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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 avril 2000

• 1529

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): La séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est ouverte.

• 1530

Chers collègues, nous avons deux témoins suivis de la visite d'une délégation de représentants du Parlement de la République de Lettonie. C'est le Saeima, l'équivalent de notre Parlement. Le Président du Parlement et d'autres personnes arriveront aux alentours de quatre heures et suivront une partie de notre réunion. Lorsque nous en aurons terminé avec nos deux témoins, pas plus tard qu'à cinq heures, plus tôt, si c'est possible, je l'espère, nous pourrons discuter avec eux. Ils ont quelques idées dont ils aimeraient nous faire part et ils aimeraient entendre nos opinions sur certaines choses, peut-être l'OTAN, je suppose, et d'autres sujets d'intérêt. Je vous dis cela pour vous donner une petite idée du déroulement de la réunion.

Nous allons commencer immédiatement par entendre les Vétérans contre les armes nucléaires. C'est M. Eldon Comfort qui fera l'exposé et il a un train à prendre. Monsieur, quand il vous faudra partir, n'hésitez pas.

M. Eldon Comfort (membre, Vétérans contre les armes nucléaires—Toronto): Merci, monsieur le président, d'avoir mentionné ce train que je dois prendre car il est important que je ne sois pas en retard.

Je tiens à remercier le comité de m'avoir permis de faire la présentation qui suit au nom des Vétérans contre les armes nucléaires. En tant qu'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, nous nous opposons absolument à ce que le Canada participe au projet des États-Unis d'élaborer un système antimissile balistique. Nous avons combattu pour permettre de créer un monde régi par le droit et non par la force, et nous ne voulons pas d'une incessante course aux armements qui menace les Nations Unies et tous les traités négociés depuis la fin de la guerre.

Le système antimissile balistique proposé par les États-Unis est contraire au Traité ABM, au Traité de non-prolifération et menace même les traités START I et START II. Il compromet ces accords précieux et fragiles conclus par des nations qui étaient résolues à mettre fin à la prolifération des armes nucléaires parce que leur existence fait peser une menace plus qu'elle ne procure une protection.

Les sondages ont toujours démontré que partout dans le monde, les populations sont contre les armes nucléaires, et des ouvrages dénonçant ces armes ont été écrits par des chefs militaires et des dirigeants politiques actuels et passés du monde entier. Les médecins disent tous qu'il n'y a pas de solution médicale à leur utilisation. Ces traités sont tout ce que nous avons pour nous défendre contre la prolifération des armes nucléaires.

Le 19 avril 1999, le gouvernement du Canada, en réponse aux recommandations du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, a réaffirmé en substance que les objectifs premiers du Canada sont de promouvoir et d'appuyer le désir universel de désarmement nucléaire. Il a depuis décidé de reconduire l'accord concernant le NORAD. Nous ne devons pas permettre que cette décision nous oblige à participer à l'élaboration de ce système de défense antimissiles, fils de la Guerre des étoiles. Il est vital pour nous, anciens combattants, que le Canada use de toute son influence pour faire primer le droit international et les traités conclus à ses termes. À défaut, nous aurons combattu en vain.

Étant venu par train, hier soir, j'ai eu le temps de réfléchir à la toile de fond sur laquelle s'imprime cette initiative. J'ai réfléchi à cette initiative dans le contexte américain. Je me suis demandé quel pays les États-Unis craignaient. Quel pays était susceptible de les attaquer? Quel autocrate militaire sain d'esprit—oxymoron s'il en est—voudrait s'attaquer aux États-Unis? Je n'en ai pas trouvé. Le pourriez-vous?

Même s'il existait une menace hypothétique, pourquoi opter pour la solution des missiles antimissiles balistiques? C'est une défense pleine de trous contre une attaque concentrée. Pendant la guerre du Golfe, les missiles Patriot, d'un coût exorbitant, ont démontré leur nullité. Ce système n'est même pas une forme de dissuasion, car il sera perçu par les autres pays comme un parapluie sous lequel pourra être lancée une première frappe d'armes nucléaires.

• 1535

La décision de ressusciter la Guerre des étoiles ne peut être comprise comme une stratégie militaire; c'est plutôt une décision fondée sur un expédient politique ou sur la théologie. C'est un stratagème pour gagner les voix d'un public qui s'est fait laver le cerveau par une propagande alarmiste, le Pentagone, les marchands d'armes et la droite religieuse.

Les Vétérans contre les armes nucléaires estiment que participer à une entreprise aussi mal avisée et coûteuse serait trahir l'intérêt des Canadiens. Les membres de notre organisation se sont battus pour une société civile stable. Nous croyons que les Canadiens sont prêts à financer les opérations dans lesquelles nos forces armées brillent: les opérations de maintien de la paix, de recherche et de sauvetage et les interventions en cas de catastrophe naturelle. Nous pensons que les jeux guerriers devraient être laissés à ceux qui ont une mentalité de meute et qui ont les moyens de se payer les jouets nécessaires. Les Canadiens ne sont pas dans cette catégorie—pas encore.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Comfort.

Nous entendrons maintenant M. Hamel de l'Université de Toronto et ensuite nous passerons à la période des questions et réponses.

Monsieur Hamel.

M. Paul A. Hamel (Science et paix): Je vous remercie de m'avoir invité. Je représente Science et paix bien que je sois professeur à l'Université de Toronto. J'aimerais aussi vous présenter ma partenaire, Tanya Zakrison, qui est également membre de Science et paix.

Comme vous en main le mémoire que je vous ai envoyé hier et qui a été gentiment traduit, je me contenterai simplement de résumer certains des points saillants et j'insisterai sur ce que j'aimerais porter à votre attention.

Notre position de principe—et j'espère que c'est également celle de toutes les personnes présentes dans cette salle, bien que ce ne soit pas celle assurément de l'OTAN—est que les armes nucléaires ne doivent être utilisées en aucune circonstance. Ce sont des armes de destruction massive et leur utilisation ne peut mener qu'à un désastre.

La position du Canada à cet égard semble généralement raisonnable dans la mesure où il appuie des mesures tendant à prévenir la prolifération horizontale et verticale des armes nucléaires bien que son adhésion à l'OTAN et au NORAD soit clairement une contradiction de cette politique.

Avec cette prémisse posée, j'aimerais vous exposer les deux thèmes majeurs de notre mémoire. Premièrement, le système de défense antimissiles représente une menace militaire offensive pour le monde. En conséquence il réduit la sécurité globale du Canada. Deuxièmement, sous sa forme envisagée, ce n'est pas un système viable et en aucune manière il ne représente une sécurité pour le Canada ou les États-Unis, mais plutôt il ne peut représenter qu'un prélude à une nouvelle course aux armements absolument immorale.

J'aimerais dans les quelques minutes qui vont suivre vous en dire un peu plus sur ces deux points.

La position des forces de l'OTAN menées par les États-Unis est de toute évidence une position de première frappe, donc, de recours aux armes nucléaires. Effectivement, comme je l'ai souligné, il est clair que la stratégie des États-Unis en Europe a toujours été de se reposer sur l'utilisation des armes nucléaires. Ils refusent également d'écarter la possibilité d'utiliser des armes nucléaires contre des États non nucléaires.

Comme l'ont montré les années 80, quand les missiles Pershing II étaient déployés en Allemagne de l'Ouest, missiles qui pouvaient atteindre Moscou en six minutes, avec le déploiement simultané des missiles Trident II lancés à partir de sous-marins, il est clair que la position de l'OTAN était offensive. Le monde a de plus compris que le développement du programme dit de la Guerre des étoiles, programme proposé par le président d'alors, le président Ronald Reagan, était une autre composante de cette capacité offensive. Cette initiative a été universellement dénoncée et a également fait la démonstration de sa non-viabilité totale.

Sur la base de ce précédent, comment le système de défense antimissiles actuellement proposé peut-il être considéré comme un système défensif non menaçant? Il est clair qu'il fait partie d'une capacité offensive.

L'attitude de l'OTAN et des États-Unis n'est certainement pas moins agressive qu'elle l'était dans les années 80. En fait, grâce aux progrès technologiques des lanceurs et de leur précision améliorée, la capacité de première frappe des États-Unis et de l'OTAN s'est depuis lors accrue. Comme je le signale dans notre mémoire, les commentateurs américains eux-mêmes disent que les intérêts mondiaux des États-Unis sont ouvertement appuyés par les militaires américains, le «poing invisible» comme l'a qualifié un célèbre commentateur dans le New York Times l'année dernière au plus fort des bombardements de la Yougoslavie.

• 1540

Ainsi, tout système qui permettrait aux États-Unis d'utiliser leurs capacités militaires et tout particulièrement nucléaires sans crainte de représailles doit être considéré comme un élément d'une stratégie militaire offensive. En conséquence, quel que soit le nom qu'on lui donne, le système de défense antimissiles n'est pas du tout une défense mais représente plutôt un système offensif.

Comment croit-on que les autres pays réagiront devant cette position d'offensive particulière? L'histoire de l'humanité est prévisible: La situation se transformera en une nouvelle course aux armements. N'importe quel pays dont les capacités nucléaires seraient en deçà du seuil de protection offert par notre système national de défense antimissiles—je pense ici à la Chine, par exemple—voudrait sans aucun doute s'armer de façon à pouvoir déjouer le système de missiles envisagé. On s'attendrait même à ce qu'un État sans foi ni loi comme la Corée du Nord utilise ses ressources limitées pour atteindre cet objectif, puisque peu importe la façon dont nous percevons la Corée du Nord, celle-ci se sent certainement menacée par l'Occident et particulièrement par les États-Unis. Par conséquent, il ne fait aucun doute qu'elle cherchera à se protéger de son mieux.

De plus, l'escalade des capacités de réaction dans ces pays formerait les fondements de l'expansion du Programme national de défense antimissiles qui est proposé. En effet, c'est d'habitude de cette façon que réagissent les militaires chaque fois que leurs adversaires augmentent leurs niveaux d'armement. Notre organisation prédit donc que le déploiement de ce système prétendument limité servira en fait de coup de pouce pour justifier son propre élargissement.

Nous sommes d'autant plus convaincus de ce dernier argument que le système proposé est essentiellement inutile. En effet, comme l'a décrit justement le général Macdonald aux membres de votre comité, ce système ne peut protéger les États-Unis contre un agresseur déterminé. Comme l'a signalé le général, un adversaire pourrait facilement envoyer suffisamment de missiles pour déjouer ce système, qui est très limité. D'après lui s'il était possible de détecter et de suivre l'arrivée d'une centaine de missiles d'attaque, puis de déterminer lesquels d'entre eux transportent effectivement des ogives nucléaires, puis les détruire, on pourrait alors s'attendre à ce qu'un attaquant mette au point un système lui permettant d'en envoyer plusieurs centaines ou un millier à la fois ou en tout cas un nombre suffisant pour contrecarrer le système. De plus, on pourrait s'attendre à ce que ces pays mettent au point une technologie leur permettant de surmonter un système de défense antimissiles balistiques à ce point limité comme, notamment, des missiles de croisière. Entre vous et moi, cela s'appelle la course aux armements!

Advenant une attaque terroriste contre les États-Unis, on a bien expliqué au comité que le système de défense antimissiles américain était incapable de l'arrêter. Il est très improbable qu'une organisation terroriste ait recours à un système de missiles balistiques pour attaquer les États-Unis; il est plus probable qu'elle ait recours à un système de lancement plus facile à manier, moins coûteux, et plus facilement transportable.

Enfin, prenons le cas d'un lancement accidentel, contre lequel ce système est censé pouvoir nous protéger: il existe une solution très simple à ce problème. Les États possédant des armes nucléaires devraient effectuer une opération des plus simple, comme le leur demande le reste du monde depuis les débuts de l'ère nucléaire: il leur suffirait de séparer les ogives des missiles balistiques, ce qui est très simple à faire. On vous a même dit que la Chine aurait déjà procédé à ce découplage.

En conclusion, vous comprendrez que notre groupe n'est pas convaincu que le système américain de défense antimissiles restera aussi limité qu'on le prétend, et qu'il représente au contraire une composante offensive de taille qui menace beaucoup de pays.

Nous ne recommandons pas au Canada d'agir comme il l'a fait en Yougoslavie; au contraire, nous lui recommandons de faire preuve de leadership, comme il l'a fait en se faisant le champion indépendant du Traité d'abolition des mines antipersonnel, et qu'il ne prenne aucunement part au système de défense antimissiles américain. Nous recommandons au Canada de s'opposer fermement à la mise en place de ce système aux États-Unis. C'est la seule façon d'agir pour un pays qui prétend haut et fort appartenir à l'ensemble des nations en faveur de la paix et de la sécurité pour tous les habitants de la planète.

Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hamel.

Nous passons maintenant aux questions des membres du comité, avec une première ronde de sept minutes. Monsieur Goldring, vous avez la parole.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre exposé. J'ai une ou deux questions à poser.

D'après ce que je comprends du système de défense antimissiles, il est censé principalement permettre de se protéger contre une attaque de la part de pays sans foi ni loi. Monsieur Comfort, vous avez dit dans votre discours que celui qui avait toute sa raison n'oserait jamais lancer une attaque. Je crois, pour ma part, que ce système de défense antimissiles ne vise aucunement ceux qui ont toute leur raison, mais plutôt ceux qui ne l'ont pas! Les dernières guerres—et vous-même avez servi honorablement au cours de la Seconde Guerre mondiale—nous ont appris qu'il fallait être très prudent avant de qualifier les Hitler de ce monde de gens sains d'esprit. À mon avis, le système de défense antimissiles vise précisément ceux qui n'ont pas toute leur raison. Qu'en dites-vous?

• 1545

M. Eldon Comfort: Je crois que celui qui se risquerait à attaquer les États-Unis ne serait certainement pas sain d'esprit.

Pour alléger notre inquiétude, il suffirait de faire un virage à 180 degrés par rapport à la façon dont on tend à mettre en oeuvre le Traité ABM, c'est-à-dire qu'il faudrait opter pour ce que l'on appelle la restriction préalable à l'offensive. C'est à cela qu'il faut consacrer notre argent, nos efforts et nos stratégies, et non plus à prendre part à la course aux armements, qui serait précipitée par le Traité ABM étant donné que celui-ci ajoute une autre menace aux prétendus ennemis.

M. Peter Goldring: Monsieur Hamel, j'ai une autre question pour vous. Étant donné qu'il est très facile aujourd'hui, avec un radar, de détecter des missiles et des avions qui attaquent un pays, qu'allez-vous faire si vous repérez un missile se dirigeant vers vous? Ne serait-il pas tout naturel de monter votre arsenal en vue de pouvoir répondre à une attaque aérienne ou une attaque de missiles?

De plus, comment peut-on considérer ces missiles comme étant des missiles offensifs, alors qu'il est clairement prévu de les utiliser uniquement comme défense? Tout comme c'était le cas des missiles Patriot et Bomarc au début des années 50, ne serait-il pas raisonnable d'avoir dans votre arsenal une arme qui vous permette de vous défendre contre des attaques de pays sans foi ni loi? Pourquoi considérerait-on ces armes de votre arsenal comme étant offensives alors qu'elles visent uniquement à vous défendre?

M. Paul Hamel: Vous avez posé beaucoup de questions, mais je répondrai d'abord à la première.

À vrai dire, je ne sais pas comment les autres pays percevraient le seul pays au monde capable de lancer une agression militaire d'envergure, c'est-à-dire les États-Unis. Les autres pays ne sont certainement pas capables de se défendre contre une attaque de la part des Américains. La Yougoslavie est l'exemple classique: elle a mené une guerre illégale faite par les forces américaines, sans être capable de se défendre.

M. Peter Goldring: Pourquoi se munir d'armes si on n'a pas l'intention de les utiliser?

M. Paul Hamel: Pour pouvoir être en mesure de se défendre.

M. Peter Goldring: Vous avez mentionné qu'il y avait des vecteurs plus faciles à utiliser. De quel type de vecteur autre que les missiles parlez-vous?

M. Paul Hamel: Je parle des missiles de croisière, pour ce qui est des armes très petites. De plus, on pourrait envoyer des têtes explosives nucléaires par navires dans un port. Il y a toutes sortes de façons de transporter ces armes nucléaires portables jusqu'à un certain point.

M. Peter Goldring: Bien sûr, mais aujourd'hui, à cette époque de la fuséonautique commerciale qui est à l'échelle planétaire, et maintenant qu'il est possible d'envoyer des satellites dans l'espace, n'est-il pas logique de se doter d'un système permettant de se défendre contre celui qui se serait muni d'une fusée commerciale à laquelle il aurait ajouté une tête nucléaire?

M. Paul Hamel: Je pense que cette technologie est surtout entre les mains des pays occidentaux. Si vous croyez que ces pays vendront la technologie à ceux que vous considérez comme des États sans foi ni loi, je conviens avec vous que cela présente une menace. Mais je pense que l'on peut être rassurés là-dessus. Croyez-vous que les États-Unis vendraient leurs fusées à l'Iraq, par exemple?

M. Peter Goldring: Il y a des gens qui ne seraient pas d'accord avec vous sur ce point, vu les changements qui sont survenus en Union soviétique et le démantèlement virtuel de son industrie de guerre et l'incertitude quant à ce qui est advenu de sa fuséonautique et de sa technologie. N'est-il pas concevable que n'importe quel pays suffisamment riche puisse avoir accès à ce genre de technologie?

M. Paul Hamel: Il est toujours concevable que tous ces pays se portent acquéreurs de ces technologies. La solution à cela, dans ce cas, est de baisser le ton et d'atténuer les pressions et les difficultés politiques qui sont le lot de la planète. Vous demandez en fait aux gens d'exacerber l'antagonisme militaire entre les États, et ce n'est pas cela la solution.

M. Peter Goldring: Vous recommandez donc que l'on ne reconnaisse que les sains d'esprit.

• 1550

M. Paul Hamel: Je crois que c'est raisonnable. Je ne vois pas pourquoi quiconque ici serait enclin à croire que les dirigeants de la Corée du Nord ne sont pas sains d'esprit. Rien n'indique qu'ils ne soient pas sains d'esprit. Le régime de ce pays n'est peut-être pas l'idéal pour sa population qui connaît beaucoup de difficultés, mais je ne crois pas que les dirigeants soient fous. Personne ici, je crois, n'en a de preuve. Ces dirigeants ont été menacés par les puissances occidentales, les États-Unis surtout, pendant longtemps. Leurs actions sont la réaction exacte des pressions politiques et militaires venues de l'Ouest. Je ne crois pas qu'ils soient déséquilibrés.

M. Eldon Comfort: J'aimerais répondre à l'une de vos questions, à savoir comment une opération défensive comme le projet ABM peut-il être jugé offensif? Je croyais que c'était clair. Si les Américains construisent un système ABM fort ou même moyen, ce sera perçu par les autres comme un moyen de défense, oui, mais une défense contre une attaque par eux. Par le passé, cette destruction réciproque assurée était un élément de dissuasion parce que la Russie et d'autres avaient des forces équivalentes. Ils pouvaient se détruire l'un l'autre. C'était l'élément de dissuasion. Mais s'ils construisent un système ABM censé être une défense contre des missiles ennemis, ce sera perçu comme un parapluie qui leur permettra de lancer en premier une attaque. Les États-Unis n'ont jamais renoncé à lancer une attaque en premier. De fait, c'est le seul pays à avoir jamais lancé une attaque nucléaire.

M. Peter Goldring: Par extension, dans ce cas, est-ce que le système radar...

Le président: Merci beaucoup. Le temps de M. Goldring est écoulé.

Comme je ne vois pas M. Laurin, je vais aller de l'autre côté. C'est M. Proud qui commencera. Monsieur Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue à notre séance d'aujourd'hui, messieurs, et je vous remercie de votre témoignage.

Monsieur Comfort, vous avez dit qu'à propos de ceci certains avaient subi un lavage de cerveau. Pensez-vous que la défense nationale antimissiles servira la population des États-Unis? Pensez-vous que le système apaisera les craintes de la population américaine?

M. Eldon Comfort: Pardon, j'ai du mal à entendre et je n'ai pas entendu toute votre question.

M. George Proud: Vous avez dit qu'à votre avis beaucoup de gens avaient subi un lavage de cerveau par les États-Unis à propos du NMD, le système de défense nationale antimissiles. Si les États-Unis vont de l'avant, pensez-vous que cela va apaiser les craintes des Américains, qu'ils se sentiront protégés contre les États sans foi ni loi et les autres pays qui veulent les attaquer?

M. Eldon Comfort: Je ne crois pas que cela va apaiser leurs craintes de façon permanente.

M. George Proud: Tous les deux, vous avez dit que cela créerait une autre course aux armements et vous n'êtes pas les seuls à l'avoir dit. Comme il s'agit d'un système de défense, pourquoi est-ce qu'il créerait une autre course aux armements? Ce ne sera rien d'autre qu'un système de défense contre des missiles ennemis. Pourquoi est-ce que cela créerait une autre course? La Russie, par exemple, a un système de défense autour de la ville de Moscou. Ça n'a pas créé une autre course aux armements. Cela faisait partie du Traité ABM. Si les États-Unis apportent des modifications au Traité ABM avec la Russie, pensez-vous que cela ne serait pas une bonne chose?

M. Eldon Comfort: C'est le début de la fin du traité. Il se peut bien que les Russes y réfléchissent à deux fois à propos du Traité de réduction des armes stratégiques, et ce serait déplorable.

M. George Proud: Ma question s'adresse à tous les deux. Ne reconnaissez-vous pas qu'il y a des menaces dans le monde, non seulement pour les États-Unis mais aussi pour nous, venant de pays comme la Corée du Nord, l'Iraq et l'Iran?

M. Paul Hamel: Je peux répondre.

Si vous me le permettez, j'aimerais répondre à votre dernière question. Le système de défense qui entoure Moscou faisait partie du Traité ABM et les États-Unis eux aussi ont été autorisés à mettre en place un système précis. C'est très différent du genre de système qu'ils veulent installer cette fois-ci, dont le but est de protéger l'ensemble des États-Unis. Les deux choses ne se comparent donc pas du tout.

• 1555

Si vous prenez le système de défense proposé actuellement et l'examinez dans le vide comme s'il n'y avait rien d'autre, alors vous avez raison: c'est un système entièrement défensif qui n'entraînera rien. Le comité se l'est déjà fait dire et c'est donc une évidence. Mais vous devez comprendre qu'il ne s'agit pas d'un système défensif dénué d'une capacité de première frappe. C'est de toute évidence un élément d'une capacité de première frappe capable de résister à une contre-attaque.

La deuxième question portait sur l'Iraq et l'Iran. Si vous lisez les documents récents concernant l'Iraq, vous constaterez que ce pays est incapable de faire quoi que ce soit à part affamer sa propre population. Il ne présente aucune menace actuellement. De fait, avant l'invasion du Koweit, l'Ouest était très heureux de lui fournir la technologie et les produits chimiques lui permettant de faire la guerre aux Kurdes et à l'Iran. Je ne pense donc pas que nous soyons vraiment inquiétés par l'Iraq, outre le fait que ce pays est tantôt notre allié, tantôt pas.

Si le monde traitait l'Iran et la Corée du Nord moins agressivement, je pense qu'ils ne réagiraient sans doute pas de façon militaire à ce qui est de toute évidence une énorme puissance militaire.

M. George Proud: Je pense qu'il y a entre nous une divergence d'opinions.

Vous avez dit certaines choses à propos de l'OTAN. Vous avez parlé de la guerre illégale du Kosovo. Je pense que c'est l'expression que vous avez employée. Moi, je pense que s'il n'y avait pas eu d'OTAN, il aurait fallu l'inventer, non seulement pour le Kosovo mais pour tous les autres pays comme la Bosnie et l'Herzégovine et d'autres endroits de ce genre. L'OTAN a fait un travail que personne d'autre ne pouvait faire à l'époque et a sauvé quantité de vies même si cela a créé beaucoup de remous. L'OTAN a sauvé beaucoup plus de vies qu'elle n'en a fait perdre.

M. Paul Hamel: Vous estimez donc que l'action du Canada devrait se situer ailleurs que sous les auspices de la communauté internationale, régie par les Nations Unies, et que c'est l'OTAN qui devrait décider ce qui est précieux et ce qui ne l'est pas?

M. George Proud: Je pense que l'ONU a sa place, mais l'ONU n'aurait jamais agi à temps dans un endroit comme celui-là. Nous aurions eu un autre Rwanda sur les bras si nous nous en étions remis à l'ONU. C'est mon avis à moi, et pas forcément celui du comité.

M. Paul Hamel: Vous pensez donc...

Le président: Excusez-moi de vous interrompre. C'est très intéressant mais cela n'a rien à voir ave le NMD. Revenons à nos moutons. Vous avez tous les deux exprimé votre point de vue. Je peux vous assurer que vous n'allez pas convaincre M. Proud. Revenons donc au NMD.

Y a-t-il autre chose, George?

M. George Proud: Non.

Le président: D'accord. Monsieur Pratt, sur le système de défense antimissiles (NMD) si vous voulez bien.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais demander aux témoins d'aujourd'hui s'ils estiment ou non qu'à leur avis un État, les États-Unis en l'espèce, a le droit ou même l'obligation de se protéger dans un cas où il existe une menace directe contre ses intérêts. J'imagine que l'un des droits les plus importants des États est de se protéger contre un agresseur, contre une menace qui vise sa population. Qu'avez-vous à dire à cela?

M. Eldon Comfort: Tout à fait, nous avons le droit de nous défendre. Là n'est pas la question. La question est de savoir comment cela se fait. Cela ne se fera pas en augmentant le risque, la menace pour d'autres pays, et en accélérant la course aux armements. Cela se fera grâce à la diplomatie et la justice.

J'appelle cela la restriction préalable à l'offensive. C'est l'expression. C'est le meilleur moyen de défense, de ne pas accélérer la course aux armements et d'augmenter la menace, d'augmenter les risques d'un lancement accidentel de missiles, etc. Bien sûr, je suis pour la défense; j'en faisais partie. Mais pour ce qui est de la manière dont on se défend, je pense qu'il faut faire un virage à 180 degrés et passer de l'escalade à la désescalade.

Le président: Merci, monsieur Pratt. C'était la fin du temps de M. Proud, et je vais donc vous remettre sur la liste.

Nous passons maintenant à l'autre côté. Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci. Ma question s'adresse à M. Hamel.

• 1600

Monsieur Hamel, vous avez dit qu'à cause des limites évidentes du NMD, il faut que ce soit la première phase d'un projet beaucoup plus vaste. Voici ma question. Si le système comporte tellement d'imperfections, est si limité, pourquoi les puissances étrangères s'en inquiéteraient-elles et pourquoi se lanceraient-elles dans une course aux armements inéluctable?

M. Paul Hamel: Je pense que des puissances étrangères voient avec autant de cynisme l'objet du système. L'association Science et paix croit, comme moi, que c'est un système qui contribuera à justifier la prolifération accrue du système ou un système plus robuste, semblable à celui qui avait été envisagé dans la Guerre des étoiles. Quel que soit le niveau de sa protection, chaque fois qu'un État se sent menacé par ce niveau de protection, il s'arme et se doter de la technologie permettant de la contrecarrer. Quelle que soit la définition retenue, il s'agit pour moi là d'une course aux armements.

Mme Elsie Wayne: Je sais que les États-Unis ont contacté la Grande-Bretagne. Je pense qu'à Londres, vous constaterez qu'il y a une station radar aujourd'hui, mais pour qu'elle puisse détecter des missiles, il faudrait faire beaucoup de travail dans cette station. Je pense que Londres est en train d'examiner la chose.

J'étais à Bruxelles il y a quelques semaines et nous avons déjeuné avec un de nos officiers de la marine. L'amiral a dit qu'il faudrait entre cinq et dix ans avant que les États-Unis puissent avoir un système de défense antimissiles. Il a dit qu'ils avaient déjà essayé de le faire, et l'amiral King y avait été mêlé, puisqu'il avait observé et surveillé l'opération. Il n'était pas contre l'idée que nous ayons un système de radars qui puisse détecter cela. C'est la position que nous devrions adopter à son avis si cela devait se produire.

J'ajouterai encore une chose, monsieur le président. Nous sommes aussi allés à Saint-Pétersbourg, en Russie, pour une réunion à laquelle 54 pays étaient représentés. Lorsqu'une résolution sur le désarmement nucléaire a été présentée, six pays ont voté contre, ce qui est plutôt effrayant. La Corée du Nord s'est prononcée contre, ainsi que la Russie.

Une voix: Et les États-Unis.

Mme Elsie Wayne: Oui, monsieur, les États-Unis ont aussi voté contre. Vous avez tout à fait raison. Ils ont voté contre.

Six pays se sont prononcés contre le désarmement nucléaire, ce qui m'a amenée à me demander pourquoi. Si tous ces pays s'entendaient à ce sujet, nous n'aurions pas cette discussion-ci aujourd'hui. On constate que certains pays se dirigent sur la voie opposée.

M. Paul Hamel: Monsieur le président, il est clair que, quel que soit l'antagonisme qui existe entre les divers États de la planète, les puissances nucléaires militaires ont toujours été unies contre toute tentative du reste du monde en vue de mettre fin à la crainte d'une guerre nucléaire. À l'apogée de la Guerre froide, les États-Unis et la Russie, ou plutôt l'ancienne Union soviétique, étaient les plus grands amis du monde quand venait le moment de s'assurer que leurs arsenaux nucléaires resteraient intacts. Aujourd'hui, ces deux pays sont considérés comme des criminels par les tribunaux internationaux puisque les armes nucléaires sont l'un de leurs moyens de dissuasion militaires.

Parce que nous faisons partie de l'OTAN, nous appuyons une politique de première frappe et pouvons difficilement pointer les autres du doigt. Nous avons la responsabilité morale de reconnaître nos capacités. Nous sommes aussi en mesure de refuser de participer à ce genre d'opération.

Les États-Unis ne m'intéressent pas car je n'exerce aucune influence sur eux. Cependant, je peux demander au gouvernement et au peuple canadiens de refuser de participer à quelque initiative que ce soit qui vise à annihiler la planète, et je veux parler des armes nucléaires. Ce n'est pas notre position actuelle.

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Wayne.

[Français]

Monsieur Laurin, avez-vous des questions?

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le président, je n'ai qu'une seule question compte tenu du fait que j'ai manqué une bonne partie de l'exposé. J'aimerais entendre les commentaires de nos deux témoins.

Est-ce que M. Hamel comprend le français ou si je dois attendre qu'il ait branché son écouteur?

[Traduction]

Monsieur Hamel, parlez-vous français?

M. Paul Hamel: Pas assez bien pour vous répondre. Je suis désolé.

M. René Laurin: Ça va. J'attendrai que vous mettiez votre écouteur.

M. Paul Hamel: Allez-y.

• 1605

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, j'aimerais entendre le point de vue de nos deux témoins sur la position suivante. Compte tenu que...

[Traduction]

M. Paul Hamel: J'entends encore le français.

Le président: Il y a un bouton devant vous, monsieur. Il vous suffit de le tourner pour trouver le canal anglais.

M. Paul Hamel: D'accord.

[Français]

M. René Laurin: Est-ce que vous êtes maintenant au bon poste?

[Traduction]

M. Paul Hamel: Oui, merci.

[Français]

M. René Laurin: On sait que la Russie et certains pays ne partagent pas nécessairement l'évaluation de la menace qu'ont faite les États-Unis, et que les États-Unis voudraient négocier avec la Russie les modifications qu'on devrait apporter au traité de 1972. Dans l'hypothèse où ces deux pays seraient d'accord pour apporter des amendements au traité signé en 1972, est-ce que le Canada devrait s'opposer à une telle entente qui aurait été conclue de gré à gré entre la Russie et les États-Unis en vue de la mise en oeuvre d'un tel système? Si ces deux pays étaient d'accord, est-ce qu'on devrait soulever des objections? Est-ce que la menace serait aussi évidente que si les États-Unis décidaient de l'installer unilatéralement? Est-ce que vous comprenez bien ma question?

[Traduction]

M. Paul Hamel: Oui.

Si la Russie et les États-Unis pouvaient garantir au reste du monde que leur arsenal nucléaire n'aurait aucune incidence sur le reste de la planète, je serais heureux qu'ils négocient ce qu'ils souhaitent. Toutefois, ce n'est pas possible avec les armes nucléaires. Leur arsenal nucléaire menace tout le monde sur la planète et, par conséquent, tous les habitants de cette planète ont leur mot à dire. Je m'oppose et Science et paix s'oppose à tout système et à tout accord qui ne mènent pas à l'abolition des armes nucléaires.

Si les modifications au Traité sur les systèmes antimissiles ou aux accords SALT et START ne vont pas en ce sens ou si on ne ratifie pas ces accords, je m'y opposerai et Science et paix s'y opposera.

Est-ce que cela répond à votre question?

[Français]

M. René Laurin: Est-ce que M. Comfort voudrait ajouter quelque chose?

[Traduction]

M. Eldon Comfort: Non, je m'en remets à mon éminent collègue. Il connaît mieux les aspects techniques que moi.

Le président: Merci, monsieur Laurin.

S'il y a d'autres questions, nous commencerons une deuxième série pendant laquelle chaque député aura cinq minutes. Monsieur Goldring, vous avez la parole.

M. Peter Goldring: Monsieur Hamel, avez-vous une idée du nombre de pays qui ont mis au point des armes nucléaires et des pays qui auraient la technologie pour le faire?

M. Paul Hamel: Pour ce qui est des pays qui ont probablement des armes nucléaires, ils sont bien connus. Ce sont Israël, le Pakistan, l'Inde, les États-Unis, l'Angleterre, la France, la Russie et, on présume, l'Ukraine, par association, la Chine et l'Afrique du Sud, bien que l'on puisse présumer que l'Afrique du Sud se soit désarmée.

M. Peter Goldring: Ces pays sont assez nombreux. Pourrait-on dire que ce nombre doublerait ou triplerait si on comptait les pays qui ont la technologie, qui pourraient se doter d'armes nucléaires mais qui ne le font pas?

M. Paul Hamel: Les connaissances et la technologie existent. Elles ne peuvent rester inconnues, on ne peut non plus les désapprendre. Ça signifie que tout pays a le potentiel de se doter d'armes nucléaires s'il décide de gaspiller ses ressources pour ce faire.

M. Peter Goldring: En outre, notre expérience dans la guerre du Golfe nous a montré que les armes chimiques et biologiques et l'anthrax constituent des menaces. C'est une autre inquiétude qu'on pourrait probablement atténuer avec ce système, surtout en cette ère de robotique. Nous ne nous préoccupons pas strictement de missiles. La menace pourrait aussi prendre la forme d'un MiG-23 muni d'un robot pouvant larguer une arme nucléaire. Est-ce que cela n'est pas aussi préoccupant, l'existence possible d'un aéronef à grande vitesse que seul un système de missile antimissiles pourrait arrêter?

M. Paul Hamel: Dans le contexte des armes biologiques, par exemple, les systèmes sont bien simples. Les États-Unis ont amplement démontré qu'on peut lancer une attaque biologique avec une seule bombe larguée sur une usine d'épuration des eaux. C'est une forme de guerre biologique.

Je suis d'accord avec vous. Il y a bien des façons simples de faire cela. Comment empêcher quelqu'un d'empoisonner toute une population de façon très simple? J'ignore comment on peut se défendre contre ce genre d'attaque, mais ce n'est certainement pas avec ce genre de système de défense.

• 1610

M. Peter Goldring: Cela revient à ce que je disais plus tôt. Si vous avez un système radar capable de détecter, de très loin, des missiles et des aéronefs à grande vitesse qui se dirigent sur vous, qu'est-ce qui suivra? Est-ce que ce ne sera pas une arme quelconque qui interceptera ce missile ou cet aéronef? Ne serait-ce pas la façon naturelle de se défendre? Sinon, que feriez-vous?

M. Paul Hamel: Je dirais d'abord que quiconque voudrait faire cela ne recourrait pas à un tel système. Il demanderait tout simplement à quelqu'un de verser du poison dans un réservoir d'eau. Le genre de capacité dont vous parlez ne nécessite pas une solution de haute technologie si élaborée. Ce genre d'armes est à la portée de tous, sauf les armes nucléaires qui sont beaucoup plus puissantes. Mais pour tout le reste, des armes très simples font l'affaire.

Le système de défense dont nous parlons n'empêchera personne d'un pays étranger de répandre de l'anthrax ici.

Cuba est un bon exemple d'un pays qui fait la guerre biologique. Des documents l'ont prouvé, et c'est une technique très simple. Il vous suffit d'avoir un avion que vous faites voler au-dessus d'un pays. Cela ne nécessite pas de missiles très avancés. La même chose pourrait se produire au Canada, aux États-Unis ou n'importe où ailleurs.

M. Peter Goldring: Jusqu'où ce système antimissiles pourra-t-il abattre les avions intrus?

M. Paul Hamel: Excusez-moi, je n'ai pas compris votre question.

M. Peter Goldring: Jusqu'où au-delà des frontières des États-Unis ce système antimissiles pourra-t-il abattre des missiles ou des aéronefs?

M. Paul Hamel: Comme mon collègue l'a fait remarquer, selon l'orientation du missile, il est fort probable qu'il explose au-dessus du Canada ou de l'océan Atlantique ou Pacifique, mais certainement pas au-dessus des États-Unis. J'ignore où précisément on pourrait l'intercepter. Je ne connais pas ces détails techniques.

Dans le cadre de l'initiative de défense stratégique, on envisageait trois endroits d'où lancer une contre-attaque: très près du lieu de lancement, quelque part à mi-chemin ou à un endroit relativement près des États-Unis mais pas au-dessus des États-Unis.

M. Peter Goldring: Enfin, comment un État peut-il se défendre contre une attaque de missiles? Comment peut-il se défendre s'il n'a pas de missiles à envoyer en représailles ou pour contrer les missiles adverses?

M. Paul Hamel: Il ne le peut pas et par conséquent, nous devrions nous débarrasser des armes nucléaires et nous devrions nous efforcer d'instaurer la justice sociale et humaine pour tous les êtres humains sur la planète. C'est le seul moyen d'empêcher tout ce dont nous parlons aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Goldring.

Monsieur Pratt, la parole est maintenant à vous, si vous avez des questions.

M. David Pratt: Pour faire suite à ce que l'on vient de dire, ce serait magnifique si cela arrivait. Je pense que personne autour de la table n'aurait d'objection à ce que cela arrive.

Il n'en demeure pas moins, et nous en avons été témoins à maintes et maintes reprises tout au long de l'histoire du XXe siècle... L'histoire du XXIe siècle n'est pas encore écrite, mais l'histoire du XXe siècle est remplie de gens méchants qui rivalisaient de méchanceté. Dans ces conditions, monsieur Hamel, ne diriez-vous pas que les gens ont l'obligation, le droit de se protéger? N'est-ce pas exactement ce que les États-Unis tentent de faire?

Il est évident qu'en tant que superpuissance mondiale, ils sont devenus la cible des terroristes; ils sont devenus la cible d'une foule de groupes différents du monde entier qui tentent de leur faire du tort pour une raison ou une autre. Et de dire que le gouvernement des États-Unis ne peut pas prendre les mesures qu'il juge appropriées pour protéger le peuple américain, je trouve que c'est une position déraisonnable.

Je voudrais que vous nous disiez comment cela donnerait lieu à votre avis à une course aux armements. À l'heure actuelle, indéniablement, les États-Unis sont une superpuissance mondiale. Personne ne s'approche même des États-Unis en termes d'armes, d'arsenal, de technologie. Vous pouvez revenir à votre argument de tout à l'heure, mais pourquoi une personne le moindrement sensée tenterait-elle de contester la supériorité des États-Unis en armes conventionnelles ou nucléaires? Pourquoi cela arriverait-il?

M. Paul Hamel: Je conviens qu'aucune personne sensée ne le ferait. Mais je ne crois pas que les dirigeants du monde soient sensés à ce sujet.

Vous demandez pourquoi les États-Unis pourraient être la cible, pourquoi tout le monde semble en avoir contre les États-Unis, et je vous renvoie à mon article publié dans le New York Times qui exposait tout cela très clairement. Les États-Unis ont des intérêts énormes dans le monde entier et ils font savoir clairement qu'ils ont la capacité de défendre leurs intérêts dans le monde avec leurs forces armées. Ils l'ont fait à maintes et maintes reprises.

• 1615

Je ne sais pas si vous êtes déjà allé dans des endroits comme le Chiapas, au Mexique; ou encore en Colombie, au Salvador, au Nicaragua, au Guatemala—n'importe où en Amérique centrale ou en Amérique latine. Si vous y allez, vous constaterez que les gens de ces pays-là n'aiment pas beaucoup la politique des États-Unis. Tous ces pays ont été visés par les intérêts mondiaux des États-Unis, dans des cadres et des régimes très divers.

On peut s'attendre à ce qu'une partie de la population de ces pays soit en colère, et l'on peut croire que les 200 000 Guatémaltèques qui ont été massacrés durant les années 60, 70 et 80 par des officiers formés aux États-Unis et dotés d'une technologie militaire et d'une logistique fournies par les États-Unis, auraient aimé avoir leur mot à dire dans tout cela.

M. David Pratt: Monsieur le président, je ne sais pas trop où l'on veut en venir, mais il me semble que la dernière fois que j'ai vérifié, le Guatemala n'avait pas d'armes nucléaires ni de missiles balistiques.

M. Paul Hamel: Mais ils sont capables de lancer des attaques terroristes et c'est vous qui avez soulevé la question. S'ils veulent lancer une attaque terroriste, ils ne s'y prendront pas avec des armes nucléaires. Ils n'ont pas besoin d'armes nucléaires pour cela.

M. David Pratt: Les États-Unis ont-ils le droit de se protéger contre une attaque terroriste?

M. Paul Hamel: Oui, mais ce n'est pas avec ce système qu'ils vont se protéger.

M. David Pratt: Non, mais vous admettez donc que les États-Unis ont le droit de se protéger contre des attaques aux missiles par des États terroristes sans foi ni loi.

M. Paul Hamel: Je regrette, je ne sais pas ce que vous voulez dire par «État sans foi ni loi».

M. David Pratt: C'est dans la logique de votre argumentation. Si les États-Unis ont le droit de se protéger contre une attaque terroriste, alors si cette attaque terroriste prend la forme d'un missile de croisière lancé à partir d'un navire de tramping, ou encore d'armes biologiques déversées dans une source d'approvisionnement en eau, les États-Unis ont tout autant le droit de se protéger contre une attaque à l'aide de missiles balistiques lancés par un État sans foi ni loi. N'est-ce pas?

M. Paul Hamel: Je suppose que oui. Vous dites donc que ce système de défense nationale antimissiles, la version limitée...

M. Eldon Comfort: Mon train part dans moins de 30 minutes. Je voudrais prendre congé, et je vous laisse entre les mains expertes de mon collègue.

Le président: Merci, monsieur Comfort, pour votre témoignage d'aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré de votre temps. Merci.

Où en étions-nous? Je crois que M. Hamel avait répondu par l'affirmative à une question de M. Pratt qui lui demandait si les États-Unis ont le droit de se défendre contre une attaque au missile. Je l'ai entendu dire oui.

Monsieur Pratt, vous avez encore le temps de poser une très brève question.

M. David Pratt: C'est tout pour l'instant.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Laurin, avez-vous d'autres questions?

M. René Laurin: C'est peut-être davantage un commentaire qui en engendrera d'autres.

Monsieur Hamel, je conviens que les États-Unis ont le droit de se protéger contre d'éventuelles attaques, bien que je craigne que le jour où les États-Unis se sentiraient invulnérables aux attaques de l'étranger, rien ne les empêcherait de devenir les attaquants. Ils auraient la certitude qu'ils ne peuvent pas être attaqués parce qu'ils bénéficieraient d'un bouclier qui les protégerait de façon indéfectible. C'est peut-être à ce moment-là que les États-Unis deviendraient un danger pour les pays étrangers et qu'ils pourraient les attaquer afin d'imposer leurs lois commerciales, leur philosophie ou autres politiques. Est-ce que c'est ce que vous sous-entendez lorsque vous dites que cela pourrait mener à la prolifération des armes ou à une politique de désengagement? Est-ce bien ce à quoi vous faites allusion?

[Traduction]

M. Paul Hamel: Oui, je suis d'accord avec votre position. J'ajouterais qu'il y a actuellement bien des gens dans le monde qui pensent que les États-Unis sont l'agresseur. Comme je l'ai dit, et comme on le dit dans cet éditorial du New York Times, bien des gens estiment en effet qu'ils doivent afficher une attitude très positive ou même agressive sur la scène mondiale. Je suis donc d'accord.

[Français]

M. René Laurin: Je vais pousser ce raisonnement plus loin. Si jamais les États-Unis en arrivaient à cette situation d'isolationnisme ou de protection si étanche qu'ils ne puissent plus craindre quoi que ce soit de l'étranger, est-ce qu'à ce moment-là leurs pires ennemis ne seraient pas certains groupes d'oppression, certains groupes philosophiques ou certaines sectes qui ne partageraient pas les opinions du gouvernement et qui résideraient à l'intérieur même des États-Unis? Est-ce que le danger ne serait pas interne? Est-ce que la situation pourrait faire en sorte que ces groupes pourraient arriver plus rapidement à poser des gestes regrettables?

• 1620

[Traduction]

M. Paul Hamel: Regrettables dans quel contexte?

[Français]

M. René Laurin: Il pourrait s'agir de certains penseurs ou de certaines sectes qui résident aux États-Unis et qui ne seraient pas d'accord sur la position des États-Unis. Est-ce que ces gens-là pourraient vouloir protester contre le gouvernement et s'attaquer à ses systèmes de défense pour faire en sorte que les États-Unis soient moins invulnérables? Est-ce que l'ennemi ne serait pas à ce moment-là à l'intérieur même de la nation?

[Traduction]

M. Paul Hamel: Il y en a déjà eu des exemples tout au long de l'histoire. Pendant la guerre du Vietnam, il y avait des gens qui tentaient par exemple d'empêcher les États-Unis d'envoyer des fournitures militaires au Vietnam.

J'étais à Washington au milieu et à la fin des années 80 et il a été révélé que l'on avait élaboré des plans d'intervention d'urgence; le mouvement de protestation aux États-Unis qui visait à empêcher les États-Unis d'aller plus loin dans leur agression contre le Nicaragua devait être réprimé très énergiquement.

Alors, bien sûr qu'il y a beaucoup de gens aux États-Unis qui ne sont pas d'accord avec la politique de leur pays. Certains sont plus radicaux que d'autres. Il y a donc cette menace interne aux États-Unis.

J'espère que cela répond à ce que...

[Français]

M. René Laurin: Oui, merci. Je poserai une dernière question, monsieur le président. Dans l'hypothèse où une situation de désordre très prononcé se produise aux États-Unis, quelle serait la meilleure façon pour le Canada de se protéger lui-même, cette fois-ci contre un désordre qui pourrait éventuellement traverser la frontière et déborder au Canada? Comment le Canada pourrait-il prévenir cette situation? La meilleure défense consisterait-elle à devenir un allié des États-Unis, ou plutôt à devenir un pays neutre face aux réactions des États-Unis et à solliciter éventuellement la protection d'autres puissances dans le monde?

[Traduction]

M. Paul Hamel: C'est une vaste question. Cela dépendrait du genre de conflit interne qui aurait lieu aux États-Unis et auquel le Canada devrait réagir. Par exemple, dans le cas de la guerre du Vietnam, le Canada a été quelque peu mêlé à cela. Les conscrits réfractaires venaient au Canada et il y a des gens qui s'occupaient d'assurer leur protection ici. Ce n'est qu'un petit exemple.

Je pense que la politique que je choisirais serait celle de la plus grande indépendance politique et militaire à l'égard des États-Unis. Je ne pense pas, par exemple, que demander l'aide d'une autre puissance nucléaire rendrait notre pays le moindrement plus sûr.

Je pense aussi qu'il est difficile de croire que les États-Unis ne sont pas une menace économique mettant en péril l'indépendance de notre pays. Compte tenu de notre intégration poussée avec les États-Unis, notre réaction dépendrait énormément des circonstances.

Ce n'est pas vraiment une réponse, car la question est si vaste qu'il n'est pas évident qu'il y ait une réponse précise.

[Français]

M. René Laurin: Croyez-vous que les États-Unis accepteraient ou toléreraient que le Canada adopte une attitude de neutralité?

[Traduction]

M. Paul Hamel: Je ne sais pas si c'est acceptable. À mon avis, c'est ce que nous devrions faire. Toutefois, si ce n'était pas acceptable, s'ils ripostaient ou exerçaient des pressions pour nous faire changer de position, ce serait malheureux. Néanmoins, j'estime que le Canada doit, dans toute la mesure du possible, choisir une voie indépendante, quelles que soient les pressions que les États-Unis décident d'exercer sur le Canada.

Si vous voulez parler de ce système de défense antimissiles, pour savoir si cela représente...?

Puis-je terminer, monsieur le président?

Le président: Oui, certainement.

M. Paul Hamel: Si vous parlez du risque que les États-Unis trouvent moyen de nous imposer des sanctions économiques parce que nous n'avons pas participé à ce système, je pense personnellement que nous devons résister, quelles que soient les conséquences, nous ne devons pas participer. C'est également la position de l'organisme Science et paix.

• 1625

[Français]

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Je vais maintenant moi-même poser trois ou quatre questions, monsieur Hamel, car je ne vois pas d'autres intervenants, mais je donnerai la possibilité aux membres du comité de poser d'autres questions.

Tout d'abord, le sujet que je souhaite aborder relève vraiment de notre autre témoin, M. Comfort, mais je vais vous demander si vous partagez son avis qu'il s'agit du «fils de la Guerre des étoiles». N'est-ce pas inexact compte tenu du fait que la Guerre des étoiles, telle que proposée par le Président Reagan ou ses conseillers, était un système spatial qui offrait très facilement des possibilités offensives ou défensives alors que le système antimissiles proposé est un système terrestre? N'est-ce pas une fausse appellation que de le qualifier de «fils de la Guerre des étoiles»? Nous sommes engagés ici dans un débat important sur un sujet sérieux et je ne pense pas qu'en donnant une fausse idée de ce dont il s'agit, cela fasse progresser le débat, qu'on soit en faveur, contre ou indécis. Ne pensez-vous pas que cette façon de décrire la chose est inexacte?

M. Paul Hamel: Je conviens que de parler du «fils de la Guerre des étoiles» n'est probablement pas exact. Mon laboratoire oeuvre dans le domaine de la biologie mentale. Je dirais probablement qu'il s'agit d'un «embryon de Guerre des étoiles». On en est aux toutes premières étapes du développement. Comme je l'ai dit précédemment, nous pensons qu'il s'agit simplement du précurseur d'un précurseur beaucoup plus important. Le «fils de la Guerre des étoiles» reste à venir.

Le président: Je dirais que c'est pour un avenir très éloigné. Nous nous retrouverons peut-être avec une situation du genre Guerre des étoiles, mais je rejette tout à fait l'idée qu'un système antimissiles basé dans l'espace ou un système laser basé dans l'espace, d'après ce que j'en sais, puisse correspondre à ce système. C'est aller un peu loin. Nous allons en rester là. J'aimerais passer à une autre question dont je vous ai entendu parler.

Je me contenterai vraiment d'un oui ou d'un non, si vous le voulez bien, d'une réponse très brève. Pensez-vous que sa participation à NORAD ait bien servi le Canada et pensez-vous que nous devions continuer à y participer?

M. Paul Hamel: Non et non.

Le président: Merci. Cela m'amène à ma question suivante.

Tout d'abord, les sondages révèlent qu'au moins 75 p. 100 des Canadiens ne partagent pas votre avis. Pour ma part, à titre personnel et comme député, je ne partage pas votre avis. Je ne sais pas si nous devons ou non participer à ce système de défense avec les États-Unis, mais j'estime fortement que NORAD a bien servi le pays et j'espère que le Canada continuera à en faire partie. Et le ministre de la Défense et le ministre des Affaires étrangères ont comparu devant ce comité récemment et ont proposé d'élargir la sphère d'activité de NORAD. D'après mes renseignements, cette proposition a l'appui d'une majorité prépondérante au Canada. Cela dit, nous allons nous entendre pour ne pas nous entendre.

J'ai posé ces questions à d'autres témoins, donc j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Que préféreriez-vous, si nous avions le choix: un système national antimissiles contrôlé unilatéralement par les États-Unis ou un système semblable sous le contrôle de NORAD avec au moins une certaine participation canadienne?

M. Paul Hamel: Nous estimons que nous ne devons pas du tout participer à ce système de défense.

Le président: Je comprends, mais si vous aviez le choix, lequel...

M. Paul Hamel: Si cela faisait partie de NORAD, nous ne devrions pas faire partie de NORAD.

Le président: Vous ne voulez donc pas répondre à la question.

M. Paul Hamel: En effet.

Le président: Très bien. Vous préférez ne pas répondre à la question, ça vous regarde. Je peux certainement vous dire que d'autres témoins, même ceux qui n'aiment pas l'idée, ont dit que s'ils avaient le choix, ils préféreraient un système sous le contrôle de NORAD plutôt qu'un système contrôlé unilatéralement par les Américains.

M. Paul Hamel: Le témoin qui vient de partir s'y oppose et Pugwash s'y oppose.

Le président: Je pensais que vous voudriez répondre à la question, mais ça ne fait rien. Je comprends le point de vue de M. Comfort; je cherchais à connaître le vôtre. Vous ne voulez pas répondre, c'est parfait. Je vous faisais part des commentaires d'autres témoins.

Nous avons également posé cette question à des personnes qui ont comparu devant le comité, notamment le général Macdonald, le commandant adjoint canadien de NORAD, qui fait valoir que l'on peut prétendre à juste titre qu'un monde où il y a un système national antimissiles est beaucoup plus sûr qu'un monde sans NMD. La logique est la suivante, et c'est lié à quelque chose qu'a soulevé précédemment M. Goldring: à l'heure actuelle, la position des Américains consiste à dire, si nous sommes attaqués, nous avons essentiellement deux choix—ne rien faire ou lancer une contre-attaque d'envergure. Le général Macdonald et d'autres font valoir qu'un système comme le NMD permet une riposte de moindre envergure qu'une attaque nucléaire généralisée, ce qui offre une autre option qui a pour conséquence en fait de créer un monde plus sûr et non moins sûr. Partagez-vous cet avis ou non?

• 1630

M. Paul Hamel: L'exemple des négociations tenues après qu'un pays ait manifesté sa puissance me porte à croire qu'il n'y aura aucune négociation sur un pied d'égalité par la suite. Cela ne me rassure pas du tout.

Vous vient-il à l'esprit un exemple d'une puissance dominante qui a tout, parfaitement et complètement en main, qui négocie sur un pied d'égalité? La fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin de la Première Guerre mondiale...

Le président: Ce n'est pas ma question, excusez-moi. Je ne me suis peut-être pas bien expliqué.

À l'heure actuelle, les Américains n'ont d'autre riposte que l'attaque nucléaire. N'est-ce pas? S'ils veulent prendre l'offensive...

M. Paul Hamel: Riposte à quoi? Excusez-moi.

Le président: Une riposte à une attaque de missiles envoyés par un autre pays...

M. Paul Hamel: De qui? De quelle nation particulière?

Le président: N'est-ce pas le plus... C'est moi qui pose les questions, excusez-moi, monsieur.

M. Paul Hamel: Je veux simplement des précisions.

Le président: Laissez-moi essayer de poser ma question sans m'interrompre.

Si les États-Unis faisaient l'objet d'une attaque par une autre nation—ça n'a pas d'importance laquelle, choisissez-en une—une attaque au missile, les spécialistes nous disent que la riposte la plus probable, ou la seule possible, consisterait à ne rien faire ou à lancer une autre attaque au missile. Je vous faisais remarquer que des gens sérieux, comme le général Macdonald, ont fait valoir que le système NMD leur offre une option de riposte de moins grande envergure, ce qui crée en fait un monde plus sûr parce que nous disposons maintenant dans notre arsenal d'autres options de riposte qu'une attaque nucléaire d'envergure. Je vous demande simplement si vous acceptez cet argument.

M. Paul Hamel: Je ne pense pas que ce soit du tout la même chose.

Le président: Vous n'êtes pas d'accord. Merci beaucoup.

Très bien. Y a-t-il d'autres questions?

Je tiens à vous remercier beaucoup, monsieur Hamel, de votre présence ici et de nous avoir fait part de votre point de vue. Manifestement, vous êtes en désaccord avec certains, mais c'est la nature du débat et la tâche du comité consiste à présenter ce sujet important pour discussion. Le Comité des affaires étrangères a tenu une séance en réaction aux nôtres. Je pense que c'est très utile.

Ce que je sais et crois comme président de ce comité et comme Canadien, c'est qu'il faut discuter de cette question. Nous ne pouvons pas élaborer une position tout en prétendant qu'il n'y a aucune urgence à examiner cette question pour le Canada. À un moment donné, le comité présentera une recommandation au ministre de la Défense.

Je vous remercie de votre présence ici et je vous remercie de nous avoir fait part de votre point de vue aujourd'hui. Merci beaucoup.

Nous aimerions maintenant accueillir une délégation de la République de Lettonie. Je vous prie d'excuser ma prononciation.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Lettonie et je les prierais de bien vouloir prendre place.

M. Janis Lusis (ambassadeur de la Lettonie au Canada): Où voulez-vous que nous nous installions, monsieur?

Le président: Ce serait très bien ici, monsieur l'ambassadeur, et là où des sièges sont libres. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues.

Je m'appelle Pat O'Brien, je suis député au Parlement et je suis le président du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants. Vous êtes les bienvenus.

Aujourd'hui, les membres du comité et de tous les partis à la Chambre sont présents et nous examinons deux grandes questions. Vous avez suivi un débat très animé il y a quelques instants sur le système de défense antimissiles.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. l'ambassadeur Janis Lusis de la République de Lettonie et à Son Excellence M. Janis Straume, président du Saeima de la République de Lettonie. Excusez ma prononciation, si j'ai fait erreur. J'ai consulté notre bonne amie et collègue, Mme Sarmite Bulte, qui évidemment est la première députée d'origine lettonne au Canada. Nous sommes très fiers d'elle à la Chambre des communes et je sais que vous l'avez déjà rencontrée. Je l'ai consultée pour qu'elle m'aide un peu avec la prononciation, mais je ne suis pas certain si j'ai bien fait ça.

• 1635

Cela dit, permettez-moi de vous expliquer que de côté-ci, vous avez les députés du Parti ministériel, en l'occurrence, le Parti libéral, mes collègues, et de l'autre côté de la table, vous avez les députés des partis de l'opposition. Il se trouve qu'à l'heure actuelle, nous avons uniquement notre ami, M. Laurin, mais vous avez vu que précédemment, il y avait d'autres députés des partis d'opposition qui, malheureusement, ont maintenant d'autres obligations.

Je vais maintenant vous céder la parole, à vous, monsieur l'ambassadeur, et à vous, Excellence. Nous sommes heureux d'écouter vos commentaires et serons ravis de répondre à toute question que vous pourriez avoir. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues parmi nous.

M. Janis Lusis: Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis Janis Lusis, ambassadeur de la Lettonie au Canada.

J'aimerais dire quelques mots pour présenter les membres de notre délégation. Je suis accompagné de M. Janis Straume, Président de notre Parlement. Je suis accompagné également de Mme Broka, notre interprète; de Silvija Dreimane, députée; de Mme Golde, qui est également députée; de M. Inkens, député; et enfin de deux membres de la Chancellerie du Président du Parlement, M. Plesums et M. Ziemelis. Voilà notre délégation.

Je vous remercie infiniment de vos aimables propos d'introduction. Nous aurons peut-être un peu de problèmes parce que M. Straume, le Président de notre Parlement, ne parle pas anglais, et donc tout doit lui être traduit; et inversement, tout ce qu'il dit doit être traduit en anglais. J'espère que vous ferez preuve de patience. C'est un léger problème, mais je suis persuadé que nous nous arrangerons.

L'autre problème, et j'aimerais m'en excuser auprès de l'honorable député, c'est que bien que nous comprenions un peu le français, nous ne le parlons pas suffisamment bien pour répondre en français. J'ose espérer que l'honorable député nous pardonnera et tiendra compte de cela.

M. Janis Straume (président du Saeima (Parlement), République de Lettonie) (interprétation): Je vous remercie infiniment de l'occasion que vous me donnez de rencontrer les membres de votre comité.

Il s'agit de la première visite officielle de notre délégation parlementaire au Canada. Cette visite arrive à un moment qui revêt une importance particulière, puisque la Lettonie vient d'être invitée à entamer les négociations visant son accession à l'UE. D'autre part, nous avons exprimé notre désir de devenir membres de l'OTAN.

Il faut dire que pour le moment notre adhésion à l'UE et à l'OTAN est notre principale priorité en matière de politique étrangère. Dans ce contexte de politique étrangère, il est très important de voir où en sont les relations entre la Lettonie et la Russie aujourd'hui.

Je voudrais remercier le Canada pour le soutien qu'il nous a apporté dans notre effort pour devenir membre de l'OTAN. La coopération entre nos deux pays s'est faite, jusqu'à présent, dans le cadre d'un programme bilatéral d'aide à la formation militaire et le programme Partenariat pour la paix. Nous espérons que le Canada continuera à l'avenir à soutenir la Lettonie dans ses efforts pour faire partie de l'OTAN.

• 1640

Le président: Merci beaucoup.

Excellence, je suppose que vous savez comment fonctionne notre système ici. Nous avons deux collègues, nommément MM. Laurin et Bertrand, dont la langue maternelle est le français. S'ils souhaitent s'exprimer en français, leurs propos seront interprétés en anglais, puis votre interprète les interprétera en letton. Ils auront donc l'occasion de prendre la parole, s'ils le veulent.

Je vous remercie, monsieur, pour votre déclaration préliminaire.

Quelqu'un voudrait-il ajouter quelque chose d'autre avant que les députés ne prennent la parole?

M. Edvins Inkens (député au Saeima de la République de Lettonie) (interprétation): Chers collègues, je voudrais ajouter quelque chose à ce que M. Straume a dit. Je voudrais insister particulièrement sur nos préoccupations concernant les relations entre la Lettonie et la Russie.

Dans l'ensemble, nous sommes assez satisfaits de nos réalisations tant en matière de politique étrangère qu'en matière de politique intérieure. Au nombre de ces réalisations, mentionnons le redressement et l'amélioration de notre économie et la démocratie que nous essayons d'instaurer dans notre pays. Nous pouvons certainement parler, entre autres choses, de notre désir d'adhérer à l'UE et à l'OTAN. Mais quand nous parlons de nos relations avec la Russie, nous tombons alors dans le manque de logique, puisque nos relations ne cessent d'empirer.

Il n'est pas exclu du tout que cette semaine même le Parlement russe adopte une loi qui se traduira par des sanctions économiques contre la Lettonie. Cela fera de nous le seul pays contre lequel la Russie aura manifesté une telle attitude. Cela ne sera pas nouveau pour la Lettonie, car il y a deux ans la Russie annonçait des sanctions contre nous. Ces sanctions n'étaient pas officielles, bien qu'en réalité elles existaient bel et bien.

Quand on examine la nature même de nos relations réciproques, il n'y a rien qui justifie un tel comportement de la part de la Russie. Il faut dire que la Russie et la Lettonie ne voient pas les relations entre les deux pays du même oeil. Nous voyons les choses différemment. En effet, même si nous ne partageons pas le point de vue de la Russie en ce qui a trait aux minorités, nous avons toujours essayé de nous conformer aux normes établies par les organisations internationales à ce chapitre.

Conformément aux normes internationales, nous avons modifié notre Loi sur la citoyenneté à de nombreuses reprises. Ainsi, quiconque en manifeste l'intérêt peut désormais devenir citoyen de la Lettonie, pourvu qu'il réponde à certains critères. Cela dit, ces critères sont en accord avec les pratiques internationales. De plus, nous avons modifié notre loi linguistique pour faire preuve de plus de tolérance à l'égard de nos minorités.

• 1645

Grâce à ces deux réformes dont je viens de vous parler, nous avons obtenu de très bons résultats. De plus en plus de ressortissants essaient de devenir des citoyens de la Lettonie. Jusqu'à présent, plus de 40 p. 100 de tous les Russes de souche sont devenus des citoyens lettons. Tout ce que nous leur demandons c'est de vouloir devenir citoyens et d'être disposés à remplir les exigences minimales de la langue lettonne, la langue du pays.

En même temps, nous sommes tolérants à l'égard des minorités visibles vivant en Lettonie. À l'heure actuelle, la Lettonie compte huit écoles appartenant à des minorités, ce qui montre que huit minorités différentes sont financées par les fonds publics. Je ne crois pas que des exemples de ce genre d'expérience dans d'autres pays abondent.

Nous pensions que toutes ces initiatives serviraient de base pour l'amélioration de nos relations avec la Russie. Au lieu de cela, la Douma russe réplique avec un projet de loi imposant des sanctions contre la Lettonie. Il y a deux semaines, lors d'une rencontre avec le président de la Lettonie, l'ambassadeur de Russie a dit que les relations entre nos deux pays étaient à un point crucial.

En résumé, nous pouvons admettre que les Russes sont assez raisonnables quand il s'agit d'évaluer leurs relations avec la Lettonie. En revanche, s'ils ne sont pas disposés à améliorer leurs relations avec la Lettonie, c'est qu'ils ont des desseins cachés. Peut-être cela est-il dû au fait que la Russie sent que les pays baltes s'éloignent graduellement d'elle, au-delà de sa sphère d'influence. Au plan pratique, je pense que la Russie comprend assez clairement que d'ici cinq ou six ans, la Lettonie et les autres pays baltes pourraient devenir membres de l'UE et, comme nous l'espérons sincèrement, de l'OTAN dans un avenir proche.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci beaucoup.

Si vous avez d'autres observations, je vous invite à nous en faire part. Sinon, Excellence, je propose que nous échangions des questions, des idées.

M. Janis Lusis: Mme Dreimane voudrait dire quelques mots.

Le président: Je vous en prie.

Mme Silvija Dreimane (secrétaire du Saeima de la République de Lettonie) (interprétation): Je voudrais ajouter quelque chose au sujet de ce que M. Inkens a dit à propos des minorités.

Ce n'est pas la première fois que la Russie essaie de jouer cette carte—c'est-à-dire la question des minorités—, qu'il s'agisse des élections russes, des élections présidentielles ou des efforts de la Lettonie pour devenir membre de l'UE ou de l'OTAN.

En Lettonie, les sondages d'opinion sont très à la mode. Nous avons, par exemple, sondé l'opinion publique concernant l'adhésion de notre pays à l'UE ou à l'OTAN. Nous pensons que les sondages d'opinion sont très importants, puisque pour faire partie de l'UE, il faudra nous soumettre à un référendum, à un vote populaire. C'est pourquoi nous sommes on ne peut plus disposés à tâter le pouls de notre société.

• 1650

Ce qui peut sembler assez surprenant aujourd'hui, c'est que la confiance et l'attitude positive qu'affichent les non-citoyens de la Lettonie à l'égard de notre éventuelle adhésion à l'UE ne cessent de croître année après année. Cela suscite toute une controverse, car la Russie prétend vouloir protéger les droits des Russes vivant en Lettonie. Or, les Russes vivant en Lettonie ont déjà les yeux rivés sur l'Occident. Autrement dit, ils sont déjà prêts à devenir membres de l'UE, et ils n'y voient pas d'inconvénients.

Après avoir levé les prétendus obstacles à la naturalisation, nous avons remarqué une nouvelle tendance. Ainsi, les enfants nés de parents qui ne sont pas citoyens de la Lettonie deviennent automatiquement citoyens lettons, et nous constatons que de plus en plus d'enfants russes fréquentent des écoles lettonnes. Nous avons deux types d'écoles chez nous, les écoles lettonnes et les écoles russes. Cela témoigne de l'intégration qui se fait en pratique.

Le président: Je vous remercie.

M. Janis Lusis: Monsieur le président, je voudrais ajouter quelques mots, si vous le permettez.

Le président: Je vous en prie, allez-y.

M. Janis Lusis: Tout d'abord, j'aimerais de nouveau remercier le Canada pour l'aide qu'il a accordée à notre pays, la Lettonie, pour ce qui est de la formation de notre personnel, y compris le personnel militaire, sans oublier l'aide concrète qu'il nous fournit notamment dans le cadre du Partenariat pour la paix.

À l'instar du Canada, la Lettonie est aux prises avec certains problèmes ayant trait à son budget de la défense. L'OTAN exige que nous augmentions notre budget de la défense pour atteindre 2 p. 100 de notre PIB si nous voulons en faire partie. Je crois que le Canada comprend très bien ce que cela signifie, et c'est pourquoi je n'en parlerai pas davantage. Vous voyez donc que nous avons des problèmes communs sur certains plans.

Si mes collègues parlent des minorités de façon aussi éloquente, c'est qu'en Europe, principalement, c'est une question qu'on nous pose toujours. Lorsque nous répliquons, comme nous le faisons à chaque fois que nous en avons l'occasion, que nous aimerions nous joindre à l'OTAN et l'Union européenne, on nous demande toujours ce qui en est de la minorité russe dans notre pays. Vous pensez peut-être que mes collègues vous ont donné une longue description de cette question, mais en voilà la raison.

Le président: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur.

Merci beaucoup également à tous les députés qui ont pris la parole.

Nous sommes tous députés, que nous venions du parti ministériel et des partis d'opposition. D'autres auraient aimé vous poser des questions, et nous nous intéressons aux questions que vous pourriez poser.

Je profite de l'occasion pour vous signaler que cette réunion sera télévisée. Bon nombre de Canadiens auront l'occasion de l'écouter. Je vous informe que les questions que vous avez soulevées seront diffusées sur le réseau d'affaires publiques du Canada, ce que nous appelons CPAC. Il est bon que les Canadiens en apprennent davantage au sujet de la Lettonie et des questions qui vous préoccupent, et c'est une bonne occasion.

Avant de passer aux questions, permettez-moi de dire que les membres de notre comité connaissent un peu le courage et la persévérance des populations de la Lettonie et des autres pays Baltes qui depuis de nombreuses années font l'objet de fortes pressions. C'est donc un grand plaisir pour nous de vous accueillir aujourd'hui.

Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues. Nous pourrons peut-être nous limiter à une question chacun, et nous continuerons tant que le temps vous le permet et qu'il nous reste des questions.

Je vais laisser M. Pratt poser la première question.

M. David Pratt: Monsieur le président, d'autres membres du comité n'ont pas encore eu l'occasion de poser de questions et je suis bien prêt à leur céder la parole.

Le président: Non, allez-y. Tout le monde a eu sa chance.

M. David Pratt: D'accord. Merci, monsieur le président.

• 1655

Bienvenue à nos invités. J'espère que votre séjour au Canada est agréable et productif.

Ma question porte sur les relations avec la Russie. Il semble plus particulièrement que les menaces de sanctions des Russes touchent directement les questions relatives à la minorité russe en Lettonie. J'aimerais bien savoir s'il y a d'autres questions liées aux sanctions que les Russes pourraient imposer. J'aimerais également connaître la nature des sanctions et la mesure dans laquelle ces sanctions pourraient nuire à l'économie lettonne.

M. Edvins Inkens (interprétation): Comme je l'ai dit, la minorité russe n'est pas le principal problème dans les relations entre la Lettonie et la Russie. Si c'était le cas, la Lettonie et la Russie essaieraient d'entretenir un dialogue constructif pour trouver des solutions de compromis acceptables aux deux parties.

La raison de ces sanctions, ce sont les tentatives de la Lettonie, de même que de l'Estonie et de la Lituanie, de joindre les rangs de l'Union européenne et, plus récemment, de l'OTAN. Ces sanctions ne s'appliquent pas seulement à la Lettonie; l'Estonie et la Lituanie en ont également été menacées.

Nous savons que la Russie s'est toujours opposée à ce que l'OTAN prenne une expansion vers l'Est. Pour ce qui est des trois premiers pays, c'est-à-dire les derniers à se joindre à l'OTAN—, la Russie vient d'exprimer son indignation à leur égard. Dans le cas des pays Baltes, cependant, c'est la ligne rouge qui est clairement touchée. Quand elle parle de ligne rouge, la Russie parle évidemment des anciennes frontières de l'Union soviétique. Les pays qui faisaient partie autrefois de l'Union soviétique constituent un territoire où la Russie ne veut absolument pas perdre sa sphère d'influence. Nous refusons de reconnaître l'existence de cette ligne rouge, car nous refusons de reconnaître la sphère d'influence de la Russie et d'en faire partie.

Au cours des six derniers mois, nous avons constaté que la Russie s'opposait plus que jamais à la perspective d'une union entre l'Union européenne et les pays Baltes. L'Union européenne a mis au point sa propre stratégie visant ses relations avec la Russie. À mon avis, cette stratégie n'est pas très efficace. La Russie, pour sa part, a élaboré une stratégie très efficace au sujet de l'Union européenne. Cette stratégie se fonde sur la possibilité de tirer un maximum d'avantages d'une expansion de l'Union européenne en direction de l'est.

• 1700

C'est pourquoi la Russie, peu avant le sommet d'Helsinki, a commencé à insister sur les pertes que provoquerait sur ses marchés l'accession des pays Baltes à l'Union européenne. La Russie prétend qu'il y aura des pertes sur le marché des pays Baltes ainsi que dans d'autres États de l'ancienne Europe de l'Est. La Russie a commencé à déclarer clairement et à laisser entendre qu'elle devrait recevoir une indemnisation à l'égard de ces pertes.

C'est vrai qu'il y aura des pertes sur les marchés, puisqu'au cours des dernières années, nous avons constaté une diminution progressive mais constante des relations commerciales entre la Lettonie et la Russie. L'année 1998 a été critique car cette année-là, nos échanges commerciaux avec la Russie représentaient 27 p. 100 de tout notre commerce; l'an dernier, nos exportations vers la Russie ne s'élevaient qu'à 6,6 p. 100. Notre grand voisin ne figurait qu'au cinquième rang de nos partenaires commerciaux. Pour ce qui est des importations en provenance de la Russie, la diminution n'a pas été aussi importante—de 17 à 10 p. 100.

Il faut dire qu'aucune de ces réductions ne venait des tentatives de la Lettonie pour joindre les rangs de l'Union européenne. Elles étaient dues au fait qu'en avril, il y a deux ans, la Russie a imposé des sanctions économiques à la Lettonie. Elle a lancé une campagne médiatique massive pour boycotter les produits lettons. Cette crise politique n'a duré que quelques mois, car peu de temps après, une vraie crise économique a commencé en Russie. La Lettonie a ensuite perdu en grande partie, sinon en totalité, son accès au marché russe, pour des raisons d'ordre économique.

Permettez-moi de vous donner un exemple de ces sanctions. La Lettonie est très importante pour la Russie, car l'un des grands axes de transport de la Russie vers l'ouest traverse la Lettonie. C'est également vrai de la Lituanie et de l'Estonie. C'est toutefois en traversant la Lettonie et en utilisant les chemins de fer lettons que la Russie peut imposer les tarifs de transit les plus défavorables.

• 1705

Nous avons essayé d'évaluer ce qui se produira lorsque les sanctions russes entreront vraiment en vigueur. Nos relations commerciales ont déjà tellement diminué qu'il n'y aura pas vraiment d'effets très graves dans ce domaine. Il n'y aura qu'une chose à faire: revoir nos relations commerciales et les orienter vers l'ouest.

Le président: Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole à M. Bertrand. Dans le régime canadien, chaque ministre a un député comme adjoint spécial. Nous donnons à ces adjoints le titre de secrétaire parlementaire. M. Bertrand est le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale.

M. Bertrand a une question à poser.

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue à la délégation. C'est toujours un plaisir de rencontrer des gens comme vous, qui viennent discuter avec nous de différents sujets.

Ma question est brève et elle porte sur votre demande d'adhésion à l'OTAN. Ou cela en est-il? Pouvez-vous me donner des détails? Vous avez dit tout à l'heure que l'OTAN a déclaré que vous devriez augmenter les dépenses de votre budget militaire. J'aimerais en savoir davantage sur l'évolution de cette question.

M. Janis Straume (interprétation): Merci beaucoup de votre question.

Il faut avouer que c'est exigence de 2 p. 100 a été clairement énoncée et qu'il s'agit bien d'une exigence. Les pays Baltes ont déjà pris des mesures pour respecter cette exigence. Nous avons mis sur pied certains programmes et notre objectif est d'atteindre ces 2 p. 100 en 2003.

Quelles que soient les conséquences de la crise russe pour la Lettonie, lorsque nous avons préparé notre nouveau budget l'an dernier, il n'y a eu qu'une seule augmentation dans le financement, par rapport aux années antérieures, et c'était une augmentation de 35 p. 100 du budget de la défense. À l'heure actuelle, le financement du secteur de la défense représente 1,04 p. 100 de notre PIB. Le gouvernement a rédigé un avant-projet de loi et élaboré certaines mesures en vue d'accroître progressivement ce financement, pour atteindre les 2 p. 100 nécessaires en 2003.

Le président: Merci beaucoup.

Au Parlement du Canada, nous avons bon nombre d'associations et d'organisations parlementaires. Parmi ces organisations, il y a l'Association parlementaire Canada-OTAN. La prochaine question sera posée par M. Proud, président de l'Association parlementaire Canada-OTAN.

Monsieur Proud.

M. George Proud: Merci, monsieur le président.

Bienvenue, mesdames et messieurs, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui.

Je suis effectivement président de l'Association parlementaire Canada-OTAN, qui fait partie de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, dont vous êtes membres associés. Notre réunion du printemps aura lieu en mai, à Budapest. L'un des sujets à l'ordre du jour sera bien sûr l'expansion de l'OTAN.

• 1710

Tout comme vous, je sais également que l'Assemblée a adopté il y a quelque temps une résolution recommandant que l'Estonie, la Lettonie, la Roumanie et la Slovénie soient les prochains pays à adhérer à l'OTAN.

Je ne sais pas si cela se concrétisera ou non, mais je sais que nous en débattrons sûrement à notre prochaine assemblée, à Budapest; je vous souhaite donc bonne chance pour votre adhésion à l'OTAN.

Les trois nouveaux adhérents—la Pologne, la Hongrie et la République tchèque—semblent se porter fort bien. Je sais que vous devez respecter certains critères dans certains domaines. L'un de ces critères, comme vous l'avez dit, c'est ce 2 p. 100 par rapport au PIB. Je sais par expérience qu'au Canada, le problème n'a pas été facile à résoudre. Mes meilleurs voeux vous accompagnent donc.

Dans quelle mesure vous sera-t-il difficile d'atteindre ce chiffre de 2 p. 100 par rapport au PIB, si l'OTAN fait droit à votre demande?

M. Janis Straume (interprétation): Il faut avouer que ce ne sera pas du tout facile, car il y a chez nous bien des besoins dans d'autres secteurs, entre autres dans le secteur des programmes sociaux, de l'enseignement, etc. Mais nous avons clairement énoncé notre objectif et nous savons que cet objectif politique est une priorité que nous devons réaliser.

Il y a six partis politiques représentés au Parlement de Lettonie. Ces partis représentent une très grande diversité d'opinions politiques, mais ils sont unanimes au sujet de l'adhésion de la Lettonie à l'OTAN.

Le président: Merci beaucoup.

Nous essayons de donner l'occasion à chaque député de poser une question, et nous serons peut-être interrompus bientôt par la sonnerie qui nous convoquera à un vote. Je vais laisser M. Clouthier poser la prochaine question.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

M. René Laurin: Il y a quatre députés de l'autre côté.

Le président: Votre nom est à ma liste, monsieur Laurin.

[Français]

M. René Laurin: [Note de la rédaction: Inaudible].

[Traduction]

Le président: Souhaitez-vous laisser la parole à M. Laurin?

[Français]

M. Hec Clouthier: Posez vos questions, je vous en prie, mon ami.

[Traduction]

Le président: Nous avons des règles à respecter, mais lorsque nous accueillons une délégation, nous n'appliquons pas nécessairement nos règles habituelles. J'accorde la parole aux gens dans l'ordre où ils me font signe. M. Clouthier a la gentillesse de laisser la parole à M. Laurin.

[Français]

Monsieur Laurin.

M. René Laurin: Merci, mon cher Hector, de cette marque de considération.

Je ne sais pas si l'interprète peut traduire mes propos à l'intention de votre interprète. Oui? Très bien.

J'aimerais d'abord que vous m'expliquiez une certaine situation. Est-ce que l'opposition de la Russie à certains de vos projets prend la forme d'une non-reconnaissance de votre autonomie ou s'il s'agit plutôt pour eux de préserver la zone d'influence qui existe entre deux pays autonomes? Comment qualifiez-vous vos relations avec la Russie?

[Traduction]

M. Edvins Inkens (interprétation): Dans l'histoire de nos relations avec la Russie, il est déjà arrivé que la Russie reconnaisse l'indépendance de la Lettonie. Peu après la Première Guerre mondiale, l'indépendance de la Lettonie a été reconnue officiellement. Cela s'est produit également au début des années 90. Lorsque la Russie a reconnu pour la première fois la Lettonie, cela n'a pas empêché la Russie d'occuper la Lettonie. Il ne s'agissait pas de la Russie; il est plus exact de dire qu'il s'agissait de l'Union soviétique à cette époque.

• 1715

Officiellement, la Russie reconnaît pleinement aujourd'hui l'indépendance de l'État letton. Mais la Russie d'aujourd'hui est bien différente de l'Union soviétique de Staline. Nous espérons donc que la Russie reconnaît vraiment l'indépendance de l'État letton et que tout ce qu'elle souhaite, c'est d'y conserver sa sphère d'influence économique. Parallèlement, nos tentatives pour joindre les rangs de l'OTAN démontrent notre philosophie. Nous craignons que dans une génération ou deux, la Russie oublie de nouveau qu'elle nous a accordé cette indépendance et qu'elle veuille reprendre le territoire de la Lettonie.

Certains des motifs invoqués par la Russie pour expliquer son opposition à l'adhésion des pays Baltes à l'OTAN nous semblent difficiles à comprendre. L'un des arguments les plus étonnants que j'ai entendus, c'est que quand l'Estonie se joindra à l'OTAN, il sera facile d'attaquer Saint-Pétersbourg à partir de l'Estonie au moyen de simples canons. Nous ne pouvons voir pourquoi l'Estonie voudrait faire cela.

Mais il y a des arguments sérieux et nous savons très bien que si les pays Baltes adhèrent à l'OTAN, cela posera des difficultés, entre autres, à la marine russe dans la mer Baltique. L'autre problème très grave, c'est le cas de la région de Kaliningrad. Nous croyons savoir que la Russie entretient certaines intentions et objectifs quant à la façon d'utiliser cette région à des fins militaires.

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant à M. Clouthier.

M. Hec Clouthier: Bienvenue, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je dois dire que tous les membres du comité de ce côté-ci ont un titre. Il y a le vice-président, le secrétaire parlementaire, le président du secrétaire parlementaire. Pour ma part, je suis l'entraîneur de l'équipe de hockey. C'est là mon titre de gloire, je suis l'entraîneur de l'équipe de hockey, c'est tout.

Des voix: Oh, oh!

M. Hec Clouthier: Permettez-moi de vous poser une question, pas nécessairement au sujet de la Russie mais plutôt sur vos collègues des pays Baltes. Quelles relations entretenez-vous actuellement avec la Lituanie et l'Estonie sur les plans politique, culturel et économique?

• 1720

M. Janis Straume (interprétation): Dans le cas de nos relations politiques, j'estime que ces relations sont très bonnes, car nous avons un objectif et des plans d'action communs au sujet de notre participation à l'Union européenne. Nous avons également des plans communs de collaboration au sujet de notre adhésion à l'OTAN. Nous appliquons ce que nous appelons notre plan d'action d'adhésion. Nous avons également d'autres projets de collaboration militaire entre nos trois pays. Les trois républiques sont également liées par un accord commercial commun. À quelques exceptions près, nos relations économiques sont excellentes.

Parallèlement, il faut admettre que les trois pays Baltes se font concurrence sur certains plans, tant pour ce qui est de leur participation à l'Union européenne qu'à leur adhésion à l'OTAN. Les trois États savent très bien que leur adhésion simultanée à l'OTAN est essentielle à la sécurité dans le nord de l'Europe.

Le président: Merci beaucoup.

Deux autres députés veulent poser des questions, mais je ne sais pas si nous avons suffisamment de temps. Il y en a maintenant trois. Si vous avez des questions, nous allons essayer d'y répondre également. Je vais demander aux députés de poser des questions brèves et je vous demanderais d'y répondre brièvement afin que nous puissions continuer notre discussion.

Monsieur Proud.

M. George Proud: Ma question est très simple. Quelle est la taille de votre armée, de toute votre force militaire?

Mme Valija Broka (interprète, Saeima de la République de Lettonie): Vous voulez parler des effectifs?

M. George Proud: Oui.

M. Janis Straume (interprétation): Dans notre armée régulière, nous comptons un peu plus de 14 000 soldats, mais dans nos forces armées nationales, nous avons également une unité qui porte le titre de garde nationale. Cette garde nationale est un organisme de bénévoles. Ensemble, la garde nationale et les forces armées comprennent environ 40 000 personnes.

Le président: Merci.

Nous avons un certain nombre de femmes dans notre Parlement, et nous avons la chance d'en compter une parmi les membres de notre comité.

Madame Longfield, je vous laisse poser la prochaine question.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Merci.

C'est extraordinaire que vous ayez pu obtenir une augmentation de 30 p. 100 du budget de la défense, et je vous en félicite. Cela signifie qu'il y a des gens qui travaillent très fort pour cela.

J'aimerais savoir dans quels domaines vous avez augmenté vos dépenses et dans quels domaines vous prévoyez le faire à l'avenir?

Mme Valija Broka: Parlez-vous du budget militaire?

Mme Judi Longfield: Oui.

M. Edvins Inkens (interprétation): Comme on vous l'a dit, nos forces armées ne sont pas énormes. Dans le cas de nos plans d'adhésion à l'OTAN, nous ne prévoyons pas augmenter le nombre de soldats. Par conséquent, nos ressources seront canalisées dans de bons systèmes d'entraînement, dans l'entraînement militaire, dans les munitions, etc. Nous devons nous aligner avec les exigences dans ce domaine à l'OTAN, c'est très important. Si nous n'avons pas de personnels bien entraînés, nous aurons des problèmes. Nous devons nous doter d'un effectif qui sera capable de traiter convenablement des renseignements militaires classifiés, et des renseignements de ce genre il y en aura sûrement lorsque nous serons membres de l'OTAN. La simple mise sur pied de ce système d'information et des mesures de sécurité pour ce système, de même que dans les organisations institutionnelles, signifie qu'il faut brancher les ambassades et toutes les autres institutions avec l'OTAN. Ce sont les éléments les plus coûteux du programme.

• 1725

M. Janis Lusis: Si je peux me permettre d'ajouter une chose, comme l'a déjà indiqué notre collègue, ce que nous voulons, ce n'est pas un système militaire d'attaque, mais plutôt un système militaire défensif. Autrement dit, cet argent ne servira pas à acheter des chasseurs intercepteurs et des missiles balistiques. Cet argent servira à former nos soldats afin qu'ils puissent participer efficacement aux opérations de l'OTAN. Le Canada, comme le prévoit sa politique étrangère, met l'accent sur ses capacités de défense et de maintien de la paix; nous faisons de même.

Le président: Merci.

Vos remarques ont suscité beaucoup de questions et d'intérêt. C'est normal chez les parlementaires.

J'ai trois autres noms sur ma liste—je vous prierais d'être brefs.

Monsieur Proud.

M. George Proud: Monsieur Pratt.

Le président: Excusez-moi, monsieur Pratt.

M. David Pratt: Je suis fier (proud) d'être Pratt.

J'ai deux questions. La première porte sur la position officielle du gouvernement de la Lettonie concernant l'Initiative européenne de sécurité et de défense, l'IESD, plus particulièrement la nouvelle, annoncée à Helsinki, selon laquelle on souhaite maintenir pendant un maximum d'un an une force de 60 000 soldats en Europe. Croyez-vous que la Lettonie serait en mesure de contribuer à cette force?

Deuxièmement, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'élection récente de M. Poutine et l'incidence qu'elle peut avoir sur le paysage politique de l'Europe et les relations entre l'Union européenne, l'OTAN et la Russie.

M. Edvins Inkens (interprétation): Nous préconisons un renforcement du pilier de sécurité en Europe, et nous croyons que, à long terme, l'Europe a besoin d'un tel pilier de sécurité.

Les événements qui se sont produits en Albanie ont prouvé que cette politique n'avait pas été bien élaborée au sein de l'Union européenne et que l'Europe seule ne peut composer avec de tels problèmes. Cela signifie que, de concert avec l'Union européenne et d'autres pays d'Europe, ainsi qu'avec les États-Unis et le Canada, nous sommes disposés à assumer cette responsabilité, à assurer la protection des droits de la personne qui est si importante pour le monde entier.

• 1730

Dans ce contexte, la Lettonie a déjà participé à certaines initiatives. Ainsi, nos soldats sont allés en Bosnie et au Kosovo. Nous avons donc déjà apporté notre contribution.

Parallèlement, les structures de sécurité européennes, si elles sont établies, n'iront pas à l'encontre des structures actuelles de l'OTAN. En fait, on estime qu'un usage local des forces de l'OTAN permettra de stabiliser les structures européennes de sécurité.

Pour répondre à votre deuxième question, comme dans d'autres pays et régions du monde, nous avons tenté d'en savoir plus sur M. Poutine. Nous avons été heureux d'apprendre que M. Poutine se promet de renouer les relations avec l'OTAN. Toutefois, nous estimons que c'est dans les mois à venir que M. Poutine pourra nous montrer ce qu'il est capable de faire pour faire disparaître de Russie la corruption, les oligarchies financières, etc.

Nous pouvons certainement tous nous lancer dans les conjectures sur ce sujet, car nous avons tous formulé nos idées, réfléchi à la question et tiré certaines conclusions. Il m'apparaît cependant plus sage d'attendre quelques mois pour voir l'évolution de la situation.

Le président: Merci.

Notre temps est presque écoulé et j'imagine que vous voulez retourner à votre hôtel avant de vous rendre à votre prochain engagement, et si vous n'y voyez pas d'objections, je permettrai deux dernières questions très brèves.

[Français]

Monsieur Bertrand, s'il vous plaît,

[Traduction]

suivi de M. Laurin.

[Français]

M. Robert Bertrand: Il s'agit peut-être seulement d'un point à éclaircir. Vous avez mentionné que l'OTAN vous avait attribué un objectif de 2 p. 100 quant à votre PIB. Ce serait une des conditions posées, laquelle exigerait une augmentation de votre budget de 30 p. 100.

[Traduction]

M. Janis Straume (interprétation): Je ne crois pas qu'il en soit vraiment ainsi. C'est seulement que, cette année, le budget prévu à des fins militaires a été augmenté de 35 p. 100 par rapport à l'année précédente, mais il n'y a pas eu d'augmentation générale.

[Français]

M. Robert Bertrand: D'accord. Je suis convaincu que, pour augmenter votre budget militaire de 35 p. 100 en un an, il vous a fallu faire des coupures ailleurs, dans les budgets des autres ministères. J'aimerais savoir lesquels.

[Traduction]

M. Janis Straume (interprétation): Dans les faits, on a réduit le budget d'autres secteurs financiers. Je ne peux vous donner de détail sur les budgets qui ont été comprimés et l'ampleur de ces réductions.

Ma collègue...

• 1735

Mme Silvija Dreimane (interprétation): Nous avons abaissé considérablement les dépenses publiques dans certains domaines du ministère. Le budget de représentation a aussi été réduit. Nous avons jugé qu'il était préférable de se joindre à l'OTAN que de participer à des conférences ou à d'autres réunions pour représenter notre pays à l'étranger. Cela n'a certainement pas été facile. Chaque ministère a dû établir ses priorités et prouver que ce que nous voulions supprimer était essentiel. Comme vous le voyez, cela n'a pas été catastrophique. Les ministères continuent leur travail et les ministres ont une idée très précise de l'objectif de la Lettonie. Nous devons malheureusement reconnaître que les secteurs de la culture et de l'éducation en ont souffert.

M. Janis Lusis: Monsieur le président, le ministère des Affaires étrangères tient à souligner que son budget a subi des compressions excessives.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Nous aurions été déçus que vous ayez passé cela sous silence.

Y a-t-il d'autres remarques?

Mme Silva Golde (députée à la Saeima de la République de Lettonie)(interprétation): Le budget du ministère de l'Éducation et des Sciences n'a pas subi de compressions importantes parce que, en fait, outre l'augmentation du budget du ministère de la Défense, nous avons pu trouver 8,24 millions de dollars pour augmenter le salaire des enseignants cette année. C'est une hausse considérable dont avait bien besoin nos enseignants. Manifestement, nous prenons l'éducation très au sérieux.

M. Robert Bertrand: Je suis heureux qu'il soit resté suffisamment d'argent dans votre budget pour que vous puissiez venir au Canada.

Mme Silva Golde: [Le témoin s'exprime dans sa langue]

M. Robert Bertrand: Merci.

[Français]

Le président: La dernière question revient à M. Laurin.

M. René Laurin: Comme vous le voyez, je suis membre de l'opposition ici et j'ai toujours été le dernier à poser mes questions aujourd'hui. Comme je fais partie de la minorité au Parlement, il y a sans doute là une indication que le Canada ne traite pas mieux ses minorités que vous ne le faites chez vous.

Plus sérieusement, vous avez parlé tout à l'heure d'un problème qui existe chez vous par rapport à la minorité russe demeurant sur votre territoire et que les Russes veulent protéger. En quoi cela peut-il faire obstacle à votre adhésion à l'Union européenne ou à l'OTAN?

[Traduction]

Mme Silvija Dreimane (interprétation): J'ajouterai que je suis aussi députée de l'opposition au Parlement. Voilà pourquoi nous sommes de ce côté-ci de la table.

J'aimerais vous donner un bref exemple qui illustre bien la situation des minorités en Lettonie. Comme M. Straume l'a indiqué, le secrétaire général de l'OTAN est venu en Lettonie la semaine dernière. Pendant sa visite, nous avons mis sur pied une organisation non gouvernementale, l'Organisation transatlantique de Lettonie. Le président du pays et le secrétaire général de l'OTAN ont participé à la cérémonie de création de cet organisme. Le secrétaire général de l'OTAN a été très étonné de voir que ce nouveau groupe compte des membres russes, polonais, ukrainiens et juifs. C'est une organisation bénévole, et il se trouve que presque toutes les minorités y sont représentées.

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Cette ONG a pour objectif d'expliquer à la population comment et pourquoi la Lettonie devrait se joindre à l'OTAN. Pendant la cérémonie d'inauguration, le secrétaire général a parlé de l'adhésion possible de la Lettonie à l'OTAN et a déclaré que la Lettonie est l'un des pays que l'OTAN envisage d'inviter à se joindre à elle prochainement. Ce sont des mots que nos attendions depuis longtemps. Les Lettons n'étaient pas les seuls à attendre cette déclaration; les autres groupes ethniques de Lettonie souhaitaient entendre ces mots depuis longtemps.

Le président: Merci beaucoup.

Mon collègue faisait des blagues. Mais soyons sérieux: normalement, en comité, c'est l'opposition qui pose la première question. Le président n'a jamais le temps de poser des questions.

Votre Excellence, monsieur l'ambassadeur, mesdames et messieurs les membres de la délégation, je vous remercie beaucoup d'être venus. La discussion a été très intéressante. Nous espérons que le reste de votre visite vous plaira et nous vous souhaitons bonne chance dans votre travail chez vous. J'espère que les liens qui unissent nos deux pays ne feront que se resserrer.

M. Janis Straume (interprétation): Merci beaucoup.

Le président: La séance est levée.