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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 février 2015

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue aux membres du comité.
    Il s'agit de la séance no 42 du Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Aujourd'hui, nous entreprenons une nouvelle étude intitulée « Exploration du potentiel de la finance sociale au Canada ».
    Pour nous aider à amorcer notre étude, nous avons invité des représentants ministériels. Du ministère de l'Emploi et du Développement social, nous accueillons, d'abord, Mme Siobhan Harty, directrice générale de la Direction de la politique sociale, Division de la politique stratégique et recherche; et M. Blair McMurren, directeur de l'Innovation sociale, Division de la politique stratégique et recherche.
    Merci à vous d'être venus, madame Harty et monsieur McMurren.
    Nous sommes assez souples aujourd'hui. Nous avons proposé une réunion d'une heure, sous toutes réserves; cependant, je ferai preuve de souplesse côté gestion du temps, et nous passerons ensuite à la période de questions.
    J'ai un autre point à ajouter. Nous devons traiter une question budgétaire très brève à la fin de notre réunion, ce que nous ferons lorsque nous aurons épuisé nos questions.
    Madame Harty, la parole est à vous.
     Nous vous avons distribué une présentation en PowerPoint dans les deux langues officielles. Je propose d’en voir les grandes lignes avec vous sans passer en revue toutes les diapositives. Nous pourrons ensuite couvrir d'autres sujets pendant la période de questions.
    J’aimerais commencer par la diapositive no 2 et vous donner une définition de la finance sociale. C’est particulièrement à propos compte tenu de la teneur de votre étude. En termes simples, la finance sociale consiste à utiliser l’argent de façon à générer des retombées à la fois sociales et financières. C’est une approche qui mobilise de multiples sources de capitaux pour générer des résultats sociaux mesurables et positifs ainsi qu’un dividende économique.
    La finance sociale permet de faire des investissements supplémentaires et d’accroître les fonds dont l’on dispose pour élaborer, offrir et mettre à niveau des approches éprouvées visant à régler les questions socioéconomiques dans nos collectivités. Elle englobe de nouvelles approches à l’égard de l’investissement. Souvent appelée « investissement d’impact », la « finance sociale » peut être remplacée par « investissement social ». On a décrit l’investissement d’impact comme une pratique visant à investir activement des capitaux dans les entreprises et des fonds qui génèrent des avantages sociaux, environnementaux ou les deux, et au moins un principe nominal pour l’investisseur.
    Je passe maintenant à la diapositive no 3 pour répondre à la question: pourquoi la finance sociale? Pourquoi des pays comme le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Australie et d’autres optent-ils pour la finance sociale? Au Canada, la volonté d’explorer cette option est surtout venue du secteur sans but lucratif. Elle a été appuyée par la création du Groupe d’étude canadien sur la finance sociale, groupe non gouvernemental qui a publié un rapport en 2010 et un rapport de suivi en 2011.
    Malgré le solide filet de sécurité du Canada et ses programmes dans la collectivité, certains groupes continuent de faire face à des enjeux socioéconomiques complexes. Les gouvernements, les organismes communautaires et les investisseurs du secteur privé en sont venus à reconnaître qu’ils ne peuvent s’attaquer à ces défis sans aide. On souhaite trouver de nouvelles façons de le faire par le truchement de partenariats axés sur les enjeux sociaux pour lesquels les types d’intervention sociale traditionnels n’ont pas fonctionné.
    Un marché de la finance sociale bien établi — comme ceux qui se développent au Royaume-Uni et aux États-Unis — débloquerait de nouvelles sources de capitaux pour les organismes communautaires. Ces capitaux proviennent principalement de fondations privées; nous en avons d’importantes au Canada en plus d’autres sources. Elles offrent au secteur privé — j’y inclus les fondations — de nouvelles options pour investir de façon socialement responsable et ont permis aux gouvernements de réaliser des économies en affectant efficacement des ressources aux enjeux sociaux complexes.
    En outre, la finance sociale requiert aussi l’utilisation rigoureuse de mesures et d’évaluation pour déterminer si les résultats escomptés ont été atteints afin d’assurer l’utilisation efficace des ressources et de rendre compte de l’utilisation des fonds publics.
    Passons maintenant à la diapositive no 4. Une chose à prendre en note concernant le marché de la finance sociale ou de l’investissement social est qu’il s’agit d’un marché comme tous les autres. Si nous pouvons vous l’expliquer en ces termes, vous serez en terrain de connaissance. En pratique, la façon dont les marchés fonctionnent varie d’un pays à l’autre et parfois même d’une région à l’autre, comme c’est le cas au Canada. Certains acteurs joueront plus d’un rôle ou ils seront actifs dans plus d’un aspect du marché.
    À l’instar d’autres marchés financiers, le marché de la finance sociale compte trois grandes composantes. Il y a l’offre, qui fournit le capital. Un certain nombre de joueurs sont actifs dans ce secteur, comme les fondations, les institutions financières et les investisseurs privés, pour n’en nommer que quelques-uns. Il y a la demande, qui vient d’une gamme d’organismes à but lucratif et sans but lucratif, notamment des organismes de bienfaisance, des organismes sans but lucratif, des entreprises sociales, des coopératives et des entreprises à mission sociale. Entre les deux se trouvent les intermédiaires, les agents qui essaient de rapprocher les deux côtés du marché: l’offre et la demande. Ces intermédiaires s’efforcent de faciliter les marchés en offrant de l’expertise pour le développement de l’offre et de la demande et pour permettre la croissance efficiente du marché global.
(1535)
     La présentation en PowerPoint donne des exemples d’intermédiaires. Au bas de la page, j’aimerais vous faire remarquer que, comme dans tout autre marché, il faut un cadre fiscal et réglementaire — le rôle que doit jouer le gouvernement pour façonner le marché global.
    On estime à environ 2,2 milliards de dollars la taille du marché actuel au Canada. Des prévisions réalisées par le Centre d'investissement d'impact MaRS suggèrent qu’il pourrait atteindre les 30 milliards de dollars dans une dizaine d’années si toutes les parties du marché se rejoignent pour former une situation optimale.
    Passons maintenant à la diapositive no 5.

[Français]

     Voici certains exemples d'organisations qui fournissent des capitaux pour la finance sociale. Il s'agit généralement de gros investisseurs, de banques ou d'autres institutions financières et de fondations.
    Certaines de ces organisations cherchent à augmenter l'offre de finance sociale en général ou elles recourent à des investissements de finance sociale dans le cadre d'une mission sociale particulière, par exemple le développement des communautés autochtones.

[Traduction]

    La diapositive no 6 donne des exemples d’intermédiaires qui sont relativement actifs sur la scène canadienne. Comme je l’ai fait remarquer plus tôt, les intermédiaires essaient de rapprocher les deux côtés du marché, mais étant donné que le nôtre est assez petit, certains joueurs jouent actuellement sur tous les plans. On constate que certains organismes, comme MaRs ou Trico, sont des intermédiaires, mais que Trico est un bon exemple d’organisme qui offre aussi des subventions par l’intermédiaire d’une fondation.

[Français]

    La page 7 présente quelques exemples d'organisations qui ont besoin de financement social pour développer et élargir des interventions novatrices ou qui utilisent des mécanismes de finance sociale pour poursuivre leur mission sociale. Il s'agit généralement d'entreprises sociales à but non lucratif ou d'organismes de bienfaisance entrepreneuriaux.

[Traduction]

     Ici, nous avons des exemples d’organismes qui fonctionnent du côté de la demande.
    J’aimerais maintenant passer à la diapositive no 8 pour avoir une image du marché avec l’offre, la demande et les intermédiaires et ensuite souligner pour vous certaines des initiatives gouvernementales au pays. Nous les avons divisées en deux secteurs d’activité généraux: les règles et règlements — vous vous rappellerez que j’ai parlé de l’élément fondamental que les gouvernements peuvent fournir en créant un environnement favorable — et l’investissement direct.
    Pour souligner certains secteurs d’activité du côté de l’offre, le gouvernement de la Saskatchewan envisage d’adopter une loi sur le financement collectif. Le financement collectif est assez commun, au Canada, comme ailleurs. La Saskatchewan essaie de voir si le gouvernement a un rôle à jouer dans la réglementation de ce type d’activité. Nous savons qu’il peut être une source de financement incroyable et qu’il est possible de le faire très rapidement pour réaliser différentes missions sociales.
    En outre, si l’on prend la deuxième colonne, « Capitaux », le gouvernement de la Nouvelle-Écosse envisage la possibilité d’offrir un crédit d’impôt pour capital-risque. Côté demande, le gouvernement de la Colombie-Britannique a instauré une entreprise à contribution communautaire sous forme de loi. Reconnaissant que certaines de nos catégories traditionnelles de sociétés ne nous permettent pas d’avancer dans ce secteur, il a tenté de trouver un intermédiaire entre les entreprises traditionnelles et les organismes de charité traditionnels.
    Si l’on prend l’investissement direct, on a déjà un certain nombre de véhicules pour offrir de la finance sociale. Un exemple solide et bien établi dans la province de Québec est la Fiducie du Chantier de l’économie sociale; c’est un joueur important. En outre, au sein de mon propre ministère, nous avons travaillé à un projet de microprêts pour aider les immigrants récents à obtenir la reconnaissance de leurs titres de compétences étrangers pour qu’ils puissent exercer leur activité professionnelle au Canada et participer au marché du travail.
    En outre, pour ce qui est des capitaux, la Saskatchewan est digne de mention pour avoir lancé la première obligation à impact social au Canada. Elle est à petite échelle, environ 1 million de dollars, mais elle a lancé cette partie du marché.
    Enfin, si l’on prend le renforcement de la capacité, j’aimerais simplement faire remarquer qu’au Canada, nous avons une vaste gamme, je dirais, d’organismes à l’échelon local qui ont déjà entrepris des activités à vocation sociale et des activités axées sur la mission. Nous en nommons quelques-unes ici.
     Prenons maintenant la diapositive no 9. J’ai dit tout à l’heure que le marché commence à prendre de l’essor au Canada. Il est naissant, mais un point important à prendre en note est qu’il ne vise pas du tout à remplacer le financement gouvernemental. Il est vraiment complémentaire; il vient s’ajouter au financement gouvernemental. Un des objectifs que j’ai mentionnés tout à l’heure est de pouvoir obtenir différentes sources de financement pour composer avec des enjeux sociaux complexes.
(1540)
     On semble présumer que les gouvernements et leurs partenaires seraient mieux placés pour régler des enjeux socioéconomiques complexes en proposant de nouvelles idées et de nouvelles sources de financement, mais au fur et à mesure qu’ils le font, il faudrait réexaminer certaines questions. Comme c’est le cas pour tout autre marché, lorsque l’on essaie de faire croître un marché du capital-risque ou un autre type de marché, pour y arriver, il vous faut parfois faire diverses interventions, que ce soit du côté de l’offre ou de la demande. Nous avons vu la même chose dans d’autres pays.
    Avant de passer à la prochaine diapositive, je vais conclure en disant que la finance sociale ne convient pas nécessairement à toutes les questions sociales ou à toutes les populations cibles. Quand les pays choisissent cette option, ils examinent leurs populations vulnérables sur divers points et se tournent vers leurs partenaires à ces endroits pour déterminer si une région est propice à la finance sociale. Le principal avantage de la finance sociale est qu’elle permet d’opter pour une approche préventive, car cela doit se faire à long terme; il arrive souvent qu’avec du financement à court terme, il ne soit pas possible de privilégier pareille approche.
    Passons maintenant à la diapositive no 10. J’ai mentionné à quelques reprises que d’autres pays avaient opté pour la finance sociale, le principal étant le Royaume-Uni. Il a été très engagé dans l’établissement de la finance sociale à l’échelle nationale, mais il ne s’est pas arrêté là. En 2013, il a décidé de profiter de sa présidence du G8 pour lancer un groupe international de travail sur l’investissement social formé d’États membres du G7. J’ai eu le privilège d’y siéger à titre de représentante du gouvernement du Canada en compagnie de Tim Jackson du Centre d'investissement d'impact MaRS.
    Nous avons passé une année à visiter la plupart des pays du G7 et à nous entretenir avec tous les acteurs du marché. Nous avons ensuite rédigé un rapport, qui a été publié en septembre 2014. En fait, il y a une série de rapports. Le Canada a aussi publié son propre rapport, comme les autres pays du G7; ces rapports se trouvent tous sur un site Web.
     Le Royaume-Uni est donc un chef de file, suivi de près par les États-Unis qui offrent divers types de modèles de rémunération au rendement ainsi que des obligations à impact social. L’Australie a lancé des obligations à impact social. D’autres pays examinent leurs cadres juridique et réglementaire en se demandant s’ils peuvent prendre des mesures pour financer la circulation de différents types de capitaux dans le marché.
    J’aimerais conclure en vous rappelant qu’il s’agit d’un phénomène qui a émergé à l’échelle internationale. Je dirais qu’il s’agit d’un autre outil que les gouvernements peuvent utiliser pour composer avec les enjeux socioéconomiques. Cependant, il importe que vous adhériez au principe de partenariat, car les gouvernements n’agissent pas seuls: ils doivent collaborer avec divers secteurs de la société pour pouvoir favoriser l’innovation et trouver de nouvelles sources de capital. Le gouvernement fédéral a commencé à évaluer le potentiel de la finance sociale, tout comme certaines provinces, notamment la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse. Alors que nous, du gouvernement fédéral, étudions diverses possibilités pour l’avenir, nous nous inspirerons de ce qui se passe à l’échelle internationale et des leçons tirées par d’autres pays.
    Merci.
(1545)
    Merci, madame Harty. Merci de nous donner le lien vers le site Web qui contient les rapports que vous avez mentionnés pendant vos remarques — je ne suis pas certain qu'il se trouve dans les documents que nous avons.
    Oui, absolument.
    Je crois qu'il serait important que nous y ayons accès.
    Nous allons commencer par une ronde de sept minutes avec Mme Groguhé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     Je voudrais tout d'abord remercier les témoins qui se sont déplacés pour nous faire part d'explications concernant la finance sociale.
    Je dois dire que la finance sociale est un sujet tout nouveau pour moi. Lorsque j'ai fait mes recherches, mes devoirs, si on peut dire, j'ai constaté qu'il y avait tout de même encore beaucoup de questionnements à propos de ce nouveau programme. Plus précisément, je suis tombée sur une étude réalisée par l'Université Carleton et dans le cadre de laquelle 150 groupes communautaires ont été interrogés au Canada. Il ressort de cette étude trois conclusions principales dont je vais vous faire part.
    Premièrement, les groupes communautaires ne souhaitent pas recourir à des instruments de finance sociale car ils n'ont ni l'expertise ni les ressources requises pour le faire.
    Deuxièmement, les problèmes inhérents aux contrats à court terme sont des obstacles au développement de leurs activités.
     Troisièmement, leurs activités se développent mieux s'ils reçoivent un financement stable plutôt qu'un financement par projet.
    Ils précisent d'ailleurs dans cette étude que, pour attirer les investisseurs, il faudra leur consentir un taux d'intérêt. J'aimerais vous poser quelques questions sur ces taux, d'autant plus que le projet pilote de Rotterdam, qui est cité dans le document de la Bibliothèque du Parlement, accorde un taux d'intérêt de 12 %.
     J'aimerais savoir, en ce qui concerne les projets financés de cette façon, quel pourcentage de l'argent est consacré aux frais d'administration et aux taux d'intérêt.

[Traduction]

    Je vais commencer par l'étude de Carleton que vous avez mentionnée.
    Je l’ai trouvée intéressante en raison de ses trois conclusions. La première est que les groupes n’étaient pas intéressés à avoir recours à des instruments de finance sociale, car ils les trouvent difficiles à comprendre. C’est un point valide. D’autres pays ont mis en place des fonds de capacité. Le Royaume-Uni et les États-Unis ont notamment reconnu qu'il faudrait aider les organismes à comprendre le nouveau marché et leur montrer comment s'y positionner afin de pouvoir y fonctionner. Le Royaume-Uni a, par exemple, créé un fonds très généreux, à la fois par l’intermédiaire du gouvernement et de fondations publiques, en vue de pouvoir offrir cette expertise aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif.
    Je pense qu’une importante raison sous-tend les deuxième et troisième conclusions de l’étude que vous avez citée. Il est vrai que nombre d’organismes parlent de la grande difficulté de gérer des contrats à court terme et du manque de stabilité du financement qui les accompagne. Ils doivent présenter des demandes assez régulièrement pour obtenir de nouvelles subventions ou du nouveau financement. En fait, la finance sociale veut s'attaquer de plein front à ce problème et délaisser ces contrats à court terme. Pendant ma présentation, vous vous rappellerez que j’ai dit qu'il est avantageux de pouvoir opter pour une approche préventive, alors on adopte une perspective à beaucoup plus long terme.
    La première obligation à impact social qui a été lancée au Royaume-Uni, le projet pilote de Peterborough, est un projet septennal. Il adopte une perspective à beaucoup plus long terme et délaisse les contrats à court terme. Parallèlement, le fait de l’ouvrir à d’autres sources de financement permet d'offrir une meilleure stabilité financière aux organismes. Nous savons que les acteurs du secteur caritatif et sans but lucratif veulent avoir des sources de financement plus stables. Il est très difficile de présenter des demandes de subventions tous les ans sans savoir si on arrivera à en obtenir. Si un organisme trouve un investisseur disposé à lui fournir des capitaux patients pour mener des projets sur trois, cinq ou sept ans, cela l’aidera vraiment avec son modèle opérationnel, car il saura qu’il bénéficiera de financement pluriannuel au lieu d'un simple financement annuel. Il est important de pouvoir faire comprendre ce message parce que les organismes nous disent la même chose
(1550)

[Français]

    Si je comprends bien, vous êtes d'avis que la finance sociale répond justement au problème de financement à long terme.

[Traduction]

    Oui.
    Votre deuxième point portait sur les taux d’intérêts et les pourcentages consacrés à l’administration et au taux de rendement en tant que tel. Dans le projet pilote de Rotterdam, il était de 12 %, tandis que dans celui de Peterborough, je pense qu’il était de 11 ou 12 %. Blair pourra vérifier. Je pense que c’était un nombre à deux chiffres.
    Nous constatons que les taux varient d’un projet à l’autre. Je crains de ne pouvoir vous dire quelle partie est consacrée à l’administration du projet. Dans la plupart des cas, cette information n’est peut-être pas rendue publique parce qu’il s’agit d’un contrat, mais nous pouvons retourner vérifier si c’était le cas.
    Le taux de rendement varie en fonction du risque associé au projet. Si vous avez affaire à une population à risque, un investisseur voudra peut-être dire que le taux de rendement devrait être plus élevé. Dans le cas d’une intervention qui a fait ses preuves à divers endroits et qui est maintenant employée à plus grande échelle, le taux de rendement pourrait être moins élevé parce que le risque l’est aussi. Mais fondamentalement, ce qui compte est que, pour chacun de ces projets, ce point soit négocié entre partenaires.

[Français]

     Si j'ai bien compris, on applique expressément les lois du marché à l'implication sociale d'un organisme sans but lucratif ou d'une entreprise qui a pour objectif de régler des problèmes sociaux.
    Est-ce exact?

[Traduction]

    Je dirais que, dans une certaine mesure, c'est parce que les interventions sociales des organismes à but non lucratif ou de bienfaisance n'ont pas de valeur marchande. Elles n'ont pas de valeur sur le marché. Il faut notamment examiner les innovations qui ont fait leurs preuves, qui ont fonctionné à l'échelle locale, dans une collectivité à Montréal par exemple, pour ensuite les mettre en oeuvre dans d'autres secteurs de Montréal ou ailleurs au pays, s'il convient de le faire. Ces organismes à but non lucratif n'ont souvent pas les ressources pour pouvoir appliquer ou exporter un modèle qui fonctionne dans une localité car ils n'ont pas accès à ce genre de capitaux ou de subventions.
    Si un modèle fonctionne pour un petit groupe, que faudrait-il faire pour pouvoir l'appliquer à un groupe plus important et pouvoir surmonter les obstacles à plus grande échelle?
    Merci.
    Monsieur Armstrong, vous avez sept minutes.
    Je veux vous remercier de ces observations préliminaires générales. Je les ai trouvé fort intéressantes. J'aimerais parler du sujet de façon plus concrète pour que les membres du comité puissent comprendre ce qu'il en est et ce que nous allons entendre lorsque nous discuterons avec d'autres promoteurs qui viendront témoigner au cours des prochaines semaines.
    Vous pourriez peut-être commencer avec les obligations à impact social. Admettons que nous avons un problème social tel que l'obésité chez les enfants ou l'alphabétisation dans les réserves des Premières Nations. Ce sont des problèmes qui résistent aux projets qui sont conçus pour les régler. Comment une organisation qui a connu du succès dans le cadre de l'un de ces projets pilotes peut-elle utiliser les obligations à impact social et le financement social pour essayer de résoudre cet enjeu social à plus grande échelle? Que ferait-elle en tant qu'organisation qui utilise cette méthode?
    Cela revient un peu à ce que je disais. Une organisation comme celle-là veut être en mesure d'appliquer son intervention éprouvée, mais n'a pas les ressources pour le faire. Ce que nous savons après avoir parlé à des organismes de bienfaisance et à but non lucratif, c'est qu'ils n'ont pas accès aux formes de capitaux traditionnels par l'entremise d'une banque. Ils ne peuvent pas avoir accès à ces capitaux car leur modèle d'entreprise sociale n'est pas un modèle que le milieu bancaire comprend forcément, ce qui fait en sorte qu'il leur reste très peu d'options. Les subventions sont généralement l'une de ces options.
    Le financement social fournit une forme de financement de rechange. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ce financement peut provenir d'une fondation privée. Certaines fondations qui se penchent là-dessus au Canada examinent s'il pourrait être possible de consentir un prêt à ce genre d'organisation, par exemple. C'est une forme de financement social.
    Vous avez également parlé d'obligations à impact social, qui constituent une forme d'investissement. Une organisation — ce pourrait être une fondation privée ou une institution financière comme la RBC ou la Banque TD qui sont plus actives dans ce milieu — investirait dans cette intervention éprouvée et récupérerait son argent sur le marché, si l'intervention produit les résultats prédéterminés.
    Ce qui est important dans n'importe quelle situation et dans celle que vous avez mentionnée, c'est que tous les partenaires doivent déterminer le résultat qu'il faut atteindre. Cela change le cours de la conversation car nous ne nous concentrons pas beaucoup sur les résultats à l'heure actuelle. Nous avons tendance à nous concentrer sur le rendement ou sur les activités, et nous ne demandons pas souvent si nos programmes atteignent certains résultats. Ce pourrait être notamment de réduire le taux de décrochage scolaire au niveau secondaire ou d'améliorer les niveaux d'alphabétisation et des compétences de base qui, nous le savons, aideront les Canadiens à rester sur le marché du travail ou à atteindre un certain niveau de bien-être.
    Une fois que ces résultats sont établis, ils deviennent les cibles à atteindre. Dans le cas des obligations à impact social, où il y a un approvisionnement en capitaux et un intermédiaire qui gère le projet, si le résultat est atteint par le fournisseur de services, l'investisseur récupérera son argent et touchera une prime de risque.
(1555)
    D'accord. Si vous étiez l'une de ces organisations, que vous aviez un programme qui fonctionne et que vous vouliez le mettre en oeuvre à plus grande échelle, vous rencontreriez votre promoteur à qui vous demandez d'investir pour lui dire que vous croyez pouvoir améliorer, par exemple, la préparation à l'école en faisant en sorte que les élèves aient un niveau d'alphabétisation plus élevé avant de commencer l'école primaire.
    Admettons que vous pressentez la RBC pour obtenir un investissement. Et admettons que la RBC investit un certain montant et que, cinq ans plus tard, qui est la durée prévue du projet, le but est atteint et le niveau d'alphabétisation s'est amélioré tel que prévu. Comment la RBC récupérera-t-elle son investissement? Pouvez-vous nous expliquer?
    Le contrat est l'instrument dans lequel les modalités que doivent respecter toutes les parties sont énoncées. Si le résultat est atteint, la RBC récupère ses capitaux et un rendement sur son investissement, comme je l'ai dit.
    Comment savez-vous si le résultat a été atteint? Ce que nous voyons dans d'autres obligations à impact social, c'est qu'une évaluation par un tiers doit être effectuée. Nous réalisons des évaluations en ce moment, mais nous les faisons souvent sans tenir compte des résultats. Dans ces cas-là, il est important qu'un tiers indépendant évalue si le résultat a été atteint. Mais en cours de route, il faut également recueillir des données. Comme je l'ai dit dans mon exposé, il s'agit d'un milieu très riche en données. C'est un milieu qui cherche à mettre au point des mesures appropriées pour voir si une intervention a atteint les résultats escomptés, et à trouver un moyen d'évaluer si les résultats ont été atteints. L'avantage, c'est que peu importe si l'on atteint les résultats ou non, on disposera d'une base de données pour déterminer si l'on va de l'avant avec un autre projet semblable.
    Du point de vue du gouvernement, il voit un projet qui atteint l'objectif escompté, ce qui, à long terme, fera économiser de l'argent aux contribuables puisqu'il n'aura pas à mettre en place d'autres interventions qui sont beaucoup plus coûteuses dans ce cas-ci. La RBC peut récupérer l'argent qu'elle a investi dans le projet social qui a atteint son objectif. L'organisation qui coordonne le projet a probablement l'occasion de le déployer à plus grande échelle, puisqu'il a démontré qu'il a fonctionné dans un contexte beaucoup plus vaste.
    C'est une situation où tout le monde y gagne si le but est atteint, et tout est fondé sur les paramètres de l'évaluation que vous établissez au début du projet. On peut voir pourquoi cela encouragerait les promoteurs du secteur privé à investir dans ce genre de projets.
    Ai-je raison?
    Désolée, mais je n'ai pas entendu votre dernier point.
    Je dis que c'est une situation où tout le monde y gagne. Si d'autres investisseurs du secteur privé peuvent voir que leurs investissements sociaux leur procureront cet avantage, on peut s'attendre à ce que ces investissements augmentent dans l'avenir. C'est ce qui s'est passé au Royaume-Uni et en Australie, n'est-ce pas?
    Oui, en effet.
    Ce que vous avez dit au sujet des économies est exact. Je pense que pour bon nombre de projets en cours, il faudra attendre de voir quelles seront les économies. Mais ces économies sont réalisées à moyen et à long terme car on investit des sommes considérables dans des personnes. C'est là où l'expression « capitaux patients » prend tout son sens. Mais si l'on fait les choses correctement, on n'a pas besoin en bout de ligne d'avoir recours aux programmes sociaux correctifs et aux programmes du marché du travail.
    Merci.
(1600)
    Monsieur Hsu, pour sept minutes.
    Merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    J'aimerais comprendre un peu mieux certains des défis associés à la mise en oeuvre du financement social. Vous avez mentionné plus particulièrement, madame Harty, que nous devons utiliser de façon rigoureuse les paramètres et recueillir des données, et c'est le genre de mesures qui aident à offrir les garanties que nous atteindrons de vrais résultats. J'imagine qu'il faut élaborer les paramètres, mais aussi avoir la capacité de colliger et d'évaluer les données.
    Sommes-nous confrontés à des défis pour ce qui est de notre capacité de recueillir des données et d'évaluer rigoureusement les paramètres? Devons-nous mettre au point certaines mesures? Y a-t-il un écart entre le Canada et d'autres pays qu'il faudrait combler?
    Je ne peux pas faire d'observations sur l'écart. Je ne suis pas évaluatrice de programmes. Je ne suis pas vraiment au courant des systèmes qui existent dans les différents pays. Je ne peux donc pas me prononcer là-dessus. Mais il faut recueillir des données. Dans bien des cas, nous le faisons déjà.
    La Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance est un bon exemple dans mon ministère où, dans l'optique d'adopter la version actuelle du programme, nous avons collaboré avec des collectivités de partout au pays pour recueillir des données sur les sans-abri. C'est quelque chose que nous avons mis en place. Cette collaboration est très importante pour savoir si nous atteignons notre objectif visant à aider les sans-abri. Je pense que c'est un excellent exemple qui démontre que c'est possible. Lorsqu'on reconnaît qu'il y a un écart et que l'on essaie de mettre en place une intervention efficace, on met sur pied le processus pour évaluer si cette intervention est appliquée ou non.
    Je pense que c'est une tendance que nous observons dans de nombreux pays. C'est en partie parce que nous avons les systèmes de TI pour le faire maintenant. Les capacités sont en place. C'est quelque chose que nous pouvons faire en partenariat avec d'autres organisations. Nous leur avons déjà demandé de colliger de l'information. Il y a des sources riches en information déjà disponibles dans les collectivités qui sont recueillies par les organisations du secteur sans but lucratif en vue de mener des interventions sociales. Il s'agit de travailler avec ces organisations pour nous assurer que les données sont disponibles et que nous pouvons les évaluer.
    Qui paie pour la collecte des données? Est-ce une exigence du contrat qui prévoirait... ou c'est peut-être un tiers qui s'occupe de la collecte des données.
    Oui. Nous avons constaté des différences avec d'autres obligations à impact social. Nous avons vu différents modèles dans différents pays. Au Royaume-Uni, le gouvernement n'a pas fait appel à une organisation indépendante pour recueillir certaines données liées au projet pilote à Peterborough, mais nous avons vu des différences aux États-Unis et en Australie. Aux États-Unis, des processus d'évaluation par un tiers sont en place pour une partie de la collecte de données. Je pense que la façon de faire variera, selon les circonstances dans le pays, que ce soit des fondations qui s'en occupent ou des intermédiaires. Dans certains cas, des universités ont participé parce qu'elles disposent déjà d'excellentes capacités d'un point de vue quantitatif. Il est encore question ici du modèle de partenariat. On met à contribution les ressources disponibles pour y parvenir.
    Les gouvernements ne participeraient-ils pas activement à la collecte de données? Dans ma collectivité de Kingston, je sais qu'il y avait un effort concerté à l'échelle municipale pour lutter contre l'itinérance dans le cadre duquel on calculait périodiquement le nombre de sans-abri. C'était un effort important auquel de nombreuses personnes participaient. Je crois que l'idée consiste à avoir un point de référence. Au pays, nous avons également Statistique Canada, qui fait beaucoup de collecte de données et a énormément d'expérience en la matière.
    D'après vous, Statistique Canada et d'autres paliers de gouvernement participeraient-ils à cet effort de collecte de données?
    Si c'est approprié, mais cela dépend du type de données que vous voulez recueillir. Statistique Canada mène de nombreux sondages, et ces données peuvent être appropriées ou non pour une intervention locale qui fonctionne dans de nombreux secteurs stratégiques. Cela peut fonctionner ou non, mais vous voudrez sûrement que des centres de santé communautaire ou des organismes à but non lucratif participent à l'intervention.
(1605)
    D'accord.
    Notre gouvernement fédéral en parle depuis quelques années maintenant, et je me rends compte qu'il faut du temps pour mettre en oeuvre ce genre d'initiatives, mais depuis que le gouvernement a commencé à en discuter, quels sont les principaux obstacles pour mettre en oeuvre du financement social au Canada? Qu'est-ce qu'il reste à faire?
    Je ne pense pas qu'il y a des obstacles importants. Si l'on revient à la diapositive sur le marché, je pense que comme dans n'importe quel marché, il faut aller de l'avant sur tous les fronts en même temps, ce qui signifie de faire participer tous les intervenants, qui doivent tous être intéressés et disposés à faire leur part. Je pense que c'est une question de choisir le moment opportun.
    J'ai souligné certaines mesures que le gouvernement a prises dans différents ministères. Dans mon ministère, nous envisageons d'intégrer des innovations sociales à nos programmes. Nous le faisons depuis quelques années à l'aide des fonds du gouvernement fédéral pour inciter le secteur privé à contribuer à bon nombre de nos programmes de subventions et de contributions. Nous mettons aussi à l'essai des éléments des obligations à impact social dans le secteur de l'alphabétisation et de l'acquisition des compétences essentielles. C'est une mesure que l'ancien ministre de mon ministère a annoncée en octobre 2013.
    Des projets sont menés dans mon ministère et dans d'autres ministères également. Nous adoptons une approche progressive au Canada et examinons les projets pilotes. Je pense que c'est l'approche appropriée à adopter alors que nous examinons ce qui se fait dans d'autres pays et les leçons que nous pouvons en tirer.
    Quels sont les risques associés au financement social, d'après vous? Nous faisons participer le secteur privé, plus particulièrement. Nous appliquons un modèle financier pour privatiser une partie du financement. Quels sont les risques d'appliquer ce modèle dans les secteurs où des résultats mesurables doivent être atteints, où l'on n'a pas toujours de bons paramètres pour mesurer ce que l'on veut mesurer et où, comme vous le savez, on est motivé par le profit ? Quels sont les risques auxquels le comité devrait porter attention, d'après vous?
    Madame Harty, je vais devoir vous demander d'attendre pour répondre à la question, s'il vous plaît, car nous avons dépassé les sept minutes. Vous pourriez peut-être y répondre plus tard. C'est une bonne question à laquelle j'aimerais entendre la réponse.
    Le dernier intervenant dans la première série de questions est M. Butt.
    Merci d'être ici, madame Harty et monsieur McMurren. Je suis particulièrement emballé par cette étude. J'étais l'un de ceux qui en a fait la proposition. Nous devons en savoir plus sur ce que le ministère fait pour soutenir ce genre d'initiatives au pays.
    Je pense que nous connaissons tous de merveilleux projets qui sont menés dans nos circonscriptions respectives et dont nous sommes particulièrement fiers. J'ai été ravi de vous entendre parler de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance, car avant d'être élu au Parlement, j'ai été président de l'association des propriétaires d'immeuble à appartements de la région du Grand Toronto. Notre organisation a grandement contribué au succès de ce programme dans la ville de Toronto, et surtout par l'entremise du programme Streets to Homes. Nous avons constaté de merveilleux résultats sans être obligés de passer par de lourdes formalités administratives et sans que Statistique Canada nous donne les résultats. Nous avons vu les résultats directement sur le terrain. J'en suis particulièrement heureux. Je pense que c'est un excellent exemple de la façon dont les entreprises sociales et le financement social peuvent fonctionner dans une ville qui considère l'itinérance comme étant un problème important. Je suis ravi que c'est l'un des exemples de succès pour ce genre de projet que nous étudions en tant que comité.
    Je veux parler brièvement du financement. J'ai siégé au comité spécial qui s'est penché sur les coopératives au Canada. L'un des problèmes que nous avons étudiés en tant que comité multipartite était l'incompréhension générale du fonctionnement des coopératives et de la façon dont elles ont accès à du financement. Je sais que les entreprises sociales sont un peu différentes des coopératives, mais n'est-ce pas l'un de nos grands défis pour convaincre les bailleurs de fonds, les organismes de financement, les groupes sur le terrain qui veulent établir le partenariat pour créer du financement social, et ce, parce que les gens ne comprennent pas exactement comment cela fonctionne?
    Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet? Comment pouvons-nous mieux faire connaître les avantages du financement social? Comment pouvons-nous veiller à ce que les organismes de financement, la Banque de développement du Canada peut-être, EDC et d'autres entités gouvernementales ainsi que les sources de financement traditionnelles, nos banques, les sociétés de fiducies et les coopératives de crédit fassent leur part et comprennent mieux le financement social?
    Volontiers. Je serai heureuse de répondre à cette question.
    Vous avez raison de dire que les entreprises sociales canadiennes éprouvent généralement de la difficulté à accéder aux capitaux, mais cette situation ne vaut pas seulement pour le Canada. Selon moi, c'est parce qu'on a l'habitude de penser qu'il s'agit d'un secteur sans but lucratif. Bien entendu, il est important de souligner que ce secteur est assujetti à certaines lois; c'est là un point qu'il ne faut pas perdre de vue lorsque vous examinerez cette question au comité.
    Au fond, le modèle d'affaires n'est pas bien compris par les institutions financières traditionnelles. De nombreuses entreprises sociales au Canada emploient des personnes vulnérables qui ne seraient pas embauchées par des entreprises ordinaires. Les entreprises sociales jouent donc un rôle très important du point de vue du marché social et du marché du travail parce qu'elles permettent d'intégrer certains groupes vulnérables sur le marché du travail; ces personnes n'auraient autrement pas de travail et elles vivraient de l'aide sociale. C'est dire que les entreprises sociales jouent un rôle fondamental. Toutefois, elles ne sont pas reconnues en tant que telles et elles ont du mal à accéder aux capitaux. Elles se butent à des obstacles qui les empêchent d'élargir leur modèle d'affaires. Les banques traditionnelles ne leur accordent pas de prêts. La principale option dont elles disposent, ce sont les subventions — du moins, c'est ce que je crois. Pour pouvoir accéder à d'autres sources de fonds en vue de prendre de l'expansion, elles ne peuvent recourir qu'à certaines institutions financières. Les banques coopératives sont un bon exemple. Vancity à Vancouver, en Colombie-Britannique, est une banque coopérative qui consent des prêts à ces types d'organismes. Presque à l'autre bout du pays, au Québec, on trouve des coopératives et des banques, dont Desjardins, qui sont également disposées à accorder des prêts à ces organismes. Ces institutions financières ne les considèrent pas nécessairement comme étant des entreprises risquées.
    Si l'on tient à ce que plus d'institutions financières emboîtent le pas, deux choses sont nécessaires. D'abord, les entreprises sociales devraient être en mesure d'élaborer une analyse de rentabilisation qui est compréhensible pour les institutions financières traditionnelles, mais ces institutions devront, elles aussi, mettre la main à la pâte et reconnaître que l'investissement dans les entreprises sociales ne comporte pas le risque perçu. D'ailleurs, certaines données montrent que le taux de faillite des entreprises sociales est inférieur à celui des petites et moyennes entreprises. Elles ont un bon modèle d'affaires. Elles ne sont pas forcément des entreprises hasardeuses. Il faut communiquer ce fait aux institutions financières pour permettre aux entreprises sociales d'accéder aux sources de capitaux.
    En même temps, les banques subissent d'importantes pressions, et ce, sous diverses formes; ainsi, certains Canadiens aimeraient faire des investissements qui apportent un rendement sur le plan social et financier. De plus en plus, les banques examinent leurs produits et elles se demandent s'il y a lieu de créer des moyens pour les investisseurs canadiens — qu'ils soient des individus bien nantis ou des gens qui veulent investir dans leurs REER de différentes façons — afin de les aider à atteindre leur objectif.
    Bref, je crois que ces deux facteurs permettront d'élargir, à bien des égards, l'approvisionnement en capitaux pour les entreprises sociales au Canada.
(1610)
    Une minute.
    D'accord.
    Avez-vous d'autres recommandations quant aux mesures que nous pourrions prendre ou envisager à l'échelle fédérale? Y aurait-il des modifications à apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu, à l'impôt des sociétés ou à toute autre disposition relative aux crédits d'impôt, ou que sais-je encore? L'aspect positif de notre étude, c'est que nous avons décidé d'adopter une approche très large: nous voulons en apprendre le plus possible et examiner toute possibilité qu'on nous présente.
    Le soutien fédéral compte-t-il là-dedans, ou la plupart de ces entreprises réussissent-elles sans que le gouvernement y soit pour quelque chose, peu importe le financement, le crédit d'impôt, etc.? Vous pourriez peut-être nous en parler brièvement, avant que le président me coupe la parole.
    Brièvement, je suppose que vous entendrez différents témoins vous parler de certains des défis qui se posent dans le contexte juridique et réglementaire actuel. Ces spécialistes seront mieux placés que moi pour expliquer ces défis d'un point de vue pratique. En tout cas, il s'agit d'une question dont nous entendons parler.
    Pour revenir au rapport du groupe de travail du G-7 auquel j'ai fait allusion, j'ajouterais simplement que le rapport canadien — je vous enverrai le lien — a été produit par un groupe de Canadiens qui représentent différents secteurs, dont le secteur financier. On y parle justement de certaines des questions que vous avez soulevées. Si vous invitez certains de ces spécialistes à témoigner devant vous, je pense que vous serez en mesure d'obtenir un bon aperçu ainsi qu'une évaluation technique de certains des défis.
    M. Brad Butt: Merci.
    Nous passons maintenant aux interventions de cinq minutes.
    Madame Hughes.
    Monsieur le président, en ce qui concerne la question que M. Hsu a posée tout à l'heure, j'aimerais qu'on nous fasse parvenir la réponse. Je pense qu'il est important que nous obtenions le plus d'information possible.
    J'ai quelques questions à vous poser. Tout d'abord, y a-t-il un budget prévu pour ce domaine, compte tenu de la transition générale qui se produit actuellement?
(1615)
    Voulez-vous dire un budget au sein du gouvernement du Canada ou seulement en général?
    Eh bien, un budget pour ce domaine précis. Comme vous le savez, il y a un budget pour chaque ministère et pour chaque programme. Je me demande donc s'il y a un montant d'argent précis qui est consacré à ce domaine.
    Non. Je travaille dans le domaine des politiques, et non pas dans le domaine des programmes; je n'ai donc aucun budget à cette fin. Cet effort s'inscrit dans le cadre des travaux continus, parce que je m'occupe de la politique sociale en général; je m'intéresse donc à différentes approches innovatrices.
    D'accord. Vous en tenez compte, mais à mesure qu'on envisage la mise en oeuvre...
    Mme Siobhan Harty: Oui. Quand je...
    Mme Carol Hughes: En sommes-nous encore à la phase initiale?
    Dans mon travail en matière de politiques, j'examine une gamme d'approches. Si vous vous rappelez, j'ai dit qu'il s'agit là d'un outil parmi d'autres. Chaque fois que le ministre me demande conseil sur une mesure à prendre pour relever un défi social, je tiens compte d'une gamme d'instruments qui pourraient être utilisés, qu'il s'agisse du régime fiscal ou autre. La finance sociale est donc un autre instrument que je peux envisager.
    Du point de vue des programmes, je le répète, certains de nos programmes tiennent déjà compte de la possibilité d'intégrer l'innovation sociale dans les demandes de propositions. Cette pratique est établie au sein du ministère, et ce, depuis plusieurs années. Ce n'est pas de la finance sociale proprement dite; il s'agit surtout de recueillir des fonds supplémentaires auprès de fondations privées, par exemple, pour être en mesure d'appuyer d'autres interventions.
    Merci.
    En mai 2013, la ministre de RHDCC de l'époque a présenté un rapport intitulé Exploiter le pouvoir de la finance sociale: Réponse des Canadiens à l'Appel national d'idées sur la finance sociale. Dans l'introduction du rapport, la ministre écrivait qu'il y avait eu « plus de 150 concepts provenant de tout le pays » qui abordaient « des priorités essentielles à la prospérité à long terme du Canada ». Toutefois, après examen, on constate que seulement 15 des concepts ont été acceptés, ce qui représente environ 10 %. C'est, me semble-t-il, un taux plutôt bas. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi seulement 10 % des propositions ont reçu le feu vert et nous dire s'il s'agissait d'un échantillon représentatif de l'ensemble des projets qui avaient été présentés?
    Vous avez raison: nous avons reçu plus de 150 concepts d'un peu partout au pays sur une période de plusieurs mois. Dans le rapport, nous avons établi le profil de certains d'entre eux. Toutefois, aucun d'eux n'a été financé. Nous voulions surtout savoir si les Canadiens connaissaient la finance sociale et s'ils avaient des idées d'approches innovatrices qui pourraient être utilisées dans le contexte des interventions sur le marché social et le marché du travail. Au moment de rédiger le rapport, nous avons essayé de sélectionner un échantillon représentatif de ces concepts et d'en dresser un aperçu.
    J'ai une autre question sur l'obligation à impact social. Je me demande ce qui se passe après l'obligation. Le projet prend-il tout simplement fin? Est-ce qu'on renouvelle l'assurance ou l'obligation, ou est-ce que le gouvernement transforme le projet en un programme public?
    C'est une excellente question. Aucun projet d'obligation à impact social n'a encore pris fin, alors nous ne le savons pas. Celui de Peterborough est le premier à avoir été lancé, mais il n'a pas encore abouti. Je parle de celui du Royaume-Uni. D'autres projets d'obligation à impact social sont en cours dans différents États. Il est donc encore trop tôt pour dire ce que les gouvernements ou les fournisseurs de services sans but lucratif choisiront de faire au terme de ces projets.
    Quand pensez-vous pouvoir les évaluer? Vous avez dit que ce n'est pas possible à ce stade-ci.
    Nous ne participons à aucun projet d'obligation à impact social. Le seul projet que nous menons dans le domaine de l'alphabétisation et de l'acquisition de compétences essentielles comporte certains éléments propres à une obligation à impact social. Le projet est en cours d'élaboration, mais on ne l'a pas encore pleinement lancé; le projet n'est donc pas encore terminé, et j'ignore ce que le gouvernement prévoit faire au bout du compte. Mais, je le répète, cette initiative donnera lieu à d'importantes leçons que nous pourrons mettre à profit dans le cadre d'un programme permanent.
    Votre temps est écoulé. Ça passe vite, n'est-ce pas?
    Monsieur Mayes.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Une des difficultés avec lesquelles nous devons composer au Canada, c'est l'immense superficie de notre pays, sur laquelle sont éparpillées de nombreuses régions rurales et urbaines, si bien qu'il y a beaucoup de tendances différentes partout au pays. Ma question porte sur le rôle des gouvernements provinciaux. Y a-t-il des provinces qui prennent des initiatives?
    Quant au rôle du gouvernement fédéral, comme je l'ai dit, le Canada est un très grand pays. Ne serait-il donc pas préférable d'envisager une surveillance, un suivi et toute autre activité de ce genre à l'échelle provinciale? Qu'en pensez-vous?
(1620)
    Plusieurs provinces prennent des mesures en ce sens. Celles qui jouent le rôle le plus actif sont la Colombie-Britannique, l'Ontario, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse. Comme je l'ai mentionné, la Saskatchewan a déjà lancé un projet d'obligation à impact social. J'irais même jusqu'à dire que la Colombie-Britannique et l'Ontario feront des annonces dans un proche avenir, pas forcément au sujet d'obligations à impact social, mais certainement à propos de la finance sociale. L'Ontario, en particulier, a lancé un appel d'offres publiques, et je crois que les résultats seront annoncés sous peu.
    Selon moi, les choses bougeront plus au palier provincial. Étant donné que bien des services, surtout dans la sphère sociale, sont offerts à l'échelle provinciale de toute façon, il est logique que les provinces s'associent à des partenaires locaux pour être en mesure d'explorer des pistes dans le domaine de la finance sociale. Nous commençons d'ailleurs à observer de tels partenariats.
    Le gouvernement fédéral peut assumer de multiples rôles, à l'instar d'autres gouvernements nationaux, en fonction des différents marchés. Son rôle pourrait consister à mettre en commun des renseignements, car l'absence d'un tel échange d'information peut s'avérer un obstacle au marché. Ainsi, le gouvernement national peut certainement s'occuper de l'échange d'information. Ensuite, il y a d'autres tâches liées au contexte juridique général qui relève évidemment d'un gouvernement national, qu'il s'agisse du Canada ou d'un autre pays.
    Au Canada, la surveillance pourrait s'avérer difficile en raison du partage de responsabilité. D'un point de vue logique, le gouvernement fédéral n'a pas nécessairement un rôle à jouer dans un domaine où les provinces ont compétence. Je crois qu'il pourrait plutôt s'occuper de l'échange d'information, de pratiques exemplaires, de leçons tirées. Les coûts de transaction de certaines initiatives de finance sociale risquent d'être élevés, alors pourquoi ne pas les réduire en mettant en commun les renseignements? Lorsque la Saskatchewan ou une autre province mène à bien un projet, cette information devrait être mise à la disposition des autres. En tout cas, c'est l'approche adoptée par d'autres pays, qui ont pu réduire les coûts de transaction grâce à l'échange d'information sur le marché et les tendances nationales.
    Il y a quelques années, le Manning Centre a tenu une conférence ici, à Ottawa. Il y était question de la prestation des services du gouvernement et de certains des défis auxquels nous faisons face aujourd'hui en raison de la croissance lente et de la situation démographique au pays. Les participants à la conférence ont parlé d'une quatrième option pour la prestation de services: la collectivité, c'est-à-dire l'idée d'essayer d'encourager les collectivités à collaborer. Par exemple, certains membres du Rotary Club pourraient être disposés à consacrer du temps au centre pour aînés, à fournir une aide quelconque aux personnes âgées ou même à donner un coup de main aux garderies ou peu importe, tout simplement parce que le coût de prestation de ces services est exorbitant et, bien franchement, nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous ne pouvons même pas imaginer l'éventualité de nous endetter pour maintenir ces services, car nous savons que certains cas en Europe ont échoué.
    Entrevoyez-vous la possibilité que le gouvernement fédéral lance des initiatives en réponse à l'une des recommandations présentées par le Manning Centre, si je ne me trompe pas, à savoir la proposition d'accorder un crédit d'impôt aux gens qui donnent de leur temps? Ils ne seraient pas payés, mais ils obtiendraient un crédit d'impôt et ce genre de choses. Cette mesure relève-t-elle de la finance sociale ou s'agit-il, selon vous, d'un autre concept qui s'inscrit dans le contexte des entreprises?
    Brièvement, je vous prie.
    Oui.
    À ce sujet, j'ai l'impression qu'il s'agit d'une activité liée au bénévolat. L'exemple que vous venez de donner incarne bien l'esprit du bénévolat: des gens qui contribuent de leur temps ou qui en font don volontairement pour venir en aide à d'autres. Dans ce cas, il existe différentes initiatives qui appuient et encouragent cela.
    Pour ce qui est des crédits d'impôt, je m'en remettrai à mes collègues du ministère des Finances, qui pourront se prononcer là-dessus.
    M. Colin Mayes: Merci.
(1625)
    Madame Morin, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.
     D'emblée, je voudrais dire qu'il ne faut pas abuser du bénévolat. Parfois, dans certains organismes, il faut également des gens qualifiés. Je tenais simplement à le préciser.
     Je viens du milieu communautaire. J'ai été directrice d'un regroupement d'organismes communautaires pendant plusieurs années. Ce travail m'a appris qu'un organisme communautaire est un modèle qui émerge de la communauté. À un moment donné, les gens se sont réunis parce qu'ils ont constaté que, dans leur communauté, il y avait un besoin et ils ont créé un organisme communautaire. Un organisme appartient donc à ses membres. Également, dans un organisme communautaire, l'assemblée générale annuelle est souveraine.
    Je comprends comment la finance sociale peut s'appliquer à une entreprise d'économie sociale, par exemple, ou à une coopérative, mais je ne comprends pas très bien comment cela peut s'appliquer dans le cas d'un organisme communautaire. Prenons l'exemple du Québec où on a une politique de l'action communautaire autonome. Avec la finance sociale, je me demande comment on peut travailler avec le milieu pour conserver une démocratie au sein des organismes communautaires autonomes.
    Comment garantir l'autonomie de ces organismes et comment éviter un désengagement de l'État?

[Traduction]

     Je conviens que les organismes dont vous venez de parler émergent de la collectivité. Si je songe à d'autres pays qui sont plus avancés que le Canada dans le domaine des modèles de finance sociale, je n'ai pas connaissance de préoccupations comme celles que vous venez d'exprimer. Je suppose que cela dépend de la mission de l'organisme, mais d'après tout ce que j'ai entendu, la question est plutôt de savoir comment permettre à ce genre d'organismes de préserver leur mission. C'est d'une importance fondamentale, alors comment s'y prendre? Cette question de la mission est fondamentale à tous les égards. Je n'ai jamais entendu dire que la finance sociale, en tant que forme de financement en soi, empêche un organisme de conserver le contrôle sur sa mission.

[Français]

    C'est bien, cela répond à ma question. Je vous remercie.
    Je pourrais continuer, mais je cède la parole à Mme Groguhé.
    Je voudrais revenir sur la question du rendement.
    Vous avez abordé ce sujet en disant que ce rendement pouvait varier en fonction du risque du projet. De quelle façon évalue-t-on le risque du projet? Y a-t-il des critères préétablis? Concernant la finance sociale, je n'ai pas encore entendu comment on peut articuler cela avec des données, des variables probantes qui vont pouvoir faire en sorte qu'on évalue les conséquences de cette intervention.

[Traduction]

    Ce sont là d'excellentes questions, et je vous en remercie.
    Pour ce qui est de savoir comment évaluer le risque et déterminer le rendement du capital investi, je crois qu'on travaille à élaborer des critères. Je dis cela parce que, dans le domaine particulier des obligations à impact social, qui comportent le plus de risques, il y a maintenant un nombre suffisant d'initiatives qui ont été lancées dans divers pays; il est donc possible de compiler des données à cette fin. L'évaluation des risques doit se faire, d'après moi, au cas par cas, selon le projet. Cela dépendra de trois facteurs: la population visée par le service; la confirmation des résultats de l'intervention, c'est-à-dire la question de savoir si l'intervention a été mise à l'essai dans un autre contexte; et la durée de l'intervention pour déterminer quand un investisseur pourra récupérer son argent.

[Français]

    Je tiens quand même à préciser une chose. J'ai fait de l'accompagnement car j'ai beaucoup travaillé avec des personnes en difficulté. Malheureusement, on ne peut pas mesurer l'aspect qualitatif de l'accompagnement, par exemple pour des jeunes en réinsertion sociale ou professionnelle. Cette variable est donc qualitative. Quantifier une variable qualitative est impossible.
    Alors, comment peut-on définir des critères? Quels seront ces critères pour pouvoir mesurer véritablement l'objet de notre intervention?
(1630)

[Traduction]

    Oui. C'est une excellente question.
    Là encore, je vais vous demander de ne pas répondre tout de suite, pour respecter le temps alloué et laisser aux autres l'occasion de poser des questions, mais comme Mme Hughes l'a proposé, vous pourriez peut-être nous faire parvenir une réponse après la réunion du comité.
    Oui.
    Je pense même qu'il sera possible d'en discuter plus tard...
    Mme Sadia Groguhé: Oui.
    Le président: ... si nous le souhaitons.
    Monsieur Boughen, vous avez cinq minutes.
    Je remercie nos témoins d'avoir pris le temps de venir nous parler cet après-midi.
    Je dois être franc avec vous: la finance sociale est un concept tout à fait nouveau pour moi. Je sais ce que signifient les mots « finance » et « sociale », mais l'expression « finance sociale » évoque pour moi un événement social où il faut acheter un billet, par exemple pour un souper d'automne ou une danse d'Halloween, afin de recueillir des fonds. Par contre, ce dont nous parlons ici est tout à fait différent... eh bien, ce n'est pas tout à fait différent, mais disons qu'il y a certainement une grande différence.
    Pouvez-vous nous en expliquer le fonctionnement? Y a-t-il un président-directeur général? Y a-t-il un conseil d'administration? Qui est chargé du financement? Y a-t-il un directeur de l'exploitation? Quel mécanisme entre en jeu? Comment tout tombe-t-il en place?
    Merci pour votre question.
    C'est un partenariat. Afin de réaliser les deux éléments de l'équation, c'est-à-dire l'aspect social et l'aspect finance, il faut pouvoir réunir les gens qui s'intéressent à l'un ou l'autre des éléments.
    Du côté purement social, il faut réunir les groupes communautaires, qu'il s'agisse d'organismes à but lucratif ou non.
    Du côté finance, c'est un peu plus intéressant. Nous n'observons pas seulement des institutions financières, quoiqu'elles sont présentes. Nous voyons une mentalité différente, si je peux me permettre ce terme dans un contexte financier, c'est-à-dire des gens qui veulent investir et pas seulement toucher un profit. Des investisseurs recherchant un impact social ou voulant appuyer l'entreprise sociale, qui ont des attentes différentes par rapport au marché et aux politiques, car ils se demandent comment ils peuvent se servir de leur argent pour faire du bien.
    Dans le passé, on aurait peut-être été prêt à faire un don à une oeuvre de charité. Le billet pour le souper que vous venez de mentionner constitue un don même si l'on reçoit un repas en contrepartie. De nos jours, il y a une certaine mentalité selon laquelle les gens pensent qu'il ne faut pas juste faire un don. Ils voudraient voir leur argent grandir d'une façon qui soit gérable du point de vue social, et ils veulent encourager les organisations communautaires. Un don ou une subvention est versé une seule fois, alors que dans le cadre du financement social, cela fait partie du modèle d'investissement. On tente d'accomplir quelque chose avec le temps, quelque chose de plus durable, de plus permanent.
    Ce premier investissement rapporte-t-il?
    C'est ce que l'on vise. On voudrait en fait avoir deux types de rendement: un rendement financier et un rendement social. Avec l'environnement, cela ferait trois types de rendement.
    Il me reste 100 questions à poser, mais je vais patienter, car je sais que le temps presse, monsieur le président.
    Merci.
    Il vous reste du temps, monsieur, si vous souhaitez continuer. Vous avez encore deux minutes.
    J'ai du temps?
    Il vous reste deux minutes, si vous voulez les utiliser.
    Il me reste deux minutes. Attention.
    Ce type d'investissement est-il encadré par une réglementation? On dit que c'est de la finance sociale. Existe-t-il des références quelconques? Un règlement ou un répertoire qui indique ce qu'il faut faire et ne pas faire, et comment rendre des comptes au public et aux investisseurs?
    Il n'y a pas de manuel officiel, mais je dirais que le phénomène prend de l'ampleur. Depuis les trois ans que je travaille sur ce dossier, il y a de plus en plus de renseignements disponibles. C'est grâce aux parties intermédiaires dont j'ai parlé plus tôt, qui font des rapports sur les projets auxquels ils ont participé, et également aux établissements universitaires qui commencent à y participer.
    L'Université Harvard a un laboratoire qui réunit des gens d'expérience, des fonctionnaires, mais également des universitaires. De plus en plus, les universités canadiennes, c'est-à-dire leurs écoles de commerce, offrent une voie axée sur l'entreprise sociale, et nous commençons donc à acquérir de l'expérience dans ce domaine également. Il y a aussi de nouveaux livres qui indiquent comment investir pour avoir le meilleur impact. C'est vraiment un domaine en pleine croissance.
    M. Ray Boughen: Merci.
(1635)
    Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre patience. Je sais que nous avions dit que ce serait une séance d'une heure, mais je me suis permis une certaine latitude pendant la première moitié. Chers collègues, j'aimerais savoir si vous souhaitez continuer cette série de questions ou passer aux travaux du comité. Y a-t-il des membres qui souhaitent poser davantage de questions?
    Personne ne s'est manifesté, mais j'aimerais, avant de...

[Français]

     Excusez-moi.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Je suggère que nous adressions par écrit les questions que nous n'aurons pas pu poser et que nous continuions...

[Traduction]

    C'est tout à fait possible. Je me plie à la volonté des membres du comité. Vous pouvez certainement transmettre vos questions écrites aux témoins et nous recevrons leurs réponses. Je ne crois pas qu'il y ait d'objections.
    Permettez-moi de vous faire quelques observations et d'obtenir votre réaction. Je crois que nous comprendrons mieux la finance sociale au fur et à mesure que nous nous pencherons sur des cas réels et que nous recueillerons les témoignages. Même moi j'ai du mal à comprendre le rendement de ces investissements. Je comprends ce que c'est d'investir du capital dans une entreprise. J'ai dirigé ma propre entreprise pendant 25 ans. Je sais ce que c'est de chercher des capitaux, de faire de l'argent et de rembourser la banque ou la personne qui m'impose des intérêts sur ces capitaux.
    Je crois qu'au fur et à mesure que nous avancerons, madame et messieurs, nous comprendrons mieux l'aspect financier de ce que l'on tente de réaliser dans le contexte social.
    Ceci dit, je proposerais au comité que l'on aurait peut-être intérêt à inviter Mme Harty et M. McMurren à revenir pour une discussion plus approfondie de ce phénomène, et pour apprendre ce qui marche bien dans d'autres pays.
    L'été dernier, il y a eu une table ronde sur la finance sociale dans ma collectivité. Une bonne quarantaine de gens y sont allés. Il y avait de l'enthousiasme, une énergie palpable dans la salle par rapport aux possibilités offertes aux diverses organisations, et je crois que c'est vraiment un domaine qui promet dans la sphère sociale.
    Merci d'être venue aujourd'hui.
    De rien.
    Merci d'avoir pris le temps de venir, et nous avons hâte de vous en reparler.
    Nous allons faire une petite pause pendant que nos témoins quittent la salle, et ensuite nous passerons aux travaux du comité. La séance sera à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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