NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 mars 2000
Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.
Chers collègues, je vous rappellerai que le comité a décidé que sa question la plus urgente à étudier était la RAM, la révolution dans les affaires militaires, dont un sous-thème majeur, bien entendu, est la possibilité de participation avec les États-Unis à un système de défense antimissiles—de défense, j'insiste.
La semaine dernière des représentants du ministère de la Défense nous ont fait un topo sur ce système de défense antimissiles et sur la possibilité de participation du Canada.
Aujourd'hui, nos témoins nous feront un exposé sur le thème principal, si vous voulez, de nos réunions actuelles, à savoir, bien entendu, la révolution dans les affaires militaires.
C'est avec grand plaisir que nous accueillons aujourd'hui le capitaine Daniel McNeil, M. Scot Robertson et Mme Elinor Sloan qui vont nous aider à nous retrouver dans ce dossier.
Avant de donner la parole à nos témoins, écoutons M. Laurin qui a un rappel au Règlement.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le président, est-ce que nous pouvons entendre les témoins sans qu'il y ait quorum?
[Traduction]
Le président: Oui, nous pouvons entendre les témoins sans quorum.
Contrairement aux militaires, les membres de ce comité ne sont pas toujours aussi ponctuels que nous aimerions qu'ils le soient. Nous pouvons commencer l'audition des témoins. Justement, les autres membres du comité viennent d'arriver.
Capitaine McNeil, est-ce vous qui allez commencer?
Capitaine (M) Daniel G. McNeil (directeur de l'Analyse de défense, ministère de la Défense nationale): Oui, c'est moi, monsieur.
Le président: Merci. Soyez le bienvenu.
Je m'excuse. Vous êtes colonel. Dans mes notes, c'est écrit «capitaine».
Capt (M) Daniel McNeil: Vous pouvez m'appeler colonel, monsieur, ou vous pouvez m'appeler capitaine, du moment que je suis payé.
Le président: Quel que soit votre grade, je sais que c'est vous le spécialiste. Je vous en prie, commencez. Nous sommes heureux de votre présence.
[Français]
Capt (M) Daniel McNeil: Premièrement, il me fait grand plaisir d'être ici aujourd'hui. J'ai une présentation.
[Traduction]
Je crois que ce document a été distribué en français et en anglais. Je ferai un assez long exposé préliminaire avant de le commenter.
[Français]
Premièrement, je dois remercier ce comité pour son bon travail en vue d'améliorer notre qualité de vie.
[Traduction]
J'étais le commandant du vaisseau amiral de la flotte canadienne du Pacifique quand votre comité a entrepris ses délibérations sur la qualité de vie. J'ai été extrêmement impressionné par le travail réalisé et par la réaction de notre personnel en uniforme.
Ayant suivi les délibérations de votre comité au cours des années, c'est avec grand plaisir que j'ai pu voir la démocratie parlementaire en action. Les résultats sont là. Votre intervention a été très importante pour nous, le personnel en uniforme, et je tiens à vous en remercier. Encore une fois, cette semaine, c'est en partie grâce à vous que le budget de la défense a probablement connu sa plus forte augmentation en 20 ans, avec des conséquences toutes particulières encore une fois au niveau de la qualité de vie. Je vous en remercie de nouveau.
Bien entendu, c'est dans ce contexte que je peux vous parler de la révolution dans les affaires militaires car ces choses coûtent de l'argent et je suis certain que vous me demanderez comment s'intègre cette augmentation du budget à la révolution dans les affaires militaires.
Tout d'abord, permettez-moi de faire une petite introduction. Je représente le vice-chef d'état-major de la Défense, l'amiral Garnett, le responsable de cette question dans le contexte du développement des forces armées. Mon patron est le directeur général de la planification stratégique, le général Pennie, qui a la responsabilité générale du développement des forces armées et de l'affectation de nos ressources budgétaires.
• 0905
Dans ce contexte particulier, j'ai invité un autre directeur
à m'accompagner car j'ai pensé que c'était excessivement important.
Mme Elinor Sloan a fait de nombreuses recherches et de nombreuses
analyses sur ce que faisaient nos alliés, Britanniques, Français et
des Américains, entre autres, en matière de révolution dans les
affaires militaires. Elle a également fait de l'excellent travail
sur les synergies des moyens de défense de l'OTAN avec la
révolution dans les affaires militaires. Elle travaille
actuellement pour la direction de l'analyse stratégique relevant de
M. Calder, le sous-ministre adjoint des politiques.
Il y a un lien entre l'analyse stratégique et le travail qu'ils font. Une de leurs précieuses réalisations sur une base annuelle est le rapport d'analyse stratégique. Je vous recommande celui de 1999. C'est une bonne base pour comprendre les orientations du ministère.
Je suis également accompagné de M. Scot Robertson qui fait partie de mon personnel d'analyse de défense. J'en profiterai pour vous dire quelques mots sur ce que nous faisons et où vous pourrez vous documenter davantage sur ce que je vais vous présenter.
La direction de l'analyse de défense est un service assez récent au ministère. Il a été restructuré et reprofilé concurremment à la diminution des effectifs du quartier général des cinq dernières années conformément aux recommandations du Livre blanc de 1994. Ce service a remplacé les anciennes directions des concepts des forces armées et de la structure des forces armées. Suite aux conseils prodigués par le vérificateur général, entre autres, nous avons décidé qu'il était devenu nécessaire d'être plus rationnel dans la détermination de nos besoins futurs.
Cela me permet de vous parler des trois sections de la direction de l'analyse de défense. La première est celle de l'unité de recherche opérationnelle en planification stratégique, UROPS. Je vais vous dire où trouver tout cela sur notre site Internet auquel les Canadiens et le monde entier peuvent accéder. Cette équipe de recherche regroupe sept scientifiques. Ce sont tous des civils. Ils sont diplômés en sciences exactes, sans vouloir offenser mes collègues qui sont eux diplômés en sciences humaines. Ces scientifiques ont des diplômes en mathématiques et en physique et font de la recherche opérationnelle. L'étude de la guerre a toujours reposé sur la recherche opérationnelle. L'application de la rigueur intellectuelle d'une manière mathématiquement linéaire aux opérations de guerre a toujours rapporté d'énormes fruits et nous appliquons ce genre de rigueur intellectuelle à nos orientations futures. C'est donc l'unité de recherche opérationnelle en planification stratégique.
La deuxième section relevant de moi se penche sur les options futures. Ils font de la prospective. C'est aussi un mélange de militaires et de civils. Posséder un diplôme d'études supérieures est nécessaire pour travailler dans cette section. Cette prospective repose sur l'analyse politique, l'analyse des recherches sur la sécurité internationale, etc.
La troisième section a la responsabilité de maintenir le lien très important avec nos alliés. Elle est chargée de la planification avec l'OTAN, de la planification bilatérale au NORAD et des études sur la région Asie-Pacifique. Elle a pour mission d'aligner l'évolution de nos structures de défense sur celle de nos alliés, et pour être franc, de veiller à ce que nous remplissions nos engagements vis-à-vis de l'article 5 de l'OTAN.
Je vais déposer des pages en français et en anglais de notre site Internet, ce qui permettra à vos attachés de recherche de s'y retrouver beaucoup plus vite. Le site Internet du ministère de la Défense est, bien entendu, dnd.ca. C'est très facile à trouver.
Mais après ça c'est page après page après page et c'est très difficile de trouver ce qu'on cherche. Je vais donc vous indiquer les pages qui se rapportent à la révolution dans les affaires militaires et à l'analyse de défense.
Je commencerai en compulsant ce document imprimé, par vous parler d'une décision du 21 mai 1998 du CGD. Je m'excuse de continuer à utiliser des abréviations. C'est le Comité de gestion de la défense. C'est le comité de notre sous-ministre principal. En mai 1998 le CGD s'est entendu pour l'élaboration d'une perspective canadienne et a appuyé l'organisation de plusieurs symposiums auxquels participeraient les représentants de nos services et des spécialistes d'organisations externes afin d'évaluer les répercussions de la révolution dans les affaires militaires sur l'avenir du ministère de la Défense et des Forces canadiennes. C'était il y a deux ans.
• 0910
Ce symposium sur la révolution dans les affaires militaires a
eu lieu l'année dernière. C'était un symposium public. Nous avons
invité des universitaires et des spécialistes venant d'autres pays.
Les résultats de ce symposium se trouvent sur notre site et sont à
la disposition de vos attachés de recherches. Un document de
synthèse de ce colloque a été déposé. Il est intitulé Document de
conception de la RAM.
Je veux tout de suite vous rassurer. Notre étude, au ministère, de l'impact de ce qu'on appelle la révolution dans les affaires militaires ne commence pas à zéro. Cela fait déjà deux ans que nous y travaillons et déjà pas mal de travail a été fait. Personnellement, je prévois que notre plus gros problème va être de mettre la main sur tous les documents publiés sur la question et de les diffuser.
Cela m'amène au point d'importance suivant concernant la révolution dans les affaires militaires. C'est un sujet qu'il n'est pas facile de cerner ni d'identifier. C'est une question de perspective. Il n'y a pas de définition claire bien que dans les documents canadiens nous offrons une définition. Dans les cercles universitaires elle provoque une certaine controverse qui peut s'avérer en réalité fort utile.
Je discutais dernièrement avec M. Douglas Bland des travaux qu'il avait déjà réalisés. Il a rédigé un essai intitulé «A Perspective on the Revolution in Military Affairs as Purpose: Who Gets What?» qui sera publié sous forme de livre ce printemps. Dans son style inimitable—et c'est le genre de style que j'aime—, il nous accuse en quelque sorte de nous mettre au goût du jour pour justifier des dépenses. Dans une certaine mesure, il n'a pas tort et j'y reviendrai. La révolution dans les affaires militaires peut servir de justification à la priorité des dépenses donnée à la puissance aérienne ou à la révolution informatique et à l'informatisation du commandement et du contrôle. Mais encore une fois, j'y reviendrai tout à l'heure.
Sachez que c'est une question difficile à cerner et que la solution est tout aussi difficile compte tenu du nombre de perspectives.
Encore une fois, dans le contexte du travail que vous faites—et mon personnel le suit parce que c'est du très bon travail—, il n'y a pas de lien direct entre le système de défense antimissiles et la révolution dans les affaires militaires. Bien sûr, il y a un lien en termes de technologie, d'expertise et d'interopératiblité mais il n'y a pas vraiment de lien direct entre les deux.
Ceci posé, j'ai cette présentation à vous faire. Cette présentation avait en fait été élaborée pour le ministre pour qu'il se prépare au symposium de l'année dernière sur la RAM et elle est donc un petit peu dépassée. Je me servirai de ce document pour vous expliquer la RAM et nous en sommes déjà un peu plus loin depuis sa préparation.
Quels sont les fondements de cette idée de révolution dans les affaires militaires? Le changement de l'environnement de la sécurité internationale après la guerre froide en est de toute évidence une des raisons, couplé aux changements de calculs stratégiques et des possibilités technologiques. Permettez-moi de vous en dire quelques mots. Nous voulons examiner les changements qui s'en viennent et l'amélioration de nos activités.
On parle ouvertement de révolution dans les affaires commerciales. Il suffit de lire les livres de Toffler pour se rendre compte que le monde connaît une évolution fondamentale en passant de l'âge industriel à l'âge informatique avec ce que cela signifie pour toutes les composantes de la société. Il est donc logique que les activités militaires changent aussi. Il faut donc se demander s'il y a une révolution dans les affaires militaires. Je commencerai par vous dire que selon moi, non.
• 0915
En réalité, il faut parler d'une évolution des affaires
militaires et non pas d'une révolution, mais cela ne fait
qu'attiser la polémique.
La définition donnée dans nos documents canadiens est la suivante:
-
[...] la révolution dans les affaires militaires marque un
changement majeur dans les pratiques de guerre résultant de
l'application novatrice de nouvelles technologies qui combinées à
l'évolution spectaculaire des concepts opérationnels et des
méthodes organisationnelles militaires modifient profondément le
caractère et la conduite des opérations militaires.
C'est notre point de départ et notre base de travail.
L'idée de révolutions dans les affaires militaires n'est pas nouvelle. Mon bon ami ici présent, Scot Robertson, fait pas mal de recherches historiques, et l'analyse historique est très utile. Il y a quelques exemples dans votre document ici: les chemins de fer, le télégraphe, la supériorité aérienne, l'aviation embarquée. La révolution nucléaire a certainement été une révolution fondamentale en matière de guerre, et aujourd'hui, c'est la technologie de l'information.
Pour vous donner une idée de l'évolution du débat, un de mes exemples favoris dans mon travail d'analyse vient de mon collègue, le général Dempster—j'espère que vous l'avez rencontré ou que vous le rencontrerez un de ces jours—qui a la responsabilité d'une grande partie de la planification budgétaire et qui donne toujours en exemple la Marine royale comme objectif pour les Forces canadiennes. Il cite l'exemple de la révolution des cuirassés et de l'amiral sir Jackie Fisher qui, au début du siècle dernier, aux environs de 1900 à 1914, a révolutionné la guerre maritime avec l'introduction des cuirassés de type dreadnought. Le général Dempster cite cet exemple car si vous faites l'analyse historique, vous constaterez que Jackie Fisher n'a pas introduit ce bateau comme un nouveau matériel pour dépenser de l'argent et être prêt contre l'Allemagne. En fait, dans le contexte des relations entre les civils et les militaires, il avait pour mandat de réduire le budget de la défense, et avec la mise en service des cuirassés de type dreadnought, la Marine royale a retiré de sa flotte partout dans le monde ses plus petits bâtiments et a fait d'énormes économies. Ces cuirassés ont été mis en service pour réduire les dépenses budgétaires.
Le général Dempster aime citer cet exemple. J'aime moi aussi citer cet exemple car si vous lisez une étude récente sur la révolution dans les affaires militaires par Nicholas Lambert, vous constatez que la révolution n'avait rien à voir avec les cuirassés de type dreadnought. Selon cette nouvelle analyse, près de 100 ans plus tard, il s'avère que cela avait tout à voir avec l'arrivée des sous-marins.
Si je vous dis cela c'est pour que vous sachiez que le débat peut durer 100 ans, que notre travail sur la révolution dans les affaires militaires suscite des débats considérables et qu'encore une fois il n'y a pas de réponse ni de solution définitive. Mais dans le contexte de l'examen de l'avenir des Forces canadiennes, ces débats sont très sains, et à la direction de l'analyse de défense, nous publions pratiquement toutes nos analyses et toutes nos recherches afin qu'elles puissent être commentées et critiquées car c'est très utile.
La révolution dans les affaires militaires repose sur plusieurs hypothèses. Ce que je vais vous présenter est fondamental à l'examen de la RAM. La majorité des sources sont américaines parce qu'en matière de développement des forces, la majorité du travail de recherche découle des analyses de sécurité faites à Washington. Il faut en tenir tout autant compte que de nos propres analyses, mais je commencerai par vous donner une petite idée de la terminologie. En passant, cette terminologie n'est ni anglaise ni française. C'est du jargon typique.
Hypothèses. La technologie peut remplacer la masse et le nombre. Il y a évolution des notions de modernisation et nous ne devrions pas penser en termes de remplacement systématique de nos bateaux, de nos aéronefs et de nos blindés; il faut analyser ce que ce matériel nous offre sur le champ de bataille et trouver des moyens novateurs de l'utiliser sans pour autant le modifier de fond en comble. Il ne faut pas non plus oublier que ce nouveau matériel entraînera une évolution organisationnelle et conceptuelle, y compris au niveau des ressources humaines.
• 0920
La RAM actuelle a déjà un petit passé historique. En fait, la
terminologie et les concepts sont nés avec l'Union soviétique, avec
la Russie dans les années 70, avec l'avènement des nouvelles
technologies dont certaines semblent avoir été appliquées pendant
la guerre du Vietnam. C'est là que les armes de précision ont été
utilisées pour la première fois sur le champ de bataille.
À la fin des années 70, l'Occident a commencé à examiner la notion soviétique d'une révolution technique militaire, un effort d'intégration des nouvelles technologies pour moderniser son armement. Et bien entendu, tout dernièrement, il y a le travail de gens comme Toffler, la technologie de l'information, etc...
À la page suivante vous avez les principaux éléments de la RAM. C'est là qu'on trouve une terminologie assez intéressante. Les éléments de base sont la sensibilisation à l'espace de bataille et la connaissance de l'espace de bataille. Je préfère l'expression «sensibilisation à la situation».
Poussé à son extrême—si vous lisez certains documents, vous verrez que c'est assez extrême—, c'est ce que les Américains appellent un système de systèmes, un réseau très analogue à l'Internet qui donne immédiatement tous les renseignements nécessaires. Poussé à son extrême, c'est une forme d'information quasi divine et omniprésente.
Avec un certain niveau de connaissances, vous pouvez placer la bonne arme au bon endroit, au bon moment, pour obtenir l'effet désiré. Vous n'avez pas besoin de vous préoccuper d'avoir une capacité massive, des grandes quantités, car vous avez les connaissances nécessaires pour utiliser de petites capacités au moment opportun, à l'endroit opportun, c'est ce qu'on appelle l'application précise d'une force.
Après cette application précise, vient l'évaluation, qui fait partie de la compréhension de l'espace de bataille, c'est-à-dire la possibilité de déterminer immédiatement que la mesure prise a produit le résultat voulu, et qu'une mesure subséquente est maintenant nécessaire. Cela dépasse le niveau du commandement et du contrôle actuel, pour atteindre le niveau de la connaissance.
Dans le diagramme de Venn suivant, on parle de cette sensibilisation à l'espace de bataille dans le contexte de l'application d'une force de précision et vous voyez là des termes qui vont revenir régulièrement par la suite: C4I, ce qui signifie commande, contrôle, communication et ordinateur, et «I», qui signifie intelligence (renseignement). Les ordinateurs sont les outils, le commandement et le contrôle sont la grille qui vous permet de prendre connaissance de l'espace de bataille, et cela permet une affectation à une mission quasi parfaite.
Le diagramme de Venn suivant vous montre qu'une certaine combinaison est nécessaire pour y parvenir. La RAM n'est pas une simple question de technologie, elle comporte des éléments de doctrine et des éléments humains. Pour parvenir aux effets d'une RAM comme ceux que je viens de décrire, il faut avoir la bonne composition d'usages et la bonne technologie, il faut apporter les changements souhaités à la doctrine et utiliser de la bonne façon la ressource la plus importante: l'élément humain.
Je passe maintenant à la sensibilisation à l'espace de bataille. Le terme «plates-formes de renseignements» est un autre collectif. Il s'agit de satellites, de véhicules aériens, de navires, de camions et de chars d'assaut. Les plates-formes de renseignements de toutes sortes offrent la possibilité de couvrir d'une façon plus exhaustive l'espace géographique avec un intervalle de visite moins long et une couverture plus précise. Là encore, l'idée est que vous devez connaître parfaitement tous les objectifs militaires.
Je m'arrête encore une fois pour vous dire la raison pour laquelle toute cette terminologie ne me plaît pas beaucoup. En haut de l'échelle, quand on lit des textes sur la révolution dans les affaires militaires, on a l'impression que cela ne s'applique qu'à la guerre conventionnelle, face à face, et non pas aux opérations de maintien de la paix, d'imposition de la paix, le genre d'opérations qu'on a vues en Bosnie, au Moyen-Orient, au Cambodge, et à plusieurs autres endroits du monde.
• 0925
À mon avis, cette terminologie est parfois trompeuse car la
technologie et les changements de doctrine s'appliquent également
aux circonstances quotidiennes, y compris l'aide humanitaire. Cette
sensibilisation géographique, un terme qui est peut-être préférable
à celui de sensibilisation à l'espace de bataille, vous permet
également de savoir où se trouvent les réfugiés, vers où ils se
dirigent, et combien ils sont. Ou encore, en cas de tremblement de
terre, la technologie dont nous parlons ici permet de détecter les
gens là où ils sont emprisonnés grâce à l'application de rayons
infrarouges.
Cette technologie n'est donc pas uniquement utile pour les espaces de bataille, elle s'applique également dans toutes sortes de domaines où les forces armées oeuvrent de nos jours. C'est une note très importante, car dans les textes militaires américains, on a tendance à passer tout de suite aux opérations purement militaires.
Je vais maintenant sauter la page sur la connaissance de l'espace de bataille car j'en ai déjà parlé: application précise, connaissance, sensibilisation géographique. Je passe maintenant au «Résultat net», page 15.
Dans le cas de la guerre conventionnelle, et non pas d'opérations de consolidation ou de maintien de la paix, ou d'aide humanitaire, en présence d'un véritable ennemi, il faut passer par un cycle de décision et chercher à profiter des faiblesses de l'ennemi.
Il y a d'autres éléments importants de la RAM qu'il faut rechercher dans les textes militaires. Vous en avez peut-être compris certains l'année dernière lors de l'opération au Kosovo. En fin de compte, il faudra peut-être attendre 20 ans, mais il devrait être possible, avec une RAM correctement utilisée, de livrer une guerre sans pertes humaines.
À ce sujet, tous nous préférerions mener une guerre sans pertes humaines de notre côté. Cela nous amène à la supériorité aérienne, à la possibilité d'appliquer une force sans exposer ses propres soldats. Mais le véritable objectif de la RAM est finalement de pouvoir livrer une guerre sans que personne ne subisse de pertes, et cela nous amène aux armes de précision et aux applications de précision dans l'univers cybernétique.
Vous devez comprendre que toute cette notion de guerre, ce principe des forces armées comme outils de gouvernement, tout cela tend vers certains objectifs. Je le répète, dans les textes militaires sur la RAM, le but ultime est de trouver les moyens de livrer des guerres sans éprouver de pertes. La guerre cybernétique en constitue un élément.
Nous en venons à la politique de sécurité et la RAM. Dans tous ces aspects-là, des questions légitimes et valides se posent quant à la façon d'appliquer des forces de type RAM à l'environnement de sécurité de demain. J'y ai déjà fait allusion en comparant la guerre traditionnelle et les opérations très confuses auxquelles nous participons de nos jours.
Le terme «principaux concurrents» est un terme américain. Dans le nouvel environnement planétaire, il n'y a en fait qu'une seule superpuissance. Toutefois, c'est un monde qui est loin d'être aussi bienveillant que celui dont nous rêvions pour l'après-guerre froide. Dans le contexte américain, on continue à chercher la supériorité absolue en ce qui concerne l'application de la technologie, on continue à s'assurer que les concurrents n'abusent pas de cette technologie.
Le terme «opérations hors guerre» désigne entre autres les opérations de maintien de la paix et les menaces transnationales.
Dans le cours de vos délibérations, vous auriez peut-être intérêt à convoquer les experts en technologie du ministère de la Défense nationale. Le chef actuel de la R-D, M. John Leggat, serait certainement un contact précieux. À cause de nos travaux sur la RAM, M. Leggat et tout son secteur de la R-D ont maintenant accédé à ce que nous appelons le niveau un. En avril, M. Leggat va devenir chef des sciences et de la technologie, et il occupera un poste de niveau un au sein du Comité de gestion de la défense. Je vous dis cela en passant, mais j'aimerais rester un instant sur la technologie, car c'est un nouveau paradigme qui devient important dans le contexte de la RAM.
• 0930
Pendant la guerre froide, les forces militaires ont produit
des technologies pour mieux atteindre leurs objectifs. Le secteur
privé s'est inspiré de cette technologie pendant toute la guerre
froide pour toutes sortes de productions militaires industrielles,
mais en même temps, ces mêmes technologies ont eu des applications
commerciales.
À l'heure actuelle, c'est l'inverse qui se produit; dans les forces armées, que ce soit les forces armées occidentales comme les nôtres, ou ailleurs, on ne produit plus tellement de technologie, mais on a de plus en plus tendance à suivre de près les développements. De nos jours, de nouvelles technologies, de nouvelles capacités sont mises en marché avec la participation des forces militaires. Je vais vous en donner certains exemples.
Les satellites. Je pense que l'an 2000 est un point tournant, et dorénavant on va consacrer plus d'argent aux satellites commerciaux qu'aux satellites militaires. Jusqu'à présent, c'était l'inverse. Certains de ces satellites ont des applications militaires extrêmement importantes: la radarphotographie, le satellite canadien RADARSAT 1; les satellites de communication commerciale, qui sont utilisés également par les forces armées pour leurs communications; enfin, le satellite maritime international, INMARSAT.
Dans le contexte de la révolution dans les affaires militaires, c'est certainement un domaine qui mérite d'être étudié, et je suis certain que M. Leggat peut vous en parler beaucoup mieux que moi.
À la page 17, nous parlons de la politique de sécurité et la RAM. Les États-Unis oeuvrent très activement en faveur d'une RAM et suivent la technologie de près pour maintenir leur supériorité militaire.
Je vais passer plusieurs autres pages pour garder plus de temps pour les questions.
À la page 19, toujours au sujet de la politique de sécurité et la RAM, il y a certains aspects, ici, qui sont importants, les aspects les plus négatifs de la RAM. Avec cette technologie, comme je l'ai expliqué, ce n'est plus exclusivement la technologie militaire—c'est devenu beaucoup plus commercial que militaire—, il peut y avoir, du fait de sa prolifération, des applications militaires importantes, comme les armes de destruction de masse, les armes nucléaires, les armes biologiques, les manipulations génétiques, les armes chimiques.
Tous ces développements représentent de graves menaces pour notre sécurité future car, en effet, pour les utiliser, il n'est pas nécessaire d'être une superpuissance. Avec la prolifération de cette technologie, les pauvres, les appauvris, les opprimés—et même ceux qui se croient opprimés—tous ces gens-là peuvent utiliser ces armes contre les moyens hautement technologiques de la RAM.
Si la communauté internationale, et dans une grande mesure les pays industrialisés, décident par le truchement d'une résolution aux Nations Unies de prendre des mesures pour des raisons humanitaires ou pour d'autres raisons, il faut comprendre que si l'on bombarde une région, la population ne l'appréciera pas et voudra prendre des mesures de représailles.
Comme je l'ai déjà dit, la RAM s'applique plus facilement aux activités de guerre conventionnelles à haute technologie. Elle s'applique moins à la guérilla et aux activités terroristes. Il est effrayant de penser à l'utilisation qui pourrait être faite avec la même technologie, d'armes chimiques et biologiques. Je soumets que c'est la raison pour laquelle les États-Unis s'inquiètent autant de nos jours des questions de sécurité en Amérique du Nord. Ces craintes touchent la sécurité frontalière, l'immigration illégale et le trafic de la drogue, qui est très lucratif. Le trafic de la drogue permet de gagner des sommes importantes qui peuvent être consacrées à la haute technologie et de doter un cartel de trafiquants de moyens venant de la RAM. La RAM ne nous appartient pas en propre. S'ils ont suffisamment d'argent, les terroristes peuvent également s'en doter.
L'aspect négatif, surtout en ce qui concerne les États-Unis, c'est cette inquiétude sur l'asymétrie. Le terme «asymétrie» se retrouve partout dans la RAM. Quand on parle d'asymétrie, on parle du fait que les gouvernements peuvent investir des dizaines de milliards de dollars dans leurs forces militaires alors qu'un cartel de trafiquants peut, pour quelques centaines de milliers de dollars, causer des dégâts graves. Cela s'applique également aux activités militaires d'autres parties éloignées du monde.
• 0935
À la page 21, je mentionne les risques et opportunités de la
RAM. Nous devons donc avoir une bonne compréhension de ce qu'est
cette révolution, en faire une analyse et effectuer des recherches.
Il ne s'agit pas de savoir s'il s'agit ou non d'une révolution.
Notre monde connaît de profondes transformations et nous devons
savoir ce que ces transformations signifient pour nous. La
technologie pourrait ne pas donner les résultats escomptés. Nous ne
serons peut-être pas en mesure d'avoir une guerre sans victimes.
L'intégration des systèmes est un élément important de la RAM, mais
elle pourrait être beaucoup plus ardue que prévue. Nous devons
reconnaître que nous traversons une période de transition.
Dans les Forces canadiennes, le système dont nous disposons est celui dont nous avons en grande partie hérité. Nous avons hérité de très bons éléments, dont je parlerai dans un instant, mais ils datent néanmoins. Les excellentes frégates de patrouille canadiennes, que nous construisons dans votre circonscription, sont parmi les meilleures au monde et traduisent notre orientation dans la RAM, mais elles ont été conçues durant la guerre froide. Heureusement, elles peuvent être utilisées dans le contexte de l'après-guerre froide, mais bien des choses ne correspondent plus à la réalité d'aujourd'hui.
À la page 22, nous décrivons l'approche du MDN et des Forces canadiennes en ce qui a trait à la RAM. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je vous rappelle que vos attachés de recherche ont accès à des documents de recherche, sur le site Web. Le symposium de l'an dernier sur la révolution dans les affaires militaires sera suivi cette année d'un autre symposium intitulé «Élaboration de concepts et expérimentation, modélisation et simulation». Les détails de ce symposium se trouvent également sur notre site Web. Le symposium est parrainé par le service des sciences et de la technologie, par le VCEMD et le SCEMD, parce que...
Vous reverrez tous ces termes et il vaut peut-être mieux que je vous les explique.
L'expérimentation conjointe. Les Américains dépensent des milliards—et je dis bien des milliards—de dollars à un projet d'expérimentation conjointe. Ce travail porte sur l'utilisation des laboratoires de combat, l'utilisation de la recherche opérationnelle pour voir comment on peut faire le meilleur usage possible des nouvelles technologies et élaborer de nouvelles technologie, des structures de force, l'intégration des structures de force, ainsi que des systèmes de commandement et de contrôle, bref, tout ce que comporte la RAM.
Au moyen de l'élaboration de concepts et de la recherche opérationnelle, l'OTAN détermine son orientation dans ses initiatives de capacité de défense. Au Canada, nous n'avons pas élaboré officiellement notre orientation à ce sujet. Nous espérons que ce symposium, qui aura lieu les 27 et 28 avril, nous permettra de faire un pas de géant.
Si vous consultez notre site web, vous y verrez une mention d'un groupe de travail sur la révolution dans les affaires militaires. En fait, ce groupe de travail n'existe plus. Le groupe de travail actuel organise le symposium, et nous avons un nouveau groupe de travail, qui est mentionné sur le site web et qui s'occupe du plan de capacité stratégique. Nous sommes allés plus loin que la RAM.
L'été dernier, le vice-chef d'état-major de la Défense, l'amiral Garnett, a dit à son personnel qu'il en avait assez d'essayer d'élaborer des plans d'équipement à long terme qui ne donnent rien et ne correspondent à rien dans le nouvel environnement. Il a dit qu'il fallait commencer à examiner quelles devraient être nos capacités en 2020, c'est-à-dire quelles devraient être les ressources du Canada—des ressources autres que les avions, les camions et les aéronefs—pour réaliser les objectifs du gouvernement.
La première étape a consisté à examiner ce qui existait déjà. D'autres pays se sont-ils dotés d'un plan de ressources stratégiques en prévision des vingt prochaines années? Non, mais nous essayons de le faire.
• 0940
Ce travail se trouve sur notre site web et il est entièrement
relié à la révolution dans les affaires militaires. Nous avons
diffusé ce travail pour... Selon le mandat de l'équipe du VCEMD, la
planification doit être ouverte et transparente et il faut que le
personnel collabore avec des théoriciens et des analystes de tout
le Canada. Nous avons transmis tous les résultats de ce travail au
forum sur la sécurité et la défense et nous avons reçu des réponses
très intéressantes que nous utiliserons dans la reformulation et
l'examen de nos besoins en ressources pour 2020. De cette façon,
les investissements dans les ressources seront plus cohérentes,
pour les cinq prochaines années.
Il ne faut toutefois pas baisser les bras. Nous avons obtenu des victoires assez impressionnantes. À la page 24, je mentionne certaines des compétences actuelles des Forces canadiennes.
J'ai déjà parlé des frégates de patrouille canadiennes, qui sont entièrement en mesure de s'intégrer avec les groupes de combat américains. C'est une des ressources que les autres pays n'ont pas mais qu'ils souhaitent et prévoient avoir. À Aviano, l'an dernier, nos CF-18, dotés des améliorations que nous y avions apportées, ont démontré qu'ils étaient à la fine pointe du progrès. La plupart des 19 autres alliés de l'OTAN n'ont pas des ressources semblables à ce que représentent les CF-18 modifiés. Nous utilisons du matériel militaire qui fait l'envie de nos alliés et dont même les États-Unis font l'examen dans le contexte des réformes des forces terrestres américaines.
Et j'ai également dit, monsieur le président, que dans votre circonscription...
Le président: La grande circonscription de London—Fanshawe. Ils connaissent les usines.
Capt (M) Daniel McNeil: C'est exact. Les blindés légers et les autres véhicules qui y sont produits intéressent énormément nos alliés américains.
Nous avons donc remporté un succès considérable dans la RAM et nous pouvons continuer dans cette voie.
Les compétences. Comme vous le savez, nous examinons ce qu'a fait le général Dallaire dans le domaine du perfectionnement professionnel des officiers et nous essayons de voir quels sont les besoins en matière de formation et d'enseignement. Dans notre organisation, nous avons réalisé ce que nous appelons «l'intégration», car nous n'avons pas de marine, d'armée et d'aviation, au Canada, même si nous utilisons ces termes de temps à autres. Nous n'avons que les Forces canadiennes, des forces qui sont vraiment intégrées à l'échelle des quartiers généraux, et nos ressources sont également de plus en plus intégrées.
J'estime que les compétences en R-D, non seulement au MDN et dans l'armée, mais dans l'ensemble du Canada, sont de premier ordre et ont un lien directe avec la technologie appliquée à la RAM. Grâce au libéralisme et à l'internationalisme préconisé par Pearson, nous entretenons des liens très étroits avec nos alliés, non seulement au sein de l'OTAN, mais aussi dans la région de Asie-Pacifique et pour la défense de l'hémisphère.
Nous pouvons utiliser certaines technologies qui existent aujourd'hui. Je mentionnerai RADARSAT 1, qui n'est pas un système militaire, non plus un système du MDN, mais un système commercial. On est en train de perfectionner RADARSAT 2, que nous avons utilisé à des fins militaires. Dans le petit diagramme sur RADARSAT 2, on trouve les lettres ICTM, pour indicateur de cible terrestre mobile. Il s'agit d'un logiciel qui nous donne la possibilité de détecter des cibles mobiles au sol. C'est une compétence canadienne qui s'applique très facilement aux systèmes de satellites et aux systèmes aéronautiques.
Grâce aux nouveaux sous-marins de classe Upholder et à la canadianisation de leur technologie de commande et de contrôle, nous aurons des sous-marins de premier ordre et d'une extrême importance autant pour nous que pour nos alliés. Également, nos appareils LAV III de reconnaissance font l'envie de nos alliés.
Ce que nous devons faire: Nous devons faire davantage d'analyse et de recherche car nous devons mieux connaître ce dans quoi nous investissons.
Vous savez que je n'aime pas les termes de sensibilisation à l'espace de bataille et de connaissance de l'espace de bataille et je vais donc les sauter.
Nous devons faire des analyses dans le domaine des frappes de précision. Nous l'avons fait dans le cas des CF-18, et certains de nos systèmes navals sont extrêmement précis. Nous devons faire d'autres analyses également en ce qui concerne la coordination des ressources, c'est-à-dire l'utilisation de la bonne arme au bon endroit et au bon moment, lorsque le besoin se présente.
• 0945
La mobilité stratégique est un domaine que nous devons
examiner de plus près. À l'heure actuelle, les systèmes de mobilité
que nous avons sont ceux dont nous avons hérité—les avions
Hercules, les ressources présentes dans nos zones de responsabilité
et l'envoi du NCSM protecteur au Timor-Oriental.
Si vous examinez nos programmes, vous constaterez que depuis la fin de la guerre froide, nous ne sommes plus orientés vers l'extérieur. Nous sommes ici au Canada. Le Canada est un pays immense et nous devons accorder davantage d'attention à la question de la mobilité, à la capacité de passer du point A au point B à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières, ainsi qu'à la protection.
Quand on parle de protection, il s'agit de la guerre sans victimes. Le point de départ, pour cela, c'est le perfectionnement de nos Forces. Vous le constaterez dans la planification stratégique de nos ressources. Nous n'allons pas envoyer nos jeunes soldats sur les champs de bataille sans leur offrir toute la protection qu'ils méritent. Cela signifie qu'il faut leur fournir des armes, mais aussi un réseau d'information qui leur permet de savoir où se situent les menaces. Il s'agit donc de la protection de la force, puis de l'application de la force.
À la page 30, je passe à la troisième partie, intitulée «Ce que nous devons examiner». Cela comprend l'évaluation de l'espace de bataille, la connaissance de la situation, l'imagerie en temps réel, l'imagerie par satellite, les véhicules aériens télépilotés, que l'on appelle aussi UAV, le traitement informatique, la gestion du savoir et la diffusion rapide de l'information.
Je signale à ce propos qu'en matière de compétences, encore une fois pas seulement au MDN ou dans l'armée, mais dans l'ensemble du Canada, la technologie informatique est un véritable atout. C'est également le cas de l'intégration des systèmes. C'est l'objectif.
Le quatrième élément que nous devons examiner, c'est le personnel. Comme je vous l'ai dit, la RAM ne touche pas seulement la technologie, mais aussi l'application de la technologie—le changement des doctrines et des opérations. Cela signifie que nous devons également accorder plus d'attention à notre personnel. Cela s'intègre très bien aux initiatives de qualité de vie et d'instruction.
Nous avons des défis à relever. Comment pouvons-nous attirer et retenir les éléments les meilleurs et les plus brillants? Il faudrait offrir davantage—et nous y travaillons—de cheminements de carrière plus souples. Cela touche de très près l'intégration constante des femmes et des personnes issues des minorités dans nos ressources de combat et nos réserves.
Passons maintenant au chapitre des prochaines étapes, à la page 33, intitulé «RAM: le comment». Nous sommes en train de faire le point. J'espère que cet exposé vous l'a clairement démontré. Si vous visitez nos installations de recherche, vous constaterez que grâce aux travaux de l'an dernier et à ceux de cette année, nous essayons de déterminer ce que cela signifie pour le Canada.
Je n'expliquerai pas en détail comment nous faisons le point. Vous voyez encore une fois un paquet d'acronymes.
Je vais maintenant passer au programme Joint Space Project, qui est mentionné à la page 35. Il s'agit d'un projet omnibus. On y traite de tous les aspects, de la collecte de renseignements jusqu'à l'observation environnementale. Évidemment, la compréhension de la situation exige aussi une bonne connaissance du terrain. Les conditions atmosphériques sont extrêmement importantes, de même que la topographie et l'hydrographie.
Toutes ces choses-là sont maintenant traitées par logiciel. Elles sont exprimées avec des uns et des zéros. Cela signifie qu'elles peuvent être intégrées plus soigneusement. On peut ajouter à cela le système de positionnement global, autre exemple de technologie exploitée de façon commerciale. En allant chez Canadian Tire, vous pouvez vous acheter un appareil GPS qui vous permettra de faire la même chose qu'un navire de la flotte du Pacifique.
Nous examinons la possibilité d'institutionnaliser la RAM, d'augmenter la R-D, d'accroître le budget d'équipement. J'espère que vous connaissez l'initiative intitulée Stratégie 2000. Nous essayons de consacrer 23 p. 100 de notre budget à l'équipement. À l'heure actuelle, le pourcentage est d'environ 17 p. 100. Merci d'avoir augmenté notre budget. Un tiers de cette augmentation servira à l'équipement, un tiers à la qualité de vie et l'autre tiers aux opérations courantes, à ce que nous faisons déjà.
Je ne saurais en dire davantage, si ce n'est qu'une partie servira à l'équipement et que cela nous aidera dans le contexte de la RAM.
La page 37 est intitulée «Expérimentation». C'est un vieux transparent. Si cela vous intéresse, nous tenons un symposium les 27 et 28 avril. Ce symposium sera en fait lié à une réunion du Forum de la sécurité et de la défense, où seront examinées nos conditions futures d'expérimentation.
Le président: Où a lieu ce symposium?
Capt (M) Daniel McNeil: Je crois que ce sera au Centre des congrès.
Le président: Merci beaucoup.
Capt (M) Daniel McNeil: En fait, on m'a dit qu'il aura lieu au Centre des conférences du gouvernement.
J'en suis maintenant au résumé, à la page 39.
Il faut bien sûr penser au coût. Tous nos alliés ont le même objectif que nous, c'est-à-dire d'accroître l'équipement. Je vous signale que des chiffres artificiels comme 30 p. 100 ou 23 p. 100 peuvent être trompeurs, parce qu'équipement désigne différentes choses dans différents pays. Nous dépensons des sommes énormes à ce que nous appelons «l'approvisionnement national», entre autres pour l'entretien des aéronefs. Une bonne partie de cet argent sert à acheter de l'équipement, mais pour nous, ce n'est pas une dépense d'équipement. Dans d'autres pays, une partie de cet argent est considérée comme une dépense d'équipement.
Il faut donc faire attention de comparer des choses égales. Nous savons toutefois qu'il n'est pas possible de conserver des ressources suffisantes avec des dépenses d'équipement d'environ 17 p. 100. Ce n'est pas suffisant.
Pour ce qui est des «mauvaises interprétations», j'espère vous avoir démontré aujourd'hui que nous essayons de bien interpréter les choses dans notre travail.
Vous verrez une plus ample analyse de notre part des menaces asymétriques. Je n'aime pas l'idée d'une «Amérique du Nord érigée en forteresse», mais ce n'est pas seulement une question militaire. Les Américains et les Canadiens doivent se serrer davantage les coudes dans le domaine des services policiers, ainsi que de la lutte à la contrebande, au trafic de drogue, à l'immigration illégale et aux menaces asymétriques futures. C'est inévitable.
L'intégration de la technologie pose-t-elle des problèmes? Eh bien, oui et non. L'intégration de la technologie est un atout pour le Canada, et c'est un domaine dans lequel nous pouvons aider nos alliés.
Pour ce qui est de la non-concordance entre la doctrine et l'organisation, il faut reconnaître que dans toutes les grandes organisations, il existe une grande force d'inertie. C'est très difficile à changer, même si nous avons beaucoup travaillé dans ce sens.
J'en suis à la dernière page.
La compréhension de la RAM s'améliore de façon exponentielle. Mes collègues seront d'accord avec moi. Au cours de la dernière année, la compréhension de la terminologie et de l'orientation a augmenté de façon spectaculaire dans les quartiers généraux de la Défense nationale. La RAM, dans sa totalité, ne doit pas porter seulement sur les programmes d'équipement, la technologie et l'équipement, mais aussi sur le personnel, la doctrine et l'organisation.
Je ne veux pas trop insister sur le dernier point de la page 40, mais j'aimerais le formuler de façon différente.
Il y a un écart dans le coût. Si vous posez des questions, n'importe qui au ministère vous dira actuellement que ce n'est pas uniquement une question de nouvelles ressources financières. Il faudrait commencer par mieux déployer les ressources dont on dispose déjà. Ce n'est pas simplement une question de nouveaux moyens de défense qu'il faudrait acquérir. Il faudrait se débarrasser de certains des anciens moyens à cause de ce qu'ils coûtent en entretien.
Il faut donc que nous procédions à une profonde introspection et que nous nous posions certaines questions. Que faisons-nous? Qu'avons-nous l'intention de faire? Quelle est le nouvel ordre mondial? De quoi disposons-nous dans nos stocks et qui soit inutile? Il faut bien dire que l'entretien du matériel inutile coûte très cher.
Ainsi, il ne s'agit pas ici de nouveaux moyens financiers. Je ne réclame pas de nouvelles ressources financières. Merci beaucoup pour l'argent que vous nous avez accordé. Il nous faut le dépenser plus judicieusement.
J'ai trop parlé. Je vais essayer de mon mieux de donner la parole à mes collègues quand vous poserez vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Pour que les choses soient claires, monsieur, avez-vous rang de capitaine ou de colonel?
Capt (M) Daniel McNeil: Je suis capitaine—en français, capitaine de vaisseau.
Le président: Merci beaucoup, capitaine McNeil, pour un exposé fort intéressant. Je sais bien que c'est parfois pénible de s'adresser à des profanes, élus ou non élus, pour parler d'un sujet complexe en peu de temps. Je pense que vous vous en êtes très bien tiré.
Chacun d'entre nous aura sans doute des questions à vous poser et nous commencerons donc immédiatement avec M. Hanger qui dispose de sept minutes.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.
Capitaine McNeil, je vous prie de m'excuser d'être arrivé une fois votre exposé commencé. J'ai parcouru vos diapositives pour me rattraper. La question que je vais vous poser a peut-être déjà été abordée mais je voudrais des précisions, si vous le voulez bien.
Le président: Vous devrez rester après l'école.
M. Art Hanger: Puis-je vous fournir une explication?
Vous avez dit que le vice-chef d'état-major de la Défense, Garnett, a affirmé en avoir assez d'essayer d'élaborer un plan d'équipement à long terme qui ne donne rien. Comment expliquer cela?
Capt (M) Daniel McNeil: J'ai eu grand tort de vous citer des propos qui ne sont pas une véritable citation. Permettez-moi de rétablir les faits.
Au ministère, chacun de nous ces jours-ci a ce sentiment concernant la planification de l'équipement. Les choses sont rendues très difficiles à cause du nouvel ordre mondial que je vous ai décrit. Je reprends à mon compte les paroles que j'avais attribuées à l'amiral Garnett.
• 0955
Chacun d'entre nous—tant le directeur de l'analyse de
défense, le capitaine McNeil, que ses collaborateurs—s'inquiètent
du fait que notre planification de l'équipement n'est pas assez
cohérente. Le vérificateur général nous a signalé qu'elle ne
l'était pas. Ce n'est pas seulement le vice-chef d'état-major qui
le pense, c'est nous tous. Les préparatifs que j'ai décrits
aujourd'hui visent à apporter plus de cohérence dans tout cela et
à faire en sorte que nous puissions disposer d'une meilleure
planification de l'équipement.
Par le passé, on avait tendance... Nous avons changé. Quand un quartier général perd plus d'un tiers de son personnel, quand on subit des baisses de budget répétées, et chacun de nos alliés est passé par là également, on peut dire, et nos alliés vous diront la même chose que moi, que la planification de l'acquisition d'équipement devient difficile. Nous avons laissé derrière nous la guerre froide, avec ce qu'elle comportait en héritage, et nous sommes passés à un nouvel ordre mondial, il y a eu changement d'esprit quant à ce que l'on considère des investissements judicieux pour l'avenir.
Ainsi, la frustration que j'ai attribuée à l'amiral Garnett, je l'attribue aussi à tous ses homologues dans nos pays alliés.
M. Art Hanger: Je vois mais je suppose qu'il y a des différences quant aux solutions qui s'imposent face à ces problèmes. C'est ce que je veux savoir. Il se peut que le changement dérange tout le monde, autant les militaires que d'autres organisations. J'estime cependant qu'il y a d'autres solutions.
Je vais me reporter à une déclaration du Colonel Hug, qui est le vice-chef d'état-major de la Défense. Il écrit dans un document intitulé «Interopérabilité—Le défi de 2010», ce qui suit:
-
Si on veut que les Forces canadiennes opèrent efficacement avec nos
principaux alliés, nous devrons être capables d'opérer avec des
forces qui ont entamé des changements ou des percées dans le cadre
de la RAM. L'interopérabilité avec les États-Unis doit être pour
nous la priorité des priorités.
Vous en avez parlé vous-même. À certains égards, l'interopérabilité existe mais au bout du compte, c'est une question d'argent. Je pense que le vérificateur général l'a très bien dit dans son rapport de 1998 où il a affirmé que les besoins en matière de matériel de défense dépassent le budget prévu de 4,5 milliards de dollars.
N'est-ce pas compréhensible car on peut très bien élaborer toutes sortes de plans pour l'avenir mais sans l'argent pour les mettre en oeuvre, ça ne sert absolument à rien comme le disait Garnett.
Capt (M) Daniel McNeil: J'aimerais beaucoup m'en remettre à mes collègues mais je pense que dans ce cas-ci, en tout cas, je dois répondre à la question.
Il y a plusieurs années que je m'occupe du développement des forces. J'ai été directeur du développement des forces maritimes pendant ces années où nous subissions des réductions de budget, quand nous essayions d'acheter du matériel comme les sous-marins. Dans toute organisation disposant du genre de budget dont dispose le ministère de la Défense nationale, quand il y a une planification pluriannuelle, on doit se rendre compte que la seule véritable planification se résume à ce qui sera dépensé l'année suivante. Tout ce qui vient après cela est de plus en plus nébuleux.
Chaque arme a une perspective différente, des priorités différentes. Le système est tel que l'on peut préparer un programme sur 15 ans qui contiendra des éléments qu'il est impossible d'inclure dans le programme de l'année suivante. Avec un programme sur 15 ans, on est forcé de faire des dépassements de budget. Il faut de la souplesse, des options. Au fur et à mesure que les années passent, il faut configurer le plan, qui demeurera toujours excessif. Il s'agit de savoir quel sera cet excédent. Il est important de savoir dans quelle mesure les dirigeants permettront ce dépassement de programme car c'est ce qui encadre les priorités de planification des diverses armes.
Je ne critique absolument pas le Vérificateur général et son travail. Nous avons trouvé ses remarques très utiles. Toutefois, nous devons vivre avec cette programmation à outrance. À cause des fonctions que j'exerçais autrefois, je peux étudier certains programmes des forces de l'air et en rire en me disant qu'ils ne seront jamais réalisés. Toutefois, les concepteurs pensent qu'ils le seront. C'est peut-être moi qui ai tort et eux qui ont raison.
Le monde ne va pas cesser de changer. S'il est une chose sûre et certaine, c'est qu'à l'avenir les choses vont changer. Dans ce cas-là, on est surpris et il faut pouvoir compter sur certaines options. Les dépassements de programmes font partie de la vie.
M. Art Hanger: Je suppose que l'on peut se servir de cela comme d'un prétexte pour ne rien planifier pour l'avenir, mais il semble qu'il y a un autre élément manquant dans tout le processus. Il existe une solution politique au problème. En effet, on doit affirmer clairement la planification à long terme, l'objectif militaire ultime. En l'absence d'une telle affirmation claire, comment peut-on planifier?
Le ministère de la Défense a répondu, à sa façon propre, dans le document Défense 2020. Je pense que c'est un bon document car il envisage les éventualités et précise où les Formes armées devraient en être dans 20 ans. Sans un tel plan, qu'allez-vous faire? Vous en êtes réduits à faire ce que vous avez dit, une planification d'année en année, sans trop savoir ce que l'avenir réserve.
Le document Défense 2020 n'a pas été demandé par le gouvernement mais préparé par les militaires pour essayer d'assainir quelque peu la situation actuelle. Puisque ce n'est pas le gouvernement qui l'a demandé, quel sera le sort de ce document?
Capt (M) Daniel McNeil: Monsieur le président, je pense que la question est très politique...
Le président: J'en conviens.
Capt (M) Daniel McNeil: ... mais je vais essayer de vous donner une forme de réponse.
Le gouvernement de n'importe quel pays s'attend à ce que son ministère de la Défense nationale élabore une stratégie conforme à la politique gouvernementale. Notre politique gouvernementale est contenue dans le Livre blanc de 1994. C'est «la politique». Dans son contexte, notre mandat consiste à procéder à la réflexion, à l'analyse et à la recherche nécessaires pour élaborer une stratégie.
Le président: Merci beaucoup. Je pense que vous avez bien dit les choses. Le comité fait partie du processus gouvernemental et votre exposé répond aux préoccupations de M. Hanger, que nous partageons tous. Nous tenons ces audiences pour mieux comprendre quelle direction nous devons prendre dans le domaine militaire.
[Français]
Monsieur Laurin, s'il vous plaît, sept minutes.
M. René Laurin: Capitaine, dans votre exposé, vous avez énoncé des principes et mentionné plus précisément le Livre blanc de 1994, qui contient les orientations de l'armée. Selon vous, la révolution dans les affaires militaires fait-elle en sorte que le Livre blanc sur la Défense nationale devrait être révisé ou du moins réexaminé pour voir s'il correspond aux exigences nouvelles des théâtres de guerre? Est-ce qu'il y a lieu de reformuler notre philosophie et nos orientations à cet égard?
[Traduction]
Capt (M) Daniel McNeil: Voilà encore une question très politique.
Je vous prie de m'excuser si je réponds en anglais. Je comprends très bien votre question, mais je crains d'être incapable de vous répondre correctement en français.
Le Livre blanc peut-il s'adapter aux changements extrêmes qui sont survenus, surtout dans le cadre de la RAM que j'ai décrite? Les documents de politique gouvernementale, comme par exemple le Livre blanc, sont conçus de façon assez générale pour pouvoir s'adapter à de brusques changements. Nous nous penchons longuement sur les politiques des autres pays, lesquelles sont modifiées avec le temps.
C'est remarquable; le Livre blanc est assez souple dans sa description de la stratégie 2020 pour permettre le développement adéquat de nos forces compte tenu de cette ligne directrice. Dans le Livre blanc, on trouve des expressions comme «forces d'intervention» et «forces d'avant-garde». On y fait allusion aux engagements des Nations Unies et à ceux du Canada sur le plan international. Ce qui le sous-tend, ce sont nos valeurs fondamentales.
• 1005
Actuellement, nous n'éprouvons aucune difficulté à continuer
de développer des stratégies en s'en inspirant. Cela ne veut pas
dire... Il y a parfois de brusques changements et la politique doit
être constamment réexaminée, mais cette décision appartient au
gouvernement. La politique est une politique canadienne. Ce n'est
pas une politique du ministère de la Défense nationale ou une
politique militaire et il ne nous appartient pas de décider s'il
faut en changer. Nous devons nous y conformer.
[Français]
M. René Laurin: Capitaine McNeil, à la fin de votre exposé, vous avez prononcé une phrase qui m'a fait réfléchir: «Il nous faudra être plus intelligents dans la manière dont nous dépensons». Le gouvernement vient justement d'accorder un montant additionnel de 2 milliards de dollars à l'armée. Est-ce donc dire que, si nous avions examiné davantage la façon dont on dépense les 10 milliards de dollars qui étaient déjà consacrés à l'armée, nous aurions peut-être pu éviter qu'on soit tenu de donner à l'armée un montant additionnel de 2 milliards de dollars? Cela veut peut-être dire qu'il y a encore beaucoup de place pour des économies dans la façon dont on gère la Défense nationale. J'aimerais que vous soyez plus précis.
Capt (M) Daniel McNeil: Avant le budget, il y a eu un grand examen des besoins du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes pour améliorer la qualité de vie des militaires, pour des opérations comme celle au Kosovo, pour le soutien aux Nations Unies et pour nos obligations envers nos alliés.
[Traduction]
Il n'y aura jamais assez d'argent pour les soins de santé, l'éducation ou la défense ou d'autres secteurs. Tout est une question de décisions. On a fait un examen approfondi des besoins du ministère et des Forces canadiennes avant la préparation du budget. Vous trouverez toujours des gens qui disent que ce n'est pas assez. Peu importe. Voilà ce qui nous est imparti et nous allons en tirer le maximum. Il ne m'appartient pas de parler de l'éternelle question des fusils et du beurre. Nous n'en sommes plus là. Quand on participe à des opérations d'aide humanitaire, il n'est plus question de fusils.
[Français]
M. René Laurin: Je vous arrête tout de suite parce que ma question n'est pas politique. Je ne vous demande pas de faire un choix entre les dépenses qu'on devrait faire dans le domaine de la santé, dans celui de l'éducation ou pour l'armée. Vous avez prononcé cette phrase et vous ne l'avez sûrement pas prononcée pour rien. Vous avez dit qu'il nous fallait être plus intelligents dans la manière dont nous dépensions. Cela veut dire quelque chose. Dans quelles circonstances a-t-on dépensé de l'argent en faisant preuve de moins d'intelligence? Avez-vous des exemples de situations où on n'a pas été très intelligent dans la façon de dépenser? À quoi pensiez-vous quand vous avez dit qu'on devait dépenser de façon plus intelligente?
Capt (M) Daniel McNeil: Il y a une différence fondamentale entre la guerre froide et le monde d'aujourd'hui.
[Traduction]
Au sein de l'OTAN pendant la Guerre froide, il était facile de procéder à une planification fondée sur la menace. Avec nos alliés, nous dépensions pour acquérir du matériel parce que collectivement nous pensions que nous avions besoin de ces moyens.
[Français]
Dans le monde nouveau, il n'y a pas de menace précise. Bien sûr, pour le Canada, il n'y a pas de menace précise.
[Traduction]
Il nous faut faire une planification axée sur les moyens de défense. Je vous ai parlé d'une organisation qui avait changé sur le plan des niveaux d'instruction et des compétences. Le problème étant plus complexe, il nous faut miser davantage sur l'intelligence. Le monde est plus complexe, la technologie l'est aussi, les interactions également. L'ère de l'information est tout à fait différente de l'ère industrielle. Quand on dit qu'il faut être plus intelligent quand il s'agit de dépenser l'argent, c'est que nous devons faire des choix dans un milieu plus ardu.
Le président: Merci, monsieur Laurin.
M. René Laurin: [Note de la rédaction: Inaudible].
[Traduction]
Le président: Vous avez eu droit à sept minutes, plus même.
Je passe maintenant de l'autre côté et si nous posions des questions plus brèves, nous obtiendrions plus de renseignements. Le temps alloué est de sept minutes pour les questions et les réponses. Vous pouvez poser les questions que vous voulez, mais je pense que certaines d'entre elles devraient être adressées au ministre quand il viendra. Nos témoins ont une vaste connaissance de la RAM notamment.
De ce côté-ci, j'ai les noms de MM. Proud, Peric, Pratt et Bertrand, sur ma liste. Cela est révélateur de l'intérêt que votre exposé a suscité, capitaine. Monsieur Proud, allez-y.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président, et bienvenue, madame et messieurs.
J'ai plusieurs questions à poser. La première porte sur l'espace et les systèmes spatiaux car de plus en plus ils sont synonymes d'opérations efficaces. D'aucuns disent que nous devons dominer la dimension spatiale des opérations militaires et continuer à intégrer les forces spatiales dans nos moyens de défense. Le succès que nous aurons à cet égard à l'avenir va déterminer en grande partie l'efficacité de notre faculté à répondre à nos besoins en matière de sécurité. Étant donné la situation militaire actuelle, dans quelle mesure les Forces canadiennes peuvent-elles intégrer les systèmes spatiaux et quel est notre degré de préparation à cet égard? Voilà pour ma première question.
Voici l'autre. La RAM pourra modifier considérablement la façon dont le ministère de la Défense nationale acquiert et maintient son équipement. Récemment, nous avons étudié le processus d'acquisition. Quelles mesures les Forces canadiennes ont-elles prises pour garantir que l'acquisition et le maintien de matériel répondent à la nouvelle donne que constitue la RAM?
Capt (M) Daniel McNeil: Le moment est venu de céder la parole à mes collègues mieux renseignés.
M. W.S. (Scot) Robertson (directeur, Analyse de la défense 3-4, ministère de la Défense nationale): Monsieur, dans le contexte de la RAM, l'espace est le support permettant l'acquisition de renseignements et la transmission d'une grande part de ces renseignements grâces à des réseaux. Dans ce contexte, nos alliés, les États-Unis et la Grande-Bretagne, comme les autres pays de l'OTAN du reste, reconnaissent tous l'importance de l'espace et des systèmes de communication. Nous nous efforçons tous de trouver le moyen d'en tirer parti.
Pour ce qui est des projets spatiaux interarmées, dont nous avons parlé dans l'exposé, une composante considérable à cet égard réside dans un réseau de renseignements. Nous sommes assez bien branchés avec les États-Unis pour les enjeux continentaux, de toute évidence grâce au NORAD.
Il est difficile de dire pour l'instant jusqu'où nous pouvons aller dans ce sens-là, mais l'espace est certainement un aspect qui nous préoccupe. Nous avons des compétences énormes, surtout dans le secteur commercial, avec RADARSAT par exemple, et certains des satellites de communication que l'on est en train d'installer. Sur le plan militaire, c'est encore une chose qui doit être résolue du point de vue des Forces canadiennes. Nous faisons passablement de R-D en la matière et de concert avec l'expertise commerciale canadienne que nous possédons, les choses sont bien lancées pour nous.
M. George Proud: Le but n'est pas encore atteint, n'est-ce pas?
M. Scot Robertson: Non.
Mme Elinor Sloan (direction de l'analyse stratégique, ministère de la Défense nationale): Il faut ajouter que les Forces canadiennes ont mis au point le CANMILSATCOM, qui va être déployé sur un satellite américain. C'est un logiciel qui dotera les Forces canadiennes de leur propre système de communication militaire pour des opérations à l'échelle du monde. Sa mise en service est prévue pour 2003, mais je ne peux rien affirmer.
M. George Proud: Et la question que j'ai posée sur l'équipement et le matériel?
M. Scot Robertson: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Pourriez-vous la répéter?
M. George Proud: C'est à propos de la façon dont le ministère de la Défense nationale procède aux acquisitions et au maintien de son équipement et de son matériel. Les choses pourraient changer considérablement à cause de la RAM. Récemment, le comité a étudié le processus d'acquisition. Qu'ont fait les Forces canadiennes pour garantir que l'acquisition et le maintien du matériel puissent relever le défi que pose la RAM afin que l'équipement que nous commandons réponde aux besoins?
Mme Elinor Sloan: Aucun de nous n'est expert en acquisition et c'est là le problème. Vous voudrez sans doute poser des questions au sous-ministre adjoint responsable du matériel qui saura vous répondre directement.
M. George Proud: J'ai une autre question à poser. L'avènement de la nouvelle technologie, d'une nouvelle doctrine et d'un théâtre de guerre différent signifie qu'il faut faire un examen approfondi des principes qui sous-tendent notre gestion des ressources humaines dans les forces armées aujourd'hui, et à l'avenir bien entendu. Qu'a fait le ministère de la Défense nationale pour garantir que nous pouvons intéresser, retenir, perfectionner et diriger des hommes et des femmes qui seront pleinement capables de répondre à tous les engagements du ministère de la Défense nationale? Peut-on miser sur les talents multiples des réservistes pour relever le défi de la RAM?
Capt (M) Daniel McNeil: Je pense qu'il est temps que j'intervienne pour répondre à cette question car j'anticipe les autres questions qui vont en découler. En résumé, pour répondre à toutes vos questions sur le matériel et le personnel, je dirais qu'il faut vous adresser à la personne responsable. Toutefois, je ne veux pas me défiler et je vais essayer de vous donner une réponse.
Dans le cadre du plan concernant nos moyens de défense stratégiques, la très petite équipe qui entoure le vice-chef essaie de faire en sorte que tous les éléments de la RAM s'imbriquent à cet égard. Le plan sur les moyens de défense stratégiques que nous préparons prévoit ce dont nous aurons besoin à l'avenir en matière d'effectifs comme en matériel. En fait, dans ce plan, qui sera modifié, nous proférons des exagérations, comme par exemple que l'équipement militaire sera déjà obsolète au moment où il sera mis en service.
Permettez-moi de développer. Avant d'assumer mon dernier commandement, j'ai laissé ma famille ici à Ottawa et j'ai acheté le système informatique dernier cri. C'était il y a deux ans et demi. À mon retour, il était devenu une pièce de... ce système n'est plus très bon.
Il faut bien comprendre que tous les systèmes militaires de la RAM dont il est question sont informatisés et comportent des logiciels. À mon bureau, j'ai un ordinateur qui est merveilleux. Il était merveilleux l'an dernier mais cette année, nos informaticiens y ont ajouté de nouveaux logiciels que l'ordinateur ne peut accepter. Il en va de même dans le monde. Il en va de même pour la RAM et la technologie dont je parle.
Ce ne sont pas les militaires qui sont responsables de cela. Ils subissent ces changements. Tout en faisant la révolution dans les affaires militaires, sur le plan des acquisitions, des effectifs et du reste, nous devons tenir compte de la révolution dans le monde des affaires, faire preuve de plus de souplesse, préciser les termes d'engagement, notamment.
Je ne peux pas vous donner une réponse, mais je peux vous dire que nous nous en occupons assurément. Si vous voulez une réponse plus étoffée, adressez-vous aux experts. Nous sommes des facilitateurs, et nous voulons signaler à tous que la RAM les concerne, sur le plan de la structure militaire, du matériel, des effectifs, sur tous les plans.
Le président: Avant de donner la parole au suivant, pouvez-vous donner une brève réponse à la question de M. Proud sur les réservistes? C'est une chose qui nous intéresse également.
Capt (M) Daniel McNeil: Je vous donnerai tout d'abord une réponse qui comporte un certain danger. Nous—c'est un nous collectif—cherchons à faire en sorte que les réservistes participent davantage à notre planification stratégique. Quant à moi, je cherche un réserviste compétent, de préférence un officier de l'armée, pour l'intégrer à mon équipe. J'ai annoncé cela et nous sommes en train de dresser une liste de candidats possibles. Les réserves font partie de notre planification pour l'avenir. C'est le souhait des dirigeants. Ce doit être fait. La mobilisation, les réserves, tous ces aspects-là concernent la planification pour l'avenir et le développement des forces, moyennant quoi ces questions nous intéressent, moi et mon équipe.
C'est une question difficile toutefois. Comme je vous l'ai dit, les choses sont assez claires pour l'année prochaine mais nébuleuses pour ce qui est dans 20 ans. Nous tirons des leçons de l'expérience de nos alliés et de leur utilisation des réserves. Après avoir étudié nos opérations actuelles, nous nous sommes dit qu'il fallait changer quelque chose. C'est impératif. Je ne pourrais pas vous dire pour l'instant exactement quel doit être ce changement, mais il faut que ça change.
Le président: M. Earle aura maintenant sept minutes.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci, capitaine McNeil, de votre exposé. Je l'ai trouvé fort utile car il m'a aidé à comprendre toute cette notion de RAM.
J'ai une inquiétude toutefois. Vous avez parlé de la connaissance de l'espace de bataille et de l'intervention particulière des forces armées. Si je ne m'abuse, vous avez utilisé l'expression «information quasi divine». Je m'inquiète toujours un peu quand l'homme se sent un peu l'égal de Dieu, avec tout le pouvoir que cela suppose, en particulier quand il s'agit de la guerre.
Je voudrais aborder la question dont vous avez parlé, celle d'une application précise de la force et, en fin de compte, de la façon dont on peut arriver à livrer une guerre sans faire de victimes. Selon moi, tant qu'il y aura des guerres, il y aura des victimes, si précise soit la technologie. À preuve, le Kosovo est dévasté même si on a utilisé des armes intelligentes. En outre, les conséquences pour l'environnement et les victimes que l'on constate après coup, et ce même chez nos militaires qui rentrent de ces champs de bataille, m'amènent à vous demander de nous dire comment selon vous, la RAM va nous permettre de faire la guerre sans faire de victimes.
Ma deuxième question a trait au personnel car vous avez dit que c'était là une des composantes les plus importantes de la RAM. On vous a entendu dire qu'il vous fallait attirer dans vos rangs les sujets les meilleurs et les plus qualifiés mais par ailleurs, quand vous dites que la technologie peut se substituer au personnel et à la quantité de militaires, on a l'impression qu'il s'agit de réduire les effectifs: plus on emploiera de moyens technologiques, moins on aura besoin de gens. Il semble y avoir là une contradiction. Tout en disant qu'on a besoin des candidats les meilleurs et les plus brillants pour nos forces armées, on dit que les progrès technologiques réduiront les exigences en personnel. Je voudrais vos commentaires là-dessus.
M. Scot Robertson: Avec votre permission, je répondrai à ces questions.
Pour ce qui est des victimes, il est vrai que les défenseurs les plus vigoureux de la RAM parlent d'une guerre sans épanchement de sang. Aucun observateur sérieux de cette notion n'accepte cette proposition. Dans n'importe quel conflit, on peut s'attendre à ce qu'il y ait des victimes. Ce qui sous-tend la RAM pour ce qui est de la réduction du nombre des victimes au minimum est en fait cette question de force de précision. Je reconnais que pendant la campagne du Kosovo, on s'est demandé quelle précision avait la précision.
Du point de vue de la RAM, on essaie de laisser derrière nous le vieux modèle de la guerre d'usure pour aller au-delà de cette notion. Au cours des siècles derniers, c'était un peu le Saint-Graal, mais avec les nouveaux systèmes d'information et la capacité potentielle de préciser la force appliquée et de la cibler de façon plus pointue, nous pouvons désormais opérer à partir d'une plus grande distance. Il n'est pas besoin de procéder à un corps à corps. En fait, un de mes collègues de l'armée de terre dit que si nous en venons au corps à corps, nous avons perdu d'avance car c'est en raison d'erreurs fondamentales qu'on en arrive là. Le but est de s'efforcer le plus possible d'appliquer une force à partir d'une distance plus grande pour obtenir un effet plus poussé, en fait pour raccourcir la durée du conflit.
Pour ce qui est du personnel, ce sera un défi de taille pour l'avenir que de recruter et de conserver les personnes voulues. Nous essuierons la concurrence de la Silicon Valley du Nord car nous voudrons recruter les mêmes gens compétents en systèmes d'information.
Il nous faudra peut-être aussi trouver des gens qui sont mieux au courant de la situation géopolitique parce que la plupart des conflits de l'avenir seront plus transparents. On a beaucoup parlé du facteur CNN et en fait, sur le plan tactique, ce phénomène peut avoir des conséquences stratégiques. Il nous faudra donc recruter des gens qui ont une conscience plus poussée de la stratégie géopolitique, qui ont une meilleure compréhension des affaires internationales et qui ont une meilleure notion de ce qu'est un conflit.
Mme Elinor Sloan: Pour ce qui est des ressources humaines, je crois qu'il importe de tenir compte du contexte global de l'organisation. Quels sont les changements organisationnels prévus par la RAM? Il y en a un certain nombre: la professionnalisation des forces; une meilleure instruction des troupes; des forces peut-être plus petites; et un processus décisionnel à des niveaux hiérarchiques inférieurs. Il y a bon nombre de changements organisationnels différents.
Quant à la question précise du nombre réduit d'effectifs, tout dépend du point de référence qu'on choisit. Il faut considérer les besoins des militaires et le nombre d'effectifs qu'il faut pour y répondre.
Si l'on considère ce que font nos alliés, par exemple, on constate que l'Allemagne et la France ont des effectifs très imposants. Nous parlons de 500 000 soldats français, qui devraient devenir une force professionnalisée d'environ 350 000 personnes, et quand on parle de réduire l'effectif, on parle d'un nombre de départs beaucoup plus élevé. Cela pourrait ne pas s'appliquer au Canada. Nous parlons de passer de forces conscrites à des forces professionnelles.
M. Gordon Earle: Sous la rubrique de ce qu'il nous fallait envisager, capitaine, vous avez parlé de la protection de nos troupes, de l'idée de ne pas envoyer nos hommes et nos femmes dans des situations où ils seraient sans protection.
Je crois que dans la même veine, on pourrait parler, par exemple, de vaccins. Est-ce qu'avec la RAM, on prévoit un changement culturel, de manière qu'une personne préoccupée par sa santé et sa sécurité, qui ne veut pas accepter un vaccin qui pourrait, à son avis, lui être nuisible...? Est-ce que cela fait partie de l'idée de ne pas envoyer de gens sans protection, ou parliez-vous uniquement de champs de bataille?
Capt (M) Daniel McNeil: C'est une question chargée; c'est pourquoi j'y répondrai.
M. Gordon Earle: J'avais l'intention d'être direct. Je veux savoir...
Capt (M) Daniel McNeil: Oh, elle est directe, extrêmement directe.
M. Gordon Earle: Je veux savoir quelle sorte de culture est envisagée par les militaires pour nos hommes et nos femmes.
Capt (M) Daniel McNeil: Sans vouloir citer le chef d'état-major, je crois qu'il a dit, au sujet de la controverse relative aux services de santé et aux changements s'y rapportant, que nos compressions avaient donné lieu à des erreurs réelles.
Je sais que nous consacrons bien davantage de ressources à toute la question des soins de santé pour les militaires. Je dois vous dire personnellement, entendez-le comme vous voulez, que j'ai été très troublé quand on a décidé que les normes de santé qu'ont les Forces canadiennes devaient être les mêmes que celles de la province de l'Ontario. Je ne veux pas dire que les normes ontariennes ne sont pas élevées. Elles le sont certainement, peut-être les meilleures du monde, mais celles des Forces armées canadiennes doivent être encore supérieures. Nous envoyons nos gens dans des situations dangereuses à l'étranger, dans les pires conditions de la planète: la chaleur élevée, les écarts de température, l'humidité, les risques de maladies, la pestilence et le manque de nourriture. Le soin qu'on prend de leur santé doit être bien supérieur, et je crois que c'est l'orientation qu'on a choisie.
Le président: Merci, monsieur Earle.
Madame Wayne, vous avez sept minutes.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Vous parlez de la qualité de vie. Cette semaine, dans les journaux, il y avait un article sur la solde, soit le salaire versé à nos soldats. J'étais vraiment époustouflée. Je veux savoir si c'est exact: est-il vrai que ces hommes et ces hommes ne reçoivent que 17 000 $ à 18 000 $? Est-ce là leur solde, le salaire d'un soldat? Est-ce cela?
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): C'est plus élevé que ça.
Mme Elsie Wayne: C'est ce qu'on disait dans le journal. Il y avait un article dans le journal. Je veux demander aux témoins, et non à mes collègues, si c'est exact?
Capt (M) Daniel McNeil: Je ne sais pas, mais j'ai lu le même genre d'article dans le même journal que vous. Je l'ai lu aussi. Par exemple, la fin de semaine dernière, à la une du Ottawa Citizen, on rapportait que les généraux s'accaparaient la solde des soldats.
Mme Elsie Wayne: Je n'ai pas parlé de...
Capt (M) Daniel McNeil: Aux dernières nouvelles, je ne dépendais pas financièrement de qui que ce soit. Je mène une vie normale. Mon épouse est une professionnelle des soins de santé en Ontario. Elle possède un diplôme universitaire et a fait des études supérieures, et elle ne reçoit pas le salaire d'un caporal-chef. Ne vous laissez pas abuser par ce que vous pouvez lire dans les journaux.
Je ne peux répondre à votre question sans consulter le guide de solde, mais vous obtiendrez votre réponse très facilement par l'intermédiaire de vos assistants de recherche.
Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, la raison pour laquelle je pose cette question, c'est que j'ai été à Vancouver, récemment, et je me suis trouvée à visiter la base navale. On m'a également montré les banques alimentaires où se rendaient les gens de l'endroit. Là-bas, on était très préoccupé.
• 1030
Et laissez-moi vous dire que ce n'était pas les caporaux ni
les simples soldats qui m'ont amenée là-bas, mais bien les hauts
gradés, parce qu'ils se souciaient de leurs hommes. Permettez-moi
de vous dire que, si c'est le cas, alors, nous devons changer les
choses, parce que les gens qui consacrent leur vie au Canada ne
devraient pas avoir besoin de se tourner du côté des banques
alimentaires pour nourrir leurs enfants ou leurs épouses. Alors, si
vous n'étiez pas au courant de ce fait, je vous prierais de vous
pencher là-dessus, pour vous assurer que des correctifs seront
apportés.
[Français]
M. Robert Bertrand: Je ne peux pas laisser passer cela sans en parler. Lorsqu'on a soumis notre rapport sur la qualité de vie, les soldats qui rentraient ont eu une augmentation. Si je me souviens bien, ils ont eu une augmentation de 10 à 15 p. 100. Il est vrai que ce que Mme Wayne mentionne s'est passé. On l'a tous vu quand on a fait les tournées. Je peux cependant lui dire qu'avec les augmentations de salaire, ces choses-là n'arriveront plus. Du moins, on l'espère.
[Traduction]
Mme Elsie Wayne: Très bien.
Monsieur le président, mon autre question...
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Mme Elsie Wayne: ... porte sur...
Le président: Il y a rappel au Règlement, madame Wayne.
M. David Pratt: Nous n'avons pas comme témoin le sous-ministre adjoint du personnel pour discuter des questions de qualité de vie. Nous débattons de la RAM, et je pense qu'il serait utile d'en rester à ce sujet.
Le président: À vous la parole, madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, je vous en prie, il fait référence à la qualité de vie... or, lui-même... Eh bien, j'y fais référence moi aussi.
Maintenant, je voudrais parler de la planification des immobilisations. Un colonel à la retraite m'a dit qu'il y avait une nouvelle façon de faire les choses. Selon lui, les parlementaires et les forces armées auraient intérêt à se pencher là-dessus, parce que la technologie change d'année en année. À chaque année, on constate de nouveaux progrès. Par conséquent, si nous devons remplacer—et il est fort probable que nous ayons à le faire—les frégates que nous avons achetées, comme elles sont toutes basées sur la même technologie, il faudra malheureusement les retirer toutes ensemble.
Ce colonel à la retraite a donc suggéré qu'à l'avenir, on ne construise qu'une ou deux frégates, pour prendre les frégates en exemple. Ensuite, on attendrait quatre à cinq ans pour en construire deux autres, parce que la technologie continuerait d'évoluer. Je suis très préoccupée—tout comme les gens des forces armées—par la situation de nos hélicoptères et par la modernisation de nos CF-18. En réponse à une question qui lui a été posée à la Chambre, le ministre a déclaré que les CF-18 devaient être révisés tels qu'ils étaient. Je me demande si vous avez étudié la question, ainsi que ce type de planification des immobilisations pour l'avenir, pour le remplacement de l'équipement qui existe déjà.
Capt (M) Daniel McNeil: Madame Wayne, j'ai eu le grand plaisir de me rendre à Saint John et à votre bureau en 1987. Vous ne vous souvenez pas de moi, mais j'ai une photo de vous et moi ensemble, et...
Des voix:, Oh, oh!
Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]... avec la photo d'Elsie.
Capt (M) Daniel McNeil: Je pilotais alors peut-être le plus vieux destroyer à vapeur de la flotte, le premier qu'on allait retirer pour faire place au NCSM Halifax. C'était la raison de ma présence là-bas. Il s'agissait du NCSM Assiniboine. Je l'ai désarmé. Sa construction remontait à 1952, et quand je l'ai désarmé, après 33 ans, il avait exactement les mêmes capacités qu'en 1952, ce qui n'était plus très pertinent.
L'an dernier, j'ai commandé le navire amiral de la côte Ouest, le NCSM Huron, qu'on a révisé dans le cadre du projet de modernisation des navires de classe tribal, le MNCT. J'avais de la peine à croire que je me trouvais sur la ligne de tir des missiles avec des croiseurs Aegis, et que j'avais à ma disposition un système de commande et de contrôle égal aux leurs, avec une technologie de l'information qui pouvait me dire, si je le désirais, comment se passaient les choses dans le golfe Persique. Il s'agissait de capacités de commande et de contrôle, de même que de systèmes informatiques de premier ordre. Or, ce navire avait 28 ans. C'est exact, 28 ans. Maintenant, si l'on songe à la planification des capacités stratégiques, vous constaterez que nous étudions de près un concept qui s'appelle «l'insertion de technologie». Grâce à ce concept, une plate-forme peut durer très longtemps. Il faut prévoir une architecture ouverte et s'assurer qu'on peut y insérer une technologie de remplacement, de même que ses éléments et ses composantes. Cette nouvelle façon de faire s'intègre à notre planification future.
Est-ce que j'ai répondu à votre question?
Mme Elsie Wayne: Vous y avez répondu.
Capt (M) Daniel McNeil: Je suis persuadé que votre colonel à la retraite est une personne très intelligente. Ce dont j'aimerais vous convaincre, c'est qu'ils n'en sont pas moins intelligents avant la retraite. Ils ne deviennent pas automatiquement plus intelligents après leur départ en retraite. Je ne sais pas. J'espère peut-être devenir plus intelligent lorsque je prendrai ma retraite.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Elsie Wayne: Oui, et on peut espérer effectuer des révisions au chantier naval même.
Je vous remercie beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Wayne.
Je crois que c'est M. Bertrand qui a dit qu'il existait une tentation bien compréhensible, pour les membres du comité, lorsque comparaissent des militaires, de leur poser toutes sortes de questions sur leur domaine. Notre comité a effectué beaucoup de travail, comme vous le savez, capitaine McNeil, de façon non partisane au sujet de la qualité de vie. Nous avons fait beaucoup pour répondre aux préoccupations de Mme Wayne.
Nous avons certainement l'intention de continuer de surveiller de façon régulière la situation, pour que nos 89 recommandations soient appliquées par le gouvernement. Le chef d'état-major de la Défense comparaîtra devant nous de façon régulière, tout comme le ministre. Nous partageons donc les préoccupations de Mme Wayne.
D'après les commentaires que nous avons reçus depuis la publication du rapport, et depuis que le gouvernement a commencé à en appliquer les recommandations, des améliorations importantes se sont produites quant à cette situation. Je ne parlerai pas des hausses de solde, sinon pour dire que le comité se souvient comment il a insisté pour que les grades subalternes reçoivent les plus fortes hausses. Les commentaires ont donc été très positifs, comme vous l'avez vous-même reconnu. Je voulais simplement émettre un commentaire là-dessus.
Nous allons maintenant passer à notre second tour de questions.
Mme Elsie Wayne: Puis-je disposer du reste de mon temps?
Le président: Oui, désolé.
Mme Elsie Wayne: Je voulais poser une question très courte au sujet des réserves. J'ai remarqué que pour le NCSM Brunswicker, dans mon comté, l'effectif avait baissé de façon importante. Or, je pense qu'on peut y obtenir la meilleure formation au monde pour des jeunes. Ces jeunes hommes et jeunes femmes veulent également servir. Est-ce qu'on songe à augmenter l'effectif, ou à continuer de le réduire? Le savez-vous, capitaine?
Capt (M) Daniel McNeil: On est en train d'effectuer une étude sur la réserve. Je ne sais pas quelles en seront les conclusions. Je ne crois pas que le groupe d'étude soit sur le point d'émettre ses conclusions. Mais il y aura des changements.
Le président: Je peux peut-être vous fournir un élément de réponse, madame Wayne. Le ministre a prié un ancien résident de la Chambre, John Fraser, de s'occuper de la question de la réserve. Il travaille à cette question, à l'heure actuelle, et il fera part de ses conclusions au ministre.
Le ministre a probablement dit à chacun des membres du comité qu'il tient à ce que les bonnes décisions se prennent. Ils ne veulent pas qu'on hâte les choses simplement pour prendre des décisions. En tant que ministre, il suit la question de près, et il a prié M. Fraser, un homme de haut calibre et d'une grande expérience, de se charger de l'analyse.
Nous entendrons parler à nouveau de la réserve. Les officiers de la réserve, les hauts gradés intéressés, si vous préférez, m'ont déjà demandé s'ils pouvaient revenir comparaître devant nous. Le comité les entendra donc très bientôt. D'accord?
Je vous remercie.
Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, je dois partir. Je remplace quelqu'un à DRHC, aujourd'hui.
Je vous remercie beaucoup, capitaine.
Le président: Nous allons entamer notre deuxième tour de questions, mes chers collègues. Monsieur Hanger, vous avez cinq minutes.
M. Art Hanger: Je vous remercie, monsieur le président.
D'après vous, capitaine, quel serait le besoin le plus urgent, en matière d'équipement militaire, pour que nos forces puissent effectuer la Révolution dans les affaires militaires?
Capt (M) Daniel McNeil: Allez-y.
Mme Elinor Sloan: Je ne parlerai pas précisément du Canada, parce que mon champ de spécialisation est plutôt celui de la Révolution dans les affaires militaires chez nos alliés, chez les États-Unis, et du côté de l'OTAN.
De façon générale, nos alliés songent à un certain nombre d'éléments clés. Ces éléments comprennent, par exemple, une augmentation du transport aérien stratégique, des engins aériens télépilotés pour des missions de reconnaissance tactique et stratégique, ainsi que des munitions à guidage de précision, dont on a bien entendu démontré l'utilité lors des opérations au Kosovo. Ce sont les choses qui me viennent immédiatement à l'esprit au sujet de ce que font nos alliés dans le cadre de la Révolution dans les affaires militaires.
M. Art Hanger: Ce n'est pas une mince affaire, dans un sens. Vous parlez de transport aérien stratégique, de munitions télépilotées, ou plutôt...
Mme Elinor Sloan: Des engins aériens télépilotés.
M. Art Hanger: Des engins aériens télépilotés?
Mme Elinor Sloan: Oui, pour des missions de reconnaissance.
M. Art Hanger: Très bien, et des munitions guidées.
Mme Elinor Sloan: Des munitions à guidage de précision, oui.
M. Art Hanger: C'est cela. Et c'est ce qu'on a utilisé la dernière fois.
Mme Elinor Sloan: C'est exact.
Capt (M) Daniel McNeil: Elinor, vous pourriez peut-être dire au député quel usage on en a fait. Car, au Kosovo, il n'y a pas eu que de la guerre de précision.
M. Art Hanger: Non, je le sais bien. Je veux simplement savoir quels sont nos besoins en équipement pour l'avenir, si nous voulons ne pas tirer de l'arrière au cours de la révolution. Si nous ne voulons pas prendre de retard, nous aurons besoin de ce dont vous venez de parler, en fin de compte. C'est bien ce que vous dites.
Mme Elinor Sloan: Il s'agit, en effet, des éléments clés sur lesquels se penchent ceux qui participent à la Révolution dans les affaires militaires.
M. Art Hanger: Très bien. Si nous prenons du retard dans la Révolution dans les affaires militaires, quel effet aura ce retard sur notre capacité d'opération dans des régions comme la Bosnie ou le Kosovo, d'ici 10 ou 15 ans?
Mme Elinor Sloan: Juste avant de vous répondre, je tiens à préciser que j'ai peut-être oublié la chose la plus importante, soit les systèmes avancés de commande et de contrôle.
M. Art Hanger: D'accord.
Mme Elinor Sloan: Il s'agit de systèmes de correction des renseignements, de communications, d'ordinateurs, de contrôle et de commande.
M. Art Hanger: On dirait bien qu'il s'agit d'équipements satellites.
Mme Elinor Sloan: Il peut s'agir d'engins téléguidés stratégiques et tactiques. On peut également avoir des engins pilotés. Par exemple, les Américains ont leurs avions J-Stars, et l'OTAN a ses AWACS. Il y a également des satellites, et le système GPS.
M. Art Hanger: Parfait. Alors, que se passera-t-il dans 10 ans, si nous n'investissons pas dans la Révolution dans les affaires militaires?
Mme Elinor Sloan: Voulez-vous répondre?
M. Art Hanger: Je veux entendre la réponse de leurs bouches.
M. Scot Robertson: Il est impossible de répondre à cette question, monsieur.
Je pourrais toujours utiliser une analogie historique. À la fin de la Première Guerre mondiale, le corps canadien constituait une des formations les plus avancées, et les plus aptes au combat de toutes les forces alliées. Pourtant, en 1940, lorsqu'on a déployé nos forces en Angleterre, on a commencé par leur imposer une formation à la guerre de tranchées. Entre-temps, les forces allemandes avaient développé leur notion de guerre mobile à un tel degré que, pendant que les Canadiens se soumettaient à leur formation à la guerre de tranchées, les divisions «panzers» effectuaient leur percée dans les lignes de défense françaises.
Voilà un des risques que nous courons si nous ne nous lançons pas dans la Révolution dans les affaires militaires. Je ne dis pas que nous devons nous y lancer à fond de train, mais il faut suivre dans certains domaines—Elinor en a mentionné quelques-uns, parmi les plus critiques—si nous ne voulons pas connaître un sort semblable. On ne peut dire avec précision quelles seraient les conséquences dans 10 ans, mais les analogies historiques peuvent être utiles.
M. Art Hanger: Mme Sloan a mentionné le fait que nous devions pouvoir interopérer avec nos alliés. Il s'agit là d'un point clé, à mes yeux. Du moins, il me semble que c'est un point clé.
Le colonel Hug—et, là encore, je fais référence au document Interopérabilité—Le défi de l'an 2010—en a également souligné l'importance, surtout du côté des États-Unis, en raison de son statut de superpuissance. La Défense nationale reconnaît donc clairement ce besoin. Mais une chose dont personne d'autre n'a parlé m'agace. Pour illustrer ce que je veux dire, je vais me livrer à une comparaison rapide.
Le Canada consacre environ 1,1 p. 100 de son budget à la défense, soit 6,8 milliards de dollars américains. Nous allons utiliser les dollars américains. La Grande-Bretagne y consacre 37 milliards de dollars, la France, 40 milliards de dollars, l'Italie, 23 milliards de dollars, et, bien entendu, la superpuissance au sud de notre frontière y consacre environ 250 milliards de dollars, et ce chiffre tend à croître sans cesse. Je ne cherche pas vraiment à nous comparer à eux, mais ces chiffres nous donnent une idée de notre statut.
Que diable pouvons-nous faire, avec un budget de 6,8 milliards de dollars, en ce qui a trait à la Révolution dans les affaires militaires? Je ne sais vraiment pas si nous allons pouvoir interopérer de façon unifiée avec nos alliés. Est-ce possible?
• 1045
Je ne vous pose pas cette question pour vous mettre dans
l'embarras, parce qu'il s'agit de dollars et de cents. Il y a un
prix à payer pour tous les éléments que vous avez mentionnés, et
que vous considérez comme critiques.
Mme Elinor Sloan: J'aimerais dire quelques mots avant de laisser répondre le capitaine McNeil.
Le fait qu'il se déroule une Révolution dans les affaires militaires ne signifie pas qu'on doit en adopter chacun des aspects. Par exemple, je vous ai parlé des C4I, dont les appareils J-Stars sont l'un des éléments. Je ne dis pas que le Canada doit songer à acheter de ces appareils. Tout ce que je dis, c'est que ces éléments font partie de la révolution. Il y a d'autres éléments de systèmes avancés de commande et de contrôle—par exemple, les engins aériens téléguidés—qui sont beaucoup moins cher.
En fin de compte, pour agir le plus efficacement possible dans le cadre de la RAM, il suffit de choisir les aspects qui sont le plus efficients, et qui nous permettront d'opérer aux côtés de nos alliés.
Le président: Pouvez-vous répondre brièvement, capitaine? Nous dépassons le temps alloué à M. Hanger.
Capt (M) Daniel McNeil: Si je croyais la chose impossible, monsieur, je ne serais pas ici. Il y a de meilleures façons de gagner sa vie.
L'économie me fascine. C'est beaucoup plus un art qu'une science. J'ai tenté de l'étudier, un temps, et j'ai dû renoncer parce que c'était trop compliqué pour moi. Pour moi, l'économie, c'est du vaudou, de la gymnastique avec les chiffres. On dirait bien qu'on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres. Nos alliés de l'OTAN, cette année, ont décidé que le pourcentage du PIB constituait une excellente façon de montrer comment le Canada ne respectait pas ses obligations. Eh bien, notre PIB est à la hausse. Ce que nos alliés refusent de reconnaître, c'est que nous avons une dette énorme. Notre PIB pourrait changer du jour au lendemain, et le poids que constitue notre dette pourrait modifier le tableau considérablement. Par conséquent, comparer un pays à un autre ressemble beaucoup à comparer des pommes et des oranges. C'est ce qu'ils font quand ils jouent avec les chiffres et avec leur signification.
Il faut également tenir compte des réalités géopolitiques et de l'histoire. Nous ne sommes ni l'Italie ni la Grande-Bretagne ni la France. Ici, c'est le Canada. Un de mes savants amis, comme M. Joseph Jockel, pourrait nous dire que nous n'avons pas besoin de dépenser le moindre cent dans le domaine de la défense, parce qu'il n'y a aucune menace. Tout ce que nous faisons est discrétionnaire. C'est discrétionnaire au sein du contexte culturel canadien.
J'aime la démocratie libérale canadienne. Les Canadiens décident de ce qu'il faut faire, et à quel niveau, et c'est à nous, le personnel en uniforme du ministère, de tirer le meilleur parti de ce qu'on nous donne. J'aime entendre mon patron, de temps à autre, dire à nos amis américains: «L'ennui c'est que nous sommes petits. Notre grand avantage, c'est que nous sommes petits». Regardez un peu ce qu'ils font. Lorsqu'ils ont un problème, ils dépensent des milliards de dollars et recherchent des solutions technologiques. Nous ne pouvons nous payer de telles recherches. Alors, ils viennent nous voir parce que nous sommes plus futés et moins riches, et parce que nous résolvons les problèmes de façons différentes.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je ne pense pas qu'il y ait grand-chose à ajouter. Nous allons suivre la cadence, tout en jouant un rôle important dans le monde.
[Français]
Monsieur Laurin, cinq minutes, s'il vous plaît.
M. René Laurin: Monsieur le président, j'aimerais faire un bref commentaire. Le capitaine McNeil hésitait tout à l'heure à faire des commentaires sur des situations qui lui paraissaient politiques. Son dernier commentaire était sans équivoque.
Je voudrais revenir sur une affirmation que vous avez faite dans votre exposé concernant l'intégration de la technologie. Vous avez dit que cette intégration posait des problèmes et qu'il s'agissait peut-être là de l'un des points faibles du Canada. Ces problèmes posés par l'intégration de la technologie sont-ils des problèmes qu'on rencontre dans les trois armées, la marine, l'armée de l'air et l'armée de terre? Pourriez-vous préciser votre pensée en nous donnant des exemples?
Capt (M) Daniel McNeil: Nous avons ici, au Canada, de bons exemple de l'intégration des technologies, surtout avec
[Traduction]
les destroyers TRUMP et les frégates, où, pour des raisons relatives au Canada et à nos alliés, nous achetons différents systèmes radars, différents systèmes radio, différents systèmes d'armements, que nous intégrons totalement à notre technologie canadienne, qu'il s'agisse du matériel ou des logiciels. Nous sommes des chefs de file mondiaux dans ce domaine, et nous pouvons faire confiance à l'avenir pour cette raison.
• 1050
Il faut songer aux expérimentations interarmées et à la RAM
dans le contexte américain. Les Américains sont des chefs de file
mondiaux parce qu'ils ont reconnu, par la Loi Goldwater-Nickles et
leur loi sur les différentes armes, qu'ils doivent opérer ensemble
de façon plus étroite.
Où se trouve la plus grande force aérienne au monde? Chez la marine américaine. Et qu'en est-il de la force aérienne des États-Unis? La marine et leurs forces terrestres luttent pour obtenir les ressources disponibles. Comme je l'ai dit, les Américains dépensent des milliards en technologie. Notre marine canadienne ne peut suivre la marine américaine, et les forces aérienne canadiennes ne peuvent suivre les forces aériennes américaines. C'est impossible. Nous devons plutôt songer à l'intégration de la technologie.
Dans le cadre de la révolution dans les affaires militaires, on a dit aux forces armées américaines qu'elles devaient n'avoir qu'un seul système de commande et de contrôle, un seul système de communication que toutes les armes pourraient utiliser ensemble, de même qu'une seule doctrine, une doctrine conjointe, pour qu'elles puissent toutes travailler ensemble.
Ce fonctionnement est avantageux pour nous, en ce qui a trait à l'intégration technologique, mais nous devons faire preuve de beaucoup de prudence et surveiller la façon dont ils vont appliquer cette nouvelle façon de faire.
[Français]
M. René Laurin: Je ne comprends pas l'affirmation du témoin. Dans son exposé, il nous dit que l'intégration pose des problèmes, et dans sa réponse à la question que je viens de lui poser, il dit que le Canada est un chef de file et que tout va bien. Est-ce qu'il y a un problème ou s'il n'y en a pas? S'il y en a un, je voudrais que vous m'en parliez et que vous l'identifiiez.
Capt (M) Daniel McNeil: Dans la présentation écrite, on dit que l'intégration des technologies est problématique.
M. René Laurin: Oui, c'est ce que vous dites à la page 37.
Capt (M) Daniel McNeil: C'est problématique.
M. René Laurin: Dans le texte français, à la page 37 ou 39, selon la façon...
Capt (M) Daniel McNeil: Dans le cadre de la révolution des affaires militaires, dans le milieu global, avec nos alliés, il se peut que nous ayons des problèmes d'intégration, mais, comme je l'ai dit, le Canada est un chef de file.
M. René Laurin: Monsieur le président, je trouve bizarre la façon dont le témoin répond à nos questions. Le témoin fait des analyses à la Défense. Si, dans les analyses qu'il fait, il donne des réponses comme celles qu'il nous donne aujourd'hui au ministre—je ne sais s'il fait ses recommandations au général ou au ministre—, le ministre sera bien mal pris lorsque viendra le temps de prendre une décision.
Il y a des choses qui existent ou qui n'existent pas. Il affirme que l'intégration de la technologie pose des problèmes et, quand on lui pose une question là-dessus, il hésite à reconnaître que c'est cela, la vérité et à identifier les endroits où cela pose des problèmes. Il a même dit que c'était un des points faibles du Canada. Je n'ai pas inventé cela. C'est vous qui l'avez dit. En quoi est-ce un point faible du Canada? Donnez-nous des exemples? On est là pour vous aider, et non pour vous mettre en boîte. Vous semblez vouloir simplement vanter l'armée. On n'est pas ici pour la vanter, car il y a d'autres moments pour le faire. On est ici pour étudier les problèmes que l'armée peut rencontrer dans la révolution des affaires militaires et faire en sorte que le Canada s'ajuste et fasse partie du G-7.
Encore une fois, je trouve que vous semblez hésitant. Est-ce que vous êtes mal à l'aise de témoigner à ce sujet?
[Traduction]
Le président: Brièvement, capitaine McNeil, car le temps de M. Laurin est écoulé, je pense que vous pourriez lui donner un exemple d'un domaine où le Canada tire de l'arrière, ou un exemple de faiblesse du Canada en ce qui a trait à la révolution dans les affaires militaires. C'est ainsi que je comprends sa question. Est-ce la même chose pour vous?
Est-ce que quelqu'un d'autre a un exemple?
Mme Elinor Sloan: Je suis désolée si je n'ai pas bien compris, et je m'excuse de répondre en anglais, mais une des doctrines clés de la révolution dans les affaires militaires, c'est l'application grandissante du «caractère conjoint». Durant la Guerre froide, le Canada ne s'est pas penché beaucoup là-dessus, en raison de la nature de nos opérations. Notre marine collaborait avec la marine américaine dans l'Atlantique nord, nos forces aériennes collaboraient avec NORAD, et l'armée se trouvait en Allemagne.
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Il s'agissait plutôt de forces «combinées», si vous préférez,
parce que nous travaillions avec d'autres pays. Dans le cas de
forces conjointes, les trois armes collaborent ensemble.
Aujourd'hui, dans l'après-guerre froide, ce concept a pris une grande importance. Les éléments de nos trois armes cherchent à collaborer davantage. C'est ce qu'elles ont fait ces quatre ou cinq dernières années pour certaines opérations, au pays bien entendu, mais également en Somalie, dans une certaine mesure. Maintenant, nous étudions la possibilité d'avoir des systèmes de communication conjoints qui permettront aux forces aériennes, à la marine et à l'armée de terre de communiquer ensemble, parce qu'on n'a pas cherché à le faire vraiment auparavant.
Le président: Je vous remercie, monsieur Laurin.
Nous devons nous arrêter à 11 heures précises. Nous avons un autre comité.
Avant de passer à M. Peric, M. Pratt a présenté une motion. Vous l'avez sous les yeux. Le greffier en a déjà discuté avec certains d'entre vous. Il serait très utile pour le greffier et pour moi-même que nous assistions à ce symposium international, à Washington. Voilà quel est l'objet de la motion. L'opposition sera représentée. On a pris des dispositions pour le pairage, et ainsi de suite.
Veut-on débattre de la question?
Monsieur Hanger, je vous en prie.
M. Art Hanger: J'ai une question. Il s'agit bien d'une invitation du Centre d'échanges interparlementaires, n'est-ce pas?
Le président: C'est exact.
M. Art Hanger: De quel organisme s'agit-il?
Le président: Monsieur le greffier, pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet?
Le greffier du comité: Il s'agit d'un groupe d'intérêts en matière d'affaires étrangères qui se trouve ici même, à Ottawa. Ils organisent des symposiums et des activités de ce genre. Leurs activités se déroulent principalement à Ottawa et à Washington. Il s'appelaient précédemment le Centre for Foreign Affairs and Foreign Trade.
M. Art Hanger: Je vois. On va donc y traiter de questions de sécurité, de façon générale?
Le président: En fait, cette activité correspond très bien au sujet donc nous parlions aujourd'hui, soit l'incidence de la révolution dans les affaires militaires sur la sécurité.
Le greffier: Le Centre va nous envoyer davantage de documentation, et je vous la transmettrai.
Le président: D'ailleurs, si nous y allons, nous ne manquerons pas de faire un rapport de ce que nous avons vu et entendu devant le comité.
[Français]
Monsieur Laurin.
M. René Laurin: Monsieur le président, je me demande si nous pouvons prendre une décision sur cette motion. Je ne crois pas que nous ayons quorum en ce moment.
[Traduction]
Le président: Je crois que vous avez raison. Je vous remercie de nous le rappeler. Nous allons réserver la question pour notre prochaine réunion.
Monsieur Peric, nous pouvons entendre une dernière question de votre part.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Capitaine, d'après ce que j'ai entendu dire dans ma circonscription, le Canadien le plus populaire, de nos jours, c'est le ministre des Finances. Il y a quelques instants, vos propos ressemblaient aux siens: vous faisiez preuve de responsabilité en matière fiscale.
Vous avez dit que nous examinons ce qui se fait dans d'autres pays. Pourriez-vous utiliser les quelques minutes qui nous restent pour nous donner des détails à ce sujet? Également, avez-vous une opinion sur ce qu'est la position des nouveaux membres de l'OTAN? Comment compareriez-vous ces positions avec celles du reste des membres?
Enfin, selon l'expérience que vous avez de nos forces, encourageriez-vous les jeunes cadets d'aujourd'hui à poursuivre leur carrière dans les Forces armées canadiennes?
Le président: Votre réponse devra être brève, parce que nous devons lever la séance.
Capt (M) Daniel McNeil: L'OTAN tient un forum sur les meilleures pratiques en matière de développement des forces armées. Nos experts scientifiques en matière de défense y assistent chaque année et y présentent des mémoires. Il y a donc un échange d'idées sur les meilleures pratiques dans le domaine, sur la façon dont on peut faire les meilleurs investissements, sur les meilleurs outils de recherche opérationnelle et sur les méthodologies. Nous nous aidons mutuellement à mettre au point de nouvelles stratégies et à déterminer comment dépenser les sommes qui nous sont allouées de façon responsable et de la façon la plus efficiente possible.
Pour ce qui est d'encourager nos jeunes, je n'ai pas réussi à convaincre mes deux filles qu'il valait la peine d'emboîter le pas à leur père. Il y a environ un an, j'ai demandé à ma fille de 16 ans si elle était prête à songer sérieusement à s'enrôler, parce qu'elle pourrait y faire une carrière très intéressante. Sa réponse—et je la dis à titre de boutade seulement—a été: «Papa, tu ne gagnes pas assez».
Le président: Je remercie le capitaine McNeil, M. Robertson et Mme Sloan de nous avoir fait part de leurs connaissances aujourd'hui.
• 1100
En tant que président du comité, qui a effectué des travaux de
façon non partisane sur la qualité de vie, et qui a insisté pour
que davantage de fonds soient consacrés aux Forces canadiennes, je
vous remercie de vos remarques complémentaires au sujet du rapport
sur la qualité de vie, et du succès que nous avons connu pour que
le budget de lundi passé prévoie un financement accru.
Je vous remercie de votre présence. Nous vous en sommes reconnaissants.
La séance est levée.