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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 046 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 mars 2015

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

     Bonjour, mesdames et messieurs.
    Bienvenue à la 46e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude intitulée « Exploration du potentiel de la finance sociale au Canada ».
    Nous accueillons dans la première heure le groupe de témoins suivants: Mme Sandra Odendahl, directrice du développement durable et de la finance sociale pour la Banque Royale du Canada; en vidéoconférence de Vancouver, M. Andy Broderick, vice-président de l'investissement communautaire à Vancity Community Investment; et, en téléconférence de Québec, Mme Colette Harvey, directrice du soutien au projet coopératif de la Caisse d'économie solidaire Desjardins.
    Bienvenue à tous nos témoins. Nous allons commencer par des exposés, pour lesquels nos témoins disposent d'un maximum de 10 minutes. Si vous dépassez le temps alloué, je vous ferai signe, mais vous avez 10 minutes. Après quoi, nous passerons aux questions des membres du comité.
    Madame Odendahl, voulez-vous commencer?
     Merci beaucoup d'avoir bien voulu m'inviter à témoigner aujourd'hui.
    J'ai pensé consacrer une ou deux minutes à mettre en contexte l'initiative de finance sociale de la Banque Royale du Canada, avant de passer à une description et à l'explication des différents éléments du marché que nous identifions et avant de vous faire part de nos observations quant au rôle du gouvernement pour faire progresser ce domaine des finances.
    Pour commencer, laissez-moi clarifier la façon dont nous définissons la finance sociale. Pour nous, la finance sociale est l'utilisation de capitaux privés dans les marchés financiers pour le bien de la société. Toujours pour bien mettre les choses en contexte, laissez-moi préciser que nous voyons dans le marché de la finance sociale trois éléments distincts, similaires à ce qu'on trouve dans n'importe quel marché financier: l'apport de capitaux, d'un côté, soit l'argent qui va à la finance sociale et au bien de la société; de l'autre côté, les entreprises, sociétés et associations qui ont besoin de capitaux pour apporter un bien à la société; et au milieu, bien sûr, les intermédiaires.
    L'offre peut provenir de particuliers fortunés, de gouvernements, de banques ou d'investisseurs providentiels, par exemple. Côté demande, on trouve des sociétés à but non lucratif contribuant au bien de la société, des sociétés à but non lucratif, des projets, des coopératives, etc. Dans le volet intermédiaire, nous inclurions les institutions financières, les fonds et tout intermédiaire facilitant les flux de capitaux entre ceux qui disposent d'argent et ceux qui en ont besoin.
    Une fois ceci posé, il est utile aussi, du moins dans notre secteur, d'envisager la gamme de la finance sociale. Quand on prend des capitaux et qu'on les utilise pour le bien de la société, les investisseurs qui assurent l'offre de capitaux, ont différentes façons de choisir l'emplacement. Il peut s'agir d'investissements traditionnels, où l'on choisit, parmi les sociétés cotées en bourse, celles qui sont les moins nuisibles dans leur secteur; ou, à l'autre extrême, d'investissements pour les répercussions ou de philanthropie de risque, où l'on recherche un placement ayant des répercussions sociales profondes, sans nécessairement se soucier de rendement. Il existe en fait un continuum d'investisseurs souhaitant fournir de l'argent dans le domaine de la finance sociale et il ne faut pas le perdre de vue.
    En 2012, la Banque Royale du Canada a lancé sa propre initiative de finance sociale. L'idée était de faire en sorte que la banque soit positionnée comme catalyseur de la finance sociale au Canada et ce, grâce à quatre piliers.
    Le premier pilier était d'investir dans le marché. Nous avons réservé une petite somme de capital, 10 millions de dollars, à l'investissement dans des sociétés en phase précoce ayant une mission sociale ou environnementale — mais uniquement des sociétés à but lucratif.
    Le deuxième pilier était de prouver le pouvoir des fondations et des dotations oeuvrant dans cet espace. Nous nous sommes engagés à prendre au moins 10 millions de dollars de la RBC Dominion Security Foundation et de les investir pour le bien de la société. En fait, nous en sommes actuellement à environ 15 millions de dollars de dotation. Il s'agit plutôt d'investissements responsables, mais c'est quand même une pratique inhabituelle pour des fonds de dotation et des fonds institutionnels.
    Le troisième pilier de l'initiative était celui ayant le plus d'effet, pour une grosse société comme la Banque Royale du Canada: jouer un rôle de catalyseur pour la finance sociale, imprimer le mouvement par le biais du leadership et de partenariats. C'est en fait l'élément essentiel pour développer ce pan du marché et permettre aux sociétés ayant besoin de financement de devenir de meilleurs placements. Nous parlons d'accélérer les accélérateurs, en fournissant du financement et un partenariat à des accélérateurs pour entreprises naissantes qui permettent de développer de meilleurs entrepreneurs et de meilleures entreprises sociales.
    Le quatrième et dernier pilier consistait à identifier les occasions pour la Banque Royale du Canada d'incorporer la finance sociale dans ses affaires de base, soit les marchés de capitaux, la gestion de patrimoines, la gestion d'actifs, etc.
    Voici donc les quatre piliers de l'initiative. La mesure du succès est bien sûr de savoir jusqu'à quel point on joue un rôle de catalyseur de la finance sociale, de savoir combien d'argent nous avons investi pour avoir des répercussions et de savoir combien d'entrepreneurs sociaux nous avons aidés.
(1535)
    Nous voulons aussi améliorer le bien commun dans divers secteurs par l'entremise de nos investissements. L'emploi est un secteur qui nous intéresse, surtout chez les jeunes et chez les personnes difficiles à placer. L'eau et l'énergie sont aussi des secteurs qui nous intéressent.
    Évidemment, nous évaluons les incidences sur notre propre secteur. La finance sociale intéresse grandement nos collègues travaillant en gestion de patrimoines. Bien sûr, nous voulons nous assurer, lorsque c'est approprié, de cultiver nos relations d'affaires en maximisant les retombées positives découlant du leadership dans ce secteur dont fait preuve la Banque Royale du Canada.
    Cela dit, nous avons jusqu'à présent investi près de 4 millions de dollars dans le but d'obtenir des retombées. Nous investissons depuis environ 18 mois. Nous comptons sept investissements. Nous avons aussi six partenariats stratégiques avec des accélérateurs de jeunes entreprises. Nous constatons que, grâce à nos investissements, nous avons aidé 80 personnes difficiles à placer à obtenir du travail en 2014 seulement. Nous recueillons donc diverses données.
    Cela dit, ce qui nous importe le plus, c'est la raison d'être de notre initiative: ce que nous apprenons.
    Voici quelques exemples de ce que nous avons appris.
    La première chose que nous avons apprise c'est que les fonds disponibles pour la finance sociale au Canada croissent rapidement à partir d'une très petite base. Nous avons appris cela grâce à quelques études que nous avons menées l'an dernier. Il y a environ 1 billion de dollars d'actifs socialement responsables gérés au Canada, mais environ 4 à 5 milliards de dollars seulement de ce montant sont investis dans des domaines qui ont des retombées profondes, c'est-à-dire le genre d'investissement dont les retombées sociales sont profondément ancrées.
    Nous constatons aussi que les investisseurs institutionnels, les fondations et les dotations, résistent à l'investissement à impact. Dans certains cas, il y a des raisons pour cette réticence que j'aborderai dans quelques instants.
    Nous avons aussi découvert qu'au Canada environ 45 % des particuliers très fortunés croient que d'avoir une incidence sociale positive est très important ou extrêmement important. Fait intéressant, 75 % des gens âgés de moins de 40 ans sont de cet avis. Nous pensons que les investissements privés dans le bien commun susciteront bientôt une immense vague d'intérêt.
    Nous avons découvert que les faibles possibilités d'investissement de qualité au Canada sont l'une des entraves à la croissance de l'investissement à impact. Dans le contexte gouvernemental, il importe de noter que les mesures et les données disponibles sur les incidences sociales et environnementales sont inadéquates. Il est donc difficile d'en déterminer les retombées.
    Qu'est-ce que cela signifie pour le gouvernement?
    Voici ma réponse en six points.
    Commençons par la masse monétaire. En ce qui a trait à l'offre de capitaux pour la finance sociale, le gouvernement peut accomplir trois choses s'il souhaite jouer un rôle de premier plan. Dans certains cas, le gouvernement joue déjà un rôle.
    Premièrement, il y a le rehaussement des crédits. Dans le secteur bancaire, cela est synonyme de garantie. Il s'agit de capital de première perte. En gros, il faut garantir l'investissement de départ dans les secteurs où vous souhaitez voir des investissements. C'est particulièrement important pour réduire le risque lié aux investissements précoces, que les petits investisseurs, qui ne peuvent se permettre de perdre de l'argent mais qui veulent participer à la finance sociale, seraient plus enclins à faire s'il y avait une certaine garantie quant au capital.
    Deuxièmement, le gouvernement peut jouer un rôle important dans le développement de l'approvisionnement. Il faut préciser l'obligation fiduciaire des investisseurs institutionnels. À l'heure actuelle, et selon l'administration, les administrateurs de fonds de pension et de dotation au Canada ne savent pas s'ils vont à l'encontre de leur obligation fiduciaire en investissant dans le but d'obtenir des répercussions sociales plutôt que strictement dans le but d'obtenir un rendement.
    Troisièmement, le gouvernement peut rendre les capitaux accessibles aux intermédiaires des fonds de placement. C'est le modèle employé par la Big Society Capital au Royaume-Uni, qui rend disponibles des fonds sans nécessairement injecter de l'argent provenant du gouvernement dans les entreprises.
    Si le gouvernement rendait disponibles des données précises sociales au niveau des communautés, cela nous aiderait grandement. Par exemple, quelle est l'incidence sociale d'investir dans quelque chose? Quelle est la valeur donnée d'un problème social particulier et quel est le rendement qu'obtient la société en réglant ce problème? Par exemple, j'invente des chiffres pour les besoins de la cause, on obtient un rendement de 50 000 $ par année si une personne ne va pas en prison. Ou bien nous obtenons un rendement de x milliers de dollars par année en assurant qu'un enfant reste sur les bancs d'école, etc.
(1540)
    Bref, il s'agit de savoir quelle est la valeur financière des différents problèmes sociaux. Il faut rendre cette information disponible, il faut permettre aux gens de savoir facilement quand ils ont résolu un problème donné et permettre au gouvernement de savoir quelle répercussion cela a sur le contribuable et les coûts sociaux.
    Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?
    Oui.
    Enfin, il faut aussi travailler à développer et à financer les programmes de renforcement de capacités pour les entrepreneurs sociaux, car nous estimons qu'il y a de vraies lacunes dans ce domaine. Il y a des entreprises sociales dans lesquelles on peut investir. Il y a beaucoup d'excellentes idées. Ce qu'il faut, c'est en faire des placements intéressants et nous pouvons faire toute une série de choses pour parvenir à cette fin.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Broderick, qui se joint à nous de Vancouver, par vidéoconférence.
    À vous, monsieur.
    Bonjour depuis Vancouver. C'est brumeux aujourd'hui, comme d'habitude.
    Monsieur le président et chers membres du comité, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à venir discuter du rôle que peut jouer le financement privé et institutionnel dans la solidarité sociale et le renforcement des collectivités canadiennes.
    Je vous ai fourni quelques diapositives, quoiqu'un peu en retard. En fait, je ne vais pas suivre ces diapositives, mais si vous vous posez des questions à leur sujet, je serai heureux d'y répondre pendant la période de questions.
    Je suis vice-président de l'investissement social à Vancity depuis septembre 2010. Vancity est la plus grande coopérative de crédit canadienne. Elle est située en Colombie-Britannique, et compte des actifs de plus de 19 milliards de dollars et un demi-million d'adhérents. Nous avons été fondés il y a 68 ans avec pour objectif de financer ceux qui ne pouvaient obtenir des crédits de la part des banques commerciales à l'est de la rue Main à Vancouver. Ce projet s'est avéré une très bonne affaire. C'était à la fois un bon investissement social et un bon projet commercial. En tant qu'institution financière en copropriété, Vancity se considère comme une entreprise sociale et prend très au sérieux ses investissements locaux, à un point tel que ce métier est chapeauté par un vice-président. C'est moi, et je travaille avec une équipe de 30 personnes.
    Notre équipe travaille sur plusieurs fronts pour permettre à nos membres et leurs communautés locales d'avoir un meilleur accès au capital. Nous nous intéressons en particulier au logement abordable, aux aliments biologiques locaux et naturels, à l'efficacité énergétique, aux énergies renouvelables, aux communautés autochtones ainsi qu'à la finance sociale ou le capital-risque social. Nous nous employons à mettre le bilan de notre coopérative au profit de ces divers groupes. Autrement dit, nous nous occupons du développement commercial de notre coopérative.
    Chez Vancity, nos investissements commerciaux sont fondés sur leurs retombées sociales, notamment dans les domaines susmentionnés. À l'heure actuelle, environ 40 % de notre portefeuille de 2 milliards de dollars est consacré aux investissements à impact social.
    Il y a quatre ans, avec l'appui de la province de la Colombie-Britannique et de la Fondation Vancouver — c'était l'une des remarques de Sandra — nous avons établi le programme Resilient Capital, qui est un fonds constitué d'emprunt. Nous avons recueilli environ 15 millions de dollars de 24 investisseurs, y compris des établissements d'enseignement, des syndicats, l'État et des sources privées, dont des personnes bien nanties, et nous avons constitué un fonds pour appuyer des entreprises sociales. Ce fonds a permis de faire 26 investissements.
    Nous participons et orientons BC Partners for Social Impact, table ronde panprovinciale et multisectorielle sur la finance sociale. Nous participons également au groupe spécial national sur la finance sociale sous l'égide du G7. De plus, nous coprésidons une table nationale sur l'investissement en finance sociale.
    Je travaille en étroite collaboration avec un nouvel intermédiaire, New Market Funds, dont vous trouverez les détails dans les diapositives. Je travaille également de près avec Community Forward Fund, qui est un fonds pancanadien pour des prêts locaux.
    Avant de me joindre à Vancity, j'ai été PDG de Housing Vermont, ce qui a beaucoup façonné ma vision des choses. C'est une organisation à but non lucratif qui détenait le fonds d'action immobilier Green Mountain et Vermont Rural Ventures. Essentiellement, c'est une société de développement et d'investissement à but non lucratif. Nous avons recueilli environ 125 millions de dollars en capital privé et administré des portefeuilles d'investissement privé constitués de logements abordables et d'installations publiques dont la valeur s'élève à environ 350 millions de dollars.
    Housing Vermont a réparti ces fonds pour combler des besoins sociaux, immobiliers et économiques de concert avec les incitatifs fédéraux et étatiques qui existaient aux États-Unis. Ces incitatifs se déclinaient en plusieurs formes, à savoir des crédits d'impôt pour de nouveaux marchés, des crédits d'impôt pour le logement abordable et d'autres programmes étatiques et fédéraux, qui encourageaient les investisseurs privés à combler des besoins locaux.
    De mon point de vue, c'est essentiel pour la réussite de la finance sociale. Il s'agit de conjuguer la discipline et les compétences qu'on retrouve dans les marchés de capitaux privés avec une volonté de faire des investissements charitables à l'échelle locale. Housing Vermont, c'était Vancity il y a 68 ans. Toute mesure que pourrait prendre le gouvernement pour créer un environnement propice à la finance sociale se traduira par un accroissement de l'investissement privé pour le bien de la société et des communautés.
    La finance sociale au Canada n'en est qu'à ses débuts. On ne semble pas savoir sur quoi se concentrer. Souvent, on travaille sans obtenir de véritables résultats. Je suis certain que vous avez entendu bien des témoignages intéressants. À la base, le problème c'est que ce secteur est doté d'une capacité limitée. Sandra a notamment parlé d'améliorer le profil de ceux qui pourraient profiter des investissements. Je voudrais également faire remarquer que le secteur à but non lucratif a une perspective traditionnelle sur le capital et sa répartition.
(1545)
    La capacité de la communauté a largement réagi en fonction du financement gouvernemental, qui repose sur un profil de gestion des risques différent de celui des capitaux privés, ou bien elle a réagi en fonction d'oeuvres philanthropiques. Encore une fois, aucun des deux modèles ne fonctionne réellement pour la gestion des capitaux privés.
    Il y a beaucoup de discussions sur les obligations à impact social. Selon mon expérience, ici en Colombie-Britannique et aux États-Unis, je demeure tout de même sceptique par rapport à cet engouement pour deux raisons. D'abord parce qu'il y a un manque général de clarté sur ce que sont les obligations à impact social. Du point de vue de l'investissement, il s'agit de paiements convenus ou de rémunération au rendement. Le deuxième problème, qui je pense est plus important à ce stade précoce de la finance sociale est le suivant: dans un environnement où on met l'accent sur la réduction des dépenses gouvernementales, où l'on songe à économiser les deniers publics, il est difficile de faire adopter des obligations à impact social. Cela pourrait servir de manière à perturber ou réduire la prestation de services gouvernementaux cruciaux plutôt que d'en améliorer la réalisation ou l'efficacité.
    J'encouragerais une analyse prudente de ces programmes, mais je préconiserais fortement que l'on travaille directement pour appuyer le développement d'une infrastructure de finances communautaires robuste au Canada.
    Et je pense que ce travail commence avec l'ARC et le changement du régime réglementaire qui rend extrêmement difficile à l'heure actuelle le regroupement des investissements privés et des objectifs caritatifs, il faudrait établir clairement que des organismes caritatifs, des fondations et des investisseurs institutionnels peuvent investir dans des partenariats limités et faire en sorte d'éliminer les interdictions directes ou indirectes voulant que les organismes à but non lucratif puissent créer et détenir des revenus nets.
    Les organismes à but non lucratif et le secteur communautaire en général doivent renforcer leur bilan. S'ils veulent gérer des fonds privés avec succès, comme on l'a vu aux États-Unis et en Grande-Bretagne, ce travail doit commencer par mettre fortement l'accent sur l'établissement de ce bilan. Tant aux États-Unis qu'en Grande-Bretagne, il y a eu une grande souplesse visant à permettre aux organismes à but non lucratif et caritatifs de mener à bien leurs initiatives avec des partenaires fournissant des capitaux privés. Il faut créer ce genre d'environnement, et c'est au coeur des problèmes qu'il faut régler d'emblée.
    Un autre outil habilitant important consisterait à modifier légèrement les exigences des établissements financiers en matière de rapport, et je présente mes excuses à Sandra. Tous les établissements financiers et toutes les coopératives de crédit devraient obligatoirement faire rapport de leur niveau d'investissement dans la collectivité en fonction d'une norme commune. Il ne serait pas obligatoire de faire ces investissements, seulement d'en faire rapport. Le marché lui-même, comme l'a signalé Sandra, où un grand nombre de personnes de moins de 40 ans veulent s'assurer que leur argent est investi à bon escient aideront les marchés financiers plus officiels à déterminer comment s'y prendre dans le bon environnement. Créer un environnement réglementaire qui incite les établissements financiers à faire rapport sur plusieurs résultats plutôt qu'uniquement sur les bénéfices est absolument crucial.
    Et finalement, le gouvernement fédéral devrait en faire davantage pour appuyer le rôle essentiel joué par les intermédiaires — et ça revient à ce que disait Sandra — comme la Banque Royale, Vancity, ainsi que des entités aussi petites que de nouveaux fonds du marché monétaire qui figurent dans le Fonds communautaire à terme.
    Puisque les règlements fédéraux concernant les coopératives de crédit sont en cours de rédaction, je vous demanderais de vous rappeler — et je pense que c'est à l'étude devant le Parlement à l'heure actuelle — que le Canada n'a pas vraiment besoin davantage de petites banques. Les exigences de Bâle III ont été conçues pour palier les lacunes des grandes banques dans le secteur financier mondial, et elles ne devraient pas être l'instrument qui aplanit les différences apportées par les coopératives de crédit, c'est-à-dire notamment l'accent qu'elles mettent sur la construction des collectivités où vivent leurs membres.
    Ces établissements et d'autres joueront un rôle essentiel dans la mise sur pied des capacités communautaires nécessaires pour gérer les capitaux privés et aussi pour la création de gestionnaires de fonds qui seraient en mesure de parler aux investisseurs privés et à leur rendre des comptes.
    Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, la finance sociale s'est développée en marchés robustes qui permettent de recueillir et de déployer d'énormes quantités de capitaux tout en respectant divers objectifs financiers. Si le gouvernement du Canada établit une politique et un environnement aussi conviviaux, les retombées seront très importantes.
    Je suis prêt à répondre aux questions que vous pourriez avoir par rapport aux documents d'exposé que je vous ai fournis.
    Je vous remercie.
(1550)
    Merci, monsieur Broderick.
    Nous cédons maintenant la parole à Mme Harvey par téléconférence. Allez-y, madame Harvey.

[Français]

    Je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir invités à participer à cette rencontre.
    La Caisse d'économie solidaire Desjardins est une institution financière de nature coopérative qui est membre du Mouvement Desjardins, le premier groupe financier coopératif au Canada. Fort d'un actif de 227 milliards de dollars, le Mouvement Desjardins est considéré comme la quatrième institution financière la plus sûre en Amérique du Nord selon le magazine Global Finance, et la deuxième plus solide au monde selon l'agence d'information financière Bloomberg.
    Avec son actif de 737 millions de dollars, la Caisse d'économie solidaire Desjardins joue depuis 44 ans un rôle prépondérant et reconnu au Québec en matière de finance sociale. Son actif a plus que doublé en 10 ans et les prêts aux entreprises sociales ont augmenté de 122 % au cours de la même période.
    Le membership de la caisse est composé de 3 000 entreprises associatives ou coopératives issues de divers secteurs d'activité et de 12 000 individus. La caisse est un intermédiaire entre l'épargne — l'offre — et le financement des entreprises de l'économie sociale — la demande. Elle propose le placement à rendement social, soit un dépôt garanti par l'assurance-dépôts du Québec. En 2014, le volume de cette épargne était de 617 millions de dollars et le volume de prêts était de 622 millions de dollars, dont 477 millions de dollars pour financer directement des projets à impact social.
    La caisse offre à ses emprunteurs une gamme de produits de crédit, de prêts à terme et de marges de crédit, et ce, généralement avec garanties, pour soutenir les activités et le développement des projets à finalité sociale.
    Elle est aussi un membre très actif de Cap finance, le Réseau de la finance solidaire et responsable, que vous avez reçu récemment. Elle collabore avec ses partenaires financiers naturels issus des réseaux syndicaux ou associatifs pour compléter dans les montages financiers la portion sans garantie, soit du capital patient ou du capital de risque.
    Dans le réseau du financement de l'économie sociale au Québec, elle est l'institution la plus importante. Elle compte pour plus de 40 % du volume total en finance sociale. Au Québec, selon le dernier portrait de la finance sociale, on parlait de 1,4 milliard de dollars. Au Canada, selon l'Association pour l'investissement responsable, cette finance sociale représente 4,3 milliards de dollars.
    Il y a quelques exemples que je voudrais fournir à cet égard.
     La caisse joue un rôle important dans le développement de l'habitation collective en permettant le financement de près de 10 000 logements sociaux au Québec. En 2014, ce secteur représentait plus de 50 % du portefeuille de prêts, pour une valeur de 262 millions de dollars.
    La caisse est un partenaire financier de longue date de la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec, qu'elle finance à hauteur de 30 millions de dollars. Conjointement, nous avons mis en place des comptoirs de services financiers accessibles à la population inuite dans plusieurs villages. C'est un projet qui se consolide actuellement avec le Mouvement Desjardins. L'impact social est l'accès à un compte bancaire pour une population éloignée et répartie sur un vaste territoire.
    La caisse est une institution financière solide et rentable. Dès sa création, son intention était de permettre, par la finance, que progresse une économie plus équitable, une économie au service de l'humain. La finance est donc un moyen et non une fin en soi. La recherche de rentabilité la distingue de l'action philanthropique. Cette rentabilité est nécessaire pour la survie des projets financés.
(1555)
     Les surplus dégagés par ses activités d'intermédiation financière sont en partie capitalisés pour assurer sa solidité financière. Depuis les débuts, les membres ont accepté que la partie des surplus qu'ils pourraient recevoir individuellement soit retournée à la communauté sous forme de ristournes collectives. Depuis plusieurs années, cela équivaut à près de 1 million de dollars remis annuellement sous forme de dons. Grâce à ces dons, la caisse a été la cofondatrice d'un réseau québécois innovant d'échange de services pour les personnes en situation de pauvreté. Cette initiative québécoise, appelée l'Accorderie, a été reprise en France et au Maroc.
    Le logement, l'accès aux services financiers, la réinsertion en emploi, l'alphabétisation, les soins de santé, l'itinérance, la sécurité alimentaire et la protection de l'environnement sont des exemples d'enjeux auxquels les entreprises financées par la caisse ont choisi de s'attaquer afin de trouver des solutions.
    Il existe une finance sociale parce qu'il existe une autre économie, à savoir l'économie sociale. La caisse voit la finance sociale comme une alternative à la finance traditionnelle. Elle a sa place au sein d'une économie mixte à côté de l'économie privée et de l'économie publique afin de soutenir le développement d'initiatives entrepreneuriales animées par une volonté de répondre aux besoins des personnes et des communautés, et non uniquement et en premier lieu par une recherche de profit et d'enrichissement personnel.
    Cette économie sociale et la finance sociale qui la soutient méritent d'être reconnues et encouragées. Nous saluons l'initiative de ce comité et souhaitons que la finance et l'économie sociales soient reconnues et soutenues par le gouvernement fédéral, par exemple par les programmes suivants, à savoir des programmes d'aide au démarrage, des enveloppes pour la recherche-développement destinées aux entreprises d'économie sociale, des programmes de formation tant pour les administrateurs que pour les gestionnaires de coopératives ou d'associations et, finalement, des programmes de recherche pour documenter les répercussions et les innovations des entreprises sociales.
    Je vous remercie.
(1600)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Chers membres du comité, les séries de questions seront de cinq minutes aujourd'hui.
    Madame Sims.
    Je veux remercier les trois témoins d'avoir comparu devant notre comité et de nous avoir présenté leurs points de vue. Je constate que vous avez tous les trois une passion pour la finance sociale. Vous êtes les mieux placés pour nous instruire et nous donner davantage d'information sur cette question.
    Ma première question s'adresse à Andy Broderick. Andy, je viens de la Colombie-Britannique et je vis dans le Lower Mainland et je connais le travail réalisé par Vancity Credit Union. J'ai déjà été la présidente de la B.C. Teachers Federation et je sais que bon nombre de nos membres font également partie de votre coopérative de crédit. En tant que membres de cette collectivité nous apprécions tout le travail que vous faites pour la renforcer.
    Je participais l'autre jour à une activité communautaire où les gens voulaient organiser quelque chose et le premier nom qui leur est venu à l'esprit c'est Vancity. Ils communiqueront avec vous sous peu.
    J'ai pu constater votre passion et votre enthousiasme. Dans le cadre d'un projet, vous avez établi un partenariat avec la Vancouver Foundation en 2012 pour créer le programme d'investissements Resilient Capital. Dans nos notes d'information nous pouvons lire que le programme vise à combler les lacunes auxquelles les entreprises sociales doivent quelquefois faire face entre le financement gouvernemental et celui provenant d'autres sources ou bien de prêteurs conventionnels. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ces lacunes? Pourquoi existent-elles? Ces lacunes ne relèvent-elles pas entièrement ou en partie de choix faits par le gouvernement, ou bien y a-t-il d'autres choses dont nous devrions être conscients?
    Je vais faire de mon mieux pour vous répondre. Même si j'ose espérer que mes observations sont bien étayées, ce n'est pas toujours le cas.
    Je pense que les lacunes proviennent quelquefois essentiellement des établissements financiers et des marchés de capitaux qui ne comprennent pas les risques liés aux organisations axées sur les collectivités et ne savent pas comment les comprendre et les quantifier. La première chose à signaler c'est que ces initiatives ne sont pas forcément plus risquées, et elles n'ont probablement pas besoin de rehaussement de crédit en ce qui touche la plupart des prêts et des investissements que nous faisons, mais il faut faire intervenir les établissements financiers et procéder aux analyses de crédit traditionnelles. C'est pourquoi je pense que ces améliorations de crédit sont, comme l'a signalé Sandra, importantes.
    Donc, les lacunes existent essentiellement parce que les emprunteurs ne présentent pas un bilan semblable à celui des emprunteurs à but lucratif traditionnel. Ils ont des actifs différents. Ils ont des conseils d'administration constitués de bénévoles. Ils ont une expérience historique de longue date dans la collectivité. Ils réagissent en fonction d'un besoin essentiel sur lequel on peut compter, c'est-à-dire que les municipalités, les gouvernements provinciaux et fédéral peuvent appuyer de près même s'ils ne sont pas des chefs de file en matière d'organismes sans but lucratif.
    Je pense que l'objectif de Resilient Capital consiste essentiellement à démontrer la solvabilité de la plupart des emprunts et des investissements que nous faisons, ce qui est ironique, parce que l'élément le plus difficile consistait probablement à recueillir les 2 millions de dollars nécessaires pour les premières pertes.
    Est-ce utile?
    Oui. Merci.
    Sandra, vous serez surprise de savoir qu'en fait j'ai lu votre rapport de 2015 sur les tendances en matière d'investissement responsable au Canada. Vous y dressez la liste des défis et des éléments dissuasifs. Certains des éléments dissuasifs sont des préoccupations liées au risque ou au rendement, un manque de conseils d'experts et de spécialistes, de la méfiance, des craintes quant à l'écoblanchiment et l'idée voulant que des investissements non axés sur les marchés ne sont ni viables ni durables.
    Comme vous êtes une porte-parole passionnée pour le financement social, comment réagissez-vous à ces préoccupations lorsqu'on vous presse d'offrir des réponses?
    Merci. C'est une excellente question.
    Le rapport de l’Association pour l’investissement responsable que vous évoquez vient d'être publié il y a quelques semaines. Il a été réalisé avec l'appui du groupe des affaires immobilières corporatives de la RBC et du groupe de la gestion mondiale des biens de la RBC, c'est-à-dire des responsables qui élaborent des fonds communs de placement et des produits pour les investisseurs.
    Oui, nous constatons qu'il s'agit en quelque sorte du scénario de l'oeuf et de la poule. Il n'existe pas beaucoup de produits financiers dans lesquels on peut investir lorsqu'il s'agit d'investisseurs à la recherche d'un certain profil de risque, mais d'autre part, ces produits financiers ne seront jamais élaborés si les gens ne commencent pas à y mettre de l'argent. La façon dont nous essayons de régler ce problème, honnêtement, c'est par l'entremise de choses comme le rapport que nous avons réalisé avec l'AIR et d'autres rapports — j'ai un dépliant tiré d'un rapport que nous avons réalisé et qui est intitulé « Investir pour la bonne cause » — pour familiariser les gens avec les concepts entourant la finance sociale. Nous le faisons en leur présentant l'information dans le même langage utilisé par la finance traditionnelle et les investisseurs.
    C'est très certainement la première chose qui m'a surprise quand j'ai commencé à travailler dans ce domaine. C'est comme si toutes les personnes qui faisaient de bonnes oeuvres sociales parlaient un langage tout à fait différent. Je me suis dit, « Eh bien, nous avons besoin d'un interprète. » Nous essayons donc de servir d'interprètes pour nous assurer que le secteur communautaire et celui de la finance et des investissements parlent le même langage et, si ce n'est pas le cas, qu'on puisse au moins traduire. C'est ce que nous réalisons grâce à certains partenariats et certains rapports de recherche.
    Je pense que seules les données et les faits concrets nous permettront de lutter contre les idées fausses et les malentendus, voire les réticences sur le financement social.
(1605)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Armstrong, vous avez cinq minutes.
    Je veux remercier nos témoins d'être là aujourd'hui et de nous parler dans le cadre d'une étude très importante pour l'avenir du financement social au Canada.
    Madame Odendahl, dans votre discussion vous avez pu parler brièvement du rôle que peut jouer le gouvernement fédéral dans la promotion de la finance sociale d'un bout à l'autre du pays. Vous avez pu parler de l'apport en capital comme étant l'élément le plus important du rôle joué par le gouvernement. On vous a interrompue avant que vous n'ayez la chance de parler des deux autres éléments.
    Pouvez-vous nous présenter votre point de vue à cet égard? Quels sont les deux autres principaux rôles du gouvernement en vue d'essayer d'appuyer la mise en oeuvre du financement social?
    Bien sûr. Je ne les ai probablement pas très bien présentés lorsque je résumais, mais je pense que les deux autres éléments importants vers lesquels devrait se tourner le gouvernement sont le volet lié au rôle d'intermédiaire et le volet lié à la demande en capitaux.
    Pour ce qui est du rôle d'intermédiaire, il s'agit essentiellement de rendre accessible l'offre ou la collecte de données; il faut de l'information sur les coûts et la valeur liée à la résolution de problèmes sociaux. Il existe une excellente base de données en ligne au Royaume-Uni qui s'appelle base de données sur le coût unitaire. Je ne sais pas si certains de vos autres témoins en ont parlé. Cette base présente les coûts des soins de santé et des services sociaux. Par conséquent, une entreprise sociale entrepreneuse peut se dire « Super, si je résous ce problème, cela vaut 100 000 $ par personne » et ainsi de suite. Du point de vue de la motivation, c'est très important et il en va de même pour ce qui est de savoir si on a en fait réussi ou pas.
    Pour ce qui est de la création de la demande, et Andy en a aussi parlé, nous constatons qu'il faut avoir de meilleures entreprises sociales dans lesquelles on peut investir et qui peuvent attirer les capitaux traditionnels, les capitaux d'investissement, afin d'aller au-delà de la présentation de bonnes idées et du désir d'aider.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Broderick, ma prochaine question s'adresse à vous. Vous avez parlé des répercussions liées à l'ARC et des changements à apporter dans le système réglementaire pour appuyer la finance sociale. Pouvez-vous nous en dire davantage? Quels changements voudriez-vous voir dans l'environnement réglementaire pour appuyer la mise en oeuvre d'un programme au Canada?
    Il y en aurait beaucoup, mais j'en mentionnerais deux. L'ARC fait une nette distinction entre le statut d'association charitable et la mobilisation de capitaux privés, ce qui est compréhensible d'un point de vue philanthropique, mais qui n'est pas très utile quand on essaie de conjuguer capitaux privés et objectifs philanthropiques. L'ARC devrait déterminer comment elle peut assurer l'intégrité et les objectifs philanthropiques tout en permettant des partenariats novateurs et des initiatives de coinvestissement. Ce serait l'une de mes recommandations. Les associations charitables n'ont pas le droit d'investir dans des partenariats limités. Or, c'est la formule principale employée par les fonds privés à impact social pour collecter des fonds. Par conséquent, les associations charitables doivent se constituer en fiducie — pas pour éviter le problème, mais pour se conformer aux règlements.
    Deuxièmement, je vous avais parlé...
    Désolé, je vous en prie.
(1610)
    Je vous prie de continuer si vous le souhaitez, mais j'allais vous poser une autre question à ce sujet.
    Autrement dit, le règlement, dans sa forme actuelle, entrave l'investissement.
    Oui, c'est exact. Ces difficultés sont bien expliquées dans le rapport du G7 à l'intention du Canada.
    Merci.
    Je serais heureux de fournir le rapport au comité.
    D'accord.
    Monsieur Broderick, j'aurais une autre question pour vous. Vous avez dit douter de l'efficacité des obligations à impact social. Pourriez-vous développer cette idée?
    Eh bien, je suis heureux qu'on n'en ait pas beaucoup parlé. L'année dernière, j'ai abordé les obligations à impact social auprès d'un autre comité parlementaire. Il reste encore beaucoup à faire pour établir une base solide, et je suis d'accord avec le témoignage de mes collègues. Ces obligations attirent surtout les consultants et peuvent causer bien des ennuis. Avant qu'elles ne deviennent véritablement utiles, il faudrait établir un régime de finances sociales rigoureux et un système qui nous permettrait de les évaluer.
    Il vous reste 10 secondes. Donc si vous souhaitez...
    Merci à tous.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Cuzner, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci également aux témoins.
    Permettez-moi de commencer en disant que votre exposé, madame Odendahl, était tout aussi bon que celui de George Wamala... Vous savez, il a bien dressé le décor.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Rodger Cuzner: J'aimerais toutefois poser une autre question. Trois députés ici présents viennent du Canada atlantique, et je sais que M. Broderick a fait la distinction entre le capital-risque et l'investissement dans des programmes sociaux. Les banques nous entretiennent sur l'évaluation des risques, mais j'aimerais souligner que les grandes banques ne veulent assumer aucun risque, même pas pour des projets d'investissement dans des communautés rurales. C'est ce qui justifie à l'heure actuelle l'APECA. Un type comme John Bragg n'a même pas pu obtenir un prêt de la banque pour un projet à Oxford, alors qu'il est l'un des plus grands entrepreneurs dans l'est du Canada. Il a même réussi à rentabiliser cet investissement en particulier...
    Les pouvoirs publics devraient appuyer ces investissements. Pensez-vous que les grandes banques voudraient assumer plus de risques dans les investissements sociaux?
    Vous y avez fait allusion. Les banques appliquent des protocoles de gestion des risques très rigoureux et très bien établis dans l'évaluation de tout type de financement. L'équipe finance sociale s'entretient régulièrement avec la division commerciale — en fait, nous travaillons toujours ensemble, puisque nous ne sommes toujours pas parvenus à une solution. Nous étudions la possibilité de faire jouer les principes de financement classique avec des investissements plus risqués, qui pourraient provenir de notre fonds d'impact social. Comme vous le savez, les banques sont très réglementées et doivent se conformer à certaines pratiques pour évaluer le risque. Nous disposons toutefois d'un fonds à impact social dont le niveau de risque toléré n'est pas le même. Nous sommes en train de l'examiner — je ne peux m'exprimer sur le cas particulier dont vous avez fait mention, évidemment...
    Non, non.
    ... pour voir comment une banque canadienne hautement réglementée et réfractaire au risque pourrait entreprendre des activités à risque élevé.
    M. Broderick a proposé que les banques rendent des comptes sur leurs investissements sociaux. Est-ce que cela poserait problème pour vous?
    À ma connaissance, le secteur financier — je vois qu'Andy a un sourire en coin, j'aimerais bien savoir ce qu'il en pense — est le seul secteur au Canada qui soit tenu de produire des comptes publics chaque année. Peut-être qu'Andy pense qu'il manque certains renseignements dans ces comptes publics, mais franchement je n'y vois aucun problème. Jusqu'à l'année dernière, en plus de nos comptes publics — et là je ne parle que de la BRC — nous avons produit un rapport sur notre responsabilité sociale de plus d'une centaine de pages, plus un rapport annuel. On y retrouve beaucoup d'information sur nos activités communautaires. Pour notre institution, évidemment tout dépendra des exigences, je pense que ce serait très intéressant.
(1615)
    Très bien.
    Je voudrais permettre à M. Broderick d'intervenir là-dessus. Pour conclure toutefois, je voudrais rebondir sur la question de Scott, qui portait sur le traitement rigoureux de l'ARC à l'endroit des associations charitables et des relations avec le capital privé. Je suppose que, quoi que l'on fasse, certains voudront en abuser. Pensez-vous que les lacunes sont grandes? Comment se fait-il qu'on ne l'ait pas encore envisagé? Y a-t-il une raison pour le justifier? Si oui, quelle est-elle? J'aimerais bien vous entendre sur ces deux sujets.
    C'est une question pour moi?
    M. Rodger Cuzner: Oui.
    M. Andy Broderick: Oui, je pense qu'on peut faire mieux. Ce n'est pas l'État qui pâtit de l'extrême clarté qui règne aujourd'hui. Autrement dit, les règlements actuels nuisent à un secteur qui n'a pas pu bien se faire entendre. Je pense qu'on peut assurer l'intégrité du système tout en permettant une plus grande innovation.
    Quant à l'obligation de rendre des comptes, je pense que les banques canadiennes fournissent énormément d'information. Les communautés locales ne peuvent, par exemple, comparer les sommes déposées par recensement ou par code postal avec les sommes prêtées. Ce serait très intéressant de voir d'où proviennent les dépôts et où sont faits les prêts. Je pense que cette information nous éclairerait et permettrait aux banques de recenser les régions dotées d'une plus grande marge de croissance.
    D'accord, merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Boughen. Monsieur, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais me faire l'écho de mes collègues et vous souhaiter la bienvenue également.
    Andy, vous avez parlé d'un certain nombre de choses dans votre exposé. En consultant mes notes, je constate que ce pourrait être difficile à réaliser. Le privé et le public y voient des risques, et les organisations à but non lucratif doivent avoir un bilan solide. Je me demandais comment elles pourraient développer ce bilan solide dans ces conditions.
    D'abord, ce doit être leur objectif. Il s'agit de mettre en place une culture qui considère les organisations à but non lucratif comme de forts acteurs commerciaux avec une mission claire, qui l'emporterait, tout bien pesé, sur tout objectif à but lucratif.
    En Grande-Bretagne et aux États-Unis, on compte de puissants intermédiaires non concernés par des activités à but non lucratif ou charitables, mais qui parviennent à mobiliser le capital privé. D'abord, il faut mettre en place les conditions d'une telle relation. Étant donné nos traditions et notre histoire, c'est un domaine qui reste très peu développé, probablement parce que le Canada a souvent préféré le financement public direct.
    Nous cherchons à innover, mais c'est une tâche difficile pour l'État, le privé et le public, qui sont autant de mondes différents.
    Merci.
    Sandra, dans votre exposé, vous avez parlé de gains financiers. Il est important que les divers projets se traduisent par un gain financier.
    Compte tenu des différences entre la finance sociale et les investissements traditionnels, comment veillez-vous à obtenir un gain financier?
(1620)
    Cela dépend de l'investisseur. Le gain financier pourrait ne pas être important.
    Du point de vue de l'investisseur, divers scénarios peuvent se présenter. Certains investisseurs souhaitent des retombées positives pour les deux parties, à savoir un gain financier pour l'investisseur et des retombées sociales ou environnementales grâce à leur investissement. D'autres s'intéressent surtout à l'impact de leurs investissements, c'est-à-dire qu'ils seraient heureux de se faire rembourser leur principal, sachant que l'investissement a eu des retombées positives pour la société. Ces derniers pourraient même accepter une légère perte, mais ce n'est pas encore de la philanthropie. Ils refusent de tout donner. Chaque investisseur est différent.
    Pour répondre à votre question, nous souhaitons obtenir un modeste gain financier, en partie parce que ce gain profitera éventuellement à d'autres. Avec un bon portefeuille, nous souhaitons faire croître notre fonds de 10 millions de dollars. Nous investissons, nous touchons des intérêts, puis nous réinvestissons dans de nouvelles structures.
    Je pense que dans tout écosystème financier, on est susceptible de trouver un éventail d'investisseurs et d'investissements. Les risques et les rendements seront différents dans chaque cas. Je pense qu'il y a moyen d'y trouver son compte, mais on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Je ne crois pas qu'on puisse avoir en même temps de profondes retombées sociales, un rendement phénoménal et de faibles risques. Je ne crois pas que ce soit possible ni dans les marchés sociaux ni dans les marchés traditionnels.
    Vous êtes donc d'avis que ces éléments sont incompatibles?
    L'idéal, comme dans les investissements traditionnels, c'est d'avoir les plus grandes retombées avec les plus faibles risques et les meilleurs rendements, mais c'est très difficile de tout avoir. Il s'agit de conjuguer les trois le mieux possible, si c'est ce que souhaite l'investisseur. Ce n'est pas facile.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Il vous reste une trentaine de secondes.
    D'accord.
    Sandra, quels sont, à votre avis, les risques entre le secteur privé et le gouvernement? Qu'en dites-vous? Andy avait soulevé la question.
    Donc, qu'en pensez-vous?
    Excusez-moi, qu'est-ce qui est quoi, entre...?
    Quels sont les éléments pris en compte quand vous évaluez les risques entre le secteur privé et le secteur public? Quel risque est le plus attrayant pour la finance sociale, et pourquoi? Y a-t-il un mouvement décisif dans un sens ou dans l'autre?
    Si vous parlez du point de vue de l'entreprise sociale, je pense que de façon générale, on peut constater que le gouvernement est plus disposé à prendre des risques.
    Je ne suis pas sûre de répondre à votre question, mais le gouvernement a tendance à être bien placé, et nous pensons qu'il l'est, pour accepter de prendre plus de risques pour le bien commun, ou dans l'intérêt des Canadiens à plus long terme. Le secteur privé tend à être plus réfractaire aux risques, surtout les sociétés cotées en bourse. Elles doivent rendre des comptes à leurs actionnaires et se justifier quand elles prennent d'énormes risques.
    Dans le cas d'une entreprise sociale ou d'un fournisseur de services communautaires, le gouvernement serait mieux placé que le secteur privé pour fournir un capital-risque. De plus, le secteur caritatif, les fondations, etc., sont beaucoup plus portés à faire des paris très risqués pour avoir une incidence sociale très marquée.
    Je vous remercie.
    Ceci met fin à la première tournée de questions. Je vais conclure ce cycle.
    J'ai moi-même une question à poser — c'est une de mes prérogatives en tant que président. J'aimerais demander aux témoins quelques brefs commentaires sur la vigueur des coopératives. Est-ce qu'elles se perçoivent comme ayant le même degré de sophistication, si on peut dire, que les sociétés privées et les entreprises privées dans le contexte des transactions financières traditionnelles entre entreprises, banques et institutions financières? Que pensez-vous du degré de sophistication des coopératives en regard des progrès que nous devons réaliser dans ce domaine? Ou faudrait-il qu'elles fassent des progrès sur le plan du sens des affaires?
    Andy, peut-être pouvez-vous répondre le premier.
(1625)
    Volontiers. C'est une bonne question, mais je ne suis pas sûr d'être très bien préparé pour y répondre. Je pense que ma collègue de Desjardins, à Montréal, a bien expliqué cela.
    Il y a des coopératives qui sont très sophistiquées et sont tout aussi pointilleuses dans l'exécution et la discipline que dans le secteur privé, et d'autres sont plus modestes et construites autour de relations informelles.
    C'est un domaine de l'économie qui est très prometteur dans le secteur de la finance sociale. Pensez à une institution comme Vancity, qui m'a amené ici, au Canada, qui a pu créer une institution financière tout aussi sophistiquée, mais aussi capable d'exécuter et de clore des transactions tout aussi bien que les banques — et parfois même, mieux — mais aussi, comme l'a fait remarquer ma collègue de Montréal, à réinvestir plus de 30 % de nos bénéfices nets dans le travail que je fais pour tenter d'établir de nouveaux marchés qui vont renforcer la communauté.
    Voilà ce qu'offrent Vancity et Desjardins. Vous pouvez voir que quand elles réussissent, elles deviennent des institutions financières d'une énorme importance qui peuvent donner lieu à toutes sortes d'autres activités. J'ai vu le même phénomène au Vermont, avec les coopératives alimentaires.
    Très bien.
    Madame Harvey, avez-vous quelque chose à dire, rapidement?

[Français]

     Certainement.
    Les coopératives de crédit sont tout aussi rentables et performantes que les grandes banques, mais elles ont un modèle de développement qui est différent. Les témoins ont parlé précédemment de risques, de pertes et des difficultés à évaluer le risque. Or en raison des liens importants qu'elle entretient avec l'ensemble de sa communauté, notre coopérative de crédit connaît un niveau de perte sur prêt plus bas que celui de l'ensemble des coopératives du Mouvement Desjardins.
    Nous nous spécialisons dans le financement de coopératives ou d'associations qui ont des projets sociaux. Nous sommes en mesure de contrôler l'analyse de risques grâce à ces liens très importants avec la communauté. Je pense que, pour les coopératives de crédit, le fait d'être en mesure de conserver ces liens et cet ancrage dans leur milieu est ce qui est structurant et important. Ce sont des intermédiaires essentiels dans les milieux et les communautés. Il faut préserver ce modèle d'affaires et, pour ce faire, nous devons garder cet espace vivant partout au Canada.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je regrette, Sandra, mais il ne reste plus de temps pour vos commentaires sur le sujet.
    C'est bon.
    Peut-être tout à l'heure pourrons-nous avoir quelques échanges.
    Je remercie les témoins. Personnellement, cela me paraît curieux. Mon père a été l'un des cofondateurs d'une coopérative de crédit appelée Brantford Municipal Employees Credit Union. Ensuite, je suis devenu entrepreneur et j'ai eu ma propre entreprise toute ma vie, et j'ai travaillé avec les institutions financières. Je trouve très intéressant de faire des liens et de voir où sont les forces et les faiblesses, les rapports entre les institutions, et vous nous avez certainement brossé un excellent tableau de celles-ci. Je vous remercie.
    Nous allons brièvement suspendre notre séance pour accueillir nos prochains témoins.
(1625)

(1630)
    Nous reprenons, mesdames et messieurs.
    Nous poursuivons maintenant notre exploration du potentiel de la finance sociale au Canada. Pendant cette dernière heure de la séance, nous entendrons deux témoins, M. Magnus Sandberg, vice-président et directeur général de Social Capital Partners. Nous vous souhaitons la bienvenue. M. Sandberg est accompagné de M. Norm Tasevski, cofondateur et partenaire de Purpose Capital.
    J'espère, monsieur, avoir prononcé votre nom...
    Je vous remercie.
    Pas mal, non? Alors, allons-y.
    Nous avez chacun 10 minutes pour faire votre exposé au comité, puis nous passerons aux questions.
    Commençons donc par M. Sandberg. Vous avez la parole, monsieur.
    Je crois que les panélistes précédents vous ont parlé de la finance sociale au sens large, des entreprises sociales, des obligations à impact social et du financement des fondations. Ce sont des sujets très importants et très prometteurs, mais je vous propose d'examiner la finance sociale sous un angle légèrement différent.
    À Social Capital Partners, nous nous demandons souvent comment mobiliser le secteur privé dans la finance sociale et les investissements à impact social. Dans quelles conditions les acteurs du secteur privé auraient-ils envie d'améliorer notre société sans compromettre leur rendement financier? Répondre à cette question, c'est peut-être le meilleur moyen d'améliorer graduellement le rendement des deniers publics.
    Je vais vous donner un exemple concret sur lequel nous avons travaillé, mais je tiens surtout à faire observer que, si nous pouvons innover dans ce domaine émergent qu'est la finance sociale, nous pourrons mobiliser le secteur privé comme jamais auparavant.
    Mais avant, je souhaite vous parler brièvement de Social Capital Partners. Nous sommes une organisation à but non lucratif fondée par le philanthrope Bill Young, qui était membre du Groupe de travail canadien sur la finance sociale, dont vous avez entendu parler lors de séances précédentes. Nous nous consacrons à la finance sociale depuis 14 ans. Nous avons commencé par des investissements dans des entreprises sociales.
    Après cinq ans, nous avons appris que les entreprises à vocation sociale peuvent avoir une véritable influence tout en étant financées en grande partie par leurs propres revenus, mais il est difficile de les faire croître. De par leur nature même, il est difficile de développer une jeune entreprise et encore plus difficile quand il faut se concentrer à la fois sur le rendement financier et les retombées sociales.
    Nous ne pouvions conclure qu'un marché par année, car il fallait analyser le modèle économique de l'entreprise et veiller à ce qu'elle engrange des revenus sur le long terme. Nous nous sommes alors tournés vers le secteur privé et des modèles économiques fondés sur la croissance. Nous avons financé, à des taux attrayants, des entrepreneurs qui voulaient acheter ou développer des succursales, comme Mr. Lube ou Boston Pizza. En contrepartie, l'entrepreneur s'engageait à faire appel aux prestataires de services sociaux, comme le YMCA et Goodwill, pour doter une partie de son personnel.
    Notre rendement financier était lié à notre impact social: pour chaque embauche, les taux d'intérêt diminuaient d'un pourcentagage x. Aujourd'hui, nous investissons dans environ 80 entreprises et, en moyenne, 25 % des employés de chaque entreprise proviennent de ces prestataires de services sociaux. Ces employés, à titre d'exemple, pourraient avoir un handicap, être au Canada depuis peu ou être un jeune à risque.
    Nous servons d'intermédiaire entre les entrepreneurs et des organisations comme le YMCA. Nous veillons à ce que l'embauche soit dans l'intérêt des deux parties. Quelques travailleurs ont gravi les échelons, et nous pensons qu'ils pourront bientôt ouvrir leurs propres succursales. Nous serions, bien entendu, ravis de les financer.
    Ce modèle a fait ses preuves à la fois du point de vue social et du point de vue financier. Le rendement de notre portefeuille s'élève à 7 %, le taux de prêts non remboursés étant de 2,4 %. Et à partir de là, quelle serait la prochaine étape? Comment faire passer notre portefeuille de 80 à 10 000 prêts? Imaginez que les banques adoptent la finance sociale dans toutes leurs succursales. Leur prêt de base serait assujetti par exemple à un taux d'intérêt correspondant au taux préférentiel plus 2 %, mais les clients pourraient faire baisser ce taux d'intérêt de 0,5 % en embauchant une personne défavorisée par l'intermédiaire de ces programmes. Peut-être vous demandez-vous qui va assumer le coût de cette réduction du taux? Je vais y répondre dans un instant.
    Nous avons fait des analyses avec Deloitte. À partir du moment — cela dépend des groupes démographiques et des systèmes sociaux — quelqu'un passe de l'aide sociale à un statut d'employé, l'État économise environ 6 000 $ par personne après six mois d'emploi.
(1635)
    Comparez cela au coût de réduction du taux d'intérêt d'un demi pour cent pour un prêt de 200 000 $, soit un coût d'environ 3 000 $. Nous croyons que c'est dans l'intérêt économique du gouvernement de payer le coût de cette réduction du taux d'intérêt d'un demi pour cent par embauche puisque les économies sont de deux fois ce montant du coût. La réduction du taux d'intérêt n'entrera en vigueur qu'après une période d'emploi de six mois, de sorte qu'il y aura très peu de risques pour le gouvernement. Il s'agit d'un simple modèle de paiement en fonction de la réussite. On tire parti de certains éléments d'une obligation à impact social — je sais qu'on vous a fait des exposés sur le sujet — tout en minimisant la complexité d'une telle structure.
    Nous avons présenté cette idée au ministère du Développement économique, de l'Emploi et de l'Infrastructure de l'Ontario, qui veut en faire un projet pilote. Nous avons travaillé avec les banques au cours des derniers mois et hier, nous avons tenu un atelier pour parler des modalités d'une entente avec les trois banques intéressées. Nous allons faire de même avec les caisses populaires dans deux semaines.
    Au sujet de cette possibilité — et je ne suis pas là aujourd'hui pour vous vendre une idée, mais simplement pour vous la signaler —, Deloitte estime qu'avec 10 000 prêts, le gouvernement pourrait faire des économies nettes d'environ 140 millions de dollars, que 40 000 postes pourraient être comblés par des personnes vulnérables, qu'on pourrait voir une réduction du taux d'intérêt de 2 % pour les employés, et que les agences communautaires et certaines institutions financières pourraient fournir un soutien à l'embauche et réduire les taux d'intérêt, ce qui augmenterait les retombées sociales. Nous croyons qu'il s'agit d'un argument persuasif, mais ce que je veux dire c'est que quand on commence à avoir la participation des intervenants dans le secteur privé, on peut très rapidement augmenter l'impact social de manière exponentielle.
    Je crois que des tendances et des modèles très intéressants se font jour et que la conjugaison de leurs effets pourrait donner des résultats très encourageants. Je pense à la finance sociale, aux valeurs partagées que prône Michael Porter, aux retombées collectives, aux laboratoires d'innovation, aux mesures d'incitation et aux théories sur les comportements. En fait, je pense que la Maison-Blanche a annoncé la semaine dernière la mise sur pied d'une équipe semblable à celle qui a été créée par le gouvernement du Royaume-Uni pour étudier ces questions.
    On n'a pas le temps d'en parler en détail, mais, à mon avis, l'essentiel c'est qu'il faut changer les comportements, encourager de nouvelles façons de travailler et associer de nouveaux intervenants. Nous changeons le comportement des employeurs pour qu'ils embauchent les personnes handicapées, des néo-Canadiens, des jeunes à risque, etc. Nous offrons un incitatif peu cher qui prend la forme d'une réduction du taux d'intérêt et nous utilisons les canaux de distribution des banques et des caisses populaires pour faire augmenter de 80 à 10 000 le nombre d'employeurs qui participent.
    Finalement et dans la même veine, nous pensons qu'il serait très intéressant d'examiner les programmes gouvernementaux qui visent le secteur privé, et d'y ajouter un aspect social. Je pense au programme de financement des petites entreprises du Canada. Essentiellement, le gouvernement se porte garant à hauteur de 80 % du prêt donné par les institutions financières à des petites et moyennes organisations auxquelles les banques ne feraient pas de prêts en raison des risques. Imaginez qu'on ajoute à cela un aspect social, que ce soit par le biais des embauches, des panneaux solaires installés sur le toit des entreprises, ou autre chose. À notre avis, ce serait un modèle très intéressant. Il y a bien d'autres modèles comme celui-là, et ce serait très intéressant de les étudier.
    Merci.
(1640)
    Merci beaucoup pour cet exposé.
    Monsieur Tavevski, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion d'entretenir les membres du comité au sujet de cette question très importante.
    Mes observations vont dans le sens de celles formulées par Magnus à propos du rôle du secteur privé comme facilitateur en matière de finance sociale. Je commencerai par offrir au comité ma perspective sur la finance sociale, qui diffère peut-être un peu de ce que vous avez entendu jusqu'à maintenant.
    Quand je pense à la finance sociale, je pense d'abord aux parties prenantes. L'idée d'investir pour entraîner un rendement social et financier, ou un rendement mixte, est souvent l'apanage des organismes de bienfaisance ou à but non lucratif. Toutefois, la finance sociale ne concerne pas exclusivement les organismes de bienfaisance. Si on pense à un rendement mixte, il est tout aussi valable d'envisager d'appliquer la finance sociale aux activités des organismes à but lucratif et des entreprises comme celles dont Magnus a parlé.
    En effet, de plus en plus d'entreprises intègrent dans leur mandat le souhait de vraiment s'attaquer aux problèmes sociaux qui existent dans la société. Dans cette optique, l'aspect juridique n'est pas un préalable à la finance sociale.
    Ma perspective porte aussi sur le volet de la finance sociale qui va au-delà de l'investissement comme tel. Tout un éventail d'acteurs participent à la finance sociale sous une forme ou sous une autre, et dans certains cas, il peut y avoir bien des raisons de distinguer les acteurs de l'investissement proprement dit.
    Voici un exemple qui peut sembler anodin. J'enseigne un cours d'entrepreneuriat social et d'investissement d'impact, une sous-catégorie de la finance sociale, aux étudiants en génie de l'Université de Toronto. On pourrait croire qu'il est étrange de rassembler des étudiants en entrepreneuriat social et en génie pour aborder la finance sociale, mais il s'agit d'une excellente occasion de présenter le concept de la finance sociale à différentes personnes provenant de différents milieux.
    J'offre aussi des conseils à un groupe nommé ABC Life Literacy. Je pense même que Gilian Mason, une représentante de cet organisme, témoignera devant le comité plus tard cette semaine. Au sein de son organisme, Gilian s'intéresse à la finance sociale, non seulement comme bénéficiaire potentielle d'un investissement social, mais aussi pour avoir la possibilité d'aider d'autres personnes à prendre part à la finance sociale.
    Les incubateurs d'entreprises, les cabinets d'experts-conseils et d'avocats, les initiatives de surveillance et d'évaluation, les agences du gouvernement, voilà des exemples d'entités qui peuvent contribuer au développement de l'écosystème de la finance sociale au Canada. La finance sociale représente par conséquent un regroupement de différentes formes d'activités économiques.
    Troisièmement, on peut voir la finance sociale comme un instrument qui peut aider à abattre les cloisons traditionnelles qui séparent les secteurs économiques.
    Un dénommé Antony Bugg-Levine, le PDG de Nonprofit Finance Fund, un conférencier renommé et un chef de file en matière de finance sociale, évoque souvent la bifurcation de notre monde dans lequel on investit d'un côté seulement pour faire de l'argent ou à des fins de gain personnel, et de l'autre côté on résout des problèmes sociaux au moyen d'oeuvres de bienfaisance ou d'organismes oeuvrant pour le bien public.
    La finance sociale fait tomber ces barrières. Grâce à la finance sociale, les acteurs du secteur privé ayant de bonnes intentions et motivations peuvent investir et conjuguer le bien privé et le gain personnel. Dans un tel modèle, le gouvernement est amené à jouer un rôle différent. Au moyen d'outils de finance sociale, le gouvernement peut créer des incitatifs destinés aux acteurs du privé et établir des critères pour financer le bien public.
    Mon entreprise, Purpose Capital, a été fondée dans cette optique. Mes partenaires et moi-même avons lancé notre entreprise dans le but de mobiliser toutes les formes de capital — financier, physique, humain et social — pour accélérer le progrès social. Nous voulons faire le pont entre les entreprises et les organismes, qui souhaitent créer un monde meilleur, et les investisseurs qui souhaitent entraîner des retombées financières et sociales concrètes.
    Nous avons différentes expériences de la finance sociale. Nous nous spécialisons notamment dans le service-conseil auprès de détenteurs d'actifs pour l'élaboration de stratégies en finance sociale.
    Prenez l'exemple de nos travaux auprès de la Fondation Inspirit. La mission de la fondation consiste à valoriser le pluralisme auprès de jeunes Canadiens provenant de différents milieux spirituels, religieux, ou encore laïques. L'organisme remplit sa mission grâce à un programme national novateur et un engagement grâce à un placement axé sur la mission.
    Purpose Capital collabore avec la Fondation Inspirit depuis janvier 2014. Nous veillons à la définition, à la mise en oeuvre et au suivi de leur programme de placement, qui consacre 5 % de leurs fonds de dotation à la mission.
    Nous sommes heureux de collaborer avec Inspirit qui définit et élargit son engagement à l'égard de l'investissement d'impact. Nous croyons que les investisseurs comme la Fondation Inspirit constituent l'exemple parfait de participants en finance sociale. La fondation possède les actifs nécessaires pour investir et le souhait manifeste d'intégrer les retombées sociales à ses stratégies d'investissement. Ce type d'entreprise constitue plutôt l'exception et non la norme quand il est question d'investissements d'impact ou de finance sociale.
(1645)
    D'autres investisseurs ont besoin d'organismes comme le nôtre, qui jouent un rôle plus actif pour ce qui est de faire tomber les obstacles perçus ou réels à l'investissement.
    Notre organisme s'occupe aussi de susciter des possibilités d'investissements en finance sociale. Nous travaillons avec les détenteurs d'actifs non seulement dans le but de les conseiller, mais aussi pour structurer les occasions.
    Laissez-moi vous donner un exemple de notre travail dans ce cas-là. Le projet dont il est question en est encore à l'étape embryonnaire, mais la créativité qu'il implique est une source de fierté pour nous et illustre bien la perspective dont j'ai parlé plus tôt. Il s'agit de ce qu'on appelle le fonds des communautés résilientes. C'est une initiative qui vise à repenser la façon dont le logement abordable est financé et construit. Au lieu de se concentrer sur ce qu'on pourrait appeler les partenaires habituels en matière de développement de logement abordable soit le gouvernement et les agences à but non lucratif, le FCR mise sur des investisseurs en immobilier motivés par les profits pour financer le caractère abordable du logement. Les investisseurs achètent des propriétés à l'aide d'une hypothèque obtenue par le truchement du FCR et louent ces propriétés à une personne en besoin de logement abordable.
    Notre produit hypothécaire est lié à un fonds de dotation qui permet de réduire l'écart et de rendre le logement abordable pour le locataire. Le locataire paie selon ses moyens, et l'investisseur reçoit le taux du marché en retour.
    De simples citoyens investissent dans la finance sociale, ce qui allège le fardeau pour les gouvernements et les organismes à but non lucratif qui en retour peuvent investir dans d'autres formes de logements et de programmes.
    Maintenant que le comité comprend mieux de quoi il s'agit, je vais vous donner des pistes de participation du gouvernement fédéral à la finance sociale.
    D'abord, je crois que le gouvernement devrait se considérer comme un catalyseur de la finance sociale. Autrement dit, le gouvernement pourrait trouver des moyens de favoriser un écosystème de finance sociale. Le gouvernement n'a pas à offrir de fonds. Il a plutôt un rôle plus important à jouer comme catalyseur. Un incitatif précis est le temps. L'expression qui veut que le temps soit de l'argent s'applique à la finance sociale tout comme à la finance traditionnelle.
    Notre travail en matière de logement abordable et d'immobilier en est un exemple. Un processus d'approbation plus rapide pour les projets d'immobilier qui ont des répercussions sociales pourrait changer considérablement les données économiques d'un projet. D'un point de vue gouvernemental, les incitatifs peuvent être offerts de façon facile ou difficile. Je commence toujours par la première façon. Dans ce cas-ci, il s'agirait d'accorder la priorité aux changements mineurs aux politiques du gouvernement qui n'exigent pas de changements à la réglementation ou de nouvelles mesures législatives.
    Le gouvernement peut ensuite jouer un rôle de catalyseur d'investissement. Le comité pourrait envisager un capital catalyseur. Une telle structure s'adresse à diverses catégories d'investisseurs, dont ceux qui s'intéressent à l'aspect social et d'autres, à l'aspect financier, du même investissement. Certains acceptent d'absorber un niveau convenu de perte, d'autres réduisent le risque associé à l'occasion d'investissement dans son ensemble. Grâce à la réduction du risque, un groupe d'investisseurs reçoit un retour qui correspond davantage à ses attentes en matière de risque et de rendement, soit normalement le taux du marché.
    Puisqu'on parle de catalyseur, je vais vous offrir un dernier exemple, soit celui de Big Society Capital, dont on vous a déjà peut-être parlé.
    Big Society Capital est une institution financière à vocation sociale au Royaume-Uni. Big Society Capital investit dans l'écosystème financier social au Royaume-Uni, qui en soit est une chose fantastique. Ce qui est le plus impressionnant, c'est la façon dont l'organisme a obtenu du capital. Le capital initial du fonds Big Society Capital provenait de comptes bancaires inactifs au Royaume-Uni. Les comptes bancaires inactifs étaient détenus par des gens qui ont cessé d'y accéder, parce qu'ils sont décédés, par exemple. Après une certaine période d'attente, les banques transfèrent les fonds de ces comptes à une série d'intermédiaires, et ces fonds finissent par être envoyés à Big Society Capital.
     Pourquoi ce que je vous raconte est-il pertinent? Au Canada, les comptes bancaires inactifs représentaient environ 532 millions de dollars en décembre 2013. La Banque du Canada retient ces fonds pour une période de 40 ans avant de les transférer au receveur général du Canada. Je crois que ce serait extraordinaire que le gouvernement fédéral puisse reprendre le modèle et créer une forme de Big Society Capital au Canada pour démontrer son engagement à la croissance de la finance sociale.
    Voilà qui met fin à mes remarques. Je vous remercie.
(1650)
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous allons maintenant commencer la première série de questions.
    Madame Groguhé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je voudrais remercier nos témoins de leur apport à cette étude.
     Cela n'a pas été évoqué de façon centrale dans vos propos, mais je souhaiterais vous entendre sur les indicateurs relatifs à l'évaluation de la finance sociale étant donné qu'on sait que les modèles de rémunération au rendement reposent principalement sur l'évaluation des résultats.
    D'après vous, quels types d'indicateurs devrions-nous utiliser pour savoir si les organismes ont atteint ou non les objectifs fixés et pour mesurer les résultats des initiatives touchant la finance sociale? Avez-vous une idée à cet égard? Si oui, pouvez-vous la partager avec nous?

[Traduction]

    Nous travaillons dans le domaine de l'embauche de personnes qui doivent surmonter des obstacles à l'emploi. Dans le cadre du système provincial à l'heure actuelle, les organismes de services communautaires comme le YMCA reçoivent des fonds en fonction du nombre de participants aux séances de formation et du nombre de personnes mises au travail. Le système, en grande partie, n'est pas fondé sur le maintien en poste de ces personnes.
    Dans notre rôle d'intermédiaire entre les employeurs et les organismes de services communautaires, nous avons entrepris des projets pilotes avec la Banque TD, Loblaws, Whole Foods et la Sun Life. Dans ce rôle d'intermédiaire, nous avons réussi à mettre beaucoup de personnes au travail, mais nous n'avons pas réussi à faire en sorte que les candidats obtiennent du succès dans leur emploi.
    Nous n'avons donc aidé personne. Nous n'avons pas aidé les candidats. Les candidats ont été mis au travail, mais ils n'ont pas pu garder leur emploi, ont recommencé à dépendre de l'aide sociale et leur confiance en soi en a souffert, etc. Nous n'avons pas aidé les employeurs non plus.
    Nous avons mis fin à ces projets pilotes et décidé que nous devions faire plus que seulement jouer les intermédiaires pour assurer les placements. Nous devions examiner toute la chaîne de valeurs et voir comment les gens se préparent à l'emploi et comment on favorise leur succès au travail. Pour moi, c'est une question de maintien en poste.
(1655)

[Français]

     Monsieur Tasevski, vous allez peut-être pouvoir intervenir sur ce qui vient d'être dit.
    Selon moi, il y a une chose qui est claire. Cela dépend de la place que le gouvernement pourrait occuper dans le cadre de la finance sociale.
     Je crois qu'il est impératif d'avoir des critères d'évaluation et des mesures. À cet égard, quelles sortes de mesures pourrait-on élaborer afin d'avoir un rendement le plus exhaustif possible pour expliquer les raisons pour lesquelles on s'engage dans la finance sociale? Je sais que ce n'est pas évident, parce qu'il y a des aspects qualitatifs qui sont mêlées à des aspects quantitatifs. Toutefois, je pense que si on veut être en mesure de voir l'impact du coût et de le mesurer, il est essentiel d'avoir des critères et des mesures d'évaluation.
    Qu'en dites-vous, monsieur Tasevski?

[Traduction]

    Absolument, je suis d'accord avec vous pour ce qui est de l'importance des outils de mesure et la capacité d'évaluer et de quantifier ou à tout le moins comprendre les retombées des investissements.
    D'après moi, il faut se pencher sur les outils de mesure et sur les gens qui participent à la conception de ces outils. La finance sociale est différente de l'investissement traditionnel, ce qui constitue un défi. Lorsqu'on pense aux investissements traditionnels, on peut faire l'analyse des dollars et des cents. On peut calculer le taux de rendement à l'interne ou le rendement pour les investisseurs.
    Magnus a parlé d'emploi. On peut mesurer l'emploi d'un million de façons différentes. Parle-t-on d'une amélioration graduelle de la situation d'une personne qui est sous-employée? Je pourrais aider 500 personnes à passer d'une situation de sous-emploi à une situation d'emploi. Les répercussions sont-elles égales ou supérieures si j'aide 10 personnes dans une situation de pauvreté extrême à trouver un emploi?
    La façon de mettre sur pied les outils de mesure est tout aussi importante que les données mesurées. Je proposerais de faire participer le groupe d'investisseurs à la conception des outils de mesure appliqués à une initiative donnée, comme travailler avec des groupes tels que Social Capital Partners qui ont plus d'expertise que d'autres dans la conception de ces outils de mesure.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Voilà qui met fin à vos cinq minutes.
    Nous allons maintenant passer à M. Mayes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie aussi nos témoins qui sont avec nous.
    L'un des défis, selon moi, c'est de savoir comment mesurer et évaluer les résultats à valeur sociale et qui définit en quoi consiste la valeur sociale. Pour ce qui est du logement abordable, j'aimerais signaler que j'ai fait partie d'un groupe qui a demandé au gouvernement de renoncer aux intérêts et d'investir dans un tel projet. Nous avions demandé à l'administration locale de renoncer aux frais de développement et autres frais de ce genre, pour favoriser le logement abordable. Je comprends la valeur des résultats sociaux pour les jeunes et les personnes handicapées en matière d'emploi et de formation.
    Vous avez donné l'exemple de l'énergie solaire, qui n'est pas nécessairement un bon investissement et qui n'a pas de valeur sociale — du moins pas pour l'instant, mais peut-être à l'avenir. Vous le savez tous. Je suis de la Colombie-Britannique, et vous avez appris en Ontario que pour l'instant, ce n'est pas nécessairement un investissement judicieux. J'imagine que c'est le défi. Lorsque le gouvernement offre sa participation, nous avons une responsabilité à l'égard des contribuables et de la société de prendre des décisions qui offrent de bons résultats sociaux. Je tenais à vous poser la question parce que je me demande qui détermine les résultats sociaux lorsque vous obtenez des investissements du secteur privé. Avons-nous besoin d'un cadre pour veiller à ce que les résultats sociaux soient positifs et aient une valeur pour la société?
(1700)
    Lorsque nous cherchons à travailler avec des investisseurs pour qu'ils participent à un fonds précis ou à d'autres types de modèles, le but premier est de faire concorder les valeurs. Tous les groupes qui participent à un investissement doivent fondamentalement viser les mêmes résultats sociaux. Il peut arriver qu'un objectif ou une cause ne convienne pas à un investisseur donné. Alors, vraiment, la question fondamentale pour moi est de voir si les valeurs correspondent et si elles sont intégrées dans l'occasion d'investissement. J'aimerais que tous les participants prennent toujours part à l'établissement des outils de mesure des résultats et des objectifs non mesurables ou à plus long terme, comme le développement économique, etc. Pour moi, c'est souvent plus difficile de refuser ou de dire aux gens que leur investissement est fantastique, mais qu'il ne concorde pas avec les objectifs escomptés. Comme vous le savez, il arrive que des projets déraillent si trop peu d'attention a été accordée à cette correspondance. Selon moi, les valeurs sont la première chose à prendre en considération.
    Le sujet de l'évaluation est délicat, et ce, de deux points de vue. Je pense que Sandra a parlé tout à l'heure des différents types d'investisseurs, du premier investisseur responsable à l'investisseur financier. De même, l'évaluation varie selon le type d'investisseur. Certains investisseurs veulent des effets quantifiables, des chiffres et des données. D'autres se contentent de constater les effets sociaux de leurs investissements. La méthode d'évaluation choisie variera donc selon le type d'investisseur. L'évaluation peut facilement devenir trop détaillée. En revanche, je veux comparer avec les évaluations de nos jours, avec les interventions et les projets offerts par le gouvernement et les organismes à but non lucratif. Je trouve que les données sont médiocres. Selon moi, la finance sociale peut contribuer à améliorer ces données. Pour certaines initiatives, on veut pouvoir déterminer qu'un investissement dans un organisme caritatif plutôt qu'un autre peut donner des résultats supérieurs de 2 %. Pour certaines initiatives, on veut en arriver à ce niveau de précision. C'est extrêmement difficile. Si nous pouvons améliorer les évaluations qui se font actuellement, ce sera déjà beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Cuzner.
    Merci de vos exposés.
    J'aimerais poursuivre sur le sujet qu'a abordé M. Mayes, à savoir les éléments mesurables. Je ne peux qu'imaginer les défis que vous devez relever, monsieur Sandberg, en matière d'employabilité. Votre travail est noble, mais, en dernière analyse, comment peut-on mesurer votre succès? Avez-vous un objectif? Souhaitez-vous que la moitié de vos employés soient des gens qui sortent de centres de traitement, des personnes avec un handicap ou des néo-Canadiens?
    Vous avez trouvé l'exemple parfait. Pourriez-vous nous donner une idée ou un aperçu de la composition de la main-d'oeuvre?
    Je ferai deux ou trois remarques.
    Quand nous consentons un prêt à une entreprise, nous le faisons à condition que, dans l'année qui suit, au moins 20 % de son effectif total proviennent des groupes dont j'ai parlé. Si l'entreprise n'atteint pas cette cible, nous nous réservons le droit d'exiger le remboursement du prêt. Il y a donc un objectif. Cependant, nous mesurons les 20 % en fonction du maintien en poste. Si l'un des employés recrutés ne fait pas l'affaire, l'entreprise a un trimestre pour le remplacer; le taux d'intérêt reste alors le même. Comme je l'ai dit, nous nous fondons sur le maintien en poste. Il est extrêmement difficile d'évaluer les effets des différentes mesures sur l'emploi. Mais nous mesurons entre autres les hausses de salaire, l'augmentation du nombre de postes et la formation que les employeurs donnent. Toutefois, le plus important pour nous, c'est le maintien en poste et la satisfaction des clients, soit le candidat et l'employeur.
    Est-ce que cela répond à votre question?
(1705)
    Oui, merci.
    Ce que fait Norm est aussi intéressant.
    J'imagine que certains des étudiants en génie de l'Université de Toronto qui participent à votre programme souhaitent apporter leur contribution au bien-être de la société. Avez-vous des exemples à nous donner? Pourriez-vous décrire au comité certaines initiatives auxquelles ont participé des étudiants, lesquelles ont ensuite poursuivi...?
    Bien sûr.
    Encore une fois, pour ce qui est de concevoir l'effet quantifiable fondé sur l'initiative en cours d'élaboration, j'avais un groupe d'étudiants internationaux d'Abu Dhabi en 2012. Je les avais nommés les gars d'Abu Dhabi. Ils ont conçu un système de chauffage recyclable. En réalité, il s'agissait de panneaux solaires fabriqués à partir de cannettes de boisson gazeuse. C'était un petit projet formidable.
    Ce qui m'a époustouflé, c'est qu'ils ont effectivement construit un prototype et l'ont installé dans une maison Habitat pour l'humanité. Il s'agit ici d'être en mesure de réduire les coûts associés à l'installation du système de chauffage et au chauffage au fil du temps. Durant mon cours, ils ont entamé des négociations avec une collectivité des Premières Nations dans le Nord de l'Ontario afin de mener un projet pilote dans le cadre duquel on utiliserait ces éléments de chauffage recyclables. C'est un exemple qui découle du cours.
    Quand on pense à ce projet et aux répercussions, vous pouvez mesurer la quantité de chaleur produite par ces dispositifs ainsi que les coûts associés à leur fabrication ou à leur installation. En même temps, vous pouvez assurer une stabilité dans le logement d'une personne et créer des conditions dans lesquelles elle peut travailler et étudier à domicile. Il y a beaucoup de choses qui sont qualifiables, des choses qui ne sont pas faciles à mesurer, mais qui entraînent des répercussions légitimes pour les personnes qui s'intéressent à cet investissement.
    Merci.
    C'est tout. Il ne vous restait que 15 secondes de toute façon.
    Monsieur Eglinski, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, Norm et Magnus d'être venus vous entretenir avec nous aujourd'hui.
    Magnus, au début de votre exposé, vous avez parlé des recettes réalisées. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet et nous expliquer exactement ce que vous voulez dire?
    Je vais vous donner un exemple. Nous avons investi dans un organisme de Winnipeg, une entreprise de rénovation. Elle a soumis une demande pour embaucher des Autochtones vivant en milieu urbain; il s'agissait donc d'une entreprise sociale classique. Ses clients étaient des organismes à but non lucratif, mais elle a commencé à avoir plus de clients commerciaux, puisque c'est une entreprise rémunérée à l'acte, comme toute autre compagnie de rénovation, la seule différence étant que la plupart des employés étaient des Autochtones vivant en milieu urbain.
    Est-ce que cela répond à votre question? C'est une entreprise typique qui génère des revenus.
    Oui, cela répond en partie à la question.
    Et qu'en est-il pour vous? Avec les fonds que vous avez tous les deux à votre disposition, essayez-vous de générer des revenus, quand votre argent n'est pas prêté à un groupe A ou à un groupe B?
    C'est une excellente question, et je suis certain que d'autres intervenants en ont déjà parlé. Dans notre cas, nous sommes un organisme à but non lucratif financé par un philanthrope. Nous avons pour seule motivation d'être les catalyseurs de nouveaux modèles et de nouvelles approches. Idéalement, tout notre capital serait investi dans nos initiatives ou nos prêts, et ainsi de suite. Comme ce n'est pas toujours possible, nous devons investir une partie de notre capital dans les marchés financiers traditionnels. Mais nous avons pour mission d'investir autant de capitaux que possible dans nos initiatives.
(1710)
    Pour sa part, ma firme conseille les investisseurs. Nous les aidons à mobiliser leurs capitaux. Dans certains cas, nous essayons d'utiliser de façon créative les revenus générés par ces initiatives. Dans l'exemple que j'ai cité, le fonds pour le logement abordable appelé le fonds des collectivités résilientes, les frais associés au logement abordable sont redirigés dans un fonds de dotation, lequel est ensuite utilisé pour financer le logement abordable. Pensez aux frais de courtage ou aux commissions que les banques paieraient, ou même dans certains cas, les frais juridiques qui seraient versés pour une transaction. Ces frais sont en fait des recettes gagnées pour ces entités, mais une partie de ces revenus peuvent être utilisés pour combler le manque de fonds des personnes qui vivront dans ces logements.
    J'ai une autre question pour vous deux, et vous pourrez répondre en premier, Magnus.
    Au sein de votre organisation, vous êtes la personne qui décide de prêter de l'argent ou pas à un groupe. À quel point vos lignes directrices sont-elles sévères? Qui élabore vos lignes directrices pour déterminer qui obtient de l'argent et qui n'en obtient pas, et que doivent faire les demandeurs pour obtenir de l'argent?
    Nous avons deux processus de vérification préalable. La première est une vérification préalable financière et la seconde, une vérification préalable sociale.
    Le processus de vérification préalable financière est semblable à celui d'une banque. Toutefois, dans les banques, vous avez le service des ventes et le service du crédit, et les banques ont plus de lignes directrices. Nous avons moins de lignes directrices, donc par exemple, si nous croyons en l'entrepreneur et si nous pensons qu'il peut réaliser des profits, alors nous pouvons prévoir peut-être moins d'actifs, de sources de revenus et ainsi de suite. Il s'agit d'une vérification préalable financière, semblable à celle d'une banque, mais peut-être un peu plus concrète et moins sévère.
    En ce qui a trait à la vérification préalable sociale, et c'est une vérification que nous avons élaborée au fil du temps par essais et erreurs puisque nous n'avons pas de modèle unique auquel nous en remettre, nous envisageons les possibilités. Pour le candidat, s'agirait-il d'un bon endroit où travailler? Aurait-il un bon gestionnaire? Le gestionnaire aurait-il du temps à consacrer au candidat pour qu'il réussisse dans son emploi? Y a-t-il de nombreux postes de débutants? Quelles sont les possibilités d'avancement? Quelle est l'échelle salariale? Nous essayons de répondre à toutes ces questions.
    Merci. Nous allons terminer là-dessus. Vous avez un peu dépassé votre temps, monsieur Eglinski.
    Nous allons maintenant passer à Mme Morin.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ce n'est pas la première fois que je pose cette question dans le cadre de la présente étude. Mes collègues vont peut-être me trouver énervante, mais ce n'est pas grave. Cela ne me dérange pas. Je m'interroge toujours sur l'autonomie des groupes et des organismes. Je me demande comment ils peuvent maintenir leur autonomie lorsque la source de financement est privée. À cet égard, je vais d'ailleurs poser une autre question.
     Beaucoup d'organismes dénoncent le financement par projet. Selon eux, ce type de financement ne leur permet pas vraiment d'élaborer un plan d'action à long terme.
     Je me demandais également si le financement privé rendait possible une certaine récurrence ou, du moins, quelque chose ressemblant à du moyen terme.

[Traduction]

    À titre de précision, la première partie de votre question porte sur le degré d'autonomie qu'un bénéficiaire de finance sociale peut avoir étant donné que les fonds reçus proviennent de capitaux privés, n'est-ce pas?
    Alors, vous voulez savoir si...
(1715)

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    ... c'est potentiellement une bonne ou une mauvaise chose?
    Je pense que...

[Français]

    En fait, je veux savoir si l'organisme réussit à conserver une certaine autonomie.

[Traduction]

    Je vois.

[Français]

    Il s'agit de savoir s'il la conserve  dans ses pratiques.

[Traduction]

    Je dirais que cela dépend du genre de structure utilisée.
    Prenons l'exemple des investisseurs providentiels avec lesquels nous collaborons. Les investisseurs providentiels sont des individus qui acceptent le risque le plus élevé associé au financement d'un investissement particulier. Dans certains cas, les investisseurs providentiels adoptent une attitude complètement passive envers un investissement. Ils investissent leur capital, puis ils laissent l'entrepreneur faire son travail.
    En fait, selon le modèle, ce genre d'investisseurs accordent plus d'autonomie que l'on en aurait avec un programme de subventions gouvernementales ou une oeuvre de bienfaisance. Tout dépend de ce que vous entendez par autonomie, mais à bien des points de vue, le degré de participation requis pour satisfaire les conditions pour obtenir une subvention finit souvent par créer des obstacles à l'autonomie pour de nombreux groupes.
    Alors, qu'en est-il de l'autonomie par rapport à la capacité des entrepreneurs d'utiliser leur investissement de façon créative? Si un entrepreneur était en mesure de négocier certaines modalités afin d'assurer son indépendance vis-à-vis l'investisseur, il constaterait que bon nombre d'intervenants du secteur privé qui font un investissement direct dans cet entrepreneur comptent sur sa réussite. Ils essaient de créer les conditions idéales pour assurer l'autonomie et l'indépendance. Souvent, ils imposent moins de limites sur la façon dont ce capital peut être utilisé et le genre de résultats qu'ils cherchent à obtenir. Dans d'autres cas, les organisations à la quête de capitaux philanthropiques ou de subventions doivent se conformer aux exigences du bailleur de fonds. Dans bien des cas, ils doivent modifier leur façon de faire ou compromettre leur propre vision afin de respecter les modalités de leurs partenaires investisseurs.
    La question est fort complexe. Cela dépend de la source du capital, de la façon dont il est utilisé et des participants.

[Français]

    D'accord. Cela répond bien à ma question.
     Je ne pense pas que le financement privé permette une certaine récurrence, mais j'aimerais savoir si quelque chose ressemblant à du moyen terme est possible pour éviter que l'organisme soit toujours sur le qui-vive et ne sache pas s'il va pouvoir payer le salaire de ses employés le mois suivant.

[Traduction]

    Ce sont des questions très intéressantes.
    J'ai passé du secteur privé au secteur social et j'ai beaucoup appris. Je fais souvent un parallèle avec le monde du capital de risque où l'on investit dans l'entrepreneur et crée les conditions propices à sa réussite. Il n'y a pas beaucoup de restrictions sur comment l'argent est dépensé, et cela contraste vivement avec comment le processus de subventions a été utilisé jusqu'à maintenant.
    Pour répondre à votre question, en ce qui a trait à un plan d'action à court terme par rapport à du financement à long terme et ainsi de suite, je pense que c'est une excellente occasion, d'un point de vue gouvernemental, de diviser le financement en deux enveloppes différentes. Le gouvernement le fait dans une certaine mesure, mais il doit le faire davantage. Il y a du financement de base, mais celui-ci ou le financement lié au programme étouffe ces organismes sans but lucratif ou ces entreprises, en les obligeant à faire quelque chose de manière répétitive plutôt qu'innovatrice.
    J'encourage fortement la création d'une autre enveloppe dans laquelle un certain montant est donné pour maintenir ce qui se fait aujourd'hui et un certain montant est donné pour un peu d'innovation. Comme bailleur de fonds, mon évaluation des deux enveloppes serait très différente.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Armstrong.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier nos deux témoins. J'ai plusieurs questions, donc je vais essayer de me concentrer.
    Monsieur Sandberg, dans votre programme, vous avez parlé de travailler pour le gouvernement de l'Ontario, essayer de faire en sorte que les gens s'affranchissent de l'aide sociale et qu'elles trouvent des emplois, ce qui permettrait d'économiser littéralement des milliers de dollars à long terme lorsqu'une personne ne reçoit plus l'aide sociale et ne dépend donc pas des contribuables. Vous avez dit que les entreprises qui étaient prêtes à embaucher des gens qui recevaient jusqu'alors de l'aide sociale comprenaient qu'elles allaient probablement avoir quelqu'un avec moins de formation et des compétences plus faibles que d'autres travailleurs. Les entreprises recevraient une réduction du taux d'intérêt d'un demi-point, essentiellement. Est-ce que c'est assez pour motiver ces entreprises? Est-ce que ce sont des entreprises risquées qui ne pourraient pas obtenir un prêt bancaire? Est-ce que cela offre un accès au capital qu'elles n'auraient pas autrement? Est-ce que c'est un autre incitatif pour elles?
(1720)
    Oui, vous avez raison. Dans notre programme de prêts actuel, avoir accès à un financement quelconque est difficile pour certaines de ces entreprises. Mais dans bien des cas, et c'est pourquoi nous avons vu cette occasion de travailler avec les banques et ainsi de suite, elles étaient capables d'obtenir du financement des banques et d'autres sources traditionnelles. Mais oui, baisser le taux d'intérêt et recevoir de l'aide avec des activités d'embauche et la perception qu'elles sont bénéfiques pour la communauté les a attirées vers ce programme.
    Après que vous avez mis en oeuvre ce programme, vous avez découvert que vous aviez besoin d'accompagner les employés un peu plus longtemps que vous l'aviez prévu parce qu'ils ont eu du mal à passer de l'aide sociale au milieu de travail. Ils n'avaient pas cette expérience ou la formation adéquate, donc maintenant, votre organisation continue à surveiller et à soutenir les employés qui se joignent à ces entreprises. Est-ce exact?
    J'ai deux commentaires à cet égard.
    Nous travaillons avec des partenaires communautaires comme le YMCA et Goodwill, qui offrent un tel soutien, le cas échéant, à ces candidats. C'est eux qui décident si c'est nécessaire ou pas. Nous sommes plutôt l'intermédiaire.
    Deuxièmement, ce que nous jugeons intéressant dans le modèle que j'ai décrit, c'est qu'un demi-point de pourcentage équivaut à 3 000 $ sur un prêt de cinq ans. Ce n'est pas beaucoup d'argent, mais ça change le comportement de ces employeurs. Ce n'est pas le gouvernement qui dit: « Vous devriez embaucher des gens de nos agences de services communautaires. » Maintenant, c'est les institutions financières, soit nous ou... Nous espérons que la banque dise: « Voici une occasion et nous pensons que ça fonctionne. Nous avons vu qu'elle fonctionne. » Le fait qu'ils embauchent des gens de ces agences de services communautaires, avec un incitatif financier, les encourage un peu à changer leur comportement. Ce que nous voyons continuellement avec les sociétés de notre portefeuille, c'est qu'elles reviennent et disent: « Wow, ces candidats sont très motivés quand on leur en donne une occasion. Nous n'avons pas besoin de votre argent, mais nous voulons continuer à utiliser vos services d'embauche. » C'est une grande occasion que l'on a perdue, je pense, dans le système à l'heure actuelle.
    J'ai une autre question pour vous, monsieur Sandberg, avant que je m'adresse à votre collègue.
    Si l'on passe du palier provincial au palier fédéral, je suppose qu'on envisagerait un programme d'assurance-emploi et un quelconque programme pour permettre aux gens de cesser de compter sur l'assurance-emploi plus tôt, une sorte de programme d'intervention immédiate. Préconisez-vous le transfert vers ce modèle pour que les intéressés cessent de compter sur l'assurance-emploi plus tôt?
    Oui. Il est un peu plus difficile de faire l'évaluation des économies que cela représenterait pour le gouvernement. Mais absolument, car ces segments de la population reçoivent des services offerts par des partenaires avec lesquels nous travaillons, et d'autres segments de la population pourraient bénéficier de ce transfert. Mais l'intérêt de cette solution vient du fait que, si les banques nous emboîtent le pas, le programme pourra être pancanadien immédiatement.
    Les économies réalisées seront versées à la caisse d'assurance-emploi, n'est-ce pas? Je suppose que le résultat sera que les entreprises pourront compter sur un employé plus solide, ses antécédents de travail étant meilleurs et plus récents, ses expériences sur le marché du travail étant plus récentes. En outre, avec une intervention immédiate quand un employé devient client de l'assurance-emploi, il y aurait des économies pour la caisse d'assurance-emploi car ils n'auraient pas à attendre la fin de leurs prestations.
    Je vais m'adresser brièvement à votre collègue car l'idée d'utiliser les soldes bancaires inactifs m'intéresse vivement. Vous avez dit que cela représentait 500 millions de dollars actuellement au Canada...
    Je pense qu'en 2013, c'était environ 532 millions de dollars. C'était en 2013. La période de retenue est de 40 ans. Je ne sais pas ce que cela représentait avant 1975, mais quelle que soit la forme, ce serait versé au receveur général.
    En Grande-Bretagne, les montants dans les comptes inactifs n'ont pas été versés au trésor, mais à des fonds d'immobilisations sociaux.
    Vous avez raison.
    Voici comment les choses se passent. Les comptes bancaires se trouvent dans une banque nationale ou une banque du gouvernement. Au Canada, ce pourrait être la RBC, la TD ou la BMO. Si les détenteurs de ces comptes sont décédés ou n'ont pas eu accès à leurs fonds pendant une période de 10 ans, ces montants sont versés à la Banque du Canada qui les détient pendant 30 ans. S'il n'y a pas d'activité, l'argent est versé au trésor par l'intermédiaire du receveur général.
(1725)
    Merci beaucoup.
    Madame Groguhé, vous avez quatre minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sandberg, je voudrais vous entendre en ce qui concerne l'investissement d'impact et, plus particulièrement, sur les obligations à impact social.
    Selon vous, de quelles façons peut-on encadrer l'émission de ces obligations? Avez-vous des recommandations à faire en ce sens?

[Traduction]

    Oui, je vais vous parler de façon générale des obligations à impact social. D'autres témoins vous en ont parlé.
    Nous pensons que la notion qui sous-tend ce genre d'obligation, c'est-à-dire le rendement, fait intervenir de nouveaux joueurs dans l'utilisation d'un capital privé. Le risque est moindre pour les gouvernements, etc.
    Le défi, selon nous, tient aux attributions, avant et après. Il faut qu'elles soient à très long terme car il faut déterminer si une intervention précise a contribué au résultat. Il y a certains défis à relever dans le cas des obligations à impact social. Je pense que l'idée est très intéressante et qu'il faudrait continuer de la mettre à l'essai. Toutefois, selon le programme que nous avons élaboré, nous essayons de faire en sorte que les obligations à impact social soient plus faciles d'accès et servent à l'infrastructure existante plutôt qu'à la création de nouvelles infrastructures.
    Quant au cadre, les composantes d'une obligation à impact social sont très exigeantes, mais si nous arrivons à simplifier le tout, nous pensons que cela débouchera sur une application à l'infrastructure existante qui donnera lieu à l'impact social recherché.

[Français]

    Justement, en ce qui a trait à ce que vous venez de nous dire, vous réfléchissez à cette question et il n'y a pas encore de résultats. Avez-vous presque terminé la réflexion à cet égard? Êtes-vous près de proposer quelque chose en ce qui concerne ces obligations? Pourriez-vous éventuellement nous en faire part avant la fin de cette étude?

[Traduction]

    Je ne crois pas être le mieux placé pour répondre.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Avez-vous dit votre dernier mot, monsieur Sandberg?

[Français]

    Je pense que oui.

[Traduction]

    Je vous coupe la parole un peu tôt, mais ce n'est pas très grave étant donné que nous approchons de la fin de notre réunion et aimerions terminer à l'heure.
    Je remercie les deux messieurs qui ont comparu aujourd'hui et qui nous ont fait part de leurs commentaires dans le cadre de cette étude passionnante que nous venons d'entreprendre.
    Si jamais vous avez davantage de renseignements que vous jugez importants ou essentiels à nous communiquer, n'hésitez pas à nous les transmettre par écrit plus tard dans le cadre de notre étude. Sachez que les délibérations sont accessibles au public. Vous pouvez donc passer en revue ce qui a été dit. Si vous souhaitez nous soumettre d'autres observations à une date ultérieure, n'hésitez pas à le faire.
    Chers collègues, la séance est levée.
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