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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 054 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 mai 2015

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue.
    Il s'agit de la séance numéro 54 du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Nous sommes ici pour poursuivre notre étude en cours sur le potentiel de la finance sociale au Canada.
    Nous sommes heureux de recevoir des représentants de plusieurs organisations aujourd'hui, tous possédant une expérience précieuse du domaine de la finance sociale. M. Dale McFee, sous-ministre des services correctionnels et de police au sein du gouvernement de la Saskatchewan se joint à nous par vidéoconférence depuis Regina. Bienvenue. M. David Juppe se joint également à nous par vidéoconférence, depuis Annapolis, au Maryland, et il témoigne à titre personnel. M. Juppe est directeur supérieur du budget d'exploitation au Department of Legislative Services du Maryland. Enfin, M. Donald Meikle, directeur exécutif du Saskatoon Downtown Youth Centre, est présent parmi nous.
    Chacun d'entre vous disposera de 10 minutes au maximum pour présenter un exposé. Je vais vous avertir lorsqu'il restera environ une minute avant que votre temps ne soit écoulé, et nous allons ensuite permettre aux membres du comité de poser des questions aux témoins. Commençons par M. McFee.
    Je vous demanderais de commencer, monsieur. Vous pouvez prendre jusqu'à 10 minutes.
    Permettez-moi de commencer par vous remercier de m'avoir invité à venir vous parler de l'intérêt de la Saskatchewan pour la finance sociale et du mouvement vers la finance sociale dans la province. Je vais vous faire part de mes réflexions et vous aviser de certaines des initiatives auxquelles nous travaillons au ministère, ainsi qu'au gouvernement de la Saskatchewan, et je vais aussi vous parler de certains des domaines dans lesquels je crois que notre gouvernement fédéral peut nous aider à évoluer. Je ne vais pas parler du projet Fais de beaux rêves, étant donné que M. Meikle, mon collègue de la Saskatchewan, est présent et est en mesure de vous parler directement du projet et de son état d'avancement.
    Je vais commencer par vous parler de l'occasion ou de la raison pour laquelle nous avons commencé à envisager la finance sociale, ou ce que nous appelons le « paiement à la réussite ».
    Le financement social est une façon pour le gouvernement de la Saskatchewan de veiller à ce que nous mettions l'accent sur le rendement axé sur les résultats. Essentiellement, nous essayons de ralentir et, au bout du compte, de cesser de financer des projets et/ou des programmes sans savoir ce qui sera accompli. Une entreprise viable ne mènerait pas ses activités dans ce contexte, alors notre gouvernement est en train de se transformer, face aux divers besoins auxquels il doit répondre, pour se concentrer sur des méthodes similaires.
    Dans le processus de transformation, je suis convaincu que l'innovation sociale sera le prochain avantage concurrentiel. Celle-ci est le moyen d'établir le lien entre l'économie du pays et les dépenses sociales. En retour, les dépenses sociales sont le mécanisme permettant de créer un nouveau produit pour offrir un rendement financier aux investisseurs dans un marché effondré et pour payer à la réussite, ce qui est un moyen pour les gouvernements de s'assurer que les deniers publics sont utilisés pour l'application d'idées éprouvées qui permettent d'obtenir des résultats. Le défi tient à la mesure du rendement, ou à la capacité de garantir que cette valeur demeure constante.
    Le marché financier nous offre une occasion. Dans mon domaine d'expertise, c'est-à-dire le système judiciaire, il existe depuis longtemps un lien entre le maintien de l'ordre, ou l'évolution des méthodes de maintien de l'ordre, et les marchés financiers. Cette relation remonte à l'origine et à l'objectif du maintien de l'ordre, c'est-à-dire la protection du marché financier.
    Il y a deux ans, notre ministère a pris conscience de l'occasion qu'offrait l'état du marché financier et le besoin de plus en plus grand pour le gouvernement de créer un mécanisme pour remédier aux maux sociaux. En réaction, nous avons créé une division de la finance sociale au sein du ministère. À l'époque, nous avons fait les premiers pas dans la recherche de l'expertise, de ce qui se faisait déjà et de la forme que la chose pourrait prendre en Saskatchewan.
    Le travail de diligence raisonnable que nous avons fait a consisté entre autres en des appels téléphoniques avec des experts du Royaume-Uni et de l'Australie, qui ont été facilités par KPMG; en un voyage à Ottawa où nous avons rencontré nos collègues du gouvernement fédéral afin de voir quelles recherches ils faisaient et d'éviter de répéter les mêmes choses; en des discussions avec le groupe MARS pour comprendre le travail qu'il fait; et, chose importante, nous avons tenu des réunions en Saskatchewan pour un tiers fournisseur des États-Unis qui y applique le plus important modèle de financement social. Ce fournisseur est la fondation Roca, et son projet est de l'ordre de 20 millions de dollars et fait intervenir une multitude d'investisseurs et de partenaires. Le modèle comporte des indicateurs très détaillés qui permettent de vérifier le succès des initiatives. La fondation Roca est dirigée par des gens dynamiques, et il nous est rapidement apparu que son modèle était ce qui se rapprochait le plus de ce que nous essayons de faire en Saskatchewan.
    Auprès de Roca, nous avons appris qu'il faut d'abord assurer un leadership et qu'il est important pour les financiers qu'il y ait un marché d'investissement secondaire, que les mesures sont importantes et qu'elles doivent être définies dès le départ et permettre de démontrer la valeur ou les économies obtenues par le gouvernement.
    Nous avons découvert qu'il y a plus d'une façon de financer ces initiatives ou plus d'un processus à suivre pour le faire, ce qui nous a indiqué clairement que nous allions devoir élargir la portée de nos initiatives au paiement à la réussite, qui incluent les obligations à impact social et l'investissement visant un impact. Cela concordait avec notre façon de voir les choses, c'est-à-dire que nous devions cesser d'essayer de caser les gens dans les programmes et commencer à créer des programmes adaptables assortis d'indicateurs afin de répondre aux besoins des gens pour favoriser la réussite. Cela nous a aussi permis de comprendre comment sortir le gouvernement de son rôle d'évaluateur, ou comment le sortir des activités quotidiennes pour l'amener vers un niveau plus élevé où il pourrait favoriser un alignement stratégique et l'obtention de résultats concertés.
    Accessoirement, nous avons entrevu la possibilité pour les organismes communautaires et les ONG d'être financés en fonction des résultats plutôt que ses intrants, grâce à une bonne planification et à l'application d'une bonne stratégie, et, chose tout aussi importante, qu'ils puissent même devenir autosuffisants grâce à de bons investissements stratégiques.
    Si nous partons de la prémisse qu'il y a un seul contribuable, nous reconnaîtrons qu'il y a une occasion pour les gouvernements fédéral et provinciaux de collaborer avec le secteur privé et avec des tierces parties pour multiplier les économies. Le gouvernement a la responsabilité d'offrir des programmes de soutien et des programmes sociaux, et, de la même façon, nous avons la responsabilité de faciliter la croissance économique. Lorsque nous envisageons ces choses dans le même contexte, grâce à l'innovation, bon nombre des mêmes mécanismes peuvent être utilisés pour mettre l'accent sur les gains nets. Cela reprend le même genre d'idées novatrices que celles que nous appliquons pour établir nos modèles de mobilisation communautaire. Certains d'entre vous ont entendu parler de Hub and COR, qui nous ont permis de décompartimenter et d'aborder les problèmes d'un point de vue multisectoriel en visant des résultats ciblés.
(1535)
    Au beau milieu des séries éliminatoires de la Coupe Stanley, je viens du pays du hockey pour vous dire que Wayne Gretzky était un excellent joueur de hockey parce qu'il savait où la rondelle s'en allait. Si nous appliquons ce concept à la finance sociale, elle passera de l'altitude de 30 000 pieds à laquelle se situait mon exposé jusqu'à maintenant et rendra concret ce sur quoi nous travaillons. Nous nous concentrons sur quatre domaines clés qui ont sans aucun doute une incidence directe sur ce qui motive notre travail.
    Dans le domaine de l'absentéisme à l'école, nous avons effectué un travail de mise en correspondance et établi un lien entre l'absentéisme et l'activité criminelle. Nous avons analysé les données concernant nos familles troublées et complexes, et nous envisageons diverses possibilités d'application d'un modèle de paiement à la réussite d'une tierce partie pour le travail de première ligne. Le taux de réussite scolaire n'augmentera pas si le taux de présence à l'école n'augmente pas lui aussi. Nous sommes optimistes par rapport au fait que les initiatives menées dans le domaine seront utiles et offriront un rendement important. Nous savons aussi qu'il y a beaucoup de données appuyant les moyens par lesquels nous pourrions cerner la valeur.
    Si nous prenons l'exemple de la mise en liberté sous caution et de la détention provisoire, propre à notre ministère, nous avons mené une importante analyse économique dans ce domaine. Les statistiques pour la Saskatchewan depuis 1998 montrent que la population en détention provisoire a augmenté de 89,1 % et que la population en détention après condamnation a augmenté de 2,1 %. L'analyse révèle que, pour chaque tranche de 100 clients que nous sortons de la détention provisoire, l'économie est de 8,2 millions de dollars. De plus, nous avons des données appuyant une meilleure façon de cibler les dépenses pour garantir que les investissements seront rentables. À l'heure actuelle, cet élément particulier s'assortit d'un rendement très faible. Nous avons presque terminé le travail de diligence raisonnable visant à déterminer l'aspect que cela pourrait avoir sur le terrain, une fois que nous nous serions assurés que la sécurité publique est maintenue dans le processus.
    Dans le domaine des programmes communautaires de santé mentale et de traitement de la toxicomanie, nous examinons les programmes qui permettent de sortir les clients toxicomanes et ayant des troubles mentaux et des besoins élevés d'un système coûteux qui ne répond pas à leurs besoins et qui établissent un système répondant à leurs besoins cliniques et offrant davantage de possibilités de succès. Selon les statistiques, les clients en santé mentale sont deux fois plus susceptibles que les autres d'avoir des démêlés avec la police et sont la population la plus vulnérable à la récidive. En outre, les appels concernant la santé mentale comptent pour jusqu'à 40 % des appels que reçoivent certains services de police, et les personnes souffrant de troubles mentaux forment la population la plus vulnérable au passage d'infractions non criminelles à des infractions criminelles en un seul acte distinct si elles ne sont pas traitées, si elles ne reçoivent pas de soins ou si elles n'obtiennent pas de médicaments. Il y a bien des indicateurs dans ce domaine qui pourraient nous aider à nous concentrer sur l'obtention de succès pour cette clientèle et la démonstration de la valeur et des économies obtenues pour le gouvernement au moyen de meilleurs services.
    L'initiative de formation professionnelle liée à de vrais emplois cible les personnes qui purgent une peine d'emprisonnement et qui réintègrent la collectivité. En répondant aux besoins de logement et de formation professionnelle de nos clients et en les plaçant dans une situation où ils peuvent accéder à de vrais emplois en demande dans notre économie, nous pouvons tirer parti de leur succès. Essentiellement, nous sortons les délinquants et/ou les clients du système et les transformons en contribuables, ce qui produit un effet cumulatif dans la relation entre les emplois et les dépenses sociales. Nous croyons que cela constituera une analyse de rentabilisation convaincante en faveur du financement social.
    Le gouvernement de la Saskatchewan a nommé la députée provinciale et ex-ministre June Draude au poste de secrétaire législative du premier ministre responsable du financement social et l'a chargée de déterminer quelles sont les meilleures possibilités de succès qui s'offrent à nous. Nous nous sommes engagés à réaliser les initiatives en question si elles sont sensées pour les citoyens de la Saskatchewan et si elles permettent d'obtenir les résultats prévus.
    Pour conclure, à titre d'idée d'innovation, je pose la question suivante au comité parlementaire: pourrions-nous créer un fonds établi par une loi qui soit similaire à un fonds de capital de risque donnant de l'ampleur au bassin d'investissement au moyen d'incitatifs à l'obtention de résultats? Si les dépenses sociales croissent plus rapidement que l'économie du pays, la relation se soldera toujours par un nombre négatif — donc pas suffisamment d'argent. Si la relation est étudiée et si le lien est établi, comme il est possible qu'il le soit, ce nombre indique une croissance nette, ce qui montre une valeur accrue. Un mécanisme alliant la philanthropie et le rendement en cette période de difficultés financières pourrait créer des possibilités. Un fonds favorisant les idées novatrices dans ce domaine pourrait être un moyen de promouvoir une relation axée sur des solutions équilibrées et maximisant les investissements visant un impact.
    Les principes économiques sont dictés par l'offre et la demande. Nous avons consacré la majeure partie de notre temps à examiner seulement l'offre. Lorsque nous rétablissons l'équilibre en réduisant la demande, le système fonctionne comme prévu et permet d'obtenir de bien meilleurs résultats.
    Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui, et je répondrai certainement à toutes vos questions après les exposés.
(1540)
    Merci, monsieur McFee.
    Nous allons maintenant passer à notre témoin d'Annapolis, M. Juppe.
    Puis-je vous demander de procéder?
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui.
    Pour vous donner rapidement un peu d'informations sur moi, je m'appelle David Juppe. Je suis directeur supérieur du budget d'exploitation au Department of Legislative Services du Maryland, qui fournit tous les services de soutien à l'Assemblée législative du Maryland. Depuis 26 ans, je passe en revue les budgets de fonctionnement et d'immobilisations et offre des conseils stratégiques budgétaires à nos comités des budgets. De plus, je donne des cours sur l'établissement de budgets au premier cycle universitaire et aux cycles supérieurs. J'ai assumé le rôle de président de la National Association of Legislative Fiscal Offices pendant un mandat. J'ai offert une formation sur les budgets au personnel du parlement du Mozambique, et, en 2014, j'ai présenté des analyses et des recommandations au gouvernement de la Jordanie à Amman au sujet de ses processus budgétaires dans le contexte de son examen du budget.
    En 2012, mon collègue, Kyle McKay, et moi-même avons commencé à examiner la question des obligations à impact social ou du paiement à la réussite en raison d'une proposition présentée par notre Department of Public Safety and Correctional Services qui visait à réduire le taux de récidive à ce qu'il est dans les programmes qu'offre actuellement ce ministère. L'analyse que nous avons menée nous a permis de constater que les économies qui découleraient du programme proposé seraient d'environ 250 000 $, sur un coût de programme d'environ 4,1 millions de dollars. Nous avons déterminé que le programme ne permettrait pas à l'État de réaliser des économies, et nous avons recommandé qu'il ne soit pas adopté.
    Pour parler maintenant du concept d'obligations à impact social et du paiement à la réussite de façon générale, comme vous le savez certainement, les obligations à impact social ne sont pas réellement des obligations. Il s'agit d'un type unique de programmes de financement pour les gouvernements dans le cadre duquel un bailleur de fonds de l'extérieur fournit du financement sur plusieurs années à des fournisseurs de services sans but lucratif ou du secteur privé. Ceux-ci obtiennent une source de financement pluriannuelle, ce qui réduit le risque auquel ils sont exposés lorsqu'ils doivent obtenir du financement gouvernemental chaque année. L'idée des obligations à impact social, c'est que ce financement pluriannuel favorise l'élaboration d'idées novatrices et de façons novatrices pour les gouvernements d'offrir les services. L'autre aspect intéressant pour les gouvernements, c'est que le paiement n'est exigé que lorsque des résultats positifs sont obtenus, et aucun financement n'est exigé au départ.
    Les obligations à impact social ont gagné en popularité au cours des dernières années. Le premier exemple a été celui de la prison de Peterborough, en Angleterre. Maintenant que les résultats des évaluations commencent à arriver, nous commençons à voir que le succès du programme n'est peut-être pas aussi grand qu'on l'avait espéré au départ.
    Je crois que l'une des choses qui ont contribué à la popularité des obligations à impact social récemment, c'est que, depuis la récession de 2008, le gouvernement des États-Unis, et, surtout, des gouvernements des États n'ont pas connu une reprise économique aussi importante qu'on l'avait espéré, une reprise comme celle que nous avions connue après la récession de 2001. Les ressources sont limitées pour les fournisseurs des services en question. Il s'agit donc d'un mécanisme qui permet d'obtenir du financement supplémentaire pour les services gouvernementaux sans que les gouvernements aient à fournir le financement au départ.
    Un certain nombre de préoccupations et d'observations découlent du travail d'examen que nous avons fait sur le sujet, ainsi que sur d'autres projets d'obligations à impact social aux États-Unis.
    Une raison — et je crois que c'est la plus importante —, c'est que les obligations à impact social vont entraîner des coûts plus élevés pour les gouvernements. C'est qu'il y a des coûts supplémentaires liés au fait qu'un intermédiaire aligne le financement entre le gouvernement et le fournisseur. Il faut aussi offrir un rendement au financier une fois le programme terminé, en présumant que les résultats visés sont obtenus. Rien n'empêche le gouvernement de faire directement affaire avec les fournisseurs de services et de payer pour le service directement. Je pense que ce qui se passe, c'est que les gouvernements disposent de ressources limitées et que les fournisseurs cherchent d'autres sources de financement pour tenter de l'accroître afin de pouvoir étendre leurs services.
    D'après ce que je peux voir, le taux de rendement n'est limité d'aucune façon. Comme nous le savons, sur le marché des obligations, le risque se reflète dans les taux d'intérêt. Plus il est risqué que le remboursement n'ait pas lieu, plus le taux d'intérêt offert par le gouvernement est élevé pour une obligation de financement d'immobilisations.
    Les obligations à impact social ou le paiement à la réussite sont un type d'emprunt. Si le programme fonctionne, le gouvernement paie un taux de rendement donné, c'est-à-dire ce qui a été négocié, que ce soit 10, 15 ou 20 %. Ce montant ne semble pas être limité.
(1545)
    Dans certains cas, le financement est garanti par une fondation, en partie du moins, afin que les bailleurs de fonds soient sûrs d'obtenir un certain rendement. Lorsque c'est le cas, le transfert de risque au secteur privé devient vraiment futile, puisqu'une partie du rendement est garantie.
    Un autre point important que j'aimerais soulever, c'est que les recherches que nous avons effectuées nous ont permis de constater que les économies prévues sont surestimées dans bien des cas. J'ai vu des projets de réforme sur de nombreuses années de propositions budgétaires, et, dans bien des cas, les gens qui les préconisent utilisent de manière fallacieuse le coût fixe par cas lorsqu'ils évaluent les économies. Si par exemple, le coût d'hébergement d'un détenu est de 30 000 $ par année, cela inclut à la fois les coûts fixes liés à l'exploitation des installations et le coût variable. Si on fait en sorte que 1, 2 ou 10 détenus ne retournent pas en prison, cela permet d'économiser le coût variable lié à la nourriture, aux fournitures et aux soins médicaux, et nous avons constaté que ce coût est d'environ 4 600 $ par détenu. Il n'est pas possible d'économiser 30 000 $ sans fermer l'établissement.
    Dans bien des cas, si les gens qui défendent le projet affirment que les économies correspondront à l'ensemble des coûts fixes et variables divisés par le nombre de cas, ils les surestiment. Dans certains cas, ils laissent entendre qu'il y a un évitement de coût, c'est-à-dire qu'on fait en sorte que les détenus n'aient pas besoin de soins plus coûteux ultérieurement. Voilà qui est également très difficile à prouver et qui ne donne pas lieu à des économies immédiates sur le plan du financement réel prévu par le gouvernement dans son budget.
    La logistique du financement est également une préoccupation que j'observe, en ce sens que l'un des arguments en faveur des obligations à impact social, c'est que le gouvernement paie seulement si un programme connaît du succès. Le problème que j'y vois, c'est que, s'il s'agit d'un programme pluriannuel et que le gouvernement ne réserve pas de fonds pour effectuer le paiement, lorsque le programme connaît du succès, il faut verser l'intégralité de la somme plus le taux de rendement en une seule fois, ce qui peut être difficile pour le gouvernement.
    En outre, si le gouvernement réserve des fonds à l'avance chaque année en vue des paiements qu'il pourrait avoir à faire, comme nous le voyons par exemple dans le cadre du programme de paiement à la réussite du Massachusetts, il ne réalise pas vraiment les économies en question, puisqu'il doit quand même mettre les fonds de côté chaque année.
    Vu que l'idée est celle d'un rendement du capital investi fondé sur le rendement d'un programme, je pense que, plutôt que d'encourager l'innovation, les obligations à impact social ou le paiement à la réussite vont en fait encourager une ruée vers la qualité. Les investisseurs vont vouloir voir des programmes qui fonctionnent et qui connaissent du succès.
    Nous avons vu un exemple de cela à Chicago, en Illinois, où une obligation à impact social a été créée en novembre 2014 pour des services d'éducation à la petite enfance utilisant des programmes dont l'efficacité a été prouvée sur de nombreuses années. Les investisseurs ne voudront pas voir ces programmes échouer. Donc, s'il advient que plusieurs programmes favorisant l'innovation échouent, pour en revenir à notre modèle fondé sur le marché, les taux d'intérêt vont être plus élevés. Les investisseurs vont exiger un rendement plus élevé, puisque le risque est plus grand.
    Mes préoccupations concernant l'évaluation concernent d'abord et avant tout le fait que, comme il y a cet élément de rendement du capital investi, il y a aussi une pression accrue d'obtention de résultats, et il se peut qu'une étude donne un résultat positif et entraîne un paiement aux investisseurs et aux fournisseurs de services, alors que, bien souvent, dans le domaine des politiques publiques, il faut des années et parfois de multiples observations et études pour déterminer si un programme est vraiment une réussite. Dans certains cas que j'ai vus, il a fallu 10 ans avant qu'on puisse déterminer qu'une façon de procéder donnée n'était pas vraiment idéale, ne fonctionnait pas vraiment et qu'il fallait mettre fin à l'initiative. Cette façon de faire les choses favorise l'obtention rapide d'un résultat.
    Il y a aussi la question des méthodes utilisées et celles de savoir s'il y a ou non un groupe expérimental et un groupe témoin et si l'échantillonnage est tout à fait aléatoire, de sorte qu'une analyse et une évaluation justes et objectives puissent être effectuées. Le Congrès américain a envisagé d'adopter une loi sur l'impact social en 2014, et j'ai remarqué qu'il était question dans le projet de loi de permettre l'utilisation de modèles quasi expérimentaux, qui pourraient ne pas exiger que l'échantillon soit aléatoire.
    Pour conclure, les obligations à impact social sont un nouveau concept qui a récemment gagné en popularité. De nombreux États et pays examinent ce concept, mais je crois qu'il s'agit d'une façon plus coûteuse d'offrir les services. C'est essentiellement une carte de crédit pour les gouvernements. Ils peuvent en venir à emprunter de l'argent, ce qui n'est pas nécessairement une bonne politique budgétaire. Mieux vaut assumer directement le coût des services si on en a les moyens. Pourquoi offrir à une tierce partie un taux de rendement qui n'est nullement limité?
    Ensuite, je soulignerais que, plutôt que de favoriser l'innovation, ces obligations créeraient une ruée vers la qualité, alors je ne vois pas où se trouve le concept d'innovation.
    Enfin, je dirais simplement que des problèmes de nature logistique se posent lorsqu'il s'agit de déterminer si le gouvernement économise réellement de l'argent, puisqu'il faut soit réserver des fonds, soit faire un très gros paiement lorsqu'un projet est terminé.
    Merci beaucoup
(1550)
    Merci beaucoup, monsieur Juppe.
    Nous allons maintenant écouter M. Donald Meikle, directeur exécutif du Saskatoon Downtown Youth Centre.
    Veuillez commencer.
    J'aimerais vous remercier d'avoir invité le Saskatoon Downtown Youth Centre à témoigner devant le comité.
    Je suis le directeur exécutif de cette extraordinaire organisation dont je suis fier d'être membre depuis 22 ans, sur 25 années d'existence.
    Comment notre programme Fais de beaux rêves a-t-il vu le jour? En 2013, on nous a demandé de nous pencher sur la fréquentation de l'école par les jeunes, et sur le fait que leur assiduité allait de faible à nulle et que, lorsqu'ils étaient présents à l'école, ils n'arrivaient pas à se concentrer et à rester à l'école pendant toute la journée. L'école en question a demandé une étude sur les troubles du sommeil. La personne qui a mené l'étude a dit à la direction de l'école que les jeunes n'avaient pas de troubles du sommeil et que le problème était qu'ils n'avaient nulle part où aller. L'évaluatrice était si passionnée par cette cause qu'elle a personnellement offert 50 000 $ si nous arrivions à trouver une façon de changer les choses.
    Au cours de l'année qui a suivi, nous avons rassemblé un groupe de travailleurs de première ligne des domaines de la santé et de l'éducation, du ministère des Services sociaux et de l'EGADZ, ainsi que deux personnes de la collectivité. Ces dernières étaient à la retraite, mais elles tenaient encore passionnément à venir en aide aux gens défavorisés.
    Nous avons commencé à tenir des réunions hebdomadaires dans le but de déterminer quelle était la population la plus vulnérable ayant besoin de services. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que les mères et leurs enfants n'ayant pas d'endroit sûr où vivre et recevant du soutien étaient exposés par là à un risque, ainsi qu'au fait que les enfants soient pris en charge par le système de services sociaux.
    Nous avons aussi convenu que nous devions continuer de soutenir les mères ayant déployé tant d'efforts pour ravoir la garde de leurs enfants. Nous avions besoin d'un endroit où les parents seraient respectés, de sorte qu'ils n'auraient pas à laisser le système prendre leurs enfants à charge pour recevoir des services, et que les parents participant à un programme existant n'aient pas à laisser leurs enfants à la charge du système plus longtemps que nécessaire.
    Au cours de la première année de réunions et de discussions, nous avons commencé à nous pencher sur le fonctionnement du foyer, sur l'élaboration d'un plan d'affaires et sur les possibilités de financement. L'obligation à impact social est devenue une possibilité.
    Pendant la première année d'élaboration de notre plan d'affaires, nous examinions des possibilités pour le financement du foyer. Nous avions demandé du financement à Service Canada et l'avions reçu, en plus de 50 000 $ que nous avions reçus cette année-là. Notre budget pour le projet était le suivant: le prix d'achat du foyer était de 50 000 $, et le coût des rénovations et les frais juridiques totalisaient environ 85 000 $. Le coût total était légèrement supérieur à 1 million de dollars.
    Colleen Mah s'était engagée à nous verser 25 000 $. Les responsables de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance nous avaient offert 320 000 $, et un particulier nous avait fait un don de 20 000 $. La Ville de Saskatoon s'était engagée à nous fournir 140 000 $, ce qui nous laissait 534 000 $ et laissait un manque à gagner de 500 000 $ pour le budget d'immobilisations et 500 000 $ pour le budget d'exploitation.
    Nous avons rencontré l'ex-ministre Draude à deux reprises pour examiner des façons de financer le programme. Dès la première réunion, elle nous a clairement fait savoir que le gouvernement refuserait d'être placé en situation de déficit. La ministre aimait la seconde proposition, car il s'agissait de créer un foyer pour les mères et les enfants, ce que nous avons très bien fait.
    Les possibilités qui s'offraient à nous pour le financement de ce foyer étaient d'attendre jusqu'à un an et demi pour entrer dans le cycle de financement, sans aucune promesse encore là, d'essayer d'obtenir l'argent nécessaire auprès d'un organisme qui doit déjà trouver environ 100 000 $ chaque année pour que nous puissions garder nos portes ouvertes ou d'utiliser une façon nouvelle et novatrice de trouver du financement qu'on appelle l'obligation à impact social et qui fonde le financement sur les résultats.
    Nous avons décidé de financer le foyer au moyen d'une OIS. Nous avons pu prendre part au processus d'examen de l'aspect que prendraient les résultats sur le plan de l'impact social. Nous avons pu venir en aide à des mères et à des enfants qui avaient besoin d'aide, sans rompre le lien entre eux. La province était en communication avec notre conseil d'administration et notre direction, pour répondre à toute question susceptible de se poser. L'obligation à impact social était fondée sur les résultats, qui, s'ils étaient positifs, pouvaient neutraliser les coûts et permettre des économies supplémentaires constituant un avantage pour le gouvernement et les collectivités. Nous travaillons à la présentation de résultats depuis cinq ans, et nous voyons l'avantage direct que cela comporte pour les gens les plus importants dans tout cela: les clients que nous servons.
    Ce processus permet à notre organisation de toujours respecter notre énoncé de vision, selon lequel chaque enfant mérite d'avoir la possibilité de devenir un citoyen productif. Cela inclut les mères qui acceptent de subir de la violence conjugale, physique et verbale, et qui ont souvent peur de parler à quelqu'un, car elles croient que leurs enfants vont leur être enlevés parce qu'on pensera qu'elles jouent mal leur rôle de parent. Cela inclut les parents qui ont déployé beaucoup d'efforts pour ravoir la garde de leurs enfants et qui se retrouvent dans la situation où ils n'ont plus le soutien nécessaire pour saisir les occasions d'emploi et de formation qui s'offrent à eux tout en ayant un toit au-dessus de leur tête.
(1555)
    Nous avions besoin de cela dans le cadre d'un continuum de services résidentiels que nous créons depuis 1997 et qui compte 16 foyers offrant un refuge et un endroit sûr à plus de 120 enfants.
    Les mères sont admises au foyer à la suite d'une entrevue motivationnelle portant sur les risques auxquels elles et leurs enfants font face, sur leur volonté de participer au projet et sur la contribution qu'elles sont prêtes à faire.
    Nous croyons que le gouvernement de la Saskatchewan souhaite aborder les problèmes sociaux de manière novatrice afin d'améliorer le sort de ses citoyens les plus vulnérables. Nous estimons que l'innovation sociale offre plusieurs outils et que les gouvernements s'intéressent aux nouvelles idées qui peuvent permettre une meilleure prestation de services aux gens les plus vulnérables de notre province.
    Parmi les personnes ayant investi dans notre obligation à impact social, il y a Wally et Colleen Mah, de la North Ridge Development Corporation, qui nous ont versé 500 000 $ pour ce projet. Les Mah contribuent à nos services résidentiels depuis le début, et ils nous ont fourni plus de 800 000 $ pour 11 des 16 foyers que nous exploitons actuellement et qui accueillent des enfants, des mères et des jeunes dont le cas est lourd à Saskatoon.
    L'expansion de nos services résidentiels, par exemple dans le cadre de l'initiative Baby Steps, visant à ce qu'il y ait deux chambres à coucher dans la maison, de sorte que les mères puissent vivre avec leurs enfants pendant que ceux-ci sont pris en charge par les services sociaux; Mah's Place; et un certain nombre de nos foyers que nous appelons My Homes n'auraient pu devenir réalité sans la générosité des Mah. Colleen Mah est une ardente défenseure des mères, et elle cherche des façons de fournir un soutien à long terme en matière de logement aux candidates retenues.
    La Conexus Credit Union nous donne 100 000 $ par année pendant cinq ans. Les coopératives de crédit sont très présentes dans notre collectivité. Leurs représentants adorent l'idée de venir en aide aux parents et à leurs enfants, et ils voulaient contribuer davantage en offrant des services d'éducation et de littératie financière à nos clientes pendant qu'elles vivent dans un foyer. Ils ont aussi une très grande volonté de prendre part à l'examen des façons de faire progresser le projet.
    Je vais parler des premiers indicateurs du programme Fais de beaux rêves. Ce sera bientôt le premier anniversaire du programme. Pour nous, grâce à l'obligation à impact social, le programme peut être fondé sur les résultats et le besoin. Bon nombre de nos nouvelles clientes ont vécu de la violence conjugale et ont été toxicomanes, et elles craignent que leur enfant leur soit enlevé si elles demandent de l'aide. Aujourd'hui, les parents sont en mesure de sortir de situations de ce genre avec espoir et d'obtenir du soutien pour eux et pour leurs enfants. Les jeunes mères peuvent maintenant préserver le lien affectif avec leurs enfants et rompre les cycles qui les ont maintenues dans la pauvreté pendant des années.
    Nous avons un programme axé sur les processus qui est maintenant fondé sur un partenariat auquel prennent part le gouvernement, la collectivité, et surtout, notre clientèle. Pendant des années, il y a eu un manque. Une fois que les parents retrouvaient la garde de leurs enfants, ils ne recevaient plus de soutien. Aujourd'hui, grâce à Fais de beaux rêves, nous pouvons continuer d'offrir du soutien aux parents jusqu'à ce qu'ils aient la force nécessaire pour refaire leur vie.
    Les résultats obtenus jusqu'à maintenant sont les suivants: des mères ont fait la transition vers la vie autonome; une mère essaie de ravoir la garde de deux de ses enfants, qui sont pupilles de l'État depuis longtemps, tout en s'occupant de deux enfants dont elle a actuellement la garde; une mère a déménagé et a trouvé un emploi dans un domaine qu'elle adore; et nous avons pu fournir du soutien au logement à une mère enceinte jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de trouver une famille sûre et accueillante auprès de laquelle vivre.
    Grâce à l'OIS, nous arrivons à répondre aux besoins des gens que nous servons, qui étaient auparavant vus comme étant hors norme par le gouvernement. Nous avons reçu des demandes de mères de partout dans la province qui aimeraient avoir la possibilité de bâtir une meilleure vie pour elles-mêmes et pour leurs enfants avec du soutien et une orientation. Ce processus a permis à notre organisation de soutenir les mères et leurs enfants, et d'éviter qu'ils soient pris en charge par les services sociaux.
(1600)
    Il vous reste environ une minute, monsieur.
    Je veux simplement faire un survol rapide des mythes concernant la prestation de programmes.
    Nous admettons les clients dont le cas est le plus simple pour assurer le succès du programme. Je veux vous dire que c'est faux. Chaque client admis au programme Fais de beaux rêves subit une entrevue motivationnelle visant à examiner les facteurs de risque comme la violence, la toxicomanie et les troubles mentaux. Nous élaborons un plan avec nos clients pour nous assurer qu'ils se l'approprient. Les entrevues motivationnelles sont ce qu'il y a de plus fiable, puisqu'il s'agit d'entrevues menées directement auprès des clients et concernant leurs objectifs et les lacunes qui existent dans le soutien dont ils ont besoin.
    Les entreprises font de l'argent sur le dos des gens pauvres. J'affirme que c'est faux. Les Mah, comme la Conexus Credit Union, réinvestissent l'argent auprès des gens vulnérables. Nous gagnons tous de l'argent grâce aux gens défavorisés en travaillant dans ce domaine. En travaillant dans les domaines de la justice, de la santé, de l'éducation et des services sociaux et auprès de nombreuses autres organisations de la collectivité, nous faisons tous de l'argent sur le dos des gens défavorisés. Cela revient à dire que les gens vulnérables sont un marché important. La question que je pose en retour est la suivante: sommes-nous ouverts au changement? Je sais que les Mah et la Conexus Credit Union souhaitent que les gens défavorisés puissent contribuer à l'économie. Pour eux, c'est un investissement gagnant pour tous.
    Merci beaucoup.
    Nous remercions les trois témoins d'avoir présenté un exposé. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Les interventions vont durer cinq minutes, car il y a deux groupes de témoins aujourd'hui.
    Nous allons commencer par Mme Sims.
    Je tiens à vous remercier tous de nous présenter votre point de vue.
    J'aimerais savoir ce que chacun d'entre vous pense de l'idée de « [m]odifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour permettre aux organismes sans but lucratif de générer des revenus qui ne sont pas directement liés à leur mission fondamentale. » Il s'agit de l'une des recommandations figurant dans le mémoire que nous avons reçu de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Je vous lis ce qui a été proposé:
L'interprétation actuelle des dispositions législatives concernant l'impôt sur le revenu limite passablement la capacité des organismes sans but lucratif de toucher un revenu de ce genre et exige plutôt que ce revenu soit non intentionnel, imprévu et secondaire par rapport aux objectifs fondamentaux de l'organisme. Cela fait en sorte qu'il est difficile de générer des revenus pour les consacrer à la mission de l'organisme sans but lucratif et limite les réserves de trésorerie qu'ils peuvent constituer et maintenir.
    Qui aimerait commencer? Que pensez-vous de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu en ce sens?
    Le président: Voudriez-vous choisir l'un des témoins?
    Mme Jinny Jogindera Sims: Commençons par Donald Meikle.
    Merci.
    Je pense que tout ce qui peut permettre aux organismes sans but lucratif de mener leurs activités de façon plus efficace devrait être une possibilité à envisager. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous devons trouver 100 000 $ par année simplement pour garder nos portes ouvertes. Ce serait bien si nous pouvions investir de l'argent à l'occasion, lorsque nous en avons en trop.
(1605)
    Merci beaucoup.
    Est-ce que l'un de vous, messieurs, souhaite intervenir?
    Oui, je ne vois pas de problème à faire cela. Tant que c'est légal, évidemment, ce que nous tenons pour acquis, pourquoi imposer des limites aux organismes sans but lucratif? Ces organismes sont évidemment gouvernés. Une gouvernance est assurée, et il y a des exigences de reddition de comptes, notamment en ce qui a trait à la façon dont ces organismes présentent leurs rapports et rendent des comptes à leurs intervenants et à leur conseil d'administration.
    Je pense que la modification accroîtrait leur viabilité. J'estime que nous ferions preuve de négligence si nous n'offrions pas à nos organismes communautaires et sans but lucratif la possibilité d'être viables. Je crois que c'est l'un des principaux défis auxquels nous faisons face actuellement. Ne nous en cachons pas: beaucoup de ces organismes font du très bon travail qui est essentiel au succès par rapport à la prestation des services à la personne à l'échelle du pays.
    Merci.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je ne suis pas sûr d'être en mesure de bien comprendre la proposition. J'ai l'impression qu'il s'agit d'une espèce de crédit d'impôt fondé sur le revenu touché par les organismes sans but lucratif.
    Il s'agit de la capacité pour ces organismes de trouver des fonds, puis d'obtenir un allégement fiscal pour les fonds qu'ils obtiennent, au-delà de leur mandat de base.
    Cela me semble certainement être une proposition intéressante pour les organismes sans but lucratif. J'imagine que la question qui se pose est la suivante: quelle est l'ampleur de la perte de revenus que subirait votre gouvernement? Je n'ai pas vraiment de contexte pour répondre à cette question.
    Merci beaucoup.
    Nous avons beaucoup entendu parler des obligations à impact social et de leur potentiel, mais nous avons également des préoccupations concernant la possibilité que le gouvernement doive assumer des coûts dans la prestation des services sociaux, y compris des coûts d'emprunt plus élevés et des coûts de départ accrus pour l'établissement de la structure administrative des obligations à impact social. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
    Pouvons-nous commencer par M. Meikle cette fois-ci aussi, s'il vous plaît?
    Pour notre obligation à impact social, il n'y avait pas d'intermédiaire. C'était une obligation de 1 million de dollars, alors nous n'avions pas d'intermédiaire. Deloitte va se charger de la vérification indépendante du programme.
    Voilà, à moins que vous ne souhaitiez que je précise ma réponse. C'est ce que nous avons fait. Cela s'est fait dans le plus grand respect. Je pense que c'est là une façon de financer les programmes et de les fonder sur les résultats.
    Merci beaucoup.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur?
    J'ajouterais que tout ce que nous examinons à ce chapitre à l'heure actuelle est comptabilisé dans la formule qui sera utilisée, comme Don l'a dit, si la somme est suffisamment petite et qu'il n'y a pas d'intermédiaire.
    À ce sujet, l'autre chose que nous n'avons pas vraiment abordée, mais dont nous pourrions parler en long et en large ici, c'est le statu quo pour ce qui est des coûts sociaux et des coûts liés aux services sociaux. Nous n'avons pas les moyens d'assumer ces coûts. Peu importe que le gouvernement essaie de les rendre abordables ou non, si nous n'établissons pas les liens entre ces deux économies... Certaines des analyses de données que nous présentons là-dessus... Nous avons fait, à mon ministère, les recherches sur l'économie et sur les dépenses sociales. Pour avoir été chef de police pendant longtemps et à titre d'entrepreneur et d'homme d'affaires, je vous dirais que, en ce moment, l'économie croît de 2 $ pendant que nous dépensons 4 $.
    Lorsque j'essaie d'expliquer la situation aux gens qui travaillent dans mon centre correctionnel, je l'explique en parlant d'emplois. Notre gouvernement souhaite créer 60 000 emplois d'ici 2020. Si on fait la répartition, qu'il s'agit d'emplois assortis d'un salaire de 50 000 $ et que c'est la seule façon pour le gouvernement d'obtenir un revenu — nous savons qu'il y en a d'autres, mais disons qu'il s'agit d'un emploi —, il faut utiliser le revenu provenant de 12 de ces emplois, en fonction du taux d'imposition provincial, pour héberger un détenu, sans compter aucun autre coût.
    Si le nombre de détenus doit augmenter de 195, nous aurons besoin de 23 040 emplois chaque année pour assumer le coût de la croissance du nombre de détenus. Si on extrapole jusqu'en 2020, il s'agit de 60 000 emplois, et 16 230 de ces emplois serviront à payer le coût lié à l'augmentation du nombre de détenus. Je ne parle pas des coûts liés à la santé, du coût des services sociaux ni des coûts relatifs à l'éducation; je parle du coût de l'hébergement et de la nourriture dans nos établissements correctionnels. Lorsque nous établissons les autres coûts et prenons conscience du fait que les délinquants en détention provisoire coûtent 80 000 $ et que les détenus condamnés coûtent 43 000 $, les coûts doublent. Ce seront donc 33 000 de ces emplois qui seront nécessaires dès maintenant si c'est l'impôt sur le revenu qui sert à payer le coût de la croissance du nombre de détenus en Saskatchewan. Inutile de nous lancer dans un grand préambule concernant ce que cela signifie en amont, puisque je crois que c'est de cela que nous parlons au bout du compte.
(1610)
    Merci beaucoup.
    Nous avons largement dépassé le temps prévu, mais nous allons continuer avec M. Armstrong.
    J'aimerais remercier nos témoins de prendre part à la séance d'aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Meikle pour clarifier un certain nombre de choses concernant le fonctionnement concret du programme.
    Je pense qu'il est clair que les enfants admis dans votre foyer sont déjà pris en charge. Le programme offre aux mères et à ces enfants la possibilité de vivre ensemble dans un milieu structuré. Ai-je raison de dire cela?
    Nous avons un certain nombre de foyers différents. Il y a une maison à deux chambres à coucher dans le cadre de l'initiative Baby Steps. Si nous nous occupons d'une mère et de son enfant pris en charge, ils peuvent s'installer dans la même maison, et les soins sont prodigués sous la supervision du personnel.
    À mes yeux, le programme Fais de beaux rêves est très différent. Il s'adresse aux mères qui ont de nouveau la garde de leurs enfants et qui ont besoin de cette autre possibilité. La meilleure façon d'aider quelqu'un, c'est de lui offrir des possibilités. Nous ne pouvons pas nous contenter d'aider les gens jusqu'à un certain point, puis de les laisser tomber. Nous devons les aider à long terme. Nous devons faire cet investissement supplémentaire. Par ailleurs, le foyer du programme Fais de beaux rêves est... J'imagine que je n'ai pas fourni une explication suffisamment claire. En ce moment, nous sommes en mesure d'aider des gens non pas en fonction de leurs revenus ou de la couleur de leur peau, mais bien en fonction de leurs besoins. Pour vous donner un exemple, nous nous occupons actuellement d'une mère de deux enfants qui vit une situation de violence et dont l'oncle nous a téléphoné pour nous supplier de lui donner une place. Nous avons pu l'inscrire au programme Fais de beaux rêves pour l'aider. C'est fondé sur le besoin. Toutes les politiques et toutes les lois sont secondaires par rapport aux besoins du client.
    Pour poursuivre sur ce sujet, il y a une possibilité pour une personne dont l'enfant est pris en charge par les services communautaires...
    Oui.
    ... et que l'enfant est sur le point d'être confié de nouveau au parent parce que la situation a changé à la maison. Il se peut que le parent ait eu une dépendance et ait réglé ce problème. Plutôt que de simplement renvoyer l'enfant à la maison, où le problème existait, ou encore de le renvoyer dans cette situation, le programme offre au parent qui éprouvait auparavant des difficultés l'occasion — c'est fort probablement la raison pour laquelle la garde de l'enfant lui a été enlevée ou pour laquelle il l'a volontairement confié aux services sociaux — et le soutien dont il a besoin pendant les premiers temps du moins, durant la période où l'enfant réintègre le ménage. Ai-je raison de dire que c'est l'une des choses que vous êtes en mesure de faire?
    Oui, c'est l'une de ces choses.
    Excellent.
    Monsieur McFee, merci beaucoup de participer à la séance.
    À l'échelon provincial — je suis sûr que vous en savez un peu là-dessus —, y a-t-il une possibilité d'économies importantes pour le budget des services communautaires si vous êtes en mesure d'offrir ce type de soutien, c'est-à-dire s'il est possible que ce service soit offert par une tierce partie dans un foyer de ce genre?
    Oui, l'économie estimative est de 500 000 à 1,2 million de dollars pour ce projet.
    La province investit environ 1 million de dollars pour appuyer l'obligation à impact social, alors l'économie nette est probablement entre 500 000 $ et peut-être un peu plus pour ce qui est du rendement obtenu par la province pour ce projet.
    C'est exact, pour 22 enfants.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Juppe, vous avez formulé certaines observations au sujet des obligations à impact social. Nous avons entendu des choses similaires de la part de plusieurs témoins qui sont venus ici. D'après les recherches que vous avez effectuées à Annapolis — et vous vous êtes penché sur le cas de deux ou trois autres États et sur certaines choses qui ont été faites ailleurs aux États-Unis —, est-il assez clair qu'on ne peut pas encore déterminer avec certitude si les obligations à impact social sont une bonne chose? Avez-vous déjà conclu qu'elles ne sont pas productives et qu'il ne s'agit probablement pas de la bonne façon de procéder?
    Il est encore très tôt. Un certain nombre d'États se penchent sur les obligations à impact social, et il y en a seulement une poignée qui les ont mises en oeuvre. Nos travaux de recherche indiquent cependant qu'elles coûtent plus cher, surtout parce qu'il faut payer un taux de rendement. Il est beaucoup plus simple pour les gouvernements de faire affaire directement avec les fournisseurs de services. Pourquoi faire intervenir une tierce partie? Cela n'a aucun sens à nos yeux.
    D'accord. Donc l'initiative du financement social peut être très positive et très efficace. C'est simplement l'obligation à impact social — cette structure au sein du financement social — que vous critiquez et qui n'est pas efficace selon vous?
    Oui.
    Il ne reste pas beaucoup de temps, alors j'aimerais dire à M. Meikle que, la prochaine fois que je serai en Saskatchewan, je veux venir voir ce que vous faites, si possible.
    Une voix: Vous êtes toujours le bienvenu.
    M. Scott Armstrong: Merci beaucoup. Merci à tous.
(1615)
    Nous allons maintenant passer à M. Cuzner.
    Merci beaucoup, et merci aux témoins.
    Je vais commencer par M. McFee.
    Vous êtes allé pas mal vite avec les chiffres. J'ai entendu dire à un moment donné au cours des dernières semaines que les mathématiques sont difficiles. J'ai eu de la difficulté à suivre. Vous avez extrapolé la somme qui finirait par être nécessaire au fil des ans. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que l'intervention rapide et la prévention seraient la façon la plus efficace d'utiliser les deniers publics. Si nous pouvons empêcher les jeunes d'avoir des démêlés avec le système judiciaire, je crois que ce serait idéal.
    C'est pourquoi j'aime ce que vous faites dans le programme concernant l'absentéisme. Pouvez-vous dire au comité...? Le problème relevait du conseil scolaire avant que vous l'abordiez sous un nouvel angle. Pouvez-vous nous donner une idée des chiffres avant le changement d'orientation? Et pourquoi cela ne se faisait-il pas avant, le cas échéant?
    Vous savez, c'est une excellente question. Mieux vaut analyser le problème à l'envers et envisager des façons d'apporter un changement positif.
    Lorsque nous avons commencé à examiner le problème du point de vue de plusieurs organismes et nous nous sommes penchés sur la corrélation avec l'activité criminelle, l'absentéisme est devenu la responsabilité de tout le monde. Lorsqu'on commence à approfondir la question, on constate qu'il y a 6 700 enfants qui manquent à l'appel en Saskatchewan. Je parle non pas d'enfants disparus, mais plutôt d'enfants inscrits à une école et pas inscrits ailleurs par la suite. Comment faire augmenter le taux de diplomation si on ne sait pas où ils se trouvent?
    Les vieilles méthodes habituelles, qui reposent sur l'application des règles, ne fonctionnent évidemment pas. Mais si on envisage la chose du point de vue d'une intervention, si on amène une tierce partie à voir cela comme une occasion de procéder à une intervention conçue en fonction de nos carrefours et de nos noyaux; si on commence à envisager ces choses comme étant des possibilités, on peut changer la façon dont les activités sont tenues.
    Le problème tient en grande partie à la pauvreté, comme vous le savez. Si on prend le revenu comme point de départ et qu'on doit faire passer le taux d'assiduité de 40 % — prenons simplement ce chiffre comme exemple, qui est en fait élevé — à un taux d'écart de 90 %, on peut déterminer quel mécanisme utiliser. Faut-il utiliser une obligation à impact social? Plutôt le paiement à la réussite — autrement dit, l'investissement dans les impacts? Nous pouvons peut-être utiliser notre propre argent, à titre d'investisseurs, dans le cadre d'une initiative fondée sur des incitatifs, ou nous pouvons faire intervenir une tierce partie.
    L'idée, c'est que c'est cela que nous analysons maintenant: quelle est la meilleure façon de concrétiser cela? Nous savons que le passage du taux d'assiduité de 40 à 90 %, avec peut-être un cours d'éducation parentale, permet d'obtenir un rendement extraordinaire, d'après les données. Mais il s'agit de prévoir le bon mécanisme pour bien faire les choses, avec ce que vous venez de décrire: il faut que l'initiative soit horizontale et plurisectorielle.
    Le problème auquel nous faisons face, c'est que chacun des secteurs essaie de s'approprier la chose. Cela fait en sorte que tout le monde travaille dans des compartiments et essaie de régler le problème en ne connaissant que 10 % des faits.
    Merci.
    Monsieur Juppe, vous ne nous avez pas vraiment fait part de bonnes histoires de réussite dans les États qui ont adopté la méthode de l'obligation à impact social. Je pense que la justification générale, c'est qu'il est possible de régler certains problèmes à l'aide des obligations à impact social et qu'il peut s'agir dans certains cas des problèmes faciles à régler. Les régler pourrait à tout le moins permettre d'accéder à des deniers publics pour régler des problèmes plus complexes. C'est ce que nous avons entendu dire par un certain nombre de témoins maintenant.
    Avez-vous vu cela se produire? Connaissez-vous des cas où cela a permis de libérer des sommes que les gouvernements d'État ont pu investir ailleurs?
    Pas encore. Ne confondez pas la prestation du service et la façon dont on paie celui-ci. Plusieurs programmes de ce genre connaissent beaucoup de succès.
    Je vous ai donné l'exemple d'un programme du Maryland portant le nom de Public Safety Compact, qui visait à réduire le taux de récidive et à faire en sorte que les délinquants ne retournent pas en prison. Ce programme est en place depuis trois ou quatre ans. Le coût en est assumé à l'aide d'une obligation à impact social.
    Le programme a connu énormément de succès comparativement aux groupes témoins. Il a permis de réduire de beaucoup le nombre de délinquants qui retournent en prison. Cependant, le Department of Public Safety and Correctional Services a décidé de ne pas renouveler le contrat dans le cadre de ce mécanisme, car il n'obtient pas les économies prévues; le ministère paie 60 % des coûts fixes et variables au fournisseur pour ce service. Il pense pouvoir offrir un programme qui fonctionne très bien en faisant affaires directement avec le fournisseur, sans passer par le financement.
    L'établissement de Rikers Island, à New York, semble lui aussi avoir un programme qui fonctionne très bien à l'heure actuelle, mais la question est de savoir comment en assumer le coût. Les programmes peuvent connaître beaucoup de succès. Il n'est pas toujours nécessaire qu'il y ait un bailleur de fonds à qui est offert un taux de rendement.
(1620)
    Merci beaucoup. Vos cinq minutes sont écoulées.
    Nous allons maintenant passer à M. Boughen pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Juppe, vous avez dit dans votre exposé qu'il est un peu tôt pour déterminer si le programme que vous connaissez bien sera rentable. Est-ce courant? D'autres personnes s'occupant des ressources nous ont parlé d'un degré assez important de succès. Quel facteur détermine si un programme est adopté ou non?
    Les deux programmes que nous avons examinés de près concernent la prévention de la réincarcération de délinquants. Les économies que nous constatons sont simplement liées aux coûts variables pour ces délinquants, le coût de la nourriture et des dépenses et des fournitures médicales, par exemple.
    On ne réalise pas des économies aussi grandes que prévu, car, à moins de fermer un établissement en entier, on ne peut pas éviter les coûts fixes. On peut arriver à faire en sorte qu'un certain nombre de délinquants ne soient pas réincarcérés et à éviter d'avoir à construire une prison de plus, mais cela ne permet de réaliser aucune économie dans le budget actuel.
    Je pense que, à moins de fermer complètement un établissement, on ne peut pas vraiment réaliser des économies de l'ampleur prévue.
    Merci.
    Donald et Dale, vous venez tous les deux de la Saskatchewan, l'un du Nord et l'autre du Sud pour ce qui est de vos programmes. Je suis un gars de la Saskatchewan moi aussi, alors je comprends ce que vous dites.
    Pouvez-vous nous éclairer un peu plus au sujet de la composition du groupe? Je n'ai pas remarqué que vous ayez ni l'un ni l'autre mentionné la participation d'Autochtones aux programmes. Il y a beaucoup d'Autochtones dans la province, et ils ont souvent besoin de soins. Pouvez-vous parler un peu de la composition de vos groupes?
    Pouvons-nous commencer par Dale?
    C'est un excellent point. Lorsqu'on examine le problème de l'absentéisme, comme lorsqu'on se penche sur les établissements correctionnels en Saskatchewan, on constate qu'il y a une grande proportion d'Autochtones dans ces deux cohortes. Si on élargit l'examen pour s'attaquer aux causes fondamentales, on cesse de parler de culture ou de race pour cerner le problème et on commence à en parler pour trouver une solution.
    Je pense que tout cela est inclus lorsque nous examinons cette question. J'ai parlé d'absentéisme, mais on peut aussi parler directement de détention provisoire et de gestion des établissements. Un contre-argument, disons, c'est que, si l'intervention se fait avant l'emprisonnement pour ce qui est de la détention provisoire, il en découle automatiquement des économies, puisqu'il faut placer des délinquants dans un établissement. Il y a une somme d'argent importante en amont, ainsi qu'une meilleure façon de mener ces activités.
    Si nous prenons le cas de la Saskatchewan, 58 % des détentions provisoires dans la province durent de 1 à 14 jours, et il n'y a pas de services en détention provisoire, alors comment peut-on s'attendre à ce qu'il s'agisse de quoi que ce soit d'autre qu'un service de garde? Si nous intervenons dès le départ par l'intermédiaire d'un fournisseur externe, nous pourrions carrément mettre fin à ces activités. Je pense que c'est l'une des choses qui retiennent l'attention dans ce domaine précis.
    Pour ce qui est de la race et de la culture, je pense qu'elles font partie de tout ce que nous examinons, car beaucoup des enjeux liés aux services à la personne touchent les gens marginalisés, et les Premières Nations sont surreprésentées au sein de ce groupe en Saskatchewan.
    D'accord.
    Donald, qu'ajouteriez-vous à cela?
(1625)
    Je peux vous dire que nous avons trois Aînés au sein de notre personnel pour répondre aux besoins de nos clients dans le cadre de notre programme Fais de beaux rêves ainsi que tous nos programmes résidentiels. La majorité de nos clients sont autochtones ou métis, alors cet aspect culturel est important pour eux.
    Ce que j'aime vraiment, là-dedans, c'est que, lorsque je dis que les Premières Nations, les Métis et les Autochtones sont une grande industrie, c'est en fait une Aînée qui a dit cela lorsqu'elle défendait un jeune devant les tribunaux. Je pense que ce qui est tout aussi important dans nos programmes, c'est qu'ils sont axés sur les jeunes et que les clients ont leur mot à dire dans leur plan.
    Je pense que nous nous éloignons progressivement des soins en établissement et cessons lentement de priver les gens de leur liberté dans des foyers d'accueil un peu partout dans notre province. J'ai hâte que ce soit le cas.
    De plus, il y a des Autochtones au sein de notre conseil d'administration.
    Merci beaucoup.
    Voilà qui termine le premier volet de notre séance.
    Au nom des membres du comité, je tiens à remercier tous les témoins d'avoir participé à la séance et de nous avoir fait part de leurs réflexions aujourd'hui.
    Quelqu'un a parlé de Wayne Gretzky — M. McFee, je crois —, ce qui ne laisse pas indifférent le gars de Brantford que je suis. Je connais très bien son père, Walter, et je connais aussi Wayne très bien. Walter, qui était mon entraîneur de hockey au niveau junior B, disait qu'on a aucune chance de marquer sans tirer au but.
    Je pense que vous avez tous tiré au but aujourd'hui, c'est-à-dire vers nous. Nous vous remercions de ce que vous avez dit.
    Nous allons maintenant faire une pause, puis nous reprendrons avec notre second groupe de témoins.

(1630)
    Mesdames et messieurs, je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
    Nous poursuivons maintenant notre exploration du potentiel de la finance sociale au Canada.
    Se joignent à nous pour notre dernière heure M. Jean-Pierre Voyer, président et chef de la direction de la Société de recherche sociale appliquée, et Mme Sheila Currie, associée principale supérieure de recherche. De plus, M. Barret Weber prend part à la séance par vidéoconférence depuis Edmonton. Il est directeur de la recherche au Parkland Institute.
    Chacune des organisations disposera d'au maximum 10 minutes pour présenter un exposé. Je vais vous avertir après neuf minutes, donc lorsqu'il restera une minute, si j'arrive à vous interrompre. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.
    Devrions-nous commencer par la Société de recherche sociale appliquée?

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant le comité aujourd'hui.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous dire quelques mots à notre sujet.
    La SRSA est un organisme de recherche sans but lucratif et indépendant dans le domaine des politiques sociales. Notre organisme a été créé en 1991 à la demande d'Emploi et Immigration Canada et chargé de concevoir, de mettre à l'essai et d'évaluer de nouveaux programmes sociaux. Aujourd'hui, 24 ans plus tard, nous avons mené plus de 200 projets pour des ministères fédéraux, des provinces, des municipalités, des fondations privées et d'autres organismes sans but lucratif. Notre travail touche tous les domaines des politiques sociales au sens large. Ces dernières années, la SRSA a pris part à plusieurs projets portant sur l'application d'un financement fondé sur le rendement et d'une démarche de finance sociale dans le domaine des services d'emploi, de l'éducation des adultes et de la formation.
    Une raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, c'est que, plus précisément, en janvier 2014, EDSC a retenu nos services à titre d'évaluateur indépendant pour deux projets de formation en compétences essentielles. Comme bon nombre d'entre vous le savez probablement, les compétences essentielles sont le degré d'alphabétisation ou les compétences de base nécessaires pour le travail, l'apprentissage et la vie en général.
    Ces projets sont les deux projets de finance sociale lancés avec l'aide du gouvernement fédéral. Le ministre Kenney en a fait l'annonce à l'automne 2013 au Forum mondial des entreprises sociales.
    Dans les deux cas, les investisseurs privés paient la formation au départ et sont remboursés par le gouvernement si la formation permet d'obtenir des résultats préétablis. Vous souhaiterez peut-être jeter un coup d'oeil sur les diagrammes que nous avons distribués pour vous faire une idée de l'architecture appuyant la prestation de la formation.
    Le premier projet pilote, sur la diapo intitulée « Le projet pilote des obligations à impact social en compétences essentielles destinées aux chômeurs », est mené par Collèges et Instituts Canada, CICan, qui joue le rôle d'intermédiaire par rapport à l'OIS. Cette organisation collabore avec quatre collèges du Canada qui sont les fournisseurs de services.
    Le projet vise à inscrire 400 Canadiens au chômage et peu qualifiés à un programme qui porte le nom de Foundations et qui est un programme de formation en compétences essentielles bien établi ayant été mis au point par le Collège Douglas, en Colombie-Britannique. Ce projet constitue une mise à l'essai de ce qui serait considéré comme étant un vrai modèle d'obligation à impact social, dans le cadre duquel des investisseurs privés récupéreront leur investissement de départ plus un rendement pouvant aller jusqu'à 15 %, si la formation est couronnée de succès.
    Le second projet est le contraire du premier. Celui-ci s'adresse aux gens qui ont déjà un emploi. Il est mené par l'Alberta Workforce Essential Skills Society; cette organisation est le promoteur du projet et l'intermédiaire pour le projet pilote.
    Dans ce cas-ci, les employeurs du secteur privé se feront rembourser jusqu'à 50 % du coût de formation d'un maximum de 800 travailleurs, si la formation permet d'obtenir les résultats visés. Il s'agit d'une variante que nous désignons par l'expression « l'employeur est l'investisseur. » Elle s'écarte de l'OIS habituelle, puisque l'investisseur est motivé non pas par le rendement du capital investi en tant que tel, mais plutôt par la possibilité d'un rendement économique découlant de l'amélioration de la formation et de la productivité de son effectif ainsi que par le remboursement des dépenses de formation.
    Dans les deux projets pilotes, le remboursement des coûts de formation par le gouvernement est déclenché par les gains réalisés sur le plan de l'alphabétisation. Le degré d'alphabétisation est mesuré avant et après la formation, et il sert d'indicateur des résultats positifs sur le marché du travail.
    Jusqu'à maintenant, nous appuyons l'organisation menant ces projets dans la conception du programme et nous avons mis au point une formule de remboursement pour les deux projets. Nous travaillons à des scénarios de risque-récompense pour les investisseurs afin d'établir des mécanismes de paiement progressif et la possibilité de comparer l'OIS avec l'investissement sur le marché. Cela devient assez technique, comme vous pouvez le constater.
    Pour placer ces projets dans le contexte de la documentation existante sur les obligations à impact social, je dirais qu'ils possèdent certaines des caractéristiques fondamentales des OIS. Tout d'abord, l'investisseur privé paie le coût intégral de l'intervention au départ; l'OIS vise un problème ou un objectif social et environnemental bien défini — c'est-à-dire la grande vulnérabilité des travailleurs peu qualifiés au sein de l'économie canadienne; et l'activité génère un dividende social et un rendement économique pour les investisseurs. Il y a des avantages sociaux et économiques associés à l'accroissement des qualifications de la main-d'oeuvre, et, dans les deux cas, des investisseurs privés obtiennent un rendement pour le capital qu'ils ont investi. Le remboursement à l'investisseur provient du gouvernement et est lié à des résultats mesurables.
(1635)
    Il y a des économies encaissables pour le gouvernement. Mieux les gens sont formés, plus ils gagnent d'argent, plus ils paient d'impôt, et aussi, moins ils ont besoin des programmes d'assurance-emploi et d'aide sociale.
    Le risque est assumé en tout ou en partie par le secteur privé. Si les résultats souhaités ne sont pas obtenus, les investisseurs privés doivent assumer une grande partie des coûts.
    Cependant, les OIS des projets pilotes ne sont pas comme d'autres que nous avons abordées auparavant, en ce sens que nous mettons l'accent sur des résultats à moyen terme pour le déclenchement du remboursement — c'est-à-dire l'acquisition de compétences — et que cela n'est pas directement lié à des économies mesurables pour le gouvernement.
    Cela montre qu'il n'y a pas qu'un modèle d'OIS, et nous en avons pris conscience assez tôt dans le processus, lorsque nous nous sommes penchés sur la documentation et sur ce qui se fait dans d'autres pays. Il y a différentes façons d'orchestrer ces arrangements.
    Pour conclure, voici des observations clés au sujet de ce que nous avons appris jusqu'à maintenant. Nous ne sommes pas un groupe de défense d'intérêt. Nous pourrions défendre le point de vue d'un groupe, mais nous ne le ferons pas. Nous sommes les évaluateurs, alors nous présentons un point de vue neutre.
    D'abord, nous constatons évidemment que les obligations à impact social et les mécanismes de financement social en général peuvent être très complexes. Définir les résultats positifs, les modalités de remboursement et les indicateurs de succès adéquats, tout cela est assez complexe. Notre façon de procéder a été de fonder la justification du mécanisme de remboursement sur les données relatives aux gains de points tirées d'une intervention antérieure de formation en compétences essentielles afin d'établir un point de repère. Nous cherchons des points de repère dans le processus. Ensuite, nous avons calculé des scénarios de risque-récompense afin d'élaborer un mécanisme de paiement progressif récompensant les degrés de succès plus élevés par des rendements du capital investi également plus élevés. Nous avons dû faire cela, même si nous nous attendions à quelque chose de beaucoup plus simple au départ.
    Les OIS supposent des coûts de transition importants, car beaucoup de gens participent au processus, des investisseurs aux fournisseurs de services, en passant par les intermédiaires. Tous ces gens doivent travailler ensemble, interagir et en arriver à des ententes, et c'est un long processus, alors les coûts de transition sont élevés.
    Au début, ce dont nous avons pris conscience, c'est que, malgré l'intérêt et le soutien politique à l'égard de projets de ce genre, le milieu législatif et réglementaire du Canada n'a jamais entendu parler des OIS et n'était pas bien préparé. L'intermédiaire pour l'OIS visant les chômeurs, Collèges et Instituts Canada, qui est un organisme sans but lucratif de bienfaisance, a dû envisager d'autres structures juridiques pour pouvoir recevoir et administrer les fonds liés à l'OIS. Il a dépensé pas mal d'argent en frais de consultation pour déterminer la façon de procéder.
    Il peut être difficile d'attirer des investisseurs privés. Les éventuels investisseurs vont des fondations bénévoles et autres organismes de ce genre aux organisations qui ont des visées davantage commerciales et qui cherchent à obtenir un rendement sur le marché pour leur investissement. Les gens que nous appelons les « investisseurs qui accordent la priorité aux finances » sont parfois prêts à assumer le risque d'un rendement plus faible si leur investissement sert à une bonne cause, mais ce n'est pas encore la norme.
    Dans le cas du modèle de formation en compétences essentielles au travail, nous avons appris des responsables du projet que les investisseurs peuvent hésiter à faire d'importants investissements au départ. Ils ne connaissent pas bien la formule, et ils sont souvent tentés de recourir à d'autres programmes gouvernementaux où les subventions ou le soutien du gouvernement est connu et plus concret.
    Ailleurs, l'accès à des fonds pour investissement dans des OIS a mené à la création et à la mise en oeuvre d'OIS plus rapidement qu'au Canada, pour de bonnes raisons. Comme vous le savez très bien maintenant, au Royaume-Uni, la création de l'institution financière indépendante Big Society Capital a été un important levier pour l'essor des OIS.
    La troisième chose, c'est la comptabilisation de l'ensemble des coûts et des avantages. Les OIS seraient plus susceptibles d'intéresser les gens et de gagner en popularité non seulement si les gouvernements étaient disposés à rembourser les investisseurs en fonction des économies que leurs propres cadres budgétaires vont montrer, mais aussi s'ils tenaient compte de tous les avantages sociaux et économiques pouvant être générés par une intervention menée à l'aide d'OIS.
(1640)
    Comme je l'ai mentionné, les OIS peuvent exiger beaucoup de ressources. Sans une définition large des avantages, comprenant les avantages pour la société en général et non seulement ceux qui touchent le cadre budgétaire, elles seraient plus difficiles à populariser.
    Une autre difficulté qui existe, au Canada, c'est qu'une bonne partie des économies ne sont pas réalisées par un seul gouvernement. Beaucoup de politiques sociales sont gérées par les gouvernements provinciaux, et ce sont ceux-ci qui vont réaliser la majeure partie des économies. Le gouvernement fédéral en obtiendra aussi par l'accroissement des impôts perçus et par d'autres moyens, mais il faut établir un lien entre les deux pour rendre sensée la mise en oeuvre des OIS.
    Voici ma dernière remarque: nous sommes en faveur d'un examen approfondi des OIS au Canada, mais nous vous demandons de les évaluer soigneusement. Ce n'est pas une recette éprouvée, comme nous avons entendu d'autres témoins le dire.
    Merci.
    Nous allons maintenant écouter M. Weber, qui témoigne depuis Edmonton.
    Veuillez commencer.
    Je travaille pour le Parkland Institute, groupe de réflexion d'Edmonton dont les locaux se situent à l'Université de l'Alberta. Nous ne recevons ni financement ni quoi que ce soit d'autre de la part de l'université, et nous sommes un groupe non partisan qui essaie de faire la lumière sur les nouveaux enjeux touchant les politiques publiques en Alberta.
    J'étais vraiment content d'être invité à prendre la parole devant le comité aujourd'hui, car nous venons tout juste de terminer un rapport portant sur la relation entre le secteur des organismes sans but lucratif et le gouvernement de l'Alberta et sur l'évolution de cette relation au fil des ans et la forme qu'elle prend.
    Notre projet concernait notamment les obligations à impact social et le financement social. Nous étions vraiment contents d'apprendre que vous cherchiez quelqu'un pour en parler. Nous allons publier ce rapport en juin, et nous serions heureux de le communiquer aux membres du comité et à quiconque s'intéresse à la question, et ce rapport placera dans un contexte élargi ce qui se passe par rapport à ce type d'enjeu en Alberta.
    En 2014, Alison Redford a présenté un projet de loi visant à instaurer le financement social en Alberta à partir de sommes provenant du Fonds du patrimoine de l'Alberta et à utiliser 500 millions de dollars sur deux ans pour lancer ces obligations à impact social. Je vais vous faire part de ce que je pense de ce genre de choses.
    Dans le contexte actuel des réductions d'impôt frénétiques auxquelles les gouvernements de l'heure procèdent, il y a un vif intérêt à l'égard de solutions au sous-financement des initiatives visant à régler les problèmes sociaux, surtout dans un régime primaire à faible imposition comme celui de l'Alberta, où le prix du pétrole chute périodiquement et où les revenus du gouvernement peuvent fondre en un instant. Les initiatives fondées sur la spéculation comme le financement social et les obligations à impact social sont vues comme un éventuel moyen de sortir de ce marasme et de financer des programmes sociaux coûteux.
    Le problème que nous voyons, c'est que les éléments de financement social présentés jusqu'à maintenant nous distraient des réductions de dépense et nous amènent à participer à une conversation qui, au bout du compte, est regrettable, en ce sens qu'elle mène à une marchandisation des services sociaux et nous pousse à nous concentrer sur la complexité des chiffres, et non sur les gens. L'un des principaux problèmes auxquels nous faisons face, c'est que le financement social est en ce sens un cul-de-sac. Ce n'est pas une voie qui puisse nous mener quelque part, et c'est un sujet qui engendre des conversations sur les possibilités qui existent, et je suis sûr que vous avez eu des conversations de ce genre. Au bout du compte, cependant, nous délaissons la question du financement adéquat des programmes sociaux.
    Notre rapport porte sur le fait que le financement social nuit aux organismes sans but lucratif. Nous nous sommes concentrés sur les organismes qui s'occupent du bien-être social, ceux qui offrent des services de première ligne aux Albertains. Nous ne voyons tout simplement pas en quoi ces arrangements pourraient être avantageux pour les organismes sans but lucratif. Nous devons envisager le contexte et examiner l'effet de la crise financière de 2008 sur les organismes sans but lucratif et leur difficulté à se rétablir dans la nouvelle conjoncture en Alberta, à la suite d'une période qui a été assez turbulente, comme vous le savez tous.
    J'affirmerais devant vous aujourd'hui que le financement social et les obligations à impact social sont difficiles non seulement pour les travailleurs de première ligne et les gens qui utilisent les services, mais aussi pour les décideurs et les politiciens qui doivent faire la promotion de ces arrangements, qui sont fastidieux, coûteux, exigent beaucoup de capital de départ et dont les résultats sont fondés sur les suppositions, au mieux. J'ai lu beaucoup de choses là-dessus, et même les études les plus positives indiquent que les résultats ne sont tout simplement pas là. Il n'y a pas suffisamment d'études pour justifier que nous adoptions quoi que ce soit de ce genre.
    Prenez le cas de l'Alberta et les raisons pour lesquelles la province a mis ce genre de projets sur les tablettes. Alison Redford était la principale promotrice du financement social, et elle en a parlé lorsqu'elle s'est portée candidate à la direction de son parti en 2011. Même à la toute fin de son mandat, en 2014, elle a présenté un projet de loi qui est resté lettre morte. Comme nous le savons pour avoir vu ce qui s'est passé dans le cas du projet Big Society au Royaume-Uni, il s'agit d'idées difficiles à communiquer aux gens pour leur donner une idée de ce que nous faisons, de l'importance des initiatives et de la façon dont elles renforcent notre société, plutôt que de s'en éloigner et de l'affaiblir.
(1645)
    La quantité de suppositions que nous voyons dans le domaine du financement social, même chez ses défenseurs — il y a énormément de documentation critique sur le sujet — montrent que, essentiellement, les gouvernements à venir devront aider les gens vulnérables, peu importe comment nous envisageons la chose. Je pense que c'est ce qui devrait être au coeur de nos politiques sociales. Que pouvons-nous faire pour soutenir et aider les gens vulnérables? Que pouvons-nous faire pour soutenir et aider les organismes communautaires créés en Alberta depuis les années 1960 et l'époque du gouvernement social-créditiste? Il faut donner de l'ampleur à ces organismes sans but lucratif, les soutenir et les financer généreusement, puisque, au bout du compte, ce sont eux qui préviennent les problèmes sociaux dans les collectivités. Nous devrions chercher à renforcer nos services publics et notre secteur public, et non pas à lui nuire en tournant notre attention vers ce genre de spéculations, vers ce qu'on pourrait appeler le capital de risque appliqué aux problèmes sociaux.
    Il peut y avoir des domaines où les obligations à impact social et le financement social fonctionnent, mais, ce que j'affirme, c'est que, dans le cas des organismes qui s'occupent du bien-être social, nous détournons notre attention des domaines sur lesquels nous devrions nous concentrer, c'est-à-dire la façon dont nous exécutons nos programmes sociaux, dont nous appuyons nos organismes sans but lucratif et la question de savoir si nous fournissons un financement adéquat à ces organisations au fil du temps.
    Dans notre rapport, nous établissons la généalogie de ce mouvement de transfert de la responsabilité du gouvernement aux organismes sans but lucratif et parlons du fait que cela est devenu une obsession et une fascination insensée. Quand on y regarde de près, au fond, il s'agit d'une forme de privatisation. Malheureusement, les responsabilités liées à beaucoup des problèmes en question et à beaucoup de ces initiatives fondées sur la spéculation reviennent non pas au gouvernement — ou peut-être que oui — et non pas au secteur privé, mais bien aux organismes sans but lucratif.
    Les obligations à impact social sont fondées sur des partenariats, mais il s'agit de partenariats formés pour des raisons qui sont toutes mauvaises. Dans le cas du bien-être social, il s'agit du profit réalisé sur les problèmes sociaux et sur le dos d'organismes communautaires démocratiques comme les organismes sans but lucratif. Ainsi, la promesse de fonds nouveaux pour les services sociaux est certainement tentante, mais nous avons la responsabilité d'être conscients du coût que ces initiatives pourraient entraîner en minant les organismes communautaires des petites collectivités, d'endroits comme Rimbey, en Alberta, par exemple. Nous devons vraiment nous pencher là-dessus.
    Il existe un équilibre précaire entre le financement gouvernemental, les dons de charité et le secteur des organismes sans but lucratif au Canada, en Alberta. Le financement social menace cet équilibre en imposant de toutes nouvelles responsabilités aux organismes sans but lucratif comme au gouvernement. Ironiquement, le résultat des efforts déployés en Alberta, comme ailleurs, pourrait consister en des dommages à long terme, non seulement pour le secteur des organismes sans but lucratif, mais aussi pour sa clientèle et pour le gouvernement et la société dans son ensemble.
    Réfléchissons un instant à la liste des avantages qu'on attribue généralement à la prestation de services sociaux par les organismes sans but lucratif: premièrement, il y a l'utilisation efficace de la main-d'oeuvre bénévole; deuxièmement, il y a la capacité de répondre rapidement et de façon souple aux besoins précis dans les collectivités; troisièmement, les organismes sans but lucratif sont moins bureaucratiques; et quatrièmement, les Albertains ont beaucoup de respect pour les organisations sans but lucratif de leur collectivité. Plus on demande aux organisations sans but lucratif de s'attaquer à des tâches vastes et complexes, moins ces tâches pourront être exécutées par leur main-d'oeuvre souvent bénévole et à temps partiel. Il faut qu'il y ait de plus en plus de professionnels mieux formés pour gérer ces nouveaux arrangements. Ceux-ci ne peuvent être conclus à partir des sources habituelles de dons de charité et doivent plutôt être obtenus auprès du gouvernement ou d'une manière quelconque dans le cadre du modèle des obligations à impact social. Mais comme ce nouveau modèle de financement est fondé sur les marchés et la concurrence, qui ne sont pas des domaines auxquels les organismes sans but lucratif sont habitués, ceux-ci se retrouvent à devoir embaucher des professionnels dont les tâches incluent la rédaction de demandes de subvention ou encore à donner ce travail en sous-traitance.
(1650)
    Il vous reste environ une minute, monsieur.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Malheureusement, cela mine chacune des forces bien documentées du secteur des organismes sans but lucratif.
    Puisqu'il me reste seulement une minute, je vais vraiment aller à l'essentiel et dire que, plutôt que de nous concentrer sur le financement social, nous devrions envisager les moyens par lesquels nous pouvons renforcer le secteur public, les programmes publics et le secteur des organismes sans but lucratif d'une façon qui fonctionne pour les organismes communautaires et qui soit adaptée aux problèmes particuliers auxquels ils font face dans un endroit comme l'Alberta.
    Je vais m'en tenir à cela pour l'instant. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Merci de votre témoignage, et nous allons passer aux questions des membres du comité.
    Vous avez la parole, madame Groguhé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de leur apport à cette étude.
     Selon le témoignage du Dr Weber, il est clair que la finance sociale n'est pas pour lui une panacée ou un outil qui va révolutionner le monde social tel qu'on le connaît et permettre de relever les défis qui se posent.
    Docteur Weber, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Vous avez remis les choses en perspective. Jusqu'à présent, on a l'impression que la finance sociale est l'outil magique qui réglera véritablement tous les problèmes sociaux qu'on connaît actuellement.
    Il y a beaucoup d'écueils, dont un est lié au fait qu'on n'a pas assez de recul par rapport à l'utilisation des OIS, soit les obligations à impact social. Dans votre étude, vous dites qu'il ne faut pas aller trop vite et qu'il convient de prendre des précautions avant d'aller de l'avant avec la finance sociale.
    J'aimerais avoir votre avis sur une question bien précise. Quand on parle de finance sociale et de programmes sociaux mis en place par des OBNL, par exemple la prise en charge de personnes en difficulté, quelle est la plus-value de la finance sociale quant à ce que peut faire un organisme lorsqu'il a les moyens de faire son travail?
(1655)

[Traduction]

    D'accord, quelle serait la valeur ajoutée du financement social? Je suppose qu'il faut que je dise que la raison pour laquelle nous avons lancé notre étude, ce n'était pas nécessairement l'examen du financement social en tant que tel. Nous nous penchions en réalité sur les difficultés auxquelles les organismes sans but lucratif faisaient déjà face en Alberta, et le financement social n'est qu'un des éléments. À certains égards, il y a des aspects du financement social qui ne sont pas nouveaux, en ce sens qu'il y a depuis longtemps des tentatives visant à trouver des solutions de rechange pour le financement des programmes sociaux, surtout dans un endroit comme l'Alberta.
    Nous avons examiné en détail la période remontant à 1966, année où la Preventive Social Services Act a été adoptée par le gouvernement social créditiste, jusqu'en 2014, essentiellement. Nous nous sommes penchés sur cette période et sur la relation entre le gouvernement de l'Alberta et les organismes sans but lucratif de la province. Ce que nous avons découvert, c'est l'histoire tout à fait fascinante de l'adoption de cette loi par le gouvernement de l'Alberta, en même temps que la création d'autres programmes, comme l'assurance-maladie. Cela a vraiment été une période de croissance et d'établissement du filet de sécurité sociale au Canada en général, ainsi que du Régime d'assistance publique du Canada.
    Ce dont nous avons été témoins, en Alberta, au fil des ans, c'est un véritable mouvement, sous le gouvernement de Ralph Klein à partir de l'année 1993, et surtout au tournant des années 2000 et par la suite, vers la privatisation de la prestation des services sociaux par tous les moyens possibles. L'objectif de Ralph Klein et de son gouvernement était de limiter les dépenses le plus possible, et l'une des façons d'y parvenir, pour vous donner un exemple très concret, c'était de revoir les services à l'enfance. Ils ont essayé de prendre les aspects des services à l'enfance, peut-être pas celui de l'intervention, mais les programmes de prévention qui contribuaient à garder les familles unies... Ils ont essayé de voir s'ils pouvaient transférer cette responsabilité à d'autres organisations que le gouvernement.
    D'après nos travaux, je discerne les éléments précurseurs de ce mouvement vers le financement social dans ces premiers efforts de privatisation en Alberta.
    Pour terminer rapidement, l'impulsion de départ du Crédit social dans les années 1960, 1970 et 1980 n'était pas nécessairement orientée vers la privatisation: ce n'est certainement pas ce que nous avons constaté. Ce que nous avons découvert, en fait, c'est une politique vraiment intéressante — et je vous encouragerais à jeter un coup d'oeil là-dessus — fondée sur la prévention des problèmes sociaux qui surviennent dans les petites collectivités de l'ensemble du pays.
    Les cinq minutes sont écoulées.
    Monsieur Eglinski, vous avez cinq minutes.
    J'ai une question pour M. Weber. Je suis très surpris de la conclusion que vous avez tirée dans votre étude. Avez-vous jeté un coup d'oeil sur les programmes qui existent à l'extérieur de la province de l'Alberta ou sur des moyens quelconques d'améliorer le financement social?
(1700)
    Non.
    Nous avons examiné de façon générale l'initiative Big Society au Royaume-Uni et la récupération de cet ensemble d'idées en Alberta. Danielle Smith, du Parti Wildrose, a utilisé le terme en 2011, et Alison Redford a clairement été influencée par cela, mais il n'y a pas de lien direct. Ces idées ont assurément circulé en Alberta à partir de 2010, disons. C'est vraiment un sujet dont les gens parlaient; cela ne fait aucun doute.
    Avez-vous reçu les 500 000 $ dont vous avez parlé? Ont-ils été réservés...
    Il s'agissait de 500 millions de dollars.
    Les 500 millions de dollars, oui.
    Non, juste avant que le transfert ait lieu, Jim Prentice a torpillé le projet de loi 1, en décembre 2014.
    Vos réflexions sont très positives, et cela m'ennuie un peu. Je viens de l'Alberta, mais j'ai aussi habité en Colombie-Britannique auparavant. Connaissez-vous des groupes comme le Northern Development Initiative Trust, de Prince Rupert, qui a commencé avec 250 millions de dollars et a investi 55 millions de dollars sur 10 ans dans le financement social? Le montant est encore le même aujourd'hui. Les responsables ont reçu l'argent du gouvernement, ils le gèrent de façon autonome par rapport au gouvernement et ils font du financement social dans le domaine de l'éducation, des affaires et de la formation, entre autres. Et c'est la même chose dans le cas d'un groupe de Vancouver qui fonctionne de façon très similaire; celui-ci fait des affaires avec les banques et utilise de l'argent provenant de coopératives de crédit.
    Je suis étonné que vous ne sortiez pas de votre province, mais que vous présentiez un document très affirmatif selon lequel le financement social ne peut fonctionner en Alberta.
    Parkland Institute est une organisation albertaine, et nous nous concentrons surtout sur cette province. C'est assurément ce qui crée cette impression. Nous nous sommes concentrés sur l'Alberta.
    Je sais que le concept suscite beaucoup plus d'enthousiasme en Colombie-Britannique. Pour être franc avec vous, si Alison Redford avait été première ministre pendant plus longtemps, nous aurions certainement approfondi davantage la question du financement social.
    Mais je pense qu'il est significatif que l'une des premières choses qu'ait faites Jim Prentice ait été de couler le projet de loi 1. Je l'en félicite, puisque, encore une fois, comme vous le savez pour avoir lu ce que j'ai écrit — sans vouloir manquer de respect à l'un ou l'autre des membres du comité ou quoi que ce soit de ce genre —, la documentation sur le sujet indique assez clairement que nous devons prendre beaucoup plus de temps pour discuter et réfléchir avant d'adopter le financement social avec conviction, surtout en ce qui concerne les services sociaux.
    Je répète que nous nous sommes concentrés là-dessus. Nous avons examiné comment le financement social pourrait être utilisé au sein des organismes de services sociaux.
    D'après ce que je comprends en lisant votre document, vous croyez que les services sociaux devraient être laissés entre les mains du gouvernement.
    C'est exact.
    Je n'ai pas d'autre question. Je ne veux pas entrer dans trop...
    Merci.
    Très bien. Si vous voulez céder votre temps, pas de problème.
    M. Cuzner serait normalement le prochain intervenant, mais il a dû partir, alors nous allons passer à M. Butt.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous de s'être joints à nous aujourd'hui.
    J'ai un point de vue différent sur l'entreprise sociale et la finance sociale. Mon point de vue, c'est que je n'ai jamais vu cela comme une façon de remplacer les services que les gouvernements ont le mandat de fournir, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux ou même des administrations municipales. Mon expérience de l'entreprise sociale, c'est habituellement que des gens très créatifs de la collectivité ont cerné un besoin particulier d'aide à fournir, souvent à une population vulnérable qui bénéficie probablement déjà des services sociaux de base. Ces réseaux sont déjà en place, mais, vu la situation particulière dans laquelle les gens se trouvent, ils prennent part à un modèle d'entreprise sociale qui peut servir par exemple à leur fournir du soutien professionnel et des possibilités d'éducation.
    Je vais vous donner un exemple que je connais bien, à Mississauga. Il s'agit du Destination Café. Un groupe s'est formé pour fournir un logement à des personnes ayant des troubles mentaux, ainsi qu'un emploi dans un café. Les bénéficiaires travaillent et ont accès à un logement, et ils continuent de recevoir l'aide de base du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, qui leur fournit un soutien direct au revenu. L'initiative vient compléter ce soutien et leur offre en quelque sorte une occasion de formation et un logement permanent dans certains cas. Nous savons tous à quel point il est important que les gens aient accès à un logement stable pour être en mesure de réorienter leur vie. J'aimerais obtenir l'avis des deux groupes là-dessus. Est-ce que je comprends bien? N'est-ce pas là l'idée fondamentale et le vrai modèle de l'entreprise sociale? Ces types particuliers de programmes concrets ne remplacent-ils pas les services fournis et mandatés par le gouvernement?
    Nous pouvons peut-être commencer par M. Voyer, et ensuite vous pourrez faire un commentaire, monsieur Weber. Cela prendra probablement le reste de mes cinq minutes, monsieur le président.
    Merci.
(1705)
    C'est une opinion, et je pense que je suis d'accord avec vous en grande partie. L'idée de laquelle je pars, c'est que l'État-providence est sous pression partout, et, qu'on soit de la gauche ou de la droite, c'est un fait, si on jette un coup d'oeil sur les tendances. Les instruments de l'entreprise sociale, de la finance sociale et des obligations à impact social permettent tous d'atteindre des objectifs différents, mais, de façon générale, si l'idée est de les utiliser pour remplacer un programme gouvernemental établi dont le but précis est de servir la population, je pense que c'est le mauvais point de départ. Cependant, si ces outils sont utilisés pour favoriser l'innovation dans les politiques sociales — et Dieu sait que l'innovation va être nécessaire, car les besoins sont de plus en plus grands — et s'ils permettent une prestation de services plus efficace... Le gouvernement et même les organismes sans but lucratif ne sont pas toujours un modèle de prestation de services efficace.
    Si nous pouvons trouver des moyens d'améliorer ces initiatives sans les priver de financement... mais s'ils sont financés d'autres façons, peu importe. La documentation sur le sujet n'est pas concluante. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'une mauvaise façon de procéder. Nous devons simplement être prudents, et, comme vous le disiez il y a un instant, il faut déterminer le meilleur moyen de faire ce genre de choses au fur et à mesure. Il va y avoir des essais et des erreurs, et plus d'erreurs que de succès au début, mais cela va finir par être la source d'initiatives inspirantes de la part des organismes sans but lucratif qui ne se seraient pas produites si ceux-ci s'en étaient tenus au processus de financement habituel.
    Monsieur Weber.
    Je suis d'accord avec l'idée générale qui ressort de ce commentaire, c'est-à-dire que l'innovation sociale et les entreprises sociales ne sont pas nécessairement une mauvaise chose, et je ne voudrais certainement pas que mes remarques soient mal interprétées à cet égard.
    Comme je l'ai dit, nous nous limitons assez étroitement au domaine des services sociaux, et je pense que mon propos, c'est entre autres que nous devrions circonscrire assez clairement ce dont nous parlons et ce qui est exclu, parce que, au bout du compte, lorsqu'une vaste spéculation de ce genre a lieu, cela a une incidence sur les organismes communautaires. La chose la plus importante, je dirais, c'est de surveiller l'incidence sur les organismes sans but lucratif, qui doivent maintenant définir leur rôle dans ce nouveau régime réglementaire et établir comment ils arriveront à garder le rythme.
    Une chose que je conseillerais certainement — et cela ressort de ce qui s'est fait au Royaume-Uni aussi —, c'est qu'on veille à ce que les initiatives de ce genre ne soient pas vues comme étant obligatoires, à ce que les gens ne pensent pas qu'il faut utiliser un quelconque mécanisme de financement social pour recevoir les fonds correspondants du gouvernement. C'est l'un des messages importants que je voudrais transmettre, car cela nuit vraiment aux organismes sans but lucratif.
    J'ai parlé en Alberta avec des gens qui ont travaillé dans le secteur des organismes sans but lucratif pendant toute leur carrière à titre de travailleurs sociaux et de consultants, entre autres. Ces gens-là sont très préoccupés par le fait que ce type de modèle amène des organismes sans but lucratif qui, comme je le disais sont moins bureaucratiques et ont en fait pour but de répondre aux besoins dans la collectivité à se préoccuper d'offrir un profit à des organisations commerciales qui prennent part à ces arrangements d'une façon quelconque. Cela modifie la mission fondamentale.
    Je vous conseillerais encore une fois de vous pencher sur l'histoire des organismes sans but lucratif en Alberta. C'est une histoire unique. Elle n'est pas fondée sur l'idée de voir jusqu'à quel point la taille de l'État peut augmenter et autres choses de ce genre. À certains égards, il y a eu un mouvement de va-et-vient vraiment intéressant entre le gouvernement et ces organismes qui a fait en sorte que l'histoire de l'Alberta est unique au Canada. C'est l'une des choses qui nous permettent de justifier le fait de nous être penchés presque exclusivement sur l'Alberta, car l'histoire de cette province est particulière sur le plan de la prestation des services sociaux ou des services sociaux de prévention par l'intermédiaire de groupes comme ceux-ci. Nos préoccupations sont vraiment propres à l'Alberta. Pour ce qui est de savoir s'il y a des répercussions ailleurs...
    La dernière chose que je dirais par rapport à l'État-providence, c'est que je ne pense tout simplement pas que les gouvernements sont aptes à obtenir les revenus nécessaires pour soutenir les programmes de ce genre. L'effondrement se prépare depuis longtemps en Alberta. Pourquoi? Parce qu'on n'a jamais démontré la nécessité de politiques fiscales adéquates pour remplir les promesses faites aux Albertains ordinaires. Je pense que le changement de gouvernement actuel en témoigne, puisque le NPD a été en mesure d'expliquer comment l'accroissement de l'impôt des entreprises pourrait être avantageux pour les Albertains en général.
(1710)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Morin, pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence parmi nous. Leurs témoignages étaient vraiment intéressants.
     Monsieur Weber, j'ai trouvé particulièrement intéressant ce que vous avez dit au sujet de vos inquiétudes en ce qui a trait à la finance sociale. J'aimerais vous donner l'occasion d'élaborer votre point de vue à ce sujet. La finance sociale est une question qui peut intéresser beaucoup d'organismes communautaires et de gouvernements. Je comprends bien le principe, mais j'aimerais connaître l'autre côté de la médaille.

[Traduction]

    Je ne comprends pas bien la question.

[Français]

    Oui, je peux clarifier ma question.
     Je voudrais simplement que vous nous parliez plus en détail des inquiétudes de votre organisation face à la finance sociale. J'aimerais peut-être aussi qu'on me présente les deux côtés de la médaille. Il y a tout de même des aspects positifs à cela. Je le reconnais tout à fait.

[Traduction]

    Certainement. Les aspects positifs tiennent à la promesse de nouvel argent. C'est tentant pour tout le monde, qu'il s'agisse d'un gouvernement, d'un organisme sans but lucratif ou d'une collectivité. Tout le monde veut trouver de nouveaux fonds, alors je comprends. Si c'est possible, très bien. Merveilleux.
    Cependant, sans vouloir assombrir la discussion, je crois que nous devrions examiner les effets réels du financement social sur les organisations. Il s'agit essentiellement d'adopter un modèle dans lequel les organismes sans but lucratif se rapprochent peut-être beaucoup plus qu'ils ne le devraient d'organisations commerciales. En faisant cela, on perd beaucoup des caractéristiques particulières de ces organismes, surtout leur nature moins bureaucratique, ce qui est très important, je crois. Les organismes deviennent beaucoup plus bureaucratiques, et ils doivent apprendre tout cela.
    Je parle avec beaucoup de gens dans le domaine qui sont préoccupés par toute la formation que cela suppose. Qui paie cette formation? Comment les collectivités apprendront-elles à se débrouiller dans ce contexte si les gouvernements menacent de réserver certaines sommes qui seront versées seulement si de l'argent provenant de l'extérieur l'est également. Lorsque des choses de ce genre se produisent, cela soulève des inquiétudes.

[Français]

     Croyez-vous qu'il y ait des inquiétudes à avoir concernant l'autonomie des groupes communautaires?

[Traduction]

    Certainement. Cela ne fait aucun doute, mais le revers de la médaille, pour ce qui est de l'idée que le système actuel ne fonctionne pas très bien, c'est que nous tenons une conversation plus vaste sur ce qu'on appelle la prestation de services fondée sur les résultats. Cela comporte aussi des problèmes, en ce sens que les contrats proposés par le gouvernement de l'Alberta s'assortissent de conditions de plus en plus nombreuses. Les organisations ont aussi des problèmes liés au fait qu'elles doivent embaucher des comptables et accéder à tous les services techniques nécessaires pour démontrer qu'elles mesurent les résultats et qu'elles les obtiennent. Qu'il s'agisse de financement social ou non, même si nous nous en tenons à ce qui est devenu le modèle ordinaire en Alberta, il y a quand même des problèmes. Mais c'est une autre histoire.
    Il y a aussi une série de problèmes auxquels les organisations font face et qui découlent de la prestation de services fondée sur les résultats, même si nous nous en tenons au statu quo. J'avoue que les gens tiennent aussi ces propos ici.
(1715)

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    J'ai terminé. Je n'ai plus de questions à poser.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Armstrong.
    Merci, monsieur le président, et je tiens à remercier nos témoins de leur participation.
    Je vais commencer par M. Voyer. Pour ce qui est du projet pilote, pouvez-vous nous faire un compte rendu de ce qui a été accompli jusqu'à maintenant? Pouvez-vous nous parler surtout de l'évaluation? Nous établissons les objectifs, et l'investisseur privé fournit de l'argent. Il faut que quelque chose soit réalisé. Par ailleurs, il y a l'évaluateur externe. Quels sont les critères? Comment les évaluateurs externes s'y prennent-ils pour enquêter et obtenir les données dont ils ont besoin pour affirmer que nous atteignons les objectifs que le projet devait atteindre?
    Merci. Je vais laisser ma collègue répondre à la première partie de la question, sur la situation actuelle.
    Pour ce qui est du projet dans le cadre duquel Collèges et Instituts Canada est le promoteur et l'intermédiaire, nous en sommes rendus au point où, comme Jean-Pierre le mentionnait tout à l'heure, l'organisation a créé une entité à vocation particulière pour administrer les fonds provenant de l'obligation à impact social. Elle a choisi des partenaires de prestation de services au nom de quatre collèges du pays. Elle sera bientôt en mesure de faire une offre aux investisseurs privés en ce qui a trait à l'obligation à impact social.
    Pour y arriver — et c'est entre autres ce qui rend les obligations à impact social complexes —, nous devions déterminer ensemble les niveaux de référence à partir desquels évaluer le succès. Nous l'avons fait à partir de données provenant de programmes antérieurs de formation en compétences essentielles. Nous avons ensuite établi des mécanismes de paiement progressifs qui permettent de déterminer s'il y a un paiement ou non. Le paiement est fonction du degré de succès.
    Je présume que les quatre collèges avec lesquels vous travaillez ont grandement participé à la conception du processus d'évaluation. Est-ce le cas?
    C'est la SRSA, qui, à titre d'évaluateur, s'est chargée de la conception de l'évaluation. Nous avons participé à la discussion avec les collèges dès le départ.
    D'accord. Ils ont eu leur mot à dire dès le départ, parce que ce sont eux qui offrent le programme. S'ils doivent faire l'évaluation, il faut qu'ils sachent comment elle va fonctionner. A-t-on communiqué avec eux à ce sujet?
    Oui. Notre participation est bien antérieure à la leur, car ce sont des sous-traitants du promoteur, de l'intermédiaire.
    Pour ce qui est des critères de succès, c'est le bailleur de fonds qui les a établis. Il y a une échelle normalisée de mesure de la littératie, et le critère correspond à un gain de 25 points sur cette échelle. Le processus de détermination des points de repère et du mécanisme progressif est très technique, mais il s'agit en grande partie du travail que la SRSA a aidé Collègues et Instituts Canada à faire jusqu'à maintenant.
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, nous jouons trois rôles. C'est un peu inhabituel, et, si vous jetez un coup d'oeil sur le modèle britannique ou sur d'autres modèles américains, vous constaterez que, dans le domaine de la criminalité, l'évaluateur est plutôt un intervenant externe à l'heure actuelle. Nous avons joué le rôle consistant à aider à l'établissement du cadre et à soutenir les responsables. Nous avons un deuxième rôle, qui est de vérifier si les résultats ont été évalués et d'en rendre compte au bailleur de fonds, alors on compte sur nous à cet égard. Le troisième rôle auquel vous avez fait allusion, c'est l'évaluation de l'initiative antérieure. Quelle est la question qui se pose? La question clé est celle de savoir si cette façon de procéder est meilleure qu'une autre. Il est difficile d'y répondre sans mener des projets similaires parallèlement, un qui serait régi par l'obligation à impact social et l'autre, par un mécanisme de financement ordinaire.
    Comme il n'y a pas d'autres projets menés en parallèle, nous nous appuyons sur notre vaste expérience d'évaluation de la façon habituelle de procéder pour formuler des observations sur le caractère adéquat du modèle de l'OIS et sur son fonctionnement. Notre rapport consistera en grande partie en une documentation de la mise en oeuvre — les difficultés liées à l'obtention des fonds et d'autres choses de ce genre — et les attentes de l'investisseur. Nous espérons qu'il présentera beaucoup de leçons apprises, mais il ne s'agira pas d'un rapport définitif permettant d'affirmer qu'il vaudrait mieux offrir ce type de services dans le contexte d'une OIS à partir de maintenant.
    D'accord, c'est donc un peu comme une étude quasi expérimentale dans le cadre de laquelle vous faites une comparaison avec les données antérieures concernant la façon habituelle de mettre en oeuvre une formation de ce type.
    Parlons de l'avenir: si vous respectez votre échéancier, à quel moment allez-vous terminer le projet pilote? Quand pourrons-nous lire ce rapport?
(1720)
    Je pense que la formation se terminera probablement au début de 2017 pour le projet de Collèges et Instituts Canada, et ensuite nous procéderons à notre évaluation. Il y a un suivi à long terme que nous devons faire selon notre accord de financement, 12 mois après la formation, afin de déterminer si les gains de compétence sont maintenus à long terme. Le rapport final sera donc prêt environ un an après cela.
    Le rapport final devrait être prêt en 2018, probablement à l'automne?
    Probablement.
    D'abord, je vous souhaite la meilleure des chances pour la suite de votre travail. Je pense qu'il s'agira d'un rapport très important. Il ne sert à rien de se lancer dans une entreprise de ce genre à moins de pouvoir montrer que cela comporte des avantages importants par rapport à ce que nous faisions auparavant.
    Je vais revenir à ce que je disais et m'adresser de nouveau à M. Voyer.
    Oh, avons-nous terminé?
    Monsieur Armstrong, je vous ai laissé beaucoup de marge de manoeuvre.
    Madame Groguhé, je crois que vous avez une question à poser rapidement.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Weber, vous serait-il possible de faire parvenir au comité votre rapport qui sera publié au mois de juin?

[Traduction]

    Avec plaisir.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Je pense que nous sommes d'accord pour mettre fin aux questions. Nous finissons un peu avant l'heure prévue. Il y a une explication: tous les membres du comité doivent se rendre à la Chambre des communes pour voter, et la distance est assez grande entre l'endroit où nous nous trouvons et l'édifice du Centre. Cela nous donne un peu de temps pour nous rendre là-bas.
    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de participer à notre étude. Merci de votre expertise.
    La séance est levée.
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