NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 10 février 2000
Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Pourrais-je déclarer la séance ouverte, s'il vous plaît? Comme il est 9 heures, je vous incite à prendre vos places.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à plusieurs invités aujourd'hui.
Pour commencer, nous entendrons au nom du Réseau national des associations de la défense, l'amiral Mainguy.
Soyez le bienvenu. Heureux de vous voir.
Je souhaite également la bienvenue à Paddy O'Donnell—c'est un nom très familier pour les O'Reilly et les O'Brien—le vice-président à la planification stratégique de l'Association de l'industrie de la défense du Canada et également représentant du Conseil mixte d'acquisition de matériel de défense, et à Robert Fischer, le président de cette association.
Je m'excuse, je n'ai pas...
Le contre-amiral (à la retraite) Michael Saker (membre, Réseau national des associations de la défense): Mike Saker et je suis avec le RNAD.
Le président: Très bien. Je ne savais pas que vous vous joindriez à nous, mais vous êtes aussi le bienvenu.
Nous approchons de la fin de notre étude sur les acquisitions. Il nous reste encore quelques témoins à entendre. Vous faites certainement partie des témoins que nous voulons entendre et les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser.
Amiral Mainguy, c'est vous qui commencerez? Très bien.
Vous avez peut-être déjà témoigné ou vous connaissez peut-être notre procédure, mais je me permettrais de vous rappeler que généralement nous accordons 10 à 15 minutes aux témoins pour faire leurs exposés préliminaires, s'ils le souhaitent, et ensuite nous passons aux questions.
Sur ce, monsieur, à vous la parole.
L'amiral Dan Mainguy (président, Réseau national des associations de la défense): Monsieur le président, je tiens à remercier votre comité de nous avoir invités à comparaître.
Je suis le président du Réseau national des associations de la défense, petite organisation qui préconise des forces armées appropriées pour le Canada. Nous sommes une organisation nationale. Nous avons deux bureaux, un ici à Ottawa, RNAD Est, et un à Victoria, RNADPAC. Je crois que la ligne de partage se situe à peu près à la hauteur de la tête des Grands Lacs.
Nous comptons des membres d'un bout à l'autre du pays, d'un océan à l'autre. Nous sommes entièrement financés par les cotisations de nos membres et par les dons occasionnels de sympathisants. Cela fait 11 ans que nous existons.
Nous parlons des questions de politique de défense dans un bulletin que nous publions régulièrement. J'en ai apporté quelques exemplaires pour vous les montrer. Je suis le rédacteur de ce bulletin. Tous nos membres en reçoivent un exemplaire. Nous envoyons des exemplaires gratuits aux parlementaires, à un nombre sélectionné de députés, de sénateurs, de journalistes et d'autres personnes intéressées. Vous êtes censés le recevoir, mais il est peut-être caché dans vos piles de documents.
Une voix: Non, je connais votre bulletin.
Am Dan Mainguy: Nous organisons également à l'occasion des colloques pour discuter de questions de politique de défense. Nos membres écrivent des lettres à la rédaction, des articles d'accompagnement d'éditoriaux, etc.
En préparant ce document que je vous lis, j'ai appris par force à comprendre le nouveau concept commercial à la mode, le concept de livraison «juste à temps». J'y ai mis la dernière main ce matin à 5 heures.
L'amiral Saker et moi-même avons été mêlés à la politique des acquisitions de défense à des titres différents. Personnellement, j'ai eu la responsabilité administrative de différents aspects de la politique d'achat d'équipement. L'amiral Saker a longtemps eu la responsabilité technique de différents aspects de cette même politique d'achat.
Nous nous proposons de vous faire un exposé préliminaire puis ensuite de répondre, dans la mesure du possible, à vos questions.
Soit dit en passant, je n'avais pas réalisé jusqu'à il y a environ cinq minutes que ce gentleman, Paddy O'Donnell, est en fait un de mes descendants. Il a été le troisième ou quatrième successeur à mon poste de chef d'état-major adjoint et il sera donc intéressant d'entendre ce qu'il a à dire. J'ai pensé en moi-même qu'il serait utile que vous entendiez le point de vue d'une telle personne, le point de vue d'un chef d'état-major adjoint.
J'ai lu les témoignages précédents. Vous avez été bombardés de détails techniques sur la politique d'acquisition. En tant que chef d'état-major adjoint, je considérais ce domaine comme étant très complexe. D'après ce que j'ai pu lire, je n'ai pas l'impression que cela va en s'améliorant.
La majorité des exemples que je vais vous mentionner au cours des prochaines minutes concernent les bateaux, pour trois raisons: ils sont de loin le matériel le plus complexe que nous achetons pour la Défense; historiquement nous les concevions et les construisions au Canada; et j'ai une connaissance plus intime de ce genre de matériel que des autres.
Je dois reconnaître cependant que les difficultés posées par l'acquisition de matériel militaire ne sont pas un problème nouveau.
Je dois beaucoup à Marc Milner et à son dernier livre, Canada's Navy, pour une partie de ce qui suit.
La Loi du service naval a été proposée par sir Wilfrid Laurier en janvier 1910. Elle prévoyait une marine canadienne composée de 11 bâtiments—cinq croiseurs et six contre torpilleurs—qui devaient tous être construits au Canada sur une période de trois ans pour un budget total de trois millions de dollars. Belle idée.
• 0905
L'opposition voulait consacrer cet argent à une expansion de la
marine royale plutôt qu'à la création d'une marine canadienne.
Néanmoins, la loi a été adoptée en mai 1910. Cependant, en mai 1910,
la gloire de la construction navale canadienne était déjà passée, il
n'y avait pas de chantiers au Canada capables de construire des
bâtiments de guerre. Le gouvernement a fait un appel d'offres auprès
de compagnies britanniques disposées à prendre des associés canadiens
pour construire les bateaux, et à accepter le coût supplémentaire que
cela entraînerait.
La perspective d'un programme naval financé par le fédéral a provoqué différentes réactions. Les croiseurs étaient trop gros pour être construits dans les lacs parce qu'il n'y avait pas de voie maritime à l'époque. Il n'y avait donc pas de retombées pour l'Ontario. L'Ontario, à toutes fins utiles, était contre le programme.
Le premier ministre, qui était le député de Québec-Est, a encouragé la compagnie britannique Vickers à ouvrir un chantier naval à Montréal. Le nouveau chantier naval, Canadian Vickers, a été ouvert en 1911.
Arrivée à ce point, la période de construction des bateaux avait déjà été étendue à six ans. La gamme d'offres proposées pour construire les bateaux se situait entre 8,5 millions de dollars et 13 millions de dollars, avec un certain degré d'incertitude car les chantiers devaient être construits pendant le programme de construction navale.
Le gouvernement était très favorable au libre-échange, connu sous le nom de «réciprocité», avec les États-Unis, et a déclenché des élections en 1911 pour avoir un mandat de libre-échange avec les États-Unis. Il a été battu à plate couture par les Conservateurs.
Le contre-amiral Walter Hose, à la tête de la marine pendant ses toutes premières années de vaches maigres, a rapporté comment Mackenzie King lui avait dit des années plus tard que ce n'était pas la réciprocité qui avait été la perte du gouvernement Laurier mais la question navale. Quoi qu'il en soit, le programme du nouveau gouvernement incluait l'annulation du programme de construction navale, ce qu'il a fait. Nos problèmes d'aujourd'hui, avec les hélicoptères, par exemple, ne sont donc pas nouveaux.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la politique d'acquisition de la défense a toujours posé des problèmes. De mon temps c'était un problème. Le chef d'état-major adjoint a la responsabilité d'allouer les ressources de la défense aux divers programmes approuvés. Il le fait en présidant des comités qui réunissent toutes les parties intéressées, et en essayant de les mettre d'accord. Il jongle donc constamment, toujours anxieux de réaliser ces programmes au moindre coût possible.
S'il fait correctement son travail, il enrage les promoteurs des projets individuels en insistant sur cet élément de moindre coût. Il répète sans fin le même mantra: «Le mieux est l'ennemi du bien», éliminant sans merci toute tendance au superflu, etc. Ses difficultés découlent de ce qu'il considère comme des obstacles au moindre coût. Je crois juste de dire qu'il est habituellement frustré.
Il a pour mission d'utiliser les ressources de la défense pour optimiser les capacités opérationnelles des forces armées. On lui a inculqué que pour tout projet, il ne faut avoir qu'un seul objectif et s'y maintenir alors qu'il se retrouve confronté à une panoplie frisant le ridicule d'objectifs pour la politique d'acquisition du gouvernement, et qu'on l'oblige en permanence à faire des dépenses pour des choses qui, tout au moins à ses yeux, le détournent de la réalisation de son objectif qui est d'optimiser l'efficacité opérationnelle. Il est confronté à un problème simple: Il n'y a pas de règles spéciales pour la politique d'acquisition de matériel de défense. Le système considère ces acquisitions comme n'importe quelle autre acquisition du gouvernement.
J'ai lu la liste d'objectifs que vous a citée Pierre Lagueux lors de son témoignage. Le premier est de satisfaire les besoins opérationnels par le biais d'une approche compétitive, juste et accessible, en optimisant au maximum les ressources. C'est bien. Cependant, le deuxième est de promouvoir les retombées industrielles et régionales à long terme. Le troisième est d'atteindre d'autres objectifs nationaux, y compris les retombées industrielles; la protection de l'environnement, les considérations de bilinguisme; les traités internationaux; les accords commerciaux; et une stratégie de politique d'achat pour les entreprises autochtones. Enfin, l'objectif est d'aider les compagnies canadiennes à devenir compétitives tant sur le marché intérieur que sur le marché international.
Tous ces objectifs ont un prix. Comme quelqu'un vous l'a dit lors d'un témoignage précédent: «Quand vous dites donner 2 $ à la Défense, en réalité vous lui donnez environ 1,50 $». Je doute que quiconque connaisse le coût de ces objectifs multiples.
• 0910
Il y a deux difficultés majeures en matière de planification à la
Défense: l'incroyable durée dans le temps des calendriers des
principaux programmes d'équipement et l'instabilité du financement. La
Défense essaie de se fixer un horizon aux alentours de 15 à 20 ans
alors que les gouvernements ont tendance à se fixer un horizon à trois
ou à cinq ans.
À titre d'exemple, la frégate canadienne de patrouille a été conçue au tout début des années 70 avec l'équipement principal qu'elle devrait avoir, c'est-à-dire, en gros, un armement raisonnable contre les sous-marins, les bateaux et les avions. C'était un pas vers une plus grande polyvalence et un retrait par rapport à une spécialisation dans la guerre anti-sous-marine.
J'ai été personnellement impliqué en 1975 en tant que chef de la doctrine et des opérations maritimes. La nouvelle frégate qui est devenue la frégate canadienne de patrouille puis la classe Halifax, était notre projet principal mais en aucun cas le seul. Nous avions tout l'appui nécessaire au ministère pour nous mettre le plus rapidement possible au travail. Il nous a fallu attendre jusqu'au début de 1977 pour qu'elle ressemble à quelque chose qui puisse être discuté avec les autres ministères.
Lorsqu'ils eurent tous donné leur accord, notre ministre, qui était M. Barney Danson, l'a approuvé et a accepté d'en faire la proposition au Conseil des ministres, ce qu'il a fait en décembre 1977. Il nous a fallu encore près de six autres mois de peaufinage pour élaborer un énoncé de besoins détaillé et encore six autres mois pour préparer des propositions pour l'industrie, ce qui a été encore plus compliqué que ce que je viens de dire.
Je suis alors parti pour aller ailleurs au milieu de 1978 et je suis revenu en 1980 pour constater qu'il nous faudrait encore deux ans et demi avant d'avoir un contrat pour construire ces bateaux. Je crois qu'il y a eu une ou deux élections entre-temps et il nous a fallu reconvaincre chaque gouvernement de la nécessité de poursuivre ce programme.
Le premier bateau a été livré en 1991 et le dernier en 1996; six ans se sont écoulés entre l'approbation du Cabinet et le contrat, et treize ans de plus pour la livraison.
À cause des quelque vingt ans qui se sont écoulés entre la réception du dernier bateau de classe Tribal en 1972 et la livraison planifiée des frégates canadiennes de patrouille nous avons dû procéder à ce qu'on a appelé le «Programme de prolongation de la vie des destroyers» pour respecter nos engagements de défense. Cela a lourdement majoré notre investissement dans la marine, ce que nous n'aurions pas eu à faire si nous avions été un peu plus rapides.
Je crois que le programme de révision des Sea Kings est dans la même catégorie. Il faut leur faire subir de très grosses révisions pour qu'ils continuent à voler jusqu'à ce qu'ils soient remplacés par quelque chose d'autre.
Entre parenthèses, le Programme de frégate canadienne de patrouille nous a donné des bateaux de première classe dont la prestation, je crois, est admirable, démontrant quotidiennement leur excellence. Mais la nécessité de garder les forces armées correctement équipées est inexorable. J'espère que le ministère a des projets sur le feu dans tous les domaines.
Voilà pour les problèmes de calendriers.
Notre système est certainement ouvert et honnête. D'après ce que j'ai pu lire dans les témoignages que vous avez déjà entendus, il apparaît que pour la majorité des acquisitions de défense, qui correspondent à des contrats de moins de 25 000 $, la politique est très allégée par rapport à ce qu'elle était il y a 15 ans. Les pouvoirs d'acquisition ont été délégués vers les échelons inférieurs grâce à des initiatives comme les cartes d'acquisition.
Mais pour ce qui est des grands programmes d'acquisition, nous semblons être totalement hypnotisés par la procédure au point que l'objectif même de l'exercice finit par être facilement oublié. On a l'impression que nous compliquons le système tout en réduisant de manière draconienne les effectifs du personnel nécessaire pour le faire fonctionner.
Pierre Lagueux vous a dit:
-
Il n'y a pas de règles spéciales qui différencient la politique
d'acquisition du ministère de la Défense de la politique générale
d'acquisition du gouvernement. C'est tout à fait différent de ce
qu'on peut constater dans beaucoup d'autres pays, comme par exemple
les États-Unis, la Grande-Bretagne, etc., où les ministères de la
Défense sont régis par des politiques d'acquisition spécifiques et
par des règles spécifiques. Chez nous, c'est la politique générale
d'acquisition du gouvernement qui s'applique à tous les ministères,
y compris la Défense, et par conséquent, la politique des marchés
du Conseil du Trésor s'applique à nos opérations, tout comme elle
s'applique aux opérations des autres ministères.
Si je ne m'abuse, la réduction des personnels techniques devait s'accompagner d'un accroissement de responsabilité pour ceux qui resteraient. Il semble que cela ne se soit pas concrétisé si bien que la compression des effectifs a été moins rentable qu'elle aurait pu l'être.
Je suppose toutefois que le moment est mal choisi pour discuter de délégation de pouvoirs étant donné ce qui se passe dans une autre enceinte.
• 0915
Depuis que j'ai quitté l'armée, ce sont les accords commerciaux qui
constituent les nouveaux facteurs les plus marquants, notamment
l'Accord sur le commerce intérieur, qui s'applique au matériel de
défense. Sans très bien connaître le texte de loi, j'ai l'impression
que ses dispositions, bien que pleines de bonnes intentions, et malgré
la possibilité d'avoir recours au Tribunal canadien du commerce
extérieur lors de contestation, loin de simplifier les processus et de
favoriser une prise de décisions accélérée, ont stoppé les progrès.
La possibilité de contestation éventuelle a abouti à des appels d'offres coûteux et traînant en longueur dans des cas où ils n'ont absolument pas lieu d'exister. Très souvent, ces soi-disant appels d'offres permettent de découvrir un seul soumissionnaire, qui en fait est le seul fournisseur probable.
Il n'y a pas très longtemps, on a essayé de constituer des centres d'excellence, et cela à grands frais pour le ministère de la Défense nationale, qui permettraient à des employés bien formés de garder la main dans divers domaines et sur lesquels on pourrait compter pour des conseils dans leur champ de spécialisation. Cela n'a pas fait long feu. On peut supposer que la tentation d'utiliser les achats de matériel de défense à des fins de développement régional était irrésistible. Il semble que nous ayons désormais abandonné ce qui semblait être une bonne idée et accepté les dépenses supplémentaires qu'il faudra sans doute engager pour mettre en oeuvre un programme.
Je vais m'arrêter là. À mon avis, si nous nous éparpillons tant pour ce qui est du matériel militaire, si nous mettons tant de temps à nous décider et si nous ne pouvons pas compter sur un financement suffisamment stable, il ne faut pas s'étonner que nous n'obtenions pas la pleine contrepartie de l'argent dépensé.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, amiral.
Je vais vous laisser passer le flambeau comme vous le souhaitez, mais je dois vous rappeler que la sonnerie va se faire entendre à 10 h 30 environ. Les membres du comité souhaitent vous poser des questions. J'espère que chacun de nos témoins ne va pas parler pendant 15 minutes car si c'est le cas, nous ne pourrons pas poser beaucoup de questions.
C'est tout. Je me bornerai à vous dire cela. D'habitude, chaque groupe dispose de 15 à 20 minutes. Je vous dis cela d'emblée. Nous avons reçu vos mémoires écrits et nous constatons souvent que c'est grâce aux questions que nous posons que nous découvrons les renseignements que nous cherchons.
Poursuivez.
Cam Michael Saker: Merci beaucoup, monsieur le président.
Malheureusement, je ne vous ai pas envoyé le texte de mon mémoire. Je vais essayer de parler rapidement même si je comprends que cela va rendre la tâche des interprètes difficile.
Je n'envie pas du tout le travail que vous entreprenez. Il s'agit d'une question très complexe. Tout le monde le reconnaît, mais c'est à peu près là où l'entente s'arrête. Ensuite, on entend une vaste gamme d'opinions et de témoignages recueillis auprès des gens les plus divers, et c'est à partir de cela que vous devez travailler.
J'ai été militaire de carrière pendant près de 20 ans et j'ai travaillé de très près dans les services de génie et d'acquisition de matériel militaire. Depuis trois ans, je suis expert-conseil auprès des industriels qui essaient de vendre leurs biens et services au ministère de la Défense nationale. Je vais donc pendant quelques instants vous donner mon opinion sur le sujet en me plaçant tantôt d'un bord, tantôt de l'autre.
Je voudrais rappeler la lutte perpétuelle qui existe entre les industriels et la bureaucratie gouvernementale. Il semble que les premiers critiquent sans cesse les seconds—on prétend que la bureaucratie est trop complexe, trop lente, ignorante des pratiques commerciales modernes. Je vous parlerai des deux premières critiques dans un instant, mais tout d'abord quelques mots concernant les pratiques commerciales.
Tout le secteur industriel ne cesse de mettre au point de nouvelles pratiques commerciales. La plupart des grandes compagnies aérospatiales et de défense essaient de mettre en valeur les dernières tendances pour battre leurs concurrents de vitesse.
Phénomène naturel, le gouvernement met toujours du temps à changer. Par conséquent, les ministères ont constamment du retard par rapport aux nouvelles pratiques commerciales et par conséquent ils prêtent facilement le flanc à la critique. Bien entendu, les bureaucraties tôt ou tard tentent de changer, mais au moment où elles le font, elles traînent inévitablement de l'arrière par rapport aux nouvelles notions commerciales. Ainsi, les critiques n'ont pas de cesse.
Comme la gestion commerciale est normalement cyclique plutôt que linéaire, les deux parties peuvent souvent se retrouver déphasées. À témoin, je prends la tendance des dernières années en faveur de la centralisation des entreprises alors que les ministères suivent toujours la tendance précédente en faveur de la décentralisation.
La conclusion? Les bureaucraties ne seront jamais en phase avec les tendances commerciales et ne vous attendez pas à ce qu'elles le soient.
• 0920
Ma prochaine observation portera sur la complexité des méthodes
d'adjudication de marchés. La plupart de ces méthodes ont été adoptées
en réaction aux erreurs du passé. Ce qu'on a jugé être des fiascos à
la fin des années 60—je pense au réarmement du Bonaventure et à
l'achat de l'hydroptère—a amené la mise en place de méthodes de
gestion de projets et d'adjudication de marchés de défense inspirées
par le Conseil du Trésor.
Dans l'ensemble, il s'agissait là de mesures positives et nécessaires. Toutefois, avec les années, elles se sont développées et affinées—entendez par là qu'elles ont pris de l'expansion—en réaction à chaque changement de politique ou apparence de lacune.
On a rarement tenté d'alléger ou de simplifier ces méthodes et lorsqu'on a essayé il y a quelques années de raccourcir ou de contourner certaines étapes pour accélérer le processus, la bureaucratie et le gouvernement se firent vertement critiquer par le vérificateur général et d'autres critiques, y compris l'opposition. Je pense ici à l'hélicoptère de manoeuvre, au navire de défense côtière et, plus récemment, au programme d'entraînement en vol de l'OTAN au Canada.
Les entreprises exclues de ces projets s'en prennent évidemment elles aussi à ces tentatives de simplification. Comme vous le savez tous, ces dernières années, la Défense et les Travaux publics se sont lancés dans la réforme des marchés, mais j'estime qu'on ignore encore si ces changements auront des effets majeurs ou s'ils ne créeront pas eux-mêmes d'autres problèmes.
Une autre raison qui explique l'alourdissement du processus, c'est le manque de fonds. Lorsque la demande de dépenses d'immobilisations surpasse largement l'offre d'argent, les bureaucraties tendent à créer des méthodes pour établir les priorités et mesurer le degré de disponibilité opérationnelle. Cela explique en partie la frustration dont l'amiral Mainguy a parlé.
Comme je le disais pendant le cours de gestion de projets du ministère de la Défense, et pas tout à fait à la blague, ces filières sont telles que seules les plus hardies persévèrent—drôle de façon de fixer des priorités. Augmentez les fonds et les méthodes se simplifieront d'elles-mêmes.
La réduction du budget de la Défense a touché à la fois les dépenses d'immobilisations et le personnel. Malheureusement, au moment où j'ai quitté les Forces en 1995, je pouvais deviner ce qui allait se passer car j'entendais souvent les gens se demander pourquoi il y avait tant d'employés en gestion de projets. Ils oubliaient opportunément que leurs salaires provenaient du budget d'immobilisations et étaient une dépense normale.
Des réductions de personnel suivirent et les gestionnaires de projets furent touchés comme tous les autres, sans doute davantage. Je pense que cela a beaucoup nui à la capacité du ministère de faire avancer des projets. Le manque de personnel qualifié est une des principales raisons de la réforme en cours.
L'allégement de l'administration et la réforme des programmes des cinq dernières années se sont accompagné du désir déclaré d'accepter de plus grands risques. Comme je l'ai dit, une grande partie de l'alourdissement des 20 dernières années provenait de l'aversion profonde des cadres supérieurs et du gouvernement pour le risque. Toutefois, les promesses de la fin des années 90 ne se sont jamais matérialisées, si l'on songe au drame de la Somalie et aux allégations d'incurie ailleurs. Les hauts fonctionnaires, le gouvernement et la population canadienne—ou plutôt devrais-je dire les médias—ont montré qu'ils ne veulent pas du tout accepter les erreurs qui se produiront. Vous n'avez qu'à lire les manchettes pour apprendre d'autres révélations.
Le fait est que la bureaucratie compte beaucoup moins de gens pour gérer les mêmes processus très complexes et a très peu de marge de manoeuvre pour simplifier la filière et accepter de plus grands risques.
Ma dernière observation, qui figure dans mon document, porte sur le TCCF. Je ne vais pas en parler puisque l'amiral Mainguy l'a fait.
Je terminerai en disant que les marchés publics sont un dossier très complexe. Personne ne reçoit de remerciements pour le travail bien fait, ce qui est le cas la plupart du temps. Pour chaque marché, il n'y a qu'un seul vainqueur et parfois en aval lui-même ne l'est pas.
Le système d'adjudication des marchés publics du Canada est sans doute le plus ouvert de son genre en Occident et continue encore de s'ouvrir. Je me demande toutefois si cela sert au mieux l'intérêt du ministère de la Défense et du contribuable canadien. Je pense ici aux accords commerciaux et du TCCF, dont l'amiral a parlé. Il est de l'intérêt de la Défense et du contribuable canadien qu'ils en aient pour tout l'argent de leurs impôts.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur O'Donnell.
Le lieutenant-général Patrick (Paddy) O'Donnell (à la retraite) (vice-président à la Planification stratégique, Association de l'industrie de la défense du Canada, et représentant du Conseil mixte d'acquisition de matériel de défense): Monsieur le président, comme nous sommes pressés par le temps et que la fin de vos audiences approche, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux que M. Fischer et moi-même revenions un autre jour.
Nous représentons l'Association de l'industrie de la défense du Canada ainsi que l'Association des industries aérospatiales du Canada. Nous représentons également le Conseil mixte d'acquisition de matériel de défense. Je sais que vous tenez à poser des questions. Je pourrais peut-être demander au greffier s'il y a une autre ouverture. S'il n'y en a pas, nous pouvons vous donner rapidement les faits saillants de notre mémoire.
Le président: L'ennui, c'est que notre vie est régentée par ces sonneries. Il semble qu'il nous faudra aller voter, ce que nous ne pouvions pas...
Nous avons le temps d'entendre votre mémoire. Je voulais seulement expliquer que nous avions été interrompus par quelque chose qui n'était pas prévu.
Lgén Paddy O'Donnell: Je comprends.
Le président: Par ailleurs, si vous nous remettez un document, il n'est pas nécessaire d'en faire la lecture au complet. Vous pouvez nous signaler les points qui vous importent le plus, après quoi nous passerons aux questions.
Allez-y car je crois qu'il serait bon de vous entendre aujourd'hui.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le président, j'aimerais que nous ayons une discussion en profondeur avec les témoins. Ils ont beaucoup à nous apprendre. Cela ne sera possible que si nous ne sommes pas à la merci des sonneries. Si possible, j'aimerais qu'ils soient réinvités.
Le président: Je n'ai rien...
Nous serons heureux de vous recevoir une autre fois si vous êtes libres.
M. Art Hanger: Si le comité en décide ainsi, j'en serais heureux.
Le président: Bien sûr.
Tout d'abord, messieurs, habitez-vous Ottawa? Pouvez-vous revenir facilement?
Lgén Paddy O'Donnell: Oui.
Le président: D'accord.
Que veut faire le comité? Voulez-vous entendre MM. O'Donnell et Fischer?
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Entendons-les maintenant puis réinvitons-les.
Le président: Que diriez-vous de ceci? Entendons-les, commençons à leur poser des questions et s'il nous faut plus de temps, nous les réinviterons.
Des voix: Entendu.
Le président: Vous avez la parole.
Lgén Paddy O'Donnell: Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, au nom de mon collègue, Bob Fischer, ainsi que des membres de nos deux associations, je vous remercie de la possibilité qui nous est offerte de comparaître devant vous.
Vous remarquerez par nos données biographiques—vous les avez sans doute sous les yeux—que Bob et moi apportons une perspective à la fois militaire et commerciale à la question des marchés de défense et aux problèmes du ministère de la Défense.
Les entreprises membres de nos deux associations ont un grand intérêt pour les politiques et les processus d'acquisition de matériel de défense, au point où nous travaillons avec un conseil conjoint. Je siège au comité exécutif de l'AIDC et Bob est président de l'AIDC et je suis membre du Conseil mixte d'acquisition de matériel de défense.
Cet exposé ne se concentre pas en détail sur les statistiques de l'industrie. Nous avons inclus, à la place, des données récentes et un aperçu de la valeur en dollars de l'industrie de la défense du Canada avec une copie de la présentation. D'après l'analyse du Dr Bernie Grover ci-jointe, les produits et services d'entreprises de défense oeuvrant au Canada représentent des revenus de plus de 5 milliards de dollars annuellement.
Vous remarquerez dans cette analyse qu'entre 1996 et 1998, le total des revenus de l'industrie de la défense est tombé d'environ 8 p. 100. Cette baisse est due principalement à la réduction de 15 p. 100 des ventes intérieures qui a été compensée en partie par une augmentation des exportations de 7 p. 100. Comme nous le mentionnerons plus tard, l'industrie de la défense craint qu'une détérioration se produise rapidement, à moins que le problème ne soit corrigé par des politiques spécifiques.
L'industrie de la défense contribue de façon significative à l'économie canadienne. Même si le fait est ignoré ou généralement méconnu, la capacité de notre industrie de défense a un impact sur la sécurité nationale et la souveraineté. Les politiques d'acquisition nationales qui favorisent la base industrielle de défense améliorent notre capacité d'approvisionner et de soutenir les Forces canadiennes et accroissent notre potentiel national de mise sur pied d'une force nord-américaine. C'est parce que ces politiques et les pratiques canadiennes d'acquisition de matériel de défense influent directement sur notre rendement que l'examen du comité revêt une si grande importance.
Afin de pouvoir parler du sujet, fort compliqué, dans les quelques minutes dont je dispose, je vais aborder rapidement les principaux problèmes.
La considération primordiale dans ce dossier, c'est que la Défense ne reçoit pas les fonds nécessaires pour respecter les engagements opérationnels relativement modestes du Livre blanc. Vous avez entendu plusieurs chiffres sur l'ampleur du manque à gagner. Nous estimons qu'il s'établit à 8 ou 10 p. 100 par année et qu'il faut de façon urgente une capitalisation supplémentaire dans un proche avenir.
Ce qui est déterminant, c'est que nous soutenons la capacité opérationnelle décrite dans le Livre blanc. Il n'est pas nécessaire de modifier radicalement la politique mais il faut la modifier et la mettre à jour à intervalles réguliers.
• 0930
La capacité opérationnelle des Forces, en qualité et en quantité,
telle que définie dans le Livre blanc représente le minimum de ce dont
le Canada a besoin pour remplir ses obligations nationales et apporter
sa contribution à la paix et à la stabilité internationales.
Ce n'est pas la validité de la politique actuelle qui est en cause. C'est plutôt le manque de volonté de réaliser cet engagement modeste. L'acquisition longtemps repoussée de l'hélicoptère maritime l'illustre bien.
Pareils retards dans l'approbation d'acquisitions majeures nuisent à la capacité opérationnelle de la Défense et ajoutent à ses problèmes de gestion budgétaire puisque de plus en plus d'argent est consacré à un parc de matériel vieillissant. Ces retards nuisent aussi beaucoup aux entreprises de défense qui axent le développement et la production canadienne sur des marchés d'exportation.
Nous félicitons les membres du comité qui réclament l'enrichissement du budget de la Défense. Nous espérons voir les fruits de leur travail dans le prochain budget.
Le deuxième grand problème relevé dans cette analyse, c'est la mesure dans laquelle la Défense tire un avantage maximum des sommes qu'elle dépense. Nous connaissons tous des cas de gaspillage apparent ou de gestion financière douteuse au ministère. Toutefois, les chiffres montrent que le ministère optimise de mieux en mieux ses ressources, au fur et à mesure qu'évoluent la réforme et ses mécanismes de contrôle financier.
Comme l'a dit l'amiral Mainguy, certains facteurs indépendants de la Défense réduisent l'efficacité des dépenses. D'abord, le sous-financement cause des pertes d'efficacité comme des petits lots de commandes, des cycles d'acquisition prolongés ou reportés, de modernisation échelonnée de l'équipement. Les problèmes de trésorerie proviennent alors du sous-financement plutôt que de la négligence ou de l'inaptitude.
De plus, comme dans tous les ministères, la Défense doit respecter les politiques et mécanismes financiers du gouvernement fédéral qui viennent retarder les choses et contrarier l'innovation. Alors que le ministère doit adopter des normes et des procédures commerciales, il lui interdit d'utiliser des pratiques d'adjudication commerciale et de comptabilité qui pourraient atténuer ses problèmes de financement.
Même s'il est probable que la Défense puisse déroger à cette réglementation, l'efficacité du ministère et de l'administration se trouverait grandement améliorée si celui-ci jouissait d'une flexibilité spéciale justifiée par l'ampleur et la nature uniques de ses marchés. Par exemple, une gestion de trésorerie plus souple permettrait de mieux utiliser les ressources. C'est une mesure relativement simple si la volonté de le faire existe.
Ayant reconnu les progrès du ministère en matière d'acquisition, nous sommes convaincus que celui-ci pourrait rapidement améliorer de beaucoup sa productivité en accélérant ses réformes et particulièrement en faisant intervenir l'industrie plus tôt et plus directement dans la planification des acquisitions et leur livraison. Nous mesurons la productivité de la défense en rendement opérationnel: nombre de jours de la marine en mer, nombre de jours de l'armée sur le terrain et jours d'activité aérienne.
Le rapprochement avec l'industrie a pour but d'augmenter le pourcentage du budget du ministère consacré aux opérations par de meilleures prises de décisions et mise en oeuvre en matière d'acquisition.
Ce rapprochement nous permettrait de miser sur des modèles éprouvés de partenariat, comme la formation de pilotage de base, le smart procurement au Royaume-Uni et quantité d'autres expériences aux États-Unis et ailleurs. Encore une fois, nous reconnaissons et appuyons les efforts du ministère en vue de se rapprocher de l'industrie, comme l'illustre sa réforme de l'adjudication et le nombre croissant de mécanismes de remplacement inspirés des pratiques commerciales et qui favorisent un plus grand soutien commercial.
L'industrie de la défense veut tout simplement avancer plus loin et plus rapidement. Nous sommes sûrs de pouvoir accélérer le processus de la réforme, améliorer l'analyse des options de matériel et de service, en participant à l'examen des moyens de répondre aux exigences stratégiques de transport par air et par mer; raccourcir les cycles d'acquisition et réduire les coûts d'appui sans compromettre la capacité opérationnelle.
À cette fin, nous demanderons que le ministère appuie l'idée de créer un conseil ou un comité Défense-industrie ayant pour mandat de maximiser les avantages réciproques d'un meilleur partenariat entre le ministère et l'industrie de la défense. Cette entité n'a pas pour but d'exercer des pressions en faveur de telle ou telle entreprise. Nous souhaitons plutôt disposer d'un groupe et de mécanismes qui permettront au ministère de profiter de l'expertise de l'industrie tout en donnant à l'industrie des prévisions justes pour l'avenir.
Monsieur le président, nous demandons le soutien du comité à cette proposition.
Je vais maintenant laisser à mon collègue Bob Fischer le soin de compléter notre exposé.
Le lieutenant-général Robert (Bob) Fischer (à la retraite) (président, Association canadienne des industries de défense): Merci, Paddy.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, la dernière partie de l'exposé portera sur des points particuliers qui préoccupent l'industrie de défense canadienne. Certains points touchent directement l'ampleur et les pratiques d'acquisition du ministère, d'autres sont de nature plus stratégique.
• 0935
Plus tôt, on a mentionné l'impact négatif pour l'industrie de défense
canadienne de la réduction ou du report des dépenses d'acquisition du
ministère. Le résultat est une baisse des recettes et des emplois. De
plus, comme les besoins du ministère ne suffisent pas à faire vivre la
plupart des compagnies canadiennes, il est de règle d'optimiser les
ressources de vente aux États-Unis et sur d'autres marchés étrangers.
En général, il est beaucoup plus facile d'exporter des produits et services utilisés par les Forces canadiennes. Inversement, sans demande au Canada, les débouchés à l'étranger diminuent et l'industrie de défense régresse.
Il ne s'agit pas de créer une demande artificielle. C'est un argument convaincant en faveur de l'approbation diligente, par le gouvernement, des acquisitions.
Comme d'autres témoins vous l'ont sûrement déjà dit, le gouvernement est pressé de façon urgente de régler un certain nombre de questions fondamentales en matière d'acquisition.
Tout d'abord, la clarification et l'application des politiques fédérales d'achat profiteraient à l'État, au contribuable et à l'industrie de défense. Vous verrez dans le document des exemples que je ne citerai pas.
Deuxièmement, il faut que l'État et l'industrie se penchent ensemble sur les besoins et la nature de la politique industrielle de défense du Canada. Avons-nous besoin ou voulons-nous d'une industrie nationale ou acceptons-nous que nos besoins soient satisfaits par le marché international, quelles que soient les conséquences pour la sécurité des approvisionnements et la croissance de notre industrie? En l'absence d'une politique claire et vu la demande relativement limitée de matériel de défense au pays, notre industrie de défense risque de se réduire comme une peau de chagrin.
La situation et l'importance de notre relation de défense avec les États-Unis soulignent l'urgent besoin de cette politique industrielle. Les États-Unis sont le principal marché et la principale source de technologie de notre industrie. Ces derniers mois, le Département d'État américain a en fait éliminé ce qui restait de notre accès privilégié à nos sources et clients des États-Unis. Je veux parler des changements unilatéraux apportés en avril 1999 à la réglementation du Trafic international des armes ou ITAR, qui nuisent gravement à notre industrie de défense.
À notre avis, nous devons agir rapidement pour limiter les dégâts qui risquent d'être sérieux pour notre industrie en introduisant des initiatives visant à rétablir notre statut précédent au sein d'une zone de commerce de défense nord-américaine. En plus, dans la prise de décisions relative aux acquisitions, nous devrions recourir davantage aux dispositions concernant la sécurité nationale afin de soutenir notre base industrielle de défense.
J'aimerais préciser que nous ne voulons pas de politiques qui soutiennent des entreprises canadiennes non compétitives. Mais nous demandons au gouvernement de reconnaître que la base industrielle de défense au Canada est en péril et qu'il est essentiel d'établir des politiques qui correspondent à notre intérêt national. Nos associations ont l'intention d'inviter les ministres du gouvernement à appuyer les initiatives de politique industrielle de défense.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais reconfirmer les points suivants. Premièrement, le manque de financement est sans contredit le principal problème à la Défense nationale. Deuxièmement, une accélération de la réforme d'acquisition augmentera les bénéfices de chaque dollar dépensé par la Défense nationale. Troisièmement, un partenariat immédiat plus complet avec l'industrie sera très bénéfique à la Défense nationale et à l'industrie. Je crois que M. Taylor vous en a longuement parlé il y a deux jours. Enfin, il est très important que le fédéral s'intéresse sans délai aux politiques de l'industrie de la défense.
Merci beaucoup, monsieur le président. Nous allons répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, messieurs, pour ces exposés. Nous marquons un peu de retard, désolé, mais si vous voulez ajouter autre chose à vos exposés, nous serons heureux de vous écouter.
Nous allons passer aux questions. Si les membres du comité ont encore d'autres questions à vous poser au moment de l'ajournement, nous pourrons certainement vous réinviter.
Nous allons commencer avec M. Hanger du Parti réformiste.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, messieurs.
J'ai été vivement impressionné hier lorsque j'ai pris connaissance des principes d'acquisition que l'on veut imposer en Grande-Bretagne. Je crois savoir qu'on est sur le point de le faire là-bas. L'industrie est engagée dès le départ, du stade de conception jusqu'à la fin.
Proposez-vous un principe semblable?
Lgén Paddy O'Donnell: Monsieur le président, ce serait à peu près le même genre de cadre. Nous avons des protocoles financiers et des règlements gouvernementaux qui compliqueraient de beaucoup l'adoption de ce concept, mais au moins, une intégration plus étroite de nos compétences industrielles et du ministère de la Défense nous permettrait largement d'accélérer le processus d'acquisition lui-même et nous donnerait aussi, je crois, une meilleure compréhension de ce qu'offre le marché pour combler les besoins du service.
• 0940
La réponse est donc oui, partiellement, mais j'hésiterais à modifier
trop radicalement toute l'infrastructure d'acquisition. Nous avons vu
par le passé que c'est très difficile à faire. Je préférerais pour ma
part procéder par étape.
M. Art Hanger: D'accord.
Je crois que c'est M. Saker, ou M. Mainguy, qui disait au comité qu'il avait fallu environ six ans pour mettre en marche la construction des frégates, de la conception à l'adjudication.
Am Dan Mainguy: De 1977 à 1983.
M. Art Hanger: J'ai les chiffres sur les trois dernières frégates qui ont été livrées par les chantiers navals britanniques aux forces armées. Il en a coûté 400 millions de livres sterling pour les trois. Les nôtres, lorsqu'elles nous ont été livrées, coûtaient entre 4,5 milliards de livres sterling et 5 milliards de livres sterling pour les 12.
Cela dit, je ne suis pas très fort en arithmétique, mais ça fait 1,6 milliard de livres sterling, si l'on prend 12 frégates construites par les Britanniques, comparativement aux 4,5 à 5 milliards de livres sterling pour les frégates qui ont été livrées au Canada. C'est trois fois le coût par unité.
Est-ce qu'une bonne partie de ce coût supplémentaire pourrait être attribuable aux six années qu'on a prises pour concevoir ce projet et le mettre en branle?
Cam Michael Saker: Me permettez-vous de répondre à cette question?
J'ai été au bureau de projet pour les frégates pendant sept ans. Pendant nos travaux, on a posé justement cette question au sujet du coût des navires d'autres pays. Le problème au Canada, c'est que l'on compte absolument chaque dollar que l'on dépense pour un projet et on l'ajoute au coût total du projet, ce qui comprenait, à l'époque, ma solde et la solde de tous les membres de l'équipe chargée du projet.
Nous avons alors procédé à une étude paramétrique de la frégate de type 23, de la frégate de catégorie M, du F57 et de la frégate canadienne de patrouille au niveau de la taille, de la capacité opérationnelle de chaque élément, de la taille de l'équipage, et tout le reste.
Bien sûr, il faut aussi exclure ce qu'on appelle le matériel «fourni par l'État», c'est l'expression qu'on emploie aux États-Unis et ailleurs. Autrement dit, il s'agit du matériel qui nous parvient d'un programme différent, que l'on installe sur le navire, et qui n'est pas nécessairement compté.
Il est ressorti de tout cela, après que nous ayons étudié la question et tout pris en compte, je crois—et l'amiral sera probablement d'accord—que la capacité opérationnelle accrue d'une frégate canadienne de patrouille par rapport au type 23 était, dollar pour dollar, très semblable.
Il faut tenir compte également du prix barre en mains, ou de ce qu'il en coûte pour ajouter un navire de plus au programme. Dans le cas de la frégate canadienne de patrouille, c'est environ 470 millions de dollars. Il faut aussi comparer ce coût à ceux des autres aussi. Cela comprend tout, y compris des cambuses complètes, les munitions, et tout ce qu'on retrouve à bord d'un navire.
Ce sont donc là des calculs très complexes, et je pense qu'il faut être prudent dans l'utilisation de ces chiffres.
M. Art Hanger: D'accord. C'est bien. Je vous remercie de votre réponse.
Le président: Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur O'Donnell?
Lgén Paddy O'Donnell: Oui. J'aimerais seulement faire une autre observation.
De toute évidence, avoir un bureau de projet en marche pendant aussi longtemps augmente le coût, mais dans certains cas, la durée du programme dépend de la programmation du financement. Vous n'avez que certains montants d'argent à dépenser, certaines années, et cela en soi prolonge le processus énormément dans certains cas.
M. Art Hanger: D'accord.
On a dit qu'on donne 2 $ à la Défense nationale, mais qu'en réalité, on leur donne 1,50 $. Autrement dit, on perd environ un quart de ces 2 $ à la livraison.
Qu'est-ce qui en advient?
Am Dan Mainguy: Je l'ai dit, et je citais un témoignage que vous avez entendu plus tôt. Je ne veux pas avoir à expliquer la différence exacte.
• 0945
Tout cela visait à illustrer le fait que nous avons des objectifs
multiples, et chaque objectif en matière d'acquisition pour la défense
suppose un certain coût. L'un des témoins précédents a estimé qu'un
crédit de 2 $ à la Défense nationale aboutit à une dépense réelle de
1,50 $ pour le programme lui-même. Le reste sert à atteindre d'autres
objectifs.
M. Art Hanger: Et ces autres objectifs sont...?
Am Dan Mainguy: Eh bien, je vous les ai expliqués.
M. Art Hanger: Ah, d'accord. Oui, maintenant je comprends.
Dans la proposition du Royaume-Uni, on dit que de la conception à l'évaluation, on dépense 15 p. 100 du budget. Cela comprend l'industrie, ou peut-être les grands acteurs qui pourraient répondre à l'appel d'offres pour le marché. Telle est la proportion du coût que l'on a fixée.
Am Dan Mainguy: Pardonnez-moi, de la conception à...?
M. Art Hanger: À l'évaluation. Autrement dit, jusqu'au moment où l'appel d'offres est lancé.
Diriez-vous que c'est semblable à ce qui se passe dans le processus d'acquisition ici au Canada, ou perdons-nous plus que 15 p. 100 du coût?
Cam Michael Saker: Je dirais que c'est à peu près cela, oui.
M. Art Hanger: Vous dites que l'on fait la même chose ici alors.
Cam Michael Saker: Oui.
Lgén Paddy O'Donnell: Est-on bien sûr de parler de la même chose, à savoir que cette partie du cycle coûte 15 p. 100?
Cam Michael Saker: Du jour où une équipe chargée du projet est essentiellement créée, 15 p. 100. Cela comprend les études de faisabilité, les études sur la définition du projet, les études sur la définition qui sont potentiellement financées et le reste. Oui, 15 p. 100 me semble une proportion assez raisonnable. Ce pourrait être moins.
M. Art Hanger: D'accord.
Cam Michael Saker: Tout dépend du projet.
Lgén Paddy O'Donnell: J'ajoute qu'à mon avis, la proportion de 25 p. 100 mentionnée plus tôt et qui serait le coût des processus que l'on a décrits serait, à mon avis, très élevée relativement au processus concurrentiel dans lequel nous sommes engagés maintenant... et tout dépend dans quelle mesure le gouvernement est efficace dans la négociation des marchés. De nos jours, c'est beaucoup plus serré.
Je crois que le gouvernement a un rôle d'encadrement à jouer. Il doit tenir compte des intérêts nationaux. Il doit certainement tenir compte des intérêts relatifs à la sécurité nationale. Il s'agit beaucoup plus de savoir comment le gouvernement joue ce rôle que de savoir s'il a un rôle légitime à jouer.
M. Art Hanger: Merci.
Le président: Merci, monsieur Hanger.
[Français]
Monsieur Laurin, du Bloc québécois, je vous accorde sept minutes.
M. René Laurin (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président. Ma première question porte sur une affirmation qui figure à la page 4 de l'exposé que nous a présenté M. O'Donnell. À ma grande surprise, on y indique que l'objectif que l'on vise à atteindre par une plus grande intégration avec l'industrie est une augmentation du pourcentage du budget du ministère de la Défense. Je me serais plutôt attendu à ce qu'on dise qu'une plus grande intégration de l'industrie de la défense avec le ministère serait le gage d'un meilleur rendement à un moindre coût. Lorsqu'on a traduit votre exposé, on a peut-être mal rendu votre pensée. Cette affirmation me porte à croire que le ministère devrait dépenser davantage. Il est rare qu'on veuille poursuivre un tel objectif. Bien que cela puisse peut-être représenter pour vous un objectif, il ne correspond pas à celui du ministère et du gouvernement. Mais je conviens toutefois que quand cela s'avère nécessaire, le ministère puisse vouloir augmenter ses dépenses. Je voudrais que vous reveniez sur cette question et que vous précisiez votre pensée.
Lgén Paddy O'Donnell: Je vais vous répondre en anglais, si vous me le permettez.
[Traduction]
Encore là, le problème consiste à optimiser les crédits dont l'on dispose. Ce qu'il faut, c'est être plus efficient et avoir plus d'argent. Il faut les deux: plus d'argent pour le programme et plus d'efficience à l'intérieur du programme.
Lgén Robert Fischer: Monsieur Laurin, vous avez mis le doigt sur le problème. La traduction est fautive.
M. René Laurin: Je me doutais bien que c'était le cas et c'est pourquoi je vous ai demandé des précisions.
J'arrive d'une conférence aux États-Unis à laquelle participaient 14 pays de l'OTAN et où l'on discutait justement des acquisitions des armées européennes et de l'armée américaine. Les États-Unis semblaient dire qu'il y aurait avantage à ce qu'il y ait une meilleure coordination des achats. On allait même jusqu'à dire qu'on comprenait mal que les pays d'Europe dépensent tant pour leur défense nationale alors qu'il devrait y avoir réunification de tous ces pays en vue d'assurer l'intégrité et la sécurité des pays formant l'Union européenne. Est-il avantageux que ces armées fassent des achats conjoints ou que les équipements de défense achetés soient interopérables d'une armée à l'autre, par exemple dans le cas des missions à l'étranger?
Où se situerait le Canada dans un effort de rationalisation comme celui-là? Le Canada est aussi un pays de l'OTAN et il est même le voisin des États-Unis. J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.
Lgén Robert Fischer: Je vais traiter d'un élément qui se rattache à votre commentaire et qui porte sur ce qu'on appelle en anglais l'interoperability.
Lorsque les pays de l'OTAN décident d'acheter de l'équipement de défense indépendamment, par exemple des munitions ou des carburants, ils devraient s'assurer que les systèmes qu'ils choisissent sont compatibles et puissent travailler ensemble. On retrouve à l'OTAN une foule de documents où l'on décrit les normes de standardisation qui devraient s'appliquer à cet équipement.
Par exemple, si le Canada décide d'acheter un véhicule blindé chez General Motors à London, le design du véhicule doit être conforme à une grande partie de ces normes bien que le véhicule ait été conçu au Canada pour les Canadiens. Il peut être quelque peu différent du char blindé qu'on retrouve en France ou en Angleterre, mais il devrait être conforme aux normes de standardisation que doivent respecter tous les pays de l'OTAN.
Le deuxième point que vous avez soulevé est peut-être le plus difficile à résoudre. Bien qu'il paraisse logique que les pays de l'OTAN se regroupent et fassent des achats en commun, les intérêts nationaux font généralement en sorte qu'un tel projet est quasiment impossible. Depuis déjà trois ans, les États-Unis et la Grande-Bretagne songent à l'acquisition d'un char d'assaut blindé de reconnaissance. Le Canada a une faible participation dans ce projet dans lequel l'entreprise pour laquelle je travaille est engagée. Les États-Unis et la Grande-Bretagne n'ont toujours pas réussi à concilier leurs exigences et, selon moi, il est peu probable que ce projet commun soit concrétisé.
Il y a de nombreux autres exemples de projets qui ont été abordés dans cette même optique. Le Canada opère aujourd'hui le char d'assaut Leopard parce que les efforts des pays comme les États-Unis et l'Allemagne en vue de concevoir un char blindé commun pour l'OTAN ont échoué. De tels échecs ont poussé les pays à développer indépendamment leurs systèmes.
L'objectif de départ est certainement logique lorsqu'on l'étudie en fonction de la politique interne de certains pays, c'est-à-dire au niveau bilatéral. C'est un objectif très difficile pour le Canada, qui n'est pas un pays de l'Europe et qui, même s'il souhaiterait travailler avec les États-Unis, se retrouve face à une échelle très différente.
M. René Laurin: Est-ce qu'il y aurait un avantage à ce que les Forces armées canadiennes ou l'industrie de la défense canadienne se spécialisent dans certaines productions et achètent à l'étranger d'autres produits plus spécialisées?
• 0955
Puisque le Canada a une expertise extraordinaire en
télécommunications, est-ce que l'industrie de la défense ne devrait
pas entre autres se spécialiser dans ce domaine et faire appel à
l'étranger pour l'acquisition d'autres articles? Cela lui
permettrait-il de faire des économies très importantes?
[Traduction]
Lgén Paddy O'Donnell: Si vous le permettez, c'est en fait tout à fait compatible avec la manière dont les acquisitions se feraient. À l'extérieur, les pays vers lesquels nous exportons nos produits et nos services utilisent ces produits parce qu'ils sont pointus, et il faut ajouter à cela le fait que nos taux salariaux sont bons. À titre d'exemple, il existe donc une spécialisation qui résulte davantage du processus concurrentiel que de la division naturelle du travail entre les alliés.
Donc, oui, cette spécialisation présente un avantage économique très important, et elle existe, mais elle n'existe pas en conséquence d'une formule quelconque où les pays s'entendent pour que le pays X produise le produit Y, et l'on subdivise le travail ainsi.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Laurin.
[Traduction]
Monsieur Proud.
M. George Proud: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je crois parler au nom de tous ici présents en disant que le principal objectif de notre comité est d'obtenir davantage de crédits pour le ministère de la Défense nationale. Une résolution que nous avons adoptée récemment en témoigne. C'est une partie très importante du processus, et je pense que c'est une partie très importante du processus d'acquisition.
Selon une brochure produite par la Direction des contrôles à l'exportation du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, la politique de défense du Canada est «tributaire d'importations». À votre avis, cette affirmation décrit-elle bien l'état des choses, et quels sont les effets d'une telle politique sur l'industrie de défense du Canada? À votre avis, convient-il de demeurer tributaire des importations, ou conviendrait-il de nous doter nous-mêmes de nos propres capacités?
De même, pourrait-on mieux utiliser l'infrastructure industrielle du Canada pour créer une industrie de défense canadienne autosuffisante et autonome? Si la réponse à cette question est oui, quels changements faut-il apporter pour faciliter cela?
Lgén Paddy O'Donnell: Je vais commencer, seulement pour situer le problème. Sur le plan pratique, ce serait un objectif merveilleux, et ce serait certainement le cas pour notre industrie. Mais les besoins du Canada et, en termes industriels, la demande réelle provenant des forces armées et du ministère ne suffiraient pas à soutenir un processus complet d'acquisition de produits et de services. Ce que nous essayons de faire, c'est d'utiliser au maximum les compétences dont nous parlions il y a quelques instants dans ces domaines où nous occupons un créneau particulier et où nous avons démontré que nous avions la capacité voulue pour offrir au marché international des produits éprouvés et de première qualité.
En effet, historiquement, notre relation avec les États-Unis était fondée sur une solution industrielle nord-américaine. La réalité veut simplement que nous ne suscitons pas suffisamment de demande au sein de notre pays pour offrir toute la gamme des services de défense.
On pourrait faire valoir qu'il faudrait surtout s'intéresser aux ramifications de la mondialisation et à la révolution dans le milieu militaire, etc., pour toute discussion sur une politique. Nous réclamons pour notre part que le Canada participe à ces grands débats. Ce qui nous inquiète dans notre relation avec les États-Unis, laquelle se détériore du point de vue de l'industrie de défense, c'est que nous n'avons pas porté assez attention aux activités entreprises par le Département d'État. Cela nous a déjà coûté cher. Nous craignons qu'il ne nous en coûte encore plus cher à l'avenir.
Lgén Bob Fischer: Monsieur Proud, vous citiez un document d'affaires externe...
M. George Proud: Non, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Lgén Bob Fischer: D'accord. Si je vous comprends bien, vous avez lu que notre politique d'approvisionnement est tributaire des importations. C'est certainement exact dans la mesure où notre infrastructure industrielle de défense n'a tout simplement pas la capacité voulue pour fabriquer ou livrer les systèmes dont la Défense nationale a besoin.
• 1000
D'ailleurs, je demanderais ici à mes collègues de vous parler, par
exemple, du contenu canadien réel de la frégate canadienne de
patrouille. Nous avons peut-être bâti la coque et nous avons peut-être
bâti un tas d'autres systèmes, mais je dirais que les groupes
propulseurs et un bon nombre des systèmes de contrôle ont tous été
importés.
Donc, si l'on considère l'aspect démographique, si je puis dire, de l'industrie de défense du Canada, dans son sens le plus large... j'inclus ici le secteur de la défense aérospatiale. Soit dit en passant, je vous recommande la lecture, si vous ne l'avez pas déjà lu, du supplément que nous avons inséré dans le Hill Times de la semaine dernière pour vous donner une idée de la question.
Nous n'avons tout simplement pas les moyens au Canada de fournir aux Forces canadiennes un nouvel avion de chasse. Nous leur avons livré le F-18—et peut-être que mon collègue, Paddy O'Donnell, peut vous donner un aperçu de son degré de contenu canadien—mais le fait est que les industries de défense du Canada occupent aujourd'hui des créneaux sur le marché mondial.
Je n'essaie pas de faire de la réclame ici, mais le fait est que je suis au service de Computing Devices Canada. Cette entreprise est établie au Canada depuis 1948. Nous sommes peut-être aujourd'hui la première ou la deuxième entreprise militaro-industrielle au Canada, mais dans les faits, aux États-Unis, nous ne comptons pas pour beaucoup. Nous sommes peut-être la plus grande industrie au Canada, mais même à cela, nous nous limitons strictement aux systèmes acoustiques pour la marine, aux systèmes de conduite de tir pour l'infanterie, et aux systèmes de commandement et de contrôle, par exemple, pour certains éléments des forces aériennes. Nous n'offrons pas des capacités tous azimuts.
Si l'on ajoute à cela toutes les autres entreprises du secteur de la défense, directement ou indirectement, cela représente ce dont nous parlons aujourd'hui, à savoir l'infrastructure industrielle de défense du Canada, et elle est incapable de combler tous les besoins de la Défense nationale. De toute évidence, la Défense nationale acquiert des systèmes qui, au départ, ont été conçus ailleurs. Le gros de la technologie provient des États-Unis.
M. George Proud: Nos industries sont-elles utilisées à plein par les créneaux qu'elles occupent?
Lgén Bob Fischer: Y a-t-il des entreprises canadiennes dans ces créneaux? S'il s'agit d'une toute petite industrie, très concentrée, elle peut survivre, comme nous l'avons dit, avec les commandes de la Défense nationale, mais c'est de moins en moins le cas.
M. George Proud: La solution, c'est donc l'exportation.
Lgén Bob Fischer: Absolument. Je vais vous donner un exemple.
Je reprends l'exemple de mon entreprise à moi. Dans les années 90, 70 p. 100 de nos recettes provenaient du Canada. Il en était ainsi parce que nous exécutions le plus grand projet de communication de l'infanterie depuis huit ans. Nous allons livrer ce système, ou mener à terme ce projet, dans 18 mois.
Pour ce qui est des années à venir, nos exportations vont générer 70 p. 100 de nos recettes—soit exactement la situation inverse. Les grands acteurs dans cette industrie doivent être concurrentiels, ils doivent chercher des débouchés sur le marché international, et cela coûte cher. Il y a les voyages et tout le reste. C'est plus risqué aussi. Vous n'êtes pas sur le terrain. Vous ne connaissez pas le milieu, et vous vous butez à des joueurs de stature internationale dans ce domaine.
Il est donc facile de dire qu'on devrait avoir une envergure internationale et chercher vigoureusement à obtenir ces marchés, mais c'est autre chose de les obtenir réellement.
Le président: Merci, monsieur Proud.
M. George Proud: Ai-je le temps de poser une autre question?
Le président: Non, vous n'en avez plus le temps. Je mets cependant votre nom sur la liste pour le deuxième tour.
C'est maintenant le tour de Mme Wayne.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais tout simplement dire à mon collègue du Parti réformiste que nous construisons les meilleures frégates au monde à Saint John, au Nouveau-Brunswick.
Des voix: Bravo, bravo!
Mme Elsie Wayne: Nous avons un chantier naval des plus modernes. Il a tout simplement besoin de se développer et il faut que le MDN le reconnaisse.
Si vous le reconnaissez aussi, Art, alors tout ira bien...
Des voix: Oh, oh!
Mme Elsie Wayne: ... parce que nous allons changer les choses. Ce ne fait aucun doute.
Je reviens tout juste d'une visite aux États-Unis. J'ai eu l'occasion de rencontrer l'ambassadeur là-bas. Vous faites allusion ici aux ITAR (exigences concernant les permis d'exportation aux États-Unis) et vous nous dites que des décisions ont été prises de façon unilatérale. Voulez-vous dire que les États-Unis ont pris des décisions et nous les ont tout simplement imposées? Pourriez-vous s'il vous plaît me donner un peu plus de détails à ce sujet?
Lgén Bob Fischer: Les ITAR sont des règlements américains. Ils dictent non pas à nous, mais à l'industrie américaine ce qu'elle peut en fait exporter. Ils portent principalement sur les questions de sécurité.
• 1005
Effectivement, les Américains peuvent modifier ces règlements et
c'est ce qu'ils ont fait le 12 avril, et par conséquent les exemptions
dont jouissait le Canada depuis plus de 40 ans ont été
considérablement réduites.
Je ne veux pas entrer trop dans les détails, mais il s'agit d'un règlement américain. Les Américains peuvent certainement le modifier. Je me demande cependant comment cela a été fait et pourquoi nous n'avons pas peut-être réagi un peu plus tôt et un peu plus fermement afin d'éviter cela. Nous menons maintenant un combat d'arrière-garde pour faire en sorte qu'ils reviennent sur certains des changements qui ont été légiférés ce jour-là.
Franchement, depuis la visite de M. Clinton au Canada, alors que nous pensions que cette visite aurait pour conséquence de renverser ces changements, nous sommes maintenant pris dans un véritable ballet bureaucratique et je ne crois pas que nous reviendrons au régime que nous avions auparavant, mais plutôt que nous nous retrouverons avec un régime encore plus strict que celui avec lequel nous travaillons à l'heure actuelle.
Mme Elsie Wayne: J'ai été en présence de M. Clinton également, ce qui n'a pas fait plaisir à mon mari.
Des voix: Oh, oh!
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Vous n'avez pas dansé, n'est-ce pas?
Mme Elsie Wayne: Non, je n'ai pas dansé.
Je dirais que je suis très préoccupée. Comme vous le savez, il y a également la loi Jones. Aux États-Unis, il est possible de soumissionner pour obtenir un contrat pour construire des navires. Si nous faisons un appel d'offres pour construire des navires dont nous avons besoin au Canada ou ailleurs dans le monde et que nous ne pouvons...
Je crois, monsieur le président, qu'il y a une possibilité qui s'offre à nous ici. Le ministre Taylor a déclaré que la Grande-Bretagne voulait construire d'autres frégates. Si nous réussissons à obtenir la politique dont nous avons besoin en matière de construction des navires—et notre comité devrait tenter de le faire—nous pourrons changer les choses et damer le pion à la Grande-Bretagne aux États-Unis. Nous pouvons damer le pion à la Grande-Bretagne, mais je vous assure que nous devrons travailler pour y arriver.
Or, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je lisais un article dans le journal dans lequel on disait que les États-Unis songent à envoyer les décrocheurs de l'école secondaire dans l'armée, la marine ou l'armée de l'air pour qu'ils puissent y terminer leurs études, mais en même temps apprendre le respect et les responsabilités. Au Canada, je crois qu'il faut terminer ses études avant de pouvoir joindre les forces armées.
Je pense que nous devrions envisager également cette possibilité, car nous pourrions ainsi changer la société. Avec le MDN, ce sont des gens comme vous et notre comité qui peuvent changer les choses, car aucun soldat en uniforme ne viendra un jour sur la Colline avec des pancartes nous dire qu'ils en veulent plus.
Je vous remercie donc très sincèrement d'être venus nous rencontrer. Je vous remercie pour les renseignements que vous nous avez donnés. Je pense que nous pouvons sans doute aider le comité à faire son travail.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord ou non avec ce que le ministre Taylor a dit au comité qu'ils ont mis sur pied, mais vous faites allusion à un comité spécial où l'industrie à son mot à dire également, et ils font également allusion.
Le président: Merci, madame Wayne.
M. Hanger va maintenant entamer la deuxième série de questions de cinq minutes.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Pour revenir à l'entente entre le Canada et les États-Unis et les changements qui ont été apportés aux ITAR, croyez-vous que les Américains étaient justifiés de faire ce qu'ils ont fait?
Lgén Bob Fischer: Personnellement?
M. Art Hanger: Oui.
Lgén Bob Fischer: Non, je ne le crois pas. Je ne crois pas que cela était justifié du tout. Je pense qu'ils l'ont fait en réaction à leurs problèmes internes, notamment les fuites nucléaires ou les fuites de technologie qui se sont produites dans leurs propres laboratoires.
Les exemples qu'ils ont cités pour montrer que le régime canadien de contrôle des exportations «fuyait» étaient plutôt mauvais, c'est le moins que l'on puisse dire. Ils ont fait allusion à des véhicules que je me suis personnellement occupé de vendre par l'intermédiaire de la Corporation de disposition des biens de la Couronne, au début des années 90, je crois. Les véhicules, qui avaient été achetés en 1965, ont été vendus à un marchand récupérateur en Hollande. Il semblerait que certains de ces véhicules se soient retrouvés en Iran ou en Irak. Ils ont donné cet exemple pour montrer qu'il y avait des fuites au niveau de la technologie au Canada.
Eh bien, il n'y a pas de technologie. Ces véhicules avaient été construits en 1965 et représentent la technologie des années 50. Je ne veux cependant pas en faire une histoire trop longue.
• 1010
À mon avis, cela s'inscrit dans un scénario politique beaucoup plus
important, et je pense que dans une certaine mesure nous avons été
pris entre deux feux. Si nous voulons retrouver notre position
privilégiée...
Au fait, vous serez intéressé de savoir qu'il y a ici un document dans lequel on laisse entendre que le Royaume-Uni et les États-Unis ont entamé des négociations pour en fait tenter de donner au Royaume-Uni un accès privilégié aux États-Unis, sans doute aux dépens du Canada.
Le Royaume-Uni tente vigoureusement d'obtenir un accès privilégié aux États-Unis et de toute évidence il a mis en place un plan stratégique pour y arriver. Si ce projet prend de l'élan, je ne sais pas pourquoi les Américains voudraient passer du temps à s'inquiéter de nous. Les États-Unis ont peut-être beaucoup plus d'avantages économiques à conclure une entente avec le Royaume-Uni qu'avec le Canada.
L'accès privilégié dont jouit le Canada est ancré dans l'histoire, un fondement historique. Pendant des années nous avons invoqué cet argument pour en justifier l'existence, mais je pense que le gouvernement et l'industrie doivent travailler ensemble pour dire qu'il y a plus que cela: si vous voulez que nous participions à NORAD, alors nous devons avoir l'impression d'être un partenaire privilégié.
Lgén Paddy O'Donnell: J'aimerais ajouter qu'il est important de souligner que le principe fondamental, la justification, était la sécurité nationale du point de vue américain. Les ITAR appartiennent au Département d'État. Cela ne se serait peut-être pas produit s'il s'était agi d'une question commerciale, mais c'était le Département d'État et il y avait des ramifications sur le plan de la sécurité. Ils ont utilisé cela comme protection pour la réduction dans l'entente précédente.
M. Art Hanger: Nous participons à NORAD, naturellement, mais il semble qu'il y ait au Canada des réclamations qui ne portent pas atteinte au concept américain de la sécurité là où le Canada est d'accord avec certaines de leurs pensées et certains de leurs idéaux. Est-ce que cela fait partie du problème que les Américains pourraient avoir avec le Canada? Il semble qu'ils aient envoyé quelques avertissements de temps à autre concernant les questions de sécurité et la position du Canada.
Lgén Paddy O'Donnell: Je pense que le problème en particulier qui a été soulevé tout récemment concernant NORAD était principalement notre rejet des armes américaines dans l'évolution de l'espace. Étant donné notre histoire et certainement notre base industrielle de défense, il serait très inquiétant pour nous si notre lien avec NORAD devait être dissous ou diminué, non seulement étant donné ce qu'il représente pour les industries, mais aussi pour le message que cela pourrait envoyer quant au rôle que joue le Canada sur le plan de la sécurité dans tout le scénario de défense nord-américain. C'est une question qui doit tous nous préoccuper.
Le président: Merci, monsieur Hanger.
Monsieur O'Donnell, je ne suis pas certain, mais je crois vous avoir entendu dire «notre» rejet du système national de défense antimissile. Si je vous ai bien entendu, il est très important que je rectifie les choses aux fins du compte rendu. Le gouvernement n'a pris absolument aucune position à cet égard.
En fait, plusieurs d'entre nous reviennent tout juste de Colorado Springs. Nous avons tenté d'obtenir que le comité puisse s'y rendre officiellement, mais on nous l'a refusé, ce qui est très regrettable. Je suis heureux cependant que certains d'entre nous aient pu s'y rendre.
Il est très important, je pense, de dire aux fins du compte rendu que le Canada n'a même pas encore été officiellement invité à participer, ce qui a été un peu une surprise étant donné que nous n'avons certainement pas pris position en tant que gouvernement. En fait, j'espère que dans un avenir très rapproché notre comité commencera à tenir des audiences sur la question.
Mais cette hypothèse a cours au Complexe de Cheyenne Mountain.
Lgén Paddy O'Donnell: Oui.
Le président: C'est tout à fait inexact, tout à fait faux, mais cela commence à être... Nous avons porté la question à l'attention du ministre. Il est au courant, mais il l'est maintenant encore davantage.
Je le répète, nous n'avons reçu absolument aucune invitation à participer, et de toute évidence le Canada n'a absolument pas décidé de répondre à une demande qui n'a pas encore été faite et j'espère que dans un avenir rapproché notre comité examinera la question du système national de défense antimissile.
Lgén Paddy O'Donnell: Vous avez tout à fait raison. Plutôt que de le présenter comme un fait accompli, j'aurais dû parler d'un fait «réputé» ou «signalé» comme tel.
• 1015
Ce qui est inquiétant, comme vous le dites, c'est que cela commence à
devenir un élément accepté de la théologie derrière toute notre
perception de ce qui est nécessaire en défense. Les liens commencent
ensuite à affecter d'autres domaines de nos rapports de défense, et
cela est très inquiétant.
Le président: C'est exact. C'est une question cruciale. Je voulais tout simplement rectifier les faits aux fins du compte rendu étant donné l'importance de la question.
J'ai attendu que le temps qui était alloué à M. Hanger soit écoulé pour apporter cette précision. Je vais maintenant passer à un autre intervenant.
M. Art Hanger: Puis-je faire une observation par rapport à ce que vous avez dit, monsieur le président?
Le président: Certainement.
M. Art Hanger: J'entends la même chose dans les milieux politiques ici, et je pense que notre comité devrait inviter le ministre des Affaires étrangères également pour qu'il explique clairement sa position dans cette affaire. Je crois qu'une bonne partie de ces questions tourne autour de lui également.
Le président: Certainement. Cette question intéresse à la fois le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères mais, comme je l'ai dit, j'ai personnellement parlé au ministre et d'autres gens qui ont fait le voyage lui ont parlé également. Nous espérons entreprendre des audiences à cet égard sous peu.
Puisque nous sommes sur ce sujet, mercredi il y aura une séance du comité directeur. Il est très important que chaque parti ait un représentant à ce comité qui se réunira mercredi de la semaine prochaine à 15 h 30 afin de discuter des travaux futurs qui, je l'espère, incluront cette question.
Puisque je fais des petites annonces, le budget principal des dépenses sera déposé le 29 février, soit le lendemain du budget. Peu après nous inviterons les deux ministres à venir défendre leurs budgets.
Voilà donc pour les annonces et cette précision. Je vais maintenant donner la parole à M. Clouthier.
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Amiral Mainguy, dans votre exposé, vous avez mentionné que le Canada n'avait pas de politique spéciale d'acquisition pour le MDN, contrairement aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et à la France. Pourriez-vous tout simplement m'expliquer quelle est la différence entre les deux, quelle est la latitude dont ils disposent dans leurs politiques d'acquisition pour leurs propres ministères de la Défense par rapport au nôtre?
Je sais que chez nous il faut traiter avec Travaux publics ou le Conseil du Trésor et le MDN, ce qui ralentit les choses. Pourriez-vous m'expliquer quelle latitude les autres politiques d'acquisition auraient dans ces pays que vous avez mentionnés par opposition aux nôtres? S'ils ont un article de prix unitaire élevé, doivent-ils toujours passer par leur propre Conseil du Trésor? Je ne le sais pas.
Am Dan Mainguy: Pour autant que je sache—je devrais en parler à mes collègues, car mes informations datent un peu—il existe un pouvoir central d'acquisition consacré à la défense. Il y a un secrétaire d'État à l'acquisition en Grande-Bretagne, un pouvoir central d'acquisition pour le matériel de défense qui est distinct du pouvoir d'acquisition des immeubles ou d'autres choses. Ils peuvent donc établir leurs priorités en fonction de leurs besoins en matière de défense, j'imagine.
M. Hec Clouthier: Est-ce qu'une partie du budget d'ensemble est réservée à l'acquisition par opposition à l'achat d'immeubles, à la rémunération, aux propositions visant la qualité de vie, ou à quoi que ce soit d'autre? Y a-t-il un pourcentage particulier réservé à cela?
Je vois quelqu'un faire oui de la tête.
Am Dan Mainguy: Je parle de l'acquisition d'immobilisations aux fins de défense. Je ne parle pas du budget de défense, mais de l'acquisition de matériel militaire.
M. Hec Clouthier: Cela n'existe pas vraiment au ministère de la Défense nationale du Canada.
Am Dan Mainguy: C'est le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux qui s'occupe de passer des contrats...
Bob Fischer en sait beaucoup plus long à ce sujet que moi.
Lgén Bob Fischer: Si je peux me permettre, pour revenir à la première question sur les différences entre nos systèmes, j'ai dîné avec M. Taylor la veille de sa comparution devant votre comité. J'ai trouvé très intéressant qu'il ne sache pas que nous, au Canada, avons retiré au ministère de la Défense nationale son pouvoir d'acquisition, que c'est un ministère distinct qui a ce mandat.
Sachant bien sûr qu'au Royaume-Uni, c'est le ministère de la Défense qui détient le pouvoir d'acquisition du matériel de défense, je lui ai demandé s'il aurait été possible de mettre en oeuvre l'initiative Smart Procurement dans le contexte canadien. Il m'a répondu que cela aurait été tout un défi.
Cela m'amène à conclure que les difficultés que nous connaissons à rationaliser le processus découlent en partie du fait que cette fonction relève d'un ministère distinct.
• 1020
Deuxièmement, j'ai demandé à M. Taylor de me donner ses derniers
chiffres. Au Royaume-Uni, on consacre environ 23 p. 100 du budget
total à l'acquisition d'immobilisations. Je vous rappelle qu'en ce
moment, au Canada, selon celui qui donne les chiffres, cela tourne
autour de 16 ou 17 p. 100. Nous ici présents avons tous reconnu qu'à
moins de consacrer de 23 à 25 p. 100 du budget aux immobilisations, on
doit s'attendre à faire face à ce que nous appelons une «vague
d'étrave». Vient un moment où on devient incapable de remplacer tous
les actifs qui devraient l'être.
M. Hec Cloutier: Bob, vous avez parlé du Royaume-Uni. Le système américain se compare-t-il au nôtre? Leur politique diffère-t-elle de la nôtre?
Lgén Bob Fischer: Le Département américain de la défense s'occupe lui-même des marchés. Cela ne relève pas du Département du commerce ou d'un autre. Cela se fait à l'interne.
La plupart de nos alliés de l'OTAN n'ont pas comme nous confié la passation des marchés à un ministère distinct.
Lgén Paddy O'Donnell: Cela me ramène à la marge de manoeuvre dont nous avons parlé et qui nous est nécessaire pour resserrer les processus ou permettre à la Défense nationale de mieux contrôler sa gestion financière. En fait, il y a à peine six ou sept ans, nous avons fait une analyse très détaillée de la question de savoir si on ne devrait pas retirer cette fonction à TPSGC pour la confier au MDN. Cette idée a été balayée sous le tapis de nos autres activités, mais c'est précisément le genre de changement qui aiderait énormément le MDN.
M. Hec Clouthier: Merci.
Le président: Merci, monsieur Clouthier.
Monsieur O'Donnell, pourriez-vous nous dire s'il en a toujours été ainsi au Canada? Cette pratique existe-t-elle depuis toujours?
Lgén Paddy O'Donnell: Oui, d'après mon expérience.
Mike.
Cam Michael Saker: Cela remonte à au moins 50 ou 60 ans.
Le président: C'est donc une pratique de longue date.
Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Laurin, je vous accorde cinq minutes.
M. René Laurin: Merci, monsieur le président.
Quelles comparaisons établiriez-vous entre le processus d'acquisition des États-Unis et celui du Canada? Quels sont les éléments positifs et négatifs de ce système-là et quels sont les éléments forts du système américain qu'on pourrait intégrer à notre système ici pour améliorer ce processus d'acquisition?
Lgén Bob Fischer: Au départ, il faut dire que les Américains ont un peu plus d'argent que nous et que cela les aide.
M. René Laurin: Ce n'est pas le fait d'avoir beaucoup plus d'argent qui fait en sorte qu'on améliore la sécurité.
Lgén Robert Fischer: Disons qu'au niveau des ressources financières et humaines, ils bénéficient d'un avantage incroyable.
Comme je l'indiquais à M. Clouthier, le parlement américain a conféré à son ministère de la Défense le pouvoir de signer des contrats directement avec l'industrie, sans passer par l'entremise d'un autre ministère.
Pierre Lagueux, qui était alors le sous-ministre adjoint au matériel, et M. Williams ont déjà comparu devant vous. Lorsque j'occupais ce poste, de 1994 à 1996, j'assumais non seulement des responsabilités relatives à l'acquisition du matériel, mais également d'autres activités. Aux États-Unis, une personne est responsable des acquisitions et de la recherche et développement. Dans d'autres pays tels les États-Unis et la Grande-Bretagne, ces autres fonctions qu'on confie au Canada au sous-ministre adjoint au matériel sont assumées par un autre titulaire. Au niveau de l'état-major, on met beaucoup plus d'accent sur la fonction d'acquisition. Il s'agit du rôle principal de cette personne, tandis qu'ici, c'est un rôle parmi plusieurs autres.
Il y a une grande différence quant au rôle que jouent dans le processus de l'acquisition les parlements canadien et américain ainsi que leurs membres. Certaines personnes affirment que vous devriez participer davantage au processus de décision. Aux États-Unis, il est tout à fait normal qu'un gérant de projet ou un officier d'état-major se présente devant le Congrès pour défendre et expliquer son projet. C'est là une des différences, mais je ne saurais dire si cela est préférable à la situation que nous vivons ici.
M. René Laurin: Au Canada, 30 p. 100 de l'enveloppe budgétaire de la Défense est consacrée à des dépenses qui n'ont pas fait l'objet d'un appel d'offres. Cela représente une forte somme d'argent, soit 3 milliards de dollars par année. Donc, 30 p. 100 de cette enveloppe est dépensée par des gens qui sont autorisés à acheter sans avoir demandé de prix. Cette pratique est-elle de nature à favoriser l'industrie canadienne de la Défense ou si elle la défavorise?
[Traduction]
Lgén Paddy O'Donnell: Peut-être pourrais-je répondre en premier. La plupart des contrats attribués à un fournisseur exclusif, sans concours, sont des contrats d'une valeur peu importante.
J'ajouterai que les concurrents éventuels de ces fournisseurs exclusifs surveillent la situation de très près. Puisque c'est un milieu où il existe une concurrence normale, le contrôle est constant.
Est-ce avantageux ou désavantageux pour l'industrie canadienne? Puisque la plupart de ces contrats représentent des sommes relativement modestes, je dirais qu'ils n'ont aucun effet avantageux ou non. Dans le cas des grands programmes, selon l'incidence de nos politiques sur l'infrastructure industrielle nationale, l'attribution de contrats à des fournisseurs exclusifs pourrait se justifier pour toutes sortes de raisons. Nous voudrions alors nous assurer de maximiser le contenu industriel canadien.
Il n'y a donc pas de réponse parfaite, mais je dirais que pour les acquisitions d'importance, le gouvernement a un rôle à jouer. En ce qui concerne les petits marchés, qui représentent la plus grande partie de ces 30 p. 100, je dirais qu'ils ne constituent pas un obstacle pour l'industrie.
Le président: Amiral Saker.
Cam Michael Saker: J'ajouterai que dans la plupart des cas, le premier marché a été conclu dans le cadre d'un concours. Souvent, c'est par le biais d'un concours qu'on trouve un bon fournisseur de biens ou de services. Ce que vous voyez trois ou quatre ans plus tard, c'est cette relation qui s'est poursuivie.
En fait, pour ce qui est de savoir si c'est juste, les accords commerciaux existants et le Tribunal canadien du commerce extérieur permettent des contestations judiciaires plus fréquentes qu'auparavant. Certaines entreprises obtiennent gain de cause.
TPSGC a donc de plus en plus tendance à tenir des concours pour ces projets. Pour ma part, j'estime que c'est une mesure rétrograde, car le coût de ces concours, surtout pour un marché d'une valeur relativement modeste, est considérable. Il est considérable pour le MDN et TPSGC, mais aussi pour l'industrie.
Le président: Merci.
C'est une sonnerie d'une demi-heure; il nous reste donc du temps.
Monsieur Proud.
M. George Proud: J'ai trois questions. L'interprète m'a réprimandé, alors, je vais ralentir un peu. Je pense que, la dernière fois, j'ai posé trop de questions en trop peu de temps.
Si vous me le permettez, je reviens aux accords canado-américains. Certains ont laissé entendre que l'Accord sur le partage de la production de défense et l'Accord canado-américain sur le partage du développement industriel pour la défense favorisent le secteur américain au détriment des entreprises canadiennes. J'ai trois questions à ce sujet.
À votre avis, est-ce vrai? Le commerce transfrontalier qui se fait aux termes de ces deux accords profite-t-il aux entreprises canadiennes? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous donner des détails? Par ailleurs, ces accords bilatéraux devraient-ils être modifiés de quelque façon que ce soit?
Le président: Vous n'avez pas ralenti de beaucoup.
Une voix: Holà!
Le président: Qui, parmi vous, messieurs, voudrait commencer?
Lgén Bob Fischer: Je vais essayer.
En guise de remarque générale, je dirai que depuis 10 ans ou peut-être moins, les entreprises canadiennes recourent de moins en moins à ces accords.
• 1030
Honnêtement, si on demandait à certains des membres de l'Association
de l'industrie de la défense du Canada si on devrait reconduire ces
accords, ils répondraient probablement que cela leur est indifférent.
Ils ne les utilisent pas. Bien des choses nous indiquent que de moins
en moins d'entreprises invoquent ces accords.
Pour ce qui est de savoir si les sociétés américaines sont favorisées au détriment des entreprises canadiennes, si vous tenez compte du nombre relatif d'entreprises qui rivalisent pour l'obtention de contrats aux termes de ces accords, vous constaterez probablement que tous sont traités équitablement. Le genre de contrats qui ont été attribués au Canada en vertu de ces accords confirme ce que nous disions tout à l'heure, à savoir que nous occupons quelques créneaux. Les sociétés canadiennes qui obtiennent des contrats sont celles qui offrent un service que les Américains aimeraient bien obtenir et que, par conséquent, ils veulent intégrer au projet qu'ils exécutent. Le Canada, à certains égards, jouit donc de certains avantages dans ces créneaux-là.
Je demanderais à mon collègue s'il voudrait ajouter quelque chose.
Lgén Paddy O'Donnell: Dans l'ensemble, je pense plutôt que ces accords favorisent le Canada et non pas les États-Unis. Comme Bob l'a indiqué, depuis dix ans, compte tenu des différentes approches qui ont été adoptées en matière de défense et de l'idée qui prévaut selon laquelle une mobilisation prolongée de ressources humaines et autres ne définira pas les conflits futurs, tout ce concept d'une base industrielle nord-américaine intéresse beaucoup moins les États-Unis qu'auparavant. Mais je crois que nous avons énormément profité de ces accords.
M. George Proud: Merci.
Le président: Merci, monsieur Proud.
Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: Si je me souviens bien, lorsque nous avons rencontré l'ambassadeur au Canada, il nous a dit qu'environ 87 p. 100 de toutes nos exportations se faisaient vers les États-Unis. C'est une situation grave puisque les Américains agissent presque en dictateurs avec nous. Ils semblent se considérer comme les parents et pouvoir nous dire à nous, l'enfant, ce que nous ferons.
J'estime que nous devrions tenter de le rencontrer pour discuter de l'ITAR, à savoir des exigences concernant les exportations. J'ai été très impressionnée. Il nous a expliqué que le Canada lui avait demandé de faire des démarches en son nom aux États-Unis, et qu'il avait eu gain de cause dans presque tous les cas. Toutefois, lorsque j'ai soulevé la question de la Loi Jones, il a répondu que personne ne lui avait demandé d'intervenir à ce sujet.
J'estime que notre comité et le ministre devraient s'occuper de cette question, ainsi que notre ambassadeur. Cette loi n'a certainement pas été bonne pour le Canada.
De plus, vous dites que nous devrions adopter dans les meilleurs délais des politiques visant à réduire l'incidence potentiellement négative des mesures américaines sur notre secteur de la défense. Auriez-vous rédigé une ébauche de politique que nous pourrions examiner ou auriez-vous des suggestions à nous faire?
Lgén Paddy O'Donnell: Nous avons des idées, dont la première serait probablement d'intégrer à nouveau nos activités à celles des États-Unis.
Il y a des questions à considérer à l'appui d'une base industrielle de défense: quelles retombées industrielles pourraient découler de grandes acquisitions ou l'obligation imposée à un fournisseur de nous aider à élargir notre base industrielle. Cette partie du plan industriel... ferait en sorte qu'un pourcentage serait directement lié à l'industrie de défense.
Donc, toute une série d'activités de ce genre. Je suis désolé, je n'en ai pas dressé la liste, mais nous pourrions certainement en faire parvenir une sous peu.
Mme Elsie Wayne: D'accord. J'aimerais bien avoir ce document afin que nous puissions traiter de cette question.
Lgén Paddy O'Donnell: J'aimerais quand même faire une observation, si vous le permettez. Les initiatives du Département d'État—et je suis très poli—nous ont été imposées, mais comme M. Fischer l'a fait remarquer, c'était une démarche tout à fait légitime aux États-Unis. Les Américains n'ont pas outrepassé leur pouvoir.
• 1035
Les responsables du commerce et les entreprises de défense qui
comptent sur le soutien de l'industrie canadienne étaient atterrés,
mais ils n'ont pas vraiment exercé d'influence. Ils ont réussi tout au
plus à prolonger les discussions sur les objectifs de sécurité du
Département d'État. Si vous voulez vous attaquer à cette question,
vous devrez l'aborder dans le contexte de la sécurité.
Mme Elsie Wayne: Je vois.
Nous devrions certainement nous pencher sur cette question, monsieur le président.
Le président: Nous pourrions le faire.
J'ajouterai—je suis certain que les témoins le savent—que toutes sortes de représentations à ce sujet se font depuis longtemps au plus haut niveau. Honnêtement, je croyais que l'affaire était plus ou moins réglée, comme l'a dit Bob, puis, non, il semble que ce ne soit pas le cas. Il y a eu le premier ministre, le président, le ministre de la Défense...
Mais ce serait certainement une bonne idée pour nous de tenir des audiences à ce sujet. J'en parlerai au ministre et nous en reparlerons mercredi au moment de discuter de notre plan de travail.
Chers collègues, il y a eu deux séries de questions complètes, ce qui est très bien. Nous devrons partir sous peu. S'il y a d'autres questions, nous pourrions réinviter les témoins, s'ils sont libres. Si quelqu'un veut poser une question dès maintenant, il nous reste encore un peu de temps. Sinon, nous discuterons mercredi, à la réunion du comité directeur, de nos travaux futurs.
Auriez-vous une dernière question à poser, monsieur Hanger, avant l'ajournement?
M. Art Hanger: Pour revenir aux relations canado-américaines, si la force entière des restrictions imposées par les États-Unis au Canada s'applique, quelle sera la conséquence? Qu'en résultera-t-il?
Cela a certainement réduit la capacité de soumissionner aux États-Unis. Je crois savoir que c'est déjà la réalité. L'industrie de défense du Canada a déjà du mal à soumissionner pour tout marché américain jugé à sécurité élevée. Mais que se passera-t-il d'autre?
Lgén Bob Fischer: Je vous donne un exemple. Je ne dirai pas que c'est la pire des situations, mais ce n'est pas irréaliste.
Lorsque nous avons décrit la base industrielle de défense du Canada, j'ai fait allusion au supplément pour vous donner une idée de sa taille, ou plutôt de sa petite taille, de sa précarité. Pensez aux dix principales sociétés du domaine de la défense au Canada; je vous rappelle que nous nous appelons Computing Devices Canada, mais que nous appartenons à General Dynamics Corporation, de Falls Church en Virginie. Je n'ai pas besoin de vous dire à qui appartient Lockheed Martin Canada ou Litton Systems Canada ou Raytheon. Je m'arrête ici.
Toutes ces entreprises sont basées aux États-Unis. Elles nous restreignent de plus en plus en ce qui concerne l'ITAR, et elles font en sorte qu'il soit de plus en plus difficile pour les sièges sociaux de ces sociétés de justifier l'existence d'entreprises parentes au Canada. Honnêtement, si vous voyiez la mappemonde qu'a Lockheed Martin à son siège social, vous verriez un petit drapeau à Ottawa indiquant la présence de cette société, mais par rapport à l'ensemble de son exploitation, l'entreprise canadienne n'est pas plus qu'un grain de sable dans le désert.
Graduellement, la présence de ces entreprises au Canada deviendra agaçante. Un jour, un cadre se demandera à quoi servent-elles? Notre présence là-bas n'est nullement nécessaire. Nous y sommes allés au départ pour participer à un projet, mais, maintenant, leurs dépenses en matière de défense sont à la baisse. C'est devenu embêtant de faire affaires avec notre propre entreprise au Canada.
Je vous laisse tirer vos propres conclusions.
Il se pourrait fort bien que la plupart de ces sociétés retournent aux États-Unis, ce qui serait un dur coup pour la base industrielle. Pour les entreprises de défense strictement canadiennes, c'est surtout pour les petites entreprises que la bureaucratie pèse. La solution? Aller à Niagara, à Rochester, à Buffalo. Pourquoi pas? Certaines l'envisagent.
Le président: Nous examinerons la suggestion de Mme Wayne mercredi prochain. D'ici là, je demanderai au ministre s'il estime qu'il serait utile pour nous de tenir une audience à ce sujet.
• 1040
Messieurs, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part du fruit
de vos expériences et de vos connaissances. Malgré la sonnerie, nous
avons eu une discussion fructueuse. Je vous remercie d'avoir contribué
à cette discussion.
Si nous constations avoir d'autres questions pour vous, nous vous saurions gré de bien vouloir revenir.
Lgén Paddy O'Donnell: Nous en serions ravis.
Le président: Très bien. Merci beaucoup.
La séance est levée.