NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 mars 2000
Le président (M. Pat O'brien (London—Fanshawe, Lib.)): La séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est ouverte.
Avant de commencer, je me permettrais de rappeler à mes collègues qu'il y a un vote de prévu avec les cloches qui commenceront à sonner aux environs de 10 h 10 ou de 10 h 15 pour un vote aux alentours de 10 h 40. Malheureusement, nous serons donc probablement interrompus, mais 10 h 40 ce n'est pas très loin de l'heure normale de fin de réunion et je suis certain que nous pourrons vous poser—je l'espère—, monsieur Addy, la majorité de nos questions.
Permettez-moi de souhaiter la bienvenue au général à la retraite Clive Addy qui vient nous parler aujourd'hui des questions relatives à un de nos sujets d'étude, la révolution dans les affaires militaires, en mettant particulièrement l'accent sur le projet de système de défense antimissiles.
Vous pouvez aussi bien aborder la question de la RAM ou de la défense antimissiles ou les deux, comme il vous conviendra. C'est simplement pour vous donner une idée du contexte. Notre étude porte sur la RAM et certains témoins ont choisi de se concentrer sur le système de défense antimissiles et d'autres non.
C'est certes avec grand plaisir que nous entendrons votre témoignage. Soyez le bienvenu, monsieur.
Le major-général Clive Addy (retraité) (président national, Fédération des instituts militaires et interarmées du Canada): Je vous remercie infiniment, monsieur le président. En fait, je parlerai de la RAM mais ce sera le point de vue d'un profane, comme la majorité d'entre nous le sont. En d'autres termes, que recouvre cette expression à la mode et quelles en sont les limitations?
Monsieur le président, je m'étais fixé comme objectif aujourd'hui de vous parler de ce que la Fédération des Instituts militaires et interarmées du Canada que je représente considère comme un problème, à savoir que la Stratégie de défense 2020 et la priorité donnée à la RAM sont un peu vagues et peuvent aboutir à des résultats que nous ne souhaitons peut-être pas pour la défense de notre pays.
Monsieur le président, vous devriez avoir reçu mon mémoire il y a environ deux semaines et demie. J'ose espérer que certains d'entre vous ont eu le temps d'y jeter un coup d'oeil. Si vous me le permettez, je vous lirai simplement la première partie et peut-être celle consacrée à la RAM que vous trouverez à la page 3 puis je sauterai directement aux conclusions qui traitent plus directement du genre de questions que vous souhaiterez peut-être me poser. Encore une fois, je répète que ma connaissance de la technologie n'est que celle d'un généraliste et non pas d'un scientifique ou d'un technicien. Je répète également que ce qui m'intéresse avant tout c'est la sécurité du Canada et sa participation aux diverses alliances dont il est membre.
Les Instituts militaires estiment que les Forces canadiennes amorcent un virage fondamental en matière d'organisation et de doctrine dans le cadre de la Stratégie de défense 2020—et c'est aussi largement mon avis. Cette stratégie marque la mise à l'écart des fondements stratégiques et équilibrés sur le plan militaire de la politique gouvernementale exposée dans le Livre blanc sur la défense de 1994, qui jouissait de nombreux appuis. Ce livre blanc était, dans une large mesure, le produit de l'excellent travail du Comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada.
Il était bien perçu dans les milieux de la défense au Canada. Depuis sa publication, il a fait l'objet d'une révision par chacun des ministres de la Défense, qui l'ont jugé valable. Ce jugement favorable était attribuable, dans une large mesure, à l'orientation des Forces canadiennes vers un potentiel de combat polyvalent apte à générer des forces en prévision de toutes les éventualités ou opérations, y compris une guerre conventionnelle totale.
À mon avis, on est en train de déplacer ou même d'abandonner ce potentiel de combat polyvalent au profit d'un nouveau potentiel expéditionnaire militaire à «créneau étroit», visant principalement les conflits de petite ou de moyenne envergure. Les coûts élevés liés au recours à la haute technologie risquent d'entraîner un rétrécissement des effectifs et ce nouveau potentiel expéditionnaire ne répondra pas à nos besoins nationaux. Aux yeux des hauts dirigeants du ministère, de nombreux facteurs justifient de nouvelles forces militaires à haute technologie. Il y a également de sérieuses défaillances dans la Stratégie 2020 qu'il faut examiner avant d'amorcer le virage, mettant en doute le bien-fondé de l'abandon du livre blanc sur la défense.
C'est ma thèse.
Ensuite, je fais un petit récapitulatif de ce qui s'est passé depuis la publication du livre blanc mais je ne pense pas avoir grand-chose à vous apprendre. Donc pour les interprètes, si vous voulez bien me suivre, je saute à la page 3.
• 0905
Il est clair que le manque chronique de financement et la mise en
oeuvre partielle du livre blanc ont eu un impact majeur sur le
Guide de planification de la défense 2000 et la Stratégie de
défense 2020. Cet impact confine au désespoir causé par la
flagellation fiscale continue des dirigeants du MDN. Dans le Guide
de planification de la défense 2000, un document ministériel, et
non une politique gouvernementale, qui porte principalement sur le
financement des cinq premières années de la Stratégie de Défense
2020, on déclare que «la part du produit intérieur brut que
représente la défense se maintiendra juste au-dessus du plafond de 1
p. 100».
De plus, on affirme que:
-
Si nous continuons de répartir les affectations budgétaires entre
le personnel, le fonctionnement et l'entretien comme nous le
faisons maintenant, notre budget d'immobilisations s'amenuisera et
nous ne pourrons aisément ni rééquiper ni moderniser les Forces
canadiennes.
Un peu plus loin dans ce document du vice-chef d'état-major on affirme que:
-
Les coûts liés au personnel absorbent une part grandissante du
budget de défense, largement aux dépens des immobilisations.
Le ton du Guide de planification de la Défense 2000 est très clair. Sans fonds additionnels, les forces canadiennes seront obligées de procéder à de nouvelles réductions d'effectifs et feront face à la désuétude progressive. Le problème c'est que les effectifs des Forces canadiennes avaient déjà été réduites à 60 000 alors que l'effectif recommandé en 1994 était de 67 000. Le livre blanc parle de 60 000. De nombreux experts continuent à croire que les 66 700 recommandés par le comité mixte spécial en 1994 reste le chiffre minimum.
En ce qui concerne la stratégie de défense, si vous le voulez bien, monsieur le président, je saute à la page 4.
Il y a plusieurs sources de préoccupation. La première que j'aimerais souligner est que si on suit toutes les recommandations technologiques, en provenance principalement des États-Unis... Il y a très peu de forces armées, y compris celles des États-Unis, qui puissent payer toutes ces avancées technologiques ou toutes ces utilisations.
Deuxièmement, vous noterez que le professeur Treddenick, que je cite, dit dans son étude que dépenser plus d'argent en matériel et intégrer les recommandations de la RAM au sujet desquelles il n'y a rien à redire, selon lui, impliqueraient soit une augmentation de notre budget soit une sérieuse diminution de nos effectifs. Selon les chiffres qu'il utilise, il faudrait réduire nos effectifs de 60 000 à 29 000—diminution non négligeable et très ciblée.
Il est évident qu'aucun pays de l'OTAN, et tout particulièrement le Canada, ne peut se payer tous ce qu'implique la RAM. Ce qu'il faut se demander c'est ce que cela signifie et quels éléments sont vitaux pour nous et comment choisir.
Permettez-moi de vous lire ce que je dis sur les sources de préoccupation. Les hauts dirigeants du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes semblent avoir décidé de s'embarquer mais il y a de nombreux facteurs à considérer avant d'amorcer le voyage menant à la RAM.
Premièrement, il y a une préoccupation envers l'évaluation stratégique sur laquelle prend appui la Stratégie de Défense 2020 et le guide du vice-chef d'état-major. À mon avis, elle est peut-être trop bienveillante. Deuxièmement, la Stratégie de Défense 2020 comporte des considérations liées à la politique étrangère. Troisièmement, les coûts associés à la RAM pourraient faire en sorte qu'elle soit inabordable pour le Canada. Enfin, il y a de sérieuses répercussions opérationnelles à l'adoption d'une force qui compte trop sur la RAM.
L'évaluation stratégique préparée dans le cadre de la stratégie de défense donnait un aperçu stratégique très optimiste des défis que le Canada pourrait avoir à relever durant les 20 premières années du XXIe siècle. Toute l'analyse exposée dans la Stratégie de Défense 2020 est axée sur l'hypothèse que les États-Unis demeureront la puissance militaire dominante pour un avenir prévisible. Elle affirme que les conflits ethniques et religieux, les disparités économiques et l'épuisement des ressources stratégiques continueront de menacer la stabilité régionale, et entraîneront des missions d'intervention humanitaire telles que celles menées dans les Balkans, au Timor-Oriental et en Afrique. Notre premier ministre lors de sa visite en Israël a promis publiquement de participer à un déploiement de forces des Nations Unies si cela s'avère nécessaire, ce qui fera encore une mission de plus.
De plus, ils affirment que la prolifération des armes de destruction massive et de leurs systèmes de lancement demeurera une menace à l'harmonie mondiale et soulignent l'importance de la haute technologie et de la révolution dans les affaires militaires.
La Stratégie de Défense 2020 souligne aussi que le terrorisme cybernétique et biologique ainsi que de nombreuses autres menaces asymétriques (les attaques militaires non conventionnelles, ciblant habituellement des objectifs économiques) sont de nouveaux phénomènes qui menacent les intérêts canadiens à l'avenir.
• 0910
Enfin, en raison de la position des États-Unis à titre de première
puissance militaire mondiale, le Canada aurait jusqu'à cinq ans de
préavis avant l'émergence d'une menace militaire conventionnelle
significative sur la scène internationale. Cette perspective est
appuyée par le vice-chef d'état-major lorsqu'il affirme que:
-
Aucune menace militaire conventionnelle directe ou immédiate ne
pèse sur le Canada. Par ailleurs, le risque d'un conflit
planétaire, pouvant donner naissance à une telle menace, est
infiniment faible.
Le Congrès des associations de la Défense a publié cette année sa propre évaluation stratégique et elle est beaucoup moins bienveillante. Comme la Stratégie de Défense 2020, elle affirme que les États-Unis sont la première puissance mondiale. Elle affirme aussi qu'il y aurait un risque accru d'opérations d'imposition de la paix en raison de l'éclatement des États-nations, découlant des mêmes phénomènes que ceux énumérés dans les évaluations ministérielles. De plus, le Congrès met aussi en lumière l'émergence de menaces asymétriques à la sécurité canadienne.
Toutefois, l'évaluation du Congrès différait des évaluations stratégiques du ministère de la Défense nationale en ce qui a trait à la possibilité d'un grave conflit militaire conventionnel. Dans le résumé, les auteurs de l'évaluation du Congrès écrivent que la sécurité mondiale dans l'avenir sera liée aux intérêts des principaux intervenants, tels que les États-Unis, une Russie rétablie, la Chine, le Japon, l'Inde et peut-être une Europe unifiée. Il existe plusieurs possibilités de conflits au sein de ce groupe. Ainsi, l'évaluation du Congrès n'écartait pas la possibilité de conflits majeurs ou de conflits inter-États, contrairement aux évaluations ministérielles. Bien que la menace au sein du territoire canadien puisse sembler relativement inoffensive, la menace à l'extérieur du pays demeure importante, selon le document du Congrès.
Les documents ministériels et l'évaluation du Congrès sont le fruit d'autorités reconnues au sein des milieux de la défense. Les évaluations du ministère de la Défense nationale étaient plus bienveillantes tandis que celles du Congrès étaient plus sévères.
L'an dernier, nous avons vu un grand nombre de menaces et de sources d'instabilité comme dans les Balkans et au Kosovo. Nous avons vu une campagne aérienne graduelle ainsi que l'utilisation de forces navales et terrestres à une envergure moins grande que celle exigée dans le Livre blanc; et pourtant, nous reconnaissons que nous sommes incapables de maintenir des opérations d'une telle envergure. Qui aurait prédit que la situation au Kosovo pourrait se transformer aussi rapidement en une guerre régionale majeure? Nous avons vu le déploiement d'une force conjointe au Timor-Oriental avec les Australiens. La Russie s'est engagée dans une guerre terrestre en Tchétchénie. L'Inde et le Pakistan ont livré bataille encore une fois au sujet du Cachemire, un conflit qui encore une fois risque de se transformer en une guerre régionale majeure. La Chine est en conflit avec Taïwan, contrariée par les propos du président Lee qui a demandé des relations d'État à État. Personne ne peut prédire l'avenir. Au cours des six derniers mois, en Russie, il y a eu des changements de politiques et la multiplication par deux du budget de défense. Bien qu'il ne s'agisse pas de menaces directes, c'est un indicatif de ce qui se passe dans plusieurs pays du monde. C'est bénin mais pas tant que cela.
Tous conviennent que la mondialisation a fait en sorte que le Canada et les Canadiens sont actifs partout dans le monde. Le Canada fait partie de l'OTAN, de l'Accord canado-américain sur la défense (le NORAD en est un volet), des Nations Unies et du G-8, et à ce titre ne peut s'isoler du reste du monde.
Pour ceux qui suivent mon texte ou qui écoutent l'interprétation, je saute ce qui suit pour arriver à la page 15 de la version anglaise et à la page 7 de la version française, ma conclusion.
La Fédération des instituts militaires et interarmées du Canada estime que les principes fondamentaux du Livre blanc sur la défense de 1994 demeurent valables aujourd'hui. Le Canada doit organiser et équiper les Forces canadiennes en vue des types d'opérations que, en toutes probabilités, elles auront à mener à bien. Il faut que les Forces canadiennes soient combinées, crédibles, modernes, flexibles et, je souligne, soutenables. Le Canada ne doit pas déployer ce qu'il ne peut pas soutenir. Nous devons être en mesure de projeter de la puissance et de l'influence à l'étranger avec nos alliés. Les Forces canadiennes doivent être aptes à opérer de concert avec nos alliés, notamment dans le cadre d'opérations de coalition avec les États-Unis et d'autres pays qui partagent nos principes.
Il faut que nos forces militaires de taille moyenne comportent un volet RAM, mais, et je souligne, la RAM ne doit pas dominer l'organisation entière de nos forces, ni compromettre la politique actuelle du Canada, le livre blanc sur la défense, sans procéder d'abord à un minutieux examen public à l'échelle du pays. Nous devons conserver le potentiel de faire une guerre.
• 0915
Comme l'a signalé le major-général Lewis MacKenzie au sujet de notre
approche à l'engagement de troupes en vue des opérations des Nations
Unies, nous nous organisons continuellement en fonction du scénario le
plus optimiste en espérant que tout aille bien.
La stratégie 2020 est un autre exemple dangereux de la même maladie, mais à une échelle plus grande. Le Canada doit se doter du potentiel requis pour réagir et augmenter ses effectifs si jamais l'évaluation stratégique bienveillante s'avère fausse. Le Canada doit miser sur des forces de réserves efficaces, les financer et veiller à leur développement; elles seront la pierre d'assise d'une mobilisation nationale en cas de désastre ou de guerre d'envergure.
Il faut que les Forces canadiennes puissent augmenter leurs effectifs en vue d'engager le combat dans les conflits à grande échelle, au-delà des deux groupements tactiques ou brigades que nous n'arrivons plus à soutenir. Pour se doter d'une telle organisation, les Forces canadiennes ont besoin d'un apport immédiat de fonds supplémentaires d'au moins 900 millions de dollars par année. Comme vous le savez, le budget du 28 février—c'est-à-dire après que j'ai écrit mon texte—nous en a donné à peu près la moitié.
Surtout, il ne faut pas que les effectifs des Forces canadiennes tombent en dessous du plafond actuel de la force régulière, fixée à 60 000 soldats, marins et aviateurs. De plus, je crois que les Forces canadiennes devraient réexaminer, accroître et financer son potentiel de réserve au-delà des niveaux prévus dans le livre blanc et procéder ainsi dans tous les services.
Je conclus en disant que la stratégie 2020 mise sur une seule option: le déploiement rapide d'envergure limitée et peu soutenu. J'estime que des forces armées misant sur une seule option ne correspondent pas à la politique de défense nécessaire au Canada au XXIe siècle.
Monsieur le président, vous avez changé.
Le vice-président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib)): Oui, il y a eu une transformation.
Mgén Clive Addy: Monsieur le président, ceci conclut ma présentation officielle. Vous avez mon document. Je suis prêt à répondre à toutes questions s'y rattachant. Si vous aimeriez avoir une explication sur quelque chose d'autre, je suis prêt à répondre à n'importe lesquelles de vos questions.
Le vice-président (M. David Pratt): Je vous remercie infiniment de votre témoignage, général Addy.
Nous passons aux questions des deux côtés de la table, en commençant par M. Laurin pour sept minutes.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le président, j'aimerais que le général Addy me donne des précisions au sujet de l'institution qu'il représente, soit la Fédération des instituts militaires et interarmées du Canada. Quel est le rôle de cette fédération?
Mgén Clive Addy: Cette fédération regroupe 29 institutions établies au Canada, dont deux au Québec, une à Montréal et l'autre à Québec.
M. René Laurin: Quelles sont-elles?
Mgén Clive Addy: Ce sont l'Institut militaire de Québec et l'Institut militaire de Montréal. Comme vous le savez, les membres de l'Institut militaire de Québec se rencontrent à l'édifice de la Citadelle. Notre fédération regroupe environ 9 000 officiers retraités des forces canadiennes et membres de la Gendarmerie royale.
M. René Laurin: Ah bon. Ces membres sont-ils tous des personnes retraitées?
Mgén Clive Addy: La majorité d'eux sont retraités. Dans certains instituts, dont celui de Québec, plusieurs membres de la force régulière assistent aux réunions et présentations qu'on y donne de temps à autre.
M. René Laurin: Est-ce plus qu'un club social?
Mgén Clive Addy: C'est en grande partie un club social, bien que cette fédération poursuive un autre but bien précis, soit de sensibiliser la population à la sécurité du Canada et d'assurer le bien-être des forces canadiennes. Ça va?
M. René Laurin: Oui, merci. Mon autre question est d'ordre technique et porte sur votre exposé. Vous avez dit que l'armée canadienne n'avait pas les armes à tir indirect ou l'artillerie à longue portée dont elle a besoin pour soutenir les forces terrestres. Qu'est-ce que vous entendez par des armes à tir indirect?
Mgén Clive Addy: Il s'agit de canons et d'autres pièces d'artillerie.
M. René Laurin: Quand on utilise les canons d'artillerie, ne tire-t-on pas directement sur l'ennemi? Est-ce bien cela que vous avez dit?
Mgén Clive Addy: Non.
M. René Laurin: Que signifie un tir indirect?
Mgén Clive Addy: Lorsqu'on fait un tir direct, la balle se déplace en suivant une ligne parallèle au sol, tandis que lorsqu'on fait un tir indirect, la trajectoire est non linéaire.
M. René Laurin: Cela ne veut pas dire qu'on envoie un boulet de canon sans avoir de cible précise?
Mgén Clive Addy: Ah non, non. J'espère qu'on n'a pas l'habitude de faire cela, monsieur Laurin.
M. René Laurin: Vous savez que je ne suis pas un militaire et que le tir indirect ne m'est pas familier.
Mgén Clive Addy: Non, c'est ce que cela veut dire.
M. René Laurin: Je me demandais si en voyant l'ennemi, on tirait à côté juste pour lui faire peur.
Mgén Clive Addy: Non, non. Par exemple, on peut camoufler un canon dans un endroit qui ne sera pas visible à partir de la cible et tirer de façon indirecte sur la cible.
M. René Laurin: D'accord. Je vous remercie de cette information.
Mgén Clive Addy: Cela m'a fait grand plaisir.
M. René Laurin: J'espère que mon ignorance ne vous a pas trop mal paru.
Mgén Clive Addy: Pas du tout.
M. René Laurin: Dans votre mémoire, vous indiquez que les principes fondamentaux du Livre blanc sur la défense demeurent valables aujourd'hui.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. René Laurin: Par contre, vous dites ailleurs que l'armée canadienne n'a pas ce qu'il faut pour répondre aux principes du Livre blanc.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. René Laurin: Alors, de deux choses l'une: soit qu'on réexamine les principes du Livre blanc pour déterminer si on les maintient, soit qu'on donne à l'armée les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs du Livre blanc.
Mgén Clive Addy: C'est la thèse que je soutiens, monsieur Laurin.
M. René Laurin: Vous nous avez donné quelques exemples de promesses qu'on avait énoncées dans le Livre blanc et qu'on n'a toujours pas tenues, dont le remplacement des Sea King par de nouveaux hélicoptères. Vous disiez qu'il fallait également remplacer des destroyers TRUMP d'ici une dizaine d'années et des navires de soutien multirôles.
Compte tenu de l'évolution et de la révolution dans...
Mgén Clive Addy: Dans les affaires militaires.
M. René Laurin: ...les affaires militaires, est-ce qu'il faut continuer de s'asseoir sur ses principes et dire que puisqu'on ne fait plus la guerre de la même façon qu'on la faisait il y a 10 ou 20 ans, on décide de rester dans cette conjoncture et de maintenir des principes qui sont peut-être périmés? Ces principes étaient peut-être valables au moment où on les a formulés, mais si on ne fait plus la guerre de la même façon, est-ce qu'il faut s'y accrocher ou plutôt réviser nos positions là-dessus?
Mgén Clive Addy: C'est une très bonne question, monsieur Laurin. Mon institut et moi croyons que les principes du Livre blanc de 1994 sont encore valables et que s'il faut qu'il y ait débat, eh bien, qu'il y ait débat. On ne devrait pas décider de changer toute l'orientation des forces canadiennes en se basant uniquement sur un document émanant du ministère et sans avoir tenu un débat sur la politique militaire. Est-ce que vous comprenez bien ce point de vue?
M. René Laurin: Oui.
Mgén Clive Addy: Un fois qu'au aura eu ce débat sur la politique militaire, j'espère—que Dieu me bénisse—qu'on affectera les fonds nécessaires à cette politique militaire. À l'heure actuelle, nous avons une politique militaire à laquelle ne sont pas rattachés les fonds nécessaires. Le ministère cherche à lui seul une autre orientation fondée sur des principes d'actualité, en l'absence d'une politique entérinée par le Parlement.
M. René Laurin: Dans son Livre blanc de 1994, le gouvernement disait que le Canada devait être prêt à faire la guerre contre les meilleurs et à côté des meilleurs.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. René Laurin: On avait établi que des effectifs de l'ordre de 60 000 à 70 000 soldats étaient nécessaires et, à un moment donné, on a même eu près de 100 000 soldats.
Si des effectifs en personnel aussi importants ne s'avèrent plus nécessaires parce que la guerre se fait à coup de moyens plus modernes, comme les lasers ou les missiles téléguidés, ne faut-il pas se rendre à l'évidence et dire que demain matin, l'armée ne devrait plus compter 60 000 hommes, mais peut-être seulement 30 000?
Mgén Clive Addy: Monsieur Laurin, je suis absolument d'accord si on fait une analyse qui prouve que cette thèse se tient. Mais cette analyse doit être faite au niveau national également. Si nous comparions notre programme de sécurité actuel à celui des autres pays de l'OTAN, les sommes que nous y affectons, ainsi que le nombre de personnes dans la force régulière et dans la réserve, nous pourrions peut-être juger que nous pouvons diminuer nos effectifs et avoir un élément absolument parfait qui serait capable de ne presque rien faire et qui n'aurait aucune influence. C'est face à cette tendance-là que je mets un petit point d'interrogation.
Des effectifs de 60 000 soldats ne sont pas énormes. Lorsqu'on compare nos effectifs en personnel et nos dépenses en matière de défense au volume qu'y consacrent les autres pays démocrates qui font partie du G-8, peut-on dire qu'on fait notre part, monsieur Laurin? Soixante mille soldats, c'est le minimum. C'est même inférieur au minimum qu'on a essayé de définir en 1964, soit 67 000 soldats. On examine le budget de la défense uniquement en fonction d'un budget, en l'absence de principes. On confie au ministère de la Défense la tâche d'assurer la sécurité du Canada et il fait de son mieux. Je ne critique pas les militaires qui tentent de définir ce qu'ils peuvent faire dans les limites du budget qu'on leur a accordé, mais je souligne l'importance de réorienter la politique de la défense. Il faut absolument qu'il y ait un débat sur cette réorientation de la politique de défense. Qu'est-ce que le Canada veut de la part de ses militaire pour assurer sa sécurité? Le débat n'a pas changé à ce niveau.
M. René Laurin: Mon général, on peut comparer cela à l'identité européenne de sécurité et de défense. On songe à mettre sur pied une armée d'environ 60 000 hommes pour tous les pays de l'Union européenne.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. René Laurin: Alors que...
Mgén Clive Addy: Et on parle d'une réserve de combien d'hommes, monsieur Laurin?
M. René Laurin: Je ne m'en souviens pas très bien. D'ailleurs, je ne sais même pas si on parle de réserve au niveau de l'Union européenne.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. René Laurin: Je sais toutefois qu'on parle d'une armée de 60 000 hommes qui seraient prêts au combat.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. René Laurin: Ils seraient prêts à se déplacer sur différents théâtres de guerre. Le Canada à lui seul aurait les mêmes effectifs de 60 000 hommes en plus d'une réserve.
Mgén Clive Addy: J'ose préciser, monsieur Laurin, qu'ils sont prêts à se doter d'une force déployable de 60 000 soldats.
M. René Laurin: Oui.
Mgén Clive Addy: Nous n'avons pour notre part qu'un bataillon déployable.
[Traduction]
Le vice-président (M. David Pratt): Monsieur Laurin, malheureusement je dois vous interrompre. Vous avez déjà dépassé votre temps d'au moins une minute.
Monsieur Earle, vous avez des questions?
[Français]
M. René Laurin: J'interviendrai à nouveau au deuxième tour.
[Traduction]
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Oui.
Le vice-président (M. David Pratt): Je vous en prie.
M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.
Vous avez parlé du caractère dominant de la puissance américaine et vous avez également parlé de l'importance du maintien de nos relations internationales et de la coopération avec d'autres pays. Étant donné que les États-Unis sont la principale force derrière la RAM, et notre principal allié, quel genre d'entente de coopération voyez-vous entre nos militaires et les militaires américains? Je pense ici tout particulièrement au système de défense antimissiles projeté par les États-Unis. Vous avez peut-être quelque chose à nous dire sur ce sujet.
Mgén Clive Addy: Je devrais commencer par vous dire, si vous me le permettez, monsieur, qu'ayant été officier de blindés j'ai eu très peur des missiles pendant toute ma carrière. Si c'est le système de défense antimissiles qui vous intéresse, je crois que vous avez entendu comme témoin il n'y a pas longtemps, le général George MacDonald, un ami personnel et le commandant adjoint du NORAD. J'ai lu tous ses documents et j'ai aussi lu tous les documents du commandant en chef du NORAD.
Je crois qu'il suffit de lire le livre blanc ou de lire tout autre document pour comprendre que la défense de notre pays est la mesure la plus importante pour notre sécurité et que le NORAD est partie intégrante de la défense de notre pays. Il faut donc prendre en compte l'évolution du NORAD tout comme l'évolution de l'armée ou de la marine.
Le système de défense antimissiles balistiques soulève certaines questions sur le plan de la politique internationale que le Canada devra résoudre, à savoir si ce système constitue une violation du traité sur les armements conclu avec l'Union soviétique, si les négociations se dérouleront bien, etc. En fait, l'important, c'est que nous devons assumer nos responsabilités dans le cadre du NORAD si nous voulons être un allié crédible, faute de quoi nous devrons protéger notre souveraineté sur notre propre territoire.
Pour répondre à votre question précise, je pense que c'est un élément important. Sinon, il suffit de se rappeler certaines choses qui se sont produites pendant la crise cubaine. Je ne pense pas que vous souhaitiez que cela se produise à nouveau, en tant que Canadiens—aucun contrôle à l'égard des missiles et des armes qui survolent votre pays.
M. Gordon Earle: Très bien. Vous avez dit aussi que, à votre avis, il devrait y avoir un volet de la RAM dans notre...
Mgén Clive Addy: Je ne préconise pas d'en revenir à la méthode forte.
M. Gordon Earle: C'est bien, mais vous dites aussi que, à votre avis, cela ne devrait pas dominer notre stratégie militaire.
Mgén Clive Addy: C'est bien ce que j'ai dit.
M. Gordon Earle: Comment fixer une limite à cette domination, surtout si nous appuyons parfois de façon automatique les actes de la puissance supérieure que représentent les États-Unis? Si c'est eux qui prennent les décisions, comment pouvons-nous contrôler notre degré de participation à la RAM?
Mgén Clive Addy: Si je lis attentivement les remarques du général MacDonald, je pense qu'il y a certains éléments qui restent à définir. Nous devons renouveler notre engagement à l'égard du NORAD en mai 2001, sauf erreur, et nous devons donner 12 mois d'avis. Ma montre me dit que cela nous laisse très peu de temps pour nous décider à ce sujet.
Que faut-il en déduire? Quelle est la répercussion d'un système de défense antimissiles balistiques en l'occurrence? Le Canada devrait participer à cet examen et prendre une garantie hypothécaire à cet égard quant aux répercussions que cela a sur les relations internationales avec l'Union soviétique.
• 0930
J'ai parlé de la question de l'Union soviétique. Vous devez savoir
que le budget de la Russie vient de doubler, et que tous les citoyens
du pays doivent faire du service à l'école secondaire—et tout cela
s'est fait au cours des six derniers mois. Et M. Poutine, grâce à
l'appui de l'armée, vient tout juste d'être élu.
Ce ne sera donc pas une tâche facile. Si vous attendiez une réponse ferme et précise de la part d'un membre de régiment de blindé à la retraite, je crains que vous ne soyez déçu. Je suis toutefois conscient des difficultés.
L'essentiel, c'est que nous participions au système de défense de notre partie de l'Amérique du Nord avec les Américains. Nous ne pouvons pas fermer les yeux et prétendre que nous sommes gentils et refuser d'y prendre part, car il y a toujours des risques. On peut y croire plus ou moins, mais il y a toujours des risques et nous devons donc y participer.
M. Gordon Earle: Vous avez parlé également de l'importance des forces de réserves et de l'idée de financer et entretenir une force de réserves efficace à laquelle on fera appel en cas de mobilisation nationale. J'ai remarqué tout dernièrement qu'il était question de réduire certaines unités de milice qui existent actuellement et je me demande ce que vous en pensez. Je pense particulièrement au Régiment de carabiniers de Halifax, dans ma région. Je sais que les responsables ont fait valoir des arguments pour essayer de faire rétablir ce régiment, mais en vain. Au lieu de créer de nouveaux services, il semble que nous les réduisons.
Que pensez-vous de cette question par rapport à...
Mgén Clive Addy: Tout d'abord une remarque d'ordre personnel. Le général Ned Amey ne cesse de me réprimander... pour que j'aille consulter les archives et trouver des renseignements au sujet du Régiment de carabiniers de Halifax.
Sur une note plus sérieuse, à savoir ce que je pense des forces de réserves, ce qui m'a préoccupé essentiellement dans la Stratégie 2020, c'est qu'on y met l'accent sur les forces armées qui existent. Si l'on essaie de lire entre les lignes, on constate qu'il est très peu fait état des réserves si ce n'est pour ce que nous appelons l'augmentation, soit le remplacement individuel.
Si l'on considère l'état des réserves à l'heure actuelle, je peux vous dire en un mot que—prenons l'exemple de la milice—elles devraient avoir des effectifs de 18 000 membres et ne peuvent en recruter que 11 000. Pour quelle raison? D'où vient le problème? Eh bien, ce n'est pas une affaire intéressante lorsqu'on n'a pas de financement ni le matériel nécessaire dans les manèges militaires.
La réorganisation de tout cela est-elle importante? Je pense que oui. Je pense qu'elle est très importante. Toutefois, il y a une question fondamentale qu'il nous faut nous poser, à savoir quel est le rôle de ces forces de réserves. Nous devons faire en sorte qu'elles ne servent pas uniquement à fournir des soldats pour participer à des opérations comme celles du Timor-Oriental et du Kosovo. Quel est ce rôle? Il faut que ce soit bien clair.
En second lieu, si l'on procède à une restructuration et que l'on supprime un régiment qui existait depuis plus d'une centaine d'années, et que l'on dise: «Vous n'existez plus parce que nous allons constituer une autre unité», assurons-nous que l'autre unité qu'on constitue est bien équipée, bien dotée en personnel, bien entraînée et motivée, et qu'elle dispose des ressources nécessaires. Il faut surtout éviter d'avoir une version restreinte de ce qui existe aujourd'hui, car ce serait inutile.
Parallèlement, vous verrez que, en l'an 2020, on compte sur une force de réserves qui ne sera pas suffisante pour s'autorenouveler. Si on pense au long terme, c'est une force qui va s'autodétruire. C'est absurde.
Voilà donc mes critiques et mes idées. Il faudrait prévoir des forces de réserves plus importantes à mesure que le besoin de forces régulières diminue. Je pense que c'est nécessaire.
M. Gordon Earle: Et enfin... Me reste-t-il une minute?
Le vice-président (M. David Pratt): Monsieur Earle, c'est terminé pour vous, malheureusement.
M. Gordon Earle: Très bien, merci.
Le vice-président (M. David Pratt): Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, major-général Addy, de votre présence. Nous apprécions toujours de vous entendre.
Monsieur Earle, le Régiment de carabiniers de Halifax a été démantelé en même temps que 80 autres unités en 1954, environ, dont la mienne, et je ne demande pas que mon 45e Medium soit rétabli. Vous allez donc avoir certaines difficultés, car il y a environ 80 autres personnes qui veulent la même chose. C'est un aparté.
Major-général Addy, à votre avis, aurait-on dû reconstituer le régiment aéroporté?
Mgén Clive Addy: Tout dépend du genre de capacité que nous voulons avoir. Si vous me demandez un avis honnête, je ne crois pas qu'on aurait dû le démanteler, si c'est là que vous voulez en venir.
M. John O'Reilly: Non, je conviens avec vous...
Mgén Clive Addy: S'il existe un besoin d'une unité légère de ce genre, je crois qu'il faudrait en constituer une.
M. John O'Reilly: Pour ma part, j'ai pense que le démantèlement du régiment aéroporté était une erreur...
Mgén Clive Addy: Oui.
M. John O'Reilly: ... parce qu'il avait une capacité d'intervention rapide et était prêt pour l'action.
Votre suggestion en vue de remplacer le char Leopard me pose toutefois des problèmes. Je sais que vous faisiez partie d'un régiment blindé, et je vais donc peser mes mots, en tant qu'artilleur...
Mgén Clive Addy: Non, allez-y, je vous en prie.
M. John O'Reilly: ... mais lorsqu'on a vu ce qui s'est passé pendant la guerre du Golfe, où les champs et les déserts étaient jonchés de chars qui n'avaient absolument aucun moyen de défense contre les AWACS, les missiles intelligents, les systèmes de communication par satellite. En me rendant à Cheyenne Mountain à Colorado Springs, j'ai constaté que tout le système de protection et d'attaque des États-Unis se fonde sur les satellites et non sur les observations terrestres, ni même sur les AWACS. Je pense que les Américains mettent davantage l'accent sur l'attaque venant de l'espace.
• 0935
Je me demande dans ces conditions, pourquoi, à votre avis, il nous
faut des chars d'assaut. D'abord, je pense qu'ils n'ont pas été
appelés à intervenir lors des conflits récents parce qu'ils servent de
cibles mobiles pour tout ce qui vole. Lors de la Seconde Guerre
mondiale, les chars d'assaut ont peut-être joué un rôle important,
mais je ne vois pas comment aujourd'hui ils pourraient être utiles
dans le genre de combats que l'on mène, ce qui nous ramène à la RAM et
à la restructuration des forces.
Vous dites par ailleurs que vous avez perdu votre capacité de faire le plein en vol et que vous n'avez pas de capacité d'emport instantané. Je me demande si vous êtes déjà allé à Colorado Springs...
Mgén Clive Addy: Oui, je suis allé.
M. John O'Reilly: ... et à Cheyenne Mountain.
Mgén Clive Addy: Oui, je suis allé.
M. John O'Reilly: Je me demande comment vous pouvez penser que les chars d'assaut pourraient jouer un rôle dans la guerre.
Quoi qu'il en soit, je vais vous laisser répondre à certaines de ces questions. Voilà quelles étaient mes préoccupations après une visite là-bas.
Mgén Clive Addy: Puis-je commencer par dire tout d'abord que j'aimerais toujours être du côté gagnant.
M. John O'Reilly: Oui.
Mgén Clive Addy: Et lorsque je suis du côté gagnant...
M. John O'Reilly: Il n'y a pas de problème.
Mgén Clive Addy: ... les chars d'assaut sont extrêmement utiles.
Prenez par exemple les Russes qui vont actuellement en Tchétchénie: que cela vous plaise ou non, ils utilisent des chars d'assaut. C'est la même chose au Kosovo, si je peux parler de cet endroit plutôt que du Golfe, où le terrain est extrêmement plat extrêmement bien choisi—n'importe quel théoricien des armes blindées aurait adoré se trouver là-bas—il y avait des chars d'assaut des deux côtés, des chars d'assaut qui n'avaient pas la protection de la défense aérienne dont ils avaient besoin et des chars d'assaut qui avaient cette protection, et ils ont également joué un rôle important dans la victoire qui a été remportée rapidement dans la guerre du Golfe.
M. John O'Reilly: C'est la différence entre se battre contre les États-Unis et être de leur côté.
Mgén Clive Addy: Oui. J'ai dit tout d'abord que j'aimais toujours être du côté des gagnants, mais lorsqu'on est du côté des gagnants, il vaut mieux se présenter avec le matériel nécessaire pour faire tout le travail. «Faire tout le travail» inclut également la victoire sur le terrain, et les chars d'assaut font partie de la victoire sur le terrain.
Mais, monsieur O'Reilly, permettez-moi de m'arrêter ici. Le char d'assaut est un mécanisme. Je ne suis pas marié au char d'assaut. Le char d'assaut est une pièce protégée qui peut faire feu et qui offre un appui-feu direct à l'infanterie. Voilà ce qu'est un char d'assaut. Si nous pouvons trouver et concevoir, dans la Révolution des affaires militaires, une meilleure façon de faire cela 24 heures sur 24, alors je serai le premier a en acheté un, mais à l'heure actuelle il n'y a pas d'autre façon de le faire. Tant que nous n'aurons pas trouver quelque chose pour remplacer cette capacité, il sera toujours nécessaire d'avoir des chars d'assaut sur le champ de bataille. L'hélicoptère d'attaque fait une partie du travail et les nouvelles armes antichars en font une partie, mais jusqu'ici leur travail n'est pas le même.
Il y a une anecdote que les gens vont vous raconter. Nous avons envoyé des chars d'assaut au Kosovo et nous avions nos véhicules de reconnaissance là-bas qui parcouraient les routes. Ce qui est bien, des véhicules de reconnaissance, c'est qu'ils sont silencieux et qu'ils n'ont pas d'impact. Cependant, lorsqu'un char d'assaut passait sur la route pour faire le même travail, tout le monde se calmait. Je ne sais pas pourquoi, le savez-vous?
M. John O'Reilly: Je n'ai jamais été renversé par un char d'assaut, alors je dois...
Des voix: Oh, oh!
M. John O'Reilly: Dans l'artillerie, nous les faisions tout simplement sauter, de sorte que cela ne faisait pas de différence.
Quoi qu'il en soit, cela dépend de contre qui et pourquoi vous vous battez.
Mgén Clive Addy: Absolument.
M. John O'Reilly: Si nous sommes amis avec les États-Unis dans le cadre des opérations de maintien de la paix, non pas dans le cadre des opérations d'attaque, alors je ne vois pas pourquoi nous aurions besoin de chars d'assaut, car les États-Unis ont...
Mgén Clive Addy: Mais monsieur, si je peux me permettre de vous le faire remarquer, je dirai que lorsque ces choses se produisent, parfois on ne peut pas choisir de quel côté on doit être et quelle doit être sa contribution. Lorsqu'on contribue à une alliance dont on est membre, il faut payer comme membre de cette alliance et participer à cette alliance. Naturellement, on peut décider si on veut participer au conflit. Mais de dire: «Je vais seulement participer aux opérations de maintien de la paix lorsque vous aurez terminé»... Nous faisons partie d'un groupe qui s'appelle l'OTAN.
M. John O'Reilly: Mais je ne pense pas que le Canada ait la capacité d'envoyer des chars d'assaut à l'étranger...
Mgén Clive Addy: Oh?
M. John O'Reilly: ... et nous parlons donc d'une chose qui, à mon avis, à ses racines dans la philosophie de la Seconde Guerre mondiale lorsqu'on dit que le Canada doit avoir des chars d'assaut. Voilà ce que je dis: Que ferions-nous avec ces chars d'assaut si nous en avions, à part de la formation?
Mgén Clive Addy: Eh bien, si nous avions des chars d'assaut—et nous en avons, mais très peu—ce que nous faisons avec ces chars d'assaut à l'heure actuelle, les chars d'assaut améliorés, c'est maintenir les compétences professionnelles de façon à pouvoir participer, au besoin, à une guerre ordinaire ou à ce qu'ils appellent une guerre inter-États, avec nos alliés. Ces compétences doivent être maintenues. Elles ne sont pas nécessaires au jour le jour, mais ni vous ni moi ne pouvons dire quand nous en aurons besoin. Par conséquent, ces compétences doivent être maintenues. Nos forces terrestres doivent maintenir la capacité de protection de l'infanterie sur le terrain, l'appui-feu direct par rapport à la menace de l'ennemi. Le char d'assaut permet de le faire.
M. John O'Reilly: Je vois...
Le vice-président (M. David Pratt): Excusez-moi, monsieur O'Reilly, je dois vous interrompre. Vous avez dépassé le temps qui vous était alloué.
Nous allons maintenant revenir à l'opposition, avec M. Laurin.
[Français]
M. René Laurin: Major général, je voudrais revenir à ce que j'avais soulevé dans mes questions précédentes. On nous dit dans à peu près toute la documentation moderne que la guerre de demain sera la guerre de l'information. La guerre sera faite à partir de l'information, les soldats seront mieux informés et on aura recours à l'informatique et au téléguidage des armes et des ogives. Aujourd'hui, on peut viser la fenêtre du cinquième étage d'un édifice à quelques milliers de kilomètres. On a donc besoin de moins de soldats. On est porté à penser qu'aujourd'hui, on a davantage besoin des soldats pour des missions de paix, en nombre plus restreint, et aussi pour assurer la sécurité du pays à l'intérieur même de nos frontières, pour des désastres tels que le verglas, les inondations, etc.
Alors, puisqu'il faut moins d'effectifs et compte tenu aussi que les nouvelles armes modernes coûtent énormément plus cher que les soldes qu'on peut verser à nos soldats, est-ce que le Canada a les moyens de se payer cet équipement pour continuer d'appuyer les plus forts, en combattant les plus forts? Ça coûte cher, cet équipement-là. Pensez-vous que le Canada a ces moyens-là?
Mgén Clive Addy: Je vais répondre à votre question en faisant quelques commentaires sur votre hypothèse de base, si vous me le permettez, monsieur Laurin. D'abord, au sujet de cette question d'effectifs et de technologie, je dirai qu'effectivement, lorsque tout va bien, on a la technologie requise non seulement pour viser une fenêtre, mais aussi pour atteindre une pièce donnée dans un quartier de notre choix. Par contre, cela ne marche pas tout le temps. Je peux citer un article de la revue Maclean's où on mentionne que par temps nuageux, par exemple au Kosovo, les pilotes et les missiles ne pouvaient pas pénétrer les nuages, etc. Donc, il y a toujours certaines limites. Oui, l'équipement coûte cher et, si on veut prendre la sécurité de notre pays au sérieux, il faut avoir des fonds en conséquence, à la fois pour l'équipement et pour le personnel. Ce qui me préoccupe, c'est votre hypothèse selon laquelle nous avons présentement beaucoup de personnel et qu'en économisant de l'argent par la réduction des effectifs, on aura une meilleure armée, ou une armée plus moderne, plus efficace, plus ceci, plus cela.
Ma thèse est la suivante: on est déjà au minimum requis pour assurer le maintien de la paix et maintenir la sécurité à l'intérieur de notre pays. On ne peut pas réduire le personnel maintenant. C'est ça, ma thèse. Si vous voulez une preuve de cela, prenez ce que vous a dit le chef de la Défense nationale lorsqu'il était ici; c'était le 24 novembre, je crois. Il vous a dit clairement, à ce moment-là, qu'il croyait que nous étions à la limite.
Or, regardons les effectifs qui étaient déployés à ce moment-là: 4 000 personnes; non pas 60 000, mais 4 000. On était à la limite. Et maintenant, avec les menaces que l'on prévoit pour les années à venir, il faudra des effectifs possiblement supérieurs à cela, si on tient de compte de l'aspect du monde actuel, juste pour assurer le maintien de la paix. Donc, je vous dis que mon hypothèse est que le personnel est à son minimum. On déterminera à quelle partie de la défense ils seront assignés ou de quelles armes ils se serviront, et à quel corps d'armée ils appartiendront. C'est justifiable.
• 0945
L'autre aspect, c'est qu'il va nous en coûter cher pour équiper les
gens avec la technologie moderne et doter nos forces armées des armes
et des équipements modernes requis. C'est ma thèse, ma réponse.
M. René Laurin: Major général, lorsque vous parlez d'assurer la sécurité du pays, à quoi pensez-vous précisément? Est-ce que vous pensez à des attaques qui pourraient venir de l'étranger ou à des désastres nationaux?
Mgén. Clive Addy: Je parle de deux aspects. Premièrement, notre histoire nous dit qu'on a été très chanceux au Canada. On a fait la guerre et les grandes guerres dans d'autres pays. J'espère que ce sera la même chose dans le futur. Mais nous avons quand même participé à ces guerres et les risques sont encore là. Il se peut que l'on participe encore à des conflits entre États. Je crois qu'il y a encore cette possibilité. Il y a beaucoup de gens qui croient, comme on le disait dans les années 1930, qu'il n'y aura plus de guerres. Je ne crois pas que la nature humaine soit aussi bienveillante que ne le veut cette philosophie. C'est ma première thèse.
Ma deuxième thèse, c'est qu'au sein du Canada, il y a quand même des menaces. Les menaces sont moindres qu'une attaque globale contre notre territoire, mais elles viennent d'États non conformistes, que les Américains appellent rogue states, tels que la Corée avec ses missiles. Ça, c'est une possibilité. Il y a aussi la possibilité d'attaques avec d'autres genres de missiles ou d'autres menaces quelconques. Il y a encore des puissances nucléaires énormes dans le monde.
M. René Laurin: Est-ce que vous partagez l'opinion...
[Traduction]
Le vice-président (M. David Pratt): Vous n'avez plus de temps. Vous avez dépassé de beaucoup les cinq minutes qui vous étaient alloués. Je vais maintenant devoir passer à M. Proud.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.
Général Addy, ça fait plaisir de vous revoir et que vous soyez revenu témoigner devant notre comité.
Pensez-vous, par exemple, que le Canada devrait mettre d'avantage l'accent sur sa collaboration avec les États-Unis et peut-être, si cela est nécessaire, moins sur sa coopération avec l'OTAN?
Mgén Clive Addy: Le Canada a en effet davantage de choses en commun avec les États-Unis. Le Canada, depuis longtemps, je pense... Corrigez-moi si je fais erreur, mais je pense que vers 1988 nous avons commencé à voir davantage d'échanges commerciaux avec les pays outre-Pacifique que nous en avions avec les pays outre-Atlantique, et notre plus grand partenaire commercial est les États-Unis. Je pense donc que nous devrions mettre davantage l'accent sur nos relations avec les États-Unis. Cependant, c'est un peu comme une relation entre une souris et un ours, si je puis m'exprimer ainsi, et notre relation avec l'OTAN nous est profitable car cela nous donne une autre tribune pour une deuxième opinion. Par conséquent, je ne minimiserais jamais nos relations avec l'OTAN. Elle sont vitales.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. George Proud: Oui, ça va.
Il semblerait que les Américains sont de plus en plus contrariés par le niveau très bas des dépenses militaires du Canada. À votre avis, cet apport récent d'argent dans le budget va-t-il changer leur opinion dans une certaine mesure?
Mgén Clive Addy: Je le souhaiterais vraiment. Je pense que les montants que cela représente... L'instrument de mesure des relations et des contributions des pays modernes se fonde sur le pourcentage du PIB. Je dirais que les montants qui ont été prévus au budget par rapport à la croissance du PIB se maintiennent à environ à 1,1 p. 100 du PIB. Si j'ai bonne mémoire, la motion de votre comité visait une augmentation plus importante.
M. George Proud: Oui.
Mgén Clive Addy: Je ne pense pas que les montants attribués pour les cinq prochaines années permettront de faire cela. Je ne suis pas comptable, mais je ne pense pas que ce soit vraiment proportionnel au PIB. C'est l'instrument de mesure utilisé par d'autres pays de l'OTAN et aussi par les États-Unis afin d'évaluer si un pays fait sa juste part.
M. George Proud: Dans quelle mesure, alors, pensez-vous que cela influencera la possibilité d'activités futures conjointes avec les États-Unis dans le cadre de la révolution dans les affaires militaires?
Mgén Clive Addy: C'est justement là le noeud du problème dont je parle, n'est-ce pas? Pour faire cela, nous allons peut-être sacrifier de nombreux membres du personnel tout simplement pour avoir un tout petit morceau du gâteau afin de maintenir l'influence avec les États-Unis.
Quel sera le prix à payer? Ce sera notre incapacité à aller au-delà de ce qu'on appelle les niveaux un et deux de mobilisation. C'est ce que nous sacrifierons.
M. George Proud: Puis-je vous poser une question sur le système de défense antimissiles?
Mgén Clive Addy: Je vous en prie.
M. George Proud: Dans son rapport, la commission chargée d'évaluer la menace que présentent les missiles balistiques pour les États-Unis a conclu que certaines nations potentiellement ou ouvertement hostiles déploient des efforts concertés pour faire l'acquisition de missiles balistiques à charge biologique ou nucléaire, et que cela constitue une menace croissante pour les États-Unis, leurs forces déployées, leurs amis et leurs alliés. Cela préoccupe beaucoup de gens. Croyez-vous que cette menace soit réelle?
Mgén Clive Addy: Je n'en sais pas assez pour vous dire si cette menace est réelle ou non, mais je crois qu'on a raison de s'en préoccuper. Il existe des États parias dont le plus près de nous est la Corée du Nord. Sachant comment ce pays traite sa population, connaissant les moyens dont il dispose, on peut se demander ce qui déclencherait une attaque de sa part. Les possibilités d'attaque existent. Si nous n'avons rien et qu'un missile tombe sur Vancouver, pensez aux conséquences.
Combien veut-on qu'on investisse et que pouvons-nous faire? Je crois que nous devrions réfléchir à ce que nous pourrions faire. Devons-nous nous contenter de participer au système de défense antimissiles de l'OTAN? Je ne crois pas. Nous pouvons aussi exercer des pressions ailleurs.
À mon avis, les États parias ne doivent pas être négligés. Cela ne signifie pas qu'il faille les prendre au sérieux comme on le fait dans certaines analyses que j'ai lues. Je ne crois pas que l'Iraq, par exemple, nous menace sérieusement avec des missiles balistiques. Je ne crois pas.
M. George Proud: Certains prétendent que le système de défense antimissiles n'est pas réalisable du point de vue technique. Qu'en pensez-vous? Avez-vous des informations à ce sujet?
Mgén Clive Addy: Non, mais je crois savoir qu'on vous a donné les informations, à Cheyenne Mountain, sur les essais qui y ont été faits. Jusqu'à présent, on a connu autant d'échecs que de succès. On tiendra d'autres essais cet été et on prendra ensuite d'importantes décisions.
Tout cela reste théorique. Pour l'heure, il s'agit de systèmes de défense antimissiles balistiques. Les différents éléments ont été conçus mais n'ont pas encore été transformés en modèle de travail. Sur la scène politique, le moment est venu de décider si nous sommes suffisamment intéressés pour participer activement à ce projet.
Le président: Général, je suis désolé d'avoir dû sortir quelques minutes. Je remercie mon collègue, M. Pratt, de m'avoir remplacé.
Avant de céder la parole à M. Earle, pour votre gouverne et en guise de rappel pour mes collègues, je souligne que la question de la technologie a été soulevée à maintes reprises. Je ne me rappelle pas un seul témoin d'un camp ou de l'autre—nous avons entendu les arguments des défenseurs du système de défense antimissiles et de ses opposants—qui ait remis en question la possibilité de concevoir la technologie nécessaire pour ce système tôt ou tard, et peut-être même plus tôt qu'on ne le croit. Ce n'est qu'une question de temps, et nombreux sont ceux qui prédisent que ce sera fait sous peu. Le gouvernement devra donc prendre une décision dans un avenir assez rapproché.
Sur ce, je cède la parole à M. Earle pour cinq minutes.
M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à la question du financement que vous avez abordée si éloquemment dans votre mémoire et dans votre réponse à la question de M. Proud.
Comme vous l'avez indiqué, le nombre de soldats a été réduit à environ 60 000. Vous avez aussi dit qu'on devrait peut-être plutôt en compter 67 000. L'augmentation et la mobilisation des forces de réserves ne suscitent pas non plus beaucoup d'intérêt. Mon collègue, M. O'Reilly, a déclaré qu'il est fort peu probable qu'on ressuscite le Régiment des carabiniers de Halifax et autres unités de ce genre. La tendance semble être à la réduction des effectifs, ce qui ne nous empêchera de combler les besoins.
Vous avez aussi indiqué que nous n'avons même pas pu combler les besoins en équipements prévus dans le livre blanc de 1994. Alors, est-il réaliste pour nous de simplement envisager de participer à la RAM et aux initiatives communes liées au système de défense antimissiles? Est-il réaliste pour nous de consacrer des efforts à cela si nous ne comblons même pas les autres besoins qui vous apparaissent si importants?
Mgén Clive Addy: Pour répondre à votre question, je devrais faire comme vous et partir du principe qu'il faut faire l'un ou l'autre. Or, tel n'est pas le cas.
Le Canada étant un pays moderne, nous devons maintenir une force permanente en mesure de répondre à ces besoins immédiats, une force bien équipée et bien financée pouvant travailler avec nos alliés. Cela entraîne des coûts. Parallèlement, nous devons nous occuper de ce qui se passe chez nous et être prêts à accroître nos ressources au besoin.
Cela ne signifie pas que nous devons acheter toute une flotte de navires qui rouilleront au port pendant 20 ans parce que nous pensons que nous devrons peut-être faire la guerre. Plutôt, il nous faut des gens qui ont la capacité intellectuelle et les connaissances nécessaires, à l'échelle du pays, pour réagir en cas de conflits armés ou de désastres naturels. Et ces personnes peuvent intervenir en cas de catastrophes naturelles. C'est ce que laissait entendre le livre blanc. Ce n'est pas ce que vous réaliserez si votre budget est si limité que vous ne pouvez vous occuper que de la première ligne de front. Vous vous retrouvez avec des forces armées qui ne peuvent intervenir que ponctuellement, à un seul endroit à la fois, mais qui ne constituent pas la solution à la sécurité du Canada.
M. Gordon Earle: Vous avez aussi dit que nous devons maintenir la capacité de participer à un conflit armé. Je sais qu'il ne s'agit pas de faire l'un ou l'autre, mais je suis certain que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il faut aussi accentuer l'importance de notre rôle de gardien de la paix. À ce sujet, croyez-vous que la RAM aura une incidence sur la participation future du Canada à des missions de maintien de la paix?
Mgén Clive Addy: Il faut d'abord des renseignements. De l'espace, on voit probablement... Vous êtes allé à Cheyenne Mountain et vous avez vu toutes les informations visuelles, techniques et électroniques dont on dispose et qu'on peut analyser avant d'aller sur le terrain même. C'est un élément très important.
Il faut aussi déterminer comment amener les soldats sur place et comment assurer leur soutien logistique. La RAM s'intéresse beaucoup à cela, ainsi qu'aux nouveaux systèmes informatiques de contrôle logistique. Je vous ai raconté le premier déploiement en Yougoslavie et je vous ai dit que des conteneurs entiers sont restés sur les quais à rouiller parce que personne ne savait ce qu'ils contenaient. Parce qu'on n'avait pas le temps d'ouvrir ces conteneurs, on a commandé ce dont on avait besoin sur-le-champ dans des petits contenants dont tous connaîtraient le contenu. Beaucoup de matériel est resté là en raison d'un mauvais contrôle logistique, et ça, c'est très coûteux. La RAM nous aidera dans ce domaine.
Sur le terrain, l'observation et le rassemblement des informations sont aussi importants. C'est cela, le maintien de la paix: garder l'oeil ouvert, surveiller ce qui se passe. On pourra mieux recueillir et rassembler les informations grâce à la RAM.
En ce qui a trait à la plate-forme et aux projectiles, l'importance est moindre si vous présumez que le maintien de la paix se limite à l'observation. Mais si vous en faites davantage, si vous participez à une mission de rétablissement de la paix, vous aurez besoin de la haute technologie.
Toutes les forces armées—l'armée, la marine et l'aviation—ont leurs expressions. Si vous pouvez découvrir le cycle décisionnel, si vous pouvez agir avant que l'on sache que vous ayez l'intention de le faire, si vous pouvez intervenir avant qu'on ait le temps de réagir, c'est que vous avez pénétré le cycle décisionnel. La révolution dans les affaires militaires vous permet de disposer des informations, des plates-formes et des armes dont vous avez besoin pour ce faire. C'est le but de la RAM. Elle permet aux forces armées de se lancer dans la bataille en toute connaissance de cause, et non pas à l'aveuglette comme cela s'est toujours fait dans le passé.
M. Gordon Earle: La RAM pourrait-elle être utile à la fin d'un conflit militaire, par exemple, pour composer avec les contrecoups de la guerre, les retombées nucléaires, les toxines, les genres de choses qui résultent de tout conflit?
Mgén Clive Addy: C'est une excellente question. Oui, car bon nombre des mesures de protection—les identificateurs chimiques et biologiques, par exemple—pourraient servir et devraient servir dans ce genre de situation.
Pour le reste, je n'y ai pas réfléchi, mais on pourrait accroître les capacités relativement à ce qu'on appelle les comptes rendus sur les dégâts et aussi pour déterminer quelles sont les routes qui sont touchées, par exemple. Les informations que révèlent les images satellites seraient très précieuses en cas de chaos de grande envergure. Vous avez vu les images de la Tchétchénie et de sa capitale qui nous sont transmises par satellite. Pensez à il y a 10 ans. Cela n'existait pas il y a 10 ans.
Le président: Merci, monsieur Earle.
Malheureusement, général, tous les membres du comité n'ont pu aller à Cheyenne Mountain, mais certains y sont allés à d'autres moments. Pour revenir aux questions de M. Earle, il est ressorti de ce que nous avons entendu là-bas que, de plus en plus, le combat militaire reposera sur l'accès à des informations qu'on empêchera à l'ennemi d'obtenir. Cela nous a été dit bien clairement.
Certains d'entre vous ont peut-être vu à la télé récemment le LAV-RECCE, le véhicule blindé léger de reconnaissance qui a été construit dans une des grandes circonscriptions du pays—je ne me rappelle plus laquelle; il est doté de nouveaux écrans où s'affichent toutes sortes d'informations. On pourra y transmettre plus d'informations que jamais auparavant.
• 1000
C'est une sonnerie de 30 minutes alors...
Une voix: Cette sonnerie signale l'ouverture de la session de la Chambre.
Le président: Alors, nous avons encore du temps.
Je cède donc la parole à M. Pratt.
M. David Pratt: Merci, monsieur le président.
Major-général Addy, d'après les remarques que vous avez faites aujourd'hui, il semble y avoir divergence entre le livre blanc et les documents de politique interne du ministère de la Défense nationale. On est donc en droit de se demander s'il ne faudrait pas procéder à un examen complet du livre blanc et revoir notre politique de défense dans son ensemble. À votre avis, quand notre comité devrait-il faire cela? Déjà, nous nous dirigeons vers des élections. Croyez-vous que nous devrions mener une telle étude avant les prochaines élections ou cela pourrait-il être le premier projet du Comité de la défense nationale de la 37e législature?
Mgén Clive Addy: Si j'étais politicien, je préférerais attendre le début de la prochaine législature. Mais, comme je suis général, j'aimerais qu'on fasse cette étude avant les élections.
Honnêtement, monsieur Pratt, j'ai accepté mon poste actuel notamment parce que je trouvais honteux que, au Canada, la défense nationale et les affaires étrangères ne sont pas des sujets qui intéressent les Canadiens en période électorale. Cela n'a pas été un enjeu des dernières élections. J'aimerais bien que cela le soit. Sans rabattre les oreilles des Canadiens avec cela, j'aimerais bien savoir ce qu'ils en pensent. J'aimerais que les Canadiens nous disent ce qu'ils en pensent par la façon dont ils votent. J'aimerais donc que le débat s'amorce sans plus tarder. On pourra très bien élaborer la politique par la suite. Mais j'aimerais bien que le débat s'amorce avant les élections. C'est mon opinion personnelle de général à la retraite.
M. David Pratt: En ce qui concerne le livre blanc, je pense que tous ceux présents ici, à quelques exceptions près, sont des défenseurs acharnés de ce livre blanc et qu'ils aimeraient aussi qu'on augmente le budget de la défense. Toutefois, vous avez semblé dire ce matin qu'on devrait mettre l'accent sur les relations avec nos alliés et sur les préparatifs en vue de ce qu'on pourrait décrire comme une guerre classique.
La Chine n'est peut-être pas un bon exemple, car il semble y avoir eu des échanges musclés entre Taïwan et le continent chinois, mais, en général, au cours des 48 derniers mois environ, nous avons été témoins non pas de guerres classiques mais plutôt d'interventions humanitaires. Je pense aux Balkans, bien sûr, mais aussi au Timor-Oriental et à d'autres situations semblables. À votre avis, compte tenu des rares ressources dont nous disposons actuellement, ne devrions-nous pas accorder davantage d'attention aux conflits d'envergure moyenne et de faible intensité et aux interventions humanitaires et penser à nous doter, au cours des prochaines années, d'une capacité accrue qui reflétera véritablement le contenu du livre blanc? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mgén Clive Addy: Je ferai plusieurs remarques. Mais d'abord, j'aimerais vous donner quelques informations.
Je commencerai par la Russie. Je ne suis pas russophobe, croyez-moi, mais ce sont des choses que l'on voit dans certains pays. La Russie a d'abord adopté comme politique le recours aux armes nucléaires en réponse à une attaque par des forces étrangères. Elle prend cette mesure pour la première fois et l'a annoncée. Elle a aussi rétabli la formation militaire pour les étudiants de niveau secondaire, doublé le budget d'équipement de la défense, rappelé 20 000 réservistes et réclamé le rétablissement d'un système semblable à celui des commissaires politiques. Ces trois dernières semaines, la Chine a menacé de lancer une attaque nucléaire contre la côte ouest des États-Unis si les Américains intervenaient au nom de Taïwan dans tout conflit futur avec Taïwan.
C'est là le monde bienveillant dont nous parlons. Laissons cela de côté pour l'instant.
Je suis toutefois d'accord avec vous pour dire qu'on devrait mettre l'accent sur cette alliance et sur notre participation à cette alliance. Mais il importe pour le Canada de comprendre qu'on se fonde sur ce qu'on croit qui se passera. Comme dans le cas d'une assurance-vie, il faut être assez honnête et réaliste pour reconnaître que ma boule de cristal est tout aussi précise que toutes les autres boules de cristal ayant servi dans le monde au cours des 20 dernières années.
• 1005
Qu'ai-je donc en réserve? Qu'ai-je en réserve—la puissance
intellectuelle, la connaissance militaire, et tout le reste—au cas où
mes prédictions ne se réalisent pas? Je ne crois pas que cela fasse
partie du concept de 2020. C'est important. Il ne faut pas penser
seulement aux réserves; il y a aussi nos écoles, notre bassin de gens
talentueux, la formation au leadership, tout cela. Il nous faut tout
cela pour assurer la sécurité du Canada.
Soit dit en passant, si tout cela existe à un niveau raisonnable, vous pouvez lutter contre les feux de forêt et les inondations, ce qui n'est pas possible dans le cas contraire.
M. David Pratt: Très brièvement, pour terminer, je reviens de Zambie où j'ai assisté à une conférence sur le conflit qui sévit dans la région des Grands Lacs d'Afrique. C'est plutôt une question de politique étrangère. Si les Nations Unies sont véritablement résolues à agir dans la région des Grands Lacs—où on assiste essentiellement à une guerre mondiale—, croyez-vous que le Canada puisse jouer un rôle?
Mgén Clive Addy: C'est une question d'affaires étrangères, et je vous répondrai comme citoyen canadien et non pas comme général. Les pays du Nord ont tenté de façon éhontée d'éviter la question de l'Afrique parce qu'elle est très complexe et n'a pas d'incidences immédiates sur leurs économies.
J'ai un très bon ami, que vous connaissez, qui vient de prendre sa retraite; je sais qu'il a des problèmes et qu'il en souffre. Nous avons les mêmes valeurs morales.
Nous pourrions peut-être jouer un rôle en Afrique, mais il ne faudrait pas que ce soit un rôle symbolique, que nous ne soyons que des marionnettes. Si nous allons en Afrique, il faut que nous soyons bien équipés, sachant que nous allons dans ces pays pour les aider et que cela implique parfois l'usage de la force. Nous savons que l'usage de la force est parfois nécessaire et qu'il faut oublier ces interventions boiteuses comme celles auxquelles nous participons parfois.
M. David Pratt: Merci.
Le président: Merci, monsieur Pratt.
J'aurais probablement dû souhaiter la bienvenue à M. Pratt, au début de la séance. Il a été absent quelque temps. Il fait un excellent travail pour le gouvernement, comme chacun sait. Je crois qu'il faudra bientôt lui donner le titre d'envoyé du gouvernement canadien en Afrique. Il est un peu notre expert en résidence au sujet de l'Afrique. Nous sommes ravis de l'avoir de nouveau avec nous, aujourd'hui.
M. David Pratt: Vous êtes bien gentil.
Le président: Nous sommes contents de vous revoir, monsieur Pratt.
[Français]
Mon ami monsieur Laurin, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
M. René Laurin: Je voudrais revenir, major général, sur la question de l'évaluation de la menace. Est-ce qu'à votre avis, ce qui représente une menace potentielle pour les États-Unis est aussi une menace pour le Canada?
Mgén Clive Addy: C'est une question un peu trop globale pour que j'y réponde de cette façon-là. Si vous parlez d'une menace contre les États-Unis comme territoire national global dans l'Amérique du Nord...
M. René Laurin: Non, ce n'est pas ma question.
Actuellement, les États-Unis font une évaluation de la menace potentielle. C'est ce qui les justifie de vouloir faire le déploiement d'un système de défense. La décision n'est pas encore prise, mais on sent bien que ça viendra. C'est ce qui les encourage à faire le déploiement d'un système balistique intercontinental.
L'évaluation qu'ils en font, c'est que la menace potentielle vient de la Corée, de la Chine et de l'Irak. Puisque le Canada est un très grand ami des États-unis, si ces ennemis potentiels des États-Unis mettaient à exécution leur menace appréhendée par les États-Unis, est-ce que ce serait nécessairement une menace pour le Canada? Le Canada n'a jamais fait d'évaluation de la menace potentielle contre lui, mais assurer la sécurité du Canada, ce n'est peut-être pas la même chose qu'assurer la sécurité des États-Unis. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mgén Clive Addy: Je crois que l'assurance de la sécurité du Canada n'est pas la même chose. La menace aux États-Unis est non seulement militaire et physique, mais aussi psychologique, en ce sens que les Américains sont perçus comme une grande menace par un bon nombre de pays ailleurs dans le monde, pour des raisons philosophiques. Il y a des pays qui sont prêts non pas à les attaquer, mais plutôt à les piquer et à leur faire du mal, parce que les États-Unis sont le géant. Nous sommes leur voisin. Il est possible que, dans de telles circonstances, nous ressentions les retombées de ce qui arrive chez le voisin. De plus, lorsqu'on est bien protégé chez soi et que le petit voisin est un ami, il est parfois moins compliqué pour l'ennemi de donner une raclée au petit voisin, juste pour nous narguer.
• 1010
Donc, ces possibilités existent. Est-ce qu'elles sont les mêmes?
J'ai expliqué il y a quelques instants que selon mon opinion
personnelle, il y a un niveau de menace tout à fait différent pour le
Canada et les États-Unis, mais les personnalités sont à peu près les
mêmes.
M. René Laurin: Selon vous, est-ce que le Canada a les moyens d'évaluer les menaces de façon différente des États-Unis?
Mgén. Clive Addy: Oui, oui.
M. René Laurin: Est-ce que cela peut aller jusqu'à dire aux États-Unis qu'on n'a pas la même conception et la même évaluation de la menace qu'eux, et qu'on n'est pas prêts à approuver le déploiement d'un système antimissiles?
Mgén Clive Addy: Oui, mais lorsqu'on aura fait cette analyse, il se peut fort bien qu'on doive contribuer beaucoup plus à la défense, y inclus aux missiles. Il ne faut pas sauter aux conclusions immédiatement, monsieur Laurin, et croire qu'à la fin de cette analyse, on va se retrouver avec un besoin moindre que présentement.
M. René Laurin: Mais encore faut-il la faire, cette analyse.
Mgén Clive Addy: Il n'y a pas de doute là-dessus. Je peux vous dire que dans une analyse quelconque, il y a deux éléments: il y a la menace extérieure et il y a les intérêts nationaux. Les deux se rejoignent.
Donc, l'intérêt national américain peut être tout autre que celui du Canada. Le commerce sera égal, mais les intérêts diplomatiques et politiques dans le monde peuvent être très différents; ils le sont, je crois. Ce qui menace cet intérêt est tout à fait différent pour les États-Unis et pour le Canada.
M. René Laurin: Mais ça n'oblige pas le Canada à se sentir partie prenante à cette chose-là.
Mgén Clive Addy: Je n'ai jamais dit qu'il faut sauter aussitôt qu'on jappe. Je n'ai jamais dit cela. Je ne prédis pas cela et jamais je ne le prédirai. Mais il faut faire une analyse réaliste de l'environnement dans lequel on se trouve. Il ne faut pas regarder non plus les Américains comme les grands méchants du monde. Jamais il n'y a eu un pouvoir aussi grand dans le monde qui soit aussi bénin: on n'a qu'à le comparer aux empires précédents, qu'il s'agisse de celui des Romains ou des Grecs, qui ont fait toutes sortes de conquêtes.
Il faut faire une analyse objective du point de vue du Canada dans le monde actuel. Je vous assure qu'il faut être en mesure de reconnaître que les missiles, de la Corée ou d'ailleurs, posent une menace contre nos points critiques tels que les villes de Montréal, de Toronto et de Vancouver. Que fait-on? Fait-on cela tout seul? On s'allie avec quelqu'un qui a déjà une gamme d'autres informations. C'est ça, la bonne raison.
M. René Laurin: Major général, je n'ai pas d'expérience dans l'art de la guerre, mais il me semble que je ne peux pas concevoir que pour atteindre les États-Unis, un autre pays déciderait d'attaquer le Canada, contre qui il n'a rien à redire. Le Canada n'est pas un ennemi. Le Canada est même un pays ami pour ces autres pays. Or, parce qu'ils ne sont pas capables d'attaquer les États-Unis, ils décideraient de commencer par attaquer le Canada, qui est un ami des États-Unis?
Mgén Clive Addy: Monsieur Laurin, regardons le phénomène des groupes du côté de la Gendarmerie royale du Canada. Quelle est la grande porte d'entrée aux États-Unis? C'est le Canada.
M. René Laurin: Oui, mais ça, c'est le terrorisme.
Mgén Clive Addy: Je ne dis pas que c'est la même chose du point du vue matériel, mais je dis que d'un point de vue philosophique, on choisit le point le plus faible pour entrer chez l'autre. C'est ce qu'on choisit.
[Traduction]
Le président: Merci, messieurs.
Il y a eu deux tours de questions et maintenant, on donne la parole même au président. Je rendrai ensuite la parole à M. Earle.
Au sujet de ce que disait notre collègue, c'est un secret de polichinelle que Niagara Falls a figuré pendant longtemps sur la liste des cibles des pays ennemis. Elle se trouve peut-être encore sur cette liste. En faisant sauter Niagara Falls, on touche toute la côte Est, et cela ne s'arrête pas à la frontière canado-américaine.
Notre économie est si étroitement liée à celle des États-Unis que je ne pense pas qu'on puisse séparer nos programmes de défense de ceux de nos voisins du Sud. Je ne crois pas que ce serait réaliste. C'est pourquoi il faut à mon avis examiner sérieusement ce système de défense antimissiles.
• 1015
J'ai deux ou trois questions, général. Je compléterai celle de mon
collège M. Pratt, au sujet du livre blanc. Je jongle avec ces idées,
comme beaucoup d'entre nous, ici. À quelle fréquence, selon vous, le
gouvernement canadien—et je ne parle pas des partis—devrait-il se
lancer dans l'exercice d'un livre blanc exhaustif? Comme le dernier
livre blanc remonte à 1994, croyez-vous qu'il faut en rédiger un
nouveau ou mettre à jour l'existant, en faire simplement une mise à
jour? Pouvez-vous répondre à cette question?
Mgén Clive Addy: En toute honnêteté, je crois que le livre blanc de 1994 doit faire l'objet d'un débat parlementaire. Il revient aux parlementaires de décider si l'on créera un nouveau livre blanc ou si l'on mettra à jour celui de 1994. C'est au gouvernement du Canada d'en décider. Stratégie 2020 présume des changements que le Parlement n'a pas avalisés. Voilà le point de départ que je peux vous donner.
Le président: Merci.
Quel est le cycle? Dites-nous à peu près à quelle fréquence?
Mgén Clive Addy: Je pense qu'il faut planifier sur 15 ans et faire des rajustements tous les cinq ans environ. De nos jours, dans le monde des affaires, on fait des rajustements tous les 12 mois.
Le président: C'est vrai.
Mgén Clive Addy: Pour la défense, je pense qu'un rajustement tous les cinq ans, c'est assez bon.
Le président: Bien sûr. C'est tout à fait sensé à mes yeux. Avant de venir au fédéral, bon nombre d'entre nous ont eu une expérience de la scène politique municipale. Les conseils municipaux, si je me souviens bien, ont habituellement des plans quinquennaux qu'ils rajustent chaque année.
Mgén Clive Addy: Oui.
Le président: La question suivante porte sur la taille des Forces canadiennes. D'autres témoins nous en ont parlé et j'aimerais connaître votre point de vue. Étant donné nos engagements internationaux actuels et les autres responsabilités des Forces canadiennes en cas de catastrophes nationales et autres imprévus, est-ce que nous manquons actuellement de personnel? Combien d'effectifs nous manque-t-il, le cas échéant, à votre avis?
Mgén Clive Addy: Je pense qu'avec 60 000 personnes, nous sommes en nombre insuffisant pour le genre de tâches qu'on demande actuellement à la force régulière. On pourrait y remédier en partie en augmentant la réserve. Ce qui s'est produit, c'est qu'on a réduit simultanément les deux. Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas. À mes yeux, c'est un peu comme un sablier; si on vide un côté, l'autre se remplit. Il faut définir le potentiel. La seule différence, pour l'effectif, c'est le degré de préparation et la probabilité de la menace. On ne peut en faire plus.
Je réduis tout cela à sa plus simple expression, monsieur le président, veuillez comprendre.
Le président: Je le comprends bien.
Mgén Clive Addy: Voilà comment je vois le problème. Pour un pays comme le nôtre, dans un environnement moderne, je n'irais pas au-dessous de 60 000 soldats. Il serait bien dommage qu'on ne puisse faire notre part ni ici, ni à l'étranger.
Le président: Beaucoup d'entre nous en conviennent. Si vous augmentiez le nombre et deviez le justifier sur le plan politique—c'est une décision politique et il faut la défendre sur le plan politique, comme vous le savez—, jusqu'où iriez-vous, pour le nombre?
Mgén Clive Addy: Pour la force régulière ou la réserve?
Le président: La force régulière.
Mgén Clive Addy: Je crois en fait qu'il nous faut 20 000 soldats de plus, mais qu'on pourrait se tirer d'affaire avec 10 000 de plus.
Le président: Merci.
Mgén Clive Addy: Un instant. À condition de faire ce que j'ai proposé pour la réserve.
Le président: J'ai compris.
Mgén Clive Addy: Si vous prenez pour cela les gens prêts au déploiement immédiat, en plus de ceux qui prennent un peu plus de temps, il faudra les soutenir, les approvisionner, les former et les financer aussi.
Le président: Oui. Nous avons certainement compris. Je pense que c'était clair.
Vous avez parlé de l'opinion publique. Je suis convaincu que vous le savez, mais j'aimerais revenir là-dessus. Les membres du Cabinet et mes collègues m'ont répété avec insistance, très récemment, que l'opinion publique au Canada, clairement, est en faveur de réinvestissements dans la défense. En tant que comité et de manière non partisane, nous avons fait des représentations constantes à ce sujet au gouvernement, par tous les moyens possibles. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles il y a eu une augmentation substantielle dans le dernier budget. Après les événements malheureux que nous avons connus, les Forces canadiennes sont de nouveau dans les bonnes grâces de l'opinion publique.
Ce n'est pas le meilleur sujet de conversation avec les électeurs, pendant une campagne. C'est vrai, mais on le soulève parfois. Ne diriez-vous pas que c'est en partie parce que la plupart des Canadiens prennent pour acquis que notre pays est un chef de file en maintien de la paix et qu'ils veulent qu'on continue de l'être? Je soupçonne que si un parti proposait que nous nous retirions des pays étrangers et que nous ne nous occupions plus que des tempêtes de verglas au Québec, des inondations au Saguenay et dans l'Ouest, que nous ne fassions plus de maintien de la paix, il y aurait tout un tollé.
• 1020
Voilà une longue question. En résumé, ne diriez-vous pas que pour le
public canadien, il faut que nous intervenions à l'étranger?
Mgén Clive Addy: Monsieur le président, je comprends très bien le paradoxe de la popularité du maintien et du rétablissement de la paix, le respect qui a été retrouvé par nos forces—et je dis retrouvé parce que nous avons vécu une période moins favorable—et l'affection du peuple canadien pour les forces armées. Simultanément, les Canadiens disent que cela ne devrait rien leur coûter. Le problème, c'est que nous ne sommes pas doués pour exprimer avec franchise, clarté et concision pourquoi nous payons, ce pourquoi nous payons et combien nous payons.
Le président: Entendu. Le public nous montre la réalité et je crois qu'il revient aussi au gouvernement, parfois, de montrer au public la réalité.
Je vous répète que je présume que chaque membre du comité a reçu maints témoignages d'appui public à l'augmentation des budgets des forces armées. Je sais que la plupart d'entre nous en ont reçus. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous avons pu obtenir les bonnes augmentations de février dernier. Peut-être que le public est plus en faveur qu'on le croit à ce que l'on délie les ficelles de la bourse.
Mon temps est écoulé, je donne la parole à M. Earle.
M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à l'aspect des relations internationales des activités de défense. Quand on parle de questions comme les systèmes de défense antimissiles, on considère que c'est presque une question de relation bilatérale entre les États-Unis et la Russie, en raison des traités qui pourraient être signés, par exemple. En réalité, nous savons que le résultat de ces questions d'importance aura un effet sur bien plus qu'un ou deux pays.
Que pensez-vous de l'idée de saisir les Nations Unies de ces questions, pour un examen plus formel, qui serait sanctionné par l'importance de cet organisme, lorsqu'il s'agit de questions comme le déploiement de systèmes de défense antimissiles? Que pensez-vous d'un examen de ces questions, au niveau international?
Mgén Clive Addy: La défense de notre pays est une décision qui vous revient. Cet élément de la souveraineté n'est jamais remis en question, pas même aux Nations Unies. Le genre d'armes que vous employez est fonction des traités que vous avez signés, notamment avec les États-Unis, et des violations de traités.
Je ne recommande pas de référer les questions de défense aux Nations Unies, pour quelque pays que ce soit, pour savoir s'il doit faire telle ou telle chose. Cet organisme n'est pas décisionnel, loin de là... Je dirais que lorsqu'une alliance veut s'embarquer dans un conflit, elle doit faire part de ses souhaits, ses raisons d'agir, ses causes, et des restrictions et de la nature de l'intervention aux Nations Unies. Je déplore vraiment qu'on ne l'ait pas fait pour le Kosovo, mais je me demande aussi ce qui se serait produit, le cas échéant. La situation aurait-elle été bien différente? Ce sont des risques que doivent prendre les chefs d'État.
Pour revenir au système de défense antimissiles, je dirais que le traité ABM est l'élément clé. Ceux qui possèdent ce genre de missiles et qui ont signé le traité voient un tel système non pas comme une menace, ni comme une intensification des menaces de guerre, mais plutôt comme une réduction de ce risque. S'ils sont d'accord là-dessus, tant mieux. Autrement, le débat demeure. Il est plus complexe, mais c'est à nous d'en décider, en tant que Canadiens. Voilà ce qui compte. Ce serait très bien si tout le monde disait que c'est une bonne idée, mais il n'en va pas ainsi.
M. Gordon Earle: J'ai encore une question. On a parlé plus tôt de l'Afrique. Vous avez signalé, avec raison, je crois, que souvent, les intérêts économiques sont déterminants pour notre intervention dans certains pays. Ne diriez-vous pas que dans le cas de l'Afrique, il peut aussi y avoir des éléments sociaux ou raciaux, en plus? Bien souvent, nous réagissons plus vite pour certains pays que pour d'autres. Même dans le cas de nos pratiques relatives à l'immigration, par exemple, ce sont souvent les pays où il y a une population noire qui sont le cadet de nos soucis, à moins qu'on nous force à réagir, alors que la crise humanitaire y est pire qu'ailleurs.
• 1025
Ne diriez-vous pas qu'il y a d'autres facteurs, en plus des facteurs
économiques, qui expliquent votre attitude?
Mgén Clive Addy: Souvent, tout se confond, puisque les raisons économiques sont sans doute fondées aussi sur du racisme. Et je ne me limiterais pas à l'Afrique. Si l'on considère des endroits comme l'Amérique du Sud et d'autres, où il y a eu des conflits, non seulement nous avons fermé les yeux, mais on a fait comme s'il était naturel que cela se produise chez eux. Prenons l'exemple de la Birmanie, ou du Myanmar, comme on l'appelle, et de ce qui se passe là-bas, et aussi du Cambodge.
Je pense que nos «intérêts nationaux» ont été orientés en fonction de l'hémisphère nord, pour des raisons politiques, militaires et peut-être même historiquement racistes. Je dirais que c'est un facteur. Peut-être pas le principal. Mais je dirais aussi que les choses changent.
M. Gordon Earle: Merci.
Le président: Merci, monsieur Earle.
M. Bertrand est le suivant, et M. Pratt aura encore quelques questions. La sonnerie durera 30 minutes et il nous reste donc amplement de temps.
Monsieur Bertrand.
[Français]
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Major général, c'est avec plaisir que nous vous accueillons de nouveau. Je voudrais avoir une précision et je poserai ensuite quelques questions. Vous mentionnez dans votre présentation que les forces aériennes n'ont plus d'avions-citernes.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. Robert Bertrand: Je croyais qu'on en avait, parce qu'on en avait envoyé l'année dernière à Aviano, quand on avait envoyé les 18 CF-18.
Mgén Clive Addy: Voulez-vous dire américains ou canadiens? Désolé, je crois que c'est l'Airbus qu'on avait converti. Je n'en suis pas sûr.
M. Robert Bertrand: Il me semble qu'on en avait envoyé, si je me souviens bien. Je ne me souviens pas de quel genre d'avion il s'agissait.
Mgén Clive Addy: Oui.
M. Robert Bertrand: Mais on en avait envoyé un ou deux avec les CF-18 qu'on avait envoyés durant le conflit au Kosovo l'année dernière. Comme je vous le dis, je me trompe peut-être.
Mgén Clive Addy: Vous avez peut-être raison, monsieur Bertrand, mais à ma connaissance, les faits que j'ai cités viennent de la recherche publique que j'ai faite. Il se peut fort bien qu'on ait converti un Airbus pour la mission. C'est possible. Je ne sais pas. Normalement, c'étaient des C-130, mais on a mis au dodo la majorité de ces C-130.
[Traduction]
M. Robert Bertrand: J'ai une autre question à vous poser, général, à propos du transport aérien. Comme vous le savez, il y a différentes écoles de pensée à ce sujet. J'aimerais que vous me disiez si à votre avis, le Canada doit aller de l'avant par lui-même pour renforcer sa capacité stratégique de transport aérien, ou si, comme tout a bien marché pendant la guerre au Kosovo, on devrait s'associer à l'OTAN. Comme vous le savez, la question se résume à...
Mgén Clive Addy: Une question d'argent.
M. Robert Bertrand: ... une question d'argent.
Mgén Clive Addy: Oui. Comme le transport aérien est surtout, mais pas uniquement, un facteur pour le transport de nos forces à l'extérieur du continent nord-américain, je dirais qu'il serait sage de ne pas investir par nous-mêmes et uniquement dans une flotte d'aéronefs qui pourraient être ou non compatibles avec d'autres. Je ne crois pas que quiconque, hormis les États-Unis—comme l'a déclaré avec raison le chef d'état-major—a son propre transport aérien, à l'exception de la Russie, qui n'a pas les moyens d'y mettre du carburant. Je pense que je cite bien le chef d'état-major, quand il a parlé à votre groupe. C'est assez exact.
Je ne crois pas que le Canada, à lui seul, doive avoir la capacité nécessaire, par exemple, pour tout transporter pour un déploiement immédiat. Mais le Canada doit faire partie d'un groupe, afin qu'en cas de besoin de transport aérien, celui-ci soit disponible dans des délais raisonnables. Voilà le noeud du problème: la disponibilité des aéronefs au moment et au lieu voulus. Voilà ma réponse.
M. Robert Bertrand: J'ai une dernière question, dont je crois connaître la réponse. Vous dites que les Forces armées canadiennes doivent avoir au moins 10 000 soldats de plus. À quelle arme des Forces armées canadiennes faudrait-il affecter ces 10 000 soldats?
Mgén Clive Addy: Je pense qu'il faudrait les répartir entre toutes les armes, en fait. Cette décision reviendrait à mon avis au chef d'état-major. Je sais que l'armée en demande. Je ne sais pas combien il y en a dans l'aviation et la marine, mais j'aurais tort de présumer qu'ils n'ont pas aussi besoin d'effectifs.
M. Robert Bertrand: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Bertrand.
Monsieur Pratt.
M. David Pratt: Merci, monsieur le président.
Une question prend de l'importance, certainement du moins au sein de l'OTAN: l'IESD. Je pense qu'il s'agit surtout, jusqu'ici, d'une crainte de la part des Américains, mais il semble y avoir un écart croissant entre les capacités de défense de l'Europe et de l'Amérique du Nord—surtout si on songe à celles des États-Unis. Je présume que cet écart est en grande partie un écart technologique entre les capacités des Américains et des Européens. J'aimerais que vous me disiez si à votre avis, ce fossé—si vous me permettez ce mot—entre les Américains et les Européens aura un effet sur notre façon de traiter des questions de défense.
Mgén Clive Addy: Je crois que oui, et positivement. Monsieur Proud m'a demandé tantôt si nos liens devaient être plutôt avec les Américains qu'avec l'OTAN. J'ai répondu qu'il va sans dire que pour des raisons de sécurité, nous sommes plus proches des États-Unis que de l'ensemble de l'OTAN, comme organisme. Mais nous avons tout de même des relations importantes avec cet organisme, si ce n'est que pour tempérer l'influence des Américains chez nous. Je pense que c'est essentiellement la teneur de mon propos.
Le fossé entre l'Europe et les États-Unis se transforme. Je crois que c'est tout naturel et que nous avons un rôle important à jouer. À l'époque de la guerre froide, sur le terrain, nous y excellions, et le faisions régulièrement. À l'époque, les protagonistes n'étaient pas une Europe unie, et les Américains pouvaient diviser la défense—sans jeu de mots—avec les Européens, entre les Britanniques et les Français, particulièrement, et les Allemands. Maintenant qu'il y a plus ou moins un front commun, c'est un peu plus difficile pour les Américains.
Nous avons donc un rôle à jouer, nous pouvons faciliter les choses, améliorer la compréhension, établir des contacts. Malheureusement, nous avons fait le vide dans la plupart des quartiers généraux où nous avions ce genre d'influence dans le passé. Nous allons en payer le prix, mais je pense que nous avons un rôle à jouer.
Je ne sais pas si c'est ce que vous voulez dire. Quand ils vont faire de la recherche, ils ne seront jamais aussi avancés sur le plan technique que les États-Unis. Les États-Unis devront donner une partie de leur capacité pour entraîner les autres. C'est une bonne chose que nous soyons leur voisin et que nous aidions les autres à leur emboîter le pas, car c'est nous et non les Américains, qui allons définir la base de la standardisation au niveau de l'OTAN. Les Américains vont essayer, comme ils l'ont déjà fait, de définir un plateau qu'aucun de ces autres représentants n'aura les moyens de se payer.
M. David Pratt: Ce qui est assez intéressant en particulier dans la situation actuelle en Europe, c'est la fusion des entreprises de défense. On assiste à une sorte de construction de la forteresse Europe, avec ses entreprises de défense qui fabriquent certains types de matériel, et les Américains qui essaient désespérément de s'infiltrer sur ce marché. Avez-vous des commentaires sur cette évolution de la situation? Je parle du point de vue des achats canadiens, car les Européens font pression sur nous pour que nous achetions leur matériel, mais il est évident que les Américains font encore plus pression sur nous pour les gros investissements.
Mgén Clive Addy: Encore une fois, ils sont unis maintenant. Autrefois, ils avaient chacun leur esprit de clocher et on pouvait les jouer l'un contre l'autre. Maintenant qu'ils se sont unis dans des domaines de plus en plus nombreux pour produire des armes, ils ont un poids énorme sur ce plan, comme sur le plan politique, qui leur permet d'écarter des produits qui ne sont pas fabriqués à l'intérieur de leur organisation.
Quant à savoir ce que cela signifie pour le Canada, je pense que votre question consiste essentiellement à savoir si nous devrions nous tourner vers une source unique, les États-Unis. Allons-nous être obligés... ou devrions-nous nous en tenir aux achats? Devrions-nous vendre aux deux blocs? J'imagine que ce sont des décisions qui se prennent à un autre niveau et dans un autre domaine. Néanmoins, je pense que nous ne devrions pas arrêter de vendre aux deux blocs, car cela a des répercussions avantageuses pour nous sur le plan militaire.
M. David Pratt: Merci, monsieur le président.
Le président: Très bien, monsieur Pratt.
Général Addy, merci beaucoup au nom du comité et de mes collègues d'être venu nous faire part de votre expertise aujourd'hui. Avez-vous un commentaire à faire avant que nous levions la séance?
Mgén Clive Addy: Oui. J'ai suivi de près les travaux de votre comité. C'est inhabituel—et je n'ai pas l'habitude de lancer des fleurs—j'ai admiré deux choses en particulier dans ce travail. J'ai écouté d'autres témoins intervenir. En tant que général à la retraite, monsieur le président, je voudrais vous remercier des efforts accomplis par votre comité. J'aurais aimé que vous puissiez vous faire entendre plus fortement, mais c'est la vie et je vous remercie ainsi que vos collègues.
Je voudrais souligner autre chose. Je trouve que votre comité est un des plus neutres politiquement auquel j'ai eu affaire. Vous laissez de côté la politique partisane pour vous intéressez à la défense du Canada et à ce genre de questions. Je vous en félicite. C'est un plaisir de participer à ces délibérations.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Merci pour ces aimables paroles. Nous nous efforçons effectivement d'éviter la politique partisane et en général nous y parvenons.
Merci beaucoup, chers collègues.
La séance est levée.