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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 7 novembre 2001

• 1534

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Nous pouvons commencer? Nous traitons aujourd'hui du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence.

Nous accueillons le président-directeur général de WestJet Airlines, Clive Beddoe. Je vous donne la parole pour votre déclaration liminaire, monsieur Beddoe, après quoi nous passerons aux questions.

Monsieur Beddoe.

M. Clive Beddoe (président-directeur général, WestJet Airlines): Merci, monsieur le président.

• 1535

Comme vous avez pu le lire dans les journaux d'aujourd'hui, le secteur du transport aérien connaît une autre grosse évolution, si ce n'est une révolution. C'est un secteur qui connaît un taux de faillite de 97 p. 100 en Amérique du Nord, ce qui pourrait parfaitement être évité, surtout au Canada, si nous avions une Loi sur la concurrence plus juste et plus adéquate, capable de répondre aux préoccupations de notre secteur.

Laissez-moi vous dire tout d'abord que WestJet a obtenu l'an dernier une marge bénéficiaire de 20 p. 100. Quand nous offrons des services dans de nouvelles collectivités du Canada, nous arrivons avec des tarifs de 50 p. 100 inférieurs aux autres, sur chacun de nos marchés, mais cela ne nous a pas empêché d'obtenir une marge bénéficiaire de 20 p. 100, avant impôt et avant le partage des bénéfices avec nos employés. Ces 20 p. 100 constituent presque un record, si ce n'est un record absolu, dans l'histoire de l'aviation au Canada.

Nous avons manifestement une entreprise qui réussit et qui se développe. WestJet a enregistré un taux d'expansion moyen de 50 p. 100 depuis qu'elle est entrée en activité, nonobstant toutes les tentatives qui ont pu être faites pour l'éliminer du marché, d'abord par les Lignes aériennes Canadien, puis par Air Canada, puis par Air Canada et Canadien combinés. Vous pouvez donc me croire si je vous dis que nous avons de très grosses difficultés du point de vue de la concurrence au Canada. Toutefois, il est clair que nous avons réussi à les surmonter, ce qui n'est pas le cas de tout le monde.

Depuis quatre ans, six compagnies aériennes sont disparues du Canada: Greyhound; VistaJet; Royal, récemment, CanJet; Canadien; et RootsAir. Et si j'en crois ce que j'ai lu ce matin dans les journaux, Canada 3000 dit être également au bord de la faillite. En fait, si cela arrivait, il ne resterait plus que deux compagnies aériennes au Canada, nous et Air Canada.

Selon nos estimations, Air Canada possède entre 80 p. 100 et 85 p. 100 du marché canadien, si l'on en juge d'après les revenus ou le nombre de kilomètres-passagers disponibles. Si vous examinez les différences de prix sur les trajets desservis par Air Canada, vous verrez que ses tarifs sur les trajets où il n'y a pas de concurrence sont deux fois plus élevés que sur ceux où WestJet est présente. Et je pourrais vous en donner d'innombrables exemples.

À mon avis, Air Canada utilise ces profits excessifs pour chasser la concurrence de son marché. Je pense que les journaux en sont parfaitement conscients, tout comme les parlementaires et le Bureau de la concurrence. Je pense que cela ne fait aucun doute pour personne. Toutefois, je ne viens pas ici pour critiquer Air Canada, si ce n'est pour dire que j'estime que la Loi lui donne la possibilité d'agir de cette manière sans aucune limite.

Nous avons déposé l'an dernier à Moncton—en fait il y a 20 mois—une plainte contre Air Canada pour prix abusifs. Cette plainte nous a déjà coûté près de 750 000 $. Et, bien sûr, elle a aussi coûté énormément d'argent au Bureau de la concurrence. Or, nous n'avons passé en tout que quatre à cinq jours devant le Tribunal. Et nos avocats nous disent qu'il faudra probablement attendre encore deux ou trois ans pour avoir une décision.

Autrement dit, même si nous gagnons, Air Canada se fera dire d'arrêter cette pratique et se verra imposer une sanction parfaitement symbolique—sur ce trajet seulement. Rien ne l'empêchera de continuer à faire la même chose sur un autre trajet, et de recommencer constamment ailleurs.

Les dégâts que cela cause dans notre secteur sont énormes. CanJet avait obtenu une ordonnance d'interdiction mais cela ne lui a pas été d'une grande utilité. Le problème qui existe dans notre secteur, et c'est l'une des raisons pour lesquelles on y enregistre un taux de faillite aussi énorme, c'est que les marges bénéficiaires sont à peine plus que 3 p. 100 ou 4 p. 100, dans le meilleur des cas—et je n'invente rien, c'est juste une observation que je fais. Si vous prenez un avion moyen de 120 places avec un facteur de charge de 75 p. 100 à 80 p. 100, cela veut dire qu'il y aura en gros de 80 à 90 personnes à bord. Avec une marge bénéficiaire de 3 p. 100 à 4 p. 100, il n'y a que trois ou quatre de ces passagers qui permettent à la compagnie de faire des profits; tous les autres servent à payer les frais généraux.

Il est donc relativement facile d'éliminer un concurrent. Il suffit d'accroître considérablement la capacité sur ses lignes, de lui prendre cinq de ses clients par avion, et il se mettra à faire des pertes. Prenez-lui en 10, 15 ou 20, et il sera très vite à l'agonie.

• 1540

Pour un gros transporteur, tuer de petites compagnies ou des compagnies qui démarrent est relativement facile. Nous avons pu résister à cela parce que nous avons réussi à gagner le coeur et l'esprit des Canadiens, dans leur ensemble, et à les convaincre de voler sur nos lignes plutôt que sur celles de nos concurrents, ce qui est la source de notre succès. Toutefois, cela nous a obligés à déposer une plainte qui traîne déjà depuis des mois sans perspective réaliste de règlement.

Si l'on se place du point de vue du gros transporteur, les enjeux ne sont pas négligeables. Si l'on prend Canada 3000, puisqu'on en parle aujourd'hui dans la presse, elle produit quelque chose comme 700 millions de dollars à 1 milliard de dollars de revenus. Comme nous, elle a abaissé les tarifs sur tous les marchés où elle a pris pied. Si elle est éliminée, qui engrangera la majeure partie de ces revenus? Air Canada, le transporteur dominant.

Si Air Canada peut doubler les tarifs dès qu'un concurrent est éliminé—et c'est ce qui est arrivé sur chaque marché où nous avons été obligés de ne retirer pour nous implanter ailleurs, ce qui a laissé toute la place à Air Canada, comme transporteur dominant, et Winnipeg est un exemple de tarifs aériens qui ont doublé dès notre départ—le résultat net est que cette somme de 700 millions à 1 milliard de dollars devient rapidement 2 milliards de dollars.

Les bénéfices pour le gros transporteur sont donc énormes, et quels sont les risques? Il n'y en a strictement aucun. À mon avis, il faut modifier la Loi sur la concurrence pour rétablir un minimum de discipline dans ce secteur, en veillant par exemple à ce que la sanction qui est imposée soit relativement proportionnelle aux bénéfices que le transporteur dominant a pu engranger. Et ce serait encore mieux si le transporteur dominant était tenu de payer l'amende à la partie victimisée, éventuellement sous forme de dommages et intérêts.

La Loi sur la concurrence ne comporte rien sur la capacité. Le dumping de capacité est en soi un acte éminemment anticoncurrentiel au sens où c'est cette capacité qui éponge les revenus de n'importe quel autre transporteur.

La majeure partie des lois de service public ou d'intérêt public ne prévoient non plus aucune conséquence pour le conseil d'administration. Dans d'autres secteurs, pourtant, les conseils d'administration sont tenus responsables de certains actes. Par exemple, si j'autorisais ma société à polluer l'atmosphère ou des cours d'eau, nos administrateurs seraient tenus personnellement responsables. Pourquoi n'est-ce pas la même chose avec la Loi sur la concurrence? Si vous voulez restaurer un minimum de discipline dans la Loi sur la concurrence, faites en sorte que les administrateurs soient tenus personnellement responsables. Je peux vous garantir que, pour ce qui est de mon propre conseil d'administration, il prend toutes sortes de mesures pour que certaines choses ne se passent pas. Les administrateurs ne veulent pas s'exposer personnellement à des poursuites ou à des dommages et intérêts.

Dans la Loi sur la concurrence, on parle de coûts évitables, ce qui suppose qu'aucun entrepreneur sain d'esprit ne va se mettre à vendre son produit en dessous de ses coûts évitables. Dans le secteur du transport aérien, par contre, si l'on a un avantage énorme à tirer de l'élimination d'un concurrent, on peut vendre des quantités énormes de produits en dessous du prix de revient total de façon à éliminer ce concurrent.

Air Canada vient de lancer Tango, une compagnie à prix de revient apparemment plus bas. À mon sens, Tango n'est rien d'autre qu'une marque de bataille destinée à chasser un concurrent du marché. À l'heure actuelle, Tango offre des billets Calgary-Toronto à 169 $, sans réservation. Le tarif qu'exigeait Air Canada il y a quelques semaines encore, avant l'arrivée de Tango, aurait été de près de 2 400 $.

Nous-mêmes, qui avons des prix de revient inférieurs de 50 p. 100 à ceux d'Air Canada, arriverions à peine à couvrir nos frais si nous pouvions remplir tout notre avion à 169 $. Il est donc tout simplement impensable que Tango ou Air Canada puisse gagner de l'argent avec un tel tarif. Voilà ce que j'appelle du dumping de capacité. C'est une technique qui vise purement et simplement, à mon avis, à faire en sorte que Canada 3000, qui est déjà au bord de la faillite, soit complètement détruite, et je pense qu'on en voit déjà les résultats aujourd'hui.

La notion de marque de bataille est mentionnée dans la Loi sur la concurrence mais, malheureusement, s'il faut s'adresser au Tribunal de la concurrence pour lui demander son aide, c'est qu'on est déjà en situation désespérée. Si, comme Canada 3000 vient de le faire, on annonce qu'on n'aura plus d'argent à Noël, on vient en fait de se couper la gorge. En effet, dans notre secteur, dès qu'on fait une telle déclaration, plus personne ne fait de réservation.

Donc, pour tirer profit de dispositions telles que les ordonnances d'interdiction de la Loi sur la concurrence, il faut d'abord reconnaître devant le monde entier qu'on est au bord de la faillite, ce qui est en soi une garantie de faillite immédiate. Il est impossible de sortir de ce cercle vicieux. La Loi sur la concurrence ne tient pas compte des réalités contemporaines du monde des affaires.

• 1545

Les dispositions d'interdiction de la Loi sur la concurrence ont été conçues pour essayer d'éviter ce type de situation mais, pour en tirer parti, il faut annoncer publiquement qu'on est dans une situation catastrophique. Tout ce processus représente en soi une catastrophe pour l'industrie du transport aérien, quel que soit l'angle sous lequel on l'analyse.

Comme je l'ai dit, on parle dans la Loi sur la concurrence de la notion de «coût évitable» comme moyen de déterminer s'il y a un abus de position dominante sur un marché ou une pratique de prix abusif. Or, qu'est-ce qu'un coût évitable dans le transport aérien? Air Canada prétend qu'elle n'en a quasiment pas du tout car elle a des avions et qu'elle doit les faire voler. Elle a des pilotes, elle a des équipages—il faut bien qu'elle fasse quelque chose de ces avions et quel est donc son coût évitable? Nous avons passé des mois à disséquer chaque élément de la structure de coûts d'Air Canada et de WestJet pour essayer de déterminer ce qu'était un coût évitable et ce qui ne l'était pas.

La solution au problème est d'éliminer la notion de coût évitable et d'utiliser la notion de coûts totalement répartis. Chaque compagnie aérienne du Canada a des statistiques sur la rentabilité de ses trajets. Elle sait parfaitement où elle en est à ce sujet. Si vous voulez continuer à vendre votre produit en dessous du prix de revient, vous allez à l'évidence le faire pour d'autres raisons que gagner de l'argent.

À mon avis...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Puis-je vous demander de conclure assez rapidement, pour que nous ayons assez de temps pour vous poser des questions?

M. Clive Beddoe: Ma dernière remarque est que les ordonnances d'interdiction n'ont d'intérêt que si le candidat a une chance quelconque de survivre en attendant que le Tribunal rende sa décision.

À l'heure actuelle, les ordonnances d'interdiction que l'on peut obtenir ne valent que pour 20 jours, comme mesure initiale, avec deux périodes d'appel subséquentes de 30 jours chacune, ce qui fait un total de 80 jours. À mon avis, il faut changer ça pour s'assurer que les ordonnances d'interdiction ne soient pas disponibles seulement quand on est au bord du gouffre et dans le désespoir total mais aussi quand on a encore des chances de survie et que l'on peut attendre que le tribunal ait rendu sa décision.

Voilà, c'était ce que je voulais vous dire.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup, monsieur Beddoe. Nous allons maintenant passer aux questions.

Monsieur Bergeron, s'il vous plaît.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.

Bonjour, monsieur Beddoe. Merci d'avoir accepté de comparaître devant le comité et merci des commentaires que vous avez formulés. Dans un premier temps, je pense qu'il est tout à fait juste de dire que WestJet est considérée comme un success story au Canada. Dans cette période difficile que nous traversons, WestJet est probablement l'une des seules sinon la seule compagnie aérienne à être encore profitable.

Cela dit, je pense que vous avez mis le doigt sur les difficultés ou sur les lacunes de la Loi sur la concurrence. Je pense qu'il va falloir effectivement qu'on tente de resserrer les choses: ou bien la loi ne permet pas l'intervention dans certaines circonstances—et vous en avez évoqué une—, ou bien le commissaire n'intervient pas. C'est une situation qu'on a vue, par exemple, dans le dossier de l'augmentation des prix de l'essence. Si vous me le permettez, j'aborderai ma question sous l'angle des prix de l'essence.

On sait que l'une des raisons pour lesquelles WestJet est une opération si réussie est sa capacité de maintenir des prix relativement bas, et que l'une des raisons pour lesquelles WestJet réussit à maintenir des prix relativement bas, c'est que WestJet, contrairement à d'autres compagnies aériennes, n'ajoute pas de surtaxe sur les prix déjà élevés du carburant. Or, vous réussissez à éviter de payer cette surtaxe grâce à un accord d'évaluation fixe des prix de l'essence sur une partie de vos achats.

• 1550

Estimez-vous que ce type d'accord pourrait être étendu à d'autres secteurs industriels et même éventuellement aux consommateurs, afin qu'on puisse ainsi contrôler la hausse des prix de l'essence et peut-être, de ce fait, stimuler l'économie?

[Traduction]

M. Clive Beddoe: Je vous remercie de cette question.

Tout d'abord, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que WestJet a pu éviter d'augmenter ses tarifs ou d'ajouter une surcharge de carburant parce qu'elle a un programme très efficace d'achat à terme de son carburant. Comme vous le dites, nous n'ajoutons pas de surcharge. Nous n'ajoutons pas de surcharge pour le prix du carburant au Canada.

La raison en est en partie que... Et vous avez raison, nous avons un programme d'achat à terme qui nous a permis d'acheter du carburant à une période favorable. Toutefois, si vous examinez l'histoire des achats à terme, vous verrez que cela peut parfois se retourner contre vous. De fait, cela nous est déjà arrivé. À l'origine, avec nos premiers achats à terme, nous avions accepté de payer 16 $ le baril mais le prix est tombé à 12 $. Nous avons dû vivre avec ça. Laissez-moi cependant vous dire ce qui explique notre succès.

Nous n'avons pas de surcharge sur le carburant parce que nous innovons constamment. Nous vendons 35 p. 100—et certains jours, 40 p. 100—de nos sièges par Internet. Une réservation faite par notre centre de réservations, sans compter les commissions versées—je parle simplement du coût de faire une réservation dans notre centre de réservations—nous coûte 10 $. Si cette réservation est faite par Internet, ça nous coûte 30 cents. Comme notre tarif moyen n'est que de 90 $, vous pouvez comprendre que cette technique s'est avérée extrêmement rentable pour WestJet. Du fait de cette innovation que nous avons lancée il y a deux ans et demie, nous avons pu éviter de devoir imposer une surcharge. Faites les calculs, vous verrez que l'argent que nous économisons, net de toute ristourne aux passagers, représente en fait l'équivalent de l'augmentation des prix du carburant que nous avons dû assumer.

Je pense qu'il serait très dangereux pour le secteur dans son ensemble de ne faire que des achats à terme de carburant car cela peut parfois se retourner contre vous. Nous avons d'ailleurs vu cela se produire ces derniers jours. Le prix du pétrole a baissé et j'ai lu aujourd'hui dans les journaux qu'il risque de retomber à 10 $ le baril. Que pourrait faire notre secteur si nous avions fait des achats à terme dans le mauvais sens? Je pense que tout dépend du secteur dans lequel on travaille.

Nous avions fait des achats à terme à 16 $ puis à 18 $ le baril parce que les statistiques montraient que, dans toutes les périodes historiques, le baril n'est tombé en dessous de 16 $ ou 18 $ le baril—j'oublie le chiffre exact—que dans 7 p. 100 des cas environ. Nous avons donc parié. Nous avons perdu la première tranche de notre pari mais nous avons gagné la deuxième. Je pense qu'il faut faire extrêmement attention quand on se met à faire des achats à terme.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Bergeron. Vous avez eu vos cinq minutes. Je vais passer à quelqu'un d'autre.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci d'être venu aujourd'hui, monsieur Beddoe. Je suis très content de vous voir mais je dois vous dire que c'est à cause d'une bataille que j'ai entamée il y a de nombreuses années avec le Bureau de la concurrence que votre présence est requise ici aujourd'hui. Nous avons constaté en effet ces dernières années une domination croissante de certains groupes dans divers secteurs stratégiques de notre économie.

Nous proposons d'apporter des modifications à la Loi sur la concurrence. Elles sont limitées mais c'est quand même un début. Certains témoins, comme vous—et nous en entendons beaucoup, qui ne représentent évidemment pas les plus grosses des grosses sociétés—disent qu'il est grand temps d'être un peu plus agressifs avec la Loi sur la concurrence. Vous-même, vous avez parlé tout à l'heure de dommages et intérêts.

Moi aussi, monsieur, je m'intéresse vivement à certaines questions de fond concernant la Loi sur la concurrence, mais je dois constater que c'est un débat qui n'intéresse généralement pas la presse, depuis plusieurs années, parce qu'elle a d'autres chats à fouetter.

Quand j'ai présenté mon projet de loi C-235, il y a de longues années de cela, on a dit que je m'intéressais uniquement au prix de l'essence. Toutefois, cela a fait apparaître la possibilité et la perspective de droits d'accès privés au Tribunal de la concurrence.

Comme vous le savez, suite à plusieurs interventions que j'ai faites dans la presse—surtout dans un média—j'ai réussi finalement à faire passer le message qu'il faut actuellement beaucoup trop de temps pour obtenir l'intervention du Tribunal de la concurrence, nonobstant le fait que le Bureau de la concurrence a pris pour position, correctement—nonobstant la Loi sur les transports et, certainement, nonobstant les thèses qui fondent la Loi sur les transports—que préserver la concurrence est beaucoup plus important que protéger tel ou tel concurrent particulier.

• 1555

Ma question est donc celle-ci: considérant le gros pourcentage de faillites, considérant ce que nous voyons aujourd'hui avec Canada 3000, considérant la litanie de tous ceux qui ont tout simplement abandonné ou perdu, qu'attendez-vous de notre comité? Devrions-nous aller au-delà du domaine limité de l'accès privé en ce qui concerne le refus de vendre, les transactions exclusives, la limitation du marché et les ventes liées, et envisager peut-être d'offrir des dommages et intérêts à ceux qui s'adressent au tribunal et qui obtiennent gain de cause dans une affaire d'abus de pouvoir? Vous avez parlé tout à l'heure des «marques de bataille», ce qui touche évidemment l'article 78 de la Loi sur la concurrence.

M. Clive Beddoe: Quand on essaie de modifier un comportement, qu'il s'agisse d'adultes, d'entreprises ou d'enfants, la réalité oblige à reconnaître qu'il faut utiliser à la fois la carotte et le bâton. Hélas, la Loi telle qu'elle existe aujourd'hui offre une récompense monumentale à ceux qui réussissent à chasser les concurrents de leur secteur, surtout quand on parle de transport aérien, par exemple—secteur que je connais bien—qui est un secteur qui fait 12 milliards de dollars de chiffre d'affaires par an. Écoutez bien: 12 milliards de dollars et il ne reste plus que trois joueurs.

Quelle récompense extraordinaire obtient celui qui réussit à chasser un ou deux de ces derniers joueurs! Les marchés de capitaux ne reviendront pas de sitôt financer de nouvelles compagnies aériennes au Canada, croyez-moi.

Il peut vous paraître étrange de m'entendre dire qu'il faudrait modifier la Loi sur la concurrence car, évidemment, nous serions les bénéficiaires d'une telle modification. J'ai toutefois la conviction profonde que, si nous voulons un secteur sain du transport aérien, capable d'attirer des capitaux, nous devrons avoir des entreprises viables, et c'est impossible quand on se retrouve avec un joueur dominant qui accapare 90 p. 100, 85 p. 100 ou même 80 p. 100 du marché.

Il y a toutefois un danger. La difficulté—et vous parliez tout à l'heure d'accès à l'information—que pose le processus que nous avons utilisé est que notre concurrent, Air Canada, a exigé des informations sur la rentabilité de chacun de nos trajets. Devinez ce qui est arrivé immédiatement après? Devinez sur quels trajets Air Canada a augmenté sa capacité?

Vous voyez où je veux en venir. Il n'y a pas de solution facile à tout cela mais il ne fait aucun doute qu'il faut revoir l'équation sanction-récompense. La récompense est beaucoup trop grosse et, même s'il y avait une sanction de 50 millions de dollars, ce serait encore minuscule par rapport aux profits potentiels.

M. Dan McTeague: Hier, monsieur Beddoe, votre concurrent, Air Canada, par le truchement de ses avocats, a déclaré que si l'on autorisait des formes mêmes limitées d'accès privé au Tribunal de la concurrence, dans des secteurs très limités, cela aurait un effet destructeur sur l'économie canadienne ou un effet glacial sur l'investissement. Si votre société décidait qu'elle ne peut pas survivre et qu'il ne restait donc plus qu'une compagnie aérienne au Canada, qu'est-ce que cela voudrait dire pour les consommateurs, de toutes tailles, et pour l'économie canadienne dans son ensemble? Cela aurait-il un effet sur d'autres secteurs?

M. Clive Beddoe: Ce que je vais dire sera purement spéculatif de ma part mais je peux vous affirmer que, sur chaque marché où nous avons pris pied... Winnipeg est un cas classique. Nous sommes arrivés à Winnipeg en baissant les tarifs de 50 p. 100. Quand nous sommes partis, au bout de trois ou quatre mois, parce que nous avions conclu que Winnipeg ne réagissait pas favorablement à notre présence—je précise qu'Air Canada et Canadien avaient immédiatement abaissé leurs tarifs au niveau des nôtres—les tarifs ont doublé. Greyhound est arrivé sur ce marché un peu plus tard et les tarifs ont immédiatement baissé au niveau de ceux de Greyhound. Air Canada a augmenté sa capacité, qui venait s'ajouter à celle de Greyhound, et Greyhound a fait faillite. Immédiatement, les tarifs ont augmenté. Nous sommes arrivés sur le marché, les tarifs ont baissé de nouveau.

La concurrence est indispensable dans notre pays et, si nous voulons stimuler l'économie, il nous faut une concurrence loyale. Mais je pense que la Loi sur la concurrence doit tenir compte de nombreux secteurs différents, alors que je ne peux parler que du nôtre.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Strahl.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Merci, monsieur Beddoe, d'être venu aujourd'hui. Comme je vous l'ai dit avant le début de la séance, nous autres, à Abbotsford, nous considérons quasiment que WestJet est notre compagnie aérienne parce que c'est vous qui avez mis Abbotsford sur la carte en utilisant notre aéroport—qui a ensuite été utilisé, bien sûr, par Canadien régional, ou Air Canada, ou ce que c'est devenu aujourd'hui. Le fait est que c'est vous qui est arrivé là en premier et c'est vous qui avez utilisé les services de Conair et qui avez donc en fait donné de l'air à Abbotsford. Je suis sûr que vous le savez et je peux vous dire que nous sommes très nombreux à être heureux d'utiliser WestJet à cause de ça.

J'ai quelques questions à vous poser. Vous avez parlé des six compagnies qui ont fait faillite mais, si je me fais l'avocat du diable, il y a des faillites de compagnies aériennes tous les jours, dans le monde entier, et elles ne sont pas causées par la Loi sur la concurrence. C'est parce que vous opérez dans un secteur où la concurrence est sauvage, avec de mauvais organismes de réglementation, et aussi pour beaucoup d'autres raisons. Aurais-je donc tort d'affirmer que ce n'est pas vraiment Air Canada qui est responsable, c'est simplement que certaines sociétés sont mal gérées, comme Swissair, les compagnies australiennes, Air New Zealand, etc.? Voilà toutes des compagnies étrangères qui sont au bord du gouffre. Ce n'est pas un phénomène canadien ni un problème de la Loi sur la concurrence, c'est un phénomène mondial.

• 1600

M. Clive Beddoe: Je conviens certainement avec vous que notre secteur vient de connaître des changements profonds depuis le 11 septembre. Ne croyez surtout pas que modifier la Loi sur la concurrence suffira à résoudre tous ces problèmes. En effet, bon nombre de ces difficultés étaient déjà évidentes dans le secteur avant le 11 septembre. Il y a déjà un an que nous sommes entrés en récession mais, au lieu de restreindre sa capacité, Air Canada l'a augmentée. Aujourd'hui encore, en ce moment même, Air Canada affirme qu'elle va réduire sa capacité de 20 p. 100 alors qu'elle vient en fait de l'augmenter de 4 p. 100 sur les trajets de WestJet et de quelque 60 p. 100—selon Canada 3000—sur les trajets de Canada 3000, avec Tango.

Certes, je conviens avec vous que le secteur du transport aérien est dans la pagaille la plus complète, c'est incontestable, mais il ne fait aucun doute qu'il devra sortir de cette période sur une base beaucoup plus profitable que dans le passé. Et cela constitue une raison de plus pour modifier la Loi sur la concurrence, car c'est ce qu'il faut pour attirer du capital dans le secteur, car personne ne va se mettre à y investir aujourd'hui considérant la situation dans laquelle il se trouve.

M. Chuck Strahl: Je pense que cela va exiger beaucoup plus que des modifications à la Loi sur la concurrence.

M. Clive Beddoe: Absolument.

M. Chuck Strahl: Il va falloir changer radicalement l'habitude d'ingérence du gouvernement. WestJet a réussi quasiment malgré la politique du gouvernement, et pas grâce à elle, et je ne parle pas seulement ici du rôle du Bureau de la concurrence.

Nous avons passé beaucoup de temps à parler de droit d'accès privé et, dans votre cas, ce droit n'est pas le vrai problème puisque votre plainte a été acceptée par le Tribunal. Cela n'arrive pas très souvent et, si les commissaires ont jugé qu'il était dans l'intérêt public d'accepter votre plainte, c'est que vous deviez certainement avoir des arguments très solides.

Je ne sais pas ce que vous pensez du droit d'accès privé et, si vous voulez nous donner votre avis à ce sujet, je vous en prie, mais je crois comprendre que votre argument est qu'il y a deux problèmes avec la Loi. Premièrement, la procédure prend beaucoup trop de temps, et vous avez parlé de deux ou trois ans pour obtenir une décision. Considérant ce que fait Air Canada en ce moment, vous n'aurez peut-être jamais de décision. Le problème va peut-être se régler tout seul, mais il n'en reste pas moins que la procédure prend des années.

Deuxièmement, vous semblez dire que les sanctions devraient être similaires à ce qui existe dans la loi antitrust aux États- Unis, où l'on peut se voir infliger des dommages et intérêts doubles ou triples. Est-ce là ce que vous souhaitez ou réclamez- vous aussi autre chose, par exemple quand vous dites que les administrateurs pourraient être tenus responsables?

M. Clive Beddoe: Notre but est d'essayer de modifier un comportement. Je pense que c'est le rôle de la loi. Le comportement durera tant que le risque de sanction ne sera pas supérieur à la récompense, et les seules personnes qui peuvent contrôler cette équation sont en fait le président de l'entreprise et son conseil d'administration.

Si les administrateurs deviennent personnellement responsables, je peux vous garantir qu'ils ne laisseront pas leur président continuer longtemps dans une voie qui risque de les mener personnellement à la ruine. Voilà donc la première possibilité, ou l'une d'elles, pour modifier les comportements.

Une autre solution est de faire en sorte que, si quelqu'un envisage d'avoir un comportement anticompétitif, il sera obligé de se demander sérieusement si le jeu en vaut la chandelle. Dans ce cas, si une sanction est imposée, une partie devrait en être accordée au concurrent. Si tel était le cas, je peux vous garantir que tout le monde réfléchirait très sérieusement avant d'agir de cette manière.

M. Chuck Strahl: Le contre-argument est qu'il y a eu beaucoup d'exemples de poursuites stratégiques ou vexatoires, c'est-à-dire de gens qui ont intenté des poursuites pour le plaisir. Par exemple, si vous êtes une petite entreprise qui démarre avec deux avions et qu'une grosse entreprise décide de vous pousser à la ruine, elle pourra fort bien le faire en vous obligeant à dépenser des millions de dollars pour vous défendre, à une étape où vous n'avez pas les moyens d'engager de telles dépenses. C'est un moyen pour vous chasser du marché.

Diriez-vous que, si quelqu'un intentait des poursuites stratégiques, ou vexatoires, que les administrateurs devraient également être tenus responsables?

M. Clive Beddoe: Je reviens à mon argument: si vous voulez changer les comportements, faites que le prix soit très élevé. C'est ça qui va changer les choses. C'est ce qu'on a vu avec la Loi sur l'environnement. Il ne fait aucun doute que l'environnement s'est amélioré considérablement depuis l'adoption de la Loi.

Je peux vous dire tout de suite ce que ferait mon conseil d'administration s'il pensait que nous faisions des choses illégales. Je crois qu'il y a déjà dans la Loi une disposition disant qu'il est interdit de créer une marque de bataille. Et pourtant, que voyons-nous? Qu'est-ce que Tango sinon une marque de bataille?

Si nous voulons arrêter ça, voyez la procédure. Elle est incroyable. Elle risque de durer des années et, le jour où le Tribunal rendra sa décision... Vous avez vu ce qui est arrivé à CanJet: elle n'existe plus. Il y a quelque chose qui ne marche pas du tout avec le processus et c'est ça qu'il faut changer.

• 1605

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

Monsieur Bagnell.

M. Dan McTeague: Un rappel au Règlement, monsieur le président. Je pense que cette question est extrêmement intéressante. Avec l'indulgence du parti suivant, peut-être pourrions-nous laisser cette discussion continuer quelques minutes. Je pense que les questions sont excellentes, surtout de l'Opposition...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): C'est pourquoi j'aime que les séances commencent à l'heure.

M. Dan McTeague: J'étais ici, monsieur le président.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vais en rester à cinq minutes. Je sais que vous serez tous furieux contre moi mais ça ne me dérange pas.

Nous continuons avec M. Bagnell.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Juste une brève question. Je viens du Yukon et notre service de transport à partir de Vancouver est quasiment un monopole depuis des années. Chaque compagnie aérienne qui a fourni le service a dit qu'elle pouvait faire payer plus cher parce que c'est quasiment un monopole, et c'est ce qui se passe, ce qui est vraiment insupportable. En fait, je crois que c'est hier que la compagnie aérienne a mis les gens du Yukon en colère en déclarant que ce trajet était un trajet de longue distance, ce qui veut dire qu'il faut maintenant 25 000 points au lieu de 15 000. Encore une fois, les gens sont furieux.

D'aucuns pensent que la solution au problème est d'accroître la concurrence, et je peux vous dire que certaines personnes ont les yeux tournés vers votre propre entreprise. S'il y avait quelque chose que vous n'avez pas mentionné qui pourrait vous inciter à offrir ce service, si vous deviez décider de le faire... Si c'est une question de modifications à apporter à la Loi sur la concurrence ou à une autre loi, dites-le-moi pour que je puisse commencer une campagne.

M. Clive Beddoe: Vous venez de parler de services exclusifs et de services de monopole. Je peux vous dire que nous avons un monopole de Calgary à Comox mais que nous exigeons le même tarif, fondamentalement, sur ce trajet que sur les autres où nous avons des concurrents. Nous le faisons délibérément parce que nous voulons durer longtemps et que nous avons la conviction que ne pourrons atteindre ce but qu'en offrant des services de transport honnêtes et bon marché au Canada. Si nous offrons des services vers le Grand Nord, nos tarifs continueront d'être fondés sur nos coûts, auxquels nous ajouterons une marge de profit que nous jugeons raisonnable, et nous n'essaierons pas de gruger les clients.

M. Larry Bagnell: N'oubliez donc pas le Yukon.

Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

Monsieur Strahl, pour une brève question.

M. Chuck Strahl: Vous avez parlé plusieurs fois de Tango. Quelle différence faites-vous entre cette compagnie et une compagnie qui démarre, une compagnie qui essaie d'attirer de nouveaux clients en utilisant Internet, comme vous le faites, et en faisant la promotion de soldes de sièges pour faire savoir aux gens qu'elle est présente et qu'elle est compétitive? Elle pourrait offrir des tarifs d'appel pendant quelques mois, pour avoir le temps de se faire connaître et de bien s'implanter. Est-ce un argument raisonnable ou non?

M. Clive Beddoe: Non. Je pense qu'il y a deux problèmes en jeu ici. Il s'agit d'abord de la domination du marché. Dans notre cas, nous faisons face à un transporteur dominant, qui a obtenu du gouvernement canadien le droit d'accaparer 85 p. 100 ou 90 p. 100 du marché. Cela devrait s'accompagner de certaines responsabilités sociales assez importantes. Si vous pouvez exercer une telle domination, il y a certaines choses que vous devriez être obligé de faire et d'autres que vous ne devriez pas avoir le droit de faire.

Je ne vois aucune raison pour que...certes, des soldes de sièges sont parfaitement légitimes mais, quand ça dure pendant des périodes interminables... Prenez l'exemple de Moncton. Air Canada faisait payer 605 $ dans chaque sens entre Moncton et Toronto. Elle a annoncé qu'elle allait réduire sa capacité de 20 p. 100 sur ce trajet. Nous avons annoncé que nous allions offrir le service. Air Canada a immédiatement ajouté 50 p. 100 de capacité en plus et a sabré son tarif sans réservation, parce que le nôtre était de 350 $ contre le leur, de 605 $. Je ne veux pas dire qu'elle ne peut pas appliquer le même tarif que nous, mais il y a deux éléments: l'ajout de capacité et la baisse de tarif. Ensuite, Air Canada a réduit son tarif sans réservation à 250 $, a augmenté sa capacité de 50 p. 100 de plus, et a offert le double ou le triple de points. Dans quel but? Après ça, elle a l'audace de prétendre qu'elle gagnait encore de l'argent sur ce trajet.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Je vais être très bref, monsieur Beddoe.

Air Canada, votre concurrent, a créé Tango après le 11 septembre. On nous a dit que c'est une société qui va faire face à toutes sortes de problèmes. Elle n'a pas d'argent et elle demande au gouvernement fédéral de la renflouer. Je constate en passant que vous n'avez pas pris l'argent qui vous était offert. Cela dit, croyez-vous que Tango a été créée comme marque de bataille dans le but de détruire votre société et de détruire toute la concurrence?

M. Clive Beddoe: J'estime que Tango a été créée pour une raison et une seule: détruire Canada 3000 et nous infliger à nous des dommages collatéraux.

M. Dan McTeague: Je pense qu'on hésite parfois, considérant le poids et la taille de certains des intérêts les plus puissants et les plus fortunés du pays, a influer sur certaines situations. Ne pensez-vous pas qu'une première mesure, pour obtenir justice, consisterait à faire en sorte que le Tribunal puisse être saisi des plaintes beaucoup plus rapidement, et qu'il puisse rendre des décisions de simple justice beaucoup plus rapidement aussi, ce qui vous permettrait de rester sur le marché en étant concurrentiel?

• 1610

M. Clive Beddoe: Absolument. Il faut cependant abandonner des concepts aussi nébuleux que les «coûts évitables» s'il doit y avoir une prise en compte des frais fixes, ce qui est l'objectif de cette disposition. Mettons ça dans la loi. Disons que c'est 80 p. 100. Ou fixons un autre chiffre mais arrêtons de traiter avec des concepts aussi fumeux et aussi subjectifs que celui-là, qui sont la raison pour laquelle les procédures traînent des mois et des mois.

M. Dan McTeague: S'il me reste une toute petite seconde, monsieur Beddoe, j'espère tout simplement que votre témoignage aura ouvert les yeux aux députés car nous avons pu constater ce type de phénomène dans d'autres branches d'industrie aussi. On voit ça aujourd'hui dans le transport aérien et c'est évidemment le problème du jour, considérant ce qui se passe en ce moment.

Nous essayons de proposer une procédure très limitée, une procédure qui permettrait aux gens d'adresser leur plainte au Tribunal de la concurrence en évitant de devoir attendre des mois et des années pour obtenir une décision, ce qui a été le cas pour vous et aussi pour CanJet—qui n'est plus avec nous aujourd'hui. Nous avons fait cela de manière très limitée, avec une certaine humilité dans la mesure où il n'y a pas de disposition de dommages et intérêts.

Pouvez-vous accepter qu'il n'y ait pas de dommages et intérêts dans les dispositions de la Loi sur la concurrence concernant l'abus de position dominante? Que répondez-vous à ceux qui prétendent que cela va bloquer toute expansion de l'industrie?

M. Clive Beddoe: Ça ne va certainement pas mettre fin à l'expansion de l'industrie. Honnêtement, ça fait cinq ans et demi que nous connaissons du succès dans ce secteur et, pour vous dire le fond de ma pensée, nous pourrions fort bien continuer sans aucun changement. Par contre, ce ne sera pas dans l'intérêt à long terme du secteur, et c'est beaucoup plus cela qui me préoccupe aujourd'hui.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur McTeague. Merci, monsieur Beddoe.

M. Clive Beddoe: Merci, monsieur le président.

Monsieur Bergeron, avez-vous une dernière brève question?

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, j'aimerais reprendre à la volée la question de M. McTeague et peut-être jouer le rôle de l'avocat du diable. Je vous pose une question bien candidement, bien naïvement. Si on regarde cela du point de vue de la concurrence et du point de vue des consommateurs, est-ce qu'on ne pourrait pas voir la création de Tango comme un avantage du point de vue de la concurrence? Cela n'a-t-il pas pour effet de rendre l'industrie plus concurrentielle pour les voyageurs d'affaires ou pour les vols intérieurs?

[Traduction]

M. Clive Beddoe: À mon sens, Tango survivra tant qu'il y aura un besoin. Je veux dire par là qu'elle servira d'outil anticoncurrence tant que Canada 3000 n'aura pas fermé ses portes ou tant qu'il y aura encore de la concurrence. Ensuite, elle disparaîtra ou réintégrera le giron d'Air Canada. On a d'ailleurs déjà certains indices que ce sera le cas. Voyez ce qui se passe sur chaque marché où Air Canada est dominante. Voyez ce qui arrive avec les tarifs. Que le service soit assuré par Tango ou par Air Canada importe peu. À mon avis, le but de Tango est de chasser les concurrents du secteur.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur Beddoe, ce que je trouve particulièrement intéressant dans la discussion que nous avons actuellement, c'est que la Loi sur la concurrence est là pour protéger les consommateurs et pour faire en sorte qu'il y ait une saine concurrence au niveau économique. Or, vous êtes en train de nous signaler que la Loi sur la concurrence ne protège pas adéquatement des entreprises comme la vôtre lorsque d'autres entreprises font leur apparition sur le marché, alors qu'elles devraient normalement favoriser, par leur présence, une meilleure concurrence. C'est absolument fascinant, ce que vous nous racontez.

Je pense que ça nous ramène à ce que M. McTeague disait et à ce que je disais précédemment, c'est-à-dire qu'on a en quelque sorte l'impression que la Loi sur la concurrence, telle qu'elle est rédigée actuellement, ne nous permet pas d'avoir prise sur certaines situations. Ou bien la loi ne donne pas au commissaire certains pouvoirs qu'il devrait avoir pour permettre qu'il existe une véritable concurrence, ou bien le commissaire, s'il a déjà de tels pouvoirs, ne les exerce pas.

[Traduction]

M. Clive Beddoe: Je conteste votre premier argument. Tango n'est pas une compagnie différente, Tango, c'est Air Canada. Il n'y a aucune différence. Même si elle commence comme transporteur bon marché, elle appartient toujours à 100 p. 100 à Air Canada. Ce n'est donc pas une concurrence. Soyons sérieux quand on parle de concurrence.

Air Canada a abaissé beaucoup de ses tarifs au même niveau que les nôtres lorsque nous avons lancé de nouveaux services et, dans certains cas, elle les a même fixés en dessous des nôtres. Très franchement, je ne vois pas très bien quel est le but de Tango si ce n'est de susciter de la confusion. Il n'y aura de vraie concurrence que si tout le monde est relativement sur un pied d'égalité.

• 1615

Aux États-Unis, United Airlines vient de tenter de racheter USAir et le Département de la justice a refusé parce que l'entité combinée aurait possédé 24 p. 100 du marché. Le Département a dit que ce n'était pas sain et que ce ne serait pas bon pour la concurrence.

Au Canada, nous avons un transporteur qui a 85 p. 100 à 90 p. 100 du marché. Certes, Air Canada vous dira que ce n'est que 60 p. 100 du marché, si l'on en juge d'après le nombre de sièges. Mais les sièges n'ont rien à voir à l'affaire. Ce sont les kilomètres- passagers disponibles ou les dollars qui sont importants. Le nombre de sièges ne fait que jeter la confusion. Il ne fait aucun doute qu'Air Canada possède encore 80 p. 100 à 85 p. 100 du marché, quel que soit le critère utilisé.

M. Dan McTeague: Vous venez de faire allusion à la situation d'American Airlines, monsieur Beddoe, où existe bien sûr la notion de triples dommages et intérêts. Peut-être pourriez-vous dire quelques mots sur les difficultés qu'a connues Southwest Airlines quand on l'a empêchée de faire concurrence aux grands transporteurs.

Vous avez adressé deux plaintes au Tribunal de la concurrence et il vous a fallu un an et demi au moins pour que le Tribunal s'en saisisse, ce qui est peut-être un exemple parfait du principe voulant que justice retardée vaut déni de justice.

Dans le cas de votre requête concernant l'abus de position dominante, on exige un certain seuil pour établir l'existence de prix abusifs. Autrement dit, il ne suffit pas de prouver que l'autre était méchant, il faut prouver qu'il était absolument sauvage pour obtenir que le Tribunal de la concurrence ou les tribunaux se saisissent de l'affaire.

Quelles sont à vos yeux vos chances de succès si Air Canada réussit à utiliser Tango pour continuer à exercer des pressions sur votre société dans des secteurs où elle fournit peut-être clairement des services à un tarif inférieur au prix de revient, pour les raisons que vous avez exposées tout à l'heure au comité?

M. Clive Beddoe: Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que c'est un transporteur bon marché; c'est un transporteur à bas tarif, pas bon marché. Ses coûts n'ont pas changé.

Je pense que nous pouvons survivre face à la concurrence. Nous l'avons prouvé. Comme je l'ai déjà dit, nous avons résisté en gagnant le coeur et l'esprit des Canadiens. Je ne pense pas que nous soyons menacés du tout. Évidemment, notre taux de croissance va baisser et, pour continuer à faire ce que nous faisons, nous devrons être plus agiles et plus créatifs.

Cependant, nous survivrons parce que nos coûts sont inférieurs de 40 p. 100 à 45 p. 100 à ceux d'Air Canada. Et je crois qu'Air Canada se saigne à blanc en continuant ses méthodes actuelles.

Je reviens cependant à ce que je disais pour assurer la prospérité du secteur. Certes, nous pouvons être une entreprise prospère dans un secteur en déliquescence, mais ce n'est pas vraiment ce que nous souhaitons en dernière analyse.

M. Dan McTeague: Serait-il bon de laisser entrer les compagnies étrangères?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Veuillez m'excuser, monsieur McTeague, je dois passer à M. Rajotte pour une dernière question.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur Beddoe. J'ai une question qui touche indirectement la Loi sur la concurrence. Serait-il utile à WestJet et au secteur dans son ensemble de réduire ou d'éliminer les limites de propriété étrangère et d'autoriser le cabotage? Est-ce que cela empêcherait Air Canada de subventionner indirectement Air Tango? Cela aiderait- il WestJet et le secteur dans son ensemble, d'après vous?

M. Clive Beddoe: Non. En fait, c'est le contraire qui serait vrai.

Tout d'abord, si vous aviez posé cette question avant le 11 septembre, cela aurait pu susciter un certain intérêt.

Par contre, depuis le 11 septembre, on constate qu'aucun transporteur américain n'est intéressé par le Canada, à mon avis, pour y faire du cabotage.

Vous devez comprendre tout d'abord que le carburant aux États- Unis coûte les deux tiers de ce qu'il coûte au Canada. Donc, un transporteur canadien devant faire concurrence à un transporteur américain opère dès le départ avec un handicap important. Si vous laissez un transport américain entrer au Canada, il se contentera de choisir les meilleurs trajets—probablement Calgary-Toronto, Toronto-Vancouver et, peut-être, Toronto-Halifax—ce qui veut dire qu'il écrémera le marché et mettra donc encore plus les transporteurs existants en difficulté.

Je pense que le cabotage serait la pire des choses pour le secteur canadien, surtout si les transporteurs américains peuvent venir au Canada avec du carburant acheté aux États-Unis, aux deux tiers de notre prix, en offrant des tarifs un peu inférieurs—ce qui serait manifestement avantageux pour le client, à court terme—et en retournant ensuite faire le plein aux États-Unis.

Donc, on ne peut pas penser que le cabotage serait bénéfique aux Canadiens—absolument pas, ce serait néfaste. Ça ferait de la concurrence à Kelowna, à Abbotsford, à Chilliwack ou à Cranbrook.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je tiens à vous remercier sincèrement, monsieur Beddoe, de vous être adressé en toute franchise au comité de l'industrie et d'avoir répondu directement à nos questions.

Nous allons faire une pause de 30 secondes.

• 1619




• 1620

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Nous reprenons maintenant en accueillant le Commissaire à la concurrence, M. Konrad von Finckenstein. Je lui donne à peu près huit minutes pour sa déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions.

Monsieur von Finckenstein, vous avez la parole.

M. Konrad von Finckenstein (Commissaire à la concurrence, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Je vous remercie de m'avoir invité à nouveau pour discuter du projet de loi C-23.

Nous avons suivi vos discussions avec beaucoup d'intérêt et nous avons écouté attentivement les commentaires. Nous tenons à féliciter votre comité pour le travail extraordinaire qu'il mène actuellement au sujet du projet de loi. Nous avons le sentiment qu'un consensus commence à apparaître au sujet du projet de loi C-23 et nous sommes vivement encouragés par l'appui de plus en plus large qu'il recueille.

Cela dit, les commentaires des témoins permettent de penser qu'il conviendrait d'apporter quelques petites modifications au projet, et j'ai l'intention de vous donner notre avis à ce sujet.

Tout d'abord, en ce qui concerne la documentation trompeuse, des modifications avaient été proposées par Mme Torsney et nous pensons qu'elles pourraient être clarifiées par un changement technique pour faire en sorte qu'un tirage organisé par un promoteur de concours légitime ne soit pas touché par la disposition.

Permettez-moi d'attirer votre attention sur l'article 53, qui se propose d'interdire l'envoi d'une documentation dont:

    l'impression générale qui s'en dégage porte le destinataire à croire qu'il a gagné, qu'il gagnera, ou qu'il gagnera s'il remplit certaines conditions, un prix ou autre avantage,

Des réserves ont été exprimées au sujet de l'expression «qui gagnera s'il remplit certaines conditions» car on pense qu'elle pourrait viser des concours légitimes comme ceux qui disent essentiellement «Vous avez gagné à condition que votre nom soit tiré». Si l'on remplaçait cette phrase par «s'il accomplit un geste déterminé» cela éliminerait ce risque.

Vous vous souviendrez que M. Musgrove et M. Woolford appuyaient ce changement en disant qu'il éliminait leurs inquiétudes.

Le Bureau de la concurrence souhaiterait aussi qualifier l'expression «avis ou toute autre forme de documentation», à la ligne 9, en parlant de «toute documentation, quel que soit son support», afin d'assurer que cette disposition traite de toutes les formes de documentation trompeuse.

Voilà donc, à notre avis, les deux modifications à apporter à la disposition relative à la documentation trompeuse.

[Français]

Coopération internationale: collecte d'éléments de preuve dans les affaires civiles en matière du droit de la concurrence.

Deuxièmement, les questions suivantes ont été soulevées lors de discussions sur les dispositions du projet de loi C-23:

a) les renseignements fournis volontairement ne sont pas spécifiquement protégés par l'article 29 de la Loi sur la concurrence;

b) les renseignements qui se trouvent déjà en la possession du Bureau de la concurrence au moment où une demande est faite par une autorité étrangère en matière de droit de la concurrence pourraient être communiqués sans que la procédure d'autorisation officielle et judiciaire établie à la partie III du projet de loi C-23 soit suivie.

• 1625

En ce qui concerne le premier point, la politique du Bureau de la concurrence, telle que décrite dans notre bulletin d'information, a toujours été de ne pas communiquer aux autorités étrangères tout renseignement confidentiel qui avait été transmis volontairement au bureau sauf selon les exceptions prévues à l'article 29.

Néanmoins, même si nous ne pensons pas que ces changements à l'article 29 soient nécessaires, le Barreau, le Conseil canadien des chefs d'entreprises et plusieurs autres intervenants ont indiqué clairement qu'ils veulent des garanties que cette politique sera maintenue. Ainsi, afin de rendre obligatoire notre politique, le bureau proposerait d'ajouter à l'article 29 de la Loi sur la concurrence, qui concerne le traitement des renseignements confidentiels et précise la nature des renseignements visés par la disposition, la phrase suivante: «e) des renseignements fournis volontairement dans le cadre de la présente loi.»

Puisqu'il y a des situations où les parties qui fournissent volontairement des renseignements n'ont aucune objection à ce que les renseignements soient communiqués aux autorités étrangères et discutés avec elles—par exemple des plaignants qui sont victimes d'arnaques internationales—, le bureau proposerait aussi d'ajouter au paragraphe 29(2), qui se lit actuellement: «Le présent article ne s'applique pas à l'égard des renseignements qui sont devenus publics», les mots «ni à l'égard des renseignements dont la communication a été autorisée par la personne les ayant fournis».

[Traduction]

Pour ce qui est du deuxième point, concernant les renseignements déjà en possession du Bureau de la concurrence au moment où une autorité étrangère fait une demande pour obtenir des éléments de preuve, nous pensons que les dispositions proposées dans le projet de loi C-23 exigent implicitement que ces renseignements ne puissent être fournis que conformément au processus d'autorisation judiciaire prévu dans la nouvelle partie III.

Toutefois, par surcroît de précaution, le Bureau souhaiterait que ce soit explicitement indiqué. On pourrait donc ajouter un nouveau paragraphe à la partie 3, après l'article 30.29 de la page 20.

Voici ce paragraphe:

    Il est entendu que les éléments de preuve faisant l'objet d'une demande faite sous le régime d'un accord ne peuvent être obtenus pour donner suite à la demande qu'en conformité avec l'accord et les modalités prévues à la présente partie même s'il s'agit de documents ou d'autres choses déjà en la possession du Commissaire.

Ces deux changements devraient répondre aux préoccupations soulevées par les témoins. Nous ajouterions également un deuxième paragraphe indiquant que:

    Le présent article ne s'applique ni à l'égard de renseignements qui sont devenus publics ni à l'égard de renseignements dont la communication a été autorisée par les personnes les ayant fournis.

Avec ces deux modifications, je pense qu'on règle les problèmes soulevés par la collecte internationale d'éléments de preuve.

En ce qui concerne les ordonnances provisoires,

[Français]

un certain nombre de témoins ont parlé du nouveau pouvoir d'émettre des ordonnances provisoires en vertu de l'article 103.1 proposé.

Une des préoccupations soulevées était la possibilité qu'une ordonnance provisoire pourrait être demandée sans que le commissaire ait de raisons de croire que des motifs existent pour qu'une ordonnance soit émise par le tribunal. C'est la norme pour que le commissaire ouvre une enquête en vertu de l'alinéa 10(1)b) de la Loi sur la concurrence. L'article 103.1 proposé exige que le commissaire atteste qu'une enquête est en cours en vertu de l'article 10. Il est aussi possible qu'une enquête soit ouverte en vertu de l'article 10 si six personnes résidant au Canada ou le ministre en font la demande. Ce n'était pas notre intention de pouvoir demander une ordonnance provisoire dans ces circonstances. Le bureau proposerait de clarifier ce point en remplaçant simplement l'article 10 par l'alinéa 10(1)b) dans l'article 103.1 proposé.

Des préoccupations ont aussi été exprimées selon lesquelles l'article 103.1 proposé ne demandait pas précisément de démontrer que le comportement pertinent pourrait être du type visé au paragraphe 103.1(1) proposé, par exemple le refus de vendre, la limitation du marché et l'abus de position dominante.

• 1630

Bien que, selon le bureau, cela soit une exigence implicite, on suggérerait de rendre cela explicite en ajoutant, à la ligne 28 de la page 27: «s'il conclut que le comportement ou les mesures pourraient être du type visé aux alinéas (1)a) ou b) et qu'à défaut d'ordonnance, selon les...».

[Traduction]

Ces modifications rendraient le processus d'ordonnances provisoires parfaitement clair et élimineraient toute inquiétude à cet égard.

En ce qui concerne le processus de consentement, des préoccupations ont été exprimées au sujet du paragraphe 105(2), concernant les termes éventuels d'un consentement entre le Commissaire et une personne à l'égard de laquelle une ordonnance du Tribunal a été demandée ou pourrait l'être. On craint que cette disposition ne soit trop vaste.

Nous ne partageons pas cette opinion. Notre intention était d'adopter une disposition nous permettant d'aborder les problèmes de concurrence avec souplesse. Quoi qu'il en soit, étant donné les préoccupations soulevées, le Bureau propose de modifier le paragraphe 105(2) pour qu'il se lise comme suit:

    Le consentement porte sur le contenu de toute ordonnance qui pourrait éventuellement être rendue contre la personne en question par le Tribunal.

Autrement dit, le reste de l'article, indiquant «il peut également comporter d'autres modalités, qu'elles puissent ou non être imposées par le Tribunal», serait retiré.

Pour que ce changement ait du sens, le Bureau recommande aussi de modifier l'article 106 qui permettrait à toute partie directement touchée par un consentement de déposer une demande au Tribunal afin de modifier ce consentement pour la raison que ses modalités n'auraient pu faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal.

Ceci pourrait se faire en ajoutant le nouveau paragraphe suivant à l'article 106:

    (2) Toute personne directement touchée par le consentement, à l'exclusion d'une partie à celui-ci, peut dans les 60 jours suivant l'enregistrement demander au Tribunal d'en annuler ou d'en modifier une ou plusieurs modalités. Le Tribunal peut accueillir la demande s'il conclut que la personne a établi que les modalités ne pourraient faire l'objet d'une ordonnance du Tribunal.

À mon avis, cela rationaliserait les dispositions relatives au consentement et résoudrait l'objection qui a été soulevée.

La seule question qui reste est l'accès privé au Tribunal. Comme l'a dit le ministre, on ne peut apporter de changements de fond à une loi cadre comme la Loi sur la concurrence qu'avec un large appui des parties concernées. Le Bureau continue de croire qu'une forme d'accès privé est nécessaire afin d'assurer la pleine efficacité de la Loi sur la concurrence. Quant à savoir si le moment actuel est opportun pour ce faire, c'est au comité d'en juger.

Si l'on décidait d'adopter une disposition d'accès privé, nous pensons que l'amendement proposé par M. McTeague devrait être légèrement reformulé. Bien que nous soyons d'accord avec les principes énoncés par M. McTeague, le texte de l'amendement exigerait une légère adaptation pour s'harmoniser pleinement au reste de la Loi.

En conclusion, je tiens à remercier le comité de m'avoir donné cette dernière occasion de discuter du projet de loi C-23. Avec les changements que nous proposons, suite à vos audiences, nous avons la conviction que la Loi sur la concurrence sera considérablement renforcée et améliorée.

Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur von Finckenstein.

Monsieur Rajotte, c'est vous qui allez commencer le premier tour, avec sept ou huit minutes.

M. James Rajotte: Merci, monsieur le président. Merci de votre présence, monsieur le Commissaire.

Un coup d'oeil rapide à votre mémoire montre que vous proposez des modifications de fond extrêmement utiles, ce dont je vous suis très reconnaissant.

Je constate cependant que vous consacrez environ huit pages à la documentation trompeuse, à la coopération internationale pour la collecte de preuves, aux ordonnances provisoires et aux accords de consentement. Vous offrez à ce sujet des amendements très sérieux, ce que j'apprécie beaucoup. Je crois cependant pouvoir dire que la question qui suscite le plus de controverse, au sujet du projet de loi C-23, c'est celle de l'accès privé. Or, vous n'y consacrez qu'une demi-page, en parlant d'ailleurs de l'amendement de M. McTeague.

J'aimerais donc vous demander de parler un peu plus de cette question, en vous fondant sur votre expérience professionnelle.

Vous dites que des modifications à la Loi sur la concurrence exigeront un large appui des parties concernées, notamment en ce qui concerne l'accès privé, mais nous savons tous qu'il y a de profondes divergences d'opinions à ce sujet—c'est la réalité. Il va donc falloir que quelqu'un fasse un choix.

Qu'est-ce qui constituerait d'après vous un large appui? Si la réalité est que beaucoup de grandes entreprises s'y opposent, cela devrait-il nous empêcher d'aller de l'avant?

• 1635

M. Konrad von Finckenstein: Évidemment que non. Il vous appartient, à titre de législateurs, de prendre des décisions dans le meilleur intérêt du pays. C'est là votre travail et vous mesurez cet intérêt en tenant des audiences publiques. Évidemment, vous voudrez avoir l'appui le plus large possible aux changements que vous apporterez, surtout s'il s'agit de changements à une loi cadre.

Cela dit, vous avez tenu des audiences exhaustives. Vous avez entendu des personnes qui ont des positions très fermes sur l'accès privé, pour ou contre. Votre rôle maintenant est d'évaluer les arguments qui ont été présentés, ainsi que les conséquences à long terme de l'accès privé au Tribunal. Ces conséquences seront-elles aussi négatives que d'aucuns l'affirment? Seront-elles positives? En fin de compte, seront-elles plus positives que négatives?

La dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, j'ai clairement mis mes cartes sur la table. Nous estimons qu'apporter des changements fondés sur les principes des amendements de M. McTeague améliorerait la Loi. Il s'agirait essentiellement de questions d'intérêt privé qui ne revêtent pas un intérêt public majeur. À notre avis, cela n'aurait aucun effet négatif, contrairement à ce que disent certains critiques. Cela offrirait un recours adéquat à certains intérêts privés qui estiment que le Bureau de la concurrence ne tient pas compte de leurs préoccupations. En dernière analyse, toutefois, c'est vous qui jugerez.

M. James Rajotte: Merci de cette réponse.

Au risque de couper l'herbe sous le pied de M. McTeague, pourriez-vous nous dire quelle serait la meilleure manière d'améliorer le projet de loi C-23?

M. Konrad von Finckenstein: Les amendements de M. McTeague s'inspirent de propositions du Forum des politiques publiques, lesquelles étaient fondées sur la position originellement formulée dans le projet de loi. Il s'agirait d'autoriser l'accès au Tribunal uniquement en ce qui concerne les articles 75 et 77. Ça se limiterait à ça.

Cela veut dire qu'il faudrait d'abord obtenir l'autorisation du Tribunal, pour que celui-ci s'assure qu'il ne s'agit pas d'une poursuite vexatoire. En outre, on ne pourrait obtenir qu'une ordonnance d'interdiction, pas des dommages et intérêts, ce qui veut dire que personne ne serait incité à intenter une poursuite stratégique. La cour aurait le pouvoir d'imposer le paiement des coûts au plaignant s'il s'avérait que la poursuite était vexatoire ou visait uniquement à entraver ou à retarder certaines activités de l'accusé.

Les principes de l'ébauche de M. McTeague reflètent essentiellement le fruit des consultations menées par le Forum des politiques publiques, et le Bureau pense qu'ils seraient utiles pour améliorer la Loi.

Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, il conviendrait d'apporter quelques modifications mineures à cette ébauche pour que tout le système fonctionne de manière harmonieuse. Dans l'ensemble, cependant, c'est exactement ce qui avait été proposé devant le Forum des politiques publiques et c'est quelque chose que nous appuyons.

M. James Rajotte: Merci à nouveau de cette réponse très claire.

Pour changer un peu de sujet, nous venons d'entendre Clive Beddoe et je vais donc vous demander de répondre à l'une des remarques qu'il a formulées au sujet de la Loi sur la concurrence, c'est-à-dire qu'elle n'est pas très efficace en matière de prix abusifs.

Je veux vous demander ce que vous pensez de cette remarque et, ensuite, comment il faudrait modifier la Loi pour qu'elle soit plus efficace à l'égard des prix abusifs.

M. Konrad von Finckenstein: M. Beddoe a eu la gentillesse de me remettre un exemplaire de son mémoire environ une demi-heure avant ma propre comparution et j'ai donc eu le temps d'y jeter un coup d'oeil.

Il serait peut-être utile, comme il le propose, d'appliquer un critère de répartition totale des coûts. Nous n'avons pas choisi cette solution car, comme vous le savez, la Loi parle d'un critère de coûts évitables. Les tribunaux sont actuellement saisis de cette question, dans le cadre d'une poursuite vigoureuse que nous avons intentée contre Air Canada. Tant que le jugement n'aura pas été rendu, je ne pense pas qu'il faille modifier le critère. Ça marchera peut-être. Sinon, et si c'est trop difficile à appliquer, on pourra peut-être se pencher sur la suggestion de M. Beddoe.

Les questions importantes sont les sanctions et la reddition de comptes. Les divers témoins que vous avez entendus vous ont certainement parlé de la manière dont les dommages et intérêts aux États-Unis, surtout les dommages triples, faussent le régime de concurrence et ont débouché sur beaucoup de poursuites stratégiques.

Au Canada, nous n'avons pas encore choisi d'imposer des dommages et intérêts, sauf dans les affaires de publicité trompeuse, et il s'agit de sanctions pécuniaires administratives plutôt que de dommages et intérêts. On ne peut obtenir de dommages et intérêts que s'il y a eu une infraction criminelle.

Il est clair qu'il va falloir se pencher sur cette question. Le problème est de savoir si l'on veut imposer des dommages et intérêts, des sanctions ou des indemnités. Il y a du pour et du contre dans chaque cas. Il va falloir qu'on se penche sur cette question et nous avons l'intention de le faire pour la prochaine ronde d'amendements.

• 1640

Je crois me souvenir que j'en ai parlé lors de ma première comparution, en octobre, en disant que c'est quelque chose qu'on envisagerait peut-être pour la prochaine ronde.

Je crois comprendre aussi que vous avez l'intention de tenir des tables rondes dans les prochains mois et cela pourrait fort bien en être l'un des thèmes. J'ajoute toutefois que c'est une question qui pourrait avoir un effet à très long terme sur la Loi et sur l'économie. Il faut donc réfléchir très sérieusement avant de prendre une décision, pour être sûr de prendre la bonne. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire en vitesse, à la dernière minute.

En ce qui concerne les marques de bataille, il y a déjà des dispositions dans la Loi et elles ont déjà été invoquées. M. Beddoe affirme qu'il est difficile de faire la preuve de dommages irréparables étant donné que personne ne veut reconnaître une telle situation qui deviendrait une prophétie autoréalisatrice. Il a raison, on ne peut pas le contester là-dessus. En revanche, reconnaissons que nous vivons dans une économie libre. Les gens ont le droit de faire concurrence comme ils le veulent et, s'ils veulent créer une nouvelle marque, je ne pense pas que le rôle de l'État soit de le leur interdire, à moins de prouver que cette marque n'est créée que dans un seul but, chasser la concurrence du marché. C'est ce qui est prévu actuellement.

Donc, je pense que les dispositions actuelles peuvent être efficaces. Si l'on prend la notion de dommages irréparables, la question est de savoir ce qu'il faut prouver. Sinon, le simple fait de créer une nouvelle marque de bataille ne devrait pas tomber sous le coup de la Loi sur la concurrence si ça ne cause aucun dommage.

En ce qui concerne son quatrième argument, qui consisterait à étendre la portée des pouvoirs d'interdiction je pense qu'il a mis le doigt sur quelque chose d'utile. Dans le cas qu'il évoquait, où il a été effectivement l'une des victimes de ce que nous prétendons avoir été un abus de position dominante d'Air Canada, nous avons émis une ordonnance d'interdiction qui a été en vigueur pendant 80 jours. Toutefois, nous n'avons pas obtenu tous les documents nécessaires pendant cette période. Je pense que l'ordonnance a été émise fin octobre et qu'elle était valide jusqu'à la fin de l'année, et nous avons ensuite entamé notre action devant le Tribunal en février.

La loi ne nous permettait pas de prolonger l'ordonnance. Or, ces documents sont très difficiles à dénicher. Il ne m'appartient pas de juger si la difficulté est réelle ou non mais le fait est que nous n'avons pas obtenu tous les documents d'Air Canada avant fin janvier, avant de commencer notre action en février.

Je pense qu'il serait donc utile de modifier le paragraphe 104(1), et l'article connexe, l'article 103 du projet de loi C-23, pour offrir la possibilité de prolonger ces ordonnances jusqu'à ce que toute la documentation demandée ait été fournie et aussi, je crois, pendant une période supplémentaire pour nous permettre de prendre une décision—disons, 20 jours. Ce serait un amendement d'ordre technique que je n'ai pas rédigé mais que vous pourriez évidemment envisager. Je pense qu'il a proposé là une idée fort intéressante que vous voudrez peut-être reprendre si vous souhaitez rendre les ordonnances d'interdiction plus efficaces.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Rajotte.

Monsieur Bagnell.

M. Larry Bagnell: Merci.

M. Rajotte, M. McTeague et moi-même posons tous des questions similaires et je vais donc essayer d'aborder le problème sous un angle différent. Avant cela, je tiens à faire une déclaration. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui sont d'accord avec moi mais, au sujet des concours, j'ai toujours pensé qu'il devrait y avoir une disposition interdisant que l'obtention d'un prix coûte plus cher que le prix lui-même, même si c'est divulgué, car cela touche beaucoup de personnes âgées.

Pour revenir au problème de l'accès privé, qui semble être la clé de la réforme pour beaucoup de gens, vous n'y consacrez que six lignes dans votre mémoire. Je sais que vous avez plus ou moins accepté le concept, sans toutefois l'affirmer clairement dans votre mémoire mais, en réponse à M. Rajotte, vous avez dit que la question est de savoir si le moment actuel est approprié.

Écoutez, l'Australie applique apparemment ce système depuis 30 ans, et ça semble marcher. Je crois me souvenir également qu'un universitaire nous a dit à ce sujet: «Ne vous laissez pas raconter d'histoires. Ce système existe depuis 30 ans, ça n'a rien de nouveau.»

Donc, quand vous vous demandez si le moment est vraiment approprié, ça suppose qu'il pourrait y avoir un autre moment qui le serait plus. Qu'est-ce qui le rendrait plus approprié? Qu'est-ce qui fait que le moment actuel n'est pas approprié mais qu'un moment futur pourrait l'être?

M. Konrad von Finckenstein: Au sujet de l'accès privé, vous n'avez pas de consensus total, ni même de consensus partiel. La question est donc de savoir quel est le degré d'appui que vous jugez nécessaire pour apporter ce changement.

• 1645

En tant que législateurs, c'est sans doute une question à laquelle vous devez répondre souvent. Vous devez souvent juger si vous avez suffisamment d'appui pour faire telle ou telle chose, ou si ce que vous voulez faire est tellement crucial et nécessaire, dans l'intérêt national, que vous allez agir même si vous n'avez pas un appui général. Voilà ce que je voulais dire. C'est ça, l'élément clé de la décision, et c'est une décision qui vous appartient. Je n'ai rien à ajouter là-dessus. C'est à vous de juger parce que c'est pour ça que vous êtes élus.

M. Larry Bagnell: Donc, quand vous parlez de «moment approprié», du point de vue des témoins qui se sont opposés à la proposition, y a-t-il quoi que ce soit qui vous permette de penser qu'ils pourraient changer d'avis plus tard?

M. Konrad von Finckenstein: Non. Vous avez entendu hier l'opinion de M. Rowley, par exemple, qui s'oppose à cette idée depuis le début. Je l'ai rencontré plusieurs fois et je crois qu'il vous a même remis une étude de coûts, hier, que nous n'avions encore jamais vue. Ça fait plus d'un an que je l'encourage à produire une telle étude. Il vous l'a remise hier et, pour notre part, nous ne l'avions pas encore vue. Quoi qu'il en soit, elle contient des arguments qui ne sont pas convaincants et qui n'ont rien de neuf.

En fait, j'ai fait analyser son étude par un professeur, Peter Townley, qui est un collaborateur résident du Bureau et qui vient de l'université Dalhousie. Il est dans le public aujourd'hui et, si vous le voulez, je peux lui demander de vous faire part de son analyse de cette étude de coûts. Cela dit, je ne peux pas vous dire si certains opposants changeront d'opinion un jour.

M. Larry Bagnell: Monsieur le président, pouvons-nous lui demander de venir à la table nous faire part de son analyse?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Posez votre question suivante et nous verrons ensuite.

M. Larry Bagnell: Je passe donc à ma dernière question.

Au sujet des amendements de M. McTeague, qui ont fait l'objet de questions de M. Rajotte, vous avez dit qu'il y aurait quelques modifications mineures à y apporter. Vous serait-il possible d'utiliser le reste de mon temps pour nous exposer ces modifications mineures? Vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire.

M. Konrad von Finckenstein: Vous n'en êtes pas encore à l'étude article par article. Comme je l'ai dit, il s'agit d'amendements tout à fait superficiels.

M. Larry Bagnell: Pourriez-vous donc nous les envoyer avant le début de l'étude article par article?

M. Konrad von Finckenstein: Oui, si c'est ce que vous voulez.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Le comité est-il d'accord pour donner la parole à M. Townley?

M. Dan McTeague: Si les membres du comité sont d'accord, monsieur le président, je souhaite que l'on donne la parole à M. Townley. La question est extrêmement importante. Je m'en remets cependant au jugement de mes collègues.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Tout le monde est-il d'accord?

Des voix: D'accord.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Townley.

M. Dan McTeague: Merci, monsieur le président.

M. Konrad von Finckenstein: Le professeur Peter Townley, de l'université Dalhousie, est actuellement...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Il vous reste une minute, monsieur Bagnell, si vous voulez continuer.

M. Larry Bagnell: Non, je préférerais écouter le témoin.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Professeur Townley, voudriez-vous faire quelques remarques liminaires?

M. Peter Townley (professeur d'économie, Université Acadia): Oui, monsieur le président.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Très bien.

M. Peter Townley: Le commissaire n'a pas tout à fait raison, je suis à l'université Acadia. Mais vous savez ce que c'est, toutes ces universités néo-écossaises se ressemblent.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Il va payer pour ça.

Bienvenue de l'Acadie.

M. Peter Townley: Merci, monsieur le président.

J'ai eu 24 heures pour réfléchir à la question de savoir si des pratiques contestables pourraient devenir des délits de concurrence. J'ai quelques remarques à faire à ce sujet, qui seront brèves mais pas nécessairement gentilles.

Vous trouverez à la page 13 du sommaire du rapport, et à la page 138 du rapport lui-même, un chiffre qui est à l'origine de beaucoup des résultats mentionnés dans le rapport. Il s'agit du nombre annuel moyen de plaintes à caractère civil. Ce chiffre est 537. Cela étant, vous vous demandez ensuite combien de ces plaintes auraient pu être d'accès privé. Quelle proportion aurait été sans mérite? Vous commencez donc votre analyse avec le chiffre de 537 mais, malheureusement, c'est un chiffre qui englobe toutes les plaintes civiles adressées au Bureau, et pas seulement celles concernant le refus de vendre, la vente exclusive et la vente liée. Il est donc supérieur à la réalité.

• 1650

Quand vous allez sur le site Web du Tribunal et que vous faites le total des causes portées devant le Tribunal depuis 1986 en matière du refus de vendre, de vente exclusive et de vente liée, vous constatez que c'est à peu près 20 p. 100 du total. Donc, on peut dire que le chiffre qui nous intéresse est à peu près 20 p. 100 de 537, soit 107. Après ça, on fait généralement une analyse de sensibilité. On se dit, qu'advient-il du chiffre si 5 p. 100, 10 p. 100 ou 20 p. 100 des plaintes étaient sans mérite? Cela représente 5 p. 100, 10 p. 100 ou 20 p. 100 de 107, ce qui donne un chiffre relativement faible.

La deuxième question concerne l'allégation que la plupart des plaintes qui seraient adressées au Tribunal par l'accès privé seraient sans mérite. J'englobe dans cette catégorie les plaintes stratégiques aussi. J'ai certainement un avis sur la question. En fait, il faut se poser la question: les plaintes méritoires passeraient-elles par l'accès privé? Je suppose que le délai de résolution est important pour les entreprises, qui tiennent à ce que les choses se règlent rapidement. À mon sens, l'accès direct au Tribunal, par l'accès privé, serait peut-être plus rapide que la procédure en deux étapes du Tribunal de la concurrence. Si l'on veut agir vite, je suppose que les plaintes méritoires seraient traitées par l'accès privé, ou en tout cas certaines d'entre elles.

Si vous voulez déposer une plainte stratégique pour ralentir les choses, on peut penser que vous vous adressez au Bureau et puis ensuite au Tribunal. Je n'en suis cependant pas tout à fait sûr car, si vous vous adressez au Bureau, il y a un risque que votre plainte sera jugée sans mérite et purement stratégique, ce qui réduira vos chances de passer à l'étape suivante.

En ce qui concerne les plaintes méritoires déposées par l'accès privé, l'inquiétude concerne les poursuites stratégiques. Je pense que l'opinion que nous avons des poursuites stratégiques est qu'il s'agit de grandes entreprises—qui peuvent assumer de gros honoraires juridiques—s'attaquant à des petites par l'accès privé. Peut-être bien, mais je ne pense pas que ça marche dans ce cas. Prenez l'exemple du refus de vendre.

Vous avez une grande entreprise qui s'adresse au Tribunal pour se plaindre d'une petite entreprise pour refus de vendre. Ce serait un peu comme si Bill Gates attaquait une petite compagnie de logiciels devant le Tribunal parce que cette petite compagnie refuse de vendre son logiciel à Bill Gates, ou de lui vendre une licence. Mon sentiment est que la petite compagnie de logiciels serait ravie que Bill Gates et Microsoft agissent ainsi. Ce serait la même chose avec des petits fabricants de pièces automobiles et GM. Ça ne paraît pas très raisonnable. J'ai peine à concevoir des circonstances dans lesquelles de grandes entreprises intenteraient des plaintes non méritoires contre des petites.

Revenons aux chiffres. J'ai commencé à 537 et nous en étions arrivés à peu près 20 p. 100 du total. Mais il y a un autre facteur. Si on examine les données, environ les trois quarts des plaintes portées devant le Bureau sont considérées comme anticompétitives et sont réglées. Il y a un règlement quelconque. Je pense qu'on peut donc en déduire qu'il s'agissait de plaintes méritoires. C'était des plaintes légitimes puisqu'elles ont fait l'objet d'un règlement. Cela nous laisse au maximum 25 p. 100 des cas qui sont sans mérite. Si nous avons des firmes qui déposent des plaintes méritoires, ou qui sont incitées à déposer des plaintes méritoires par le mécanisme de l'accès privé, qu'arrive-t-il si l'on suppose que la moitié sont portées ensuite devant le Tribunal? Il n'y en plus que 25 p. 100, et la moitié de 25 p. 100, c'est 13 p. 100. Je commence donc avec 157, je réduis le chiffre et je le multiplie par 20 p. 100, puis je le multiplie à nouveau par 13 p. 100, et j'arrive à seulement 14 ou 15 cas.

Il y a donc à l'évidence une certaine exagération dans ce rapport. En Nouvelle-Écosse, on a des petits poissons, et on a des gros poissons.

• 1655

Je ne serais pas un économiste si je ne parlais pas d'incitatifs. J'ai mentionné le manque d'incitatifs qu'auraient les grandes entreprises à poursuivre les petites devant le Bureau mais, dans ce rapport, on parle de la propension à déposer des plaintes non méritoires. Les auteurs du rapport concèdent, à la page 164, que c'est seulement si des dommages et intérêts étaient autorisés que l'on verrait apparaître au Canada des poursuites de type américain. C'est là une vérité de La Palice car il y a des différences flagrantes entre les régimes judiciaires américain et canadien.

Les triples dommages et intérêts—voilà un bon incitatif pour intenter des poursuites stratégiques. Cependant, ça n'existe pas au Canada, et je crois comprendre qu'on n'envisage même pas de dommages et intérêts simples dans le projet de loi. Les auteurs disent qu'il pourrait y avoir des plaintes s'il y avait des dommages et intérêts, mais il n'y en a pas.

Je n'ai pas beaucoup réfléchi à la question suivante mais on peut concevoir l'instauration d'un régime d'honoraires conditionnels qui pourrait avoir une influence sur les incitatifs.

Une autre question qui a été posée est de savoir si cela aurait un effet glacial. En vrai professeur, je vais vous indiquer la confusion que cela suscite chez moi car, à la page 64, on me laisse penser qu'il y a toutes sortes d'options au recours privé. Voici en effet ce qu'on dit dans le rapport à la page 64:

    Il existe ainsi un large éventail de procédures de common law pour quiconque a subi un préjudice suite aux actions d'un autre participant au marché, que ces actions puissent ou non être contestées en vertu de la Loi sur la concurrence.

Si je comprends bien, ça veut dire qu'on a beaucoup de moyens d'action, stratégiques ou autres. Mais, 100 pages plus loin, je lis, page 164:

    Même si l'on ne prévoit pas de dommages et intérêts, les plaignants tenteront incontestablement aussi d'utiliser la création de droits d'accès privés en vertu de la Loi sur la concurrence pour renverser le principe bien établi voulant que les pratiques contestables ne produisent pas l'infraction juridique nécessaire pour invoquer des dispositions de common law telles qu'une conspiration pour causer un préjudice, une ingérence à l'égard d'intérêts économiques ou une action limitant le marché. Cela [l'accès privé] augmenterait probablement la fréquence et la portée des poursuites délictuelles en common law.

Cela veut dire à mes yeux que ces autres recours potentiels n'ont pas vraiment de valeur. Ils n'existent pas vraiment. La question que je pose est donc de savoir si ces recours juridiques existent ou non. S'ils existent, a-t-on constaté qu'ils sont utilisés de manière stratégique? Ce n'est pas mon cas mais c'est peut-être le cas de quelqu'un d'autre.

Si ces autres recours ne sont pas disponibles, cela veut dire qu'il n'y a actuellement aucun recours efficace. Dans ce cas, il faut peut-être autoriser l'accès privé pour combler cette lacune. Une petite glaciation pourrait être justifiée.

La dernière question concerne l'utilisation des données, et je crains de ne pas pouvoir la traiter avec justice. Les gens qui ont préparé ce rapport ont utilisé les données qu'ils ont trouvées. Il y a cependant là un problème. Si vous utilisez des données canadiennes, vous utilisez des données concernant les plaintes que le Bureau a acceptées. Or, celui-ci a certainement des priorités quant aux types de plaintes qu'il accepte. Un problème tout à fait fondamental est donc que les données viennent d'un régime sans accès privé et qu'on essaie ensuite d'extrapoler en se demandant ce qui arriverait s'il y avait un accès privé. Je pense qu'il faut être très prudent quand on fait ça.

Pour ce qui est du système américain, pourrait-il s'implanter ici? Oui, ils ont l'accès privé mais il faudrait aussi tenir compte de cette question des dommages et intérêts triples et de toute la nature de leur système juridique. Je ne dis pas cela pour critiquer mais simplement parce que j'estime qu'il faut être très prudent quand on veut tirer des déductions des données disponibles.

M. Konrad von Finckenstein: J'aimerais revenir sur la dernière remarque du professeur Townley. Même si l'on donne le droit d'accès, le Bureau n'arrêtera pas de poursuivre des plaintes; or, toutes les données utilisées pour l'étude concernent des plaintes qui ont été déposées, qui étaient toutes de portée nationale, c'est-à-dire les plus difficiles et les plus dispendieuses à poursuivre. Si on accordait le droit d'accès, c'est probablement les petites entreprises des marchés locaux ou régionaux qui s'en serviraient; il s'agirait donc peut-être de causes de moindre ampleur, dont la preuve serait plus facile à établir et qui ne coûteraient donc pas aussi cher.

• 1700

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Je veux demander l'avis des membres du comité sur la suite de la procédure. Nous allons donner cinq minutes à tout le monde car je tiens à ce que chacun puisse poser ses questions. Cela veut dire que nous allons dépasser un peu l'heure prévue pour terminer la séance, mais je vous demande à tous de ne pas faire de longs préambules et de poser directement vos questions.

Monsieur Bergeron.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur la question de l'accès privé. Je pense qu'on a là des éclairages forts intéressants. Hier, lorsque nous avons rencontré M. Fels, le président de la commission de la concurrence australienne, je faisais état du fait que parmi les réserves qui ont été exprimées et parmi les arguments qu'on a invoqués pour s'opposer à l'introduction de l'accès privé au Canada, il y a celui selon lequel ça multiplierait les recours frivoles et abusifs, occasionnant des coûts élevés, l'engorgement et ainsi de suite. Ce qui est en vigueur en Australie, c'est un système dans lequel la totalité des frais juridiques sont assumés par le perdant.

Ne croyez-vous pas a contrario que si on introduisait un système semblable ici, au Canada, ça aurait peut-être pour effet de décourager les petites et moyennes entreprises de recourir aux tribunaux pour poursuivre de grandes entreprises en vertu de la Loi sur la concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Comme vous le savez, les dispositions actuelles de la loi permettent au tribunal d'imposer des coûts dans les cas où il y des recours frivoles ou dilatoires. Je crois que si on adopte une règle comme celle des Australiens, cela peut décourager les petites et moyennes entreprises parce que, évidemment, elles ne peuvent pas gagner toutes les causes. S'il y a des abus, un refus de vendre ou quelque chose comme ça, on veut leur donner une chance. On ne veut pas nécessairement leur donner un avantage, mais on veut qu'elles aient la chance d'avoir une audience objective. S'il n'y a pas frivolité, s'il n'y a pas de stratégie dilatoire, je ne vois pas pourquoi on doit punir cette compagnie.

Après tout, le tribunal de la version de M. McTeague fait premièrement une détermination initiale pour déterminer si on peut procéder dans ce cas ou non, s'il y a un cas prima facie. Cet écran-là va éliminer, je crois, la majorité des cas frivoles.

M. Stéphane Bergeron: Mais dans l'éventualité où le tribunal décide prima facie que ce n'est pas une requête frivole, que ce n'est pas une requête abusive, que le procès peut se poursuivre, et qu'en bout de ligne la petite entreprise qui a amené le cas soit déboutée, si on applique le système australien, comme elle est perdante, elle se verra imputer les frais juridiques inhérents à cette cause. Conséquemment, si on devait introduire un système semblable d'accès privé, est-ce que, dans votre esprit, on devrait obliger le perdant à assumer la totalité des frais juridiques ou si l'État serait appelé à assumer une partie des frais?

M. Konrad Von Finckenstein: Selon moi, les dispositions suggérées par l'amendement de M. McTeague établissent un bon équilibre entre les divers points de vues. Mon avocat en chef est ici et il pourra peut-être vous expliquer cela.

• 1705

M. François-Bernard Côté (avocat général, Section du droit de la concurrence, ministère de l'Industrie): J'aimerais l'expliquer mieux que vous l'avez fait.

Effectivement, si vous avez une règle absolue, vous allez décourager ceux que vous voulez encourager. Ce qu'on propose dans le projet de loi, c'est une disposition qui permet au tribunal d'imposer les frais et les dépens lorsqu'on fait appel au tribunal de façon frivole, inutile et inopportune ou abusive. Faire une règle pour que, dans tous les cas, le perdant soit contraint de payer les frais et dépens serait décourageant pour la petite entreprise, comme le suggère le commissaire. D'ailleurs, ça n'existe pas maintenant non plus. Il y a toujours une discrétion qui est exercée dans les autres tribunaux, pas par le Tribunal de la concurrence, lorsqu'il s'agit d'imposer des frais et dépens.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Bergeron.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci, messieurs, d'être venus témoigner aujourd'hui—et merci à vous aussi, monsieur Townley.

Comme vous pouvez vous en douter, le comité s'est trouvé dans une situation difficile, hier, quand il a été pris par surprise avec ce document qui bénéficiait de l'appui d'un certain nombre de personnes très intéressantes. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous sommes préoccupés. En effet, on voit qu'une mesure relativement minime provoque une opposition énorme, stratégiquement, d'un nombre très limité d'individus.

Vous venez de réfuter point par point ce document de Deloitte & Touche. Nous avons aussi entendu d'autres témoins et je dois dire qu'avec l'aide des membres du comité, nous avons pas mal réussi à contrer les commentaires relativement frivoles et vexatoires de certaines personnes qui s'opposent à cette proposition limitée de droits d'accès privés, essentiellement parce que personne ne s'est penché sur les mesures de sauvegarde. Personne n'a voulu toucher à cela.

Monsieur le commissaire, vous et votre avocat avez entendu certains des arguments qui ont été avancés, notamment de la Chambre de commerce du Canada, de l'Association canadienne de l'immobilier et du CCCI, ce dernier ayant en grande mesure un recyclage de la Chambre de commerce. Avez-vous entendu quoi que ce soit, dans ces arguments, qui vous amène à penser que cette proposition pourrait provoquer l'effet glacial dont on nous a si souvent parlé?

Y a-t-il quoi que ce soit dans ces arguments qui mérite une telle inquiétude? Comme vous serez appelés à mettre cette proposition en pratique, dans une certaine mesure, j'aimerais savoir si elle vous inquiète d'une manière quelconque. Sinon, pensez-vous, comme beaucoup de membres du comité, que cette proposition très limitée mais très stratégique permettra à la Loi sur la concurrence d'évoluer avec le temps?

M. Konrad von Finckenstein: Vous savez, cet argument de l'effet glacial va dans les deux sens. La Loi sur la concurrence est une loi cadre qui est destinée à garantir que le marché fonctionne bien et de manière transparente, pour permettre aux gens de prospérer. Et nous avons un marché où vous pouvez faire l'objet de comportements anticompétitifs, sans aucun recours, ce qui a aussi un effet glacial. Si vous songez à investir au Canada ou à y créer une entreprise, vous allez peut-être y penser à deux fois si l'une des entreprises auprès desquelles vous songez à vous approvisionner peut refuser de transiger avec vous et, par conséquent, vous empêcher de démarrer.

Si j'ai bien compris la proposition qui est faite, elle porte uniquement sur les articles 75 et 77. Elle n'ouvre donc absolument pas les vannes en intégrant aussi l'article 79, qui concerne l'abus de position dominante, le refus de vendre, la vente exclusive, la vente liée, et un quatrième élément que j'oublie toujours.

Un témoin: La limitation du marché.

M. Konrad von Finckenstein: C'est ça. Merci.

Voilà en fait les principaux motifs de litiges privés entre les entreprises. Ensuite, il faut que votre plainte soit jugée recevable par le Tribunal, et celui-ci sera peu susceptible d'accéder à votre demande s'il a le moindre soupçon que votre plainte est sans mérite. Finalement, il n'y a pas de dommages et intérêts. Je ne vois donc pas d'incitation terrible à intenter ces poursuites.

Comme l'a dit tout à fait correctement le professeur Townley, l'abus de ces dispositions par de très gros concurrents qui essaieraient de se faire du tort ou de chasser les petites entreprises de leur marché serait bien peu probable. Je reprends à ce sujet son exemple de Bill Gates qui ne s'approvisionnerait pas auprès de petites compagnies de logiciels ou, s'il le faisait, n'essuierait certainement pas un refus de vendre. Personne ne va refuser de l'approvisionner. Je n'ai donc rien entendu au sujet de cette proposition qui me permette de penser qu'elle aurait les effets néfastes qu'évoquent ces critiques.

• 1710

M. Dan McTeague: Monsieur le commissaire, il y a certains membres du comité qui sont tentés de faire fi du fait que cette mesure existe depuis 30 ans et que nos cousins du Commonwealth, les Australiens—à qui nous avons fait appel pour analyser la proposition—l'appliquent sans beaucoup de réserves depuis tout ce temps-là. Il y a peut-être des membres du comité—et je ne saurais présumer de ce que sera leur position dans un jour ou deux—qui pensent qu'il faudrait peut-être encore y réfléchir pendant 30 ans.

Nous avons entendu des gens qui en ont assez. Selon vous, y a- t-il un avantage quelconque à ne pas adopter cette proposition maintenant? Y a-t-il une raison quelconque pour laquelle vous pensez que nous devrions continuer d'essayer de trouver d'autres témoins essayant de se recycler en utilisant d'autres noms pour venir nous dire qu'ils n'aiment pas ça, ou pensez-vous qu'il est maintenant temps de passer aux actes, comme disait le professeur Townley?

M. Konrad von Finckenstein: Je pense que la question a certainement été largement étudiée. Comme vous le savez, nous y avons consacré trois études importantes, qui se trouvent toutes sur notre site Web. L'une d'entre elles était une comparaison internationale avec les pays où existe l'accès privé.

Si vous aviez entendu mon collègue, le professeur Fels, il vous aurait dit qu'il existe en Australie non seulement l'accès privé mais aussi des dommages et intérêts. Et ce n'est pas limité à ces quatre éléments, c'est tout à fait général, et le ciel ne leur est pas tombé sur la tête, que je sache.

Je ne vois pas ce qu'on aurait à gagner à poursuivre les études. Ce qu'il faut maintenant, c'est une décision pour voir si la proposition peut fonctionner. Devrait-elle être de portée plus large ou plus restreinte, ou devrait-elle être mise en oeuvre ou non? D'autres études ne vous donneront pas les réponses à ces questions. Vous avez déjà toutes les informations nécessaires.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, commissaire.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.

J'ai une question à poser. Hier, nous avons accueilli des représentants de l'Association canadienne des agents de voyages, et je suppose que vous avez obtenu un exemplaire de leur mémoire. Ils ont proposé un amendement technique sur lequel j'aimerais avoir votre avis. Cela concerne les articles 78 et 79, touchant l'abus de position dominante. Vous avez peut-être le texte sous les yeux mais, si je me souviens bien, c'est au plaignant qu'appartient le devoir de démontrer que les parties accusées d'abus de position dominante agissent dans le but de dominer, avec l'intention de dominer.

Comme il est difficile de faire la preuve d'une intention, que penseriez-vous d'une modification en vertu de laquelle quiconque peut prouver qu'une entreprise a agi de cette manière serait considérée comme ayant eu l'intention de dominer? Si tel était le cas, la preuve serait plus facile à établir.

M. Konrad von Finckenstein: Je vais demander à mon conseiller juridique de vous répondre. Il y a une jurisprudence sur l'interprétation des mots «dans le but de», et cette jurisprudence montre qu'on n'a pas à faire la preuve de l'intention.

Francois, voulez-vous expliquer?

M. Francois-Bernard Côté: Oui, on peut faire la preuve de l'intention en faisant la preuve des faits, étant donné que l'intention découle des faits. Quelle que soit l'expression utilisée, qu'il s'agisse d'avoir agi dans le but de ou avec l'intention de ou afin de...trouver la bonne expression serait peut-être plus difficile qu'établir la preuve.

Si vous pouvez prouver des faits menant à une seule explication possible, c'est-à-dire qu'on a agi «dans le but de»... Tout l'article 78 tourne autour de la notion d'avoir fait quelque chose «dans le but» d'avoir un effet anticoncurrentiel sur un concurrent.

• 1715

Je ne vois donc pas comment on pourrait changer cette disposition. Il faudrait toujours se fonder sur les faits et déduire l'intention des faits. Le problème serait de trouver le bon mot pour décrire ce que l'on veut vraiment mais tout revient à la même question: est-ce que les faits montrent qu'on a agi dans un but anticoncurrentiel?

M. Konrad von Finckenstein: On peut déduire l'intention de l'action. Si vous disiez «a pour effet de», ce serait la même chose. Il faudrait juger l'effet à partir des faits. C'est donc plutôt une différence sémantique que conceptuelle.

M. Pat Martin: L'argument qu'on nous avait avancé était que cela provient d'un principe juridique voulant qu'on peut présumer qu'une personne a eu l'intention de produire les conséquences probables de ses actes. Cela existe peut-être déjà dans la Loi actuelle.

S'il me reste un moment...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Rapidement.

M. Pat Martin: ...les chiffres que vous avez mentionnés sont très intéressants, professeur Townley, mais je me demande si on peut poursuivre un peu l'analyse.

Vous avez commencé avec 537 plaintes de caractère civil, dont 107 concernaient la vente liée ou le refus de vendre. Combien de ces 107 plaintes ont-elles été effectivement réglées d'une manière ou d'une autre, que ce soit la médiation, l'abandon des procédures ou l'obtention d'un jugement? Et, sur ce nombre, savez-vous combien ont débouché sur un jugement favorable et combien sur un jugement défavorable? Si vous menez les 107 jusqu'au bout, jusqu'au produit fini après avoir franchi tout le système et avoir fait l'objet d'une décision du...

M. Konrad von Finckenstein: Avant qu'il ne réponde, je précise, puisque vous parlez de «produit fini», que si la plainte a fait l'objet d'un règlement extrajudiciaire, ça veut dire que l'entreprise a changé de comportement à cause de notre action. Cela aussi constitue un produit fini. Il n'est pas nécessaire...

M. Pat Martin: D'accord.

M. Konrad von Finckenstein: Allez-y, professeur Townley.

Le professeur Peter Townley: Les chiffres indiquaient le nombre de plaintes qui auraient été traitées par accès privé et qui auraient été jugées sans mérite. Quand on fait l'analyse détaillée...

M. Pat Martin: Mais qui pourrait dire que ces plaintes étaient sans mérite, qui pourrait nous donner l'indication...

M. Peter Townley: C'était une question d'attentes. Le chiffre que je vous ai donné concernait le nombre de plaintes civiles qui ont été déposées, dont trois quarts ont abouti à un règlement quelconque. Dans un sens, nous supposons qu'elles étaient justifiées, étant donné qu'elles ont produit un règlement. Nous disons donc qu'il y a eu au maximum 25 p. 100 des cas qui ont été portés devant le Bureau qui auraient pu être sans mérite. À partir de cela, nous avons essayé de voir combien de ces cas sans mérite auraient pu être intentés par le truchement de l'accès privé. À ce moment-là, il s'agit simplement d'une estimation. Nous disons qu'il y a eu des incitations à déposer des plaintes justifiées. Donc, dans l'ensemble, on arrive à 14 ou 15 causes, ce qui est loin du point de départ.

M. Pat Martin: Bien. C'est à ça que vous arrivez.

[Français]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Drouin.

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Merci, monsieur le président. Monsieur le commissaire, je vous remercie, ainsi que les gens qui vous accompagnent, de votre présentation devant notre comité cet après-midi.

Vous avez déjà répondu à cela, monsieur von Finckenstein, mais je voudrais aller un peu plus en détail afin de mieux saisir.

Vous avez parlé de l'accès privé, de l'Australie, du fait que ça pourrait peut-être décourager les petits. Il semblerait, à la lumière des témoignages qu'on a eus hier, que ça fait une trentaine d'années que ça fonctionne là-bas. Si on a une problématique chez nous et si on est un peu engorgé au bureau du commissaire et que cela pose quelques problèmes, ne serait-ce pas une partie de la solution? On serait sûr de ne pas avoir à refuser des demandes frivoles, car étant donné qu'il y aurait des frais à assumer par le demandeur qui perdrait sa cause, on n'oserait pas se présenter devant le bureau du commissaire par crainte de perdre ces montants-là. À tout le moins, ça désengorgerait le bureau.

Deuxièmement, le gros, comme vous l'avez mentionné, ne risque pas d'attaquer le petit, mais au niveau de la poursuite stratégique, il y a toujours un danger qu'il le fasse, parce que lui, il a souvent les moyens de se payer la cause. Si ça peut retarder ou essouffler le petit, ça peut être un élément important. Je ne sais pas si vous avez tenu compte de tout cela, mais j'aimerais connaître votre point de vue.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): François.

M. François-Bernard Côté: Si vous me le permettez, monsieur Drouin, je vais répondre.

• 1720

Effectivement, si on a bien compris le commissaire depuis le début, l'adoption d'une disposition sur l'accès privé favoriserait justement le désengorgement dans la mesure où les dossiers de nature locale ou régionale plutôt que nationale trouveraient leur voie vers le tribunal.

Par ailleurs, en ce qui concerne le danger de poursuites stratégiques ou d'actions judiciaires stratégiques, ce risque existe toujours. J'entendais tout à l'heure qu'on mentionnait les provinces de common law. Au Québec, on peut poursuivre lorsqu'il y a une faute, et vous le savez, et il y a un risque de poursuites stratégiques, mais il n'y a pas plus de poursuites stratégiques qu'ailleurs. Donc, le risque existe. Cependant, nous sommes d'avis que le régime de protection qu'on a en place serait suffisant pour s'assurer que seules les bonnes causes aillent au tribunal.

M. Claude Drouin: Le risque en vaut la chandelle pour s'assurer de protéger la population.

M. François-Bernard Côté: Je pense que les faits vous permettraient de conclure cela, mais ce n'est pas à moi de le faire.

M. Claude Drouin: Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Strahl.

M. Chuck Strahl: Merci, monsieur le président.

Je me disais que, la prochaine fois qu'on nous donne un gros volume comme celui-ci à la dernière minute, nous n'aurons qu'à demander au professeur de lui donner une note et nous pourrons ensuite... Je n'insiste pas.

Monsieur von Finckenstein, j'ai quelques questions très précises à vous poser puisque nous arrivons à la fin de cette étude. Pourrions-nous vous écrire, à vous ou à vos collaborateurs, dans les prochains jours, pour vous demander vos commentaires sur certains points très particuliers, si nous n'avons pas le temps d'en traiter aujourd'hui?

M. Konrad von Finckenstein: Absolument.

M. Chuck Strahl: Très bien, parce que nous arrivons vraiment aux détails. À moins d'une véritable bombe, tous les conciliabules que nous entendons entre les membres du comité m'amènent à penser que nous allons adopter cette proposition d'accès privé. Cela veut dire que nous allons devoir affiner la procédure.

Comme il me reste peu de temps, je vais aborder quelques points très précis. Le premier concerne votre proposition d'amendement sur les ordonnances d'interdiction pour donner 60 jours aux personnes touchées qui voudraient demander une modification des conditions.

Dans son témoignage, M. Addy a comparé cela au Tunney Act, mais il a ajouté que le gouvernement des États-Unis produit en même temps une étude d'incidence—je suppose pour permettre aux gens d'intervenir s'ils le veulent. Est-ce important, à votre avis, ou est-ce simplement...?

M. Konrad von Finckenstein: Le Tunney Act des États-Unis repose essentiellement sur la notion d'intérêt public. Ce n'est pas ce que nous proposons dans nos amendements. Nous avons proposé l'ordonnance de consentement, c'est-à-dire une procédure pour le cas où le commissaire s'entend avec l'intimé. Mais il faut que cela corresponde totalement aux limites de pouvoir du Tribunal. C'est quelque chose que le Tribunal aurait pu faire mais nous pouvons nous épargner la nécessité de faire un procès si les deux parties s'entendent sur une solution équitable. Dans ce cas, nous signons le document, nous l'enregistrons et la chose est réglée.

Si la décision touche une tierce partie et qu'elle pénalise quelqu'un à qui nous n'avions pas pensé—ce qui est peu probable mais qu'il faut quand même concevoir...cette tierce partie aurait à notre avis le droit de demander que la décision soit renversée, si nous avions fait quelque chose que le tribunal ne pouvait pas faire.

Si le tribunal aurait pu faire la même chose, la situation est exactement celle que nous avons ici: nous avons quelque chose qui relève de la compétence du Tribunal. Avant d'accepter une ordonnance de consentement, nous procéderions à un examen particulièrement exhaustif du dossier, en faisant appel à des témoins et en écoutant toutes les parties. Nous voudrions protéger l'intérêt public. Il y a d'ailleurs une jurisprudence établissant que le commissaire est censé agir dans l'intérêt public. Nous ne pensions donc pas qu'il soit vraiment nécessaire d'intégrer toute cette question d'intérêt public.

Ce qu'il faut, c'est un mécanisme de contrôle. Si une mesure est prise qui ne relève pas du champ de compétence du Tribunal de la concurrence, elle ne devrait pas pouvoir être prise par ordonnance de consentement, étant donné que ces ordonnances sont tout à fait destinées à remplacer un procès en bonne et due forme. Mais leur résultat devrait être quelque chose qui aurait pu être ordonné par le Tribunal.

M. Chuck Strahl: D'accord. En ce qui concerne le droit d'accès privé, certaines personnes affirment que, si nous en adoptions une certaine forme—les amendements de M. McTeague ou autre chose—le Bureau de la concurrence, et peut-être vous-même aussi, seriez complètement circuités et qu'il y aurait beaucoup de choses frivoles. Il y aurait toutes sortes de poursuites qui seraient intentées sans que personne n'ait le pouvoir de juger si elles ont la moindre validité.

• 1725

Certaines personnes disent que nous devrions en fait exiger du commissaire—et vous pouvez peut-être nous dire ce que vous en pensez—qu'il exprime le plus tôt possible son appui ou son opposition aux allégations. Autrement dit, vous pourriez examiner la plainte et dire si vous pensez qu'elle est frivole, ou pas assez détaillée, ou quoi que ce soit d'autre. Pensez-vous que vous devriez avoir le pouvoir de le faire, ou être tenu de le faire?

M. Konrad von Finckenstein: Non, je ne le pense pas.

Notre rôle est de faire enquête et de faire avancer une plainte si nous pensons que les faits le justifient et qu'il y a eu un comportement anticoncurrentiel auquel il faut mettre fin.

Avec un système d'accès privé, le plaignant a la possibilité de venir nous dire «Je suis victime de comportement anticoncurrentiel, faites enquête» ou, si c'est son choix, de déposer lui-même une plainte. Évidemment, venir nous voir coûte beaucoup moins cher. En effet, nous allons examiner le dossier et nous pourrons aussi obtenir les éléments de preuve beaucoup plus facilement qu'un plaignant indépendant ne possédant pas de pouvoirs judiciaires. Nous pouvons exercer des pouvoirs de perquisition. Nous pouvons ordonner la production de documents, etc.

En revanche, il se peut fort bien que nous n'acceptions pas le dossier parce que nous estimons que l'effet sur la concurrence n'est pas assez important et ne justifie pas notre intervention. Il se peut aussi que nous refusions un dossier à cause d'une limite de nos ressources, mais c'est là un motif qui arrive vraiment très bas dans nos priorités. Nous pourrions aussi avoir honnêtement un avis complètement différent du plaignant et penser que sa plainte ne tombe pas sous le coup de la Loi, ou que les faits ne permettent pas de prouver le préjudice.

Si vous n'êtes pas d'accord, c'est parfait. Vous aurez toujours l'option, à mon avis, d'agir de manière indépendante. Je ne devrais donc pas préjuger de votre plainte en rendant un jugement à l'avance. Si c'est votre plainte, si vous voulez aller de l'avant avec elle, faites-le sans ingérence de notre part. Si vous voulez profiter du Bureau, vous pouvez le faire et nous vous dirons si nous pensons que vous avez une plainte légitime ou non. Mais je ne pense pas que ce soit le rôle du Bureau d'exprimer à l'avance un jugement sur votre plainte, ce qui pourrait ou réduire ou accroître considérablement vos chances de succès.

M. Chuck Strahl: Donc, si nous adoptons le droit d'accès privé, les gens qui voudront s'en prévaloir devront faire le choix à cette étape très préliminaire. Ils devront décider immédiatement s'ils confient le dossier au commissaire, dans l'espoir qu'il le transmette au Tribunal, ou s'ils veulent agir seuls. En effet, une fois que vous avez commencé la procédure avec le Bureau ou seul, votre droit d'accès privé n'existe plus.

M. Konrad von Finckenstein: Non, ce ne sont pas des solutions mutuellement exclusives. Vous pouvez avoir recours aux deux.

M. Chuck Strahl: On peut avoir recours aux deux?

M. Konrad von Finckenstein: Vous pouvez vous adresser au commissaire et être mécontent de sa décision. Vous pouvez penser que nous avons fait un très mauvais travail, ou que nous n'agissons pas assez vite, par exemple. Donc, si vous voulez agir seul, je n'y vois aucune objection.

M. Chuck Strahl: Mais, dans ce cas, le plaignant doit se débrouiller tout seul, il ne peut pas faire appel à vous en même temps?

M. Konrad von Finckenstein: Précisément.

M. Chuck Strahl: Et vous pensez que...

M. Konrad von Finckenstein: Je pense qu'une majorité écrasante de gens s'adresseront à nous mais nous vivons dans une société libre et, s'ils veulent agir de manière indépendante, je ne vois pas pourquoi on devrait les en empêcher.

M. Chuck Strahl: Mais ce n'est pas une société libre aujourd'hui puisque personne ne peut agir de manière indépendante en ce moment.

M. Konrad von Finckenstein: C'est précisément le problème. Mais je vous réponds en acceptant votre postulat que le droit d'accès privé a été adopté.

M. Chuck Strahl: D'accord. Et donc...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je pense que vous feriez mieux d'en rester là.

M. Chuck Strahl: C'est une bonne idée. Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Pour ce qui est de votre suggestion concernant des questions au commissaire, les réponses seraient-elles également distribuées à tous les membres du comité, pour que tout le monde...

M. Chuck Strahl: Écoutez, ce sont des questions qui m'intéressent personnellement. Quant à savoir si elles intéressent le reste du comité—mais cela n'aurait rien de secret.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Vous pourriez donc avoir un échange de questions et de réponses d'ici à vendredi prochain.

M. Chuck Strahl: D'accord.

M. Konrad von Finckenstein: Ce que nous pourrions faire, monsieur le président, c'est adresser notre réponse à M. Strahl et une copie à vous-même, à titre de président.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Il y a une question de ce côté-ci.

M. Dan McTeague: Je suis prêt à donner quelques-unes de mes minutes à M. Strahl, s'il le souhaite.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Il vous reste une minute.

M. Dan McTeague: Une minute? Voulez-vous 30 secondes, Chuck?

M. Chuck Strahl: Non, allez-y.

M. Dan McTeague: Je suis convaincu.

Certains témoins, notamment votre prédécesseur, M. Wetston, nous ont dit qu'il y a peut-être aujourd'hui un certain nombre de situations anticoncurrentielles qui ne tombent pas dans le champ d'application de l'intérêt public, au sens large, et dont on ne s'occupe pas. Je pense que les remarques du professeur corroborent peut-être cette constatation.

Vous avez dit au début, monsieur le Commissaire, mais ce n'était pas dans votre mémoire, que vous aimeriez que les modifications que j'ai proposées en matière d'accès privé soient reformulées pour s'intégrer harmonieusement au reste de la Loi. Je vous paraphrase, bien sûr.

Pourriez-vous communiquer quelques-unes de ces idées au comité, ou est-ce simplement la manière dont elles sont rédigées qui vous préoccupe? Évidemment, les mots utilisés comptent pour beaucoup, mais les idées restent intactes. Proposez-vous une refonte complète, en demandant au comité de proposer un texte complètement différent? Je pense que le comité devrait le savoir avant d'entreprendre l'étude article par article. Nous serons peut- être absents pendant une semaine et je suis sûr que certains groupes vont entreprendre beaucoup de lobbying pour nous dire de ne pas aller de l'avant. Il nous faut donc un texte très précis pour poursuivre la discussion. Y a-t-il à ce sujet quelque chose que nous devrions savoir?

• 1730

M. Konrad von Finckenstein: J'ai dit que, si vous décidiez d'adopter le droit d'accès privé, les amendements que vous avez proposés sont tout à fait corrects et acceptables, du point de vue des principes.

Il y a certains termes qu'il faudrait peut-être modifier, mais il s'agit là uniquement de questions de rédaction, pour veiller à ce que le lien se fasse harmonieusement entre les diverses dispositions. Quand on rédige un projet de loi, le premier objectif est d'être clair et précis mais le deuxième, qui est tout aussi important, est de s'assurer que personne ne pourra interpréter votre texte de manière erronée, délibérément.

Il s'agit uniquement de détails à préciser.

M. Dan McTeague: Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

M. Rajotte, c'est votre question. Ne tournez pas autour du pot.

M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.

Hier, l'un des témoins, un avocat, a parlé de l'article 8 de la Loi sur le tribunal de la concurrence et de la partie concernant la notion de plaintes «frivoles» et «vexatoires», et il m'a répondu en disant que nous ne devrions pas appliquer cette norme. À son avis, elle est trop exigeante. C'était un avocat qui exerce en Ontario. Il pensait que nous devrions utiliser simplement les outils de coûts normaux comme on le fait, par exemple, en Ontario. Je voudrais avoir votre réaction là-dessus.

M. Konrad von Finckenstein: Ce n'est pas simplement frivole et vexatoire, c'est une forme raccourcie. Si vous lisez la page 32, le paragraphe 8.1(1) qui est proposé, c'est frivole, vexatoire, ou toute étape de la procédure prise pour entraver ou retarder le progrès, et c'est vraiment cela qui est en jeu—entraver ou retarder.

Si vous êtes impliqué dans une poursuite stratégique, vous essayez de faire traîner le plus possible les choses. Notre argument est que le Tribunal a le pouvoir de réagir à cela, mais vous n'êtes pas obligé d'aller jusqu'à faire payer le perdant car nous pensons que la nature de cette procédure, étant donné qu'on ne parle pas de dommages et intérêts, ne le justifierait pas.

Mais le tribunal devrait avoir le pouvoir de contrôler sa procédure. Comme je l'ai dit, il est déjà arrivé que nous recevions motion après motion sans pouvoir imposer de pénalité puisque le Tribunal ne possède pas ce pouvoir à l'heure actuelle. S'il avait le pouvoir d'attribuer les coûts lorsque des mesures sont prises pour retarder ou entraver la procédure, il pourrait décider que la motion n'a aucun effet et obliger immédiatement la partie concernée à assumer les coûts. Je pense que ce serait un moyen terme satisfaisant.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Comme je n'entends pas d'autres questions, je tiens à remercier le comité ainsi que les témoins, le professeur Townley, le commissaire von Finckenstein et les jurisconseils.

Je rappelle au comité que l'étude article par article commencera le 20 novembre et que tout amendement doit être remis au greffier du comité d'ici à vendredi prochain, le 16 novembre, 17 heures. C'est bien clair pour tout le monde?

Vous avez quelques jours pour préparer vos amendements.

Merci beaucoup. La séance est levée.

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