NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mai 2000
Le vice-président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): La séance est ouverte. J'accorde encore quelques secondes aux représentants des médias pour terminer et libérer la place.
Cette séance est télévisée.
Notre président, M. Pat O'Brien, n'a pas pu venir aujourd'hui. Par conséquent, je vais faire de mon mieux pour le remplacer.
Nous accueillons aujourd'hui M. André Marin, l'ombudsman du ministère de la Défense nationale. Je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.
M. André Marin (ombudsman, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale): Merci.
Le vice-président (M. David Pratt): C'est toujours un plaisir de vous voir et d'entendre vos commentaires sur ce qui se passe au ministère et sur vos activités.
En guise d'entrée en matière, je dirais que je pensais que nous allions examiner une motion aujourd'hui. Je viens d'apprendre que le motionnaire préférerait qu'elle soit examinée à la prochaine séance.
Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): J'estime que le président devrait être présent pour l'examen de cette motion, car il a manifesté de l'intérêt à son sujet. Personnellement, ça m'est égal qu'elle soit examinée à cette séance-ci ou à la prochaine.
Le vice-président (M. David Pratt): Étant donné que M. O'Brien s'intéresse à la motion, je crois qu'il serait préférable d'attendre son retour. Nous pourrions peut-être lui accorder la priorité à la prochaine séance.
M. John O'Reilly: C'est vous le président, monsieur.
Le vice-président (M. David Pratt): Ce sera alors M. O'Brien qui présidera.
Monsieur Marin, je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire d'environ 10 minutes. Vous pourriez peut-être d'abord nous présenter vos collègues pour nous permettre de comprendre un peu mieux en quoi consistent leurs fonctions.
M. André Marin: Merci beaucoup, monsieur le président. Voici Mme Barbara Finlay, avocate générale intérimaire et directrice intérimaire des Enquêtes. Elle m'accompagnait déjà la dernière fois que je suis venu ici, le 2 décembre 1999. Je suis également accompagné de M. David Paciocco, professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et conseiller juridique indépendant de notre bureau. Ils sont là pour m'aider et se feront un plaisir de répondre aux questions relevant de leurs spécialités.
Le vice-président (M. David Pratt): Bienvenue à tous. Veuillez continuer, monsieur Marin.
M. André Marin: Honorables membres du comité, c'est avec grand plaisir que j'ai accepté l'invitation de vous faire aujourd'hui un exposé des réussites qu'a connues le Bureau de l'ombudsman du ministère de la Défense nationale (MDN) et des Forces canadiennes (FC) et de vous présenter un bilan des défis qui se posent à nous. Comme je l'ai déjà mentionné, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le Bureau de l'ombudsman du MDN et des FC est en fonction depuis maintenant 11 mois. Que peut-on conclure de l'examen des résultats obtenus au cours de cette période? D'une part, que vous avons réussi à mener à bien notre mandat et à améliorer considérablement le sort et le bien-être des membres du MDN et des FC. D'autre part, nous pouvons aussi conclure que notre travail se heurte à d'importants défis et obstacles qu'il faudra résolument surmonter en vue de maintenir et d'accroître l'aide déjà importante que nous offrons aux membres du MDN et des FC.
Comme vous le savez, dans une grande mesure, le Bureau est toujours en voie de constitution, car son mandat n'est pas encore inscrit dans les règlements relatifs à la Loi sur la défense nationale. Dans une telle conjoncture, il est utile de tabler sur l'expérience et sur la sagesse acquises au cours des 11 premiers mois d'opération afin de renforcer notre capacité de servir la collectivité du MDN et des FC.
Quelles sont les réussites? Les interventions du Bureau de l'ombudsman du MDN et des FC sont très variées. Elles vont de fonctions que je qualifierais de «bénignes»—par exemple, informer les membres des différents types de services qu'offrent les voies hiérarchiques existantes au sein de l'organisation—jusqu'à la tenue d'enquêtes exhaustives. Au regard du mandat du Bureau, je dirais que notre expérience a donné des résultats généralement positifs qui nous ont permis de travailler efficacement. Différents facteurs ont contribué à cette réussite, y compris la bonne volonté et la coopération notables du personnel du MDN et des FC, de même que le travail acharné et l'engagement inébranlable de notre modeste effectif. Bien sûr, rien de tout cela n'aurait été possible sans le soutien du ministre de la Défense nationale, qui a veillé à doter le Bureau de ressources suffisantes et d'une infrastructure adéquate.
Il nous a dotés de locaux séparés et d'un réseau informatique distinct consacré à la gestion des cas. Par ailleurs, en plus d'adopter notre mandat (c.-à-d. les directives ministérielles), permettant ainsi le contexte nécessaire pour mener des enquêtes dans la majorité des secteurs du ministère et des Forces canadiennes, le ministre a su reconnaître qu'il lui fallait respecter l'autonomie du Bureau, condition essentielle à notre crédibilité et au maintien de notre impartialité.
Enfin, et surtout, à chaque fois que je lui ai demandé de le faire, le ministre a accepté d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour permettre au Bureau de faire enquête sur des dossiers antérieurs au 15 juin 1998, date de ma nomination au poste d'ombudsman.
Le nombre de cas que nous avons traités est absolument stupéfiant. Depuis le tout premier jour, nous avons reçu près de 1 500 plaintes, plus précisément 1 588 en date du 30 avril 2000. En moyenne, nous recevons environ cinq nouvelles demandes par jour, mais ce nombre est parfois beaucoup plus élevé. Ainsi, cette année, le jeudi précédant le congé pascal, nous avons reçu 20 nouvelles plaintes.
Les demandeurs vont du simple soldat jusqu'au niveau de général. Certains se plaignent de situations injustes découlant de décisions prises par des gestionnaires ou des chefs; d'autres dénoncent des injustices institutionnelles qui frappent toute l'organisation, minant parfois grandement le moral des membres ou imposant à ces derniers des épreuves personnelles ou financières abusives.
[Traduction]
Comment peut-on mesurer le degré de réussite atteint par le Bureau de l'ombudsman? Il existe à cet effet au moins deux critères utiles. Le premier a trait à notre capacité d'introduire des changements au sein de l'organisation. Lors de la réception d'une plainte quelconque qui, selon nous, mérite un examen minutieux, notre premier réflexe consiste à tenter de trouver à l'amiable une solution équitable, selon une démarche structurée et confidentielle—une solution susceptible d'aider un membre dans le besoin et d'être adoptée par le MDN et les FC. Par expérience, nous avons appris que l'organisation était passablement réceptive à ce genre de mesure, et c'est de cette manière que nous sommes parvenus à résoudre des centaines de dossiers.
D'autres dossiers nécessitent la conduite d'une enquête sur le terrain, souvent en raison de la nature de la plainte. Dans ces cas, notre mandat nous oblige à produire un rapport écrit qui pourra être rendu public par l'entremise du ministre de la Défense nationale. L'enquête est une intervention coûteuse qui nécessite le déploiement d'enquêteurs dans des bases, des unités ou des formations, ou à tout endroit où se sont déroulés des faits relatifs à la plainte. Une fois l'enquête terminée, nous nous prononçons sur le bien-fondé de la plainte et formulons des recommandations en conséquence. Jusqu'à maintenant, le Bureau a terminé cinq enquêtes du genre, mais de nombreuses autres sont en cours ou en attente de réalisation.
Toutes les recommandations faites à la suite de nos enquêtes sur le terrain ont été adoptées et mises en oeuvre au niveau visé au sein de la chaîne de commandement, et ce, sans que nous ayons eu à demander l'intervention du ministre, du sous-ministre ou du chef d'état-major de la Défense. À mon avis, ce résultat témoigne sans équivoque d'un degré de réussite nettement supérieur à ce que d'aucuns prévoyaient lors de l'annonce de la création du Bureau il y a quelques années.
Le deuxième critère pertinent de mesure de la réussite du Bureau de l'ombudsman a trait aux commentaires reçus des membres du MDN et des FC, de la chaîne de commandement, d'observateurs informés ainsi que du public. Grâce à nos efforts, au cours de ces 11 derniers mois, le simple soldat a compris que le Bureau cherchait véritablement à offrir des services aux individus, et qu'il ne s'agissait pas d'un cirque monté par Ottawa; le général a compris qu'un ombudsman efficace pouvait éventuellement renforcer son autorité face aux troupes plutôt que miner son commandement; le simple cadet a compris que les interventions du Bureau s'appuyaient sur des principes et non sur des motifs opportunistes; le cadre supérieur a compris que ses buts et intérêts étaient semblables à ceux du Bureau; et le simple marin a compris que l'honnêteté et l'intégrité étaient la marque du Bureau, et non le «dorage d'image» et la dissimulation.
Nous avons gagné le respect et la confiance des hommes et des femmes qui constituent l'effectif du MDN et des FC, et nous avons rapidement établi une réputation de défenseurs impartiaux, résolus et efficaces de l'honnêteté et de l'équité au sein de l'organisation. Bref, nous constituons un intervenant crédible.
Quels sont les défis? Aux yeux de certaines personnes, tout civil nommé à la tête d'un organisme dont le mandat consiste à surveiller les agissements d'institutions militaires se heurtera à coup sûr à la résistance de ces dernières, étant donné le conservatisme et le caractère fortement hiérarchique de telles institutions. Dans l'ensemble, je crois que nous avons donné tort à ces personnes. En effet, sous la direction du lieutenant-général Leach, chef d'état-major de l'Armée de terre, du lieutenant-général Kinsman, chef d'état-major de l'Armée de l'air, et du vice-amiral Maddison, chef d'état-major des Forces maritimes, la chaîne de commandement opérationnel a offert un soutien marqué au Bureau de l'ombudsman—soutien qu'elle n'a pas hésité à exprimer clairement, sans équivoque et je dirais même, de façon concrète.
Je dois souligner que les sous-ministres adjoints du ministère nous ont également soutenus dans notre démarche.
Hélas, même s'ils constituent l'exception à la règle, il se trouve encore de puissants foyers de résistance qui refusent de reconnaître le Bureau, en particulier au sein du secteur des services juridiques. Cette situation malheureuse nous a empêchés et nous empêche encore, de mener des enquêtes approfondies au sujet de graves problèmes que dénoncent les membres qui se jugent victimes d'injustice.
• 1545
De manière générale, le secteur des services juridiques soutient que
le mandat du Bureau de l'ombudsman ne s'applique pas à ses activités.
Si tel est le cas, il importe d'intervenir avec force pour corriger
cette situation inacceptable, en resserrant le mandat du Bureau de
manière à ce qu'il s'étende aux avocats militaires.
Nous ne pouvons simplement nous laver les mains des allégations sérieuses d'iniquité et d'injustice qui nous sont soumises. Bref, nous devons éliminer la disposition du mandat qui crée une zone de dérogation où se réfugient les avocats militaires ainsi que les individus qui s'en remettent à ces derniers.
Ironiquement, les meilleures solutions aux problèmes nous sont souvent fournies par des conseillers juridiques, et c'est précisément ce recours qu'on nous empêche d'aborder. Pareille contrainte est tout simplement incompatible avec la fonction d'un ombudsman dont le mandat consiste à contribuer au bien-être des membres du MDN et des FC.
En vertu de la Loi sur la défense nationale, la surveillance de la justice militaire incombe au juge-avocat général. Il s'agit là d'un important rôle statutaire qui ne doit pas être compromis. Cela dit, rien ne justifie que ce rôle serve à faire en sorte que les personnes qui exercent la fonction de conseiller juridique puissent échapper à l'examen de l'ombudsman ou se défiler du devoir de coopérer avec ce dernier dans la conduite de ses enquêtes.
Ce n'est pas une guerre de territoire. Cette situation affecte la nature même des fonctions d'un ombudsman. Aucun autre groupe au sein du MDN ou des FC n'a le privilège de s'isoler dans sa propre petite bulle, pas même le bureau du sous-ministre ou le bureau du chef d'état-major de la Défense.
[Français]
L'intransigeance des avocats militaires à l'égard du Bureau de l'Ombudsman est d'autant plus déconcertante dans la mesure où nous n'avons jamais voulu ou prétendu exercer un pouvoir exécutif. N'oublions pas que la seule autorité dont je dispose consiste à faire des recommandations en vue de régler des problèmes. Pour influencer le processus, le bureau n'a d'autre outil que la persuasion et la raison. Les détenteurs du pouvoir exécutif sont libres d'exercer leur jugement afin d'accepter ou de rejeter les recommandations de l'ombudsman.
[Traduction]
En guise de conclusion, je dirais ceci. Sous plus d'un aspect, le Bureau de l'ombudsman du MDN et des FC constitue un bijou de l'administration publique, un bijou qui éveille l'intérêt d'autres agences et ministères fédéraux qui songent à créer des instances semblables.
Mieux encore, dans les mois qui ont suivi sa création, le Bureau s'est rapidement taillé une réputation enviable sur la scène internationale, en raison de ses efforts acharnés visant à promouvoir un milieu de travail juste et équitable, dans la plus pure veine de la fonction d'ombudsman. Cependant, pour continuer de bien servir les membres du MDN et des FC, le Bureau a besoin du soutien de son propre milieu.
Le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants a la réputation d'agir pour donner voix aux membres du MDN et des FC qui réclament une aide afin de promouvoir leur qualité de vie. En outre, le comité a récemment appuyé l'augmentation de l'enveloppe consacrée au financement des immobilisations du MDN et des FC. Ces deux initiatives se sont matérialisées grâce à vous, parlementaires—ou, comme diraient certains, ombudsmen élus—, et c'est dans cette optique que je vous prie maintenant de soutenir notre démarche, menée au nom des membres du MDN et des FC qui dénoncent l'iniquité du système à leur endroit. Un appui ferme de votre part nous est essentiel, car ainsi, le Bureau pourra continuer d'aider de manière significative les hommes et les femmes qui donnent tant à ce pays, mais demandent si peu en retour.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci pour vos commentaires, monsieur Marin.
Nous ferons un tour de questions de sept minutes et c'est M. Hanger qui donnera le coup d'envoi.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Merci pour votre exposé, monsieur Marin. Je suis heureux de vous revoir ici.
• 1550
D'après le ton de votre exposé, je suppose que toutes les instances
concernées, à part le juge-avocat général, approuvent votre présence
et le mandat qui vous a été accordé. Est-ce exact?
M. André Marin: Oui, c'est exact. C'est ce que j'en ai conclu d'après l'attitude que l'on a eue à notre égard jusqu'à présent.
M. Art Hanger: Le ministre de la Défense estime-t-il que votre analyse est exacte?
M. André Marin: En décembre 1999, nous lui avons présenté un rapport qui a été rendu public. Nous lui en avons parlé. Le ministre est actuellement au courant des problèmes et il prendra bientôt une décision à ce sujet.
M. Art Hanger: Vous ne savez pas s'il appuie le plan d'action que vous venez d'exposer?
M. André Marin: Quel plan d'action? Parlez-vous du changement que je préconise en ce qui concerne le mandat? Je sais que le ministre souhaite fermement que nous exercions efficacement nos fonctions dans le cadre de notre mandat. En ce qui concerne sa position exacte à ce sujet, il envisage diverses options et il étudie les suggestions que je lui ai faites. Je ne connais pas encore sa décision finale.
M. Art Hanger: Par conséquent, peu importe la décision que prendra le ministre, vous sollicitez notre appui.
M. André Marin: C'est exact. Le comité, dans sa sagesse, a manifesté beaucoup d'intérêt pour la tâche que nous avons accomplie. Je regarde les personnes assises autour de la table et je ne vois personne que je connaisse bien, si ce n'est que j'ai rencontré certains d'entre vous à l'occasion. Par contre, je reconnais le nom des membres qui nous ont soumis des cas. Je reconnais le nom de personnes qui nous ont déjà appuyés. Je pense que vous adhérez au principe de l'impartialité dans l'exercice de vos fonctions et que votre approche est très semblable à la nôtre. Étant donné que vous désirez contribuer à améliorer le bien-être des membres du MDN et des FC, je sollicite votre appui.
M. Art Hanger: Je trouve que c'est un appel intéressant à ce stade-ci. Pour ma part, j'estime qu'il reste beaucoup de points à éclaircir.
En ce qui concerne vos pouvoirs, je sais que vous avez signalé à maintes reprises dans votre rapport que vous aviez mené diverses enquêtes. Vous avez reçu quelque 1 700 plaintes depuis que vous exercez vos fonctions et vous mentionnez ces enquêtes. Je voudrais avant tout savoir la différence que vous faites entre une enquête et une enquête exhaustive.
M. André Marin: Notre bureau peut procéder à deux principaux types d'interventions. Le premier type d'intervention est une intervention officieuse, à un échelon inférieur, qui est confidentielle. C'est le cas lorsqu'un membre nous appelle pour nous exposer une situation où il ou elle estime ne pas avoir obtenu un avantage auquel il ou elle croit avoir droit. Nous essayons de déterminer s'il ou elle avait effectivement droit à cet avantage. Dans l'affirmative, nous cherchons comment le lui obtenir. Il peut s'agir d'une affectation, d'une évaluation ou de harcèlement de quelque sorte que ce soit...
Par conséquent, nous intervenons, si possible, à un échelon inférieur. Nous avons constaté que ce type d'intervention est extrêmement apprécié par la chaîne de commandement. Je parle des commandants, des généraux à trois étoiles que j'ai cités, et autres hauts gradés. Ils apprécient beaucoup. C'est une intervention officieuse et confidentielle. On règle la question par téléphone ou par courrier.
Nous procédons à une enquête sur le terrain lorsque nous estimons qu'un problème mérite d'être examiné de plus près et qu'il est nécessaire de recueillir des preuves. Nous estimons que la tenue d'une enquête indépendante s'impose et que le Bureau doit faire des recommandations dans un rapport officiel. Nous l'avons déjà fait. Jusqu'à présent, nous avons mené à terme cinq enquêtes importantes. Tous ces dossiers ont été réglés. La chaîne de commandement a accepté toutes les recommandations que nous avons faites et les a mises en oeuvre, ce qui nous semble extrêmement encourageant.
• 1555
La première, par exemple, portait sur un conflit d'intérêts dans la
police militaire. Vous vous souvenez probablement de l'enquête
criminelle sur la Croatie de juillet 1999 qui a été très médiatisée.
Le Dr Smith a fait une plainte. Il estimait qu'un des enquêteurs était
en situation de conflit d'intérêts. Nous avons conclu qu'il y avait au
moins perception de conflit d'intérêts et avons recommandé le retrait
de cet officier de l'enquête ainsi que des changements globaux quant à
la façon dont la police militaire procède en cas d'allégations de
conflit d'intérêts. Toutes ces recommandations ont été mises en oeuvre
et cet officier a été retiré.
C'est un cas d'enquête sur le terrain. Nous recueillons des témoignages, des documents et tout autre type de preuves qui sont nécessaires pour tirer des conclusions et faire des recommandations. Voilà en quoi consiste une enquête sur le terrain.
M. Art Hanger: Dans le cadre d'une enquête que vous qualifiez d'exhaustive, quels pouvoirs avez-vous de recueillir des preuves, de pénétrer dans une base et de faire le nécessaire pour obtenir ces preuves?
M. André Marin: Il ne s'agit pas de pouvoirs officiels. Nous n'avons pas le pouvoir d'assigner à comparaître; nous n'avons pas de pouvoir d'exécution de mandats de perquisition ni d'autres pouvoirs analogues. Les directives ministérielles indiquent que tous les membres du MDN et des FC doivent coopérer, c'est-à-dire faire des dépositions et fournir des documents, par exemple.
En fait, ce n'est pas là la question. Nous ne demandons pas des pouvoirs supplémentaires. Nous ne demandons pas le droit d'assigner à comparaître ou n'estimons pas avoir des pouvoirs insuffisants. Le problème concerne plutôt certaines catégories de personnes. Dans le cas dont je parle aujourd'hui, il s'agit d'une catégorie de personnes qui se soustrait à notre mandat, celle des avocats militaires.
En ce qui concerne les outils dont nous disposons pour accomplir notre tâche, c'est-à-dire la contrainte générale, il est un fait reconnu que les membres du MDN et des FC doivent coopérer avec le Bureau. Ils le reconnaissent et ils coopèrent. Jusqu'à présent, l'expérience a été positive.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Hanger.
Monsieur Laurin.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur Marin, je voudrais d'abord vous demander certains renseignements concernant les statistiques que vous avez distribuées avec les documents de votre présentation d'aujourd'hui. Dans ces statistiques, on voit que 1 710 plaintes ont été déposées, dont 281 concernent des avantages. Cela ne m'explique pas ce que sont ces avantages. Qu'est-ce qu'on entend par avantages? Sont-ce des avantages qu'on aurait refusés à des militaires ou des avantages qu'on aurait accordés indûment à des militaires? De quoi s'agit-il?
M. André Marin: Excusez-moi. Je ne vous suis pas. À quel tableau faites-vous allusion?
M. René Laurin: C'est à la première page du document Statistiques que vous avez déposé aujourd'hui concernant le genre de plaintes.
M. André Marin: Oui.
M. René Laurin: À la première page, il y a une liste du genre de plaintes qui ont été déposées à votre bureau et dans cette liste-là, à la ligne 4, on note qu'il y a eu 281 plaintes concernant des avantages.
M. André Marin: Il s'agit des avantages sociaux dont bénéficient les membres des Forces canadiennes.
M. René Laurin: Ah, bon. Parle-t-on de rémunération à ce moment-là?
M. André Marin: C'est cela. On parle de paye et d'avantages sociaux.
M. René Laurin: Ce ne sont pas des faveurs qui ont été accordées ou refusées?
M. André Marin: Non.
M. René Laurin: D'accord.
Dans ce même document, on fait allusion au pourcentage de plaintes par région. Vous notez que 48 p. 100 des plaintes viennent de l'Ontario. Évidemment, c'est la province d'où provient le plus grand nombre de plaintes. Est-ce que ce pourcentage correspond au pourcentage des effectifs militaires qu'on trouve dans cette province?
M. André Marin: Je vais demander à Mme Finlay, qui est notre chef des enquêtes par intérim, de répondre à cette question.
M. René Laurin: J'ai l'impression que c'est plus élevé. Il n'y a sûrement pas 48 p. 100 des militaires qui sont en Ontario, mais 48 p. 100 des plaintes proviennent de là. Est-ce qu'il y a une explication à cela?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay (directrice intérimaire des Enquêtes et avocate générale intérimaire, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale): Les chiffres correspondent au lieu d'origine des plaintes. Si je dépose une plainte parce que mon dossier est bloqué au Quartier général de la Défense nationale à Ottawa, ma plainte est enregistrée comme une plainte émanant de l'Ontario. Dans la plupart des cas, les plaignants s'adressent à nous après avoir déjà essayé de passer par les échelons inférieurs de leur chaîne de commandement. Leur dossier peut être bloqué à un échelon supérieur. La plupart des cas que nous examinons ont tendance à émaner d'Ottawa, et c'est pourquoi le pourcentage le plus élevé correspond à l'Ontario (48,2 p. 100).
M. René Laurin: C'est donc dire que le plus haut pourcentage des activités de l'armée s'effectue actuellement dans la province de l'Ontario puisque vous me dites que les plaintes peuvent provenir de gens qui ne sont pas de l'Ontario, mais qui étaient là au moment où ils ont fait la plainte. Je comprends mal.
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: Non. Bien que 48,2 p. 100 des plaintes enregistrées correspondent à l'Ontario, ça ne veut pas dire que les personnes qui ont déposé une plainte vivent en Ontario mais bien que leur plainte émane de l'Ontario. Le plaignant peut habiter en Nouvelle-Écosse mais se plaindre au sujet d'un problème survenu en Ontario.
Étant donné que les membres des forces armées sont très mobiles, à l'intérieur du pays comme à l'étranger, nous n'enregistrons pas les plaintes en fonction du lieu où ils vivent parce que ce n'est peut-être pas nécessairement représentatif. Un membre des forces armées qui habite en Nouvelle-Écosse peut très bien porter plainte au sujet d'un incident qui lui est arrivé lorsqu'il était en Alberta ou en Colombie-Britannique. Ce que nous enregistrons, c'est le lieu d'origine de la plainte; c'est pourquoi le pourcentage est aussi élevé pour l'Ontario.
La plupart des plaintes de nature administrative, concernant des affaires qui relèvent du Quartier général de la Défense nationale à Ottawa, sont enregistrées comme des plaintes provenant de l'Ontario, même si la personne qui nous a appelés au sujet de ce problème est à Cold Lake (en Alberta), en Colombie-Britannique ou en Nouvelle-Écosse.
[Français]
M. René Laurin: Je ne vois pas l'intérêt de cette statistique dans ce cas-là, puisque vous me dites que cela ne veut pas dire que ce sont des gens qui sont de l'Ontario. Cela ne veut pas dire non plus que les faits qui font l'objet d'une plainte se sont déroulés en Ontario. Donc, quel est pour vous l'intérêt d'avoir cette statistique-là?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: Je ne suis pas d'accord avec vous. Si la plainte ou le problème concerne les services administratifs du Quartier général de la Défense nationale, on considère que c'est une plainte concernant l'Ontario. Si la plainte porte sur un problème de leadership ou d'administration en Nouvelle-Écosse, elle est enregistrée comme plainte provenant de l'Ontario, même si le plaignant a attendu d'être affecté ailleurs pour faire la plainte et se trouve maintenant en Colombie-Britannique.
[Français]
M. René Laurin: Je veux être sûr de bien comprendre parce que jusqu'à maintenant, c'est loin d'être clair pour moi. Cela veut donc dire que les 48 p. 100 de plaintes qui proviennent de l'Ontario sont des plaintes provenant de personnes qui peuvent être n'importe où au Canada, mais que les faits qui font l'objet de la plainte se sont produits en Ontario. Est-ce bien cela?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: Voulez-vous savoir s'il s'agit de plaintes au sujet d'incidents qui se sont produits ou qui trouvent leur origine en Ontario? Oui. Les plaignants peuvent très bien être en Bosnie, au Kosovo ou en Allemagne lorsqu'ils communiquent avec nous pour nous mettre au courant d'un problème qui trouve son origine en Ontario.
Nous pourrions vous fournir les statistiques sous l'autre forme. Grâce au système informatisé de gestion des cas que nous avons mis au point, nous pouvons obtenir ces chiffres facilement, si vous le désirez.
[Français]
M. René Laurin: Pour l'instant, madame Finlay, je ne critique pas votre tableau. J'essaie de le comprendre, tout simplement. Ce n'est pas une critique que je fais. J'essaie de comprendre ce que cela veut dire de façon mécanique.
[Traduction]
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Laurin.
[Français]
M. René Laurin: Je poserai mes autres questions au deuxième tour, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. David Pratt): Très bien. Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly: Merci, monsieur le président. Soyez le bienvenu, monsieur l'ombudsman. Nous sommes heureux de vous revoir. En outre, la motion que nous avons présentée hier indique que vous avez mon appui.
Vous dites dans votre exposé que les directives ministérielles constituent le cadre opérationnel pour les enquêtes dans la plupart des secteurs. Je voudrais savoir si d'autres secteurs que celui que vous avez mentionné posent des problèmes. S'agit-il d'un seul secteur du MDN ou des FC? Avez-vous des difficultés avec d'autres secteurs que celui des services juridiques ou est-ce le seul?
M. André Marin: Nous n'avons des difficultés qu'avec les services juridiques.
M. John O'Reilly: Bien. C'est intéressant.
Avez-vous entamé des négociations directes avec les services juridiques ou espérez-vous que l'on nommera un médiateur ou un arbitre en quelque sorte? Ce serait éventuellement une solution. Ce serait une façon de régler les difficultés. Le règlement des différends est généralement l'affaire...
M. André Marin: D'un ombudsman.
M. John O'Reilly: Effectivement.
Par conséquent, si vous avez un problème, qui est votre vérificateur? Je pose souvent la même question au vérificateur général.
Quelle solution proposez-vous pour régler ce problème? Que proposez-vous pour améliorer la situation?
M. André Marin: L'ironie du sort veut que généralement, l'ombudsman soit censé être la personne neutre et impartiale, qui règle ce genre de problèmes. Par conséquent, c'est un dilemme. Cependant, le ministre a été mis au courant de nos difficultés et c'est maintenant à lui qu'il incombe de prendre une décision à ce sujet.
Je vous assure que nous avons essayé de régler directement ces difficultés avec le bureau du juge-avocat général. Il semble que ce soit un problème de culture. Étant donné qu'il ne fait pas partie de la chaîne de commandement, l'ombudsman devrait être considéré comme un canal ou un intermédiaire pour les plaintes et il ne devrait pas participer activement au règlement des problèmes qui sont à la source de ces plaintes.
Je crois que c'est une question de principe. Nous estimons que pour être efficace, notre rôle ne doit pas se borner à celui d'intermédiaire et c'est la prérogative du ministre de décider ce qu'il en sera désormais.
M. John O'Reilly: Les services juridiques invoquent-ils le secret professionnel de l'avocat ou une dispense constitutionnelle ou prétextent-ils un autre type d'obstacle à l'application régulière de la loi?
M. André Marin: Bien sûr. Nous avons été confrontés à beaucoup d'arguments de ce genre peu de temps après notre entrée en fonction. Sur le plan juridique—et Mme Finlay est avocate—, notre Bureau estimait que ces arguments n'étaient pas fondés. Nous estimons que les arguments invoqués n'étaient que de la frime et qu'ils n'étaient liés à des questions de droit qu'en apparence. Par conséquent, nous avons été forcés de recourir aux services d'experts de l'extérieur.
Nous avons consulté M. Ed Ratushny, un expert en droit constitutionnel de renommée internationale qui est aussi conseiller du Juge en chef du Canada, et M. Paciocco pour qu'ils nous aident à régler ces problèmes. Nous leur avons demandé ce qu'ils en pensaient. Nous sommes avocats; c'est notre position et c'est la position du JAG.
Je cède la parole à M. Paciocco pour qu'il fasse d'autres commentaires.
M. David Paciocco (Faculté de droit, Université d'Ottawa; conseiller juridique indépendant, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale): Le problème comporte deux aspects. Le premier est qu'il convient de déterminer si les agissements des avocats devraient être sujets à examen au même titre que ceux de tous les autres membres du MDN et des FC. L'objection des services juridiques est liée à l'indépendance des avocats. Comme vous le savez, les avocats ont tendance à avoir leurs propres organes de régie. C'est un secteur autoréglementé. Chaque province a son association du barreau et, d'une manière générale, bien que ce ne soit pas une obligation, les avocats du bureau du juge-avocat général sont membres des diverses associations du barreau. On estime qu'il serait inapproprié qu'un ombudsman examine la façon dont les avocats exercent leurs fonctions parce que ça pourrait compromettre dans une certaine mesure leur indépendance.
À notre avis, le fait de devoir, pour déposer une plainte, s'adresser à l'association du barreau à laquelle appartient l'avocat par lequel on estime ne pas avoir été traité de façon équitable, même s'il s'agit de l'association d'une province située à l'autre extrémité du pays, aggrave considérablement le problème. Un ombudsman, qui vient de l'extérieur et ne peut dicter aucune décision mais simplement faire des recommandations après avoir établi les faits, pourrait atténuer ou même régler les problèmes, si ce n'est mettre un terme au mécontentement, liés à la façon dont procèdent les services juridiques.
• 1610
Dans les forces armées, il n'y a nécessairement qu'une seule forme de
structure en ce qui concerne les avocats. Par exemple, le juge-avocat
général est le surintendant de toutes les forces armées; les
procureurs et les avocats de la défense sont regroupés dans son
bureau. Ils travaillent tous pour le même bureau et relèvent tous du
même patron. Dans le contexte des forces armées, cette situation se
justifie mais dans le secteur privé, ce serait une situation de
conflit d'intérêts intolérable.
Le Bureau de l'ombudsman doit s'assurer que lorsque les avocats des services juridiques prennent des décisions dans l'exercice de leurs fonctions, ils tiennent compte du bien-être des membres du MDN et des FC. Ces avocats sont partagés entre leur loyauté envers les forces armées, envers la chaîne de commandement et envers les individus qu'ils représentent. C'est un des aspects du problème. Pour le moment, l'ombudsman n'est pas autorisé à enquêter sur des plaintes portées contre des avocats.
Le deuxième aspect concerne le secret professionnel. Comme vous le savez, lorsqu'un client consulte un avocat, tous leurs entretiens restent confidentiels. Dans le contexte d'une organisation militaire, cette situation risque de créer des impasses dans le cadre d'une enquête. Par exemple, si l'ombudsman essaie de déterminer si une décision prise par un membre des forces armées sert les intérêts du MDN et des FC et que ce membre, avec lequel il a communiqué, lui répond qu'il a suivi les conseils d'un avocat, il se trouve dès lors dans l'incapacité de poursuivre son enquête et de déterminer la nature de l'objection.
Par conséquent, il y a deux aspects: un qui est lié au secret professionnel et l'autre à l'incapacité de faire une enquête sur certaines personnes.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur O'Reilly.
Monsieur Earle.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci.
J'interviens parce que je connais très bien le problème puisque j'ai été ombudsman. Il est à remarquer que les ombudsmen ont souvent beaucoup plus de difficultés avec les avocats qu'avec les autres personnes. Cependant, ce genre de problème ne s'est pas posé dans la plupart des cas où des pouvoirs avaient été conférés expressément à l'ombudsman en vertu de dispositions législatives. Dans le cas de la plupart des organismes provinciaux, il est spécifié que quiconque agit, de façon directe ou indirecte, pour le compte de l'État est responsable de ses agissements. Ces dispositions s'appliquent aux avocats également et par conséquent, ce genre de problème ne se pose pas.
Je crois que le problème auquel vous êtes confronté sera plus difficile à résoudre du fait que vous relevez d'un ministre et pas du Parlement. Je tenais à le signaler.
Je vous souhaite bonne chance parce que le genre de problème qui peut se poser à un ombudsman au cours d'une enquête se présente exactement comme vous l'avez dit: ça crée des impasses qui permettent aux intéressés de se protéger en consultant un avocat. Dès lors, la solution échappe à votre contrôle. Par chance, ce problème peut être réglé par la voie législative.
Je voudrais poser une question à propos des observations que vous avez faites au sujet des injustices structurelles qui se manifestent généralement à tous les niveaux de l'organisation. Je pense au récent rapport sur la violence conjugale, problème général très important qu'il faut absolument essayer de régler. Je me demande si votre Bureau aura un rôle à jouer dans ce domaine.
M. André Marin: Au cours des dernières semaines, nous avons eu des discussions internes portant sur la tenue d'une enquête sur la façon dont les femmes sont traitées au sein des Forces canadiennes. Plusieurs rapports ont été publiés à ce sujet et celui qui est paru hier n'est pas le seul. Le Comité ministériel d'intégration des femmes a signalé au ministre qu'en raison des préjugés concernant les femmes, le système est conçu de sorte à justifier la discrimination à leur égard.
Nous avons reçu directement des plaintes concernant le recrutement des femmes, leur avancement au sein des forces armées et l'existence d'un programme secret. Le rapport d'hier est une preuve de l'adoption de la même attitude à l'égard des conjointes des membres. En outre, nous avons mené notre propre enquête sur le cas d'une victime d'agression sexuelle qui estime que l'enquête interne n'a pas été équitable à son égard. Nous avons fait diverses recommandations qui ont été adoptées.
Tous ces éléments représentent une série de signaux d'alarme en ce qui concerne la façon dont les femmes sont traitées. Nous voulons entamer une enquête générale. La décision a déjà été prise mais si nous ne sommes pas encore passés à l'action, c'est parce que nous voulons être efficaces et ne pas nous contenter de faire une étude ou un rapport qui sera sans effet. Nous voulons trouver des solutions pragmatiques. Si un problème comportemental à l'égard des femmes se pose dans les Forces canadiennes, il doit être réglé au niveau culturel.
• 1615
Cette situation est comparable à un gros barrage qui laisse passer
l'eau. Il y a tellement de petites fissures dans le barrage qu'on a
beau essayer de les boucher toutes, on en trouve toujours d'autres.
Nous estimons par conséquent qu'il est préférable d'adopter une
approche stratégique que de tenter de régler le problème à la petite
semaine.
Nous examinons tous les aspects du problème et nous comptons précisément adopter une approche stratégique.
M. Gordon Earle: Un autre problème structurel assez important a été révélé par le cas du sergent Mike Kipling qui pose le problème du droit qu'a une personne de décider ce qu'elle accepte dans son corps. Je suis assez satisfait de l'issue de cette affaire même si je suis conscient qu'elle n'est pas encore tout à fait réglée et que le ministère se demande s'il doit aller en appel. J'espère sincèrement qu'il ne décidera pas d'aller en appel mais c'est à lui de décider.
Lorsque les subtilités juridiques auront été entièrement réglées et si l'affaire est portée en appel et finalisée, votre Bureau examinera-t-il les répercussions que pourrait avoir cette décision sur les droits individuels en la matière, pour l'ensemble des Forces canadiennes?
M. André Marin: Nous avons suivi cette affaire. Nous avons reçu des genres de plaintes analogues. Comme vous l'avez dit, cette affaire est toujours en instance et nous la suivons de loin, mais nous la suivons. Nous sommes prêts à faire une étude plus approfondie de cette possibilité mais ce serait prématuré pour l'instant.
M. Gordon Earle: Me reste-t-il encore un peu de temps?
Le vice-président (M. David Pratt): Oui.
M. Gordon Earle: Merci.
Quand vous avez parlé des enquêtes sur le terrain, vous avez dit que votre mandat prévoit la production de rapports écrits qui peuvent être rendus publics par le ministre de la Défense nationale. Votre mandat vous permet-il de rendre les rapports publics de votre propre initiative, quelle que soit la décision du ministre?
M. André Marin: Notre mandat ne nous permet pas de les rendre publics directement. Nous présentons nos rapports au ministre. Par contre, notre mandat précise que lorsque les rapports ont été présentés au ministre, celui-ci doit les rendre publics dans les 60 jours. C'est une obligation que le ministre s'est imposée. Par conséquent, il n'y a pas de cachotteries. Sous réserve de la confidentialité, tous les rapports écrits que nous envoyons au ministre doivent être rendus publics. Celui-ci a un délai de 60 jours pour ce faire.
M. Gordon Earle: Avez-vous pensé éventuellement à recommander au ministre de permettre à votre Bureau de rendre ses rapports publics sur l'initiative de l'ombudsman? Un des plus grands pouvoirs d'un ombudsman, c'est la sanction du public et il devrait pouvoir l'obtenir sans intermédiaire.
M. André Marin: Je suis tout à fait d'accord. C'est d'ailleurs une recommandation que nous avons faite dans notre rapport de décembre 1999 et c'est un des problèmes dont le ministre a été saisi, avec celui du JAG. Il l'étudie actuellement et je suppose qu'il rendra sous peu une décision. Nous avons fait une recommandation à ce sujet et je suis d'accord avec vous.
M. Gordon Earle: Me reste-t-il encore du temps?
Le vice-président (M. David Pratt): Il vous reste 30 secondes.
M. Gordon Earle: Bien.
Je serai très bref. En ce qui concerne le syndrome de la guerre du Golfe, autre problème général qui a des répercussions sur la santé des membres des forces armées, votre Bureau fait-il de la surveillance ou intervient-il pour faire subir des tests aux anciens combattants de cette guerre?
Mme Barbara Finlay: Nous suivons également ce problème. Plusieurs personnes nous ont contactés. Comme vous le savez, le mandat précise qu'il faut essayer d'utiliser les mécanismes qui existent dans le système. Un des mécanismes créés par les Forces canadiennes est le centre d'assistance à leurs membres qui ont été blessés. Nous collaborons activement avec ce centre en y envoyant diverses personnes et nous faisons un suivi pour nous assurer qu'il essaie de répondre à leurs besoins. Si nous estimons qu'il ne fait pas son devoir, nous intervenons pour qu'il s'occupe de l'intéressé.
À une échelle plus générale, nous suivons ces cas de très près et si les tendances indiquent que les services ne sont pas efficaces, nous examinons le problème d'encore plus près.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Earle.
Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci.
Je suis très heureuse que vous soyez là aujourd'hui. J'estime que vous avez fait un travail exceptionnel et par conséquent, vous savez que je vous appuie.
J'estime que la décision qui a été rendue la semaine dernière en ce qui concerne l'anthrax crée un précédent jurisprudentiel de toute première importance pour ce qui est des droits des membres des forces armées. Je voudrais savoir quelle est l'incidence de cette décision sur vos attributions. Vous donne-t-elle plus de latitude lorsqu'il s'agit d'analyser ces nouveaux droits et de les mettre en application?
M. André Marin: Je pense que la décision Kipling n'est valable que pour cette affaire. Elle peut créer un précédent jurisprudentiel dans les forces armées mais elle n'a aucune incidence sur l'exercice de notre mandat. Elle n'a aucune influence sur la façon dont nous nous acquittons de nos fonctions.
Mme Elsie Wayne: Je pose cette question à cause des renseignements que m'a fournis hier la famille d'un des soldats de la BFC de Cold Lake. Ce jeune homme a la tuberculose. D'après sa famille, plus de 14 membres des forces armées de la BFC de Cold Lake (Alberta) sont atteints de la tuberculose et ont été exposés à la maladie pendant qu'ils venaient en aide aux réfugiés du Kosovo.
J'ai posé la question et malgré tout le respect que je dois au ministre, je dois dire que sa première réponse a été qu'il n'était pas au courant de cette situation. Je crois que quelqu'un doit lui avoir envoyé une note avant qu'il ne réponde à ma deuxième question parce qu'il a dit qu'il ne pensait pas qu'il y avait actuellement des cas de tuberculose dans cette base. Autrement dit, les personnes atteintes sont en rémission. Je pense que c'est ce qu'il voulait dire, d'après les renseignements que j'ai reçus après avoir posé la question une première fois.
C'est très grave, monsieur l'ombudsman. Les membres des familles concernées sont tellement inquiets au sujet de l'état de santé de leurs fils ou de leurs filles qu'ils ont l'impression que les précautions nécessaires n'avaient pas été prises. Si je vous demandais par écrit de faire une enquête à ce sujet... C'est en gros ce que j'ai demandé au ministre aujourd'hui. Je voulais m'adresser à vous et vous demander de faire cette enquête. Si je vous en faisais la demande par écrit, pourriez-vous faire cette enquête?
M. André Marin: Nous avons vérifié dans nos dossiers et nous n'avons reçu aucune plainte à ce sujet. Si vous nous signalez que vous avez reçu une plainte, nous vous demanderons de nous dire à qui vous avez eu affaire. Nous garderons ces renseignements confidentiels et nous examinerons la question immédiatement. C'est une allégation extrêmement grave et il faut l'examiner. Le mandat du Bureau de l'ombudsman englobe incontestablement la famille des membres des forces armées. C'est spécifié. Si vous nous écrivez, nous agirons immédiatement étant donné la gravité des allégations.
Mme Elsie Wayne: Mon autre question concerne... Votre sphère de compétence est-elle suffisamment étendue pour que vous puissiez faire enquête sur des circonstances où l'on a demandé à des membres des FC d'utiliser du matériel ou des véhicules jugés non sécuritaires? Je parle des hélicoptères Sea King, étant donné l'incident qui s'est produit dans ma région pas plus tard que la semaine dernière ou qu'il y a dix jours, un autre appareil de ce type ayant dû faire un atterrissage d'urgence.
Je suis entièrement convaincue que... Si notre comité n'arrive pas à convaincre les Canadiens que l'on met en danger la vie des hommes et des femmes qui utilisent ces appareils, vous pourriez peut-être entreprendre une enquête approfondie sur cette affaire. Je me demande si ça relève de votre compétence.
M. André Marin: À première vue, je ne le pense pas.
Mme Elsie Wayne: Non. Bien. Si le père ou la mère de ces militaires vous écrivaient que la vie de leur fils ou de leur fille est mise en danger, auriez-vous alors le droit d'entreprendre une telle enquête?
M. André Marin: Je ne tiens pas à me lancer dans des considérations purement hypothétiques mais je dirais que nous examinons très sérieusement toutes les plaintes que nous recevons et que nous adoptons une approche très pragmatique à l'égard de notre mandat. Par exemple, nous n'examinons pas les dossiers sous le même angle qu'un avocat. Nous ne vérifions pas si ça cadre avec la loi. Notre rôle est d'aider les membres du MDN et des FC et d'accroître leur bien-être.
• 1625
Lorsque nous recevons une plainte, nous l'examinons. J'en parle avec
Mme Finlay et nous décidons si le problème a une incidence sur le
bien-être de la ou des personnes concernées. Jusqu'à présent
l'organisation a fait preuve d'une très grande souplesse. Elle a été
très coopérative. Si nous recevions une plainte de ce genre, nous
l'examinerions très sérieusement avant de prendre une décision.
À première vue, je dois dire que c'est une question qui ne relève pas de la compétence d'un bureau de l'ombudsman.
Mme Elsie Wayne: C'est ma dernière question, monsieur le président.
Je sais que vous examinez le problème de la violence conjugale. Plusieurs plaintes ont été faites par des femmes qui sont dans les forces armées; je suis sûre que mes collègues en ont tous reçues. Ces femmes se plaignent d'avoir été victimes d'agressions sexuelles. Parmi toutes les plaintes que vous avez reçues, y en a-t-il un assez grand nombre qui concernent ce genre de problème. Avez-vous pu les examiner et régler le problème?
Mme Barbara Finlay: Notre tout premier rapport public abordait ce problème. Nous avons été saisis de plusieurs autres cas. Ce genre de plainte est mentionné dans nos statistiques. Comme vous pourrez le voir, il y en a eu 10.
La personne concernée vient parfois nous voir pour un tout autre problème. Cependant, quand on examine ce problème de plus près, on se rend compte que la femme en question a notamment été victime d'agressions sexuelles. Par conséquent, nous examinons le problème. Nous examinons plusieurs cas d'agressions sexuelles et la façon dont ces cas ont été traités dans le contexte du MDN et des FC.
Mme Elsie Wayne: Merci.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, madame Wayne.
Monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Quel est le budget du Bureau de l'ombudsman?
M. André Marin: Il est de 3,5 millions de dollars.
M. Art Hanger: Et quels sont vos effectifs?
M. André Marin: Pour le moment, nous avons 25 employés.
M. Art Hanger: À plein temps?
M. André Marin: Certains sont à temps partiel et d'autres à plein temps.
M. Art Hanger: Bien.
Dans vos statistiques, vous indiquez que vous avez enquêté sur 1 710 plaintes alors que dans votre rapport, vous parlez de 1 500 plaintes. Lequel de ces chiffres est exact?
Mme Barbara Finlay: Le chiffre de 1 488 correspond au nombre de plaignants, c'est-à-dire au nombre de dossiers que nous avons ouverts. Par exemple, si vous êtes caporal et que vous vous adressez à nous, vous êtes considéré comme un plaignant. Le chiffre de 1 710 correspond au nombre de problèmes qui ont été signalés, c'est-à-dire qu'il arrive que trois ou quatre problèmes différents soient signalés dans la même plainte.
M. Art Hanger: Vous indiquez dans votre rapport que le nombre de plaintes s'élève à 1 500.
Quoi qu'il en soit, je suis curieux. À part les problèmes avec le JAG—et je voudrais y revenir un peu plus tard—, je constate, en examinant la liste par genre de plaintes, que vous avez notamment reçu 65 plaintes concernant le mauvais exercice de l'autorité. Comment réglez-vous un tel problème? Que faites-vous et comment le réglez-vous? Quand considérez-vous que le dossier est clos?
Mme Barbara Finlay: Nous considérons qu'il est clos lorsque nous avons réussi à aider la personne concernée. Nos interventions consistent à écouter la personne qui a des problèmes, à lui faire connaître diverses options, à l'aiguiller vers les instances compétentes, à faire des appels, à essayer de résoudre un problème ou régler des cas de force majeure, comme faire en sorte qu'une personne qui s'est plainte qu'on lui ait refusé une affectation pour des motifs humanitaires, obtienne cette affectation. Comme nous l'avons signalé, il est parfois nécessaire de faire une enquête plus approfondie et d'établir un rapport écrit.
De nombreuses personnes s'adressent à nous parce qu'elles ont un problème urgent et qu'elles ne savent pas à qui s'adresser en dehors de leur chaîne de commandement, à qui elles peuvent en parler en toute confidence et qui les aidera ou leur parlera des mécanismes susceptibles de les aider. C'est un aspect très important de nos fonctions. Nous avons des préposés aux plaintes spécialement formés qui reçoivent les appels sur une ligne d'appel sans frais et assurent ce service. C'est compris dans le nombre de cas que nous sommes parvenus à régler.
M. Art Hanger: Existe-t-il un système de redressement des griefs?
Mme Barbara Finlay: Oui.
M. Art Hanger: Que faites-vous? Mettez-vous les plaignants en rapport avec ce système?
Mme Barbara Finlay: C'est ce que nous faisons dans certains cas. Conformément à notre mandat, si le plaignant a des circonstances de force majeure, nous pouvons essayer de résoudre son problème avant de le diriger vers ce système. Par conséquent, si le plaignant a une requête urgente, s'il veut par exemple obtenir un congé pour aller rendre visite à un membre de la famille atteint d'une maladie en phase terminale, nous pouvons l'aider.
Dans d'autres cas, les plaignants s'adressent à nous parce qu'ils ont eu recours à ce système de redressement des griefs mais qu'à un certain moment, ils se sont heurtés à un obstacle: ils n'ont pas reçu de réponse, ils n'arrivent pas à se renseigner sur l'état d'avancement de leur dossier ou estiment que ça dure trop longtemps. Nous avons été en mesure de les aider.
Je suis certaine que vous savez que la commission de redressement des griefs des Forces canadiennes ouvrira bientôt ses portes et commencera à examiner des plaintes. La transition entre l'ancien système et le nouveau sera de taille. Nous espérons que nous pourrons la faciliter en aidant les personnes dont l'examen du dossier tarde ou celles qui ont besoin d'une source externe pour les aider à comprendre le système. Nous pourrons par conséquent également être utiles à cet égard.
M. Art Hanger: Quelle proportion de plaignants référez-vous à un service, un agent ou un organisme?
Mme Barbara Finlay: Je ne sais pas combien. Ça représente effectivement un pourcentage important du rôle que nous assumons mais les enquêtes et le règlement des problèmes représentent également une part importante de nos fonctions.
Nous pouvons essayer de vous fournir les chiffres, si vous le désirez. J'ai déjà signalé que nous disposions d'un système informatisé de gestion des cas et nous venons de finir d'y entrer les données complètes sur les cas dont nous sommes saisis. Nous en assurons la tenue à jour quotidienne pour pouvoir établir des statistiques comme celles que vous avez entre les mains.
La dernière fois que nous sommes venus témoigner, en décembre 1999, nous devions encore faire les calculs nous-mêmes. Le fait que nous puissions désormais obtenir ce genre de renseignements par ordinateur en appuyant sur quelques touches représente une grosse amélioration en très peu de temps. J'espère par conséquent que la prochaine fois que nous viendrons, j'aurai d'autres graphiques et tableaux indiquant avec précision la nature des tâches que nous accomplissons et contenant des chiffres détaillés.
Le vice-président (M. David Pratt): Merci, monsieur Hanger.
Monsieur Clouthier.
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Merci bien, monsieur le président.
Monsieur Marin, j'avais été impressionné par votre optimisme la toute première fois que vous êtes venu témoigner et je suis heureux de constater qu'il n'a pas diminué, parce que la tâche que vous assumez est très lourde.
Je suis très heureux que ma collègue, Mme Wayne, soit revenue. Je n'ai nullement l'intention de me lancer dans une joute politique avec celle qui est passée maître en la matière mais on dirait qu'elle a en outre des dons de clairvoyance. En effet, elle affirme que ses honorables collègues seront d'accord avec elle. Je suis souvent d'accord avec elle, mais pas toujours.
Je vous pose la question parce que je pense que Mme Wayne a dit—et je vous prie de rectifier si je me trompe—que si elle vous envoyait une question, vous y répondriez. Votre mandat s'applique- t-il uniquement aux membres des forces armées ou est-ce que des parlementaires peuvent aussi s'adresser à vous? J'ai peut-être mal interprété.
M. André Marin: Des parlementaires se sont adressés à nous à maintes reprises pour nous soumettre le cas de certains de leurs électeurs. Nous communiquons alors directement avec la personne concernée et pas avec le député ou la députée.
M. Hec Clouthier: D'accord, mais le député ou la députée doit- il donner le nom de l'électeur concerné?
M. André Marin: Oui, pour nous permettre de nous mettre en contact avec lui afin de déterminer si la plainte est fondée.
M. Hec Clouthier: Bien. Je ne pourrais donc pas vous demander de faire une enquête sur un incident dont j'ai vaguement entendu parler?
M. André Marin: Non.
M. Hec Clouthier: C'est entendu. Je tenais à m'en assurer.
J'ai dit que vous assumiez une lourde tâche mais je ne suis pas étonné que l'on considère dans certains services, surtout dans les services juridiques je suppose, qu'elle est détestable. Je sais qu'il y a ici plusieurs avocats, dont vous et Barbara. Vous connaissez le dicton célèbre: De minimis non curat lex, qui signifie que la loi n'a cure des détails. Les avocats du MDN jugent peut-être que dans certains cas, votre fonction consiste à s'occuper de bagatelles. Pour ma part, j'estime que vous jouez un rôle essentiel.
• 1635
Quand vous avez répondu à la question de mon collègue, John O'Reilly,
vous avez parlé du ministre en ce qui concerne les difficultés que
vous avez avec les experts juridiques du MDN. J'estime qu'il est
absolument essentiel de surmonter ces difficultés d'une façon ou d'une
autre. Pourriez-vous donner des renseignements plus précis à ce sujet?
Avez-vous dit que le ministre pourrait intervenir et régler le
problème?
M. André Marin: Pour le moment, notre latitude d'intervention est déterminée par des directives ministérielles. Le ministre peut modifier ces directives; il peut les améliorer. En fait, ces directives doivent bientôt être remplacées par des règlements pris en vertu de la Loi sur la défense nationale. Par conséquent, c'est le moment de retoucher notre mandat.
Nous considérons que les avocats militaires se réfugient dans une zone de dérogation. Compte tenu des problèmes que nous avons eus, nous pensons qu'il est temps que le ministre règle la question.
Je devrais peut-être vous citer quelques exemples pour que vous compreniez le genre de problèmes qui se sont posés. Je vous parlerai d'un cas dont nous nous sommes occupés et qui sera rendu public au cours des prochains jours, lorsque le ministère aura donné son accord. Nous faisons enquête sur une allégation concernant une déclaration inappropriée faite par un membre de la chaîne de commandement. Ce cas s'inscrit dans le cadre de l'enquête sur la Croatie qui a débuté en juillet 1999.
Voici les faits. Le Dr Eric Smith, qui vit sur la côte Est, un médecin qui avait mis une note dans les dossiers médicaux des soldats, a affirmé que quelqu'un avait détruit la note. Un membre de la chaîne de commandement a insinué par la suite que le Dr Smith pourrait avoir détruit lui-même la note. Dans sa plainte, ce médecin allègue que la personne qui l'a accusé y a peut-être été poussée par la chaîne de commandement. C'est pourquoi il a porté plainte.
Lorsque nous avons fait enquête, l'agent des affaires publiques qui avait laissé entendre que le Dr Smith avait peut-être détruit la note lui-même nous a dit qu'il avait reçu des instructions d'un employé du bureau du juge-avocat général. Nous avons décidé d'en finir et avons demandé à l'employé en question de nous dire ce qui s'était passé. Il nous a signalé qu'il consulterait des membres hauts placés de la chaîne de commandement et nous avons finalement appris que ceux-ci refusaient de collaborer et de nous donner des renseignements.
Nous avons pu tirer quelques conclusions dans cette affaire et faire apporter plusieurs changements mais nous n'avons jamais su quelles instructions avaient été données à cet agent des affaires publiques qui avait contribué à désigner le Dr Smith comme le coupable... Nous ne savons toujours pas ce qui s'est passé dans les coulisses. L'agent des affaires publiques en question ne peut par conséquent compter sur personne pour se défendre. Le plaignant est laissé pour compte également. Nous ne pouvons pas approfondir l'enquête et vérifier ce qui s'est passé dans les coulisses. On dirait que les FC ont quelque chose à cacher malgré leur politique officielle en matière de transparence et de reddition de comptes. Les Canadiens se demandent ce qui se passe et si la situation a vraiment changé. Ce genre d'attitude nous empêche de répondre à toutes ces questions et c'est pourquoi nous estimons qu'une décision à ce sujet est nécessaire.
Je voudrais signaler un cas qui date de la semaine dernière. Nous avons reçu une plainte d'un membre des Forces canadiennes qui faisait partie des troupes déployées en Somalie. Vous n'ignorez probablement pas que l'on envisage de décerner une médaille aux membres des forces armées qui ont été déployés en Somalie. À cause des incidents survenus au cours des dernières années en Somalie, les candidats sont sélectionnés très soigneusement, ce qui est compréhensible. Un comité spécial a été chargé de décider qui recevrait une médaille.
Ce plaignant attend depuis des années de savoir s'il recevra une médaille. Il estime qu'il la mérite et, par conséquent, il s'est adressé à nous pour nous demander de l'aider à savoir s'il devait en recevoir une.
Nous avons communiqué avec le bureau du chef d'état-major. Les employés auxquels nous nous sommes adressés ont été très francs et nous ont dit que le dossier était actuellement dans le bureau du JAG. Nous avons téléphoné la semaine dernière pour savoir où l'affaire en était. Il ne s'agissait pas d'une question sous le secret professionnel. Nous voulions uniquement savoir où le dossier en était. Nous avons dû attendre un certain temps avant de recevoir une réponse qui voulait dire essentiellement que le bureau du JAG refusait de collaborer, arguant que notre mandat ne s'appliquait pas à lui.
• 1640
Mme Finlay a écrit la semaine dernière au juge-avocat général pour
lui demander des nouvelles de ce dossier et lui demander d'agir. Hier,
nous n'avions toujours pas reçu de réponse.
Lorsqu'on se fait claquer la porte au nez quand on demande des renseignements sur une question aussi simple que l'état d'avancement d'un dossier, on se demande quelle sera la réaction pour une affaire beaucoup plus grave. Nous pensons qu'il est essentiel de régler le problème. Nous avons besoin d'une certaine marge de manoeuvre. Nous avons besoin de trouver une solution parce que nous ne pouvons pas nous acquitter de nos fonctions dans de telles conditions.
La bureau du chef d'état-major de la Défense nous a dit de nous adresser au bureau du JAG. Le chef d'état-major de la Défense collabore avec nous mais nous n'avons toujours pas obtenu de renseignements sur l'état d'avancement de ce dossier. Ça nous ennuie parce que ça nous empêche d'aider un membre des Forces canadiennes qui avait été envoyé en mission pour notre pays.
Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Merci, monsieur Clouthier.
Monsieur Marin, chers collègues, je regrette d'avoir été absent pendant la première moitié de la séance. Comme je vous l'avais dit, je devais être à Montréal pour affaires.
Je remercie mon collègue, M. Pratt, d'avoir assumé la présidence pendant la première partie de la séance.
Je tiens beaucoup à participer maintenant aux discussions et écouter les questions.
Les délibérations se poursuivent.
[Français]
Monsieur Laurin, je vous accorde cinq minutes.
M. René Laurin: Monsieur Marin, je reviens aux statistiques que vous nous avez présentées au début de votre exposé sur les quelque 1 700 plaintes qui ont été déposées. Est-ce que vous savez combien de plaintes ont été réglées à la satisfaction des plaignants?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: Nous avons réglé un millier de cas. Je suis incapable de vous dire au juste combien ont été réglés à la satisfaction du client mais lorsque nous ne sommes pas en mesure de régler une affaire à la satisfaction des parties concernées, nous poursuivons l'enquête pour voir s'il convient de faire des recommandations. Si nous avions les chiffres en question, je vous les aurais communiqués aujourd'hui. Les améliorations que nous apportons à notre système informatique nous permettront de produire ce genre de statistiques.
Je vous assure que nous réussissons à régler les plaintes à l'amiable dans un pourcentage élevé de cas et que, le plus souvent, les deux parties sont satisfaites.
Dans les cas où nous n'obtenons pas de bons résultats par les tentatives de règlement à l'amiable, nous adoptons une approche plus structurée. Plusieurs cas font actuellement l'objet d'enquêtes officielles à l'issue desquelles nous ferons des rapports et des recommandations; ces enquêtes donneront à l'organisation l'occasion de résoudre le problème en suivant nos recommandations.
Comme les rapports officiels que nous avons préparés l'indiquent, les recommandations que nous avons faites jusqu'à présent ont été acceptées en principe. Nous suivons tout cela de près pour nous assurer qu'elles sont mises en oeuvre. Je dirais que les résultats ont été très satisfaisants jusqu'à présent.
[Français]
M. René Laurin: Sans nous donner de chiffre exact, pourriez-vous avancer un pourcentage approximatif?
M. André Marin: Plus de 1 000 cas ont été réglés, et la majorité de ces cas ont été réglés à la satisfaction du plaignant.
M. René Laurin: Quand vous parlez de la majorité, parlez-vous de 80 ou 90 p. 100 des cas?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: Je n'ai jamais été très douée pour donner des...
[Français]
M. René Laurin: Vous ne le savez pas du tout?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: ... chiffres approximatifs mais je vous promets de vous communiquer ces chiffres la prochaine fois que nous témoignerons.
Vous parlez de cas réglés à la satisfaction du plaignant. Ce qui nous intéresse, c'est d'avoir l'impression que nous avons obtenu un résultat équitable étant donné que la tâche d'un ombudsman est précisément de veiller à ce que les plaignants aient été traités de façon équitable. Dans certains cas, en raison de ses intérêts personnels, le plaignant estime que le problème aurait pu être réglé autrement ou plus vite, mais ce qui nous intéresse, nous, c'est de nous assurer qu'il a été traité de façon équitable.
[Français]
M. René Laurin: J'ai obtenu la réponse que je cherchais. Vous avez dit que 1 000 des 1 700 dossiers étaient clos. Qu'advient-il des 700 autres? Est-ce qu'on n'a pas pu les traiter jusqu'ici? Sont-ils à l'étude ou s'ils ont été rejetés?
Mme Barbara Finlay: Je dirais que nous examinons actuellement entre 200 et 300 dossiers. Les autres ne relèvent pas de nos attributions et de notre champ de compétence et ce, pour diverses raisons.
Vous savez peut-être que le mandat de l'ombudsman ne s'applique pas aux questions qui concernent Affaires des anciens combattants Canada. Nous recevons régulièrement des appels à ce sujet.
Nous recevons également des appels de citoyens dont le cas ne relève pas de notre mandat. Cependant, même si nous ne pouvons pas nous en occuper, nous essayons toujours de savoir à qui cette personne devrait s'adresser pour obtenir de l'aide.
Nous recevons également des appels de personnes dont les problèmes, même s'ils sont graves, ne concernent pas nécessairement le MDN et les FC. Dans ce cas, nous essayons également de leur dire à qui s'adresser.
[Français]
M. René Laurin: Est-ce qu'il y a un long délai entre le moment où vous recevez une plainte et le moment où vous commencez à la traiter?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: La majorité des plaintes sont traitées et réglées immédiatement par les préposés aux appels téléphoniques sans frais. Étant donné qu'ils ont acquis beaucoup d'expérience depuis la mise en place de notre Bureau, ils sont souvent en mesure de communiquer immédiatement les options au plaignant. Sinon, ils les rappellent généralement le jour même.
Quand il s'agit de cas plus complexes, je les examine personnellement et les confie à un enquêteur. Ça peut prendre quelques jours. Nous essayons de régler la plupart des cas dans les 60 jours. Nous nous efforçons de respecter ce délai. Ce n'est pas toujours possible à cause de la taille des forces armées et des démarches administratives. Il nous faut parfois 60 jours pour obtenir les dossiers ou les renseignements dont nous avons besoin.
En outre, nous nous efforçons également d'accroître nos effectifs pour raccourcir le plus possible les délais. Nous nous efforçons de traiter un plus grand nombre de cas dans ce délai de 60 jours.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Laurin.
Monsieur Bertrand, je vous accorde cinq minutes.
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): J'aimerais souhaiter la bienvenue aux trois témoins. Il est toujours très intéressant d'entendre M. Marin.
J'aimerais vous poser quelques petites questions. Est-ce que votre mandat s'étend aux conjoints des militaires?
M. André Marin: Oui.
M. Robert Bertrand: Combien des 1 710 plaintes qui ont été déposées à votre bureau l'ont été par des conjoints? Par exemple, est-ce que 10 plaintes portaient sur des cas de violence conjugale?
M. André Marin: Si vous regardez à la rubrique «Pourcentage des plaintes par catégorie» dans un des tableaux que nous avons préparés, vous constaterez que 5,6 p. 100 des plaintes ont été déposées par des membres des familles. Une seule plainte relative à la violence conjugale a été déposée à notre bureau. Nous croyons qu'il y a deux raisons qui expliquent le fait que nous n'avons reçu qu'une plainte de ce genre.
Il est d'abord question de sensibilisation. De nombreuses personnes ne sont pas conscientes que ces questions relèvent de notre mandat. Il est un peu ironique que l'étude publiée hier recommande la création du bureau d'un ombudsman. Même les 13 professeurs qui sont les auteurs de l'étude ne savaient pas que ces questions relevaient du mandat de l'ombudsman. Il y a sûrement un problème de sensibilisation à l'intérieur du système si les professeurs d'université qui ont mené une étude aussi approfondie ne connaissent pas ce fait qui est quand même assez élémentaire.
D'autre part, il y a la question de sortir de la chaîne de commandement et de communiquer avec le Bureau de l'Ombudsman. Je crois qu'on craint des représailles. Bien que certaines personnes sachent qu'elles peuvent avoir recours au bureau, plusieurs ne le font pas par crainte de représailles. On constate tous les jours que cette crainte est très présente dans l'esprit des plaignants qui viennent à notre bureau. Les personnes qui nous appellent veulent connaître les mesures de protection que nous avons mises en place en vue de protéger les plaignants.
M. Robert Bertrand: Que fait votre bureau lorsqu'un conjoint lui dit être victime de violence? Est-ce que vous appelez la police militaire?
M. André Marin: Nous informons d'abord le plaignant des possibilités de recours qui existent au sein du système. L'ombudsman fonctionne de pair avec les recours qui existent déjà. Lorsqu'une personne nous appelle et nous dit qu'elle a été agressée par son conjoint, nous lui expliquons comment établir un contact avec la police militaire. Nous l'invitons également, si elle fait face à des problèmes avec la police militaire quant au dénouement de la cause, à communiquer à nouveau avec nous. Il arrive dans certains cas que nous ouvrions un dossier afin de nous assurer de maintenir un contact constant avec la personne. Il existe des ressources d'aide aux victimes, dont les services de psychologues, que nous pouvons également lui offrir. Nous fournissons un appui constant du début à la fin, mais nous ne tentons pas de remplacer les recours existants.
M. Robert Bertrand: Vous dites offrir un appui du début à la fin. Après avoir expliqué à un plaignant les possibilités qui s'offrent à lui, est-ce que vous le rappelez quatre ou cinq mois plus tard afin de savoir où en est rendue sa cause?
M. André Marin: Oui, nous le faisons dans certains cas. Il arrive aussi que nous invitions le plaignant à nous rappeler afin de nous informer de l'évolution du dossier ou des difficultés qu'il éprouve. Ces deux scénarios sont possibles.
M. Robert Bertrand: Il y a plusieurs autres petites questions qui me tracassent. Lors de votre présentation, vous avez dit que le jeudi précédant le congé pascal, vous aviez reçu 20 nouvelles plaintes.
M. André Marin: Oui.
M. Robert Bertrand: Quoique je ne sache pas si vous êtes en mesure d'en parler, pourriez-vous m'indiquer quelles en sont les raisons? Arrive-t-il souvent qu'avant un long congé de fin de semaine, vous receviez un plus grand nombre de plaintes? Si oui, en connaissez-vous la raison?
M. René Laurin: Ils font comme le gouvernement. [Note de la rédaction: Inaudible] ...en congé.
M. Robert Bertrand: De quel genre de plaintes s'agissait-il? Ces 20 plaintes étaient-elles du même genre, ou étaient-elles très différentes?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: Il s'agissait généralement du même genre de plaintes que celles que nous recevons habituellement. Je ne sais pas pourquoi elles sont toutes arrivées juste avant une longue fin de semaine. On dirait que les gens ressentent le besoin de régler certains de leurs problèmes à l'approche d'un congé. Les membres des FC sont également de plus en plus sensibilisés à l'existence du Bureau. Il se peut très bien également que le fait de savoir que notre Bureau sera fermé pendant la longue fin de semaine pousse plusieurs personnes à communiquer avec nous juste avant.
J'ignore toutefois quelle est la raison exacte. Peut-être que l'ombudsman était particulièrement parvenu à sensibiliser les intéressés ce jour-là et que ce soit le résultat de ses efforts.
M. Robert Bertrand: Mais presque toutes les plaintes étaient du même genre.
Mme Barbara Finlay: Non. Il s'agissait du genre de plaintes que nous recevons habituellement. Les statistiques indiquent que certains genres de plaintes sont très fréquentes. Nous recevons beaucoup de plaintes concernant les nominations ou les avantages. C'est le genre de préoccupations qui ont habituellement de l'importance pour les membres des forces armées.
[Français]
M. Robert Bertrand: J'aimerais revenir à la question qu'a posée M. Laurin au sujet du pourcentage des plaintes par région. Selon vos calculs, une plainte que dépose une personne qui habite Bagotville et qui serait transmise à un bureau du quartier général à Ottawa en vue d'une décision serait-elle considérée comme émanant du Québec ou de l'Ontario?
[Traduction]
Mme Barbara Finlay: Dans les statistiques que nous vous avons remises aujourd'hui, nous aurions tendance à considérer ce genre de plainte comme une plainte émanant de l'Ontario.
M. Robert Bertrand: D'accord.
Mme Barbara Finlay: Je peux toutefois passer ces statistiques dans notre système informatique pour savoir combien de personnes de Bagotville se sont adressées à nous. Ce genre de renseignement est également accessible.
[Français]
M. Robert Bertrand: Ce n'est pas nécessaire. Je ne faisais que prendre un exemple au hasard. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.
Le président: Merci, monsieur Bertrand.
[Traduction]
Monsieur Earle, je vous accorde cinq minutes.
M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président. Je signale que je suis entièrement d'accord que le problème avec le JAG et les avocats doit être résolu pour que vous puissiez remplir vos fonctions en toute efficacité.
Je suis prêt à appuyer toute recommandation judicieuse visant à apporter une solution satisfaisante à ce problème.
Je voudrais vous poser une question en rapport avec celle qui a été posée par mon collègue, M. Clouthier. Je suppose que si vous êtes mis au courant d'un problème par quelqu'un d'autre qu'un plaignant, vous n'avez pas le pouvoir de faire une enquête de votre propre initiative. Je suppose que vous ne pouvez pas faire d'enquête de vous-mêmes en l'absence de plainte.
M. André Marin: Si, nous pouvons le faire. C'est pour cette raison que nous nous proposons de faire une enquête en ce qui concerne la façon de traiter les femmes. Cependant, pour pouvoir faire une telle enquête, une simple lettre ne suffit pas. Il faut plusieurs cas tendant à révéler l'existence d'un problème général. Une simple lettre pourrait déclencher une enquête mais il faudrait une tendance ou un incident révélant l'existence d'un problème plus général.
En ce qui concerne votre premier commentaire au sujet du règlement de cette question avec les avocats du bureau du juge- avocat général, nous sommes au courant des protocoles qui existent dans diverses provinces et nous serions très heureux que l'on adopte un de ces protocoles. Nous n'adoptons pas une attitude intransigeante à cet égard. Nous essayons de résoudre le problème de façon à pouvoir rendre service aux membres du MDN et des FC.
Je demanderais à M. Paciocco de faire des commentaires à ce sujet. Il a examiné la question de la reddition de comptes et des risques liés à son absence. Je me demande s'il a des commentaires à faire.
M. David Paciocco: Je pense que la possibilité d'obliger les avocats à rendre des comptes à l'ombudsman est indispensable pour permettre à celui-ci de remplir ses fonctions étant donné que pratiquement toutes les décisions importantes doivent passer par les avocats et que, dans le cas contraire, on risque l'impasse systématique.
La démarche de l'ombudsman a un double but: avoir la possibilité de faire enquête sur les avocats lorsque les plaintes concernent la façon dont ils exercent leurs fonctions et les empêcher d'invoquer le secret professionnel à outrance pour interdire l'accès à l'information.
Nous avons observé plusieurs cas semblables aux États-Unis, notamment dans le contexte de l'enquête Tailhook de 1991. Vous avez peut-être entendu parler du scandale qui a éclaté aux États-Unis dans les forces navales à la suite des agressions sexuelles commises lors d'une soirée. L'enquête sur cette affaire avait été contrecarrée par le fait que les employés du bureau du juge-avocat général n'avaient pas accordé d'attention aux allégations. Le juge- avocat général des forces navales avait dû démissionner suite à cette affaire.
Ce sont des situations qui se produisent. Bien entendu, nous avons confiance dans les personnes qui occupent actuellement ces postes. Cependant, si nous avons des difficultés et qu'il n'existe pas de solution, nous serons dans l'impasse et nous serons incapables de régler ces problèmes.
[Français]
Le président: Avez-vous une autre question?
M. Gordon Earle: Je la poserai en français afin de pouvoir pratiquer mon français, si vous me le permettez. J'ai constaté qu'un grand nombre de plaintes avaient été portées par des membres de l'armée de terre. Pourquoi les plaintes de ces militaires sont-elles plus nombreuses que dans les autres éléments de l'armée?
M. André Marin: Je pourrai peut-être vous donner une telle réponse lorsque notre bureau aura acquis un peu plus de vécu. Il est difficile de donner une interprétation juste de ces statistiques à ce moment-ci. Si je m'aventurais à le faire, ce ne serait que spéculation. C'est pourquoi je préférerais m'en abstenir pour l'instant.
M. Gordon Earle: Merci.
Le président: Bien. Merci, monsieur Earle.
Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly: Merci, monsieur le président.
J'ai examiné les questions qui ont déjà été posées et noté celles auxquelles on a déjà répondu; je constate que j'avais une question à poser sur les 20 nouvelles plaintes et sur le délai de 60 jours. Le délai de 60 jours pour clore une affaire est-il général ou est-ce le délai maximum?
M. André Marin: Non, c'est un objectif que nous avons proposé; le ministre l'a accepté et l'a inclus dans les directives ministérielles. C'est un objectif. Par conséquent, si le règlement d'un cas prend plus de 60 jours, nous ne fermons pas le dossier mais nous tenons compte du délai supplémentaire.
Nous avons décidé de fixer ce délai de 60 jours à la suite des consultations que nous avons eues auprès des membres du MDN et des FC au moment où nous avons organisé notre bureau. Une des conclusions que nous avons tirées de ces consultations est qu'il était nécessaire de créer un système efficace et non un système où les plaignants n'entendraient plus jamais parler de nous après avoir déposé leur plainte.
Par conséquent, ce délai de 60 jours est un objectif que nous nous sommes imposé. Le ministre l'a accepté et l'a inclus dans les directives ministérielles mais ça ne nous empêche pas de poursuivre une enquête au-delà de ce délai. Nous acceptons le fait qu'il faille parfois plus de 60 jours pour régler certains cas, en raison même de leur nature. Mais c'est plutôt un point de repère. Nous comptons que l'affaire sera réglée en 60 jours et si nous n'y arrivons pas, nous en donnons les raisons.
M. John O'Reilly: Je ne tiens pas à me mêler du problème que vous avez avec les services juridiques parce que je sais que vous ferez mettre en place un mécanisme pour le résoudre. Je crois que la solution viendra du ministre.
En ce qui concerne les personnes que je vous ai envoyées—et je crois que j'en ai envoyé au moins quatre—, elles ont toutes été très bien traitées et je pense que leur cas a été réglé et traité de façon très consciencieuse. Je tenais à le signaler.
M. André Marin: Merci.
M. John O'Reilly: Par conséquent, j'estime qu'à ce point de vue-là, qui est peut-être le plus important, votre Bureau est très efficace et j'approuve votre analyse. Comme je l'ai déjà signalé, je ne me mêle pas de votre problème avec les services juridiques étant donné que nous en avons déjà assez parlé et que j'estime que nous n'arriverons pas à y trouver une solution parce que c'est le ministre qui devra le régler.
L'autre question que j'ai à vous poser est la suivante: comptez-vous étendre vos services au ministère des Affaires des anciens combattants?
M. André Marin: Nous n'avons pas fait cette proposition parce que nous sommes très occupés actuellement au ministère de la Défense nationale. Cependant, dans quelques cas bien précis et particulièrement convaincants, nous avons communiqué avec le ministère des Affaires des anciens combattants, mais pas officiellement, et il a accepté notre intervention. Nous n'essayons pas d'obtenir un tel élargissement de notre mandat parce que nous avons déjà beaucoup de problèmes à régler à la Défense nationale.
M. John O'Reilly: Je tiens à vous féliciter de ne pas vous être mêlés de la question du remplacement des hélicoptères Sea King, prévu pour 2005, qui suscite de vives controverses politiques. Je crois que ces appareils nécessitent 30 heures d'entretien par heure de vol. Les pilotes que j'ai interrogés—et je pensais qu'ils pourraient avoir des raisons de porter plainte—ont dit qu'ils ont reçu l'ordre de ne pas voler avec un appareil si leur sécurité est en jeu. Par conséquent, ce n'est pas un problème de sécurité. Je tiens à vous remercier de ne pas vous être mêlés de cette controverse politique.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur O'Reilly.
Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: J'ai été très heureuse d'entendre cette affirmation. En effet, nous savons que nous n'avons pas à nous tracasser. Si les pilotes ne peuvent pas voler quand les appareils ne sont pas sûrs, ils restent tous au sol. Pas un seul pilote ne décollera. Je tenais à vous le dire parce que je tiens à signaler à mon collègue que ce sont les pères des pilotes qui m'ont appelée pour me demander de tout faire pour que ces appareils soient remplacés. Je tenais à ce que vous le sachiez.
M. John O'Reilly: Continuez à insister. Je crois que nous le faisons tous.
Mme Elsie Wayne: Je vois d'après les statistiques que l'ombudsman a reçu quatre plaintes concernant des problèmes de sécurité. Je ne sais pas s'il s'agit de problèmes de sécurité concernant des avions ou des véhicules mais il y a eu quatre plaintes de ce genre. Par conséquent, je suppose que vous avez dû examiner à un moment ou l'autre des problèmes de sécurité.
La politique étant ce qu'elle est, je voudrais savoir si vous pouvez nous garantir l'absence de toute ingérence politique dans vos fonctions.
M. André Marin: Je vous le garantis.
Mme Elsie Wayne: Bien. En ce qui concerne les avocats—et comme l'a mentionné notre collègue, nous les accusons directement—il faut reconnaître que, quel que soit le gouvernement, ils sont généralement engagés pour le protéger, ce qui doit vous rendre la tâche très difficile.
M. André Marin: Oui, vous avez raison. M. Paciocco a peut-être des commentaires à faire à ce sujet.
M. David Paciocco: Je pense qu'il est naturel de s'attendre à ce que les avocats opposent une résistance lorsqu'on risque de critiquer leurs décisions et à ce qu'ils exploitent à fond les moindres subtilités de la procédure. Le rôle du Bureau de l'ombudsman est d'examiner des questions de fond ou des questions d'administration et de trouver des solutions efficaces. Le fait de ne pas pouvoir prendre de décision efficace en raison d'objections fondées sur des subtilités est effectivement une source de frustration et c'est pourquoi l'on a insisté à ce point sur le rôle des avocats dans l'exposé qui a été fait aujourd'hui.
Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Wayne.
Nous avons fait deux tours de questions. Normalement, c'est alors au tour du président de poser deux ou trois questions. C'est ce que je voudrais faire, si vous me le permettez. Je ne pense pas qu'elles prêtent à controverse.
Je sais que nous ne tenons pas à nous lancer dans une discussion sur les hélicoptères Sea King mais Mme Wayne sait que nous sommes tous très impatients de voir les nouveaux hélicoptères. C'est une question qui suscite beaucoup d'intérêt mais nous n'en discuterons pas aujourd'hui avec vous.
Je crois que tous les membres du comité vous appuient et apprécient votre travail. M. O'Reilly l'a d'ailleurs signalé et peut-être que d'autres collègues l'avaient déjà fait avant mon arrivée. Nous examinerons, au cours d'une prochaine séance où nous serons au complet, une motion visant à appuyer et à renforcer votre Bureau.
Il est évident que vous estimez vous heurter à quelques obstacles. Si on vous a déjà posé les questions suivantes, je vous prie de m'excuser, mais je voudrais savoir quels sont les principaux obstacles à l'octroi d'un meilleur service aux membres des Forces canadiennes. Pouvez-vous recommander des solutions à ce problème?
M. André Marin: Nous avons présenté publiquement un rapport le 16 décembre 1999, soit après exactement six mois d'activité. J'ai parlé des secteurs où nous voudrions que notre mandat soit retouché et amélioré, de façon à offrir un meilleur service aux membres du MDN et des FC.
Je crois que le problème que nous avons signalé aujourd'hui, et qui doit être réglé d'une façon ou d'une autre, concerne nos relations futures avec les avocats du MDN et des FC. Pour le moment, les avocats militaires et les autres avocats du ministère font partie de ce que nous appelons une zone de dérogation. À cause de cela, ils sont en fait intouchables, qu'il s'agisse d'une plainte qui les concerne directement ou d'une plainte qui nécessite leur coopération.
Nous estimons que cette situation est intolérable, compte tenu de la nature de la tâche que nous devons accomplir. Si on classe les avocats dans une catégorie à part, pourquoi pas les comptables et les dentistes aussi? Pourquoi uniquement les avocats? Nous estimons que ça ne se justifie pas du tout. C'est en fait la principale situation que nous voulons changer. Nous estimons qu'un tel changement ne compromettrait pas le respect du secret professionnel ni d'autres types de privilèges.
En ce qui concerne les autres suggestions que nous avons faites, elles portent notamment sur la possibilité de rendre un rapport public de notre propre initiative, sans devoir passer par le ministre. Nous ne considérons pas cela comme un problème—et je demanderai à M. Paciocco de faire des commentaires à ce sujet quand j'aurai terminé—mais on a signalé aujourd'hui et dans le cadre d'autres discussions que ça pourrait poser des problèmes de reddition de comptes. En ce qui concerne cette dernière question, nous estimons que nous nous efforçons d'améliorer nos services de façon à ce qu'ils accroissent le bien-être des membres du MDN et des FC et répondent mieux à leurs besoins. Je vous invite à examiner le rapport pour voir quels autres types d'améliorations nous proposons. Ce sont en tout cas les principaux types de changements que nous recommandons.
M. David Paciocco: Lorsqu'on veut analyser le mandat de l'ombudsman, il est à mon avis très important de comprendre la nature de ses activités. L'ombudsman essaie de régler les problèmes à l'amiable. Il fait en outre des recommandations après avoir examiné les faits. Il n'est pas en mesure d'imposer des contraintes.
L'ombudsman doit compter sur son pouvoir de persuasion pour convaincre les parties concernées du bien-fondé des décisions qui ont été prises et par conséquent, il est quelque peu frustrant que des objections liées à la question de la reddition de comptes entravent les tentatives d'amélioration de son mandat. On se demande parfois si ça posera des problèmes fondamentaux de reddition de comptes.
Les membres de la chaîne de commandement ne veulent pas être obligés, dans divers cas, de rendre des comptes à un organe de surveillance civil. Ils craignent en effet que ce dernier ne leur marche parfois sur les pieds. Je crois qu'il est très important qu'ils sachent que l'ombudsman ne peut pas leur imposer de contraintes. Tout ce qu'il peut faire, c'est rendre leurs agissements transparents.
Un des problèmes est que les directives ministérielles ne contraignent pas toujours les personnes concernées à fournir des renseignements à l'ombudsman. Elles sont formulées de telle façon qu'elles recommandent la coopération avec l'ombudsman. Si elles sont formulées ainsi, c'est pour ménager les susceptibilités mais, pour que l'ombudsman puisse examiner à fond tous les problèmes, la coopération de tous serait nécessaire. Par conséquent, l'autre difficulté, c'est qu'il faut déterminer si la coopération devrait être obligatoire ou volontaire.
Le président: Merci.
Je voudrais m'assurer que j'ai entendu la réponse que vous avez donnée tout à l'heure à ma collègue, Mme Wayne. Elle vous a demandé si vous aviez été victime d'ingérence politique et vous avez répondu que non, si j'ai bien compris.
M. André Marin: Le ministre a été extrêmement respectueux de mon indépendance. Nous nous sommes rencontrés environ une fois par mois, généralement à ma demande. Il a un calendrier très chargé et par conséquent, c'est généralement sur mon insistance que nous nous voyons. Je ne sais plus exactement quand je l'ai rencontré pour la dernière fois. Je crois que c'est au tout début du mois d'avril. Il a donc été très respectueux de mon indépendance et il me laisse toute liberté.
Quand je fais des déclarations ou que je viens témoigner, c'est de ma propre initiative et je suis entièrement responsable de mes déclarations et de mes agissements. Je ne peux imaginer la possibilité d'avoir encore plus de liberté. Je crois que le ministre respecte beaucoup mon indépendance. Il comprend qu'il doit me laisser faire mon travail et je lui en suis très reconnaissant.
Le président: Merci.
Cette réponse confirme ce que j'avais compris au cours d'un entretien privé que j'avais eu avec le ministre, en qualité de président du comité. Je crois qu'il accorde beaucoup d'importance à votre Bureau et apprécie beaucoup votre travail. Je pense qu'il continuera de vous soutenir.
Nous tenons à faire consigner au compte rendu une motion réitérant notre appui. Nous l'examinerons bientôt, lorsque nous serons au complet. C'est du moins ce que je pense, d'après les déclarations de mes collègues et celles du ministre.
J'apprécie votre réponse.
Nous entamons un nouveau tour de questions. Nous n'avons plus le temps d'accorder cinq minutes par personne et pour donner à tous mes collègues l'occasion d'intervenir, je leur demande de se contenter de poser une seule question pour laisser une chance aux autres. Nous continuerons s'il nous reste du temps.
M. Hanger a la parole le premier.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je dois dire, en toute sincérité, que je voudrais quelques explications supplémentaires avant de décider si j'appuie les recommandations de M. Marin.
Je crois qu'une des recommandations que vous faites—et je vous demanderais de rectifier si je me trompe, monsieur Marin—est que le bureau du JAG devrait rendre des comptes à votre Bureau.
M. André Marin: Non, pas du tout.
M. Art Hanger: M. Paciocco a pourtant dit, si j'ai bien compris, que les avocats devraient rendre des comptes à votre Bureau.
M. André Marin: Non. M. Paciocco pourrait vous donner des explications à ce sujet.
M. David Paciocco: Oui, certainement.
Il y a une différence entre répondre à des questions concernant les décisions qui sont prises par le bureau du JAG et devoir rendre des comptes au Bureau de l'ombudsman de sorte que ce dernier puisse lui interdire d'agir de telle ou telle façon. Personne ne recommande que les avocats rendent des comptes à M. Marin au sens où il pourrait leur dire que faire.
• 1715
Nous demandons toutefois que l'on nous fournisse les moyens
d'examiner les plaintes concernant la façon dont les avocats exercent
leurs fonctions pour que les membres du MDN et des FC qui estiment
être victimes d'injustices en raison des politiques mises en oeuvre ou
des décisions qui ont été prises puissent s'adresser à un organe
impartial et indépendant, un organe qui pourra examiner les
circonstances et dire au plaignant qu'il a tort et qu'il n'a pas été
traité injustement ou lui confirmer qu'il y a un problème et faire des
recommandations au JAG. Tout dépend de la façon dont vous concevez la
notion de reddition de comptes. Dans un certain sens, les services
juridiques doivent rendre des comptes à l'ombudsman mais il n'est pas
du tout question de recommander d'obliger les avocats à consulter M.
Marin avant de prendre une décision ou à accepter ses observations.
Le président: Je veux d'abord donner une chance à tous mes collègues, puis je vous donnerai à nouveau la parole.
M. Art Hanger: J'ai peut-être un rappel au Règlement à faire à ce sujet.
N'estimez-vous pas qu'il serait souhaitable que nous discutions avec d'autres membres du MDN, avec les foyers de résistance auxquels M. Marin fait allusion dans son rapport, comme les services du JAG, avant de décider d'appuyer sans réserve toutes ses recommandations? Notre rôle est d'établir les faits et je ne pense pas que M. Marin tienne vraiment à ce que nous lui donnions carte blanche ou à ce que nous appuyions toutes les motions ou toutes ses opinions avant d'avoir entendu l'autre partie.
Le président: J'en prends note. Ce n'est pas un rappel au Règlement mais j'en prends note. Nous avons déposé la motion de M. O'Reilly. Par conséquent, je prends note de votre remarque et nous aurons une discussion pour déterminer quand nous examinerons cette motion ou toute autre motion présentée à la suite de l'exposé de M. Marin. Si vous estimez avoir besoin d'un peu plus de temps et de renseignements, nous en discuterons pour nous mettre d'accord.
Y a-t-il des questions de ce côté-ci? Non?
[Français]
Monsieur Laurin, s'il vous plaît.
M. René Laurin: Monsieur le président, j'ai remis à M. Marin le texte de la motion dont nous aurons à débattre. Je ne pense pas que nous en débattrons à cette séance. On a dit que ça irait probablement à la prochaine séance puisqu'on attendait que vous soyez présent. Mais puisque les travaux du comité ont pour objet d'aider l'ombudsman à améliorer son sort et son efficacité, j'aimerais que ce dernier nous donne son opinion sur la motion que nous nous apprêtons à passer. Est-ce que cette motion, selon lui, va assez loin pour l'aider à améliorer son sort? Est-ce qu'on va dans la bonne direction ou s'il faut faire autre chose? J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
M. André Marin: Je crois que si cette motion, dont vous m'avez présenté le libellé, était adoptée, cela nous serait très utile, parce que ça démontrerait que ce comité reconnaît l'importance de notre travail et nous appuie dans l'exécution de notre travail. Cela nous serait très utile dans ce sens-là.
M. René Laurin: Dans la motion, on se contente de dire qu'on appuie sans réserve une évolution constante vers une plus grande efficacité. Est-ce que cela va changer votre travail demain matin? Est-ce que cela va changer votre façon de travailler?
M. André Marin: À quelle ligne êtes-vous rendu?
M. René Laurin: Je suis dans le texte français.
M. André Marin: Oui, mais à quelle ligne?
M. René Laurin: J'en suis à la deuxième ligne:
-
Que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens
combattants appuie sans réserve la constante évolution vers une plus
grande efficacité du Bureau de l'Ombudsman.
M. André Marin: Oui.
M. René Laurin: C'est tout ce que dit la résolution. Je ne veux pas en faire un débat, car on en fera un ensemble ici, mais la motion dit qu'on est d'accord pour que vous continuiez à vous améliorer et à donner un meilleur service. Est-ce que cela vous donne des instruments pour le faire? Ça, c'est autre chose. Je voudrais connaître votre opinion là-dessus.
M. André Marin: Je pense que vous soulevez un point valable, mais je ne veux pas usurper votre rôle. Si vous croyez que la motion devrait aller plus loin, je vous invite à la libeller en conséquence. Pour ma part, je suis satisfait d'une telle motion parce que je crois qu'elle reconnaît la réalité. Elle reconnaît que le bureau va continuer à évoluer. Le passage du mandat à un règlement va nous permettre une certaine évolution, mais dans un an ou deux, peut-être qu'on trouvera une autre faille et qu'une autre évolution sera nécessaire.
• 1720
Je crois que le Bureau de l'Ombudsman évolue avec les moeurs, les
coutumes et les pratiques de la société et que quand ces pratiques
évoluent, il faut revoir le mandat du bureau. Donc, j'accepte le fait
qu'il y aura une évolution constante, mais comme je vous le dis, je ne
veux pas usurper votre rôle.
M. René Laurin: Vous êtes patient.
M. André Marin: Oui.
M. René Laurin: Vous êtes prêt à attendre.
M. André Marin: Je serais satisfait de ce premier pas.
Le président: Merci. Merci, monsieur Laurin.
[Traduction]
Monsieur Earle, avez-vous une autre question à poser?
M. Gordon Earle: Oui.
Je sais qu'une grande partie du travail d'un ombudsman se fait par correspondance ou par téléphone. Je sais également que divers problèmes très délicats nécessitent un contact en personne avec le plaignant. Votre bureau a-t-il la capacité d'envoyer des employés en déplacement dans diverses régions du pays pour rencontrer ces plaignants?
M. André Marin: Oui. Nous l'avons fait.
M. Gordon Earle: Bien. Avez-vous dès lors les ressources nécessaires pour le faire?
M. André Marin: Non.
M. Gordon Earle: Comptez-vous établir des bureaux régionaux à un moment ou l'autre?
M. André Marin: Nous voulions initialement une certaine décentralisation. La décentralisation n'a pas été organisée mais, dans les faits, nous l'avons réalisée puisque que nous avons recruté dans les diverses régions au lieu d'envoyer nos employés sur place. Nous avons engagé des employés à plein temps ou à temps partiel dans les régions, ce qui nous a aidés à assurer une présence locale et à traiter les cas régionaux.
M. Gordon Earle: Merci.
Le président: Je donne à nouveau la parole à M. Hanger.
M. Art Hanger: À en juger d'après la liste des plaintes, les forces armées ont pris toutes les dispositions nécessaires pour traiter à peu près n'importe quel genre de plaintes.
M. André Marin: Oui.
M. Art Hanger: En ce qui concerne les plaintes liées aux avantages, je suppose que vous dirigez le plaignant vers les services compétents. Je suppose que les problèmes sont réglés dans 99 p. 100 des cas. Réglez-vous vous-mêmes ces problèmes dans 99 p. 100 des cas?
M. André Marin: Non. Nous recommandons au plaignant d'avoir recours au mécanisme existant. C'est notamment ainsi que nous procédons.
Mme Barbara Finlay: Dans certains cas, lorsque les plaignants ne sont pas satisfaits des résultats après avoir fait appel au mécanisme existant, ils nous demandent d'examiner la question pour déterminer s'ils ont été traités équitablement ou non.
M. Art Hanger: N'êtes-vous pas seulement un engrenage supplémentaire dans le mécanisme? Dans la plupart des cas, même en cas d'appel, lorsqu'il existe un mécanisme de règlement, vous n'êtes qu'un engrenage supplémentaire.
Mme Barbara Finlay: Nous ne sommes pas une cour d'appel. Dans les cas où un membre du MDN et des FC estime avoir été privé d'un avantage ou avoir été traité injustement à cause des politiques et des procédures en vigueur—plusieurs de ces cas nous ont été soumis par la chaîne de commandement—, nous pouvons examiner les politiques et procédures en question après que le cas ait été réglé dans le cadre du système officiel. Nous pouvons dire que la plainte n'a pas été acceptée parce qu'aucune règle n'a été enfreinte mais nous nous demandons alors si ces règles sont justes, si elles aboutissent à un traitement équitable. C'est à ce niveau que notre intervention est utile alors que les autres rouages du système ne sont pas nécessairement efficaces.
M. Art Hanger: Que faites-vous en ce qui concerne les cas d'agressions sexuelles ou plutôt dans les cas d'infraction criminelle? D'après votre liste, il y a eu 20 cas d'infraction criminelle.
Mme Barbara Finlay: Dans certains cas, nous expliquons les possibilités aux plaignants, notamment celle de s'adresser à la police militaire. Certains de ces cas, comme celui de Mme Babos, qui a fait l'objet de notre premier rapport public, concernent des plaintes sur la façon dont la police militaire a traité le plaignant pendant son enquête. Dans d'autres, nous examinons la façon dont la chaîne de commandement a traité le plaignant.
Les membres des forces armées victimes d'agressions sexuelles ou de violence conjugale se trouvent dans une situation unique en ce sens qu'ils ont eu affaire non seulement à la police militaire mais aussi à une chaîne de commandement. Nous pouvons déterminer si une personne a été traitée de façon équitable. Le seul fait d'être membre des forces armées a souvent des répercussions sur tous les aspects de sa vie. Par conséquent, quand on nous signale une infraction criminelle, il est possible que nous puissions aider le plaignant à régler d'autres aspects de son problème également.
M. Art Hanger: On a beaucoup discuté de violence conjugale à la Chambre aujourd'hui et pourtant ce genre de problème ne fait l'objet d'aucune des catégories énumérées dans la liste des genres de plaintes sur lesquelles vous avez fait enquête. Pourquoi?
M. André Marin: Nous n'avons eu qu'un cas de ce genre.
M. Art Hanger: Un seul cas?
M. André Marin: Un seul.
M. Art Hanger: Un seul cas alors que le rapport qui a été rendu public aujourd'hui était extrêmement sévère à l'égard des forces armées. Il les accuse de faire du camouflage. L'avez-vous constaté personnellement?
M. André Marin: Nous n'avons eu qu'un seul cas et nous attribuons ce fait à deux raisons. L'une est une question de sensibilisation à notre mandat. Une des recommandations faites par les auteurs de cette étude est que l'on crée un bureau de l'ombudsman pour aider les victimes de ce genre d'incidents, alors qu'un tel bureau est en place depuis deux ans. Cette question relève de nos attributions. Par conséquent, je crois que c'est une question de sensibilisation.
Si 13 professeurs qui se sont réunis pendant plusieurs années pour faire une étude recommandent notamment de créer un bureau de l'ombudsman pour les conjoints victimes d'agressions,...
M. Art Hanger: Avez-vous par conséquent refusé de vous occuper des cas de violence conjugale parce qu'ils ne relèvent pas de votre mandat?
M. André Marin: Non. Nous n'avons pas reçu de plaintes de cette nature.
M. Art Hanger: Je vois.
Le président: Si j'ai bien compris, une des recommandations des auteurs de ce rapport est de créer un bureau de l'ombudsman. Est-ce exact?
M. André Marin: C'est exact.
Le président: Il y en a déjà un en place. De toute évidence, les personnes qui ont fait l'enquête sur la violence conjugale ainsi que plusieurs membres des forces armées, je suppose—je n'arrive pas à y croire mais on dirait que c'est le cas—ignorent l'existence du bureau de M. Marin ou n'ont pas recours aux bons services qu'il est chargé de leur offrir.
À moins que M. Earle ait une dernière question à poser,
[Français]
monsieur Laurin.
M. René Laurin: Monsieur Marin, une décision a été prise à la Défense nationale, mais je ne sais pas à quel niveau. C'est une décision qui touche nos soldats qui sont déployés à l'étranger, dans un endroit qu'on appelle le théâtre de combat. On leur verse habituellement une prime de danger. Ils reçoivent un salaire un peu plus élevé parce qu'ils sont dans un endroit où il y a des combats.
Le 15 mars dernier, on a décidé que cette prime ne serait pas versée aux soldats qui seront déployés en Bosnie l'automne prochain. Dans des cas comme celui-là, est-ce qu'un militaire mécontent de cette décision peut en appeler auprès du Bureau de l'Ombudsman? Il peut en appeler pour lui-même, mais il ne sera pas seul. Tous ses collègues qui seront déployés en Bosnie seront dans le même cas.
Ma question a deux volets. Est-ce que vous avez l'autorité de traiter une telle plainte et est-ce que cette plainte pourrait faire l'objet d'un recours collectif?
M. André Marin: Si une personne pense qu'elle a été traitée de façon injuste, elle peut avoir recours au bureau. Donc, la personne croit que la politique est injuste, il peut y avoir une plainte et, à ce moment-là, on peut l'étudier. Pour ce qui est du recours collectif, encore là, toute personne a le droit de porter plainte auprès du bureau lorsqu'elle se voit lésée au niveau de la justice dans les Forces canadiennes. Je n'y vois pas d'obstacle.
M. René Laurin: J'espère que vous comprenez bien ma question. Je parle de quelqu'un qui n'est pas content, qui en a contre le changement de la règle parce qu'au fond, le ministère change la règle. Le ministère décide qu'il considère désormais que la Bosnie n'est plus un endroit dangereux et donc il ne paie plus la prime de danger. C'est une décision qui a été prise. Est-ce qu'on peut en appeler d'une telle décision devant vous?
M. André Marin: Dans le sens strict, non, parce que nous n'agissons pas en tant que cour d'appel des décisions de l'exécutif. Cependant, si une personne pense qu'une décision a causé une injustice personnelle ou systémique, elle peut s'adresser au bureau. Nous devons décider s'il s'agit simplement de quelqu'un qui porte en appel une décision exécutive du ministère. Si oui, nous n'interviendrons pas. S'il y a un aspect de la plainte qui touche la justice personnelle ou systémique, à ce moment-là, on est libres d'intervenir.
M. René Laurin: Dans le cas que je vous présente, est-ce que la plainte est de nature à être portée devant vous?
M. André Marin: À prime abord, comme vous invoquez une situation qui me paraît purement administrative, je dirais non. Mais cela dépend toujours de la façon dont la plainte est présentée et des conséquences personnelles.
Le président: Une question, monsieur Earle, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Gordon Earle: J'ai un tout petit commentaire à faire sur le problème de la violence conjugale.
Ceux et celles qui connaissent le problème savent qu'il est très délicat et je ne suis pas étonné que votre bureau n'ait pas reçu de plaintes à ce sujet. En effet, les tribunaux ne sont généralement pas saisis de ce genre de problème.
Il faut que les personnes concernées n'aient aucune crainte à porter plainte; il se pourrait aussi que, comme vous le dites si bien, ce soit une question de sensibilisation. Il serait peut-être bon que vous désigniez un expert parmi les employés de votre bureau. Ce genre d'initiative met généralement les victimes en confiance et les incite à se faire connaître.
Cela s'est fait dans d'autres bureaux d'ombudsman. On y a désigné par exemple un expert en matière de problèmes de l'enfance ou d'autres problèmes de nature particulière. Il y a donc plusieurs possibilités. Le seul fait que vous n'ayez pas reçu de plaintes n'est absolument pas la preuve que le problème n'est pas aussi grave que ne semble l'indiquer le rapport.
M. André Marin: C'est une observation pertinente. Je signale que nous cherchons actuellement à recruter des personnes qui sont spécialisées dans certains domaines, notamment dans celui-là.
Avez-vous d'autres commentaires à faire, monsieur Paciocco?
M. David Paciocco: J'allais faire la même observation. J'estime en effet qu'on ne peut pas interpréter l'absence de plainte pour violence conjugale comme une preuve que le problème ne se pose pas. Dans un cas où la violence est systématique, l'épouse ne va pas demander à l'ombudsman de servir de médiateur entre elle et son mari.
L'avantage d'une enquête globale est qu'on peut essayer de déterminer quels mécanismes et quels services d'assistance sont accessibles pour régler ce genre de problème et c'est précisément pour cette raison qu'un bureau comme le Bureau de l'ombudsman est un excellent intermédiaire en l'occurrence.
Le président: Merci.
Je me réserve le mot de la fin.
Je suis entièrement d'accord sur ce point. Je ne voulais pas insinuer qu'il n'y avait pas de problème du seul fait de l'absence de plainte. Il faut toutefois que les victimes portent plainte. On observe probablement ce genre d'attitude dans toute la société. Le problème est probablement plus grave qu'il ne paraît d'après le nombre de plaintes. Il est nécessaire que les victimes déposent une plainte.
Je crois qu'il est important de ne pas oublier que ce rapport recommande la création d'un bureau qui est déjà en place. Par conséquent, alors que cette recommandation permet de faire des observations très intéressantes, elle nécessite par ailleurs un examen attentif parce que c'est, de toute évidence, une lacune de ce rapport. Ce n'est pas une critique mais une simple constatation.
Monsieur Marin, madame Finlay et monsieur Paciocco, je vous remercie d'être venus faire le point. Nous espérons vous revoir régulièrement.
Au nom de tous mes collègues, je vous remercie pour l'excellent travail que vous avez fait. Nous vous appuyons et je crois que le ministre et le gouvernement vous appuient également.
Nous adopterons bientôt, quand nous aurons eu l'occasion de nous réunir au complet, une motion confirmant que nous appuyons votre Bureau et vos activités.
Merci bien.
M. André Marin: Merci.
Le président: La séance est levée.