INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 11 avril 2002
¿ | 0915 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. Peter Johnson (président, Commission canadienne des affaires polaires) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
¿ | 0935 |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Peter Johnson |
¿ | 0940 |
M. Larry Bagnell |
M. Peter Johnson |
M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ) |
M. Peter Johnson |
¿ | 0945 |
M. Steven Bigras |
M. Stéphane Bergeron |
M. Peter Johnson |
M. Stéphane Bergeron |
¿ | 0950 |
M. Peter Johnson |
M. Stéphane Bergeron |
M. Peter Johnson |
M. Stéphane Bergeron |
M. Peter Johnson |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.) |
M. Peter Johnson |
¿ | 0955 |
M. Brent St. Denis |
M. Peter Johnson |
M. Brent St. Denis |
M. Peter Johnson |
M. Brent St. Denis |
M. Peter Johnson |
À | 1000 |
M. Brent St. Denis |
M. Peter Johnson |
M. St. Denis |
Le président |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
M. Peter Johnson |
Mme Bev Desjarlais |
M. Peter Johnson |
À | 1005 |
Mme Bev Desjarlais |
M. Peter Johnson |
Mme Bev Desjarlais |
M. Peter Johnson |
Le président |
Mme Torsney |
M. Peter Johnson |
Mme Paddy Torsney |
À | 1010 |
M. Peter Johnson |
Mme Paddy Torsney |
M. Peter Johnson |
Mme Paddy Torsney |
À | 1015 |
M. Peter Johnson |
Mme Paddy Torsney |
M. Peter Johnson |
Mme Paddy Torsney |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
À | 1020 |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Peter Johnson |
Le président |
M. Larry Bagnell |
M. Peter Johnson |
À | 1025 |
M. Larry Bagnell |
M. Peter Johnson |
À | 1030 |
Le président |
M. Bagnell |
M. Peter Johnson |
M. Steven Bigras |
Le président |
Mme Paddy Torsney |
M. Steven Bigras |
Mme Paddy Torsney |
Le président |
M. Steven Bigras |
Le président |
M. Steven Bigras |
Le président |
À | 1035 |
M. Peter Johnson |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 11 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0915)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Nous allons procéder, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, à l'étude des trois conseils subventionnaires fédéraux, du financement en fonction de l'évaluation par les pairs et du Programme des chaires de recherche du Canada.
Nous allons entendre aujourd'hui des représentants de la Commission canadienne des affaires polaires: M. Peter Johnson, son président, et M. Steven Bigras, son directeur exécutif. Nous allons vous inviter à présenter vos observations et nous passerons ensuite aux questions. Nous sommes un petit groupe ce matin, ce qui nous permettra de consacrer le plus de temps possible aux questions.
J'aimerais savoir qui va commencer? Peter, allez-vous commencer?
M. Peter Johnson (président, Commission canadienne des affaires polaires): Oui.
Merci. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité.
Je suis ici à titre de président de la Commission canadienne des affaires polaires, dont j'ai été vice-président pendant les trois dernières années, à titre de vice-président de l'International Arctic Science Committee, de membre du conseil de l'Université de l'Arctique pendant quatre ans, et de chercheur universitaire qui a consacré plus de 30 années à l'enseignement et à la recherche sur les régions de haute altitude et de haute latitude, en particulier sur la partie du monde d'où vient M. Bagnell. Il est évident que le point de vue que je vais vous décrire comporte une forte composante polaire.
Je conserve cependant un point de vue national pour ce qui est de la recherche scientifique et de la technologie parce que je suis membre du Conseil d'experts en sciences et en technologie, où je représente la Commission canadienne des affaires polaires, et parce que cette commission est le conseil scientifique consultatif du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je préside à ce titre, au sein du CEST, un sous-comité sur la diffusion de la recherche gouvernementale, un sujet très intéressant.
Je vais commencer par déclarer que d'une façon générale, l'évaluation par les pairs est un aspect essentiel de toute recherche de l'excellence dans le savoir, que l'évaluation par les pairs, sous une forme ou une autre, est essentielle, que ce soit dans les universités et les collèges, au gouvernement, ou dans le secteur privé. En l'absence d'un bon mécanisme d'évaluation par les pairs, on risque d'avoir un niveau scientifique médiocre, de gaspiller les ressources et, à long terme, de choisir de mauvaises orientations. J'ai des confrères étrangers qui ont réfléchi sur l'absence d'évaluation par les pairs dans certains domaines de la science et sur les problèmes que cela entraîne.
La recherche dans le domaine des questions polaires soulève un certain nombre de défis. Je vais limiter mes observations liminaires à cinq aspects qui sont directement et indirectement reliés à l'évaluation par les pairs et au financement de la recherche et du savoir dans le Nord.
Il y a d'abord le fait que le mécanisme de l'évaluation par les pairs doit pouvoir s'appuyer sur une forte communauté de chercheurs dans une discipline donnée. Le fait que les experts des questions polaires soient concentrés dans quelques universités et dans un ou deux ministères du gouvernement pose un certain nombre de problèmes. La communauté des chercheurs polaires est tellement restreinte que nous nous connaissons tous très bien. Nous avons déjà habituellement collaboré à des projets de recherche. Nous avons souvent rédigé conjointement des études et établi des partenariats pour ce qui est des demandes de subventions présentées aux conseils et aux organismes gouvernementaux, notamment. C'est pourquoi il est très difficile de mettre sur pied un mécanisme d'évaluation par les pairs pour examiner les grands projets de recherche ou même les demandes présentées aux conseils subventionnaires actuels. C'est à mon âge, lorsqu'on fait autre chose que de la recherche scientifique, qu'on est invité à faire partie de divers comités d'étude, parce qu'on ne fait plus partie du groupe des jeunes chercheurs.
L'évaluation par les pairs dans le domaine de la science de l'Arctique est difficile parce que les chercheurs ne sont pas très nombreux, parce qu'ils travaillent en étroite collaboration, tant dans leur discipline que sur le plan interdisciplinaire; il est donc difficile d'obtenir d'eux une évaluation impartiale.
Il y a un deuxième aspect qui est important, qui concerne le fait que les connaissances traditionnelles constituent aujourd'hui un élément important de nombreux projets d'étude polaire et un sujet sur lequel portent également de nombreuses recherches, ce qui pose un problème pour l'évaluation par les pairs. D'un côté, l'évaluation par les pairs telle qu'elle est pratiquée dans le milieu universitaire et au gouvernement a du mal à intégrer les Anciens des Premières nations et des Inuits pour ce qui est des droits de propriété intellectuelle et des aspects de ce genre, ou pour ce qui est des aspects interculturels. De l'autre, il s'exerce des pressions pour qu'on intègre davantage les connaissances traditionnelles au savoir occidental.
La plupart des projets qui portent sur les questions boréales doivent être conçus dès le départ avec les gens qui habitent dans ces régions, qu'ils soient indigènes ou non. Il faut intégrer ces personnes au processus d'évaluation par les pairs mais elles ne rentrent pas facilement dans les catégories utilisées dans le Sud pour ce processus.
Les territoires ont adopté leurs propres programmes de recherche. Ils sont en fait en train de réviser leurs programmes de recherche. Je crois qu'il y a eu une réunion à ce sujet à la fin de la semaine dernière à Edmonton. Les représentants des Territoires du Nord-Ouest sont venus à l'Université de l'Alberta pour parler avec les collectivités du Sud de leurs programmes de recherche. Il est rafraîchissant de voir que ce sont les responsables du Nord qui viennent expliquer aux gens du Sud leurs programmes de recherche et que ce n'est pas nous qui imposons encore une fois nos choix aux gens du Nord.
Il n'est pas non plus facile d'intégrer les collectivités et les collèges au processus d'évaluation par les pairs. Il y a en outre le fait qu'il faut obtenir plusieurs permis si on veut faire de la recherche dans le Nord. La difficulté sur le plan du financement est qu'il faut procéder à des consultations relativement approfondies auprès des collectivités du Nord, il faut les intégrer aux programmes, et communiquer avec les instituts de recherche nordique qui sont chargés d'attribuer les autorisations. Si vous voulez un exemple de difficulté financière, je vous dirais que, pour me rendre à Whitehorse pour consulter la collectivité des Premières nations de Haynes Junction—pour consulter Champagne et Aishikik—je vais devoir acheter un billet d'avion qui va me coûter 1 300 $, et il faut que je me rende aussi à Haynes Junction. S'il faut que je fasse ce voyage pour élaborer le projet de recherche et ensuite, pour faire rapport sur le projet, cela augmente sensiblement le coût de la recherche.
Une des conséquences de cette situation, sur le plan de la consultation, de l'évaluation par les pairs et de la participation des collectivités nordiques, est que ces collectivités ne disposent que de ressources humaines très limitées. Ces ressources humaines sont déjà utilisées pour leur participation dans toutes sortes de discussions—patrimoine, questions juridiques, revendications foncières, Université de l'Arctique: nous voulons que ces collectivités participent à toutes ces activités. Nous leur demandons maintenant de participer au mécanisme d'évaluation par les pairs. Il y a une sorte de surcharge d'évaluation par les pairs des personnes vivant dans ces collectivités.
Pensons à la taille de certaines Premières nations du Yukon; la Première nation de Klouane à l'extrémité nord du lac Klouane à Burwash Landing compte moins de 1 000 membres. Si vous espérez que les spécialistes qui résident dans ces collectivités participent à toutes ces activités scientifiques, je peux vous dire que c'est beaucoup demander à ce groupe et que cela accaparerait une grande partie de leurs ressources.
Le troisième aspect est que le savoir polaire en général—et j'utilise l'expression «savoir polaire» délibérément, parce qu'au Canada nous nous intéressons aussi bien à l'Arctique qu'à l'Antarctique—est un secteur non prioritaire pour les organismes de subvention et pour les universités et les collèges.
Il n'existe pas beaucoup de programmes nationaux de financement pour la recherche polaire, à l'exception, je devrais le signaler—vous avez fait référence à des chaires de recherche dans votre introduction—des six chaires de recherche nordique qui viennent d'être créées, décision qui fait suite au rapport élaboré par le CRSNG et le CRSH intitulé De l'état de crise à la relance: rétablir le rôle du Canada dans la recherche nordique. Seul le CRSNG s'occupe de cette question et le Conseil de recherches en sciences humaines n'y participe aucunement. Cet organisme n'a pour le moment pas de fonds à consacrer à ce programme.
Du point de vue des orientations, je constate que le gouvernement n'a aucun projet à long terme pour la science polaire. Il n'existe aucun mécanisme qui nous permettrait de dégager des priorités nationales, des priorités régionales, et des priorités internationales. À l'heure actuelle, ces sujets ne sont discutés qu'au sein du gouvernement. Il faudrait pourtant trouver les moyens d'élargir davantage cette discussion, pour ce qui est de la formulation d'orientations.
¿ (0920)
Au sein des conseils qui accordent des subventions, du point de vue du savoir polaire, on constate que le savoir polaire doit affronter la concurrence dans les comités qui s'occupent des diverses disciplines et non pas dans les comités régionaux. Ce qui explique qu'il est très rare de trouver quelqu'un dans un comité du CRSNG ou du CRSH qui s'intéresse aux questions polaires. Lorsqu'il s'agit de trouver un candidat intéressant, capable de faire avancer les intérêts de sa collectivité, on constate qu'il n'y en a pratiquement aucun dans ces comités. Celui qui veut faire de la biologie arctique doit donc défendre ses projets au sein d'un comité qui est principalement constitué de biologistes résidant dans le Sud.
Notre communauté scientifique est si réduite et si dispersée entre les diverses universités que nous obtenons très rarement des chaires de recherche canadiennes. Je pense à une ou deux chaires de recherche, outre le programme des chaires consacrées à la recherche nordique, qui ont été attribuées à des scientifiques nordiques. C'est parce que les universités accordent la priorité aux domaines dans lesquels l'université est déjà spécialisée, que ce soit la haute technologie, la médecine, ou un autre domaine de ce genre.
Prenez comme exemple ma propre université, l'Université d'Ottawa. Parmi les quelque 600 professeurs qui y travaillent, il y en a dix qui font de la recherche polaire. Il est très difficile de se faire vraiment entendre dans une université lorsque votre groupe est aussi faible.
Pour revenir à la question de l'élaboration d'une politique nationale dynamique en matière de recherche polaire, j'ai remis à votre équipe de recherche des documents qui expliquent comment d'autres pays établissent leurs priorités dans le domaine de la recherche polaire ou de la recherche arctique. La Finlande, par exemple, a élaboré une stratégie de recherche arctique très complète. C'est ce que peut faire un petit pays. Les grands pays, comme les États-Unis, ont élaboré un certain nombre de documents pour déterminer quels étaient les besoins, les priorités et ensuite, les projets à financer.
Il y a un domaine dans lequel nous avons commencé à élaborer une stratégie ou une politique. Notre petite communauté de chercheurs dans le domaine de l'Antarctique en est à l'étape finale de l'élaboration, en collaboration avec le Comité canadien de la recherche antarctique de la Commission canadienne des affaires polaires, d'un projet de stratégie canadienne en matière de recherche antarctique, qui devrait être publié en juillet.
Le dernier aspect, qui touche également le financement et l'évaluation par les pairs, est que les chercheurs qui travaillent dans l'Arctique doivent accepter les graves répercussions qu'un tel choix risque d'avoir sur leur carrière, parce que les rares subventions destinées à ce domaine doivent absorber des coûts logistiques de plus en plus élevés, ce qui réduit d'autant les fonds utilisés pour la recherche scientifique. Les subventions doivent couvrir le coût des communications et des consultations, qui sont très supérieurs à ce qu'ils sont dans les autres régions.
Pour ce qui est de l'organisation nationale de la logistique arctique, je signale que le projet concernant le plateau continental polaire est gravement sous-financé et qu'il n'est en mesure d'appuyer les activités scientifiques que dans une région très limitée du nord canadien. Dans cette région, le support logistique n'est confirmé que pour un an. Il est donc très difficile de mettre sur pied des projets à long terme, pour lesquels un appui logistique est nécessaire pendant cinq ans, disons, la durée des subventions du CRSNG.
Il y a eu des cas l'année dernière et l'année précédente où des scientifiques qui en étaient à leur quatrième ou cinquième année de recherche dans l'Arctique se sont vu supprimer l'appui logistique, parce que le projet d'étude du plateau continental polaire n'avait pas suffisamment de fonds.
¿ (0925)
C'est ce qui explique qu'il soit très difficile de recruter des étudiants de troisième cycle, parce qu'il est impossible de s'engager à envoyer cet étudiant sur le terrain avant le mois d'avril ou de mai. Nous perdons souvent nos meilleurs étudiants de troisième cycle parce qu'ils se rendent aux États-Unis pour faire des études postdoctorales et aussi, pour leur premier emploi.
Permettez-moi de mentionner, à titre d'illustration, que je parlais à un de mes collègues du Michigan, où l'université de cet État offre à un professeur adjoint nouvellement nommé un montant de 500 000 $ US pour démarrer sa recherche. Aucune institution canadienne n'offre de tels montants. Cela représente un avantage énorme pour certaines universités américaines.
Je peux également vous dire qu'il est plus dangereux de faire de la recherche dans le Nord, que dans d'autres régions. Je vais vous parler de deux expériences que j'ai vécues, dont l'une concernait également Steven.
Deux ans de suite, dans les montagnes St. Elias, un ours a complètement détruit mon camp. Un hélicoptère s'est déjà écrasé en plein milieu de mon camp. Le lien avec Steven est que celui-ci se trouvait à l'intérieur de l'hélicoptère lorsque l'appareil s'est écrasé. À cause du genre d'environnement dans lequel nous travaillons, ce genre de chose vous fait parfois perdre une saison entière de recherche. Cela a un effet sur la productivité, et ensuite, de façon indirecte, sur l'évaluation par les pairs et le financement.
J'aimerais terminer en signalant que la Commission canadienne des affaires polaires suit le savoir polaire au Canada grâce à son projet d'indicateurs de la connaissance polaire. J'en ai laissé une copie à votre groupe de recherche mais il y en a pour tous ceux qui en veulent. Nous pouvons en remettre à tous les membres du comité.
Ce projet a pour objectif d'examiner notre performance dans le domaine de la recherche polaire. Certains indicateurs se prêtent à la recherche à rebours et nous permettront de voir comment les choses ont évolué depuis dix ans. D'autres indicateurs sont nouveaux. Le but est d'évaluer notre performance nationale dans le domaine de la recherche polaire. Nous avons également mis sur pied un réseau d'information polaire qui utilise les outils susceptibles de faciliter l'échange d'idées sur les questions reliées aux affaires polaires. Ce sont là quelques domaines où la commission essaie d'aider la science polaire.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous nous consacrez aujourd'hui. Nous sommes tout à fait disposés à répondre à vos questions. Je répondrai aux questions faciles et Steve aux questions difficiles.
¿ (0930)
Le président: Merci beaucoup.
Vous avez abordé deux sujets dans votre exposé, l'évaluation par les pairs et les budgets. Nous aimerions nous en tenir à l'évaluation par les pairs; j'aimerais donc que vous nous fassiez comprendre les difficultés que soulève l'évaluation par les pairs dans votre domaine, ses avantages et ses désavantages, lorsque nous vous poserons des questions.
Qui va commencer? Monsieur Fitzpatrick. J'en profite pour souhaiter la bienvenue à M. Fitzpatrick au comité de l'industrie. Je suis sûr que vous allez vous y plaire, parce que notre comité travaille très fort pour faire bouger les choses. Bienvenue.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Un nouveau.
Le président: Un nouveau. À partir d'aujourd'hui, il faudra mesurer au moins 1,85 mètre pour pouvoir faire partie du comité de l'industrie.
Une voix: Heureusement que nous y sommes déjà.
M. Brian Fitzpatrick: Merci beaucoup, monsieur Johnson, pour votre exposé.
J'aimerais avoir certaines précisions. Vous avez mentionné que pour faire de la recherche dans le Nord, il fallait obtenir l'autorisation de diverses collectivités nordiques. Je sais que dans notre pays il n'est pas facile de faire bouger les choses d'est en ouest mais il m'a semblé qu'il n'était pas non plus facile de faire bouger les choses du nord au sud, à cause des bureaucraties et du reste.
Pourriez-vous m'expliquer pourquoi il faut obtenir l'autorisation des collectivités nordiques? De quelles collectivités parlons-nous? Dans quel but exigent-elles que soit autorisée la recherche polaire?
M. Peter Johnson: Je crois qu'il serait bon de décrire le contexte.
Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut—ce qui constituait à l'origine les Territoires du Nord-Ouest—la réglementation avait pour but au départ de suivre les activités scientifiques qui s'exerçaient dans le Nord pour que les résultats de ces activités soient communiqués aux collectivités concernées. Il était déjà souvent arrivé que des gens se rendent dans le Nord, dans les collectivités, réunissent des données et repartent sans communiquer leurs résultats aux collectivités concernées.
Cette réglementation a progressivement évolué et il existe aujourd'hui un centre d'attribution des permis auquel il faut s'adresser. Dans le cas des Territoires du Nord-Ouest, par exemple, il faut présenter une demande à l'Institut de recherche Aurora, qui fait partie du Collège Aurora. La demande est ensuite transmise à toutes les collectivités des Premières nations et il faut ensuite répondre aux besoins qu'expriment certaines collectivités en matière de recherche. Le projet de recherche est en fait élaboré en consultation avec les collectivités.
Il y a aussi des coûts qui viennent se greffer à cela: il faut embaucher des résidents pour qu'ils participent à la recherche, ils travaillent parfois comme guides, ou ils s'occupent de chasser les ours polaires—un aspect que le député de Churchill connaît sans doute très bien—et il faut également payer des frais pour utiliser des terrains et ce genre de choses. Il s'agit en fait d'assurer la diffusion du projet de recherche et d'aménager la collaboration et la participation des intéressés pour ce qui est de la façon d'effectuer la recherche.
Ce processus peut prendre pas mal de temps. Il faut présenter la demande de permis trois mois à l'avance. Au Nunavut, il faut en plus présenter en inuktitut l'essentiel du projet de recherche, pour qu'il puisse être transmis aux collectivités et que celles-ci donnent leur accord à votre programme. C'est un processus très complexe.
¿ (0935)
M. Brian Fitzpatrick: Je voulais vous poser une autre question pour obtenir en fait des précisions. Vous avez parlé de l'Université du Michigan, des fonds dont elle disposait, et de choses de ce genre. Dois-je comprendre qu'un scientifique qui veut faire carrière dans la science et la recherche polaires ferait mieux de travailler aux États-Unis, pour ce qui est des possibilités et des ressources, que de rester au Canada?
M. Peter Johnson: Bien sûr. En fait, il est possible de faire davantage de recherche au Canada en obtenant un poste aux États-Unis. Les subventions de la National Science Foundation sont plus généreuses et les grandes universités offrent un meilleur appui.
Il est déjà arrivé ces dernières années que des projets canadiens qui avaient reçu des subventions de quelques milliers de dollars se trouvent en concurrence sur le terrain avec des projets financés à coup de millions de dollars par les fondations américaines ou par la National Science Foundation.
M. Brian Fitzpatrick: Il n'y a donc pas que les joueurs de hockey qui partent aux États-Unis; il y a aussi des scientifiques.
M. Peter Johnson: Oui. Cela vaut évidemment pour toute la recherche polaire, pas seulement pour la recherche arctique.
Le président: Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.
Étant donné que c'est moi qui vous ai invités, je suis heureux de voir que vous avez pu venir et je pense que vous avez présenté d'excellentes observations. Les autres témoins ont abordé des points intéressants mais vous en avez abordé également. Je suis content que nos attachés de recherche soient ici. J'aimerais bien retrouver tout cela dans notre rapport final. Je ne peux pas ajouter grand-chose à ce que vous avez dit parce que vous avez parlé du Nord, de son caractère unique, et des problèmes que pose la recherche dans cette région.
Ma première question porte sur l'évaluation par les pairs et les conseils subventionnaires. Étant donné qu'il n'y a pas d'université au nord du 60e parallèle et qu'il existe néanmoins l'Université de l'Arctique, une université virtuelle, je voudrais savoir si cette université a déjà obtenu des subventions accordées par ces conseils subventionnaires pour la recherche nordique avec le système actuel? Pensez-vous qu'elle pourra en obtenir à l'avenir? Je sais que Bev et moi avons lutté pour obtenir des fonds pour que des scientifiques du Nord fassent de la recherche dans cette région, mais je ne sais pas si cela a débouché.
M. Peter Johnson: Il faudra attendre quelques années avant que l'Université de l'Arctique soit admise à participer aux programmes de subventions. Je pense que les chercheurs des collèges auront plus facilement accès aux subventions de ces conseils que l'Université de l'Arctique.
D'un certain côté, il y a le fait que l'Université de l'Arctique s'est développée très vite mais d'un autre côté, il est très frustrant de ne pouvoir progresser plus rapidement.
Un des aspects intéressants de votre question est que le CRSNG et le CRSH ont été amenés à examiner les répercussions des universités virtuelles sur les conseils subventionnaires et les effets qu'elles vont avoir sur le financement de la recherche dans des milieux de recherche virtuels ainsi que l'effet que cela va avoir sur les fonds accordés aux professeurs et aux étudiants qui font partie de ces universités virtuelles. Avec ces nouvelles universités virtuelles, qui ont toutes une forte composante internationale, un étudiant de Tromsø peut être supervisé par des professeurs de Toronto, en Ohio, et peut-être même, en Australie. Cette situation aura d'importantes répercussions sur la façon dont sont répartis les fonds existants. Cela va également avoir des répercussions sur le processus d'évaluation par les pairs.
Nous allons avoir une réunion au mois d'avril pour finaliser le rapport préparé par le CRSNG et le CRSH, qui devrait donc être publié au cours de l'été.
¿ (0940)
M. Larry Bagnell: La seconde partie de la question porte sur le fait qu'il n'y a que des collèges dans le Nord à part l'Université virtuelle de l'Arctique. Les collèges communautaires nous ont déjà fait savoir qu'ils n'avaient pas suffisamment de fonds. Pour ce qui est des collèges nordiques, comme le Northern Research Institute du Collège du Yukon, pensez-vous qu'ils reçoivent suffisamment de subventions? Devrions-nous recommander que l'on augmente les fonds qui leur sont accordés?
M. Peter Johnson: Il y a des collèges qui reçoivent des subventions de recherche. Je ne pense pas qu'ils en obtiennent suffisamment mais ils utilisent très bien ces subventions. Le Collège du Yukon, par exemple, est à la pointe de la recherche dans le domaine des effets du changement climatique et de l'habitat nordique. Il y a le Northern Climate ExChange du Northern Research Institute qui a des fonds pour la recherche. Il y a donc quelques possibilités.
La grande question est, d'après moi, comment faciliter l'accès aux principaux organismes subventionnaires pour les collèges du Nord. Ils ont à l'heure actuelle la possibilité d'obtenir des subventions auprès de la Fondation canadienne pour l'innovation, la FCI. Je ne pense pas que les collèges nordiques aient utilisé cette possibilité mais ils ont accès à la FCI depuis deux ou trois ans grâce à un programme destiné spécialement aux collèges. Je crois que cet organisme a reçu des projets de recherche très intéressants.
Je ne pense pas que les collèges du Nord aient accès à des subventions de recherche suffisantes mais la situation s'est améliorée depuis quelques années.
M. Larry Bagnell: Merci.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.
Dans un premier temps, j'aimerais remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation et de nous faire part de leur point de vue sur la question de l'évaluation des pairs.
Contrairement à plusieurs des collègues qui sont ici, dans cette salle, je représente non pas une circonscription du Nord, mais bien une circonscription dite du Sud, une circonscription de la région de Montréal, de la rive sud de Montréal. Cependant, j'ai eu le plaisir de siéger au Comité des affaires étrangères et du commerce international au moment de son étude sur les affaires circumpolaires, étude qui allait être suivie par la création du Conseil de l'Arctique.
Le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Lloyd Axworthy, était absolument convaincu de l'importance, pour le Canada, du Nord et des affaires circumpolaires, puisqu'au moins la moitié du territoire du Canada est située au nord et que la plus grande partie du littoral du Canada est baignée par l'océan Arctique. Malheureusement, l'intérêt du gouvernement semble s'être pour le moins étiolé depuis que Lloyd Axworthy a quitté ce gouvernement.
Cependant, comme vous le savez, il y a eu un rapport portant sur l'état de crise au niveau de la recherche dans le Nord. Un groupe de travail a été mis sur pied conjointement par le Conseil de recherches en sciences humaines et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Ce rapport prévoyait la création de 24 chaires, soit 12 chaires de professeurs-chercheurs principaux et 12 chaires de professeurs-chercheurs associés, 40 bourses, 70 projets stratégiques et ainsi de suite. Parmi tout cela, le gouvernement, jusqu'à maintenant, a annoncé tout récemment, le 3 avril, la création de six chaires de recherche.
À la suite des travaux du groupe de travail, avez-vous des raisons de penser que le gouvernement ira plus loin ? Est-ce qu'on peut envisager qu'il y aura création d'autres chaires de recherche et qu'il y aura mise en place de bourses d'études pour les étudiants s'intéressant aux études polaires ? Quelle est votre perception quant à la suite que le gouvernement entend donner aux travaux du groupe de travail ?
[Traduction]
M. Peter Johnson: Nous parlons des conseils subventionnaires, des chaires de recherche nordiques et du fait que six chaires de recherche ont été créées. Cela indique, je crois, que le CRSNG s'intéresse au Nord. Cet organisme s'est engagé à essayer de trouver des fonds pour le programme d'automne. L'aspect essentiel du rapport intitulé De l'état de crise à la relance est qu'il a été élaboré par le CRSH et le CRSNG. Nous avons besoin en fait que le CRSH fournisse des fonds pour la création de chaires en sciences humaines, voire même des chaires interdisciplinaires.
Nous avons eu beaucoup de chance d'obtenir les six chaires qui viennent d'être annoncées—celles auxquelles vous avez fait allusion—parce que cela indique que le CRSNG a considéré important de consacrer ses ressources à la création de chaires et qu'il a même prévu des fonds supplémentaires pour les étudiants de troisième cycle et les études postdoctorales. Notre but est de financer l'ensemble du programme. En fait, je voudrais ajouter immédiatement que nous considérons que les recommandations contenues dans le rapport sont un minimum. Nous espérons beaucoup que les gens ne vont donc pas dire eh bien, vous avez eu vos six chaires et ce sera tout. Nous voulons obtenir tout ce qui était prévu.
Je vais revenir à vos commentaires sur l'intérêt du ministre Axworthy pour les questions nordiques. J'ai assisté hier à une demi-réunion à Vancouver dans le Liu Centre qui avait été organisée par le ministre Axworthy et qui faisait suite à la conférence «On Thinning Ice» que nous avions tenue là il y a deux ou trois semaines. Il s'intéresse donc toujours aux questions nordiques et certainement, au Conseil de l'Arctique.
Steve pourrait probablement vous en dire davantage au sujet du Conseil de l'Arctique parce qu'il nous y représente, à titre de membre ou d'observateur. On a beaucoup parlé hier matin à Vancouver du Conseil de l'Arctique et de son rôle. Voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
¿ (0945)
M. Steven Bigras (directeur exécutif, Commission canadienne des affaires polaires): Je crois que nous nous écartons du sujet. Voulons-nous poursuivre la question de l'évaluation par les pairs ou parler des activités du Conseil de l'Arctique? Je me contenterais de dire que cet organisme est très favorable à l'Université de l'Arctique.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Je vais revenir sur la question de l'évaluation des pairs dans un instant, mais en ce qui a trait à la création des six chaires qui ont été annoncées le 3 avril dernier, jusqu'à quel point la Commission canadienne des affaires polaires a-t-elle été associée à la définition des thématiques pour les six premières chaires annoncées et à la composition de ces chaires?
[Traduction]
M. Peter Johnson: La commission n'a pas participé au choix des candidats, ni, par conséquent, à celui des domaines retenus. Ces décisions se basent sur l'évaluation par les pairs, sur l'excellence des connaissances scientifiques du candidat, et aussi, sur la volonté d'apporter une contribution aux collectivités nordiques par l'intermédiaire des collèges et des collectivités elles-mêmes. La commission n'a donc pas participé au processus d'évaluation par les pairs du CRSNG.
La commission a participé à la préparation du rapport intitulé De l'état de crise à la relance. En fait, nous avions indirectement deux représentants sur cette équipe. Il y avait un représentant de notre commission qui faisait partie du groupe de travail et j'en faisais également partie, au départ à cause de mes fonctions au sein de l'Association universitaire canadienne d'études nordiques et également, par l'intermédiaire de la Commission canadienne des affaires polaires. Nous avons effectivement participé à la préparation du rapport mais il y a eu ensuite le processus d'évaluation par les pairs, une activité qui relève exclusivement du conseil subventionnaire.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Dans le document que vous nous avez remis, vous faites état de la difficulté attribuable au fait que le milieu scientifique dans le Nord est très petit, que le nombre d'étudiants est très limité, que le nombre de chercheurs est très limité également. Vous dites qu'il est difficile de mettre en place un système d'évaluation des pairs ou de procéder au choix des projets et au choix des étudiants ou des chercheurs qui recevront des subventions par le biais du système d'évaluation des pairs.
Comment réussissez-vous à le faire malgré tout par le système d'évaluation des pairs? Et si vous ne le faites pas par le système d'évaluation des pairs, de quelle façon évaluez-vous les projets qui doivent recevoir des subventions?
¿ (0950)
[Traduction]
M. Peter Johnson: Je vous répondrais en disant que, dans la plupart des domaines de la science polaire dont s'occupent les Canadiens, le processus d'évaluation par les pairs fait appel à des spécialistes étrangers. Je ne sais pas si cela répond vraiment à votre question.
Il est difficile de constituer un groupe d'évaluation. Prenons, par exemple, la glaciologie. Le plus grand glacier non polaire au monde est situé au Canada. Il existe un glaciologue au Canada. Nous avons une petite section de glaciologie à Ressources naturelles Canada. Il est très difficile d'utiliser le processus d'évaluation par les pairs pour les projets qui concernent ce domaine.
De toute façon, il n'y a pas beaucoup de glaciologues au monde, c'est donc inévitablement un problème international. Est-ce que cela répond à votre question?
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Oui et non. C'est-à-dire que je comprends que, dans la mesure du possible, et vous me corrigerez si je me trompe, pour les études polaires, on tente, autant que faire se peut, de procéder à l'attribution des subventions par le système d'évaluation des pairs, quitte à faire en sorte que la composition du panel inclue des chercheurs de l'étranger, mais dans l'éventualité où vous ne pourriez pas procéder par le système d'évaluation des pairs, procéderiez-vous d'une autre façon et, si oui, laquelle?
[Traduction]
M. Peter Johnson: Je crois qu'il faut conserver le processus d'évaluation par les pairs. Je ne pense pas qu'il existe d'autres façons d'évaluer les projets, qu'il s'agisse de projets universitaires ou gouvernementaux.
Je n'ai pas vraiment de suggestion à faire sur la façon de résoudre ce problème. Il arrive effectivement que l'on soit amené à évaluer un projet présenté par quelqu'un avec qui vous avez rédigé un ouvrage ou fait de la recherche. La solution passe par le développement de ce groupe de chercheurs et d'en arriver à un point où il y aura plusieurs universités et plusieurs collèges qui s'occuperont de ces disciplines. C'est la solution à long terme.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: À défaut de cela, vous considérez malgré tout que le système d'évaluation des pairs est le meilleur système pour attribuer les subventions.
[Traduction]
M. Peter Johnson: C'est encore le meilleur système pour attribuer des subventions de recherche, effectivement.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici.
Nous sommes sans doute tous d'accord pour dire que le Nord, envisagé uniquement du point de vue de l'énergie, offre des possibilités incroyables. Du point de vue de l'environnement, il faut admettre que l'environnement nordique est fragile, et qu'il faut donc prendre des précautions, sans parler de la préservation des cultures et des langues.
Vous avez utilisé l'expression «communauté scientifique», je me demande si vous pourriez nous parler de la communauté scientifique qui s'intéresse aux affaires polaires et non pas à la seule région boréale du Canada, dans le contexte de l'évaluation par les pairs. J'imagine qu'il existe un réseau très complexe lorsqu'il s'agit des zones polaires, il y a l'Alaska, la Russie, le Groenland, etc., et j'imagine que le processus d'évaluation par les pairs fait appel à cette communauté internationale de chercheurs. J'aimerais que vous nous parliez un peu de cela et que vous nous disiez comment cette communauté, comme je l'espère et comme elle le fait sans doute, coordonne ses efforts pour amener les gens du Sud non pas seulement à financer votre recherche mais à s'intéresser à vos domaines.
M. Peter Johnson: Il existe effectivement des réseaux internationaux très importants, et pas seulement dans quelques disciplines. Un aspect intéressant du monde circumpolaire et du monde circumarctique est qu'ils accordent une grande importance aux méthodes interdisciplinaires. Une bonne partie de la communauté internationale fait partie de ces réseaux et également du processus d'évaluation par les pairs.
Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches en sciences humaines utilisent en fait ces réseaux internationaux de scientifiques pour leur processus d'évaluation.
¿ (0955)
M. Brent St. Denis: Y a-t-il d'autres acteurs, d'autres pays qui s'occupent de la zone circumpolaire? Quelle est contribution des différents pays? Est-ce que chacun, y compris le Canada, fait sa part, pour ce qui est de la recherche et de la collaboration?
M. Peter Johnson: Pour ce qui est de la recherche arctique et antarctique, la part qu'assument ces différents pays varie énormément. À l'heure actuelle, lorsque nous parlons à nos confrères internationaux, nous nous situons juste devant la Russie pour ce qui est des ressources consacrées à la science polaire. Si l'on tient compte de l'Antarctique, les Russes font beaucoup plus que nous. On nous cite en exemple, on dit que nous sommes le seul pays qui a réussi à rentabiliser sa recherche en Antarctique, alors que nous n'en faisons pas beaucoup, ce qui est une contradiction intéressante.
M. Brent St. Denis: Je me demande si vous ne pourriez pas énumérer les pays qui font partie de la région arctique, pour le compte rendu.
M. Peter Johnson: Les huit pays circumarctiques sont les États-Unis, le Canada, le Groenland—c'est-à-dire, le Danemark—l'Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie.
M. Brent St. Denis: Je vais poser une dernière question, monsieur le président, si vous le permettez.
Compte tenu de l'importance croissante que l'on accorde au changement climatique, importance qui va continuer, nous l'espérons, à croître... J'ai lu récemment quelques articles qui parlaient de la possibilité que les mers de la région arctique ne gèlent plus. C'est un scénario pessimiste. Pensez-vous que...? Il est possible que parallèlement, on puisse utiliser de vastes réservoirs d'énergie, je pense que le méthanol... Est-ce qu'il y en a dans votre secteur, Larry? Je félicite mon collègue, M. Larry Bagnell, d'avoir contribué à vous faire venir ici.
Compte tenu de l'intérêt immédiat qu'offrent ces possibilités, je me demandais si cela n'encourageait pas les chercheurs à présenter des projets intéressants? Est-ce que cela vous aide dans votre travail de relations publiques? Comme le font les chercheurs dans les autres domaines, vous essayez d'obtenir des subventions, vous essayez d'attirer les meilleurs étudiants universitaires. Vous voulez qu'ils choisissent votre domaine.
Je me demandais si les médias... Il y en a qui diffusent des mauvaises nouvelles mais de façon concrète, est-ce que cela a un effet positif sur votre capacité de faire comprendre et mieux connaître les questions qui touchent la région de l'Arctique?
M. Peter Johnson: Il faut reconnaître que cette évolution a eu pour effet de multiplier les propositions concernant la recherche arctique, en particulier les aspects qui touchent ces deux domaines particulièrement essentiels. Les subventions n'ont pas encore suivi. En fait, je parlais ce matin, avant la séance de votre comité, à des gens du collectif, avec Gordon McBean, qui est le directeur de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère. Ils viennent d'effectuer une évaluation des projets de recherche en science arctique, tout comme vient de le faire le Fonds d'action pour le changement climatique. Il y a beaucoup plus de projets de recherche que de subventions. Cela suscite donc beaucoup d'intérêt. Les possibilités économiques expliquent en grande partie l'intérêt manifesté pour ce domaine scientifique. Je ne pense pas que nous réussissions à suivre le rythme du développement des possibilités économiques. Je crois que les deux domaines que vous venez de mentionner vont prendre une grande importance au cours des 20 prochaines années.
En fait, pour ce qui est des hydrates de gaz que vous avez mentionnés, et dont il existe des réserves énormes au large du delta du Mackenzie, dans la mer de Beaufort et sur le versant nord du Yukon, ces substances pourraient entraîner la libération de quantités considérables de gaz à effet de serre. En fait, le méthane va jouer un rôle encore plus important que le gaz carbonique dans le réchauffement de la planète. Son importance commence à se faire sentir et je crois qu'au cours des 10 ou 20 prochaines années, les gens parleront beaucoup plus de méthane que de gaz carbonique.
À (1000)
M. Brent St. Denis: À cause du dégagement naturel de ces gaz, à mesure que le climat... C'est une sorte de cercle vicieux, le réchauffement de l'atmosphère entraîne la libération de ces gaz qui étaient auparavant sous forme solide.
M. Peter Johnson: Avec le réchauffement de l'atmosphère, oui.
En fait, sur le plan énergétique, certains affirment que les réserves d'hydrates de gaz sont plus importantes que celles de tous les autres types de carburant fossile sur la terre. Cela va devenir, je crois, un grand sujet de préoccupation.
M. Brent St. Denis: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Oui.
Messieurs, je vous remercie d'être venus ici et d'avoir fait preuve de patience ce matin.
Je vais vous poser quelques brèves questions. Pour ce qui est de la nomination des titulaires des chaires de recherche et en raison du fait que la Commission des affaires polaires n'est pas consultée au sujet de l'attribution de ces chaires de recherche, pensez-vous que la commission devrait avoir son mot à dire sur ces questions?
M. Peter Johnson: Non, je ne le pense pas. Je suis moi-même un universitaire, mais la Commission n'est pas un organisme universitaire. Le CRSNG a décidé de créer ces chaires, mais ce sont ensuite les universitaires qui s'en occupent, avec la participation de certains collèges et de certaines communautés nordiques.
Je ne sais pas si vous avez vu la description de ces chaires, mais il est exigé que leur titulaire travaille dans des collèges nordiques, qu'il enseigne dans ces collèges. Ce n'est donc pas à nous de procéder à des évaluations par les pairs, de type universitaire.
Mme Bev Desjarlais: Très bien. Vous avez mentionné il y a un instant qu'il était parfois difficile d'obtenir des subventions pour des projets concernant les régions nordiques, parce qu'elles n'étaient pas représentées, pour une raison ou pour une autre, au sein du CRSNG—si j'ai bien compris. Je pense que c'était le point essentiel.
Es-t-il possible de savoir si ces demandes ont été examinées correctement, notamment celles qui concernaient les chaires, mais également si des projets de recherche n'ont pas été retenus, d'après vous, parce que cette région n'est pas représentée au sein du CRSNG?
M. Peter Johnson: Je ne suis pas vraiment en mesure de vous dire pourquoi certains projets de recherche n'ont pas été retenus. Il est difficile de savoir l'effet que peut avoir l'absence de représentants des régions du Nord dans ces comités.
Je crois qu'au cours des deux dernières années, après le rapport intitulé De l'état de crise à la relance, nous avons réussi à sensibiliser le comité aux besoins de la recherche nordique et aux difficultés particulières qu'elle rencontre. Je crois qu'il ne serait pas réaliste d'espérer avoir un représentant des régions nordiques dans tous les comités. Nous avons été heureux qu'on ait créé ce programme de chaires, qui visait les régions nordiques et était distinct du programme de chaires canadiennes. Ces chaires étaient destinées à la recherche nordique et ce sont des gens qui font de la recherche dans ce domaine et qui résident dans ces régions qui les ont désignées. Par contre, je ne pourrais pas faire de commentaires sur des projets précis qui n'ont pas été subventionnés.
Je pourrais toutefois vous signaler des cas où le CRSNG a financé des programmes nordiques qui ont ensuite éprouvé de grosses difficultés à obtenir les services logistiques nécessaires à leur réalisation. Il existe en ce moment un cas de ce genre, un programme canadien, l'étude du plateau arctique canadien, dirigé par le professeur Louis Fortier de l'université Laval, un excellent programme qui a reçu des subventions mais on se demande encore aujourd'hui si les chercheurs pourront utiliser un brise-glace équipé pour la recherche scientifique. Nous espérons que l'on va annoncer dans les jours qui viennent la remise en service du brise-glace Franklir, qui se trouve à l'heure actuelle à Terre-Neuve, et sa transformation en navire scientifique pour qu'il puisse être utilisé pour ce projet l'année prochaine. Je pense qu'ils essaient d'avoir un brise-glace pour pouvoir démarrer le projet cette année.
À (1005)
Mme Bev Desjarlais: Pour ce qui est des permis que vous devez obtenir pour aller dans certains secteurs, est-ce que cela coûte quelque chose à part les frais de déplacement pour se rendre dans cette région? Est-ce que le permis lui-même coûte quelque chose?
M. Peter Johnson: Je ne pense pas qu'il faille acheter ces permis mais il faut exposer des faits pour en obtenir un. Par exemple, lorsqu'on travaille dans le delta du Mackenzie qui relève des Territoires du Nord-Ouest pour les permis, si l'on travaille à la fois dans le territoire des Inuvialuit et dans celui des G'wichin, il faut payer environ 2 000 $ de frais supplémentaires pour le camping, pour l'installation d'un camp de recherche. Dans d'autres régions, il n'y a pas de frais. Au Yukon, par exemple, il faut obtenir toute une série de permis et d'autorisations mais vous n'avez rien à débourser.
Mme Bev Desjarlais: Pouvez-vous me dire, par simple curiosité, si l'on n'a pas mis certaines conditions parce qu'il était arrivé auparavant que les renseignements ne soient pas communiqués aux intéressés, vous avez parlé du cas de la recherche vous-même? Y a-t-il eu des cas où des chercheurs ont pris certaines choses dans les territoires et où les gens ne s'en sont pas rendu compte immédiatement?
M. Peter Johnson: C'est effectivement ce qui s'est produit. N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas simplement d'objets concrets mais de propriété intellectuelle. Il y a eu des cas dans les années 1950 et les années 1960, à cette époque, où des gens sont venus parler aux membres des collectivités de connaissances traditionnelles et de choses de ce genre pour ensuite disparaître et publier leurs études sous leur propre nom dans les universités du Sud. Cela a causé un certain nombre de problèmes. Oui, il y a eu effectivement des cas où des biens physiques et intellectuels ont disparu.
Mme Bev Desjarlais: Très bien. Je crois que j'ai terminé.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci. Excusez-moi, j'ai dû m'absenter un moment.
Je suis très heureuse que vous soyez ici. Il y a quelques années, un groupe de députés s'est rendu à Resolute, à Gris Fiord et à Iqaluit; il a rencontré des scientifiques qui faisaient de la recherche dans le nord. Cela nous a fait comprendre l'importance de cette région, les difficultés rencontrées pour faire de la recherche scientifique dans le Nord et les frais considérables que cela entraîne.
C'est sans doute la principale difficulté: ce sont des régions très éloignées. Il faut expliquer à la population les possibilités et la beauté de ces régions, la nécessité de poursuivre la recherche mais ce n'est pas facile à cause de l'éloignement.
C'est pourquoi je me demande, avec l'accroissement des possibilités de se rendre dans le Nord, avec l'augmentation du nombre des navires de croisière qui s'y rendent, s'il y a la volonté d'utiliser tout ceci pour sensibiliser la population, si vous vous servez des gens qui ont eu la chance d'aller dans le Nord.
M. Peter Johnson: L'éducation est bien sûr une de nos principales préoccupations. L'information de la population est une des tâches de la Commission des affaires polaires—il faut l'informer au sujet du savoir polaire, des questions polaires. J'ai constaté il y a des années que cela était plus difficile que je ne le pensais au départ, parce qu'il est beaucoup plus facile de parler de la jungle de l'Amazonie, à ce niveau en tout cas, que du Nord.
Les collectivités nordiques ont réussi à bien se faire connaître pour ce qui est des discussions nationales et internationales. Je persiste à penser—et j'ai peut-être déjà trop utilisé cette comparaison—que pour les gens de Toronto, le nord, c'est Muskoka. Les Manitobains, sont beaucoup plus sensibilisés, parce que pour les Manitobains c'est Churchill. Ils connaissent Churchill et ils savent ce que cela représente. Mais je ne pense pas que notre pays s'intéresse vraiment aux questions nordiques.
Mme Paddy Torsney: Il faut reconnaître que les 175 personnes qui habitent à Grise Fiord vont avoir du mal à expliquer cela à tous les autres.
Mais vous avez un public captif. Tous ceux qui se rendent dans cette région sont prêts à demander que l'on accorde des fonds à cette recherche. Je me demande s'il ne serait pas possible de communiquer avec les gens qui ont déjà été dans cette région, ne serait-ce que pour peu de temps. Par exemple, il y a le programme Students on Ice, et deux jeunes de ma circonscription y ont participé... Ces jeunes sont motivés, dynamiques, ils peuvent parler de choses que la plupart des jeunes de 17 ans n'imaginent même pas. Il faut exploiter ces possibilités et encourager ces gens... J'ai été dans le Nord en 1998. La situation de la recherche nordique à cette époque était grave—c'était avant ce groupe de travail—on s'inquiétait du fait qu'il n'y avait même pas de jeunes scientifiques désireux de se lancer dans ce domaine, parce qu'il n'y avait pas de fonds pour la recherche. J'espère que vous allez pouvoir vous servir de toutes ces choses et encourager ces activités, parce que cela touche notre souveraineté, et je pense qu'il y a de grandes possibilités dans ce domaine et qu'il suffit que les gens en sachent davantage.
À (1010)
M. Peter Johnson: J'emmène tous les étés une dizaine d'étudiants au Yukon. Cet été, j'en emmène dix sur le glacier St. Elias. Ils semblent avoir besoin d'un programme comme Students on Ice, de quelque chose d'organisé pour aller dans le Nord. Ils semblent penser qu'il est très difficile d'aller dans le Nord et qu'il est beaucoup plus facile d'aller en Europe.
Les parents ont une attitude bizarre. Ils semblent croire que leurs enfants courent moins de danger en Europe, lorsqu'ils font le tour des grandes villes d'Europe qu'au Yukon lorsqu'ils se promènent dans le parc national de Klouane. Eh bien, la seule chose qui soit vraiment dangereuse dans le parc national de Klouane, ce sont les ours. En Europe, je pourrais...
Mme Paddy Torsney: N'en faites pas l'inventaire sinon les jeunes resteront chez eux.
Il faut reconnaître qu'il y a beaucoup plus de voyages organisés en Europe, de différentes sortes, qu'il y en a pour se rendre à Klouane ou ailleurs. Encore une fois, ceux qui ont déjà été dans le Nord sont des convertis. Je dis à tous mes électeurs, aux réunions du Rotary Club, et aux autres, d'aller dans le Nord. N'allez pas en Floride, n'allez pas en Amazonie. Allez dans le Nord et vous serez impressionnés par sa beauté—allez même à Dawson City, ce qui n'est pas très au nord. Il est surprenant d'apprendre qu'à une époque donnée un tiers des revenus de notre pays venait de Dawson City. Je crois qu'il faut faire un effort concerté. Et comme je le dis, vous avez un public captif composé de députés qui ont eu la chance de se rendre là-haut.
Dans le domaine des connaissances traditionnelles, lorsque nous travaillions sur la Loi sur la protection de l'environnement et sur d'autres projets de loi, dans lequel nous aménageons la participation des personnes qui ont des connaissances scientifiques, des connaissances traditionnelles au processus décisionnel—aussi bien dans l'évaluation par les pairs que pour ce qui est de la mise en oeuvre des lois—une des difficultés qui nous a été signalée est qu'il n'y a pas suffisamment de gens en mesure de participer à ces processus scientifiques; il faudrait donc prendre des mesures concertées pour former et renforcer la capacité de tous les gens dont nous avons besoin. Avez-vous lancé des programmes particuliers ou des programmes qui vous permettent de jumeler des scientifiques pour faciliter les transferts de connaissances, tout en renforçant la capacité des gens de participer à ce processus? Nous sommes en train de créer une forte demande pour ces personnes, par le biais des dispositions législatives.
M. Peter Johnson: Je ne pense pas qu'on accorde suffisamment d'importance à cet aspect. Il nous faut développer notre capacité d'utiliser les connaissances traditionnelles pour concevoir et élaborer nos projets. Trop souvent, nous en faisons un appendice, ce qui est complètement inutile. Il faut apprendre aux gens à utiliser les connaissances traditionnelles dans tous les aspects de la science, du savoir, ou d'un autre domaine, et il faut que cela vienne de l'intérieur. On ne peut pas enseigner à l'université comment utiliser les connaissances traditionnelles parce qu'il faut que les professeurs eux-mêmes possèdent ces connaissances, pour qu'ils puissent les appliquer.
Mme Paddy Torsney: Oui, mais permettez-moi de vous dire qu'il faut bien commencer quelque part. Actuellement, il y a quelques rares spécialistes qui ne répondent pas à la demande et il faut indiquer aux jeunes qu'ils peuvent faire carrière dans ce domaine et il faut mettre sur pied des programmes à leur mesure. Si l'on ne fait pas savoir aux intéressés qu'il y aura un jumelage des connaissances, parce qu'il y a un besoin à combler, les jeunes ne chercheront pas à participer à ces programmes.
À (1015)
M. Peter Johnson: Il y a des possibilités de carrière et la plupart des résidents de ces collectivités savent que les divers aspects des connaissances traditionnelles offrent des possibilités de carrière, en conjonction avec la science occidentale, avec les aspects juridiques, et d'autres, par exemple. Les collèges ont commencé à essayer de répondre à ce besoin. Les collèges disposent de très peu de fonds et ne peuvent mettre sur pied que des programmes très réduits. Ces collèges créent des programmes destinés à quelques étudiants seulement, ils ne peuvent faire davantage.
Ce n'est pas un exemple qui touche les connaissances traditionnelles mais il y a quelques années, le Collège du Yukon a lancé un programme de soudure, qui a été une réussite. Cependant, en trois ou quatre ans, ce collège a formé suffisamment de soudeurs au Yukon pour des années et des années... Ces programmes n'accueillent pas beaucoup d'étudiants et il faut les préserver, même si du point de vue économique il serait peut-être plus rentable de les offrir dans des universités du sud du Canada... Il n'y a pas beaucoup d'habitants dans le Nord et il n'y aura jamais beaucoup d'étudiants qui participeront à ces programmes.
Mme Paddy Torsney: Avez-vous des besoins immédiats, urgents, en plus du brise-glace? Y a-t-il des choses qu'il faudrait faire d'ici deux ou trois mois, par exemple?
M. Peter Johnson: Je n'en suis pas sûr. Il y a beaucoup à faire dans le domaine des effets et de l'adaptation au changement climatique, en rapport avec les questions énergétiques, en particulier ceux qui commencent à s'appliquer à la navigation. Cela fait maintenant une dizaine d'années que l'on examine de façon très approfondie la route du Nord pour contourner la Russie. Nous n'avons pas fait grand-chose dans ce domaine. Il y a énormément de travail à faire sur le plan scientifique, et aussi sur le plan économique.
Comme je l'ai mentionné il y a un instant, les demandes de subventions pour des projets portant sur le changement climatique qui ont été présentés au Fonds d'action pour le changement climatique et à la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère portaient au total sur une somme qui était entre dix et cent fois supérieure au montant des subventions à distribuer.
Mme Paddy Torsney: J'espère que notre comité recommandera d'augmenter les fonds consacrés à la recherche nordique et à la création de programmes spécialisés pour les frais supplémentaires, ne serait-ce que les frais de déplacement et de subsistance. Une fois arrivé dans le Nord, on constate que la vie est plus chère. Je serais tout à fait disposée à appuyer quelque chose de ce genre, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais vous demander de centrer la discussion sur le sujet qui nous réunit, c'est-à-dire l'évaluation par les pairs. Je tiens à m'assurer que l'on pose toutes les questions à ce sujet, parce que notre rapport va porter sur l'évaluation par les pairs. Je tenais simplement à rappeler cela à quelques personnes.
Monsieur Fitzpatrick, pendant cette deuxième série de questions, je voudrais être sûr que nous allons nous en tenir à l'évaluation par les pairs dans le Nord et sur les façons de progresser. Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick: Je pense que cette question vous plaira.
Sur le plan de l'évaluation par les pairs, pouvez-vous me donner un exemple concret qui montre que les connaissances traditionnelles des gens du Nord doivent être intégrées à ce processus?
M. Peter Johnson: Pour illustrer l'importance des connaissances traditionnelles pour le savoir scientifique, je vous citerai le cas des bélugas dans l'Arctique de l'ouest: l'importance environnementale, écologique du béluga, mais aussi son importance comme source de nourriture traditionnelle, et le fait que la science occidentale traditionnelle évaluait depuis des années le nombre des bélugas et leur habitat et que ces évaluations ne correspondaient pas à ce que nous disaient les pêcheurs locaux, tant sur le plan des nombres que sur celui de leur habitat.
Il a fallu que ces deux groupes se réunissent et examinent ce que pouvaient offrir les connaissances traditionnelles, conjuguées aux possibilités offertes par la science occidentale, pour qu'ils se fassent une idée plus précise du nombre des bélugas, de l'écologie des bélugas, des possibilités d'exploitation de cette ressource, et donc, de leur impact sur l'économie locale.
Est-ce un exemple qui vous convient?
À (1020)
M. Brian Fitzpatrick: Oui. J'aimerais savoir ce qu'il en était au sujet du nombre des baleines. Est-ce que le nombre était inférieur ou supérieur à ce qu'estimait la communauté scientifique?
M. Peter Johnson: Il y en avait beaucoup plus que ne le pensaient les scientifiques, et leur habitat était beaucoup plus étendu.
M. Brian Fitzpatrick: Les gens qui possédaient les connaissances traditionnelles étaient donc plus proches de la réalité que les scientifiques, dans ce cas précis.
Voici une autre question à ce sujet. Je ne sais pas si elle porte directement sur le sujet à l'ordre du jour mais j'espère que oui. Y a-t-il des liens étroits entre la recherche polaire qui se fait au Canada et celle qui se fait ailleurs, et est-ce que nous arrivons à en tirer profit? Ou est-ce que les études s'accumulent sur les tablettes, pour ce qui est du Canada?
M. Peter Johnson: Non, nous travaillons en étroite collaboration avec les chercheurs des autres pays. En fait, nous avons d'excellents scientifiques qui participent à des programmes financés par d'autres pays. Il y a également de la recherche dans l'Arctique canadien qui est financée par des sources extérieures.
Le projet en cours actuellement qui consiste à prendre un échantillon de glace au sommet du mont Logan est un projet de recherche scientifique très ésotérique, pour beaucoup de gens, mais il est principalement financé par les États-Unis et par le Japon, avec quelques subventions canadiennes.
Je dirais donc que les communautés scientifiques collaborent étroitement. Sur le plan des connaissances, ces rapports sont excellents. Il y a toutefois un irritant, c'est celui de l'accès aux renseignements scientifiques, principalement aux données météorologiques canadiennes. Nous sommes obligés de payer pour nous les procurer. Il est en fait bien souvent beaucoup plus facile d'obtenir les mêmes données gratuitement aux États-Unis que de nous adresser à l'Agence canadienne des services météorologiques et de payer pour obtenir ces données. Nous recevons beaucoup de commentaires négatifs de la part de nos confrères étrangers au sujet du coût des données canadiennes.
M. Brian Fitzpatrick: Je vais peut-être poser une dernière question dans ce domaine. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, pour ce qui est de l'évaluation par les pairs dans le domaine de la recherche polaire, vous pensez qu'il faut absolument prévoir une composante internationale dans ce genre d'évaluation?
M. Peter Johnson: C'est ce que nous faisons déjà.
M. Brian Fitzpatrick: Excusez-moi?
M. Peter Johnson: Nous le faisons déjà. Nous nous adressons très souvent à d'autres pays pour procéder à une évaluation par les pairs lorsqu'il s'agit de recherche polaire.
M. Brian Fitzpatrick: C'est ce qui se fait déjà?
M. Peter Johnson: Oui. Steven faisait simplement remarquer qu'on nous demandait d'évaluer d'autres projets internationaux. On nous demande d'évaluer des projets présentés aux États-Unis ou en Finlande. Cela va donc dans les deux sens; nous participons également à ces activités.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell: Je tiens simplement à revenir, pour nos attachés de recherche, à l'aspect que Paddy et vous avez signalé, à savoir que, lorsque nous faisons une évaluation par les pairs au sujet des coûts de la recherche nordique, les personnes qui y participent devraient savoir que ce genre de projet est beaucoup plus coûteux.
Connaissez-vous un cas où des conseils subventionnaires ont utilisé, dans le cadre de l'examen par les pairs, les connaissances traditionnelles?
M. Peter Johnson: Les chaires sont peut-être le meilleur exemple pour ce qui est de la participation des collectivités. Je ne sais pas s'il y avait des membres des Premières nations ou des Inuits qui ont participé aux réunions des comités qui ont siégé ici à Ottawa, mais pour ce qui est de l'examen des demandes, les collectivités des Premières nations y ont participé. Chris Burn, un professeur de Carleton, a reçu l'appui de Mayo, d'Inuvik et d'autres collectivités lorsqu'elles ont examiné sa demande de subvention.
Le processus d'évaluation du CRSNG tient davantage compte des connaissances traditionnelles, à cause, en particulier, d'un programme qui a donné d'excellents résultats. C'est un très bon modèle pour ce genre de recherche axée sur le partenariat. C'est le programme d'Alliance de recherche universités-communautés, le programme ARUC qui a en fait permis de développer très efficacement des partenariats entre les universités, les Premières nations et les peuples autochtones, et qui intègrent les deux systèmes dans l'évaluation des projets. Je pense en particulier à un projet conjoint auquel travaillent les Cris du Québec, quelques professeurs de Laval, et d'autres personnes. Oui, il y a d'excellents exemples d'intégrations de ce genre, en particulier dans les sciences sociales et humaines.
À (1025)
M. Larry Bagnell: Mon autre question concerne le commentaire que vous avez fait au sujet de l'absence d'orientations à long terme de la science polaire et peut-être l'absence d'instance qui pourrait élaborer de telles orientations. Si les conseils subventionnaires et ceux qui accordent des fonds après évaluation par les pairs agissaient en fonction d'orientations, d'une stratégie, est-ce qu'ils pourraient alors approuver davantage de projets de recherche nordique? Ce centre stratégique devrait-il être situé dans le conseil subventionnaire, au gouvernement, ou à la Commission des affaires polaires? Ne pourrait-on pas ainsi augmenter, grâce à l'évaluation par les pairs, le nombre des projets de recherche nordique qui sont acceptés, si l'on accordait une importance plus grande à une orientation pour ce qui est des affaires polaires, de la recherche scientifique?
M. Peter Johnson: Je ne pense pas qu'il faille privilégier une instance particulière. Nous avons besoin d'un mécanisme qui permette de réunir des gens de diverses collectivités. Il ne faudrait pas confier cette opération au gouvernement, parce qu'on se pose immédiatement des questions lorsque le gouvernement intervient, et il ne faudrait pas non plus confier cela au CRSNG parce que celui-ci privilégie l'aspect universitaire. Il faut trouver le moyen—et nous en avons parlé à la commission—de réunir un certain nombre de personnes et de leur demander de parler des priorités nationales, non pas seulement des priorités gouvernementales mais des priorités nationales, dans le domaine universitaire, dans le domaine de la gouvernance, par exemple.
J'ai eu la chance de participer à une opération semblable, il y a quelques semaines, aux États-Unis. J'ai été invité à participer à ce qu'ils appelaient l'assemblée All Hands du Arctic System Science Program. Cette réunion se tenait à Seattle. Il y avait 350 scientifiques, dont 50 à 60 étudiants, des chercheurs du gouvernement, des décideurs, des représentants de la National Science Foundation, et d'autres. Il ne s'agissait pas de parler des aspects scientifiques, mais de l'importance de la science et des priorités accordées aux différentes activités scientifiques entre tous ces groupes. Une activité très intéressante mais un peu difficile à cause du nombre.
Si l'on réunissait un groupe qui représenterait—et je n'aime pas du tout utiliser ce mot-là—ceux qui s'intéressent, pour qu'ils parlent de... Nous avons des ressources limitées. Il est évident que nous n'avons pas les moyens de subventionner tous les projets de recherche. Dans quel secteur allons-nous utiliser nos ressources? Quelles sont nos priorités nationales? Une fois ces priorités définies, nous pourrions financer des projets qui touchent ces domaines et faire de l'excellent travail.
À (1030)
Le président: C'est votre dernière question.
M. Larry Bagnell: Très bien, c'est ma dernière question.
Dans ce qui est aujourd'hui le Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest, il y avait trois centres de recherche qui étaient en fait des centres de recherche permanents. Ils étaient plus actifs, certains d'entre eux au moins, qu'ils ne le sont aujourd'hui. Ces centres étaient-ils financés par le biais de projets évalués par les pairs et subventionnés par différents conseils ou avaient-ils accès à un financement de base provenant d'une autre source?
M. Peter Johnson: Pensez-vous à l'Institut de recherche Aurora et à l'Institut de recherches du Nunavut? Cela s'appelait autrefois l'Institut des sciences des Territoires du Nord-Ouest, et cet institut était financé par le gouvernement territorial. Ces organismes ont ensuite été intégrés aux collèges, et ils sont donc maintenant financés par les collèges. Certains font un peu de recherche, mais la plupart du temps, de façon indirecte. Le meilleur exemple d'un groupe qui fait de la recherche dans un de ces collèges est le Northern Climate ExChange, qui fait partie du Collège du Yukon.
M. Steven Bigras: Si vous le permettez, avant que les territoires assument cette responsabilité, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien accordait un financement de base aux centres de recherche d'Inuvik et d'Igloolik. Ils faisaient partie d'une infrastructure que les scientifiques pouvaient utiliser pour faire de la recherche dans ce domaine. Ces organismes appuyaient un grand nombre de projets mais ils ne s'en occupaient pas eux-mêmes.
Le président: Autres questions?
Mme Paddy Torsney: Puis-je demander quel était le budget de ces organismes scientifiques, de ces instituts de recherche?
M. Steven Bigras: Je n'ai pas les chiffres en tête. Il faudrait que je fasse un peu de recherche. Cela remonte à des années. Ces compétences ont probablement été transférées il y a une vingtaine d'années.
Mme Paddy Torsney: Nous pourrions sans doute soumettre cela à l'évaluation des pairs si vous pouviez nous transmettre ces chiffres.
Le président: J'aimerais poser quelques questions.
J'ai participé au projet de recherche d'Inlet Pond, parrainé par la Brock University, et je me suis intéressé à la recherche sur les ressources naturelles, juste à l'extérieur d'Iqaluit, qui a permis de découvrir du marbre sous la toundra. Si vous ne savez pas ce que c'est, je vous dirais que c'est un très beau marbre orange. La difficulté est de l'extraire correctement. J'ai montré un morceau de ce marbre, de la taille d'un sous-verre, à quelques entreprises du secteur du marbre, et elles aimeraient beaucoup pouvoir exploiter ce marbre.
Vous avez parlé d'un plan national à long terme. Est-ce que la Commission des affaires polaires a une stratégie pour le Nord et comment diffuse-t-elle cette stratégie?
M. Steven Bigras: Cela fait cinq ans que la commission essaie d'élaborer une stratégie nationale de recherche et, pour reprendre le mot que Peter n'aime pas du tout—nous voulons élaborer cette stratégie avec tous les intéressés. Ce n'est pas à la commission de faire ces choix pour tous les autres. C'est une opération à laquelle nous voulons tous participer.
À l'heure actuelle, la commission a confié à un conseil le soin de fixer les priorités. Comme nous l'avons dit aujourd'hui, il existe de nombreux domaines de recherche, il y a beaucoup de travail à faire, et l'on ne peut pas tout faire en même temps, il faut donc établir des priorités. La commission a élaboré une stratégie sur trois ans, dans laquelle elle décrit les mesures qu'elle va prendre, la façon dont elle va diffuser cette information, la structure de ses programmes de liaison avec les universités, et les projets dont elle va s'occuper pendant ces trois années. Voilà comment nous procédons.
Nous diffusons ces renseignements dans notre rapport annuel. Nous sommes tenus de présenter tous les ans un rapport au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, de façon à faire connaître nos orientations. Nous avons un site Internet, où l'on retrouve notre stratégie, divers rapports et des bulletins d'actualité. Nous publions ces bulletins trois ou quatre fois par an. Nous affichons également nos rapports sur notre site Internet. C'est ainsi que nous diffusons les renseignements que nous possédons. Nous procédons de la même façon avec notre rapport sur les indicateurs de recherche, qui nous permettent d'évaluer les progrès du savoir polaire. Nous transmettons cela au public, aux universités, aux députés, pour faire connaître ce que nous faisons.
Le président: Avez-vous une date pour la publication de votre stratégie?
M. Steven Bigras: Pour la stratégie nationale de recherche polaire, nous n'avons pas fixé de date. Il y a toute une série de comités qui travaillent sur cette question. Le groupe de travail a examiné en partie ce sujet. Il s'agit en fait de regrouper tout cela. C'est un sujet que nous allons aborder à la prochaine réunion du conseil d'administration, il faudra décider si nous voulons nous occuper de cela pendant les trois prochaines années ou essayer d'élaborer quelque chose.
Le président: Je vais revenir sur les commentaires que nous avons faits au sujet de la diffusion de l'information. Il faut commencer par avoir une stratégie dans votre propre domaine; des pressions très vives ont été exercées sur certains de nos membres pour qu'ils visitent la région de M. Bagnell cet été. J'espère pouvoir le faire.
Je suis d'accord avec Mme Torsney lorsqu'elle dit qu'il faut vraiment aller là-bas. J'ai eu la chance de voyager un peu partout, mais pas dans la région de M. Bagnell. Je reconnais toute l'importance du travail et de la recherche qui se font dans le Nord. Il faut la faire connaître davantage à la population, et cela, de façon concrète. Il faut nous demander quels sont les autres aspects du Nord qui pourraient l'aider à se développer?
Y a-t-il d'autres questions? Voulez-vous dire quelques mots avant que je ne lève la séance?
À (1035)
M. Peter Johnson: J'aimerais vous remercier de nous avoir laissé nous écarter du sujet de l'évaluation par les pairs. C'est quelque chose qui nous touche de très près, comme vous vous en êtes sans doute rendu compte, et nous travaillons de différentes façons pour en faire la promotion. Je vous remercie donc de nous avoir accordé ce temps de parole. Nous l'apprécions beaucoup. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.