Merci d'être venus, mesdames et messieurs.
Avant de commencer, chers, je voudrais rappeler aux membres du comité un avis envoyé au sujet des séances sans papier. En fait, le 28 nous aurons avec nous un adjoint qui aidera ceux qui désirent participer au projet de l'environnement sans papier. Cet adjoint de la Chambre des communes sera ici pour vous aider si vous en avez besoin. Mais c'est entièrement à votre discrétion. Nous aurons toujours les documents comme nous avons l'habitude de les recevoir. Je voulais juste attirer votre attention là-dessus.
Maintenant passons à nos témoins.
Bonjour, merci d'être venus.
Il s'agit de la séance 51 du Comité des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Nous sommes ici pour poursuivre notre exploration du potentiel de la finance sociale au Canada.
Nous avons le plaisir d'avoir avec nous pendant la première heure Mme Sharon Mayne Devine, présidente-directrice générale et M. Rob El-Sayed, directeur du développement de fonds et des communications du Honourable William G. Davis Centre for Families. Nous avons aussi avec nous, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Mme Marie-France Kenny, présidente, et Mme Diane Côté, directrice des liaisons communautaires et gouvernementales.
Merci à tous d'être venus.
Passons donc à vos allocutions. Chacun de ces organismes a jusqu'à 10 minutes. Je vous ferai signe quand il vous restera environ une minute. Ensuite nous passerons aux questions des membres du comité.
Commençons par le premier groupe, The Honourable William G. Davis Centre for Families.
:
Monsieur le président et membres du comité, bonjour. Nous vous remercions de nous avoir offert cette occasion de vous présenter l'historique du Honourable William G. Davis Centre for Families qui se situe à Brampton, en Ontario. Merci beaucoup de nous avoir invités.
The Honourable William G. Davis Centre for Families est propriété des Catholic Family Services of Peel-Dufferin (CFSPD), qui le dirigent. Le centre est une oeuvre de bienfaisance enregistrée qui fournit du counseling aux particuliers, aux couples et aux familles depuis 1981. Nous avons pour mission de renforcer et d'enrichir la vie des personnes, des familles et de la collectivité. Nous servons toute la collectivité dans 12 langues. L'année dernière seulement, nous avons reçu 30 000 clients.
En 2008, le conseil d'administration et l'équipe de direction de notre centre a envisagé de créer le premier centre de justice familiale dans la région de Peel pour mieux servir les personnes qui avaient subi de la violence familiale. Ce centre allait fournir aux victimes tous les services nécessaires à un seul endroit, en un guichet unique. Dans le cadre de la planification de ce centre, nous avons discuté de la possibilité de louer un immeuble, de construire sur un terrain vacant ou d'acheter un bâtiment où installer les locaux de ce centre de justice familiale.
Le conseil d'administration et l'équipe de direction reconnaissaient qu'il serait préférable de posséder une propriété au lieu d'en louer une et qu'il serait plus facile d'acheter et de rénover un bâtiment à Brampton que d'acheter un terrain pour bâtir notre centre. Ils estimaient que la construction d'un petit immeuble pour notre centre de justice familiale coûterait plus de 10 millions de dollars. Nous avons donc acheté et rénové un immeuble deux fois plus grand, ce qui nous a coûté 8,9 millions de dollars. Comme nous avions un immeuble plus vaste, nous avons pu étendre notre vision d'un centre de justice familiale pour collaborer avec d'autres partenaires communautaires afin d'aborder tout un éventail de problèmes sociaux — la réduction du taux de pauvreté, la création d'emploi, les services de santé mentale, les services de protection de l'enfance — ce qui nous a permis de fournir des services d'intervention coordonnés en un seul endroit.
Plusieurs intervenants communautaires que notre vision intéressait ont décidé d'investir dans notre centre. En 2010, grâce au soutien généreux de la Province de l'Ontario, nous avons recueilli notre premier million de dollars. Dans le cadre du Fonds de stimulation, le gouvernement du Canada nous a donné 1,6 million de dollars de plus. Nous avons recueilli un autre million de dollars d'entreprises donatrices. Des organismes catholiques de bienfaisance et l'Archidiocèse de Toronto nous ont donné d'autres fonds sous forme de subventions et de prêts. De plus, le gouvernement régional nous a ouvert une marge de crédit renouvelable.
Je suis heureux de pouvoir vous dire que trois ans après avoir pris possession de notre immeuble, nous avions loué tous les locaux du Honourable William G. Davis Centre for Families. Nous avons maintenant une courte liste d'attente d'organismes qui désirent emménager dans notre immeuble.
Le risque qu'avait pris notre conseil d'administration en valait la peine. Nos administrateurs avaient pris une décision courageuse et téméraire que nos représentants élus ont appuyée. Je suis vraiment heureux de vous en parler aujourd'hui puisque nous fêtons justement la journée nationale du risque, National Take a Chance Day. Les gens ont pris un risque. Ils ont eu le courage de s'avancer pour investir dans cette initiative.
The Honourable William G. Davis Centre for Families constitue une plateforme d'innovation sociale. Notre immeuble lui-même se transforme en entreprise sociale. À l'heure actuelle, nous retirons en gros 940 000 $ de la location des locaux. Après paiement des obligations de la dette, il nous reste un revenu annuel de 100 000 $. En 2017-2018, une fois que nous aurons remboursé la plus grande partie de nos prêts, notre solde de trésorerie s'élèvera à 300 000 $. Au cours de l'année suivante, ce solde augmentera à 400 000 $. Les CFSPD et le Davis centre for families seront alors en mesure de générer les fonds qui soutiendront leurs programmes et de répondre aux besoins croissants des résidents de Peel. C'est extraordinaire.
Nous avons l'esprit d'entreprise. Pour générer d'autres fonds, nous louons les trois rangs d'espaces qui se trouvent au fond de notre stationnement à des entreprises avoisinantes. Cette entente de location nous rapporte présentement 25 000 $ par année. Nous avons aussi loué la section sud-est de notre propriété à Bell Canada, qui y a installé une station cellulaire. Cette location nous rapporte 20 000 $ de plus chaque année. Ces ententes complètent les revenus de l'immeuble et remédient aux difficultés qu'ont parfois certains de nos partenaires quand les coupures que leur organisme a subies les empêchent de payer leur loyer.
Nous commençons maintenant à planifier la rénovation du sous-sol du Centre. Cela nous apportera d'autres revenus et nous permettra de louer de nouveaux locaux. Nous avons déjà un organisme locataire au sous-sol. Nous allons donc rénover tout cet étage. À l'avenir, ces baux nous rapporteront assez pour que nous puissions améliorer nos programmes, aider un plus grand nombre de clients et dépendre beaucoup moins de nos sources de financement. De plus, ce qui selon moi est le plus important, nous pourront financer des programmes qui à l'heure actuelle ne reçoivent pas de fonds.
Aujourd'hui, The William G. Davis Centre for Families loue ses locaux à 23 organismes, dont la Société de l'aide à l'enfance de Peel, l'Association canadienne pour la santé mentale, OASIS Centre des Femmes ainsi que le Safe Centre of Peel, notre centre de justice familiale régional. Tous ces organismes sont soit des organismes sans but lucratif, soit des oeuvres de bienfaisance enregistrées. Ils s'engagent tous à réaliser une mission et à répondre aux besoins de la collectivité.
Ce modèle de colocation présente plusieurs avantages. Nous savons que les personnes qui ont besoin d'aide nécessitent souvent plus d'un service. Notre centre permet aux clients d'accéder à plus d'un service dans un seul immeuble. Ils reçoivent ainsi l'aide dont ils ont besoin quand ils en ont besoin, ce qui renforce notre engagement envers ces clients et produit de meilleurs résultats. Cela est particulièrement important dans le cas des femmes qui fuient une relation de violence. Selon les résultats de recherche, ces femmes sont obligées de s'adresser à 18 organismes différents. Il est donc extrêmement avantageux pour ces femmes de pouvoir accéder à tous ces services en un seul immeuble, ce qui assure le maintien des services et la protection de leurs enfants.
En travaillant tous dans un même immeuble, nous avons créé une plateforme de collaboration et d'innovation sociale. Nous sommes en mesure d'étendre nos partenariats et de développer une synergie de création. Ensemble, nous accomplissons plus de travail et nous multiplions nos services.
En conclusion, je tiens à vous remercier, monsieur le président et membres du comité, de nous avoir invités à vous présenter cette approche très particulière d'innovation et d'entreprise sociale qui nous passionne.
J'ai hâte de discuter avec vous cet après-midi de ce que nous accomplissons et de ce que nous apprenons. Je tiens à vous inviter personnellement et de tout coeur à visiter The Honourable William G. Davis Centre for Families in à Brampton, en Ontario, qui est en fait tout près d'Ottawa.
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Je tiens à vous remercier, monsieur le président et chers membres du comité, d'avoir invité la Fédération des communautés francophones et acadienne à comparaître aujourd'hui.
Je m'appelle Marie-France Kenny et je suis accompagnée de notre directrice des liaisons gouvernementales et communautaires, Diane Côté. Nous sommes ici au nom des 2,6 millions de citoyens et de citoyennes d'expression française qui vivent à l'extérieur du Québec, dans neuf provinces et trois territoires.
La FCFA a demandé à comparaître dans le cadre de votre étude parce que nous sommes quelque peu inquiet. Je m'explique. À notre sens, il y a actuellement une course pour déployer la finance sociale dans une variété de programmes et d'initiatives du gouvernement sans qu'on ait pris en compte une variété d'enjeux et de facteurs de grande importance pour l'ensemble de nos communautés. Je tiens à souligner que nous ne sommes pas ici pour prendre position contre de nouvelles façons de faire, mais plutôt pour apporter des nuances que nous estimons essentielles aux travaux de votre comité.
J'ai parlé de course pour déployer la finance sociale, et j'aimerais préciser ma pensée à cet égard. La perception de la finance sociale, c'est qu'il s'agit d'une approche que le gouvernement expérimente actuellement de façon très limitée et exploratoire au moyen de projets pilotes. Or la réalité est toute autre.
Dans les faits, Emploi et Développement social Canada et d'autres institutions fédérales ont déjà transformé leur façon de livrer leurs programmes de subventions et de contributions afin de les rendre plus conformes à des approches qui s'apparentent à la finance sociale. Même dans le budget fédéral déposé avant-hier, on parle d'accélérateur de finance sociale. Ce n'est plus à titre exploratoire. C'est en voie de devenir un fait accompli.
Je vous donne un exemple concret. L'Initiative d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire fait partie de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018. Or, lorsqu'Emploi et Développement social Canada a intégré les investissements de 7,5 millions de dollars prévus au titre de la feuille de route à ses programmes plus généraux, un dérapage s'est produit.
D'une part, l'appel de propositions lancé par le ministère exigeait que les projets soient d'envergure nationale et qu'ils incluent des contributions d'au moins 20 % de sources autres que du gouvernement fédéral. D'autre part, cet appel de propositions perdait de vue le lien avec la feuille de route. Le ministère se contentait de dire qu'il pourrait accorder la priorité à des projets axés sur des groupes sous-représentés, dont les communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais aussi les Autochtones et les nouveaux arrivants. On parle d'un programme au titre de la feuille de route à l'intention des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Le problème, lorsqu'on met l'accent sur des projets de grande envergure, c'est que les organismes au service des communautés francophones et acadienne essuient des refus parce que le public cible est limité et parce que les résultats escomptés ne sont pas suffisamment prestigieux. Le problème, lorsqu'on met l'accent sur un partenaire du secteur privé, c'est qu'on néglige de prendre en considération la différence entre le contexte majoritaire et le contexte minoritaire. Dans les communautés francophones et acadienne, on n'a pas accès à une aussi grande variété de bailleurs de fonds qu'en milieu majoritaire.
Il faut comprendre qu'une des conditions essentielles pour engager le secteur privé dans des initiatives de finance sociale est l'existence d'une masse critique. À preuve, demandez aux grandes entreprises de télécommunications quel est leur intérêt d'étendre la couverture cellulaire ou Internet haute vitesse dans les régions rurales ou éloignées comme la péninsule de Port-au-Port, à Terre-Neuve, ou dans le Nord de l'Alberta.
Un projet qui peut faire une différence significative pour une communauté francophone de 2 000 habitants sera souvent jugé trop local ou pas suffisamment rentable pour une entreprise privée.
Puisqu'on veut parler d'innovation, dans nos communautés, il arrive que des entreprises sociales soient mises sur pied par des francophones pour combler les vides laissés par le secteur privé. C'est le cas de Baudoux Communications, une entreprise créée chez moi, en Saskatchewan, pour offrir des services Internet là où il y a des lacunes à cet égard.
Pour tout ce qui concerne les communautés de langue officielle en situation minoritaire, si l'on choisit de fonctionner par appel de propositions visant des projets de grande envergure avec des contributions du secteur privé, on risque fort de créer des situations où, au lieu de recevoir des services en français adaptés à leurs réalités, les citoyens francophones recevront au mieux des services bilingues offerts par des organismes de la majorité ou, encore, des services offerts par des organismes du Québec qui comprennent peu nos réalités.
Ce genre de résultat ne répondrait en rien aux obligations qu'ont les institutions fédérales, en vertu de la partie VIl de la Loi sur les langues officielles, de prendre des mesures positives pour favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones et d'appuyer leur développement.
Ce sont des obligations qu'on semble avoir oubliées dans la course vers la finance sociale.
[Traduction]
Mais comme on le dit vulgairement, c'est du déjà-vu. En 2009, la Cour suprême du Canada a rendu une décision sur une cause qui concernait le soutien au développement économique francophone dans le comté de Simcoe, en Ontario. Cette cause reposait sur le fait que l'organisme de développement économique de Simcoe Nord, que dirigeait le gouvernement, offrait des services identiques dans les deux langues aux communautés majoritaire et minoritaire et que la communauté francophone n'utilisait pas ces services parce qu'ils ne répondaient pas à ses besoins. Pour cette raison, la communauté francophone avait créé son propre organisme de développement économique, CALDECH, mais il ne réussissait pas à obtenir des fonds d'Industrie Canada. Dans sa décision, la Cour suprême a déclaré que dans l'esprit de la partie IV de la Loi sur les langues officielles, la poursuite d'une égalité réelle entre les deux langues officielles nécessitait parfois que l'on s'écarte des approches universelles en prenant des mesures distinctes conçues de manière à répondre aux besoins particuliers de la réalité de la communauté minoritaire.
En se hâtant d'appliquer des mesures de finance sociale, on semble avoir oublié ces principes. Les approches universelles, la loi du plus fort semblent désormais dominer. On n'accorde que peu d'attention et d'intérêt aux répercussions que ces approches auront sur les communautés minoritaires francophones.
[Français]
Comme je l'ai dit plus haut, les réalités des communautés francophones et acadienne font en sorte que, de façon générale, les défis sociaux, culturels, économiques et linguistiques sont gérés principalement par des organismes et des institutions à but non lucratif, qui existent par et pour la communauté. Il y a des coopératives et quelques entreprises sociales, mais ce n'est certes pas la règle.
On nous dira que les organismes ont là une belle occasion d'innover et d'adopter de nouvelles façons de faire. Peut-être, mais permettez-moi de citer, à cet égard, un extrait du rapport présenté à Industrie Canada par MC Consultants concernant la diversification du financement et la culture entrepreneuriale au sein des organismes communautaires. On y dit ce qui suit:
[...] dans cette transition vers une plus grande intégration de la culture entrepreneuriale au sein du tissu associatif, il est essentiel pour les organisations de ne pas s'éloigner du mandat premier pour lequel elles ont été créées.
Nous ne sommes pas en train d'opposer un refus catégorique à toute forme de finance sociale ou d'innovation, au contraire. Personne ne peut être opposé à des solutions qui permettent de maximiser les impacts et les résultats, mais nous plaidons pour la prise en compte d'enjeux et de réalités spécifiques qui militent pour des solutions sur mesure plutôt qu'une approche mur à mur. Nous demandons depuis un an qu'il y ait une étude d'impact, précisément à cette fin, sur la finance sociale et sur les communautés en situation minoritaire.
Il faut à tout le moins se poser certaines questions clés. Comment des projets de très grande envergure, gérés par des organismes de la majorité, pourront-ils prendre en compte les réalités spécifiques de nos communautés, particulièrement dans les endroits où elles sont très minoritaires? Comment a-t-on pris en compte les besoins particuliers de nos communautés avant de transformer en profondeur les programmes des institutions fédérales et comment a-t-on consulté nos communautés à cet égard? De quelle façon peut-on apporter des correctifs à cette approche de la finance sociale de manière à ce que les communautés francophones et les organismes qui les servent puissent en bénéficier?
Je termine ma présentation en recommandant qu'une étude d'impact soit faite en vue de: dresser un inventaire des façons de faire dans nos communautés; évaluer les capacités des communautés en matière de partenariats sociaux et, le cas échéant, créer une banque de partenaires potentiels; identifier les conditions gagnantes, mais aussi les obstacles et les défis à la réussite d'une approche de partenariat social dans les communautés francophones et acadienne; déterminer dans quelles conditions la finance sociale peut être compatible avec les obligations gouvernementales en matière de langues officielles; consulter les communautés et les organismes qui les servent sur les besoins de renforcement des capacités et formuler des recommandations pour orienter les politiques et les actions des institutions fédérales ainsi que des communautés en ce qui a trait à la finance sociale.
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions
[Traduction]
dans les deux langues officielles.
:
La situation qui pourrait répondre aux besoins de la majorité ne répondrait pas nécessairement à nos propres besoins, pas plus qu'elle ne répondrait aux besoins des anglophones du Québec. C'est vraiment une mise en garde. Quant à à la question de savoir s'il y a du potentiel, je dirais qu'il y en aurait probablement. Il faudrait mesurer ensemble les répercussions que pourraient avoir de tels programmes. Nous ne sommes pas contre l'innovation, au contraire.
Depuis l'arrêt dans l'affaire CALDECH de la Cour suprême en février 2009 dont je vous ai parlé, une approche mur à mur a semblé s'installer dans plusieurs ministères sans qu'on prenne en compte les particularités. Or ce jugement stipule justement qu'on doit en tenir compte. Il ne faudrait pas adopter une approche uniformisée. Cela ne fonctionne pas ainsi. Il faudrait examiner l'incidence que cela aura sur les communautés. C'est là le seul message que nous voulons vous transmettre.
J'habite en Saskatchewan. Il y a sûrement des investisseurs privés qui sont intéressés à investir dans la francophonie. Je suis moi-même un employeur du secteur privé et je serais intéressée à investir. Cependant, je ne suis pas sûre que mon voisin qui ne comprend pas le français, même s'il me comprend et qu'il accepte que je vive une partie de ma vie en français, voudrait investir dans mon projet francophone. C'est là où cela devient un peu problématique pour nos communautés. L'accès à ces investisseurs privés sera pas mal plus restreint. Je ne parle pas nécessairement des plus grandes régions en Ontario ou en Acadie, mais des régions comme chez moi, au Yukon ou ailleurs. Même dans certaines parties de l'Acadie, il serait plus difficile de trouver de tels partenaires.
Peut-on mesurer le potentiel? Y a-t-il d'autres moyens de faire? Peut-on trouver ensemble d'autres façons d'innover? Nous ne disons pas faites-le pendant que nous vous regardons faire. Nous sommes prêts à le faire avec vous. Faisons ce travail ensemble parce que nous n'avons pas les moyens de le faire seuls. Nous avons besoin d'aide pour le faire et nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement pour s'assurer que tout le monde en sortira gagnant.
J'aimerais ajouter une dernière chose. L'obligation en vertu de la Loi sur les langues officielles ne se limite pas à mon organisme ni à un investisseur privé. Si on donne à des partenaires du financement par l'entremise de la feuille de route ou au moyen d'engagements financiers du gouvernement pour favoriser l'épanouissement des communautés, il faudra s'assurer que l'argent sera réellement dépensé pour des programmes francophones.
:
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Je vous remercie beaucoup de votre contribution à notre étude.
[Traduction]
Bienvenue à vos deux organismes. Nous sommes très heureux que vous soyez venus à Ottawa pour nous aider à mener cette étude importante.
Je connais beaucoup mieux The William G. Davis centre, alors je vais adresser mes questions aux témoins de cet organisme pendant ma brève période de cinq minutes.
Je tiens à vous féliciter tout spécialement pour votre excellente collaboration et pour le travail que vous avez accompli. J'ai visité votre centre plusieurs fois. Nous y avons également invité le ministre de la Justice M. MacKay pour qu'il voie le travail extraordinaire que vous accomplissez. Je trouve votre organisme absolument remarquable. Cette collaboration est extraordinaire.
J'ai deux ou trois questions à vous poser, Sharon et Rob, sur le fonctionnement du centre et sur ce que vous y accomplissez. Je suppose que cette oeuvre repose sur un ensemble de valeurs communes. Vous nous avez dit que vous avez plusieurs organismes différents qui fournissent des services spécialisés, particulièrement aux victimes de violence familiale. Selon moi, il s'agit d'un guichet unique. Dites-moi comment vous en êtes arrivés là. Pour quelles raisons avez-vous créé ce modèle? Pour quelles raisons ces organismes ont-ils accepté de se réunir dans un même édifice pour faire ce travail?
:
J'aimerais faire une mise en garde au sujet des projets d'envergure dans le cadre desquels des fonds sont transférés à un investisseur privé pour que ce dernier prenne la tête du projet. On transfère déjà de l'argent aux provinces pour l'éducation, la santé et un programme dont le nom m'échappe. Nous avons comparu à ce sujet.
Ce sont les ententes fédérales relatives au marché du travail, où on donne un poids à l'employeur. L'employeur va-t-il tenir compte du fait qu'il y a des francophones dans sa communauté? Les employeurs vont-ils offrir des services particuliers?
Il y a autre chose, soit la question des transferts. Même s'il y a des clauses linguistiques quand on fait des transferts aux provinces, le commissaire a mentionné que certains ministres de l'Éducation ont affirmé que lorsqu'ils reçoivent un chèque pour l'immersion ou pour l'éducation en français, ils peuvent l'utiliser ailleurs. Ils s'en servent pour ce qui leur semble constituer les besoins prioritaires, ce qui n'est pas nécessairement l'éducation en français ou l'immersion.
Il faut s'assurer de ne pas devoir faire affaire avec un organisme de la majorité. La dualité linguistique n'est pas la même chose que le bilinguisme institutionnel. Dans un bilinguisme total, le français se perd. La dualité linguistique veut dire la coexistence de deux peuples, avec des gens unilingues francophones, des gens unilingues anglophones et des gens bilingues au milieu de tout cela, des gens qui comprennent les besoins et la réalité de l'autre.
Si des organismes de la majorité m'offrent des services, il y a de fortes chances — particulièrement en Saskatchewan — que je vais finir par me faire offrir les services en anglais et qu'on va y perdre également l'offre active en français. Il y a aussi de fortes chances qu'on ne réponde pas à mes besoins précis.
On a vu dernièrement un projet être dirigé par un organisme du Québec. En effet, un projet pour nos communautés a été accordé à un organisme du Québec qui ne nous connaissait pas du tout dans le cadre de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018. Ma réalité est totalement différente de celle d'un francophone du Québec. On a donc dû faire affaire avec quelqu'un qui ne nous connaissait pas et qui a fini par ne pas pouvoir réaliser le projet comme il entendait le faire. Il a fini par donner des contrats aux organismes dans notre communauté. Il n'était plus qu'un passeur d'argent à contrat. Les résultats sont loin d'être probants.
C'est vraiment pour et par les communautés. On a des organismes qui font énormément de travail. Je pense qu'il faut d'abord travailler avec ces organismes qui ont les compétences voulues et qui sont capables de le faire.
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Ma boule de cristal... Eh bien, je suis habituellement une personne plutôt optimiste. Généralement j'invite les gens à visiter notre centre parce qu'une image vaut mille mots. Tous les gens qui viennent chez nous disent deux choses. D'abord, ils disent: « Je ne m'imaginais pas du tout... », c'est-à-dire qu'ils ne s'imaginaient pas du tout qu'il y a un tel besoin des services que nous fournissons. Ils disent aussi que nos services apportent une immense contribution à la collectivité et aux personnes qui les reçoivent. Je crois que les gens désirent aussi ardemment participer à un programme qui donne de l'espoir et qui ouvre des débouchés dans la vie des gens.
Nous lançons une nouvelle campagne afin d'attirer plus de capital pour vraiment développer le sous-sol de notre immeuble afin d'y offrir des locaux à des organismes sans but lucratif qui n'ont pas les moyens de payer un loyer. De nouveau, il s'agit de locaux où les gens peuvent venir quand ils veulent accomplir quelque chose, mais qu'ils n'ont pas assez de revenus pour payer un loyer. C'est l'un des services que nous offrons. Cela nous permettra aussi d'attirer plus de locataires, parce que plus nous aurons de locataires qui paient un loyer, plus nous aurons de revenus pour offrir encore plus de services.
Ma boule de cristal me conseille d'accroître ces revenus pour stabiliser l'organisme et de suivre un bon modèle d'affaires d'un côté, et d'un autre côté de veiller à bien servir la collectivité.
Dans le cadre de l'innovation sociale, une de mes visions pour l'organisme est de servir en quelque sorte de pilier pour d'autres organismes. Notre collectivité est très diverse. Par exemple, j'ai eu un groupe de jeunes qui s'appelle le Brampton's Multicultural Youth Council. Ce groupe avait été créé par une étudiante de 10e année. Quand je l'ai rencontrée, elle était en 12e année, et elle avait établi un modèle de régie impressionnant pour ce groupe de jeunes en pleine croissance. Nous les avons découverts par hasard quand ils ont utilisé notre local un vendredi en début de soirée.
En les voyant, nous nous sommes demandés qui étaient ces gens et à quel programme ils appartenaient. J'ai découvert qu'ils ne dépendaient d'aucun programme. Il s'agissait simplement d'un groupe de jeunes qui se réunissaient, alors je leur ai offert de se joindre à nous en partenariat et d'utiliser notre local. Je préfère de loin qu'ils se réunissent dans mon local que dans un centre commercial. Donnons-leur un peu de soutien. Ils ne sont pas enregistrés comme organisme de bienfaisance. Ils ne peuvent pas faire de collecte de fonds. Eh bien, je pourrais peut-être faire de la collecte de fonds pour eux et soutenir leur esprit d'innovation.
Je crois qu'en renforçant notre organisme, nous pouvons en partie aider des organismes sans but lucratif à démarrer. Nous savons ce que coûte l'infrastructure d'un organisme sans but lucratif. Il vous faut une personne qui s'y connaît en finance et un DG, vous devez obtenir un numéro d'organisme de bienfaisance, alors comment pouvons-nous offrir ce type d'occasions, surtout à des communautés marginalisées — dans ce cas-ci, des jeunes marginalisés? Je crois que les organismes sans but lucratif y réussissent beaucoup mieux quand ils disposent de meilleures ressources.
: (candidate au doctorat, Université Ryerson)
Pas de problème, nous allons faire un exposé conjoint. Je vous remercie pour cette invitation à témoigner devant vous aujourd’hui.
Notre recherche dans le domaine de la finance sociale est précisément axée sur les obligations à impact social, les OIS. Ce produit financier est un outil stratégique de mise en commun d’investissements du secteur privé ayant pour but de financer des projets du secteur des services sociaux et portant la promesse de rendement financier conditionnel à la réalisation des résultats préétablis pour le projet. Je ne sais pas si vous avez abordé le sujet auparavant, mais j’aimerais expliquer brièvement le fonctionnement des OIS.
En gros, tout commence par le gouvernement qui cible un domaine de la politique sociale dans lequel il aimerait payer pour obtenir des résultats. Sur le plan international, les OIS sont populaires dans différents domaines de la politique sociale. On les utilise pour financer des projets en logement, en emploi, en justice pénale, en éducation, en services de garde d’enfants et en soins de santé. Une fois le domaine ciblé, le gouvernement négocie un contrat avec un organisme intermédiaire qui gère le projet d’OIS et constitue le titre obligataire. L’intermédiaire dresse la liste des résultats souhaités, des coûts du projet et des économies réalisées et établit le taux de rendement pour les investisseurs en fonction de l’atteinte des résultats convenus. Il émet ensuite les obligations aux investisseurs privés, qui fournissent le capital initial ou le capital immédiat pour le projet. Voilà où l’outil de finance sociale, l’investissement à impact social, entre en jeu.
Une fois le capital réuni, les intermédiaires se tournent vers les organismes de prestation de services sociaux qui se voient remettre ces fonds immédiatement pour déployer un projet de service social sur une période relativement longue, disons trois à sept ans. Si le projet atteint les résultats visés — s’il est fructueux — le gouvernement paie l’intermédiaire qui à son tour rembourse l’obligation aux investisseurs au taux de rendement convenu. Voilà, essentiellement, ça fonctionne.
Le tout premier projet d’OIS a été mis en œuvre au Royaume-Uni en 2010, dans le domaine de la justice pénale. Il s’agit du projet de la prison de Peterborough. Vous en avez peut-être entendu parler. Les OIS se répandent très rapidement partout dans le monde. Nous nous inquiétons du fait que tout se passe en l’absence de preuve concrète et systématique que les OIS permettent de réelles économies, encouragent les projets sociaux innovants et améliorent la qualité de vie des personnes vulnérables.
Jusqu’à maintenant, notre recherche s’est attachée à cerner et à répertorier les raisons qui devraient nous inciter à faire preuve de prudence avant de mettre en œuvre des OIS ou de passer à un modèle d’OIS à grande échelle. Aujourd’hui, nous ne ferons que souligner les points auxquels le gouvernement devrait réfléchir et être attentif. Notre article est plus exhaustif.
Premièrement, malgré ce que l’on prétend, il est assez peu probable que les OIS permettent au gouvernement de réduire ses coûts administratifs et ses budgets. Le gouvernement devra défrayer des coûts indirects à court terme, dont des coûts de recyclage professionnel de fonctionnaires pour l’acquisition de nouvelles compétences en définition du marché, des coûts d’évaluation de programmes et d’établissement de partenariats ainsi que les coûts de paiement par résultat ou de passation de contrat par résultat.
Les OIS nécessitent également le recours à des services d’avocats, de comptables et d’évaluateurs tout au long de l’élaboration, de la mise en œuvre et du paiement final du projet. Si ces fonctions ne sont pas prises en charge à l’interne, elles devront être confiées au privé à des coûts additionnels. Tout cela comporte des considérations de responsabilisation d’ordre démocratique, puisque la connaissance l’expertise et la surveillance des politiques sont tenues à l’écart du secteur public. Nous craignons également que les détails et l’information sur les coûts soient gardés secrets pour des raisons de protection des intérêts commerciaux. Il s’agit là d’une autre préoccupation. En supposant que les résultats attendus soient atteints, les gouvernements devront, bien entendu, payer pour ces résultats, possiblement, au taux d’intérêt du secteur privé, qui est supérieur à celui que le gouvernement aurait normalement payé en s’autofinançant. Ça aussi, c’est un autre problème, car avec les OIS, le gouvernement aura à payer pour bien plus que de simples résultats.
Le deuxième problème est que pour couvrir ces coûts considérables, la valeur du contrat de l’OIS devrait, selon les experts financiers, se situer entre 20 et 40 millions de dollars. Cependant, une étude menée par Deloitte et MaRS a révélé que les investisseurs privés canadiens sont disposés à investir un montant total maximal de 30 à 40 millions de dollars pour le développement de l’OIS et qu’ils penchent pour un taux de rendement du marché se situant entre 5 et 15 % de leur investissement. On peut s’interroger à savoir si le secteur privé est disposé à assumer les risques que comportent certains de ces projets novateurs. Il faut aussi se demander jusqu’à quel point l’expectative d’un taux de rendement du marché peut être qualifiée de finance sociale.
Les experts financiers ont également avisé les gouvernements qu’afin d’encourager les investissements du secteur privé, ils devront vraisemblablement offrir des crédits d’impôt et des garanties sur le capital. Le Royaume-Uni se penche actuellement sur cette question. Une fois de plus, ce modèle d’OIS forcera le gouvernement à assumer davantage de risques ou à en partager davantage avec le secteur privé.
Une troisième difficulté vient du fait que le risque financier associé au modèle d’OIS devient un incitatif à mettre l’accent sur les types de services et les groupes de personnes les plus susceptibles de porter fruit, mais qui ne sont pas nécessairement les cas les plus problématiques. Les OIS comportent donc le risque que les groupes les plus vulnérables soient laissés pour compte, ce qui remet en question l’a priori selon lequel les OIS ont pour but d’empêcher toute forme de problème pernicieux en matière de politiques.
Il existe un quatrième problème: il est fort probable que les OIS requerront une nouvelle infrastructure de réglementation gouvernementale importante. On peut donc dire que les OIS ouvrent la porte à des situations de collusion entre les intermédiaires, les investisseurs et les prestataires de service qui participent au projet. Le magazine The Economist, dans un article paru en 2012 intitulé « Jouer avec le feu » (Playing with Fire), note que les OIS ne diffèrent pas vraiment des autres outils financiers risqués qui ont précipité la crise financière de 2008. Les risques de voir les investisseurs privés vendre leurs investissements et redistribuer ces actifs sont similaires à ceux l’époque. Nous devons donc prendre garde à toute surexposition, à toute fabrication du risque, à toute complexité et à tout retard dans la réglementation et la surveillance gouvernementales.
Ces points sont autant de problèmes épineux soulevés par les OIS, et John va en présenter quelques autres pendant la suite de notre exposé.
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Une cinquième source de préoccupations liées aux OIS concerne l’évaluation des programmes. L’évaluation des programmes financés par les OIS devient un exercice très complexe qui, s’il est fait correctement, coûte très cher. De plus, il n’existe souvent aucune garantie quant à la fiabilité des résultats.
Pour assurer que les résultats sont le fruit d’une approche cohérente et fondée sur des données probantes, il est nécessaire de recourir à des méthodes d’expérimentation sociale selon lesquelles chaque année, 200 participants sont choisis de façon aléatoire puis jumelés à un groupe témoin similaire, afin de déterminer la fidélité et l’exactitude des résultats. Les OIS requièrent des données démographiques détaillées tant sur les groupes témoins que sur les groupes expérimentaux. Une fois de plus, tout ça coûte très cher.
En outre, il est souvent difficile d’établir si les résultats attribués aux OIS sont effectivement attribuables aux OIS comme telles, s’ils résultent de la combinaison unique des interventions de services propres aux OIS, s’ils sont dus au fait que davantage de ressources sont affectées à ce domaine de services en particulier ou s’ils sont attribuables à un changement de politique survenu parallèlement au projet, mais sans y être dû.
Fait intéressant, il s’est avéré que dans le cas de la prison de Peterborough, au Royaume-Uni, l’échantillon n’était pas aléatoire; il s’agissait, en fait, de volontaires. L’échantillon ayant été faussé, on s’attendrait à des résultats positifs substantiels. Cependant, le rapport de mi-parcours a montré des résultats positifs très modestes, ce qui, dans une large mesure, était peut-être attribuable au biais de l’échantillon. Il est tout aussi intéressant de constater que dans un autre cas, toujours au Royaume-Uni, dans le cadre d’un programme similaire visant à réduire le taux de récidive au sein du système carcéral, on a abouti à des résultats négatifs. Ce résultat pourrait très bien, lui aussi, découler d’autres facteurs, puisque la politique très sévère de lutte contre la criminalité, mise en œuvre presque simultanément au R.-U. a vraisemblablement influé sur les résultats. Comme il est difficile de départager ce qui influe sur les résultats, l’interprétation des résultats de l’évaluation est un exercice ardu.
L’autre chose que j’aimerais souligner, c'est que le projet de la prison de Peterborough qui, comme l’a mentionné Meghan, a été le premier projet d’OIS, a été annulé et remplacé par un modèle de privatisation complète. On n’a donc jamais obtenu de résultats complets de ce premier projet d’OIS, ce qui est bien malheureux.
Un sixième domaine de préoccupation est que les projets d’OIS représentent un certain degré de risque pour les participants autres que les prestataires de services. Les organismes sans but lucratif (OSBL) n’ont pas le contrôle exclusif des résultats et un résultat médiocre pourrait ruiner leur réputation. La réputation étant le principal atout des OSBL, si, pour des raisons indépendantes de leur volonté, le projet tourne mal, elles subiront des préjudices considérables. Cela pourrait même aller jusqu’à la cessation des activités avec, par conséquent, la perte d’emplois et la fin des services essentiels qu’elles fournissent aux communautés qu’elles desservent.
De plus, quand vient le temps de soumissionner pour un contrat d’OIS, les OSBL sont désavantagées par rapport aux concurrents du secteur privé parce que leur accès à du capital est limité et qu’en raison de certaines règles liées à leur financement, elles ne possèdent pas de dossier d’antécédents financiers de ce genre. En tant qu’instrument financier, l’OIS semble plutôt orientée vers les plus grandes OSBL ainsi que vers les fournisseurs de services sociaux du secteur privé. Il est donc probable que, dans le cas du secteur du non lucratif, seules les plus grosses OSBL auraient la possibilité de participer aux OIS. Ce fait pose problème, car en raison des relations très étroites qu’elles entretiennent avec leurs groupes clients, en particulier avec les groupes les plus vulnérables, les petites OSBL sont souvent les prestataires de services les plus innovants.
Les OIS rendent encore plus distante la relation entre le gouvernement et les organismes sans but lucratif, puisque cette relation se fait par l’intermédiaire des OIS. Cela limite la possibilité des OSBL d’informer les politiques publiques en fonction de leur expertise sur le terrain. Cette distanciation susceptible de se produire entre les OIS et ceux qui constituent leur lien avec le gouvernement, de même que les conséquences sur la façon d’informer les politiques et les programmes, mérite qu’on s’y attarde.
En guise de réflexion finale, je dirai que les OIS ne sont pas une panacée universelle et qu’elles ne doivent pas être systématiquement perçues comme un substitut aux prestations de services publics et au financement de programmes fondé sur le versement de subventions aux organismes sans but lucratif. Les OIS présentent des avantages potentiels, notamment celui de mettre un nouvel accent sur le soutien du modèle du non lucratif, de mesurer avec leurs clients les résultats sur la qualité de vie et de permettre le versement de paiements à plus long terme pour les prestations de services sans but lucratif, réduisant ainsi une partie des exigences en matière de rapports, mais ces types de changements pourraient également s’opérer sans la transition au modèle des OIS. Certaines des recommandations formulées en 2006 par la commission d’experts à l’égard des subventions et des contributions tracent la voie vers des réformes du secteur sans but lucratif, hors du modèle des OIS.
Traditionnellement, le secteur à but non lucratif est régi par des principes et des valeurs de sollicitude qui, dans l’ensemble, ont très bien servi les Canadiens, mais les OIS risquent d’exercer une pression supplémentaire sur le secteur sans but lucratif pour commercialiser ce type de prestation de services, qui, comme nous l’avons évoqué, comportent certains dangers auxquels il faut faire très attention.
Pour conclure, je dirai que le dossier des OIS en est un qui appelle à la prudence. Il faut attendre des preuves quant aux coûts et aux avantages réels des OIS avant de prendre ce virage à l’aveuglette.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également tous nos invités.
Comme je viens du secteur des affaires, je vois toujours le risque comme un facteur d'incitation à l'obtention de résultats. Je suppose que c'est un peu de ça qu'il s'agit.
Nous nous sommes attardés à la question de la prestation de services sociaux, mais la finance sociale offre bien d'autres possibilités. Je connais des clubs Lions qui se sont lancés dans le logement pour aînés, il y a aussi les clubs Rotary et les centres d'amitiés qui offrent des programmes de formation et d'éducation. Ils obtiennent des résultats mesurables. Il est difficile de mesurer les résultats obtenus par un refuge pour femmes, par exemple, parce que c'est quoi le résultat, en fait? Une diminution du nombre de femmes hébergées? La possibilité qu'elles y trouvent de se réadapter afin de retourner sur le marché du travail? Cela est beaucoup plus difficile à mesurer.
Nous devons faire attention à ne pas tout mettre dans le même panier, parce qu'il existe une diversité de possibilités qui ne sont pas toutes mesurables. Cela pose un défi, j'en conviens. Il y a toutefois un autre aspect à envisager: les gouvernements supervisent-ils vraiment la prestation de ces services? Fait-on réellement une évaluation objective des programmes et de leur mission? Applique-t-on la disposition de réexamen et ainsi de suite?
J'ai dit que le risque était un facteur d'incitation à obtenir des résultats. Bien souvent, il est souhaitable de se fixer des objectifs quantitatifs, par exemple, le volume de services que vous souhaitez fournir avec l'argent reçu. Un organisme ou un groupe caritatif est peut-être mieux placé pour cela et il ne serait probablement pas exposé à certaines influences extérieures exercées au sein de la fonction publique.
Dans notre recherche d'un cadre qui rendrait cela possible, plusieurs organisations nous ont dit que nos règles fiscales, par exemple, créaient une barrière au profit. En outre, le secteur financier, c'est-à-dire les banques, avance des fonds pour financer divers programmes, parce qu'il applique des politiques qui risquent de poser problème.
À votre avis, y aurait-il lieu de modifier certaines politiques gouvernementales pour contourner cette difficulté ou avez-vous des idées quant aux institutions financières qui devraient s'engager d'une manière ou d'une autre?