NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 17 février 2000
Le vice-président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): La séance du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants est maintenant ouverte. Je remplace aujourd'hui notre président habituel, Pat O'Brien, qui ne pouvait pas être là.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux membres de la Fédération des travailleurs de construction navale. J'inviterais M. Holloway à nous présenter les gens qui l'accompagnent, après quoi il pourra tout de suite nous présenter son exposé.
M. Les Holloway (directeur général, Fédération des travailleurs de construction navale, TCA): Bern Harty est membre du conseil de direction de la Fédération des travailleurs de construction navale et représente Terre-Neuve. Gary Marr est aussi membre du conseil de direction et vice-président de la section locale de Saint John, au Nouveau-Brunswick. Enfin, Terry O'Toole est président de notre plus importante section locale, à savoir les chantiers navals de Saint John.
Le vice-président (M. David Pratt): Vous voulez bien nous présenter votre exposé maintenant?
M. Les Holloway: Oui, volontiers.
Je tiens tout d'abord à remercier le comité de nous donner l'occasion de lui présenter un exposé sur cette question. Mes observations reprendront certains des éléments du document que j'ai remis au greffier et qui a été distribué. Si vous avez besoin d'exemplaires supplémentaires, vous n'avez qu'à communiquer avec notre bureau ou à me le faire savoir à la fin de notre témoignage, pour que nous puissions vous en faire parvenir.
Je remercie le comité de l'occasion de témoigner devant lui. En guise de préface, je dirai que la souveraineté et la défense de notre pays ne peuvent être assurées qu'au moyen d'une infrastructure solide, et cette infrastructure doit comprendre une industrie de la construction navale solide ainsi que l'infrastructure de soutien nécessaire. Voilà le principe sur lequel portera en partie mon exposé préliminaire.
Je dis cela tout en sachant que, dans les programmes d'acquisition et dans les travaux de réparation et de radoub, on recourt de plus en plus souvent à l'impartition au détriment de l'industrie de la construction navale, si bien qu'à quelques exceptions près, l'infrastructure de soutien technique tend à disparaître.
Le vice-président (M. David Pratt): Puis-je vous interrompre un moment? On vient de me signaler que nos interprètes ne sont pas là. Dans l'intérêt de tous les membres du comité, il est important que nous les attendions. Je suis désolé d'avoir à vous interrompre.
M. Les Holloway: Ça va.
Le vice-président (M. David Pratt): Ils étaient là tout à l'heure, et ils semblent introuvables.
Le vice-président (M. David Pratt): Très bien. Encore une fois, monsieur Holloway, je vous prie de m'excuser de vous avoir ainsi interrompu. Nous pourrions peut-être recommencer à partir du début.
M. Les Holloway: Cela aura simplement été une répétition alors. Je reprends à partir du début.
Je tiens tout d'abord à remercier le comité, en mon nom personnel et au nom des collègues qui m'accompagnent, de nous donner l'occasion de témoigner devant lui.
Mon exposé préliminaire tendra essentiellement à démontrer—et nous serons bien entendu prêts à répondre aux questions que vous pourriez vouloir poser après—que nous avons besoin d'une industrie de la construction navale si nous voulons assurer la souveraineté et la défense de notre pays. Cela ne peut pas se faire sans une infrastructure solide, et l'industrie de la construction navale est une composante clé de cette infrastructure.
Il y a des recommandations que votre comité pourrait faire pour que nous soyons assurés de pouvoir compter sur l'industrie de la construction navale quand nous en aurons besoin, c'est-à-dire aux moments où il faudra assurer la défense et la souveraineté de notre pays. Pour que nous puissions compter sur l'industrie de la construction navale en cas de besoin, nous devons toutefois la soutenir dans la mesure du possible. Je songe tout particulièrement à la politique en matière de radoub et de remplacement des navires de la marine.
Le problème qui se pose à l'heure actuelle tient au fait que le moment est venu de remplacer les navires de ravitaillement actuellement en service. Ils ont un certain âge et doivent être remplacés. Nous invitons le comité à recommander qu'on devance le plan de remplacement de ces navires en raison de la gravité de la crise que traverse l'industrie de la construction navale.
• 0915
Voilà donc le grand thème de notre exposé.
Je voudrais vous citer le cas d'un pays qui peut nous servir de modèle parce qu'il reconnaît bien l'importance de cette infrastructure et de la construction navale pour assurer sa défense, à savoir les États-Unis. Comme nous le savons, les chantiers navals et l'industrie de la construction navale aux États-Unis ont connu une période de transition en raison du resserrement des dépenses militaires, etc. Le gouvernement des États-Unis a toutefois pris des mesures énergiques pour renforcer la présence de l'industrie américaine sur le marché des navires commerciaux.
Voyons quelles sont certaines de ces mesures énergiques. Prenons par exemple la réorganisation du programme de financement en vertu du titre XI, qui est présenté comme étant une énorme réussite aux États-Unis. Ce programme offre aux acheteurs et aux constructeurs de navires, qu'ils soient américains ou étrangers, un financement qui peut aller jusqu'à 87,5 p. 100 du coût du navire et qui peut s'étendre sur 25 ans. Nous n'avons rien de comparable au Canada, mais ce programme a pour effet de grossir le carnet de commandes des chantiers navals américains. Ainsi, en période de démilitarisation ou de resserrement des dépenses militaires consacrées à la construction navale, il assure aux chantiers navals une part de la construction des navires commerciaux, si bien que l'infrastructure est ainsi maintenue.
Prenons le cas de Litton Industries qui, pas plus tard que l'an dernier, a obtenu pour la première fois depuis 40 ans, un contrat pour la construction de deux navires de croisière, d'une valeur totale de 1 milliard de dollars. La raison est simple. C'est à cause d'une loi qu'a adoptée Bill Clinton il y a deux ans, une loi pilote, qui avait pour objet d'assurer l'accès à ce marché. Cette loi s'inscrit dans le cadre d'une stratégie générale de maintien de l'industrie de la construction navale pour que, le moment venu, on puisse faire appel à elle pour assurer la défense du pays. Il faut pour cela que l'infrastructure soit en place.
Le président de l'Association de la construction navale et moi-même avons été invités à la conférence sur la construction navale qui a eu lieu aux États-Unis pour y parler des problèmes auxquels nous nous heurtons ici au Canada. Nous avons eu l'occasion de parler de notre campagne et de certaines des démarches que nous avons entreprises pour essayer de faire comprendre la gravité de la crise de la construction navale au Canada. J'ai pris la parole à cette conférence, qui a eu lieu à Washington, D.C., et je tiens à vous dire que les Américains ne ménagent aucun effort pour tenter de s'assurer une part encore plus grande du marché de la construction de navires commerciaux en cette période de transition afin de pouvoir maintenir leur infrastructure. Et ils ne s'en excusent pas non plus.
Ainsi, ils peuvent compter sur la Jones Act, qui dispose que tous les navires dont on a besoin aux États-Unis doivent être construits par des Américains, dans des chantiers navals américains, et qu'ils doivent battre pavillon américain et avoir à leur bord un équipage américain. Nous avons accepté que cette loi Jones soit protégée comme un acquis dans l'ALENA. À cause de cette loi, nous n'avons pas accès à leur marché, alors que les Américains peuvent construire chez eux des navires qu'ils peuvent ensuite exporter au Canada en franchise du droit de douane de 25 p. 100 en raison de l'ALENA. Ils gagnent donc sur les deux tableaux.
J'ai parlé de ce problème quand j'ai pris la parole à leur conférence à Washington au début décembre. Ils ne nous font pas d'excuses. Ils trouvent cela dommage pour nous, mais ils aiment bien la situation telle qu'elle est. Or, la situation telle qu'elle est n'est pas bonne pour les chantiers navals canadiens.
Je voudrais vous parler brièvement de certains des problèmes de notre industrie. Ces problèmes n'ont rien à voir aux membres de l'industrie, qui ont fait ce qu'ils devaient faire et qui ont mis en place un programme de rationalisation. Je ne vais pas m'engager dans un débat sur le bien-fondé de cette rationalisation. Toujours est-il qu'elle a eu pour effet de réduire la capacité de l'industrie de la construction navale au Canada, et ce, pour répondre à un besoin qui n'existait même pas, parce que nous n'avions pas mis en place des politiques solides et efficaces qui auraient permis à l'industrie canadienne de soutenir la concurrence. Nous avons tout de même rationalisé.
Nous avons restructuré l'industrie de fond en comble pour ce qui est des conventions collectives et des rapports avec les employeurs, et nous avons pris des mesures pour que l'industrie canadienne de la construction navale devienne plus compétitive et plus productive. Mais malgré tous ces efforts, nous nous retrouvons toutefois aux prises avec des règles du jeu très inégales à l'échelle internationale.
Voyez ce qui se passe à l'étranger. En Europe, on accorde d'énormes subventions à l'industrie de la construction navale. En Asie, les chantiers navals reçoivent aussi une aide très substantielle. Nous n'avons jamais affirmé vouloir aborder le contentieux qui suscite la guerre aux subventions. Notre document n'aborde pas cela; il préconise des politiques progressistes, tels que les programmes de financement.
• 0920
Au Canada, comme le ministre de l'Industrie nous le dira, nous
appuyons le financement de la construction navale par l'entremise
de la société pour l'expansion des exportations. Cela s'étend sur
12 ans et couvre 80 p. 100 des coûts d'un navire. Quiconque a
acheté une maison en 12 ans au lieu de 25 n'a pas besoin de faire
de savants calculs pour savoir qu'il en coûte beaucoup plus cher de
rembourser l'hypothèque en seulement 12 ans.
C'est le seul programme dont nous disposons, et il ne tient pas compte des besoins nationaux en matière de construction navale. Nous ne pouvons pas y avoir accès pour nos propres besoins nationaux, son aide nous est accordée seulement si nous exportons des navires, et il ne nous aide nullement à faire concurrence avec les autres constructeurs en raison de choses comme le financement en vertu du titre XI.
J'aimerais revenir à l'enjeu fondamental que nous présentons aujourd'hui, à savoir que le comité devrait affirmer que le Canada a besoin d'une industrie de la construction navale dans notre pays. Ne vous leurrez pas, quelqu'un doit absolument reconnaître, et très bientôt qu'il faut mettre en place des politiques qui nous permettront tout au moins d'être sur un pied d'égalité et de faire concurrence aux autres. Ne nous en donnez pas plus que ce qui est accordé aux Américains, mais permettez au moins à notre industrie de bénéficier des mêmes règles.
On nous dit que nous devons faire concurrence aux autres à l'échelle internationale, mais on ne nous permet pas de bénéficier des mêmes règles que les autres. Il n'y a pas de loi Jones dans notre pays. Je vous ai mentionné aussi les exemptions dont jouissent les Américains grâce à l'ALENA. Ils peuvent en effet importer des navires au Canada sans payer le tarif douanier de 25 p. 100. Ils peuvent importer tous les des navires nationaux dont nous avons besoin au Canada. Or la Loi Jones nous empêche d'importer aux États-Unis un seul navire construit ici. Les Américains bénéficient du programme de financement en vertu du titre XI.
L'un des meilleurs exemples que je peux vous donner de ce que cela signifie pour nous est tiré de notre exploitation pétrolière au large de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. La compagnie Secunda Marine Services fournit des services aux navires qui ravitaillent les plates-formes de forage au large de ces deux provinces. En 1997, elle a eu accès au financement en vertu du titre XI. Elle a donc construit deux navires dans un chantier naval du Mississippi, et a reçu un soutien financier de 87,5 p. 100 échelonné sur 25 ans. Les navires sont entrés dans notre pays en franchise de droit. Ils mènent leur activité dans nos eaux et profitent de nos ressources naturelles. Si quelqu'un peut vraiment me dire que c'est équitable et que ces règles nous permettent de faire concurrence aux autres, ils s'illusionnent profondément.
Si nous ne remédions pas ce manque d'harmonie dans nos politiques et si l'on ne réussit pas à persuader le gouvernement fédéral de corriger de toute urgence ces inégalités, le Canada n'aura plus de construction navale. À mon avis, cela entraînera aussi la disparition des emplois de bon nombre de gens ici présents, parce que la défense ne saurait être assurée sans une forte industrie de la construction navale.
Nous devons faire preuve d'imagination et concevoir une solution canadienne à nos problèmes en matière de construction navale. Je le répète, cela ne veut pas dire que nous souhaitons nous lancer dans une guerre de subventions avec les Européens et les Asiatiques. Tout ce que nous affirmons, c'est qu'il faudrait corriger la situation actuelle, étant donné que notre financement est tout à fait insuffisant par rapport à ce qui est offert aux autres.
Au Canada, il existe des dispositions de moins-value dans le cas d'achat de navires, et elles sont très utiles, mais personne n'achète de navires; on les loue. Il faut donc que nous trouvions le moyen de composer avec cela parce que c'est un autre problème qui nous confronte. Les propriétaires de navires ne construisent plus en vue de l'achat mais à des fins de crédit-bail. Les dispositions de moins-value doivent donc être plus avantageuses en matière de crédit-bail pour le financement des navires. Il faut aussi que nous envisagions les mesures de soutien fiscal et d'autres mécanismes qui inciteraient les armateurs à faire construire leurs navires ici.
J'ai assisté à l'exposé présenté par les membres de l'Association de la construction navale au Comité de l'industrie auquel je siégeais. Ils vous diront qu'entre 60 et 70 navires devront être remplacés ou subir de profondes transformations au cours des six ou sept prochaines années. Ils ajouteront aussi que faute d'adopter des politiques qui corrigeraient les inégalités auxquelles nous faisons face au Canada, aucun de ces travaux ne s'effectuera dans les chantiers navals canadiens. C'est bien regrettable car ce sont des contrats qui nous appartiennent.
• 0925
Une bonne partie de ces travaux pourraient s'effectuer dans
des chantiers comme celui de Saint-Jean, qui doit fermer dans deux
ou trois mois. C'est à ce chantier qu'on a construit les navires à
la fine pointe de la technologie, les frégates, qui comptent parmi
les meilleurs bâtiments d'escorte en service au monde. Ces navires
sont en effet équipés de la technologie la plus évoluée. Je n'ai
pas en main les données exactes, mais je puis vous dire qu'un
escorteur rapide est doté de 11 fois plus de systèmes
technologiques que l'appareil le plus évolué que nous construisons
dans notre pays. Donc, nous possédons la technologie.
Si vous traversez dans un chantier naval, vous y verrez des installations à la fine pointe de la technologie. L'infrastructure existe. Dans les chantiers d'Halifax, on peut la voir. Si vous vous rendez à Terre-Neuve et visitez les installations de Cow Head ainsi que le chantier naval, vous y verrez encore les infrastructures. Elles sont très évoluées.
Nous comptons aussi des travailleurs qualifiés. La preuve en est que les Américains tiennent à leurs services. Ils viennent ici et s'installent dans nos hôtels, où ils donnent des entrevues à nos travailleurs et demandent même à nos syndicats de les envoyer aux États-Unis pour y travailler. Nous ne manquons donc pas non plus de travailleurs qualifiés.
Nous avons besoin d'aide. Il faut que le gouvernement fédéral et le comité participent à la solution de nos problèmes. Il faut que notre gouvernement dise que ce qui est assez bon pour les Américains... Si l'ALENA est une entente assez bonne pour que nous y participions, et nous en faisons partie, c'est un fait et nous allons y participer, alors donnez-nous les mêmes règles. Accordez-nous les mêmes avantages que nos concurrents étrangers.
Si vous le faites, je vous assure que notre industrie de la construction navale connaîtra un long avenir. Nous ne serons plus au premier rang dans le monde de la construction navale; nous en sommes bien conscients. Toutefois, nous pouvons nous réserver un petit créneau.
J'aimerais maintenant aborder une question qui a constamment été soulevée lors des réunions de notre fédération avec M. le ministre John Manley. Il s'agit de la surcapacité mondiale en matière de construction navale. Or, c'est une bien piètre raison de ne rien faire au Canada, car si nous pouvions nous approprier, ne serait-ce que 1 p. 100 du marché mondial de la construction navale, y compris bien sûr nos propres besoins en matière de construction navale, nos chantiers pourraient à peine suffire à la demande. Nous serions débordés de travail au Canada.
Au lieu de nous concentrer sur une capacité superficielle excédentaire d'environ 40 p. 100, qui est créée par une industrie navale asiatique tout à fait désaxée en raison des immenses subventions dont elle a bénéficié, nous devrions nous concentrer sur une capacité réalisable, sur une capacité de 1 p. 100. Nous devrions nous efforcer de maintenir en vie notre industrie canadienne.
Nous ne tenons pas à vous entretenir ici des mesures à prendre pour faire concurrence aux chantiers navals de l'Asie. Nous ne voulons pas non plus vous parler de ce qu'il faut faire face à la concurrence des chantiers navals américains. Nous aimerions vous dire ce que nous pouvons faire pour occuper une part de ce marché, et comment nous pouvons mettre en place des politiques qui garantira à notre industrie des règles du jeu identiques et la mettra sur un pied d'égalité avec nos concurrents.
En guise de conclusion, j'aimerais vous donner une idée du peu de soutien dont bénéficie à ce sujet l'industrie de la construction navale. Il devient de plus en plus renversant de voir que malgré tous ces échanges, ces réunions et ces discussions, le gouvernement fédéral ne se résout pas à nous soutenir.
Nous avons l'appui de la Chambre de commerce du Canada. À l'occasion du congrès qu'elle a tenu au début de l'année, la chambre s'est unanimement prononcée en faveur d'un sommet qui permettrait de discuter des problèmes de l'industrie de la construction navale et de chercher des solutions. Il s'agit de la plus importante organisation du monde des affaires au Canada.
La Fédération canadienne des municipalités souhaite également la tenue d'une réunion pour discuter des problèmes de notre industrie. En 1997, et de nouveau au milieu de l'année dernière, les premiers ministres des provinces ont souligné qu'il fallait tenir une réunion et que le gouvernement fédéral devait faire quelque chose pour aider la construction navale.
Les transporteurs maritimes disent que, si nous ne faisons rien, ils craignent qu'il n'y ait plus de chantiers navals pour réparer leurs navires. Faudra-t-il les envoyer aux États-Unis pour réparer le gouvernail ou changer des vis? La situation est à ce point grave.
Pour terminer, nous avons actuellement un millier de travailleurs dans les chantiers maritimes du pays. Je veux parler de ceux qui construisent les navires. Notre fédération compte actuellement moins de 600 membres qui font ce travail. Ils étaient 3 000 il y a un an et demi ou deux.
• 0930
Notre secteur est en voie de disparition. Si personne n'agit,
les membres que nous représenterons se retrouveront sans travail et
leurs familles vont souffrir pendant longtemps.
Il y a deux choses que nous voudrions demander à votre comité. La première est de recommander au gouvernement fédéral de tenir un sommet pour discuter de la grave crise que traverse notre industrie, de commencer à chercher une solution à nos problèmes, de voir ce qui se passe dans les autres pays, mais de mettre en place des politiques qui répondront à nos besoins, qui seront à la fois viables et raisonnables.
En deuxième lieu, nous voulons demander au comité de recommander fortement qu'en raison de la crise que connaît actuellement notre industrie, pour préserver à court terme cette infrastructure, le gouvernement s'empresse de construire et de remplacer les navires ravitailleurs. Il faut que ce soit fait. Cela donnerait au moins un peu de travail, à court terme, aux chantiers maritimes. Mais ce n'est pas seulement un problème à court terme. Il faut une solution à long terme.
Voilà ce que nous avions à dire. Ce sont les deux choses que nous demandons au comité. Je suis prêt à répondre à vos questions, de même que mes collègues.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci beaucoup, monsieur Holloway.
M. Hanger est sur la liste—il a la première place sur notre liste et dans nos coeurs.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.
Merci messieurs, j'ai une ou deux très brèves questions à poser.
Tout d'abord, à titre d'éclaircissement, il est précisé dans votre publication intitulée Une stratégie de construction navale pour le Canada qu'elle a été préparée par l'Association de la construction navale du Canada ainsi que la Fédération des travailleurs de construction navale. Comptez-vous des représentants de l'Association de la construction navale du Canada dans votre groupe?
Non. Vous êtes donc tous syndiqués?
M. Les Holloway: Non. L'Association de la construction navale du Canada est l'organisation d'employeurs qui représente les propriétaires des chantiers maritimes de tout le pays. Ce document émane des deux parties prenantes.
M. Art Hanger: Les employeurs et les employés.
M. Les Holloway: Pour ce qui est des trois autres, nous représentons la Fédération des travailleurs de construction navale—TCA. Nous avons également l'appui de la Fédération de la métallurgie et des 250 000 membres de la CSN au Québec. La Shipyard General Workers' Federation, de Colombie-Britannique, est également une organisation syndicale qui appuie ce document.
M. Art Hanger: Très bien.
Je crois que vos syndicats ont l'habitude de soutenir le NPD. Vos syndicats ont-ils appuyé le NPD jusqu'ici?
M. Les Holloway: Nous avons pour habitude de soutenir les partis et les députés qui défendent les questions importantes pour les gens que nous représentons. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais il est certain que tous les travailleurs ne votent pas pour le NPD sans quoi ce parti gouvernerait le pays.
M. Art Hanger: Je pense qu'il s'agit d'une question importante étant donné qu'il faut faire la distinction entre la politique des divers partis. Le Parti réformiste a insisté pour qu'on augmente le budget de la défense. Je sais que vous avez soutenu le NPD jusqu'ici en raison des liens entre les syndicats et ce parti.
Selon moi...
Le vice-président (M. David Pratt): Si vous me permettez de vous interrompre, les préférences politiques du syndicat n'ont rien à voir avec la question dont le comité est saisi.
M. Art Hanger: Si vous le voulez bien, j'en arrive où je veux en venir.
À mon avis, c'est très important pour comprendre ce qui s'est passé dans la construction navale au Canada. Si vous prenez les dépenses que prévoit actuellement le gouvernement pour les cinq prochaines années, elles n'accordent pas une place bien importante à ce que vous demandez.
Dans votre exposé devant le Comité de la défense, vous venez de parler de la construction de navires de guerre ou de navires de soutien. Notre propre politique, celle du Parti réformiste, met l'accent sur ce besoin très particulier, le besoin de nouveaux navires de soutien pour la marine, le remplacement des destroyers de classe Tribal et l'acquisition de certaines nouvelles corvettes pour les patrouilles en haute mer.
• 0935
Tel est, selon nous, le plan à long terme que tout
gouvernement devrait envisager, mais je ne pense pas que ce sera
nécessairement le cas d'ici longtemps, dans les circonstances
actuelles.
Quant à savoir où vous trouverez les appuis nécessaires, je l'ignore, en tout cas tant que le gouvernement actuel sera en place.
Pour ce qui est de la survie de votre industrie, je ne sais pas ce qu'il adviendra d'elle d'ici deux ans. Peut-être pouvez-vous me le dire.
M. Les Holloway: Je ne sais pas si vous avez entendu ce que j'ai déjà dit quant aux appuis dont nous bénéficions. Je dirais qu'il s'agit d'un soutien sans précédent.
Comme je l'ai dit, le patronat est avec nous, de même que les municipalités. La Fédération canadienne des municipalités nous soutient d'un bout à l'autre du pays. Les premiers ministres de toutes les provinces aussi.
M. Art Hanger: Je suis d'accord.
M. Les Holloway: Je ne vois donc pas où nous pourrions...
D'autre part, j'ai parlé des navires ravitailleurs. Je n'ai pas parlé de bateaux de guerre. Je vous rappelle simplement qu'au cours de la guerre du Golfe, notre navire ravitailleur avait été baptisé la «cantine ambulante» par les Américains parce qu'il apportait la nourriture et les approvisionnements nécessaires.
Même si nous déplorons les situations comme la guerre du Golfe, nous savons que des conflits exigeant cette capacité d'intervention risquent de se reproduire à l'avenir. Nous avons besoin de navires ravitailleurs qui puissent jouer ce rôle. Ceux que nous avons doivent être remplacés.
Ce n'est là qu'une solution à court terme que je propose. Ce n'est pas l'aspect le plus important.
Je ne sais pas si cela répond à vos questions.
M. Art Hanger: Je crois que oui, monsieur. Je comprends votre point de vue en tant que syndicaliste. Vous parlez certainement au nom de nombreux syndiqués de votre industrie, mais lorsque vous parlez de la survie de la construction navale, je crois que vous parlez aussi au nom de nombreuses entreprises du pays.
Je voudrais faire valoir—et c'est une question que vous devriez adresser au gouvernement—que le budget de la défense est pratiquement bloqué à son niveau actuel. Par conséquent, d'où viendra l'argent nécessaire pour construire les navires requis, même si nous les voyons en train de se faire dévorer par la rouille, qu'il s'agisse des navires ravitailleurs, des destroyers ou des corvettes? Nous sommes conscients du besoin, mais...
M. Les Holloway: Je pourrais peut-être répondre en disant qu'à mon avis c'est à votre comité qu'il revient de faire des recommandations au gouvernement quant aux dépenses à faire pour la défense et quant aux dépenses à inclure dans le budget. Je dirais que c'est surtout la responsabilité de votre comité.
Si vous le permettez, je voudrais aborder très brièvement la question des gens que nous représentons. Oui, nous représentons des travailleurs de la construction navale, mais la portée du problème est beaucoup plus grande. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, c'est la souveraineté du pays qui en dépend de même que notre désir de préserver nos moyens de défense. Ce n'est pas possible sans une solide industrie de la construction navale et l'infrastructure requise pour améliorer et préserver notre système de défense. Tel est notre principal message.
Je terminerai en disant que vous devriez centrer votre attention sur ce que nous demandons. Nous ne prétendons pas que la solution à tous les problèmes de l'industrie se trouve dans ce document. Nous disons simplement quelles sont les solutions, selon nous, mais nous demandons à votre comité d'appuyer l'appel que nous lançons au gouvernement fédéral pour qu'il organise un sommet, une réunion des parties prenantes à l'échelle nationale, en reconnaissant que l'industrie est en crise, que nous devons pouvoir discuter des solutions possibles et essayer de trouver une solution canadienne aux problèmes que nous connaissons si nous voulons avoir une industrie de la construction navale.
Je crois qu'étant donné le travail que votre comité a accompli, il sera convaincu, comme nous, de la nécessité d'avoir une industrie navale. Nous pouvons discuter de ces questions sans que cela ne coûte un sou. Nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses. Nous sommes prêts à entendre les solutions des autres secteurs et les idées des autres intéressés. Nous devons pouvoir en discuter et connaître la position du gouvernement fédéral sur ces questions. Mais nous voulons tenir une discussion, une discussion très large sur ce sujet, une discussion de portée nationale, sous la direction du gouvernement fédéral afin que nous puissions commencer à chercher des façons de résoudre le problème.
• 0940
L'industrie est en crise et c'est son existence qui est en
jeu. Voulons-nous qu'elle survive? Je pense qu'il le faut. Voilà
pourquoi nous demandons cette réunion.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Holloway.
Je vais donner la parole à M. Laurin.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Je veux d'abord poser quelques courtes questions afin d'obtenir de l'information. Je ne peux pas dire que je saisis bien la nature essentielle du problème que vous nous expliquez.
À votre avis, y a-t-il trop de chantiers navals au Canada? Est-ce que le marché peut faire vivre tous les chantiers navals que nous avons sur la côte ouest et sur la côte est, de même qu'au Québec?
[Traduction]
M. Les Holloway: Tel était tout le débat entourant la décision de rationaliser l'industrie. Au départ, il y a une dizaine d'années, quand cela a été mis en oeuvre, c'était la première question au centre du débat et de la décision prise par le gouvernement de l'époque.
Je vous répondrai qu'à ce moment-là, nous avions dit que tant que nous ne serions pas au moins sur un pied d'égalité, pour ce qui est de la capacité excédentaire... S'il y a actuellement une capacité excédentaire c'est parce que nous ne sommes pas sur un pied d'égalité. Nous sommes totalement en dehors du marché. Nous ne pouvons pas soutenir la concurrence. Mais ce n'est pas parce qu'il y a trop de chantiers maritimes. C'est parce que les politiques penchent trop en faveur de nos concurrents des autres pays.
Tous les autres pays ont des politiques par lesquelles ils cherchent à obtenir des contrats de construction navale et à convaincre les armateurs étrangers de venir construire chez eux. C'est exactement ce que j'ai dit à propos du programme américain de financement des navires du Title XI de la Jones Act. Les Américains cherchent des moyens de préserver leur industrie navale et d'inciter les armateurs à faire construire leurs navires chez eux. C'est exactement le genre de choses que nous devons faire en premier.
Par conséquent, pour ce qui est de savoir s'il y a trop de chantiers maritimes, je dirais que non. Le problème c'est qu'il faut au moins que nous soyons sur un pied d'égalité. Quand ce sera chose faite, nous pourrons voir s'il y a ou non une capacité excédentaire. Mais c'est à cause de l'absence de politique; je ne pense pas qu'il faille mettre l'accent sur le problème de la capacité excédentaire.
[Français]
M. René Laurin: Au Canada, nos chantiers maritimes sont-ils sont en concurrence les uns avec les autres ou s'il y a une spécialisation dans chacun des chantiers maritimes qui fait en sorte qu'ils s'adressent à des marchés différents? Est-ce que tous les chantiers peuvent construire les mêmes bateaux? Ont-ils les mêmes spécialités?
[Traduction]
M. Les Holloway: Non, ils ne construisent pas tous le même type de navires. Par exemple, le Spirit of Columbus, qui a été construit dans le chantier Davie, était une plate-forme pétrolière convertie...
[Français]
M. René Laurin: Excusez-moi. Je ne vous demandais pas s'ils faisaient des choses différentes. Je vous demandais s'ils étaient tous capables de faire les mêmes choses ou si certains chantiers maritimes étaient spécialisés dans la construction de tel type de navire seulement, alors que d'autres étaient équipés pour construire tel autre type de navire. Est-ce qu'ils se font la concurrence pour l'obtention d'un contrat de construction d'un bateau ou si chacun a son créneau spécialisé, ce qui qui fait en sorte qu'il s'adresse à des clients différents? Cela peut expliquer la concurrence qui existe ou qui n'existe pas entre les chantiers maritimes. Tel était le sens de ma question.
[Traduction]
M. Les Holloway: Je vous ai donné un exemple de travail réalisé au Québec. Le seul facteur qui puisse déterminer si un chantier maritime est compétitif ou non pour un travail donné, est surtout celui de la taille. La plupart des chantiers s'efforcent d'obtenir tous les contrats possibles, surtout dans un pays qui n'a pas de politique propre à soutenir l'industrie, mais les chantiers maritimes ont tendance à viser certains secteurs du marché.
• 0945
Par exemple, le chantier maritime d'Halifax est surtout un
grand chantier de réparations. Pour compenser ses frais généraux,
il construit des petits bateaux de même que les navires
ravitailleurs ou les navires de la Défense côtière qui ont été
construits. Cela lui permet d'être plus concurrentiel sur le marché
de la réparation.
Saint John ne fait pas du tout de réparations. Il s'agit d'un gros constructeur de navires. Ce chantier construit, bien entendu, des frégates, comme nous en avons parlé, mais également des porte-conteneurs. Il est en train de terminer la construction d'un deuxième porte-conteneurs, mais son champ d'activités est déterminé par sa taille.
Si vous allez à Terre-Neuve, la construction navale se spécialise dans les plates-formes de forage et les choses de ce genre. Je veux dire que la construction navale est assez souple pour exploiter les possibilités qui se présentent.
En Colombie-Britannique, on construit des transbordeurs. L'industrie de la construction navale a essayé de se tailler un créneau en Australie pour construire le dernier transbordeur, un excellent navire. Nous sommes allés là-bas, la semaine dernière pour assister à des réunions et nous sommes allés à bord de ce bateau. C'est un excellent navire et je crois qu'il témoigne de la compétence de nos ouvriers. Il a eu quelques petits problèmes, mais c'est un très bon bateau qui peut être très commercialisable. Nous espérons qu'il l'est.
Vous avez aussi un créneau pour un navire à coque d'aluminium ou à double coque. C'est normal. En fait, les propriétaires de chantiers maritimes vont centrer leur attention sur les marchés dont ils peuvent obtenir leur part. S'il n'y a que six porte-conteneurs à construire, cela représente sept années de travail. Si chaque chantier essaie d'en obtenir une part, ce ne sera avantageux pour personne.
Une autre question importante est celle de la courbe d'apprentissage et des économies d'échelle. La première frégate qui a été construite à Saint John a demandé énormément d'heures de travail. Ce même chantier a construit sa dernière frégate dans des conditions que personne ne pourrait concurrencer en construisant un navire de ce type en aussi peu de temps et à ce prix, étant donné la courbe d'apprentissage.
Je réside sur la côte Est, mais je trouve offensantes toutes ces critiques à l'endroit des transbordeurs de la Colombie-Britannique. C'est un genre de prototype. On essaie de s'implanter dans un marché. Il y a un prix à payer pour démarrer, pour créer quelque chose.
Prenons par exemple Buzz Hargrove, le président de notre syndicat national. Chrysler gagnerait-elle de l'argent si elle construisait trois mini-camionnettes et essayait de les vendre? Gagnerait-elle de l'argent si elle construisait trois Concordes ou je ne sais trop quoi? Elle y laisserait sa chemise. Elle dépense des centaines de millions, voire des milliards de dollars pour un seul véhicule, mais quand elle en commence la production en série, l'opération devient rentable.
La réponse est que, si les bonnes politiques sont en place, les chantiers maritimes arrivent, tout naturellement, à se tailler un créneau. C'est la même chose un peu partout. Si vous prenez l'Italie, elle met l'accent sur les bateaux de croisière tandis que les chantiers maritimes asiatiques s'intéressent beaucoup aux porte-conteneurs et ce genre de navire. La même chose se produirait dans notre marché si nous avions des politiques qui nous permettaient de nous y implanter.
Le vice-président (M. David Pratt): Monsieur Laurin, je vais devoir vous couper la parole. Vous avez largement dépassé le temps qui vous était imparti. C'est maintenant au tour de M. Proud.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.
Messieurs, vous êtes les bienvenus à notre réunion de ce matin. Vous n'avez pas à me convaincre. Je partage les opinions que vous avez exprimées ici ce matin. Je viens de la côte Est et je connais les problèmes qu'éprouve le secteur de la construction navale.
Le caucus libéral de l'Atlantique travaille à cette politique de la construction navale depuis un certain temps. Nous vous avons déjà rencontrés. Nous avons rencontré les associations d'employeurs. Nous déployons beaucoup d'efforts pour nous faire entendre du ministre et du ministère afin de pouvoir modifier la politique de construction navale et nous doter de notre propre Jones Act.
Je crois également indispensable de réunir les parties prenantes et je vais mettre l'épaule à la roue pour l'obtenir. J'espère que le comité fera des recommandations en faveur du genre de sommet dont vous parlez. Cela contribuerait largement à nous mettre sur la bonne voie.
Aux États-Unis, la Jones Act me fait un peu peur pour une autre raison. Depuis que le gouvernement construit des navires de guerre, qu'il s'agisse de destroyers, de frégates, de navires ravitailleurs ou autres, il s'est toujours adressé aux chantiers maritimes du Canada. La nouvelle expression sur toutes les lèvres dans le milieu de la défense actuellement est «en stock». Si vous pouvez vous procurer un produit aussi bon que ce que vous pouvez obtenir chez vous, pourquoi ne pas l'acheter ailleurs. Même pour les frégates que nous avons construites à Saint John, une bonne partie de leur équipement, de l'électronique, de l'armement et du reste, venait de l'étranger.
• 0950
Il faut être prudent. C'est ce qui m'inquiète si nous n'avons
pas notre propre politique de construction navale, une politique
stipulant que nos navires doivent être construits au Canada. Il y
en a peut-être une, je l'ignore. Ce qui m'inquiète c'est que si
l'on parle d'acheter les produits «en stock» nous n'aurons peut-être pas à
le faire.
Je suis d'accord avec votre exposé de ce matin. Compte tenu du grand nombre d'organismes et de gens qui vous appuient y compris de nombreux organismes dans la région de l'Atlantique, je crois que nous pouvons orienter cette politique comme nous le souhaitons, et cela sans trop avoir à attendre, je l'espère.
M. Les Holloway: Je voudrais seulement dire que cela nous inquiète également. Un bon exemple qui montre qu'on commence à s'orienter dans cette voie est qu'on cherche actuellement à acheter un transbordeur pour relier la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. C'est un achat non militaire. Ce traversier pourrait être construit dans la région de l'Atlantique, dans la cale sèche de Saint John, à très bas prix. Le dernier traversier, par exemple, a été construit au Québec. C'était le Joseph and Clara Smallwood.
Au lieu de créer une stratégie pour faire face aux problèmes de capacité des transbordeurs entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, au lieu de louer un navire pour une courte période pendant qu'on en construira un dans les chantiers maritimes du Canada, nous voulons acheter un bateau à l'étranger. Ce travail pourrait aider notre industrie à se maintenir à flot à court terme pendant que nous chercherons à résoudre nos problèmes.
Je tenais seulement à dire que nous nous orientons déjà dans cette direction et que cela fait peur.
Le vice-président (M. David Pratt): Monsieur Proud, avez-vous d'autres questions?
M. George Proud: Pas pour le moment.
Le vice-président (M. David Pratt): Du côté libéral, il nous reste encore trois minutes et demie.
[Français]
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur Holloway, je dois vous dire que je ne m'y connais pas beaucoup en matière de chantiers maritimes. Je vais vous poser une question sur le Jones Act.
Les États-Unis, comme tous les autres pays signataires du traité de l'OMC, doivent ouvrir leurs frontières commerciales. Savez-vous s'il y a une nation ou un pays qui a amené les États-Unis devant les tribunaux de l'OMC pour essayer de briser le Jones Act?
[Traduction]
M. Les Holloway: À ma connaissance, la seule initiative qui ait cherché à régler la question des subventions à l'échelle mondiale est celle de l'OCDE. Elle a échoué. Les Américains ne voulaient pas signer parce qu'ils auraient dû renoncer à la Jones Act. Ils n'étaient pas d'accord. C'est la seule initiative que je connaisse qui se soit attaquée à la Jones Act.
Pour ce qui est de l'ALENA, les Américains et leurs négociateurs ont tenu absolument à ce que ces dispositions demeurent valides dans tout accord. Je dois dire que nous n'avons jamais préconisé d'adopter notre propre Jones Act au Canada, bien que ce serait une excellente chose.
Nous estimons plutôt que, dans le cadre du libre-échange, tel qu'on l'appelle, la Jones Act ne devrait pas s'appliquer aux pays de l'ALENA, tout comme les droits d'importation de 25 p. 100 ne s'appliquent pas aux pays de l'ALENA. C'est ce que prévoit l'accord. La Jones Act ne devrait pas non plus s'appliquer aux pays de l'ALENA. Cela équilibrerait les choses et nous donnerait accès au marché intérieur, ce qui serait bien entendu bien avantageux pour nous. Les Américains vont certainement exercer de fortes pressions pour que cela n'arrive pas.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Bertrand.
Monsieur Earle.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Je voudrais d'abord féliciter Les pour son exposé. J'ajoute que je ne m'étonne pas de la façon dont mon collègue du Parti réformiste aborde le sujet en cherchant à en faire une question partisane et à la relier au syndicat. C'est tout simplement dégoûtant. C'est une question importante pour nous tous et pour tous les Canadiens, quelle que soit notre affiliation politique et je crois qu'il faudrait l'examiner dans cette optique, ce que font la plupart des gens raisonnables.
• 0955
J'en arrive à ma question. J'ai remarqué que, dans votre
exposé, vous insistiez sur le fait que les États-Unis avaient une
politique très énergique pour protéger leur construction navale et
semblaient avoir une volonté politique très forte pour protéger et
préserver cette industrie. Est-ce ce qu'il faudrait faire également
au Canada?
Vous avez déjà dit que les armateurs, les travailleurs, les chambres de commerce et tout le monde convenaient que nous avions besoin d'une politique, et je suis certainement d'accord. J'ai insisté sur ce point à de nombreuses reprises. Mais le problème se résume-t-il à l'absence de volonté politique du gouvernement qui n'est pas vraiment prêt à aller de l'avant et à prendre des mesures énergiques? Le problème se résume-t-il à cela?
M. Les Holloway: C'est sans doute ce que penseraient la plupart des observateurs de l'extérieur.
Les journalistes me demandent pourquoi le gouvernement n'est pas prêt à nous rencontrer? Pourquoi n'organise-t-il pas un sommet? Voyez ce qui se passe dans l'industrie.
Dans la région de l'Atlantique, il y a plus de 70 p. 100 de travailleurs en moins dans ce secteur qu'à l'époque où le gouvernement libéral fédéral est arrivé au pouvoir en 1993. Pensez-y. Avec les coupes dans les dépenses gouvernementales et le reste, on construit beaucoup moins de navires et de navires gouvernementaux. Les faits sont là et nous assistons à la destruction de l'industrie dans la région de l'Atlantique.
Sur la côte Ouest, on a encore un traversier à construire, mais ce projet pourrait subir le contrecoup de sa très mauvaise couverture médiatique.
Nous savons ce qui se passe au chantier Davie dans la province de Québec. Les temps sont difficiles actuellement. La vraie question donc est de savoir si l'on veut conserver ce secteur.
Dans quelques régions, comme par exemple à St. Catharines où se trouve Port Weller, il y a actuellement du travail mais on vous dira que dans deux ou trois ans ce chantier se trouvera dans la même situation que les autres si rien ne change. C'est donc plutôt grave.
M. Gordon Earle: Je voudrais poser une question.
Vous avez parlé de la Jones Act et de son importance aux États-Unis. Vous avez ajouté que vous n'aviez pas songé sérieusement à préconiser que le Canada se dote d'une loi semblable et nous savons que des difficultés surgiraient si le Canada s'opposait à l'application de cette loi en vertu de l'ALENA et de la Loi sur le libre-échange. Le Canada aurait-il intérêt à se doter d'une Jones Act pour venir en aide à notre construction navale au lieu d'essayer de contester le droit des Américains à en faire autant?
M. Les Holloway: Notre éventuelle Jones Act devrait prendre en compte les besoins de l'ensemble de l'industrie. Chaque fois que la question est sur le tapis, par exemple quand nous rencontrons le ministre Manley, on se demande immanquablement si un programme national de financement ne vaudrait pas mieux. Assurément, cela vaudrait mieux, mais cela ne réglerait pas toute la question. Le problème ne se limite pas à cela.
Le problème vient de l'angle sous lequel on envisage l'industrie de la construction navale au Canada. Si l'on se dit que nous voulons le préserver il faut se demander quelle vaste stratégie industrielle il faudrait adopter pour que ce secteur survive, prospère, continue d'exister. C'est ainsi que nous abordons les choses.
Quel que soit le moyen choisi, nous souhaiterions que cela se fasse par voie législative, que nous nous dotions de dispositions qui règlent un certain nombre de problèmes importants pour l'industrie.
M. Gordon Earle: Bien.
Une dernière question.
On a suggéré, et je pense que je le fais moi-même à l'occasion, lorsque le ministère de la Défense nationale songe à acheter de l'équipement par exemple, qu'au lieu de laisser nos stockes s'épuiser pour ensuite placer une commande énorme exigeant qu'elle soit remplie immédiatement—et je songe par exemple aux hélicoptères, aux navires, aux frégates, etc.—il étale judicieusement les commandes de matériel sur une certaine période avec la construction par exemple de deux navires de loin en loin, puis de deux autres plus tard au moment où d'autres seraient remisés. Serait-ce là une façon viable d'assurer une certaine continuité à la construction navale?
M. Les Holloway: Je pense que ce serait plus raisonnable que ces variations en dents de scie. Il est plus logique d'adopter une approche plus systématique serrée pour assurer la viabilité d'une industrie comme la construction navale et pour en fait construire des navires.
Si je ne m'abuse on songe actuellement à remiser une demi-douzaine environ de navires de défense côtière que nous avons construits. Cela me suggère qu'on aurait dû réfléchir à la façon de construire ces navires et qu'on aurait dû les construire à un moment où il était possible de leur fournir l'équipage nécessaire.
Effectivement, une telle stratégie pourrait constituer une recommandation de la part de ce comité pour régulariser le travail et éviter les soubresauts moyennant quoi la situation se stabiliserait sur le plan des besoins en matière de défense, de souveraineté, et ultimement, de dépenses.
M. Gordon Earle: Merci.
Le vice-président (M. David Pratt): Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à tous. Je tiens aussi à féliciter Les de son exposé, et je souhaite la bienvenue à Garry et à Terry, qui sont de ma région.
Je tiens à dire que les travailleurs des chantiers navals de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick m'ont toujours beaucoup appuyée, moi et d'autres également. Ils font ce qu'ils ont à faire et je ne leur demande pas comment ils votent car cela les regarde. Je sais qu'ils sont là et, Dieu soit loué, ils font un travail remarquable.
Monsieur le président, je tiens à dire ceci. Quand il y avait 4 000 travailleurs à notre chantier naval...
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Pourquoi me visez-vous? C'est eux qui l'ont dit.
Mme Elsie Wayne: Quoi qu'il en soit ils n'obtiendront jamais un autre vote à Saint-Jean, ne vous en faites pas. C'est fini.
Hector, quand il y avait 4 000 travailleurs occupés, notre économie était très florissante et toute la région en bénéficiait. C'était absolument remarquable.
Aujourd'hui, qu'en est-il? Ne n'avons plus qu'une centaine d'emplois dans le chantier naval... Terry, c'est cela n'est-ce pas?
M. Terrence O'Toole (président, local 3, Fédération des travailleurs de construction navale, TCA): Ils sont 275.
Mme Elsie Wayne: Nous sommes passés de 4 000 à 275 travailleurs.
Je vais vous dire quelque chose. On est venu de la Louisiane pour interviewer 200 de nos hommes et quelle a été la conclusion? Ce sont les meilleurs travailleurs de la construction navale qu'on n'avait jamais interviewés et on leur a offert à tous des emplois.
Une jeune étudiante à l'école secondaire m'a rendu visite à mon bureau et a demandé à me voir. J'ai accepté et elle a dit: «Madame Wayne, ne pourriez-vous pas faire quelque chose pour que papa revienne et travaille dans un chantier naval ici? Mon papa est parti.» Elle a dit: «Je vous en prie, ne pouvez-vous pas faire quelque chose, madame Wayne? C'est ma mère qui m'envoie vous demander cela aujourd'hui.»
Je demande l'appui de mes collègues autour de cette table afin que nous nous unissions et que nous luttions becs et ongles pour obtenir une politique de construction navale afin que cette jeune fille retrouve son papa. Je vous assure que les travailleurs ne veulent pas aller au États-Unis car ils veulent vivre ici.
Un représentant de la construction navale en Colombie-Britannique est également ici aujourd'hui. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur.
Permettez-moi de vous dire ceci. Quand on constate que nous achetons des sous-marins d'occasion, pour constater ensuite qu'ils ne peuvent être utilisés sans être réparés, ils nous incombe à nous, membres du comité, de talonner le gouvernement pour lui signaler que nous voulons construire nos propres sous-marins, Rob.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Elsie Wayne: En effet et je vais vous talonner, très cher, à propos de ces sous-marins si les choses ne baignent pas. De toute façon...
Le vice-président (M. David Pratt): Madame Wayne, nous accueillons des témoins ce matin et je suis sûr qu'ils seraient ravis de répondre à vos questions.
Mme Elsie Wayne: C'est un sujet important dont il faut nous occuper.
Less, combien y avait-il de travailleurs de la construction navale en 1993 dans tout le pays?
M. Les Holloway: Je vais vous donner un chiffre approximatif: nous étions probablement 12 000 travailleurs à l'échelle du pays.
Pour ventiler un peu ce chiffre, je dirais qu'il y en a environ 275 à Saint-Jean, comme je vous le disais tout à l'heure et à peu près autant dans les chantiers navals de Halifax. Il y a donc 275 travailleurs alors qu'il y en avait 3 500 à 4 000 à Saint John autrefois. À Halifax, il y en avait 1 300 autrefois et 275 maintenant.
À Terre-Neuve, ils sont moins de 100 à avoir du travail alors qu'il y en avait 1 000. Le chantier de Pictou est presque fermé. Prenez le chantier Davie à Québec et voyez ce qu'il s'y passe. Il n'y a presque personne qui y travaille. En Colombie-Britannique, on éprouvera les mêmes difficultés si rien n'est fait. C'est donc une basse considérable.
Mme Elsie Wayne: Mais il faut tenir compte des retombées sur les autres secteurs. La construction navale exige la participation d'un grand nombre de travailleurs de haute technologie. La haute technologie a fait son entrée. Notre ministre, le ministre de l'Industrie, doit comprendre qu'il s'agit ici de haute technologie. Je lui ai posé une question un jour à la Chambre des communes à laquelle il a répondu que nous vivions dans un monde de haute technologie. Eh bien, la construction navale, c'est de la haute technologie.
• 1005
Connaissez-vous les retombées pour les autres secteurs?
M. Les Holloway: La construction navale est toujours une industrie à fort coefficient de main-d'oeuvre. Pour chaque travailleur de la construction navale, on compte deux et demi à trois emplois créés à l'extérieur du chantier naval, dans le secteur des approvisionnements et services.
Mme Elsie Wayne: Bien.
J'ai eu l'occasion, de rencontrer l'ambassadeur du Canada à Washington, qui m'a beaucoup impressionnée.
Le vice-président (M. David Pratt): C'est M. Chrétien.
Mme Elsie Wayne: Il m'a beaucoup impressionné. Vraiment.
Cependant, à propos de la Jones Act, dont le sujet a été soulevé par mes interlocuteurs, il a dit: «Elsie, nous ne nous sommes occupés de ce dossier.» Je pense que la seule façon d'amener l'ambassadeur à s'en occuper est de faire en sorte que le Comité de la défense aille à Washington. J'ai dit au président que nous devrions y aller pour le rencontrer.
M. Robert Bertrand: Nous ne pouvons pas voyager.
Mme Elsie Wayne: Dans ce cas-là, je suis prête à payer mon billet pour aller lui parler.
Je pense qu'il faut lui demander de s'occuper de cette question. Nous devons le lui demander et, comme vous le savez, le ministre doit en faire autant.
D'autres questions, qu'il connaissait fort bien, ont été abordées. Sur cette question-là, il nous défend et je suis sûre qu'il en ferait autant pour la Jones Act.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, madame Wayne.
Monsieur Hanger, vous avez cinq minutes.
M. Art Hanger: Merci beaucoup, monsieur le président.
Permettez-moi de répondre aux allusions de mes collègues mais ma réponse s'adresse également aux témoins. On a parlé de partisanerie, n'est-ce pas? Quand on regarde strictement la politique du gouvernement—et vous y avez fait allusion, monsieur Holloway—on constate que 1993 marque un point tournant dans la construction navale. On est forcé de se demander ce qui s'est passé en 1993 et ce qui explique une si grande diminution du nombre des travailleurs depuis. Est-ce de la partisanerie? Cela a certainement quelque chose à voir avec la politique du gouvernement. N'importe comment, c'est fondamental.
Le Comité de la défense va se pencher sur la politique en matière de défense. Quelle est-elle? Quelles sont les sommes consacrées aux dépenses en matière de défense? Depuis 1993, les dépenses en matière de défense ont été réduites de 23 p. 100, c'est-à-dire 25 p. 100 en dollars réels. Comment cela affecte-t-il la construction navale dans le domaine de la défense? Énormément. Oui, nous avons besoin de navires d'approvisionnement, il nous faut remplacer les destroyers, et il nous faut des navires de défense côtière. Comment allons-nous faire pour les obtenir quand on sait que le budget a été réduit à 1 p. 100?
Il y a des parties qui préconisent qu'on n'achète pas d'équipement offensif et qu'on devrait cesser complètement de s'en procurer. Jamais notre parti n'a été de cet avis et de façon générale, le Parti conservateur non plus.
Le budget de la défense représente 1 p. 100 du PIB, et c'est le plus bas pourcentage parmi les pays qui forment l'alliance de l'OTAN. Croit-on qu'on va donner de l'expansion à la construction navale avec un si petit budget? J'en doute très fort. Messieurs, je suis réaliste et je pense que les choses devraient être dites comme elle sont même par les députés ministériels.
Je pense que votre exhortation est légitime. Qu'est-il arrivé à la construction navale de défense? Moi je peux vous le dire, et c'est très simple.
M. Les Holloway: Tout le monde sait que beaucoup de contrats gouvernementaux ont disparu pendant les années 90 à cause des compressions budgétaires. C'est indéniable.
Cela dit, le problème auquel nous sommes aux prises comporte plusieurs facettes. Vous ne cessez de dire qu'il est lié à la défense mais en fait...
M. Art Hanger: Je vous rappelle que vous comparaissez devant le Comité de la défense.
M. Les Holloway: Je le sais bien. N'oubliez pas que tout à l'heure j'ai bien dit que notre position, et je pense que c'est la bonne position, est la suivante: notre pays ne peut pas avoir de défense sans pouvoir compter sur une infrastructure sur laquelle elle repose. La construction navale fait partie de cette infrastructure.
M. Art Hanger: C'est très juste.
M. Les Holloway: Et c'est cela notre discours.
Ni mes collègues ni moi-même ne nous présentons devant le comité en disant que l'unique solution passe par une augmentation des dépenses dans le domaine de la défense et que c'est seulement ainsi que nous pourrons maintenir le secteur des chantiers navals au Canada. Mais nous disons que le problème dépasse le cadre et que notre industrie doit pouvoir concurrencer les autres pays pour ce qui est de la construction de navires commerciaux de tous types si nous voulons la préserver. Ainsi, en cas de besoin dans le domaine de la défense ou de la souveraineté de la nation, l'industrie existera.
• 1010
Je voulais aborder la question des subventions et des
initiatives du gouvernement. Rappelez-vous, les premiers ministres
des provinces ont annoncé encore récemment qu'il fallait faire
quelque chose à propos des subventions et qu'à défaut de cela, il
fallait au moins tenir une réunion, et qu'en outre on devrait
prévoir une politique en matière de construction navale pour le
Canada. C'est ce qu'ont dit les premiers ministres canadiens.
Je le dis à l'intention des députés qui ne le sauraient pas: lors de nos entretiens à l'OMC alors que nous nous proposions de parler de la construction navale, sujet, que je sache, passé sous silence, nous avons constaté que nous siégions aux côtés de nos collègues de France, de Grande-Bretagne et d'Allemagne, qui, tous, avaient prévu d'augmenter leurs subventions. Ils avaient prévu d'augmenter les subventions données dans leur pays respectif pour sauvegarder la construction navale chez eux. Ainsi, nous avons compris que c'était peine perdue. On veut dire aux Américains qu'il faut se débarrasser de la vieille Jones Act. Et voilà que ceux-là augmentent leurs subventions précisément au moment où nous abordons la question de la suppression de toutes les subventions.
Il n'y a donc rien à faire. C'est un geste noble. Nous pensons qu'en jouant franc jeu, en s'attaquant au problème, en se débarrassant de ces subventions très injustes, qui ne font qu'empêcher les pays de se livrer concurrence, créant des iniquités sur le marché de la construction de navires, nous accomplissons un geste noble qu'il ne faudrait pas arrêter. Toutefois ce sera impossible en l'absence d'une politique qui soutienne notre industrie quand on sait qu'aucun autre pays ne respecte les règles. Nous sommes le seul pays maritime du monde qui, tout en ayant un secteur de construction naval, n'a pourtant pas de politique de construction navale—le seul pays.
Comment en avons-nous conclu que nous allions supprimer toutes les subventions données dans d'autres pays? Personne ne nous écoute. Au moment même où on s'entretient avec eux, ils augmentent leurs subventions. Voilà ce que fait notre pays.
Il n'y a pas de solution unique au problème. C'est un problème beaucoup plus complexe.
Art, il vous faut répondre à une seule question: pensez-vous qu'il est nécessaire de maintenir une infrastructure de construction navale pour maintenir la défense de la nation?
M. Art Hanger: Oui.
M. Les Holloway: Vous dites oui et je vous répondrai qu'il vous faut appuyer notre requête afin que les intéressés se rencontrent pour discuter de la question et tenter de trouver une solution pour le Canada. Essayons de trouver une façon de préserver une industrie qui, nous en convenons, est nécessaire à la défense de la nation. C'est là notre message.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Holloway.
Judi.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Merci, monsieur Holloway. Je comprends certainement le point de vue que vous avez adopté.
En répondant à M. Hanger, vous avez répondu à ma question en disant qu'il n'y avait pas de solution unique.
Je ne pense pas qu'il y ait un membre de notre comité qui n'ait pas travaillé fort afin de faire augmenter les dépenses publiques. Nous aimerions qu'il y ait des navires ravitailleurs. Je ne pense pas que ce soit là une question partisane. Notre comité veut une augmentation des dépenses. Je conviens que ce ne sont pas tous les membres de notre parti qui partagent vos préoccupations, mais pour ce qui est des membres de notre comité, nous sommes tous du même avis là-dessus.
Il est probablement juste de dire que nous sommes du même avis pour vous dire que l'on devrait convoquer un sommet afin d'examiner ces questions. Je pense que cela est vital et qu'il est nécessaire que quelqu'un d'autre que le Comité de la défense se penche sur la question. D'ailleurs vous l'avez mentionné.
La question va au coeur d'Industrie Canada qui continue de prétendre que nous avons une politique de la construction navale et vous avez souligné, avec raison, qu'à votre avis, nous n'en avions pas.
Je pense que cela aurait dû être négocié à l'OMC. C'est malheureux d'une certaine façon lorsque vous dites que nous sommes le seul gouvernement qui respecte les règles, qui n'accorde de subventions et qui ne fait pas tout cela, mais nous sommes les seuls à en subir réellement les conséquences.
Étant donné tout cela, que pourriez-vous apporter à la table lors d'un sommet? À votre avis, quelle devrait être la stratégie globale clé du gouvernement canadien? Vous avez fait allusion au financement et vous avez dit que vous aviez besoin d'une période d'amortissement plus longue et que cela devait s'appliquer aux navires construits au Canada.
Je suis d'accord pour dire que nous devrions acheter des produits canadiens, mais je pense que cela parfois nous désavantage. Si nous avons une politique de protectionnisme total, alors comment pouvons-nous convaincre d'autres pays à acheter des produits canadiens, si nous disons que nous n'achèterons que des véhicules canadiens? Quelles règles le gouvernement devrait-il à votre avis mettre en place pour faire face à cette situation?
M. Les Holloway: Vous posez beaucoup de questions. Je vais tenter de répondre en faisant une déclaration un peu plus générale.
Lorsque nous envisageons un sommet, nous voulons tout d'abord reconnaître qu'il y a une crise dans le secteur et de montrer en convoquant un sommet que nous tenons à maintenir une industrie de la construction navale au pays.
• 1015
Voilà les deux principales questions qui, à mon avis, seraient
au centre d'un tel sommet. Il s'agit ensuite d'examiner quels sont
vraiment les problèmes auxquels l'industrie est confrontée et
quelles sont les solutions que nous devons y apporter. Il faudrait
que quelqu'un nous explique comment fonctionne le programme de
financement aux navires, Title XI, aux États-Unis. Pourquoi ce
programme a-t-il un si grand succès? Pourquoi a-t-il réussi à créer
autant d'activité dans les chantiers navals américains? Il s'agit
d'examiner entre autres la Jones Act et de nous demander comment
nous devons nous y prendre pour contrer les iniquités de cette loi.
Pouvons-nous dire aux Américains, à nos voisins du sud, que nous ne
devrions pas seulement envisager une exemption pour les navires qui
viennent des États-Unis au Canada, une exonération du tarif
douanier de 25 p. 100 en vigueur? Pourquoi ne pouvons-nous pas
avoir un débat avec les Américains et dire que, dans le véritable
esprit du libre-échange, nous devrions bénéficier d'une exemption
des chantiers navals canadiens qui font concurrence aux navires
américains?
Cela ne veut pas dire que l'on trouvera des solutions. Les dispositions relatives au crédit-bail sont un gros problème. Si personne n'achète de navires et qu'ils optent plutôt pour le crédit-bail, alors comment pouvons-nous mettre en place une politique qui fait en sorte que la moins-value soit suffisamment favorable pour construire au Canada? Comment pouvons-nous faire cela? Il faut examiner toutes ces questions de façon à ce que personne n'arrive en présumant ou en croyant qu'en fait nous aurons toutes les réponses en fin de compte. C'est un début afin de voir comment nous pouvons tenter de trouver des solutions aux problèmes que connaît l'industrie.
Cela va directement au coeur de la question, car il s'agit de déterminer si nous voulons ou non avoir une industrie de construction navale au Canada. Si nous voulons en voulions une, le gouvernement canadien ne peut pas se croiser les brais alors que tous les autres font leur possible afin d'augmenter leur part du marché mondial dans ce secteur.
Je voudrais mentionner également la question de l'appui. Le Comité des finances devant lequel nous avons déjà comparu a recommandé au ministre des Finances Martin d'intervenir pour améliorer la compétitivité de l'industrie de la construction navale sur le marché international. C'est le rapport du Comité des finances, de sorte que ce dernier appuie notre recommandation comme quoi il faut faire quelque chose. Par ailleurs, dans un document intitulé Le Canada Atlantique: Cap sur l'avenir, les membres du caucus fédéral libéral de l'Atlantique jugent nécessaire d'avoir une politique de construction navale et de rassembler les intervenants pour commencer à chercher des solutions. Je veux simplement ajouter que ce sont là deux sources d'appui qui, à notre avis, ne sont non pas partiales sur une question nécessairement spécifique comme celle-ci.
On estime parfois que nous voulons que quelque chose soit fait parce que nous avons des intérêts spécifiques. Naturellement, j'ai un intérêt spécifique à vouloir que nos membres travaillent—ce sont eux que je représente—mais quels sont les intérêts de la Chambre de commerce du Canada? Elle a un intérêt dans une politique de construction navale et un sommet. Quels sont les intérêts des municipalités au Canada? Pourquoi les premiers ministres provinciaux disent-ils qu'ils veulent rassembler les intervenants? Pourquoi le document Cap sur l'avenir le mentionne-t-il? Si vous n'avez pas lu ce document, je vous encourage à le faire. Et pourquoi est-ce que le Comité des finances le dit également?
L'idée a donc de nombreux appuis. Nous voulons les élargir et nous voulons que votre comité agisse également à cet égard.
Le vice-président (David Pratt): Merci, monsieur Holloway.
Monsieur Laurin?
[Français]
M. René Laurin: Monsieur Holloway, j'ai une question très précise à vous poser. À votre avis, les chantiers maritimes canadiens auraient-ils pu construire des sous-marins comparables à ceux que le Canada vient d'acheter de la Grande-Bretagne? Est-ce que nos chantiers maritimes avaient les infrastructures et les compétences techniques nécessaires pour construire de tels sous-marins répondant aux besoins du Canada?
[Traduction]
M. Les Holloway: Je peux vous dire que lorsqu'il y a eu un débat pour savoir si on achèterait ou non des sous-marins nucléaires—et le gouvernement conservateur proposait d'aller de l'avant et de construire des sous-marins—, les bassins de radoub de Saint John avaient énormément d'avance pour ce qui est de la planification de l'infrastructure qui serait nécessaire pour les construire. Ces navires auraient été construits entièrement à l'intérieur du système de rails pour en faciliter le lancement. Ils auraient pu construire des navires à propulsion nucléaire ou au diesel, selon ce que le gouvernement aurait voulu.
• 1020
Est-ce que la technologie existe? Oui, et la technologie
existait cette année-là. Tout était prêt au cas où l'annonce aurait
effectivement été faite. Les compétences et la technologie qui
existent dans ce chantier naval auraient garanti le succès de ce
projet. Alors, oui, c'est un chantier naval dans le Canada
atlantique qui s'était préparé bien à l'avance à construire ces
navires et qui aurait pu le faire.
[Français]
M. René Laurin: Compte tenu des retombées en matière de recherche et développement d'une telle technologie, des emplois secondaires que l'obtention d'un tel contrat peut créer et des emplois directs qu'on peut ainsi conserver, considérez-vous que le Canada aurait dû payer beaucoup plus cher pour faire faire la construction de ces sous-marins ici plutôt qu'à l'étranger?
[Traduction]
M. Les Holloway: Je ne peux pas vous donner de chiffres, mais nous pensons qu'il est tout à fait logique d'employer des Canadiens. Si l'on emploie les gens et que l'économie est vigoureuse, la société se porte alors beaucoup mieux. L'apport de la construction de ces sous-marins à l'économie locale... Elsie Wayne a parlé de la contribution à l'économie locale lorsqu'on a construit les frégates. Lorsque les frégates ont été terminées, on pouvait voir les commerces littéralement fermer boutique dans la ville. Demandez à n'importe quel propriétaire de petite entreprise ce que représentait le programme des frégates pour la ville de Saint John. Et demandez l'importance qu'il a eu pour la ville de Fredericton. J'ai rencontré le maire là-bas et je lui ai posé cette question. Cela représentait pour lui. Cela représentait quelque chose pour lui. Partout au pays, il y a des collectivités qui ont profité de la construction de ces frégates.
La construction navale n'a pas des retombées uniquement dans la région où le navire est construit mais partout au pays. Il y a un très grand impact économique, un impact très positif lorsqu'on construit de telles frégates, et en aurait constaté la même chose avec la construction des sous-marins.
Je dirais que si l'on faisait un petit calcul, on s'apercevrait qu'il aurait été plus avantageux de construire plutôt que d'acheter. Nous serions plus avancés, car cela aurait créé une activité économique, un revenu disponible qui se serait retrouvé dans l'économie locale, et les travailleurs auraient versé de l'impôt sur le revenu qu'ils auraient ainsi gagné. Si nous avions construit les navires, cela aurait été salutaire pour nous, mais nous avons décidé plutôt de les acheter «en stock».
[Français]
M. René Laurin: Monsieur Holloway, au moment de l'octroi des contrats, avez-vous exercé des pressions auprès du gouvernement? Lui avez-vous fait part de vos revendications et de vos compétences afin qu'il octroie le contrat ici plutôt qu'à l'étranger? Si vous l'avez fait, qu'est-ce qu'on vous a répondu?
[Traduction]
M. Les Holloway: Il me faudrait examiner la correspondance, mais nous avons eu des discussions. Notre fédération appuyait entièrement la construction des navires au Canada, dans les chantiers navals canadiens, non pas l'achat des navires. Notre position n'est pas différente de celle que nous avons adoptée relativement au traversier qu'ils ont l'intention d'acheter à l'étranger.
Nous sommes d'avis qu'il n'y a qu'une seule façon d'assurer la survie de cette industrie. Lorsque nous en aurons l'occasion et lorsque nous devrons renouveler notre capacité pour n'importe quel type de navire utilisé au Canada, nous devrons nous assurer que ces navires sont construits dans des chantiers navals canadiens. Cela est tout à fait essentiel si nous voulons... Les États-Unis ne feraient jamais une telle chose. Ils ne le permettraient pas. Ils construisent leurs navires chez eux. Ils comprennent la nécessité de maintenir leur infrastructure, de sorte qu'ils se concentrent là-dessus. Nous ne le faisons pas, et je crois qu'en partie c'est une tâche qui incombe à votre comité. Il doit insister pour que nous n'achetions pas un produit «en stock», mais pour que nous construisions en fait tout ce que nous pouvons construire dans des chantiers navals canadiens, ce qui aidera notre industrie à survivre.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Holloway.
Monsieur Clouthier.
M. Hec Clouthier: Merci beaucoup, monsieur le président.
Les, je voudrais faire quelques observations. Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord avec vous, et je crois que mes collègues le sont également. Il devrait y avoir un accord de volonté, pour ainsi dire, en ce qui a trait à la politique de construction navale, puisque le Canada n'en a pas à l'heure actuelle. L'autre remarque je voudrais faire, c'est que le 7 décembre—je crois—, Robert Chernecki, conseiller ou un adjoint de Buzz Hargrove, des Travailleurs canadiens de l'automobile, a déclaré clairement devant le Comité de l'industrie que son syndicat ne préconisait pas le recours aux subventions. Mais à la page 12 de votre mémoire qui porte le logo des Travailleurs canadiens de l'automobile, vous dites que l'industrie de la construction navale doit être subventionnée. Ce n'est qu'une observation, mais l'un ne devrait pas dire exactement le contraire de ce que l'autre dit. Si vous voulez défendre vos intérêts—ce que vous semblez très bien réussir à faire—, vous ne devriez pas vous contredire.
• 1025
À ce sujet, vous devriez faire de la politique, car vous avez
en fait répondu à une question de Art Hanger par une autre
question. Je suis sûr que Gib Parent, Président de la Chambre,
serait fier de vous.
Parlant de M. Hanger, je ne veux pas me lancer dans un argument avec lui, mais si vous consultez leur livre, qui s'intitule Aucun départ... C'est un lapsus; le livre s'intitule Nouveau départ. M. Hanger a dit que la politique du Parti réformiste était de réduire de plus de un milliard de dollars les dépenses pour la défense.
Parlons maintenant de la Jones Act, car je crois que c'est là que réside le problème. Je suis d'accord avec Elsie et mes collègues qui disent qu'il est très injuste que les Américains puissent accaparer le marché avec la Jones Act.
Une question que je pourrais vous poser, je suppose, c'est si vous savez quelle différence il y a entre une frégate, un navire ravitailleur ou un navire de charge qui serait construit aux États-Unis par opposition à un navire qui est construit dans les chantiers navals du Canada. Comme je suis un homme d'affaires, je croirais qu'étant donné que ces constructeurs navals américains accaparent le marché, le coût serait plus élevé là-bas. Si j'étais le gouvernement américain, je ne leur accorderais aucune subvention. Je leur dirais que je leur ai donné la meilleure subvention possible parce que personne d'autre ne peut leur faire concurrence. Savez-vous quelle est la différence de prix?
M. Les Holloway: Non, je ne sais pas quelle est la différence de prix. Je sais qu'il y a un lobby très solide qui appuie le maintien de la Jones Act, mais il y a également un lobby très fort qui s'oppose à cette loi aux États-Unis car les sociétés de transport maritime, les chargeurs et les armateurs prétendent que cela fait augmenter leurs coûts considérablement. Cependant, je pense que ce qui est plus important, c'est qu'ils continuent de faire le calcul. Ils reconnaissent que l'industrie de la construction navale offre beaucoup d'avantages, et ils veulent maintenir la Jones Act parce qu'elle assure la survie de leur industrie de construction navale. C'est tout simplement un point de vue qu'ils ont adopté. C'est pourquoi nous ne restons pas inactif en disant que nous devrions adopter ce point de vue selon lequel nous voulons une Jones Act.
Je n'ai pas eu le temps de lire le document et de voir où se trouvait exactement le mot «subvention», à quel endroit ce mot s'est glissé, mais je peux vous assurer que nous ne sommes pas en faveur des subventions. Nous ne voulons pas nous lancer dans une guerre de subvention où aurions une subvention de 6 p. 100, pour voir les Européens passer à 7 p. 100, nous à 8 p. 100, eux à 9 p. 100 et les Asiatiques à 10 p. 100 de façon à ce que nous devrions aller à 11 p. 100. Je sais que ce n'est pas de cette façon que nous devrions nous attaquer au problème. Nous voulons nous y attaquer comme une question de politique.
Par exemple, nous avons une initiative de financement par l'intermédiaire de la SEE, mais qui est tout à fait inadéquate dans le monde réel de la construction navale face à un programme de financement qui accorde 87,5 p. 100 sur une période de 25 ans. De toute évidence, ça ne va pas à l'encontre de quoique ce soit, car nous l'avons et nous travaillons avec cela. La plupart sont très satisfaits que nous laissions les choses ainsi. Les Américains le sont. Ils ne veulent pas que nous ayons l'équivalent du programme Title XI. Ils savent que cela nous permettrait d'être plus concurrentiels dans les navires pour notre propre marché canadien. Comme je l'ai déjà dit, ils construisent des navires aux États-Unis qui sont destinés à notre marché canadien et ils les exportent au Canada, mais ils veulent garder leur propre marché très fermé et très serré.
Nous pensons qu'il est possible de trouver des solutions novatrices et que la convocation d'un sommet serait pour nous une bonne façon de commencer à en parler.
L'autre chose c'est que, en ce qui concerne notre document, aux fins du compte rendu, peu importe ce que notre document dit, c'est le document que nous déposons pour dire qu'en fait, nous devrions lancer un débat sur la question, sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés et sur les solutions. Ce serait le plan de travail, à notre avis, mais pas nécessairement le texte définitif de ce à quoi la politique devrait ressembler en fin de compte. Voilà ce que nous voulons dire. Maintenant, qu'est-ce que tous les autres ont à dire? Une fois que nous aurons entamé le débat, quelles solutions proposerons-nous? Nous pensons que nous pouvons trouver ensemble des solutions novatrices afin d'assurer la survie de notre industrie, si la volonté politique existe.
M. Hec Clouthier: Monsieur le président, j'aurais une autre petite question à poser.
Le vice-président (M. David Pratt): Nous avons le temps pour une très courte question et une très courte réponse.
M. Hec Clouthier: Je crois que pour les constructeurs de navire canadiens, la solution, c'est l'éviscération de la Jones Act. M. Rantz qui est assis là-bas et qui vient de la même région que moi sait que je suis fermier et bûcheron. Nous avons contesté avec succès devant l'OMC et le TCCE certaines dispositions de l'ALENA sur les produits laitiers et forestiers. Il faudrait faire la même chose avec la Jones Act. Vous êtes d'accord?
M. Les Holloway: Toute mesure qui incite les Américains à réfléchir me convient. C'est comme ça qu'on négocie. Ils peuvent être amenés à considérer avec un peu plus de sérieux certaines des iniquités que crée cette loi.
• 1030
Il y a deux manières de contrer une loi comme la Jones Act.
Soit nous en adoptons nous-mêmes une en disant que ce n'est que
justice, soit qu'ils font en sorte que certaines dispositions ne
s'appliquent plus à nous, ce qui nous convient tout aussi bien.
Qu'ils appliquent leur Jones Actaux constructeurs de navire asiatiques ou européens m'importe peu. J'estime simplement que dans l'esprit du libre-échange, de l'accord que nous avons conclu avec eux, ces questions d'iniquité devraient être réglées afin que cet accord commercial nous soit aussi favorable qu'il l'est...
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Holloway. Il semblerait que vous partagiez avec M. Clouthier la même définition de l'adjectif «court».
Monsieur Earle.
M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.
J'aimerais apporter une toute petite précision à propos de l'intervention de M. Clouthier car je crois qu'il n'a peut-être pas bien compris l'emploi du terme subventions dans le mémoire du témoin. D'après ce que je peux lire, ce mémoire dit:
-
Le Canada ne peut pas se permettre de ne pas embarquer dans le
bateau, pendant que d'autres gouvernements alimentent leurs propres
industries à grand coup de subventions, de règles de contenu
national, d'investissements stratégiques [...]
etc. Il n'est nullement question de réclamer des subventions pour l'industrie canadienne.
La suite du texte parle de la nécessité d'un plan proactif pour régler le problème. Je crois que c'est une petite erreur de lecture.
M. Hec Clouthier: [Note de la rédaction: Inaudible]... lunettes.
M. Gordon Earle: Je peux vous prêter les miennes.
Dans votre mémoire vous citez certaines des initiatives actuelles du gouvernement qui devraient être poursuivies et vous parlez d'une prolongation de la déduction pour amortissement. Pourriez-vous me dire en quoi c'est actuellement utile ou la raison d'une nécessité de sa prolongation?
M. Les Holloway: Est-ce que vous pourriez répéter?
M. Gordon Earle: Dans votre mémoire vous parlez d'une prolongation du Régime de déductions pour amortissement—des déductions offertes par la Loi sur l'impôt aux armateurs qui font construire leurs bateaux au Canada. Est-ce que cette mesure a actuellement un impact significatif sur la construction navale?
M. Les Holloway: Vous parles des abattements fiscaux?
M. Gordon Earle: Oui.
M. Les Holloway: Le Québec prétend que c'est son programme de construction navale qui a permis d'enlever le contrat pour le Spirit of Columbus.
Encore une fois il s'agit... nous mettons les problèmes sur la table et nous demandons: que peut-on faire dans la limite du raisonnable? Quelle politique viable pourrait être mise en place? Donc, bien entendu, nous pensons que c'est un instrument qui nous permettrait d'être plus compétitifs sur le marché international.
Cela existe déjà au Québec. Leur problème bien sûr, c'est de trouver un nouvel acheteur et il faut espérer que cela se fera très bientôt. Mais ce programme devrait leur permettre d'être plus compétitifs, de décrocher des contrats pour leurs chantiers navals.
Mais encore une fois, nous considérons que c'est un problème à mettre sur la table de discussion pour voir s'il n'est pas possible de faire quelque chose de novateur, de trouver une politique qui nous permettrait d'être compétitifs.
M. Gordon Earle: Merci.
Le vice-président (M. David Pratt): Avez-vous autre chose à dire, monsieur Earle?
M. Gordon Earle: Non, je vous remercie.
Le vice-président (M. David Pratt): Très bien. Nous passons du côté des libéraux. Monsieur Bertrand.
[Français]
M. Robert Bertrand: J'ai un commentaire à faire et une question à poser.
J'aimerais d'abord apporter une précision sur la question que M. Laurin a posée tout à l'heure concernant les sous-marins.
Comme vous le savez tous, les Australiens ont construit leurs propres navires, leurs propres sous-marin. Si je me souviens bien, quand les responsables du ministère de la Défense australien avaient comparu devant nous, ils nous avaient dit que cela leur avait coûté tout près de 6 milliards de dollars pour six bateaux, si je me souviens bien. Les quatre sous-marins anglais de la classe Upholder que nous avons achetés nous ont coûté 750 millions de dollars. Je pense que le gouvernement a fait un très bon achat. Je pense que cela nous aurait coûté beaucoup plus cher si on avait procédé à la construction des sous-marins ici, au Canada.
Cela dit, monsieur le président, j'aimerais poser une question à M. Marr, qu'on n'a pas encore entendu parler. Quel pourcentage du travail qui est fait dans les chantiers maritimes au Canada vient du marché intérieur et quel pourcentage vient du marché international?
M. Gary Marr (président, Fédération des travailleurs de construction navale, TCA): À Saint-Jean nous avions le chantier des frégates. Nous avons eu...
Le vice-président (M. David Pratt): Pourriez-vous diriger le micro vers vous? Merci.
M. Gary Marr: Dans notre chantier à Saint-Jean, le patron construit en ce moment des bateaux. C'est le seul travail que nous avons.
Dans notre chantier, nous avions le contrat des frégates et sur le marché international, je crois que nous n'avons rien du tout.
[Français]
M. Robert Bertrand: Dans l'Ouest, en Colombie-Britannique, est-ce qu'on fait beaucoup de travail commandé par le marché international?
[Traduction]
M. Les Holloway: J'aimerais répondre. Pas la peine de chercher, nous ne construisons rien pour le marché international. Il y a un ou deux bateaux en cours de construction, et j'ajouterai que la compagnie Irwing qui est propriétaire de la cale sèche de Saint-Jean construit des bateaux à un coût énorme pour essayer de maintenir en vie le chantier naval en lui donnant un peu de travail. Si vous vous déplacez dans le pays, vous constaterez qu'il n'y a aucune commande internationale. Le calcul est facile à faire: c'est zéro.
Quant à la côte Ouest, pour vous donner un exemple, sur la côte Ouest on utilise beaucoup de barges, et je ne me souviens plus du nom de la compagnie, mais elle vient de placer une commande de construction de 12 barges en Chine—des péniches. Pas plus que ça. Donc bien entendu, ils paient les 25 p. 100 de tarif douanier—des chantiers navals largement subventionnés en Chine; des champions des droits de la personne en Chine—et ils font construire ces 12 barges pour naviguer sur les eaux de la Colombie-Britannique. C'est vous dire à quel point la situation est lamentable, à certains égards, quand nous ne sommes même pas capables de construire une barge.
M. Robert Bertrand: Monsieur Holloway, j'ai une dernière question à vous poser sur le crédit-bail. Comment est-ce que cela marche? Vous dites qu'aujourd'hui tous les bateaux pratiquement sont loués. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne connais pas grand chose à la construction navale, mais qui paie la construction du bateau pour ensuite le louer?
M. Les Holloway: Si quelqu'un voulait construire un bateau demain, disons, si Canada Steamship Lines voulait un nouveau bateau pour l'ajouter à la flotte, de nos jours, dans la majorité des cas, elle n'achète pas le bateau mais en commande la construction au chantier pour le louer. Elle en commande la construction et s'engage à le louer pendant un certain temps. Et il n'est pas rare que ce certain temps corresponde à 20 ou 25 ans.
Avec le crédit-bail il y a le problème des déductions. Au Canada la situation est beaucoup moins favorable dans le domaine de la construction navale pour les locations que pour les achats. Mais plus personne n'achète de bateaux. Tout le monde loue.
Dans le domaine du rail, par exemple, c'est le contraire. Vous pouvez acheter un train de 500 wagons. Chaque wagon peut bénéficier des dispositions de crédit-bail à cause de son coût de construction, malgré que vous allez les attacher tous ensemble pour former un convoi. Et il est possible que le coût total de l'ensemble du convoi soit équivalent à ce que coûterait la construction d'un bateau. Il bénéficie des dispositions de moins values pour location, nous, non.
Nous disons en partie que le problème de la construction navale est unique parce que le marché mondial dans lequel nous opérons est unique étant donné toutes les autres initiatives que toutes les autres nations de construction navale mettent en place.
Au Canada, il nous faut trouver une solution spécifique à l'industrie de la construction navale même si le ministre M. Manley rappelle à l'occasion que si on le fait pour la construction navale, il faudra le faire pour tout le monde. Dans notre secteur, il nous faut fonctionner dans le contexte des réalités de notre industrie sur le marché international et ce contexte est différent de celui des autres industries. La solution à nos problèmes doit donc être adaptée aux besoins de notre industrie et c'est un des éléments de la démarche que doit, à notre avis, adopter le gouvernement fédéral.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Holloway.
Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: À propos des règles de Revenu Canada en matière de crédit-bail, j'ajouterais seulement ceci, Robert. Les wagons, les automobiles, les camionnettes, les camions et les remorques sont tous exemptés des règles relatives au crédit-bail—tous les modes de transport sauf le nôtre, la navigation. Si vous naviguez, si vous construisez un bateau, Revenu Canada impose de telles règles.
• 1040
Ce que nous disons, ce qu'ils disent, c'est que les chantiers
navals devraient également être exclus. Les travailleurs de
l'automobile bénéficient de ces exemptions. Les camionnettes, les
camions, les remorques et les wagons sont exonérés mais pas les
bateaux. Monsieur le président, je crois que les arguments ne
manquent pas.
Ma plus grosse inquiétude... Je suis heureuse de savoir que MIL Davie est toujours à Québec et poursuit ses activités. Mais lorsque les États-Unis proposent d'acheter une partie du chantier de MIL Davie, j'ai de grosses inquiétudes, monsieur le président, pour tous les chantiers navals du Canada. Parce que c'est ce que les États-Unis aimeraient, pouvoir contrôler tous les chantiers. Nous avons donc du travail à faire.
J'aimerais vous poser une question. Vous faites plusieurs recommandations dans votre mémoire et à propos de la première concernant le programme du titre XI aux États-Unis, vous dites que tout dernièrement la Nouvelle-Écosse a introduit un programme de prêt garanti. Est-ce qu'il couvre également les chantiers navals?
M. Les Holloway: C'était une initiative ponctuelle. Elle a été proposée par les libéraux qui ne sont plus au pouvoir. C'était une initiative ponctuelle pour essayer d'obtenir le contrat de construction de deux bateaux ravitailleurs par le chantier naval de Halifax. Ils ont remporté le contrat. C'était une initiative qui se voulait l'équivalent de ce qui était offert aux États-Unis mais pas au même niveau.
Mme Elsie Wayne: Très bien. Mais c'était seulement pour ce contrat, n'est-ce pas?
M. Les Holloway: Oui.
Mme Elsie Wayne: Donc de ces recommandations, quelles sont les plus importantes? On n'arrive jamais à tout avoir. Vous savez et je le sais. Donc il y a le programme titre XI qui est important et aussi les règles en matière de crédit-bail et le crédit d'impôt remboursable. Où sont les autres, Les? Est-ce que ce sont les trois plus importantes?
M. Les Holloway: Encore une fois, il y a des recommandations qui sont plus importantes que d'autres, c'est possible, mais il reste que pour régler les problèmes de notre industrie, il faudrait qu'en tant que nation—et c'est la même chose pour tous les secteurs mais je parle de notre industrie puisque c'est de celle-là dont il est question aujourd'hui—, nous observions ce que font les industries des autres pays qui participent aujourd'hui au marché international et trouvions des solutions globales à tous nos problèmes.
Nous mettons ces questions en avant. Les trois que vous avez mentionnées sont au coeur de toute élaboration de nouvelles politiques, sans aucun doute. Mais il faut nous demander ce que nous devons faire en tant que nation pour assurer que les règles soient les mêmes pour tous. Que devrons-nous faire pour que notre industrie ne soit pas désavantagée? C'est au gouvernement fédéral de mener la lutte et de trouver une solution.
Les intéressés sont prêts à négocier, à discuter et à essayer de trouver les solutions aux problèmes en prenant en considération tous les éléments importants. C'est donc sous cet angle qu'il faut aborder le problème plutôt que d'essayer d'établir une priorité et dire qu'une chose est plus importante que l'autre, ensuite celle-là, et essayer d'établir une espèce de liste. Cette industrie est importante. Il faut que le pays se forge une stratégie pour la soutenir, stratégie en constante évolution. Il faut pouvoir y revenir chaque fois que c'est nécessaire, pour qu'elle continue à être efficace parce que la situation ne sera peut-être plus la même demain.
Mme Elsie Wayne: Je suppose que vous êtes venu témoigner devant les Comités des finances et de l'industrie puisqu'ils se sont prononcés en faveur d'une politique de construction navale. Lors de votre comparution, leur avez-vous demandé d'appuyer un sommet sur cette question, à la fois au Comité de l'industrie et au Comité des finances—et ont-ils tous les deux approuvé?
M. Les Holloway: Oui. Nous n'avons pas encore le rapport de l'industrie donc nous ne pouvons rien dire. Je crois qu'il n'a pas encore été publié.
Le Comité des finances dans son rapport a recommandé que le gouvernement fédéral trouve les moyens de garantir une compétitivité internationale à notre construction navale. Ce ne sont pas les termes exacts mais c'était à peu près ça. Le seul moyen d'y arriver, de toute évidence, est d'engager le dialogue et d'essayer ensemble de trouver des solutions.
Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. David Pratt): Monsieur Hart.
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, messieurs, d'être venus aujourd'hui. J'ai trouvé votre exposé des plus intéressants.
Ma perspective est un petit peu différente, je suppose, parce que je suis probablement une des seules personne autour de cette table qui ait effectivement navigué sur un bateau. Au cours de ma carrière, j'ai navigué sur trois destroyers d'escorte canadiens, le Gatineau, le Yukon et le Qu'Appelle et j'en suis très fier.
• 1045
Malheureusement, pendant la période où j'étais dans la marine,
nous avions un grave déficit de matériel. Notre matériel était en
train de rouiller. Lorsque nous participions à des manoeuvres un
peu partout dans le monde, nous pouvions voir que le Canada était
à la traîne. Nous sommes une nation maritime. C'était au milieu des
années 70, j'étais jeune et je trouvais cela particulièrement
triste.
Le Canada est une nation maritime et nous devrions avoir une industrie de construction navale. Le Canada devrait pouvoir être compétitif dans ce secteur sur la scène internationale. Un des problèmes, à mes yeux, qu'il s'agisse du programme des frégates ou des catamarans en Colombie-Britannique, c'est que pour le public, ces programmes sont toujours associés à des dépassements de coût importants. Donc pour commencer, j'aimerais savoir ce que fait l'industrie pour changer la situation. Quelles recommandations proposez-vous pour éviter ces dépassements de budget? Que peut faire l'industrie?
L'autre problème que je tiens à aborder est celui des produits dits du commerce. Que je sache, il n'y a pas de concessionnaire de navires ravitailleurs d'occasion ou neufs. J'aimerais donc savoir ce que l'industrie et les travailleurs pensent de cette terminologie «produits du commerce» et ce qu'elle signifie pour votre industrie.
J'aimerais également dire que je suis heureux que vous ayez comparu devant le Comité des finances car une des choses les plus importantes que notre pays puisse faire pour une industrie quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de la construction navale ou de l'agriculture, est de réclamer une réduction générale et indispensable des impôts. Cette initiative injecterait d'énormes quantités d'argent dans toutes les industries et stimulerait de nouveau les investissements. J'aimerais savoir ce que votre industrie pense d'une réduction générale des impôts.
Enfin, pourriez-vous répondre à la question suivante? Je ne connais pas la réponse mais je sais que notre ministre des Finances est propriétaire d'une compagnie de transport maritime. Pourriez-vous me dire où Paul Martin fait construire ses bateaux?
M. Les Holloway: Donc dans le cas des trois derniers, et je crois qu'il y en a encore un qui n'est pas livré, en Chine; ce sont des navires à auto-déchargement. C'est dommage qu'ils ne soient pas construits ici mais c'est comme ça.
J'aimerais essayer de répondre à certains de vos propos.
Au Canada, pendant de nombreuses années, nous avons eu une drôle de manière de régler certaines questions. Les décisions étaient toujours prises pour de mauvaises raisons. Quand je dis mauvaises raisons, je veux dire que ces décisions étaient prises pour des raisons politiques et ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder. La majorité des contrats étaient accordés par les gouvernements successifs sur la base de raisons qui les avantageaient politiquement.
Nous voulons une stratégie qui oublie cette manière de faire et que vous ne donniez pas des emplois à un chantier au simple motif de son emplacement géographique mais plutôt que vous donniez du travail à un chantier parce qu'il a remporté un appel d'offres à cause de ses compétences, de la qualité de sa soumission et du prix demandé pour faire le travail.
Il y a beaucoup de cela. Cela a toujours été le problème dans le domaine de la construction navale. Il n'y a jamais eu de véritable stratégie pour notre industrie, comme c'est le cas pour l'aérospatiale, l'automobile et d'autres secteurs de ce genre.
Pour ce qui est des dépassements de coût, encore une fois, si vous construisez, et les traversiers de la Colombie-Britannique sont un bon exemple... J'ai donné l'exemple du programme des frégates dont le succès est incontestable. La dernière frégate qui a été construite l'a été en un temps record—moins du temps qu'il a fallu pour construire la première—et c'est une réussite de premier plan. Tous les utilisateurs en apprécient la supériorité technologique, la qualité de construction et la qualité de finition. Cela montre à tout le monde ce que nous pouvons faire.
Les chantiers de Halifax ont construit sept plates-formes de forage et un bateau de forage dans les années 70. Tous ceux qui les connaissent vous diront que la majorité d'entre eux sont encore en service aujourd'hui.
Donc quel genre de qualité de travail offrent-ils? Ils offrent une qualité de travail très élevée. Mais essayer de se créer un créneau coûte quelque chose. Encore une fois, c'est le marché qui détermine votre survie ou votre disparition sur des projets de ce genre.
On ne parle pas beaucoup de nos succès. Si un bateau coule, tous les journaux en parlent. S'il flotte, personne n'en parle.
• 1050
Quant aux traversiers de Colombie-Britannique, ces FastCats
sont parmi les plus beaux bâtiments sur lesquels j'ai jamais
navigué. J'ai été en Europe et j'ai navigué sur leurs traversiers
rapides et j'ai navigué sur tous les traversiers du Canada et je
n'ai jamais navigué sur quelque chose d'aussi agréable que ces
traversiers FastCats de Colombie-Britannique.
Il ne faut pas oublier qu'ils essayaient de se créer un créneau. Il y a une courbe d'apprentissage énorme quand on essaie de construire pour la première fois un bateau, construire un bateau complètement en aluminium. Tout le bateau est en aluminium avec des systèmes de propulsion d'avant-garde, etc.
Il est normal que dans de tels cas il y ait des dépassements de coût. Le problème c'est que les journaux préfèrent se répandre sur les dépassements de coût plutôt que de vanter les qualités.
C'est avec plaisir que j'ai constaté qu'après avoir été pour commencer très négatifs, ils se sont intéressés à ces aspects technologiques, au côté avant-garde du navire, à ses qualités et à sa navigabilité. Si vous lisez ces articles, bien entendu c'est moins long que le reste, mais l'approbation des spécialistes est générale, ils estiment que c'est une des plus belles réussites de traversier. Vous avez l'impression de voyager en Lincoln. Il n'y a pratiquement aucune vibration.
Je ne pense pas que nous fassions assez. Je n'ai pas à critiquer les médias mais ils ne font pas grand-chose pour nous aider. Encore une fois, il y a l'exemple du programme de frégates. W5 avait fait un reportage accablant sur ces frégates. Alors que nous étions en train d'essayer de vendre ces bateaux à d'autres pays, alors que nous étions sur le point de les commercialiser, W5 a fait ce reportage accablant. Avez-vous su qu'ils s'étaient rétractés, qu'ils avaient présenté des excuses il y a quelques mois? Ça nous fait une belle jambe. Les possibilités de commercialisation ont disparu; nous ne sommes plus sur le marché à cause de cette mauvaise presse.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le bateau qui coule attire toute l'attention du monde mais celui qui flotte nÂa rien du tout.
M. Jim Hart: Et la proposition de réduction générale des impôts, très rapidement?
Le vice-président (M. David Pratt): Nous allons devoir nous arrêter. La salle est occupée par un autre comité à 11 heures et il faudrait leur laisser quelques minutes pour qu'ils s'installent.
Mais avant cela, monsieur Holloway, j'aimerais vous poser une toute petite question. Pourriez-vous dire à notre comité quel est actuellement au Canada le salaire horaire moyen des travailleurs de la construction navale?
M. Les Holloway: Le salaire horaire moyen se situe probablement entre 18 $ et 20 $. La charge salariale de votre secteur est l'une des plus basse du monde de la construction navale. Elle est inférieure à celle des États-Unis, elle est inférieure à celle des chantiers européens et elle est inférieure à celle d'un certain nombre de chantiers asiatiques. Il est donc évident qu'il y a des chantiers où l'heure de travail coûte plus cher. Notre coût salarial n'est donc pas un problème.
Le vice-président (M. David Pratt): J'aimerais remercier tous les membres du comité et les témoins de leur participation aujourd'hui. Vous nous avez donné ample matière à réflexion.
La séance est levée.