise et de nos renseignements. Nous organisons des rencontres avec des professeurs, des chercheurs, des associations étudiantes et des administrateurs universitaires pour leur faire part de nos connaissances et de nos préoccupations. Le SCRS entend collaborer avec le milieu universitaire canadien et remplir deux grands objectifs: stimuler l'innovation à grande échelle, et assurer la protection de nos intérêts nationaux. Ces deux grands objectifs doivent impérativement être atteints.
Au‑delà des universités, vous avez dit que le SCRS avait organisé des séances d'information avec environ 200 organismes. De quels types d'organismes s'agit‑il? Quelle est la nature de ces séances d'information? Je pose cette question parce que je me demande s'il y a des secteurs particuliers qui vous inquiètent et qui sont plus susceptibles de faire l'objet de menaces.
Il existe en effet un certain nombre de secteurs spécifiques qui nous intéressent davantage, tels que la technologie quantique, la biopharmacie et l'aviation. Nous portons également un intérêt particulier à tout ce qui a trait à la cybernétique. L'agriculture représente également un domaine de préoccupation, car le Canada a su adopter des approches novatrices qui font l'envie de bien d'autres pays.
Le SCRS organise des rencontres avec de nombreux intervenants du milieu universitaire, comme je l'ai mentionné. Nous rencontrons également des représentants d'associations industrielles et sectorielles. Nous publions des documents non classifiés, que nous essayons de rendre aussi accessibles que possible.
Nous avons abordé l'enjeu fondamental de l'ingérence étrangère. L'espionnage et l'ingérence étrangère sont des pratiques courantes de la RPC. Il s'agit souvent en fait des deux volets d'une même stratégie. Le SCRS s'est engagé de manière très significative avec la diaspora chinoise présente partout au Canada pour nous assurer que ses membres nous considèrent comme faisant partie de la solution. Nous n'hésitons pas à divulguer des renseignements d'utilité publique, et nous demeurons à l'écoute des préoccupations des membres de la diaspora chinoise au pays.
Le travail du Comité est également très important, car il permet d'accroître le savoir et le savoir-faire dont nous disposons, et de déterminer ce qui doit être diffusé dans l'espace public. Grâce à tous ces efforts concertés, nous pouvons renforcer la résilience du Canada et de sa population.
Bonsoir, messieurs. Je vous remercie de votre présence.
Il y a quelques instants, je faisais état d'un article publié dans le Journal de Montréal du 29 janvier 2024, dans lequel nous apprenions que, dès 2010, vous mettiez en garde le gouvernement contre une attitude toujours plus agressive de la part de la Chine, notamment concernant les activités du renseignement. Ce que nous avons constaté, c'est que le gouvernement a été lent à capter le message, si bien que le ministre nous disait, il y a quelques instants, que, jusqu'à tout récemment, on se fiait essentiellement à une déclaration volontaire de la part des employés pour avoir une idée précise du « pedigree » des liens qu'ils avaient avec d'autres institutions.
Je ne veux pas vous mettre dans une mauvaise posture, mais considérez-vous que le gouvernement aurait dû mettre en place plus rapidement des mécanismes de vérification des antécédents des gens travaillant dans un laboratoire de haut niveau, de niveau 4, comme celui de Winnipeg?
Monsieur le président, je remercie le député de sa question.
Monsieur Bergeron, votre question est très intéressante et touche plusieurs éléments importants. L'un de ces éléments à prendre en considération l'évolution de la Chine au cours des dernières années, surtout depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, le degré d'agression et du non-respect du droit international...
Par exemple, la Chine a refusé de respecter la décision de la Cour internationale du tribunal arbitral concernant la mer de Chine méridionale de 2016. Pourtant, le jugement était très clair et non équivoque. Il s'agit de l'un des éléments déclencheurs. Depuis 2013, soit depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, différents exemples comme celui-là démontrent une trajectoire importante de la Chine.
Parallèlement à cela, plusieurs programmes et la législation chinoise ont évolué. Par exemple, le Programme des mille talents est devenu beaucoup plus institutionnalisé. D'un certain côté, la Chine est très ouverte, mais, depuis 2017 et 2018, des lois ont été mises en place pour forcer les gens, les entreprises et tous les Chinois de partout au monde à collaborer avec les services de renseignement.
J'aimerais aussi mentionner l'évolution et la croissance du Département du travail sur le front uni. Son approche consiste à influencer et contrôler la diaspora chinoise et à influencer les autres pays, afin de favoriser les intérêts chinois.
Le Département du travail sur le front uni, le Programme des mille talents et l'évolution de la menace posée par la Chine sont tous des éléments dont il faut tenir compte. C'est d'ailleurs ce que font nos services de renseignement, nos analystes et nos experts sur la Chine. Il faut prendre l'information que nous avons en 2024 et la remettre dans le contexte de 2010. Il faut tenir compte de ce qu'on savait à ce moment-là, de ce qui était connu et des mesures qui auraient pu être prises.
Enfin, j'aimerais ajouter que, en travaillant avec mes collègues de partout au monde sur les questions d'espionnage et d'interférence par la Chine, j'ai pu constater que ces comportements ont évolué chez tout le monde, au cours des dernières années.
Le Canada fait donc aussi partie de cette évolution.
Lorsque vous avez témoigné devant le Comité en mars 2021, vous parliez des relations entre votre institution et les universités. Vous mentionniez que le Service canadien du renseignement de sécurité maintenait « un dialogue étroit » avec les universités et que vous souhaitiez « pouvoir engager des dialogues » plus importants encore.
En mars 2024, Radio‑Canada faisait état du fait que l'Université de la Saskatchewan accueillera ultimement le premier laboratoire non gouvernemental de niveau 4 au Canada.
Compte tenu des limitations de votre institution quant à l'échange d'information, comment pensez-vous collaborer avec un laboratoire d'un tel niveau qui ne relève pas du gouvernement du Canada?
Encore une fois, il s'agit d'une très bonne question.
M. Bergeron fait état des limites de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité en ce qui a trait à l'échange d'information. Le ministre de la Sécurité publique, M. LeBlanc, a fait état de consultations qui ont eu lieu au Canada et de sa volonté de déposer des amendements à la Loi. Nous espérons que cela aura lieu, car c'est une des lacunes existantes de notre système.
Pour ce qui est du laboratoire en Saskatchewan, je n'entrerai pas dans tous les détails, mais je peux dire que nous avons des discussions, depuis longtemps, avec l'organisation en question pour permettre l'échange d'information et pour bien sensibiliser les gens.
En composant avec les limites imposées par la Loi, nous avons été capables d'entamer un dialogue, et nous espérons que ce dialogue ira encore plus loin.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui et, bien entendu, de l'immense travail qu'ils accomplissent pour assurer la sécurité de la population canadienne. C'est la raison pour laquelle nous sommes tous ici aujourd'hui.
La question que je souhaite poser rejoint ce qu'a dit M. Fragiskatos à propos des secteurs menacés. Je suis originaire de l'Alberta, et je sais qu'il s'agit d'un enjeu de longue date, notamment en ce qui concerne l'exploitation de nos sables bitumineux.
En Alberta, comme vous le savez sans doute, en 2012 et même avant, le Parti conservateur a adopté une politique économique visant à trouver des moyens de vendre des actifs, et notamment certains projets de sables bitumineux. Par exemple, la société CNRL, Canadian Natural Resources, a malheureusement été vendue à Nexen. Désolé, Nexen a en fait été vendu à des sociétés contrôlées par l'État chinois, ce qui aujourd'hui revient au même.
Dans quelle mesure la République populaire de Chine représente-t-elle une menace pour l'exploitation de nos sables bitumineux et pour la production et le développement de la recherche sur les produits pétroliers?
La question est intéressante, car elle comporte en fait deux volets. Le premier volet porte sur le contrôle et la propriété de nos immobilisations corporelles. Vous avez également parlé du savoir-faire et de l'innovation. Je tiens à établir une distinction nette entre un actif que vous pouvez contrôler, et une immobilisation corporelle. Un pays ne peut pas arriver sur ses gros sabots et s'emparer d'un actif au vu et au su de tous; leurs méthodes d'ingérence sont beaucoup plus subtiles. Le Canada doit, d'une part, cerner les intentions de la RPC et d'autres pays problématiques, et, d'autre part, adopter des lois visant à assurer la protection de nos industries et de nos différents types d'actifs. Je pense notamment à la Loi sur Investissement Canada.
Le deuxième volet de votre question porte sur le développement du savoir-faire et de l'innovation. En ce qui concerne le stockage du carbone, l'Alberta est en train de mettre sur pied des projets particulièrement novateurs, et elle n'est pas la seule province à le faire. Le SCRS est parfaitement conscient que la RPC et d'autres pays s'intéressent de près à ce type de projets innovants, et risquent de tout faire pour obtenir des renseignements à leur sujet, que ce soit au moyen de partenariats directs, ou d'activités d'espionnage industriel. Par conséquent, le milieu du renseignement canadien doit demeurer vigilant.
Le SCRS étudie ces différentes formes d'ingérence étrangère, mais s'efforce également de comprendre l'impact cumulatif de ces tentatives d'ingérence sur la sécurité nationale du Canada à court et à long terme. Notre rôle est donc de veiller à fournir des conseils de ce genre au gouvernement fédéral.
Comme je l'ai mentionné, même si certaines de ces conditions existaient déjà, nos services de renseignements ont constaté une évolution très significative de la situation entre 2012 et 2024. Un moment charnière a bien entendu été l'accession au pouvoir de Xi Jinping. La RPC a également pris un certain nombre d'initiatives majeures, notamment l'annonce du programme « Fabriqué en Chine 2025 », ainsi que plusieurs objectifs quinquennaux. Le régime chinois n'a pas tendance à dissimuler ses ambitions; cela fait des années qu'il présente ouvertement sa stratégie d'appropriation et de domination de nombreux secteurs clés.
Je vous dirais que plusieurs de ces éléments étaient déjà présents dans l'évolution de la stratégie de la RPC observée depuis 2013. Nous assistons simplement à une accélération spectaculaire de cette dynamique.
Je comprends. J'espère que vous comprenez ma curiosité et le lien très problématique qui me viennent à l'esprit lorsque je pense au contrôle des ressources pétrolières de l'Alberta. Le pétrole représente une ressource majeure au Canada, et en particulier en Alberta. J'entends votre inquiétude par rapport aux menaces d'ingérence, et je prends moi aussi au sérieux l'ambition de la RPC de se doter des forces armées les plus puissantes et les plus avancées sur le plan technologique d'ici 2049. Ces deux éléments présentent à mon sens un risque crédible. La Chine entend prendre le contrôle de ressources essentielles au développement de son outil militaire, comme le pétrole. Ce faisant, elle risque également de déployer des efforts pour s'accaparer du savoir, de l'expertise et des technologies novatrices de l'industrie pétrolière.
Compte tenu des méthodes de plus en plus agressives de la RPC pour obtenir des renseignements, pensez-vous que la propriété étrangère de plusieurs de nos sociétés pétrolières devrait être remise en question?
C'est une question sur laquelle je devrai me pencher. Bien honnêtement, la propriété spécifique de ces ressources et de ces sociétés n'a pas été au centre de nos préoccupations ces dernières années.
Je m'engage donc à réfléchir à ces enjeux plus en profondeur, monsieur Desjarlais. J'aurai l'occasion de revenir devant vous avec des éléments de réponse plus concrets.
Je vous en serais reconnaissant, et j'ai déjà hâte à votre prochaine comparution devant le Comité. Je vous invite d'ici là à nous faire parvenir par écrit tout renseignement que vous jugerez pertinent.
Je sais qu'il ne me reste que 30 secondes, mais je souhaite poser une question que j'avais déjà posée au ministre concernant les répercussions de cette étude et d'autres études liées au laboratoire de Winnipeg. Il est question ici des relations qu'entretient le Canada avec ses partenaires dans le monde entier, en particulier le Groupe des cinq et l'OTAN. L'importante atteinte à la sécurité de l'information dont notre pays a été victime présente-t-elle également un risque crédible pour nos partenaires? Nos alliés vous ont-ils fait part de ce risque, et vous ont-ils recommandé des moyens de l'atténuer?
Comme je l'ai mentionné, nous travaillons d'extrêmement près avec nos partenaires du Groupe des cinq, mais aussi avec d'autres services de renseignement extrêmement compétents partout dans le monde. Le SCRS a plus de 300 relations avec des services de renseignement dans le monde, et c'est un des enjeux très importants dont nous parlons.
Chaque pays a ses propres difficultés concernant la pénétration des institutions et les activités d'espionnage. C'est une des raisons pourquoi nous partageons autant d'informations classifiées. Nous pouvons ainsi être plus résilients, collectivement, et apprendre les uns des autres. Vous pouvez être certains qu'en pareil cas, nous partageons les leçons que nous tirons avec nos partenaires du renseignement. En travaillant de la sorte, nous relevons le niveau et compliquons la tâche aux acteurs hostiles qui cherchent à menacer notre bien‑être.
Le SCRS évalue que l'ingérence étrangère de la République populaire de Chine constitue une grave menace contre le Canada. Je cite le SCRS: « L'ingérence étrangère est une menace complexe pour la sécurité nationale. Elle constitue une menace importante pour l'intégrité des systèmes politiques, les processus démocratiques, la cohésion sociale, la liberté universitaire et la prospérité économique du Canada et remet en cause les droits et libertés des Canadiens. »
Vous avez dit plus tôt dans votre témoignage que l'espionnage n'était pas exactement la même chose que l'ingérence étrangère, mais qu'il y est étroitement lié. Quelle est votre évaluation des activités d'espionnage de la RPC au Canada, de la menace qu'elles représentent?
En raison de la stratégie bien organisée et systématique de la RPC et de ses capacités, nous évaluons que son espionnage constitue la principale menace à notre pays.
M. Chong sait que la dynamique ressemble quelque peu à celle de l'ingérence étrangère, dans le sens qu'il y a un continuum d'activités. L'intention est très claire. Par exemple, la RPC veut se doter d'une des forces militaires modernes les plus avancées d'ici 2049. Dans le cadre de programmes de cinq ans, elle cherche à dominer certains aspects de l'économie de demain. Les moyens peuvent varier et être manifestes ou très secrets, et nous voyons la même chose dans la dynamique de l'ingérence étrangère. Nous voyons des moyens légitimes et tout à fait appropriés de participer à notre économie. Par contre, des dirigeants d'entreprises à qui j'ai parlé m'ont dit essentiellement qu'ils savent, lorsqu'ils concluent certains marchés, qu'ils vont perdre leur propriété intellectuelle.
L'espionnage est très poussé et comprend des activités très secrètes.
Vous avez mentionné plus tôt dans votre témoignage que les gens du SCRS s'inquiètent du programme des mille talents. Comment évaluez‑vous ce programme en ce qui concerte les scientifiques du gouvernement? Autrement dit, pensez‑vous qu'il est approprié pour les scientifiques du gouvernement du Canada de participer au programme des mille talents ou à l'un des quelque deux cents programmes de recrutement de la République populaire de Chine?
Comme je l'ai dit plus tôt, lorsque de tels cas se présentent, nous évaluons d'abord la nature générique des programmes de talents. Puis, à la demande de l'organisme, nous effectuons des vérifications sur les personnes concernées et nous fournissons nos conseils à l'organisme d'accueil, qui prendra ses décisions.
Je le répète, monsieur Chong, parce qu'il peut y avoir des circonstances où tout se fait de manière totalement transparente et l'activité pourrait profiter au Canada comme, dans le cas présent, à la Chine. Il peut y avoir des cas comme cela, donc je ne veux pas être catégorique et dire non à cent pour cent...
Nous savons que madame Qiu a agi clandestinement et a été corrompue. Elle a coopéré et collaboré avec le gouvernement et les forces militaires de la RPC. Elle a aussi reçu un paiement pour voyager en Chine de ces deux entités et ne l'a pas déclaré au gouvernement du Canada.
Une des entités avec laquelle elle a collaboré clandestinement était l'Institut de virologie de Wuhan. Cet institut ne figure pas sur la liste des organisations de recherche reconnues du gouvernement du Canada. Il est donc techniquement possible pour une entité gouvernementale de collaborer avec cette organisation.
Est‑ce que vous évaluez qu'il s'agit d'un risque à la sécurité acceptable, surtout qu'à la lumière des rapports publics, madame Qiu travaille à l'Institut de virologie de Wuhan ou avec ses scientifiques, en ce moment même?
Il me paraît tout à fait bienvenu que le gouvernement dresse une liste d'entités problématiques. Cela revient à la question de M. Fragiskatos sur notre façon de travailler avec les gens. C'est très important de les informer davantage sur ce qui peut être approprié ou non. Dans ce cas‑ci, le gouvernement dresse une liste des organisations problématiques et explique pourquoi il y a un problème. Cela aide les gens à prendre leurs propres décisions. Au SCRS, nous fournissons des conseils à ISDE et à Sécurité publique, qui produisent cette liste.
Dans le cas de l'Institut de virologie de Wuhan, il pourrait y avoir des raisons légitimes pourquoi il serait avantageux pour le Canada de travailler avec lui. Le cas échéant, je pense que ce serait utile de nous demander de quelle diligence raisonnable on a fait preuve...
À titre de directeur du SCRS, vous êtes une des personnes au pays qui pensent plus à la sécurité nationale que la plupart des gens. Lorsqu'on réfléchit à la séquence des événements, il y a eu des accusations de lenteur et de manque de diligence raisonnable.
En août, un employé de laboratoire a révélé l'identité de deux collègues qui pourraient être ciblés par la RPC. En septembre 2018, l'ASPC, grâce à des mesures de diligence raisonnable, a appris l'existence d'une demande de brevet déposée par madame Qiu. Plus tard cette année‑là, en décembre 2018, un consultant en sécurité a mené une enquête, et il a fait rapport à l'ASPC en mars 2019. La GRC a enfin escorté ces personnes hors du laboratoire en juillet 2019.
Quand vous repensez à cette chronologie, pensez‑vous que les responsables de l'ASPC ont fait preuve de diligence raisonnable?
Je pense que cette chronologie est très instructive, parce que compte tenu de ce que nous savons maintenant, en 2024, c'est facile de regarder ce qui s'est passé et d'essayer...
J'ai parlé plus tôt aujourd'hui à mes collègues responsables de la direction générale du filtrage, et nous avons examiné ces dates et d'autres éléments. Ces experts m'ont dit que parmi tous les cas possibles, celui‑ci s'est réglé très rapidement.
Je sais qu'on peut se questionner sur la diligence raisonnable et la bonne procédure, mais il importe de savoir comment atténuer considérablement la menace. Ces individus ont été escortés hors du laboratoire sans avoir accès à l'information en leur possession dans le laboratoire. C'est une des façons de réduire la menace pendant que nous menons le reste de l'enquête.
Je réitère, monsieur Erskine‑Smith, que mes collègues experts m'ont dit qu'ils estimaient que le processus avait été assez rapide.
À votre avis, du point de vue de la sécurité, qu'est‑ce que l'ASPC aurait pu faire de plus? Les individus dont nous parlons étaient des employés depuis le début des années 2000. Ce n'était pas une opération d'infiltration, mais un cas où des individus ont été corrompus pendant leur carrière, ce qui me semble plus difficile à repérer, tout bien considéré.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, à titre de directeur du SCRS. Qu'est‑ce que les gens de l'ASPC auraient pu et dû faire de plus dans les circonstances pour atténuer les risques qu'on a décelés, en fin de compte?
Comme M. Erskine‑Smith l'a mentionné, nous examinons bien sûr les enjeux dans une perspective de sécurité nationale. Nous nous efforçons de transmettre nos connaissances, notre expertise et nos inquiétudes à nos collègues pour nous assurer qu'ils appliquent le filtre de la sécurité nationale au sein de leur organisation. Nous sommes très soucieux de renforcer la culture de sécurité de ces organisations.
Il s'agit d'un commentaire général, et non ciblé, si l'on repense au moment... Dès que nous pouvons travailler plus étroitement avec les organisations pour améliorer ce que j'appellerais le tissu conjonctif qui relie la sécurité nationale et les autres activités, cela rend les organisations et le Canada plus résilients.
Vos efforts m'ont épaté, pour tout dire. L'évaluation de sécurité d'avril 2020, la première évaluation de sécurité, était assez mince. Dans une entrevue, madame Qiu a carrément menti à vos agents. Quelques mois plus tard, le 30 juin, une deuxième évaluation de sécurité était menée. C'est incroyable tout ce que vous avez pu glaner et documenter en quelques mois seulement, surtout avec un laboratoire de niveau 4. Cette étroite relation entre le SCRS et un laboratoire de niveau 4 est essentielle, n'est‑ce pas?
Comme je l'ai dit, l'évolution de la menace de la RPC et d'autres pays contre le Canada est telle que le SCRS a dû changer de stratégie. Dans le plus grand secret, nous devons recueillir le renseignement et les secrets, comme nous le demandent le gouvernement et le Parlement, par la Loi sur le SCRS. En même temps, nous devons augmenter notre transparence, parce que l'écosystème a changé au Canada à cause de ces acteurs hostiles.
Lorsqu'on examine la dynamique à l'œuvre dans le laboratoire, à l'époque, et la dynamique de l'organisation, je pense qu'on réalisait l'ampleur de la menace, monsieur Erskine‑Smith, mais que bien des gens commençaient aussi à se soucier beaucoup plus des enjeux de sécurité. Je répète que je félicite le Comité de son travail, parce que grâce à vous, plus de Canadiens penseront à ces enjeux à l'avenir. C'est la seule façon de rehausser notre transparence, qui à son tour augmentera notre résilience. Je dirais que...
J'aimerais poser deux questions en rafale, monsieur le président.
D'abord, si le SCRS a vent du fait qu'un chercheur de haut niveau, au Canada, fait partie du Programme des mille talents, intervient-il?
Ensuite, la stratégie de Laboratoires Canada, adoptée en 2018, qui prévoit notamment des environnements de travail à la fine pointe de la technologie et protégés contre les menaces à la cybersécurité, s'échelonnera sur une période de 25 ans. Croyez-vous qu'on doit et qu'on peut agir plus rapidement?
Je ne connais pas les détails de la stratégie qui s'échelonne sur une période de 25 ans. Par contre, je sais que la mise en œuvre des stratégies gouvernementales de cette nature se fait sur plusieurs années. Cependant, nous essayons toujours de gérer les menaces les plus importantes le plus rapidement possible.
Quelle était votre première question, monsieur Bergeron?
Absolument, oui. Si notre travail de filtrage de sécurité ou notre travail de collecte de renseignement nous apprend qu'un quelconque individu, au Canada, est impliqué dans un programme de la Chine ou d'un autre pays, nous allons intervenir.
Nous avons appris que, parmi les faits qui ont été reprochés aux deux chercheurs, il y avait celui d'avoir permis à des gens de travailler sans escorte à l'intérieur des laboratoires.
Comment une telle chose a-t-elle pu se produire? Selon vous, est-ce le genre de pratique qui peut encore avoir cours, ou a-t-on resserré le tout depuis?
À ma connaissance, nous avons appris de nos erreurs.
Nos collègues de l'Agence de la santé publique du Canada ont été très rigoureux dans la mise en œuvre de ces leçons pour colmater certaines failles qui existaient dans les mesures de sécurité. À ma connaissance, ces pratiques n'ont plus cours.
Par contre, la nature même du travail d'espionnage et de contre-espionnage fait que, plus nos tactiques et nos techniques de compréhension et de collecte de renseignements deviennent utiles et efficaces, plus notre adversaire change de techniques pour nous rendre la tâche encore plus difficile. Il s'agit donc vraiment du jeu du chat et de la souris. Nous ne pouvons pas dormir sur nos deux oreilles en pensant que c'est réglé. C'est pour cela que je parle toujours de partenariat et de dialogue entre les experts de la sécurité nationale, comme ceux du SCRS, et les organisations, parce que la situation, les techniques et les méthodes d'espionnage évoluent.
Je veux maintenant aborder une préoccupation qui me semble majeure concernant la Chine, à savoir le risque que la Chine organise ses alliés dans le monde pour parvenir à ses propres fins. Je sais que le mandat de ce comité est plus étroitement lié à la Chine, mais ce qui me préoccupe surtout, c'est la façon dont la Chine pourrait utiliser les États qui l'appuient pour réaliser les objectifs que vous avez décrits au tout début de la réunion d'aujourd'hui.
Le plus grand potentiel et le plus grand risque que je perçois à la lumière de vos observations d'aujourd'hui, c'est le plan visant à accroître sa force militaire, ce qui, du point de vue des néo-démocrates, est bien mauvais pour la paix. Bien sûr, plus des forces armées de plus en plus grandes et puissantes se rassemblent, plus il devient probable que l'inévitable se produise. Je pense que c'est très alarmant non seulement pour les Canadiens, mais pour le monde en général.
Dans quelle mesure la relation de la Chine avec d'autres acteurs étatiques est-elle alarmante sur la trajectoire d'une collision potentielle très grave avec l'OTAN et nos alliés?
L'un des effets collatéraux importants, si vous voulez, de l'invasion de l'Ukraine par la Russie est le rapprochement entre la République populaire de Chine et la Russie. On parle ici de deux dictatures. On parle de deux systèmes autoritaires qui collaborent parce qu'ils en voient les avantages pour chacun. La dynamique d'une collaboration militaire accrue entre la République populaire de Chine et la Russie est préoccupante. Nous constatons également un rapprochement avec la Corée du Nord. Lorsqu'on examine de près la dynamique de la sécurité dans cette partie du monde, on commence à voir un certain nombre d'indicateurs émerger dans la mauvaise direction.
Au Canada en particulier, nous constatons que la République populaire de Chine a inventé un nouveau concept et s'est déclarée État quasi arctique. Cela n'existait pas auparavant, mais cela existe maintenant, du moins dans sa propre nomenclature. Le but en est précisément d'essayer d'accroître ses capacités de manoeuvrer dans le Nord, y compris dans l'Arctique canadien. Les Chinois voient le potentiel économique que présentent les changements climatiques et l'ouverture de routes maritimes dans le Nord, mais il y a aussi un volet militaire. D'un point de vue canadien, on craint, à la lumière de cet exemple, une incidence directe sur la sécurité actuelle et future du Canada.
De plus, comme vous l'avez mentionné, monsieur Desjarlais, il y a la question de l'instabilité mondiale que créent les ententes militaires, le partage du savoir-faire militaire et le partage de matériel dans cette partie du monde. C'est très préoccupant dans le contexte actuel, mais dans une perspective d'avenir aussi.
Le gouvernement du Canada fait de l'impartition et conclut des contrats avec beaucoup de personnes et d'entreprises de l'extérieur. Évidemment, ArriveCAN a fait les manchettes récemment, mais il y a une chose qui m'a surpris en lisant les documents que nous avons reçus, c'est qu'une entreprise privée a été chargée de certaines parties de l'enquête.
Pourquoi une entreprise privée, en l'occurrence Presidia Security Consulting, mène‑t‑elle des enquêtes de sécurité pour le compte du gouvernement du Canada? Qu'en pensez-vous? Ensuite, quelle est la relation entre le SCRS et cette entreprise privée dans le cadre d'une telle enquête?
Je pense que vous soulevez une chose intéressante, en ce sens que certaines organisations ont peut-être davantage de capacités internes pour mener des enquêtes complexes.
Dans ce cas‑ci, monsieur Chong, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de demander à l'ASPC pourquoi elle a fait ce choix. D'après mon expérience, l'un des problèmes, c'est qu'il manque de compétences internes dans certains domaines précis. Je parle de façon générale. Je ne sais pas. Il n'y a aucune relation entre le SCRS et ce genre d'organisation pour la simple raison que nous ne pouvons rien lui communiquer. Nous ne pouvons pas lui communiquer nos techniques, nos méthodes et nos renseignements.
Je dirais encore une fois, de façon générale, que ce peut être utile dans certaines circonstances. Certaines entreprises privées ont de très grandes compétences dans des domaines d'enquête pointus, ce qui peut être utile, mais leur travail doit se conjuguer à une enquête gouvernementale, surtout lorsque des biens et des renseignements gouvernementaux sont visés. C'est là que le SCRS entre en jeu. Bien sûr, en cas de criminalité potentielle, nos collègues de la GRC doivent intervenir aussi.
Autrement dit, le ministère et l'Agence ont la responsabilité de mener l'enquête au moyen de leurs propres ressources, mais s'ils n'ont pas les ressources suffisantes, ils font appel à une entreprise privée pour ce faire. J'aurais cru que l'ASPC communiquerait avec des autorités du gouvernement du Canada comme le SCRS ou la GRC pour mener enquête en cas de problème de sécurité, plutôt que d'embaucher un entrepreneur privé pour faire le travail et recueillir de l'information.
Le mandat du SCRS est assez clair dans ce genre de circonstances. Nous ferions enquête sur la menace à la sécurité nationale et nous nous occuperions du filtrage de sécurité, mais nous ne sommes pas outillés pour le reste, pour le volet administratif. Ce ne serait pas approprié.
Je tiens à répéter que je faisais un commentaire général lorsque j'ai dit que...
Le SCRS fait des évaluations du renseignement, de sorte que si une personne veut obtenir l'autorisation d'entrer dans le laboratoire de Winnipeg, le SCRS fera l'évaluation de sécurité, puis fera des recommandations au ministère ou à l'Agence. Au sein de l'appareil gouvernemental canadien, qui a la responsabilité d'octroyer cette autorisation de sécurité normalement? Est‑ce le sous-ministre ou le dirigeant de l'agence, la présidente de l'ASPC? Qui le fait normalement, et ces pouvoirs peuvent-ils être délégués?
Dans le cas de l'ASPC, l'autorité responsable du Laboratoire national de microbiologie et de l'octroi de l'autorisation de sécurité serait-elle la présidente?
Ma dernière question porte sur une nouvelle que nous avons entendue. Essentiellement, il y a un seul laboratoire de niveau 4 au Canada et il se trouve à Winnipeg. Il comporte deux volets: l'aspect animal et l'aspect humain, l'un géré par l'ACIA et l'autre par l'ASPC. On a appris le mois dernier que l'Université de la Saskatchewan souhaiterait mettre sur pied un laboratoire de niveau 4. Avons-nous la capacité, au Canada, d'avoir un autre laboratoire de niveau 4, dans un établissement non gouvernemental en particulier, compte tenu des graves atteintes à la sécurité dont nous avons été témoins au laboratoire du gouvernement à Winnipeg?
Je serai très transparent avec le député: le SCRS n'a pas examiné cette éventualité.
Je n'ai pas personnellement analysé ce projet tel que vous le présentez, monsieur Chong.
En réponse à la question de M. Bergeron, j'ai mentionné que nous étions déjà en communication avec l'entité qui souhaite établir ce laboratoire en Saskatchewan. Encore une fois, s'il y a une chose qui ressortira des travaux de ce comité, à mon avis, c'est que tout le monde sera encore plus conscient, rigoureux et, je l'espère, diligent quant à la mise sur pied et à la sécurité d'un tel laboratoire.
Je vous remercie de votre présence parmi nous, monsieur Vigneault, monsieur Stern et monsieur Fisher.
Monsieur le directeur, vous avez parlé de ce qui s'est passé en 2018 et en 2019 et vous avez dit qu'avec le recul, vous aviez l'impression que la question avait été réglée assez rapidement.
J'aimerais vous poser une question dans une perspective d'avenir. Étant donné ce qui s'est passé à l'époque et le changement de climat en matière de sûreté et de sécurité en ce qui concerne la République populaire de Chine, que faut‑il faire, selon vous, pour améliorer notre gestion de tout ce qui entoure un laboratoire de niveau 4 et les autres organes gouvernementaux qui peuvent traiter avec des pays étrangers?
Je pense que nous nous sommes rendu compte que la dynamique dans nos pays change depuis un certain temps. Malheureusement, il y a un certain nombre d'acteurs malveillants qui reluquent ce que nous avons. Ils veulent ce que nous avons ici: notre savoir-faire, notre expertise et notre propriété intellectuelle.
Comme je l'ai déjà mentionné, il y a différents éléments qui entrent en jeu ici.
Premièrement, il faut en parler. Il ne peut pas y avoir que le SCRS qui s'en préoccupe. Cela doit faire partie d'un débat de société. Malheureusement, il y a des menaces à notre sécurité nationale, et nous devons en parler. C'est la première chose.
Deuxièmement, il faut créer le bon tissu conjonctif, pour reprendre l'image que j'ai déjà utilisée, entre les différentes organisations. Les gens ont besoin de se connaître un peu. Les gens doivent se sentir en confiance. Si j'ai une crainte, à qui dois‑je m'adresser et comment puis‑je participer aux discussions?
Nous n'avons évidemment pas toutes les réponses au SCRS, nous ne savons pas tout. J’aime croire que nous en savons un peu, mais en même temps, ce dont nous avons besoin, c'est d'occasions pour que les gens se parlent entre eux, et cela ne s'applique pas qu'aux nombreuses entités gouvernementales fédérales, mais aussi aux établissements provinciaux, municipaux et universitaires et aux laboratoires de recherche. Ces dernières années, j'ai constaté une hausse du nombre d'événements organisés, officiellement et informellement, pour favoriser l'échange d'information.
La dernière chose que je dirai, c'est que comme on le dit en français:
[Français]
je vais prêcher pour ma paroisse.
[Traduction]
Il est important de savoir que les organisations consacrées à la protection de la sécurité nationale ont les ressources nécessaires pour le faire, y compris sur le plan législatif.
Ma dernière question nous ramène aux grands thèmes que vous venez de mentionner et qu'il faut garder à l'esprit.
Auriez-vous des améliorations particulières à nous recommander pour renforcer nos règles et nos processus, au nom du SCRS, que vous pourriez transmettre par écrit au Comité pour nous aider à rédiger notre rapport, compte tenu de tout ce que nous avons vu? Comment pouvons-nous améliorer les choses?
Je me réjouis de cette occasion. Je vais travailler avec mes collègues et m'efforcer de faire parvenir certaines de nos réflexions et peut-être même carrément des conseils au Comité.
C'est la fin. Nous vous remercions tous de vos questions et nous remercions chaleureusement nos témoins, monsieur Stern, monsieur Vigneault et monsieur Fisher.
Je tiens à remercier la greffière, les analystes, nos interprètes, notre personnel et les employés des services généraux.
On m'a dit aujourd'hui que le seul créneau disponible le mercredi serait de 19 h 30 à 21 h 30.
Pourrions-nous demander rapidement aux membres du Comité s'ils veulent se réunir le vendredi après-midi ou le mercredi soir? Je suis neutre. Je suis conscient que ce serait assez tard le mercredi. Je croyais que nous aurions pu nous réunir plus tôt dans la journée.
Nous verrons ce que le Comité préfère, même si mercredi soir, je dois dire que ce serait une contrainte horrible pour votre président. Je ne veux pas jouer à la victime ici, nous vous laisserons suivre votre conscience, monsieur.