Passer au contenu

INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 0904

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Nous examinerons le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence.

• 0905

Avant de commencer, je voudrais vous signaler que notre voyage à Washington sera reporté au mois de janvier en raison de certaines contraintes à Washington. Je tenais à vous en avertir pour vous permettre de mettre votre calendrier à jour. Je pourrai vous parler bientôt du voyage en Europe, mercredi probablement.

Nous passons au sujet de la réunion.

Nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui M. Stanley Wong. Nous accueillons également M. Michael Trebilcock de l'Université de Toronto, M. Robert Russell, avocat du cabinet Borden Ladner Gervais et M. Jack Quinn, de l'étude d'avocats Blakes.

Nous écouterons d'abord les exposés liminaires. Je suivrai cet ordre à moins que l'on ne se soit déjà entendu sur un autre ordre.

Monsieur Wong.

M. Stanley Wong (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente.

J'apprécie cette occasion d'être ici. Je sais que vous avez un programme très chargé. Le limiterai donc mes commentaires à trois sujets: l'ordonnance provisoire, le consentement et l'accès privé, sur lesquels je sais que l'on me posera des questions.

Je signale que je suis ici à titre personnel et pas comme représentant d'un de mes clients ou d'une organisation. Je ne suis pas ici non plus pour représenter l'Association du Barreau canadien, même si je suis ex-président de l'exécutif de la section nationale sur le droit de la concurrence.

J'aurais une autre précision à donner lorsque je parlerai de l'ordonnance provisoire proposée, ce que je compte faire immédiatement.

Les commentaires sur l'ordonnance provisoire, concernant l'article 12 qui ajoute l'article 103.1 proposé, sont des commentaires personnels. J'insiste sur ce point parce que le commissaire à la concurrence m'avait engagé pour le conseiller au sujet des pouvoirs découlant des ordonnances provisoires. J'avais toutefois pris la précaution de n'accepter qu'à condition que l'on me permette de faire des commentaires publics sur le projet de loi. Je ne peux, bien entendu, pas vous révéler ce que j'ai dit au commissaire mais je suis libre de faire des commentaires publics et c'est ce que je fais précisément.

Les préoccupations que j'ai au sujet de l'article 12 sont les mêmes que celles dont je vous ai fait part lorsque j'ai témoigné dans le cadre des audiences entourant la préparation de votre rapport provisoire, publié en juin 2000. C'est en fait une généralisation des pouvoirs accordés au commissaire dans le contexte de la débâcle de Canadian Airlines qui est prévue au paragraphe 104(1) proposé.

La dernière proposition faite dans un projet de loi d'initiative parlementaire était identique au paragraphe 104(1) proposé; elle portait sur les pouvoirs accordés actuellement en ce qui concerne le service aérien intérieur. Le seul changement prévu à l'article 12, soit l'article 103.1 proposé, est que le Tribunal de la concurrence peut rendre l'ordonnance au lieu du commissaire. C'est sans aucun doute une amélioration.

Ce qui me dérange, c'est que l'on ne tient toujours pas compte des deux principales préoccupations en ce qui concerne le pouvoir généralisé. La première est qu'avant de présenter une demande d'ordonnance ou avant que le tribunal ne rende une ordonnance, le commissaire ne soit pas tenu de dire: «J'ai des motifs raisonnables de croire qu'il y a infraction à la partie VIII de la Loi sur la concurrence». Il n'est même pas nécessaire qu'il ait des soupçons. Tout ce que dit cette disposition est que le comportement «pourrait» faire l'objet d'une ordonnance du tribunal.

Ma deuxième préoccupation est qu'il suffit que le commissaire conclue que sans interventions, la concurrence subirait un préjudice auquel on ne pourrait remédier.

Ce serait très bien si cela s'arrêtait là, mais on ajoute si un compétiteur sera vraisemblablement éliminé ou si une personne subira vraisemblablement une réduction importante de ses revenus ou de sa part du marché.

Comme vous le savez, les avocats spécialisés en droit de la concurrence et ceux qui étudient la politique savent que le droit et la politique de la concurrence ont pour but de préserver la concurrence et pas les concurrents. Dans toute concurrence, il y a des gagnants et des perdants. En imposant cette condition qui n'a pas pour seul but de préserver la concurrence proprement dite, ce projet de loi donne une nouvelle orientation à la politique gouvernementale.

• 0910

S'il n'y a par exemple que deux concurrents et qu'un est sur le point d'être éliminé, cela entraînera la disparition de la concurrence. Le premier volet du critère d'incidence s'en chargera.

D'une façon générale, j'approuve les commentaires faits par la section nationale sur le droit de la concurrence dans le mémoire qu'elle a présenté au comité.

Le deuxième sujet sur lequel je voulais faire des commentaires concerne le processus de consentement décrit à l'article 14 du projet de loi. Cet article modifie l'article 105 de la loi. Je sais que très peu de témoins ont abordé le sujet. Je sais que M. Addy a fait des commentaires à ce sujet et que M. Goldman en fera.

Je suis extrêmement préoccupé au sujet de cette disposition. Elle bénéficie d'un appui considérable au Barreau. Ça ne fait aucun doute. En outre, elle est appuyée, bien entendu, par le commissaire. Il ne faudrait toutefois pas oublier que lorsque le Parlement a modifié la Loi sur la concurrence en 1986—ou plutôt l'a instaurée—le Tribunal de la concurrence est devenu un pivot en matière d'exercice du droit de la concurrence au Canada.

La disposition proposée dans ce projet de loi fait du tribunal un simple bureau d'enregistrement. J'approuve les préoccupations d'ordre technique et autres préoccupations spéciales exposées dans le mémoire de la section nationale sur le droit de la concurrence de l'ABC, mais pas ses conclusions. À mon avis, cette proposition sapera les pouvoirs du tribunal, notamment son pouvoir d'arbitrage en ce qui concerne l'exécution de la loi. J'estime que c'est très important.

Il est visible que plusieurs des modifications proposées dans ce projet de loi, qu'elles concernent le processus de consentement ou les pouvoirs en matière d'ordonnance provisoire, visent à transformer la législation sur la concurrence en un processus administratif dans le cadre duquel la plupart des pouvoirs sont entre les mains du commissaire et le commissaire peut s'arranger avec les parties privées sans contrôle public. Je crois que c'est une grave erreur et je vous prie de la corriger.

Le dernier commentaire que j'ai à faire concerne l'accès privé au tribunal. Personnellement, je suis en faveur de donner le droit d'accès au tribunal lorsqu'il s'agit d'affaires non pénales, sauf des fusions. Je ne dis pas cela parce que j'ai été «associé à la position de plaignant» dans le cadre de plusieurs actions privées aux termes de l'article 36 de la loi. C'est vrai, mais dans la plupart des cas, les clients étaient des institutions publiques comme des hôpitaux ou bien des sociétés ouvertes comme des compagnies forestières ou de grandes entreprises. Par conséquent, on ne peut pas dire qu'on l'utilise à des fins stratégiques.

Ma préoccupation en ce qui concerne l'accès public concerne la proposition faite par M. McTeague à propos de l'article 13. Je pense que l'article 75 comporte des lacunes. Je trouve qu'il ne va pas assez loin. Je ne pense pas que l'on y ait recours, à moins que l'on ne soit disposé à accorder des dommages pécuniaires dans des poursuites pour abus de position dominante, c'est-à-dire de monopolisation.

Je sais que le nombre de poursuites aux termes des dispositions de l'article 36 de la loi a été minime. C'est extrêmement difficile. Je crois que la présence d'une législation sur les recours collectifs dans trois provinces canadiennes—et plusieurs provinces en adopteront une bientôt—modifiera le paysage dans une certaine mesure. Je ne connais toutefois aucun pays important où des dispositions législatives concernant les infractions liées à la monopolisation ne soient accompagnées d'une amende imposée par l'État, que ce soit aux États-Unis ou dans l'Union européenne. C'est une question qui me préoccupe également.

Je crois que nous pouvons nous réjouir à l'idée que ce projet de loi, quoique modeste, permettra d'agir. Je ne pense toutefois pas que l'on aura souvent recours à ces nouvelles dispositions parce que le coût des poursuites est très élevé même lorsque de l'aide est prévue. Par contre, lorsqu'on veut vraiment intenter des poursuites, le coût n'est pas un obstacle.

Voilà les commentaires que j'avais à faire.

La présidente: Merci bien, monsieur Wong.

Je donne maintenant la parole à M. Michael Trebilcock, de l'Université de Toronto.

Allez-y, monsieur Trebilcock.

M. Michael J. Trebilcock (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente.

Pour gagner du temps, je ferai uniquement des commentaires sur l'amendement de M. McTeague au projet de loi C-23 en ce qui concerne l'accès d'une partie privée au tribunal. C'est une question qui m'intéresse depuis longtemps et c'est en vous parlant principalement de cet aspect que je pense pouvoir vous être le plus utile.

Je signale toutefois que j'approuve les commentaires que M. Wong a faits sur la question du consentement. C'est une mauvaise tactique que de transformer le tribunal en un bureau de poste, puisqu'il suffit de lui envoyer une demande de consentement pour l'obliger à l'appliquer, qu'il la juge fondée ou non. Par conséquent, j'ai les mêmes préoccupations que M. Wong à cet égard.

• 0915

À propos de l'amendement proposé par le député au projet de loi C-23 en ce qui concerne l'accès de la partie privée au tribunal, je voudrais la situer dans un contexte plus large.

Il y a une trentaine d'années que nous en discutons. Nous en discutons en fait depuis que le Conseil économique du Canada, dans son rapport de 1969, a recommandé que l'on verse l'équivalent du double des dommages aux parties privées ayant subi un préjudice en raison d'infractions à la loi. Cette proposition ou cette recommandation n'a pas été adoptée mais en 1976, des dommages simples ont été prévus en cas d'infraction criminelle à la loi.

Nous discutons depuis lors de l'élargissement des recours des parties privées, surtout en ce qui concerne les pratiques examinables. La discussion dure donc depuis 30 ans. Elle n'a pas commencé avec le projet de loi d'initiative parlementaire de M. McTeague. Je crois qu'il est temps de clore cette discussion parce que 30 ans, cela devrait être suffisant pour examiner et régler une question comme celle-ci.

Il s'agit en fait de décider si les parties privées devraient être en mesure de déposer des plaintes ou d'intenter des poursuites devant le tribunal en ce qui concerne les pratiques examinables prévues à la partie VIII, à l'exclusion des fusions, ce que j'accepte. Cela se justifie pour plusieurs motifs, comme mesure d'intérêt public.

Premièrement, les recours privés complètent les ressources publiques en matière de poursuites. Les parties privées font intervenir leurs ressources dans le processus. Ce sont des facteurs dissuasifs supplémentaires. Deuxièmement—et sur ce point également j'approuve M. Wong—, les recours privés offrent la possibilité d'une justice de redressement pour les parties ayant subi un préjudice, c'est-à-dire la possibilité de réparer le tort qui leur a été causé.

Dans une certaine mesure, le redressement par injonction redresse les préjudices subis mais seulement pour l'avenir, dans la mesure où il y a eu préjudice en raison d'infractions à la partie VIII. Une injonction concernant l'avenir ne répare pas vraiment le tort subi car seules les indemnités peuvent le faire. À ce propos, je pense que l'amendement proposé par M. McTeague n'atteint pas un des principaux objectifs—réparer les torts subis par des parties privées.

Dans certains cas, les parties privées ont un avantage sur les exécuteurs publics. Elles sont plus proches de la source du préjudice ou de la nature du tort; elles ont peut-être de plus fortes motivations d'agir pour obtenir réparation et elles ont peut-être de meilleures informations quant à la nature du préjudice, par rapport à l'organisme public d'exécution. Un autre avantage de l'accès de la partie privée au tribunal est qu'en augmentant le nombre d'affaires sur lesquelles le tribunal devra statuer, nous élaborerons avec le temps une jurisprudence plus riche, plus nuancée et plus efficace.

Enfin, je pense que les recours privés—l'accès de la partie privée au tribunal—permettent d'atteindre un objectif très important en matière de politique gouvernementale, à savoir une reddition de comptes accrue de la part des exécuteurs ou de l'organisme public d'exécution, en l'occurrence, le Bureau de la concurrence ou le commissaire qui le dirige. Contrairement aux organismes publics concernant la concurrence de bien d'autres pays, ce bureau a un seul commissaire à sa tête. Il ne s'agit pas d'une commission comme la Federal Trade Commission américaine ou comme la Commission européenne.

Il a très peu de comptes à rendre quant à ses décisions. La capacité des parties privées de s'adresser directement au tribunal, quelle que soit la décision du commissaire, est un contrepoids important quant à l'exercice des pouvoirs et aux pouvoirs discrétionnaires qu'il a en vertu de la loi.

• 0920

Ce sont là les excellentes raisons pour lesquelles je préconise depuis 30 ans que l'on permette aux parties privées d'avoir directement accès au tribunal en ce qui concerne les pratiques examinables.

Je voudrais faire deux ou trois commentaires précis. J'approuve certaines recommandations qui vous ont déjà été faites, notamment celle qui préconise de limiter un aspect de l'amendement proposé par M. McTeague, à savoir que l'article 75, concernant le refus de vendre, devrait inclure une atténuation considérable du critère de la concurrence.

J'estime par contre que la proposition du député devrait être élargie à un autre égard. En ce qui me concerne, il est insensé d'exclure l'article 78—et je n'ai encore jamais entendu d'argument cohérent et convaincant à cet égard—qui concerne les cas de dominance. En effet, ceux et celles d'entre nous qui ont une bonne connaissance du domaine savent que de nombreuses causes ont été défendues devant le tribunal par le commissaire en ayant tour à tour recours à l'article 78 et à l'article 79. C'est vrai en ce qui concerne NutraSweet, Nielson et TeleDirect. De nombreux cas d'abus peuvent être considérés comme des cas relevant de l'article 77 mais pas tous les cas d'abus peuvent être considérés comme des cas d'exclusivité ou de ventes liées. Il s'agit d'une sous-catégorie de cas d'abus pour laquelle les parties privées ne pourront pas réclamer réparation.

Une partie des cas d'abus liés aux dispositions concernant la dominance peuvent être couverts en présentant à nouveau les plaintes, en invoquant toutefois les dispositions de l'article 77, mais pas tous les cas. Par conséquent, je vous recommande vivement d'élargir la portée de ce projet de loi pour qu'il couvre les dispositions concernant l'abus de position dominante.

J'ai déjà signalé que j'approuvais les commentaires de M. Wong pour ce qui est d'ajouter les dommages comme remède. C'est probablement une requête très audacieuse dans les circonstances actuelles. Elle ne sera pas entendue dans l'immédiat mais j'espère que vous serez disposés à réexaminer la question d'ici trois ou quatre ans. Si aucun cas ou pratiquement aucun cas ne s'est présenté, vous devriez vous demander pourquoi. Alors, la raison probable sera que les parties ne peuvent pas obtenir une compensation pour les préjudices subis antérieurement.

C'est tout ce que j'avais à dire, madame la présidente. On en discute en effet depuis 30 ans, mais il ne faudrait pas en conclure nécessairement qu'il n'y aurait pas moyen de modifier la législation canadienne sur la concurrence dans un délai de 15 à 20 ans. Dans des domaines comme celui-là, des réactions plus rapides s'imposent. Je vous remercie.

La présidente: Merci bien, monsieur Trebilcock.

Je donne maintenant la parole à M. Robert Russell du cabinet d'avocats Gordon Ladner Gervais.

Allez-y, monsieur Russell.

M. Robert S. Russell (témoignage à titre personnel): Nous vous remercions de nous donner l'occasion de faire des commentaires. Je vous signale que, comme nous l'avons précisé dans les mémoires qui vous ont été remis, mes commentaires ne porteront que sur l'ordonnance provisoire prévue à l'article 103.1 proposé.

Je voudrais vous donner le point de vue d'un avocat qui a plaidé devant le Tribunal de la concurrence et parler des aspects concrets des critères et de la procédure proposés dans ce projet de loi.

Comme M. Wong, j'ai déjà été conseiller auprès du commissaire pour des dispositions comme celle-ci mais je me présente aujourd'hui non pas comme représentant d'une partie privée ou du commissaire mais pour exprimer mes opinions personnelles sur le projet de loi.

Je crois qu'il convient d'adopter une approche pragmatique en ce qui concerne les mesures provisoires. Je n'ai encore jamais entendu dire, que ce soit de la part de l'Association du Barreau canadien ou de quelque autre organisme, que c'était une disposition inutile. Les différences sont que l'ABC recommande un rôle élargi pour la version actuelle de l'article 100. Je ne pense pas que cette solution soit adéquate. J'appuie la disposition actuelle et je crois que vous devriez l'appuyer pour plusieurs raisons.

• 0925

Dans son exposé, l'ABC a critiqué le critère applicable aux mesures provisoires et à la procédure—surtout en ce qui concerne la procédure ex parte pour obtenir ces ordonnances. J'estime que ces critiques ne sont pas fondées.

La première observation que je voudrais faire, c'est que cette ordonnance est prévue pour être utilisée pendant l'enquête prévue dans la Loi sur la concurrence. Contrairement aux injonctions prises dans les tribunaux civils ou en vertu de ce projet de loi, qui sont applicables aux ordonnances provisoires lorsque le procès a commencé, lorsqu'une demande a été entreprise aux termes de cette disposition, elle a pour but de faire face à des circonstances urgentes, de donner au commissaire le temps de faire une enquête et d'éviter un préjudice public pendant ce court délai.

Lorsqu'on en tient compte, les critères et la procédure sont fondés. En fait, comme je l'ai signalé, ces dispositions sont très semblables à celles que l'on retrouve en Europe et aux États-Unis. La disposition et le processus américains sont pratiquement identiques à ce que l'on propose dans ce projet de loi.

En ce qui concerne le premier critère, l'ABC suggère qu'il n'est pas assez rigoureux. M. Wong a fait une observation semblable. L'ABC va jusqu'à laisser entendre que le commissaire pourrait demander une ordonnance provisoire alors qu'il n'a pas de motifs raisonnables de croire qu'il y a eu infraction.

Ce que je répondrais c'est que, lorsqu'on examine d'autres dispositions de la loi, comme l'article 11, il suffit au commissaire de dire à un tribunal—au Tribunal de la concurrence, en l'occurrence—qu'il a entamé une enquête. Pour entamer une enquête, il faut, bien entendu, avoir des motifs raisonnables de croire qu'elle est justifiée. C'est donc en quelque sorte déjà prévu du seul fait qu'il annonce au tribunal qu'une enquête est en cours.

L'ABC signale deux autres possibilités d'entamer une enquête: la première, c'est à la suite d'une plainte faite par six personnes. Je suis certain que vous en avez entendu parler. La deuxième, c'est sur ordre du ou de la ministre. Dans les deux cas, on présume toutefois que le commissaire fera le nécessaire pour obtenir une ordonnance provisoire sans avoir de motifs raisonnables. C'est ce qui ressort de la critique qui se trouve dans le rapport ou dans les mémoires de l'ABC.

Ces deux possibilités ne tiennent pas compte du serment que doit faire le commissaire de mettre la loi en application de façon impartiale, tel que prévu au paragraphe 7(2). C'est un autre aspect important dont il faut tenir compte dans le contexte du pouvoir discrétionnaire administratif.

Alors que de nombreuses personnes préconisent le modèle du litige ou celui de l'arbitrage dans presque tous ces cas, notre loi ne repose pas sur ces deux modèles. Elle repose sur le pouvoir discrétionnaire administratif du commissaire à l'étape de l'enquête puis sur les modèles de l'arbitrage pour la décision finale sur les questions examinées en vertu des dispositions de la loi. À cet égard, notre système n'est pas différent de celui des autres pays.

En Europe par exemple, la Commission a le rôle administratif et prend des ordonnances administratives en vertu de sa législation mais elle a également un rôle d'arbitrage. Aux yeux de ceux et celles qui recommandent l'adoption d'un système d'arbitrage distinct et indépendant, notre modèle serait donc supérieur au système européen.

Les mesures proposées au Canada dans ce projet de loi en ce qui concerne les ordonnances provisoires sont également supérieures au système européen parce qu'en Europe, l'ordonnance provisoire peut être prise par la Commission, un peu comme on l'avait proposé au cours d'une phase antérieure de l'élaboration des modifications proposées à la loi. Ce modèle apporte donc l'équilibre qui a toujours été prévu dans la loi.

Le commissaire doit exercer son pouvoir discrétionnaire administratif de façon juste et impartiale lorsqu'il s'agit de décider de demander une ordonnance. Il y a ensuite arbitrage sur certaines questions devant le tribunal. Je vous rappelle que cela se passe au cours de l'enquête, ce qui est essentiel dans le contexte de l'examen de cette disposition. Quelles informations sur le secteur concerné possède le commissaire à cette étape? Il en a généralement très peu. Je m'en suis rendu compte lorsque j'étais conseiller auprès du commissaire.

Au début, il ne possède aucun renseignement lui permettant de s'adresser à un tribunal pour qu'il rende une décision sur le bien-fondé des poursuites. Des délateurs et des plaignants l'auront peut-être mis au courant de certains faits qui porteraient préjudice à l'intérêt public. C'est, cela va de soi, son mandat. Compte tenu de la capacité de jugement dont il doit faire preuve à cette étape, étant donné que l'on n'a encore aucun élément justifiant le recours à l'arbitrage, il essaiera d'obtenir cette ordonnance provisoire d'une durée très limitée. L'ordonnance est valide pour une dizaine de jours.

• 0930

Les prolongations de validité sont obtenues sur préavis et sur arbitrage en présence des parties. Ce n'est qu'au cours de la première étape de cette ordonnance que l'on n'avise pas la partie concernée. Elle peut toutefois intervenir dès le lendemain ou le jour même devant le tribunal pour lui demander d'examiner cette décision. C'est le contrepoids que nous essayons d'intégrer à cette loi et je pense que c'est le même principe que celui qui est appliqué dans d'autres pays.

En recommandant de prévoir un critère plus rigoureux, l'ABC recommande en fait d'adopter le critère s'appliquant aux injonctions. Il s'agit essentiellement du critère de la prépondérance des inconvénients sur lesquels on se base dans les tribunaux. Cependant, on ne le fait que lorsque toutes les parties sont au courant des faits. Bien entendu, deux intérêts privées—deux compagnies aériennes, par exemple—sont très au courant des faits. Lorsque l'une des parties demande une injonction, elle est en mesure de fournir facilement des renseignements concrets. Ce n'est pas le rôle du commissaire au cours des étapes préliminaires d'une enquête; il ne possède pas les éléments de preuve nécessaires.

Ensuite, l'aspect le plus important est qu'il n'est pas une partie privée. Il ne protège pas des intérêts financiers privés. C'est l'intérêt public qui est en jeu et c'est le principe sur lequel repose cette loi.

On a enregistré plusieurs cas, dont certains remontent à près d'un siècle, où, lorsque le procureur général essaie de mettre un terme de façon préventive à une infraction à la loi, il n'est pas tenu de démontrer la prépondérance des inconvénients. Pourquoi? Parce que l'intérêt public aura toujours préséance sur l'intérêt privé sous notre régime législatif. Il est naturel de faire passer l'intérêt public avant les intérêts pécuniaires privés.

C'est un exemple facile. Une ordonnance sera peut-être prise dans un secteur où la partie plaignante déclarera qu'elle perdra 1 million de dollars au cours des dix premiers jours. Bien que M. Wong affirme qu'il ne faille pas mettre dans la balance le préjudice causé aux parties privées, je me permets de lui faire remarquer que d'autres dispositions de la loi en tiennent compte. Dans les cas de fusions, nous essayons de déterminer si l'objet de la fusion est l'élimination d'un concurrent important.

En fait, ce critère oblige le commissaire à démontrer au tribunal qu'un concurrent pourrait être supprimé au cours de la durée de l'enquête. C'est ce qu'il fait en fait. C'est important parce que personne ne peut contester la perte de 1 million de dollars qu'invoque la grande société. Que devient l'intérêt public dans cette affaire? Comment sera-t-il touché? Quelles seront les pertes pour les consommateurs à long terme si l'on oblige par exemple une petite compagnie aérienne à suspendre ses activités au cours des dix premiers jours?

On ne peut pas le prévoir au début de l'enquête. Les seuls éléments sont ceux que le commissaire peut apporter à ce stade-là pour amorcer l'enquête. Si la partie plaignante peut présenter des preuves solides immédiatement ou le lendemain de la prise de cette ordonnance ex parte au tribunal—ce que je tiens à vous rappeler—, le tribunal devra procéder à un examen de cette ordonnance.

On en arrive ainsi à la procédure. Beaucoup de critiques ont été faites à ce sujet et l'on va même jusqu'à dire que les procédures ex parte sont des procédures inhabituelles. Comme le signale l'ABC, cette disposition déroge aux principes ordinaires de justice naturelle et d'équité procédurale.

Sans vouloir offenser mes collègues, je rappelle que de nombreuses dispositions de cette loi et que la procédure civile prévoient des ordonnances ex parte. Elles reconnaissent que c'est justifiable en cas d'urgence et c'est précisément ce genre de cas que cette disposition-ci vise à régler.

Si vous me le permettez, je voudrais vous dire ce qui se passerait si l'on adoptait l'approche inverse qui consiste à donner un préavis et à permettre à la partie concernée de se faire entendre. Cela paraît très simple et pour ainsi dire équitable, à première vue, je dois le reconnaître, mais il faut être conscient des conséquences que cela peut avoir sur la procédure.

L'occasion de témoigner implique l'occasion de verser des pièces au dossier, de faire un contre-interrogatoire au sujet des pièces apportées par le commissaire. Dans certains cas, la procédure en litige peut durer des semaines, voire des mois, plutôt que quelques jours. Même si le tribunal décidait d'activer les procédures, dans la plupart des cas, elles ne pourraient pas durer moins de dix jours.

Par conséquent, cette procédure ex parte suivie d'un examen sur laquelle repose ce projet de loi est très naturelle. Sans cela, les risques de retard, qu'il s'agisse d'un retard légitime dû à la procédure normale ou d'un retard dû à des poursuites stratégiques, sont beaucoup plus grands que lorsqu'on a recours à la procédure initiale ex parte.

Enfin, l'ABC remet en question l'absence de droit d'appel à l'encontre d'une ordonnance rendue par le tribunal. Je signale d'emblée que des droits d'appel ne sont actuellement pas prévus dans la loi pendant la procédure d'enquête. Cette question a été portée devant des cours d'appel canadiennes qui ont signalé l'absence de droit inhérent à l'appel dans notre système législatif. Dans le droit canadien, il n'y a droit d'appel que lorsqu'il est accordé de façon expresse par le Parlement; c'est ce que l'on appelle un principe élémentaire du droit. C'est un principe incontestable. Il n'existe pas de droit d'appel inhérent. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi cela n'a aucun sens dans ce contexte.

• 0935

En ce qui concerne ce type d'ordonnance, sa période de validité initiale est de dix jours. Par conséquent, un appel est inutile sans suspension. Une suspension fait en sorte que l'ordonnance n'est pas en vigueur pendant la durée de l'examen de l'appel par le tribunal. Par conséquent, en cas d'appel, l'ordonnance n'est pas applicable. En cas de suspension immédiate à cause d'un appel, l'effet de l'ordonnance est annulé et n'a plus de raison d'être. Ensuite, si la suspension n'est pas accordée, la partie qui fait appel n'obtient pas l'avantage recherché. Cela n'a donc aucun sens d'envisager des possibilités d'appel en ce qui concerne des ordonnances d'une validité de dix jours.

En résumé, j'estime que la disposition concernant les ordonnances provisoires est une mesure équilibrée dans les circonstances dans lesquelles elle serait applicable.

J'ai remarqué la lumière rouge. Je voudrais faire un tout dernier commentaire, si vous me le permettez. Je n'avais pas l'intention de le faire, mais je m'y sens obligé après avoir entendu l'exposé de mes collègues.

Ce commentaire porte sur l'enregistrement des ordonnances. Si l'on dit que le rôle du tribunal deviendrait purement administratif, on pourrait faire le même reproche en ce qui concerne l'ensemble du système judiciaire canadien. Les règlements par consentement sont enregistrés en quelque sorte ou ils sont systématiquement versés au dossier dans notre procédure judiciaire. C'est une façon efficace de régler les différends. Actuellement, cela se fait sous forme d'engagement. C'est très fréquent et c'est un moyen efficace de régler diverses questions relevant de cette loi. Le fait que le tribunal soit en mesure d'enregistrer les engagements n'est nullement fâcheux ni inhabituel.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Russell. Je dois vous interrompre.

Je donne la parole à M. Quinn.

M. Jack Quinn (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente.

Je limiterai mes commentaires aux modifications qui élargiraient les droits de faire une demande au tribunal pour aider des personnes qui ont subi un préjudice commercial. Je suis presque entièrement d'accord avec mon vieil ami Michael Trebilcock et, par conséquent, je n'aborderai pas les points que j'aurais abordés si je n'avais pas entendu son exposé.

Je crois que la raison est que ce projet de loi est modeste. Comme l'a déjà mentionné Michael, il ne prévoit pas des dommages-intérêts compensatoires. Certains de mes collègues du Barreau considèrent que c'est une lacune mais je reconnais qu'il s'agit en l'occurrence d'accroître la capacité du tribunal d'élaborer la Loi canadienne sur la concurrence ou plutôt la partie civile examinable de cette loi. Je suis disposé à donner mon aval au projet de loi même s'il ne prévoit pas de dommages-intérêts compensatoires.

Je suis disposé à l'appuyer pour deux raisons. La première concerne la reddition de comptes que Michael a déjà mentionnée. Sous le régime actuel, les décisions du commissaire ne sont soumises à aucun examen externe à la structure de gestion interne du ministère où est situé son bureau. Je pense que ce modeste projet de loi constitue en fait une soupape de sécurité en ce qui concerne les pouvoirs discrétionnaires du commissaire. Si une partie privée se sent lésée et est convaincue que ses doléances sont fondées, elle peut s'adresser directement au tribunal sans devoir obtenir au préalable le consentement du commissaire ou sans sa participation à la procédure.

Je crois que l'autre point important dont il faut être conscient, c'est que la Loi canadienne sur la concurrence n'a pas permis d'établir une jurisprudence élaborée et solide liée à l'application de la loi et à son interprétation. Lorsqu'il s'agit d'une loi à caractère économique aussi complexe que celle-ci, je crois que notre système de jurisprudence, de stare decisis, dépend de la capacité du tribunal d'examiner un nombre suffisant de causes et de rendre un nombre suffisant de décisions pour pouvoir produire des règles qui apportent à la loi une certitude et une prévisibilité accrues. C'est la deuxième raison pour laquelle j'approuve ce projet de loi.

Étant donné que je dispose de très peu de temps, je voudrais parler surtout de deux ou trois dispositions du projet de loi qui me déplaisent et qui pourraient être améliorées.

• 0940

Le premier commentaire, que Michael a déjà fait, est que je ne trouve absolument aucune raison de ne pas inclure des dispositions concernant l'abus de position dominante dans les infractions qui peuvent être signalées par les parties privées au tribunal. Je pense que c'est une lacune à laquelle je ne trouve aucune justification logique.

Ma deuxième préoccupation concerne la règle d'attribution des coûts dans le cadre de ces procédures. Diverses personnes reprochent à ce système d'intervention d'une partie privée de donner lieu à des litiges pour des motifs dénués de tout intérêt, à des demandes fallacieuses dont le seul but est de causer du tort et d'imposer des frais à des répondants innocents. À mon avis, il faudrait appliquer les mêmes règles que celles que l'on applique dans les tribunaux civils en Ontario—parce que c'est la province où je pratique et enseigne le droit.

Je ne pense pas que les critères actuels, c'est-à-dire «s'il estime que les procédures sont dénuées d'intérêt ou qu'une mesure est prise dans l'intention de nuire» contribueront beaucoup à veiller à ce que les intérêts des plaignants privés soient compatibles avec l'intérêt public. Je pense que ces critères sont des critères très rigoureux pour justifier que les frais soient payés par le plaignant. Un critère moins strict comme celui que l'on applique dans les tribunaux civils serait amplement suffisant.

Enfin—et c'est un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec mon ami Rob Russell—, je pense que la procédure de consentement prévue dans le projet de loi présente des lacunes. Je suis conscient du fait que dans le cadre des procédures de règlement devant les tribunaux civils, l'approbation ou l'examen judiciaires ne sont généralement pas requis pour donner suite à un règlement entre les parties privées. Dans ce contexte cependant, il est très plausible que les parties à des actions intentées par des parties privées devant le tribunal règlent l'affaire d'une façon qui puisse aller à l'encontre de l'intérêt public, autrement dit des intérêts des consommateurs. L'exemple classique sont les actions que s'intentent mutuellement les grandes compagnies pour contrefaçon de brevet pour ensuite régler l'affaire en faisant une concession réciproque de licences qui leur permet d'utiliser toutes les deux les brevets.

Les ententes de concession mutuelle de licences issues d'un règlement et d'une action en justice sont éminemment suspectes en ce sens qu'elles pourraient aller à l'encontre des intérêts des consommateurs. Dans ce cas, un deuxième examen impartial du tribunal est indispensable. Le tribunal doit être obligé d'examiner le règlement proposé et de confirmer qu'il est dans l'intérêt public et que les probabilités qu'il entrave la concurrence sont quasi nulles.

Si l'on apportait ces changements, le projet de loi serait excellent.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Quinn.

Nous passons maintenant à la période des questions. Je donne d'abord la parole à M. Strahl.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Merci, madame la présidente.

J'ai beaucoup apprécié vos commentaires. C'est agréable de voir des témoins faire leur exposé sans consulter leurs notes. Vous devez semer la terreur dans les tribunaux étant donné que vous connaissez votre sujet à fond.

J'aurais deux ou trois questions à poser. La première concerne M. Wong. Je crois que vous avez dit que le commissaire ne devait pas prendre de décision d'avance aux termes des dispositions de l'article 12, c'est-à-dire de l'article 103.1 proposé. Que souhaiteriez-vous? Quelle serait la formule idéale?

M. Stanley Wong: Je suis heureux que vous ayez abordé le sujet parce qu'une de ses obligations est d'attester qu'une enquête est en cours. Je sais que mon ami M. Russell a parlé de ses débuts mais je rappelle qu'il y a trois possibilités d'entamer une enquête aux termes des dispositions de l'article 10. L'une est prévue à l'article 9, c'est-à-dire lorsque six personnes domiciliées au Canada font une plainte pour demander au commissaire d'instituer une enquête parce qu'un tel ou une telle enfreint la loi.

La deuxième possibilité est que le ministre responsable, soit le ministre de l'Industrie en l'occurrence, demande au commissaire d'entamer une enquête. Il est alors tenu de le faire.

• 0945

La troisième possibilité est que le commissaire dise «J'ai des raisons de croire qu'il existe des motifs de prendre une ordonnance» aux termes de l'alinéa 103.1(1)a) proposé ou qu'il existe des motifs de demander à la cour de prendre une ordonnance en vertu d'autres dispositions de la loi.

Je crois que si l'on indique que le commissaire a des raisons de croire qu'il existe des motifs de prendre une ordonnance, cela répondrait au critère. En fait, ce qui se cache derrière l'article 10... Nous savons qu'aux termes de l'article 10, une enquête peut être entamée à la suite d'une plainte faite par six personnes domiciliées au Canada et c'est généralement ainsi que ça se passe.

La présidente: Monsieur Russell.

M. Robert Russell: Je voudrais ajouter que j'ai un point de vue différent de celui de M. Wong.

Si l'on introduit les termes «motifs raisonnables de croire», cela fait partie de l'examen de l'ordonnance lorsque celle-ci est contestée par l'autre partie. Pour déterminer s'il a effectivement des motifs raisonnables de croire cela, il faudra examiner les incidences économiques du comportement répréhensible dès le début. Ce que l'on pourrait ajouter au critère pour obtenir l'ordonnance est intégré à la procédure d'examen. C'est une erreur. J'estime que ce n'est pas nécessaire parce qu'il faut pouvoir compter sur la décision administrative du commissaire. C'est ce que j'ai déjà dit tout à l'heure.

Est-ce que le commissaire demanderait cette ordonnance s'il estimait que la plainte par ces six personnes n'est pas raisonnable ou s'il n'avait pas suffisamment de preuves qui démontrent qu'une partie subit un préjudice, ce qui fait partie des critères? Il n'est pas raisonnable de présumer qu'il abuserait de son pouvoir discrétionnaire administratif de la sorte.

Par ailleurs, si le ministre le lui ordonne, le commissaire a toujours le pouvoir discrétionnaire administratif nécessaire pour décider s'il convient de demander cette ordonnance. Je signale que si j'examinais avec vous les dispositions de la loi concernant les possibilités de renvoyer l'affaire au procureur général, les cas où doit intervenir le pouvoir discrétionnaire administratif sont beaucoup plus puissants que ce que l'on vous présente comme un obstacle à l'obtention de l'ordonnance.

Je crois donc qu'en ajoutant le critère des motifs raisonnables de croire, l'examen de ces ordonnances deviendra un jugement en soi sur les mérites de l'affaire, au beau milieu de l'enquête. C'est sur ce point que je tiens à insister: l'enquête est en cours; aucune décision ne devrait être prise sur le bien-fondé de l'affaire à cette étape.

Le commissaire n'est pas prêt et nous ne tenons pas à ce que les dispositions du présent projet de loi lui permettent de porter ce genre de jugement à cette étape-là.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Strahl, vous pouvez poser une autre question.

M. Chuck Strahl: J'en ai toute une série, mais je voudrais demander quelques précisions. Monsieur Wong, pouvez-vous dire si vous souhaitez cette disposition pour limiter les possibilités de poursuites intentées dans l'intention de nuire ou expliquer, du moins, pourquoi vous y attachez tant d'importance?

M. Stanley Wong: Je pense qu'il faut qu'elle soit rattachée à une disposition de la loi; en effet, les dispositions de l'article 103.1 proposé ne sont pas reliées à une disposition de la loi qui exigerait que l'on ait des raisons de croire que quelqu'un est sur le point d'adopter un comportement constituant un abus de position dominante ou que quelqu'un enfreint une disposition de l'article 77 concernant les ventes liées. Aucune exigence n'est prévue. Tout ce que dit cet article, c'est «could be the subject of an order». Nous savons que le terme «could» a un sens très large. Une autre disposition de cet article dit «la concurrence subira vraisemblablement un préjudice», mais tous les cas de préjudice à la concurrence ne tombent pas sous le coup de cette loi. De nombreux cas ne sont pas indemnisables, notamment s'il ne s'agit pas d'un préjudice substantiel.

Voilà la raison. Personne n'insinue que le commissaire peut avoir des motifs répréhensibles mais notre système juridique exige l'indépendance en matière d'arbitrage et cette disposition limite l'examen par le tribunal à cause de cette ordonnance.

C'est la seule raison et, en fait, ce n'est qu'un changement superficiel par rapport au paragraphe 104(1) de la loi qui prévoit que le commissaire rend une ordonnance lui-même.

La présidente: Merci, monsieur Strahl.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): C'était une discussion très intéressante et j'aimerais beaucoup qu'elle se poursuive si c'était possible, mais il y a une question qui me préoccupe.

Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Je me rends compte qu'il y a peut-être d'autres questions qui pourraient vous préoccuper un jour comme celui-ci.

Monsieur Trebilcock, et vous aussi, monsieur Quinn, vous trouvez que l'accès privé n'est pas suffisant. Je suppose que ce serait possible dans des conditions idéales mais ces dispositions ont été agencées de façon à ce que la question de l'intérêt public ne soit pas soulevée ou à ce que l'on ne déroge pas à l'autorité du commissaire. Je crois que la plupart d'entre nous s'en contenteront pour un certain temps bien que la notion de dommages-intérêts simples concorde avec les tendances mondiales, à en juger d'après ce qui se fait en Australie et dans divers autres pays.

Vos commentaires sur le «refus de vendre» m'intéressent. Je crois que plusieurs d'entre vous ont déjà dit que le critère du préjudice concurrentiel devrait être adopté. D'autres groupes de témoins l'ont signalé également.

• 0950

Compte tenu de l'affaire Xerox—où la décision du tribunal fera jurisprudence, je présume—, je me demande s'il est nécessaire d'insérer ce critère de façon plus officielle. Est-il nécessaire d'ajouter le critère du préjudice concurrentiel à la suite de la décision rendue dans cette affaire?

M. Michael Trebilcock: Est-ce que la question s'adresse à moi ou...

M. Dan McTeague: Elle s'adresse à vous tous, je suppose, mais vous pouvez...

La présidente: Voulez-vous répondre immédiatement, monsieur Trebilcock?

M. Michael Trebilcock: Je ne sais pas si la décision du tribunal dans l'affaire Xerox est aussi claire à cet égard que ce que vous laissez entendre, à savoir qu'il a interprété l'article 75 dans le contexte d'une diminution substantielle de la concurrence. En fait, juste derrière moi se trouvent Neil Campbell et William Rowley qui ont rédigé ensemble un document sur l'affaire Xerox où ils disent justement que ce n'est pas le cas. Par conséquent, il faudrait que l'ambiguïté qui subsiste quant à l'allusion implicite à un critère de préjudice concurrentiel dans cet article soit tirée au clair.

Je suis davantage préoccupé par le fait que le projet de loi ne prévoie aucune disposition en ce qui concerne l'abus de position dominante. Je crois que c'est une grave lacune et c'est pourquoi j'insiste beaucoup sur ce point.

M. Dan McTeague: Je pourrais peut-être poser d'autres questions, madame la présidente. Est-ce que quelqu'un d'autre a des commentaires à faire au sujet de cette question?

La présidente: Monsieur Russell.

M. Robert Russell: Je n'ai pas parlé d'accès privé mais je voudrais dire que je crois que le juste milieu réalisé par la proposition actuelle est probablement la meilleure solution parce que c'est une disposition qui a des répercussions très étendues. Je ne pense pas que nous soyons nombreux à approuver les problèmes engendrés par les poursuites antitrust privées aux États-Unis. C'est un juste milieu que de présenter quelques-uns des avantages dont ont parlé mes amis sans attirer trop de poursuites stratégiques, ce qui a toujours été la principale crainte liée à la question de l'accès privé. Je pense que la solution proposée est un juste milieu.

En ce qui concerne l'interprétation de «refus de vendre» je signale que les tribunaux disent que c'est lorsque le Parlement n'a pas fait son travail qu'ils doivent interpréter les dispositions d'une loi. Je dis cela sans vouloir vous offenser. Si les tribunaux ou le Tribunal de la concurrence ont dit que cela nécessite une interprétation, je crois que c'est une invitation à être plus précis à ce sujet, si c'est possible.

M. Dan McTeague: Je voudrais savoir quelles sont vos impressions générales en ce qui concerne la question de l'accès privé. Je vous remercie sincèrement pour l'aide que vous nous apportez depuis plusieurs années. Je remercie en particulier M. Trebilcock. Je remercie aussi Stanley. Quant à Jack, j'ai lu quelques-uns des articles qu'il a publiés au sujet de la recherche du juste milieu.

Un très grand nombre de témoins nous ont dit que cela ne mettrait pas fin à l'industrie telle que nous la connaissons au Canada. Certains ont toutefois dit—pour diverses raisons à mon avis... À propos des faits et des arguments, pensez-vous que les garanties qui se trouvent actuellement dans le projet de loi C-23, qui sont prévues à l'article 72 de la loi, dans la partie IV, seront suffisantes pour empêcher des litiges dans un but stratégique? Pensez-vous également, et je m'adresse à vous tous—et vous pouvez toujours, monsieur Russell, répondre à quelques-unes de ces questions, si vous le voulez...

La présidente: Monsieur McTeague, je dois vous demander de ne plus poser qu'une seule question.

M. Dan McTeague: Je termine ma question: pensez-vous que cette proposition fragilisera l'économie du Canada, comme d'aucuns essaieront fort probablement de l'insinuer, s'ils ne l'ont pas déjà fait? Je vous remercie.

La présidente: Cette question est-elle adressée à tous les témoins?

M. Dan McTeague: Ils peuvent tous répondre.

La présidente: Voulez-vous répondre le premier, monsieur Wong?

M. Stanley Wong: Je ne pense pas que la proposition actuelle engendre des litiges stratégiques. Les avantages sont énormes. Si vous aviez prévu des dommages pécuniaires, ce serait possible sans garanties suffisantes mais, telle que cette disposition se présente, je ne pense pas qu'elle risque d'engendrer de graves problèmes.

La présidente: Monsieur Trebilcock.

M. Michael Trebilcock: Je suis entièrement d'accord avec M. Wong. Ce qui me préoccupe, c'est que cette proposition est pour ainsi dire trop modeste et je crains que dans trois ans, lorsque nous serons à nouveau réunis ici, nous constations que cela n'a rien changé. Par conséquent, si j'ai des inquiétudes, elles vont dans le sens diamétralement opposé de celles que vous avez mentionnées.

La présidente: Monsieur Quinn.

M. Jack Quinn: Ma seule préoccupation concerne le critère relatif aux frais. «Dénué de tout intérêt et dans l'intention de nuire» est un critère très strict pour obtenir l'attribution des coûts. La règle concernant les coûts qui a pour objet de décourager les poursuites dénuées de tout intérêt est justifiée et c'est une règle très importante de notre système judiciaire civil. J'appliquerais donc les règles courantes en ce qui concerne les coûts plutôt que ce critère.

• 0955

La présidente: Monsieur Russell.

M. Robert Russell: Je crois que nous pouvons tirer des leçons des situations où l'on s'est prévalu de la disposition de l'article 36 qui donne accès aux tribunaux dans les affaires criminelles. Cette disposition existe depuis 1976 et, bien que le nombre de cas n'ait pas été très élevé, cela ne veut pas dire que c'est à cause de l'article 36 que bien des affaires ne sont pas réglées. Certes, dans tout type de litige commercial—puisque c'est de cela qu'il s'agit en fait—, l'affaire n'arrive même pas devant le tribunal dans neuf cas sur dix. Par conséquent, l'influence de cette disposition est peut-être beaucoup plus grande que ce qu'on pourrait penser à première vue.

Comme M. Quinn, je pense que le critère en matière de coûts va quelque peu à l'encontre de la structure de la loi actuelle car n'est-il pas exact qu'aux termes des dispositions de l'article 36, on peut se faire rembourser les coûts selon les règles courantes lorsqu'on intente une action aux termes de cet article alors que devant le tribunal, il faut répondre à un critère plus strict? Je pense que c'est illogique et j'estime qu'il faudrait suivre la recommandation de M. Quinn.

La présidente: Merci.

Avez-vous d'autres commentaires à faire, monsieur Wong?

M. Stanley Wong: Oui. Je crois que la disposition concernant les coûts de l'article 36 va même plus loin que les règles courantes. En fait, il s'agit d'une disposition prévoyant le remboursement des coûts d'enquête, même s'il n'y a pas eu poursuites. Elle va donc plus loin.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur McTeague.

C'est maintenant au tour de M. Rajotte.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

Je voudrais poser une autre question sur le sujet qui a été abordé par M. McTeague. Monsieur Quinn, vous avez signalé qu'il faudrait adopter la même procédure en ce qui concerne les coûts que dans les affaires au civil. Pourriez-vous expliquer les procédures actuelles à l'intention de ceux d'entre nous qui ne sont pas avocats et dire pourquoi vous les jugez supérieures au critère qui est proposé?

M. Jack Quinn: Je pense que dans les affaires au civil, on accorde généralement le remboursement des frais, pas de tous les frais, mais d'un pourcentage important de ceux-ci, à la partie qui gagne le procès. Par conséquent, cette décision a tendance à décourager ceux qui voudraient intenter des actions sans avoir de très bonnes chances d'avoir gain de cause.

M. James Rajotte: Qu'entendez-vous par «un pourcentage important»...?

M. Jack Quinn: Environ les deux tiers ou la moitié des frais.

Il est possible que les tribunaux accordent également un remboursement des frais d'avocat et des frais du client, mais c'est généralement dans les cas où le juge décide que l'action était probablement dénuée de tout intérêt et qu'elle avait été intentée dans l'intention de nuire, ce qui est un critère difficile à remplir.

Je crois qu'il faut avoir recours aux règles concernant les coûts pour encourager les intéressés à n'intenter que des poursuites fondées ou des poursuites ayant de bonnes chances de l'être et décourager le type de comportement qui fait que les procès sont trop coûteux.

M. James Rajotte: Quelqu'un a-t-il d'autres commentaires à faire?

L'accès privé est manifestement la question qui suscite le plus de controverses au sujet du projet de loi C-23 et de nombreux représentants d'entreprises s'y sont opposés. Par contre, je n'ai pas entendu beaucoup de raisons qui justifieraient une opposition à un accès privé limité.

Je voudrais maintenant poser une question qui s'adresse à vous tous étant donné qu'au moins trois d'entre vous ont dit que le projet de loi C-23 est pour ainsi dire trop modeste et qu'il faudrait aller plus loin alors que M. Russell, si je ne me trompe, a dit que c'était un juste milieu. Vous avez peut-être des commentaires à faire à ce sujet. Quelles sont vos positions? Est-il vraiment trop modeste et dans ce cas, jusqu'où iriez-vous?

La présidente: Monsieur Trebilcock.

M. Michael Trebilcock: Je dirai dans quelques instants si je le trouve trop modeste mais je tiens d'abord à signaler que, comme l'a mentionné l'étude Roberts à laquelle vous aurez accès, les lois sur la concurrence de presque tous les autres pays industrialisés accordent des droits d'intervention ou des remèdes privés dans le contexte dont il est question aujourd'hui. Par conséquent, nous ne sommes pas en avance sur eux à cet égard.

• 1000

Par ailleurs, d'autres types de législations que beaucoup d'entre vous connaissent, notamment la législation concernant les valeurs mobilières, la réglementation des marchés boursiers, au Canada comme à l'étranger, renferment des dispositions concernant des infractions comme les transactions d'initiés et prévoient les meilleures possibilités de poursuites au criminel et des droits d'intervention pour les parties lésées. C'est courant. Le droit de l'environnement prévoit peut-être des poursuites publiques et une action en responsabilité délictuelle pour nuisance ou pour manquement à un droit statutaire. En matière de protection des consommateurs, la loi stipule que la publicité mensongère peut entraîner des poursuites qui peuvent entraîner des actions pour rupture de contrat ou une action en responsabilité délictuelle pour fraude ou pour quelque autre raison.

Je trouve que les témoins qui prônent d'une part l'application des lois antitrust dans le but d'empêcher les monopoles privés et qui, d'autre part, vantent les mérites d'un monopole gouvernemental en matière de poursuites manquent de logique.

La présidente: Monsieur Russell.

M. Robert Russell: Comme je l'ai déjà mentionné, et je n'ai pas changé d'avis, je crois que c'est un juste milieu, compte tenu des intérêts contradictoires. Vous avez peut-être déjà entendu d'autres témoins dire que la Loi sur la concurrence est une forme de règlement économique et que nous avions choisi un système dans lequel cette question est du ressort du gouvernement en raison des risques d'ingérence et d'abus de la part des parties privées.

La raison pour laquelle je dis que c'est un juste milieu est que je crains que l'on ait trop tendance à adopter un système semblable au système américain dans lequel les lois antitrust sont mises en application dans neuf cas sur dix par le biais d'actions privées. C'est une procédure très coûteuse pour le gouvernement américain et pour les entreprises qui exercent leurs activités dans ce contexte. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle plusieurs entreprises évitent d'établir des filiales aux États-Unis. Il faut donc placer cette question dans le contexte de la réglementation économique en général. Permettre l'initiative privée n'est pas seulement une question d'opportunité. Cela permettrait aussi d'étoffer la jurisprudence.

C'est une bonne initiative mais la procédure à suivre n'est pas nécessairement intéressante pour l'économie et je crois que c'est une tâche herculéenne que d'essayer de trouver le juste milieu. Si c'est ça le but, je pense que ce projet de loi est une réussite mais il y a des intérêts contradictoires très importants dont le Parlement doit tenir compte.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rajotte.

Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, madame la présidente. Vous trouverez peut-être que c'est une question quelque peu curieuse, mais je trouve que certains des exposés, y compris la réponse que vous venez de donner, monsieur Russell, sont curieux également.

D'autres témoins ont dit, comme vous, que ceci pourrait s'avérer très coûteux pour les entreprises. C'est le cas aux États-Unis. Je me demande pourquoi cela nous préoccuperait étant donné que ce facteur coût a déjà été absorbé dans les milieux d'affaires; en outre, les chiffres et les analystes qui les interprètent semblent indiquer que l'économie américaine est probablement plus productrice et plus concurrentielle que toute autre. Cela représente-t-il vraiment un coût trop élevé que toute cette jurisprudence supplémentaire à laquelle vous faites allusion?

M. Robert Russell: Vous essayez de m'entraîner dans une discussion dans laquelle je ne tiens pas particulièrement à m'engager, mais je pense que toute forme de réglementation est en quelque sorte une taxe. Le gouvernement actuel a largement contribué à supprimer certains coûts liés à une réglementation économique très lourde. C'est le premier commentaire que j'ai à faire.

Il est question en l'occurrence d'introduire une autre forme de règlement qui représentera un coût pour l'économie, même s'il s'agit d'une action privée. Je ne suis pas vraiment la personne la plus compétente pour comparer les avantages que présente la structure de l'économie américaine par rapport à celle du Canada—vous pouvez vous adresser à des experts plus compétents que moi pour cela—mais je signale qu'un coût économique très difficile à évaluer est inévitablement lié à une disposition de ce genre. Je suis entièrement disposé à m'en remettre à vous mais je dirais qu'il est très difficile de trouver le juste milieu et qu'on ne sait pas exactement où cela nous mènera.

Si cela nous menait au même point que les États-Unis, j'en serais inquiet parce que je pense que le coût serait très élevé et que nous voulons gérer l'économie du Canada d'une autre façon. Nous avons des besoins sociaux auxquels nous accordons peut-être plus d'importance que n'en accordent nos voisins, mais il faut tenir compte de tous les coûts liés aux affaires au Canada.

• 1005

Par conséquent, je ne voudrais pas vous demander d'adopter bon gré mal gré l'approche américaine—vous ne le feriez pas de toute façon—parce que nous avons d'autres objectifs économiques et qu'il est très important de trouver un juste milieu.

La présidente: Voulez-vous répondre, monsieur Wong?

M. Michael Trebilcock: Je voudrais faire un commentaire.

La présidente: Oui, monsieur Trebilcock.

M. Michael Trebilcock: Je crois que l'expérience américaine en matière d'actions privées est un prétexte en l'occurrence. Le système américain prévoit des règlements unilatéraux concernant les frais, des honoraires conditionnels, des procédures de recours collectif coûteuses, des triples dommages-intérêts et des procès civils par jury. Si l'on ajoute tous ces coûts, le système est très différent de ce que l'on propose ici—arbitrage par le tribunal, pas de dommages, des règles bilatérales en matière de frais, pas de jury civil et pas d'honoraires conditionnels dans la plupart des provinces. Je pense donc qu'il faudrait cesser de semer la panique en parlant de l'expérience américaine—ça ne s'adresse pas à vous, mais certains le feraient.

La présidente: Avez-vous des commentaires à faire, monsieur Wong?

M. Stanley Wong: Monsieur Volpe, certaines personnes affirment que ce projet de loi aura un effet paralysant. Dans ce cas, il nous permettra peut-être d'avoir un meilleur niveau de vie et une devise plus forte. Mon ami, M. Trebilcock, a parlé de prétexte, et je suis bien d'accord avec lui. Ce projet de loi est très modeste et ne comporte que quelques modifications d'ordre technique qui sont nécessaires.

La présidente: Voulez-vous répondre, monsieur Russell?

M. Robert Russell: Un avocat qui défend des causes en cour se doit de répondre, surtout lorsqu'on l'accuse de se servir de prétextes.

Le problème en ce qui concerne l'argument que je viens d'entendre est que s'il y a autant d'obstacles à s'inspirer de l'expérience américaine dans le projet de loi actuel, il faut voir s'il générera vraiment les avantages prévus par mon éminent collègue. C'est là le problème.

Si vous voulez une jurisprudence aussi élaborée que ce qu'ont dit mes collègues—une jurisprudence analogue à celle qui existe aux États-Unis, d'après ce qu'ils ont dit—, il faut s'inspirer d'un modèle qui attire de nombreuses poursuites, ce qui, d'après eux, est une pure illusion.

Par ailleurs, si vous n'avez pas un droit d'action privée assez étendu... Il n'y a pas de grands mouvements de consommateurs au Canada et par conséquent... Si j'ai dit d'abord que c'était un juste milieu, je vous prédis que la jurisprudence ne sera pas générée au rythme prévu par mon ami parce que, sans grand mouvement de consommateurs au Canada, je me demande bien qui au juste amènera cette jurisprudence, sauf des personnes qui veulent peut-être s'ingérer dans la transaction. C'est là le problème. Il est très difficile d'en juger.

La présidente: Bien. Je permettrai à M. Wong de répondre, puis nous passerons à la personne suivante.

Monsieur Wong.

M. Stanley Wong: Je voulais en fait faire une remarque que je n'avais pas faite dans mon exposé. Je tiens à signaler que j'apprécie les suggestions que le comité a faites dans son rapport provisoire. Je sais qu'il y a eu des discussions en début de session au sujet de l'opportunité de poursuivre les audiences ou de remettre la question à plus tard. Je pense personnellement que c'est une excellente idée d'avoir une source de débat indépendante sur la politique législative en matière de concurrence. Le soin d'établir cette politique ne devrait pas être laissé entre les mains des avocats, des entreprises privées et du commissaire nommé par le gouvernement. Nous avons un système parlementaire, c'est certain. Rien ne changera si le gouvernement au pouvoir n'appuie pas ce système. Je pense toutefois qu'il est important que vous élargissiez vos connaissances pour pouvoir faire des recommandations impartiales en ce qui concerne les mesures d'intérêt public dans ce domaine.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Wong.

[Français]

Monsieur Bergeron, avez-vous des questions à poser? Vous n'en avez pas, d'accord.

[Traduction]

Le suivant sur ma liste est M. Bagnell.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): J'ai une brève question à poser sur le sujet qui a été abordé par M. Volpe.

Je suis bien d'accord que nous pouvons nous passer de poursuites, de règlements ou de frais supplémentaires, mais je crois que dans un cas comme celui-ci, où la concurrence serait accrue, les coûts seraient entièrement supportés par les entreprises inefficaces, par les grandes entreprises. Ce sont les consommateurs qui bénéficient de ce type de litiges parce qu'il faut faire en sorte que l'entreprise soit plus concurrentielle et en fin de compte, cela améliore les affaires et la situation économique, contrairement aux taxes et aux impôts, parce que, quand les entreprises sont plus concurrentielles, elles obtiennent davantage de contrats internationaux.

M. Robert Russell: Je voudrais faire deux ou trois commentaires à ce sujet.

Le premier est qu'il n'existe pas de système au Canada qui protège la concurrence de façon aussi efficace que cela. Le deuxième est que la grande entreprise n'est pas nécessairement l'intermédiaire idéal pour offrir les meilleurs avantages aux consommateurs. Je ne suis pas d'accord. De nombreuses études internationales indiquent notamment que c'est au Canada que le prix des denrées alimentaires est le plus bas, à l'échelle mondiale. Pourtant, d'après certaines personnes, c'est un secteur où la concentration est trop forte.

Ce n'est pas un calcul facile à faire. Nous avons adopté un modèle prévoyant la présence d'un champion en matière de concurrence. Nous avons adopté un modèle administratif, comme dans bien d'autres secteurs, notamment en ce qui concerne les sociétés ou la Commission des valeurs mobilières, et je dirais que les résultats démontrent que, dans certains secteurs, comme celui du transport aérien, notre performance est meilleure que nous ne le pensons pour ce qui est de préserver la concurrence. J'ai dit que je croyais que c'est un juste milieu mais vous parlez d'un changement fondamental qui constituerait une décision stratégique majeure dans le domaine du droit de la concurrence.

• 1010

La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Strahl a une autre question à poser.

M. Chuck Strahl: Deux d'entre vous ont abordé le sujet des dispositions du projet de loi concernant le consentement. Dans son exposé, M. Addy a suggéré de... Monsieur Russell, je crois que vous avez exprimé quelque inquiétude en ce qui concerne la façon dont cela pourrait se présenter sous le régime actuel, mais M. Addy a recommandé une formule se situant entre le droit d'appel pur et les tactiques dilatoires. Il a suggéré d'adopter le critère américain de période d'attente, permettant aux parties concernées de présenter leurs doléances par écrit, par exemple.

Je ne sais pas si vous avez lu le témoignage de M. Addy mais, à propos du consentement, on atteint en quelque sorte un juste milieu en permettant aux gens...pas de faire un appel au sens propre du terme, mais de présenter leur requête par écrit et d'avoir un certain temps pour le faire. Êtes-vous au courant de ce système?

La présidente: Monsieur Russell.

M. Robert Russell: Ce serait de la malhonnêteté de ma part que de vous cacher que j'ai travaillé pour diverses entreprises privées qui considéreraient la procédure de consentement comme une occasion de retarder l'échéance et la transaction. Je pense que toutes les personnes qui travaillent dans ce secteur ont déjà été consultées sur des questions analogues et auraient des arguments légitimes à avancer. Cependant, en introduisant une telle disposition, on remettrait en cause en quelque sorte une question qui est déjà réglée.

Il est faux de dire que le rôle du tribunal serait purement administratif. On ne demande pas au tribunal d'arbitrer, c'est vrai. Le commissaire a eu recours à son pouvoir discrétionnaire administratif pour demander au tribunal d'intervenir. Si vous élargissez la procédure, comme le recommande M. Addy, vous vous exposez aux mêmes problèmes que ceux que l'on rencontre dans plusieurs procédures de consentement.

La présidente: Monsieur Wong.

M. Stanley Wong: La difficulté est que, contrairement aux tribunaux civils, où il y a un règlement tous les jours, il n'y a pas de règlement entre deux parties privées. Le tribunal doit s'assurer qu'il a compétence—on rend une ordonnance dans le contexte du litige et l'affaire est réglée. Dans ce cas-ci, un des pouvoirs qui sera accordé au commissaire l'oblige à imposer des conditions que le tribunal lui-même ne peut pas imposer.

Comme l'ont signalé les représentants de l'Association canadienne du Barreau—je ne suis pas d'accord en ce qui concerne la conclusion, mais j'approuve la remarque—il serait possible que l'on veuille modifier une modalité de l'ordonnance par consentement déjà enregistré et que le tribunal demande par exemple que l'on modifie cette modalité alors qu'il n'en a pas le pouvoir. Une telle éventualité dépasse mon entendement.

La Tunney Act est ce que M. Addy a proposé et je sais que M. Goldman est en faveur de cette solution. Je crois que nous avons besoin de quelque chose comme ça. Le problème est que le nombre de cas est très réduit. Au début, le tribunal est allé trop loin en ce qui concerne la modification de 1986 qui a introduit la procédure de consentement. Cette modification a ouvert la porte à des interventions tous azimuts. La situation a toutefois changé au cours de la réforme. Le problème est que, sans vouloir lui faire des reproches, je trouve le commissaire trop impatient. Chaque fois qu'il perd une cause, il veut modifier la loi. Ce n'est pas une façon de procéder. S'il n'apprécie pas les résultats, il devrait faire appel.

Comme praticien du droit, je tiens beaucoup à ce qu'il n'y ait pas d'interventions lorsque j'ai affaire au commissaire. C'est une tout autre question lorsqu'il s'agit de défendre l'intérêt public. Dans ce cas-là, on veut que le tribunal fasse de la médiation. Le critère devrait peut-être être une forme ou l'autre d'intérêt public mais j'utiliserais ces termes avec prudence. L'intérêt public doit être pris uniquement dans le contexte de la loi. Il ne peut s'appliquer à un contexte plus général comme l'emploi ou le régionalisme. Ce n'est pas l'objet de cette loi. Il s'agit d'une loi d'application générale ayant pour objet de maintenir la concurrence sur le marché, un point c'est tout.

Je dis cela en pensant à plusieurs députés qui présentent des projets de loi pour défendre leurs intérêts favoris. Je le dis sans ambages, je pense que c'est une erreur de transformer le tribunal en bureau d'enregistrement, un point c'est tout.

La présidente: Je dois vous interrompre et M. Strahl également.

Nous sommes en retard mais je voudrais poser une question qui n'a pas encore été posée. Est-ce que le paragraphe 104(1) proposé est toujours nécessaire, compte tenu de l'article 103.1 proposé qui donnerait au tribunal le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires?

• 1015

M. Stanley Wong: Je sais que vous avez posé la question au commissaire la première fois qu'il a témoigné. Je pense qu'il l'a éludée.

La présidente: C'est pourquoi je vous la pose.

M. Stanley Wong: Si vous conservez l'article 103.1 proposé, ce que je ne souhaite pas, vous n'aurez pas besoin du paragraphe 104(1) proposé.

La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires à ce sujet?

Monsieur Russell.

M. Robert Russell: Je pense que l'objet des deux articles est différent. J'espère que c'est la réponse que vous a faite le commissaire. J'ai essayé d'axer mes commentaires sur l'objet de l'article 103.1 proposé.

Il s'agit de l'étape de l'enquête, la loi étant subdivisée en plusieurs étapes, dont celle de l'enquête. Voilà l'explication.

La présidente: J'ai une autre question à poser sur l'accès privé.

Les adversaires de l'accès privé disent généralement qu'il n'est pas nécessaire parce que la possibilité d'intenter des actions sur la base de contrats privés ou d'un délit civil est déjà là. Y a-t-il d'autres commentaires à ce sujet?

Monsieur Wong.

M. Stanley Wong: Pas nécessairement. Par exemple, il pourrait s'agir d'un concurrent auquel on intente des poursuites aux termes des dispositions concernant l'abus et l'acteur dominant pourrait dès lors vous bloquer l'accès à tous vos fournisseurs. Vous n'auriez pas nécessairement de lien contractuel avec le concurrent. J'espère que non, parce que, dans ce cas, on pourrait considérer cela comme de la collusion.

Par conséquent, il y aura des plaintes non fondées concernant un contrat.

La présidente: Merci.

Monsieur Trebilcock.

M. Michael Trebilcock: Je suis entièrement d'accord avec M. Wong.

La plupart des cas d'abus se produisent lorsque le plaignant n'a pas eu de relation contractuelle avec le répondant.

La présidente: Ne pourrait-on pas avoir recours au droit de la responsabilité civile délictuelle?

M. Michael Trebilcock: Certains types d'abus pourraient faire l'objet d'une action en responsabilité délictuelle, mais ce serait en très petit nombre, à mon avis. Il faudrait que ces actions concernent une ingérence dans les relations économiques ou quelque chose de semblable. Ce sont des situations très hypothétiques.

La présidente: Monsieur Russell.

M. Robert Russell: Je pense qu'il y a davantage de remèdes possibles qu'on ne vous l'a dit, aussi bien en droit de la responsabilité civile qu'aux termes de l'article 36.

Beaucoup d'avocats ont monté des poursuites, pour le compte d'entreprises privées, en se fondant sur des notions du droit de la responsabilité délictuelle comme l'ingérence illégale dans les intérêts économiques et sur les lois générales relatives à la collusion dans le but de porter préjudice, concept que le Canada est le seul pays à avoir adopté dans ce contexte. Cela vous permet d'intenter un procès pour collusion sans devoir fournir certains des éléments requis dans les lois américaines et britanniques. Il y a donc divers remèdes.

L'autre point que je voudrais signaler concerne l'article sur l'abus de position dominante. Il y a un chevauchement important entre cette disposition et celle concernant la collusion, en ce qui concerne l'application aux faits. Si vous avez une cause assez solide pour porter une affaire devant les tribunaux—et je parle de quelqu'un qui est disposé à dépenser des sommes assez importantes pour porter une affaire devant les tribunaux—et que cela n'a pas d'importance que vous soyez devant le Tribunal de la concurrence ou devant une cour de justice, ce sera probablement une cause assez solide aux termes de l'article 45, si elle est assez solide aux termes des dispositions de l'article sur l'abus de position dominante, pour au moins tenter sa chance.

La présidente: Avez-vous une idée du taux de réussite des actions intentées en vertu des articles que vous mentionnez et du droit de la responsabilité civile délictuelle?

M. Robert Russell: Comme pour tout litige commercial, plusieurs affaires ont été réglées en se basant sur ces dispositions. Il m'est arrivé d'intenter des poursuites en me basant sur des affaires précédentes et plusieurs affaires ont été réglées de cette façon.

La présidente: Bien. Je vous remercie.

Je vous remercie tous d'être ici. Je m'excuse. Nous avons dépassé le délai dont nous disposions. Je prie mes collègues de rester à leur place autant que possible pour permettre aux témoins de s'en aller et au groupe de témoins suivant de s'installer.

Je vous remercie et j'invite le groupe suivant de témoins à venir à la table.

• 1020

Je souhaite la bienvenue au nouveau groupe de témoins. Nous avons le plaisir d'accueillir, du Conseil canadien pour le commerce international, M. Mark Katz, vice-président et avocat au cabinet Davies, Ward, Phillips & Vineberg et M. Matthew Ivis, analyste des politiques.

Nous accueillons également, du Groupe de la politique et du droit de la concurrence, M. William Rowley, avocat chez MacMillan Binch, M. Neil Campbell, également avocat chez MacMillan Binch et M. Arthur James, ex-vice-président du droit et des relations publiques de IBM Canada limitée.

Je propose d'écouter les observations liminaires des deux groupes, puis de passer à la période des questions. Je propose d'écouter d'abord les commentaires du Conseil canadien pour le commerce international, à moins que vous ne vous soyez arrangés autrement.

Nous écouterons d'abord M. Katz ou M. Ivis.

M. Matthew Ivis (analyste des politiques, Conseil canadien pour le commerce international): Merci, madame la présidente.

Le Conseil canadien pour le commerce international (CCCI) est heureux d'avoir la chance de faire des commentaires sur le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence. Ce projet de loi soulève des questions qui revêtent une importance capitale pour les membres du CCCI.

Le CCCI est le secrétariat du commerce canadien de deux associations commerciales internationales importantes, la Chambre de commerce internationale (CCI) et le Comité consultatif économique et industriel (CCEI) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En cette qualité, le CCCI est le porte-parole principal des entreprises canadiennes en ce qui concerne les questions touchant aux politiques portant notamment sur le droit de la concurrence, qui sont abordées au sein d'un certain nombre d'institutions multilatérales, notamment les Nations Unies et l'Organisation mondiale du commerce.

Le CCCI estime, d'une façon générale, que le projet de loi C-23 contribuera à l'élaboration du droit de la concurrence canadienne. Toutefois, le CCCI a quelques commentaires précis à faire, surtout en ce qui concerne l'entraide juridique et les ordonnances par consentement.

Avant de passer le micro à M. Katz pour faire des commentaires précis au nom du Conseil, je voudrais exposer brièvement nos opinions sur la question de l'accès privé, que vous êtes en train d'examiner, et sur les autres dispositions du projet de loi C-23.

D'une façon générale, le CCCI estime qu'il est prématuré d'instaurer le droit d'accès privé au Tribunal de la concurrence. Le processus de consultations n'a pas permis d'atteindre un consensus à ce sujet et le CCCI estime que l'on n'a pas fait beaucoup de progrès depuis la fin de ce processus de consultations. Les membres du CCCI reconnaissent que l'accès privé présente des avantages et des inconvénients.

En ce qui concerne les avantages par exemple, nous pensons que l'accès privé entraînera une diminution des dépenses du gouvernement, ce que nous approuvons entièrement. Cependant, en ce qui concerne les inconvénients, on a de sérieux doutes que l'accès privé permette d'atteindre l'objectif officiel qui est de donner aux PME un accès plus efficace aux poursuites en matière de concurrence. Nos membres ont toutefois de sérieux doutes quant à l'aide que l'accès privé pourra apporter aux PME étant donné que, d'après les estimations, pour porter une affaire devant le tribunal, il faut faire plus de 1 million de dollars de frais.

En outre, le CCCI estime que ce processus ne devrait pas avoir pour but d'atteindre un consensus comme tel. Il faudrait essayer de mettre en oeuvre la solution qui est la meilleure pour atteindre notre objectif officiel, qui est de donner un remède efficace aux PME. Actuellement, on a au moins le choix entre deux options: la première est de permettre l'accès privé, ce qui fait précisément l'objet de l'étude de ce comité, et l'autre est de donner davantage de ressources au bureau, en prenant des engagements financiers et en établissant un ordre de priorité, pour lui permettre de porter davantage d'affaires devant le tribunal.

Si j'ai bien compris, d'autres témoins ont proposé d'autres solutions et j'estime que toutes ces possibilités devraient être évaluées sur un pied d'égalité. En bref, nous estimons que le travail de base n'est pas encore terminé. Nous trouvons qu'une étude beaucoup plus approfondie, à la lumière des recommandations des intervenants importants, y compris du Bureau de la concurrence, est nécessaire pour déterminer quelle est la meilleure solution.

Aucune étude comparative de solutions de rechange possibles n'a été faite et nous pensons qu'un examen approfondi de ces possibilités pourrait vous aider beaucoup. Ce n'est qu'après cela que nous serons en mesure d'évaluer les avantages et les inconvénients des diverses propositions et d'adopter la solution la plus efficace.

Après cette brève introduction, je voudrais passer le micro à M. Katz, vice-président du Comité du droit et de la politique internationaux en matière de concurrence du CCCI. Il fera des commentaires précis sur les diverses dispositions du projet de loi C-23.

M. Mark Katz (vice-président, Conseil canadien pour le commerce international): Merci beaucoup, Matt. Je vous remercie, mesdames et messieurs. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, surtout que je ne savais pas encore que j'étais vice-président de ce comité. C'est très agréable d'apprendre qu'on a reçu une promotion.

Je voudrais d'abord donner une brève explication. Vous savez probablement déjà que M. Cal Goldman, président du comité, devait être ici. Nous avons toutefois jugé qu'il serait préférable qu'à cette étape initiale, je présente moi-même les opinions du CCCI. M. Goldman se ferait, bien entendu, un plaisir de venir à une date ultérieure pour répondre aux questions que vous auriez éventuellement à lui poser après avoir eu l'occasion d'examiner à fond nos suggestions et celles des autres témoins qui ont déjà comparu ou qui vont comparaître.

• 1025

Cela pourrait se faire dans le contexte d'une audience ultérieure ou d'une série de tables rondes que, si j'ai bien compris, vous prévoyez organiser. C'est selon vos préférences.

Comme je l'ai dit, nous avons pensé qu'il serait préférable pour vous que nous procédions de cette façon et que cela vous donnerait l'occasion de tirer meilleur parti des connaissances spécialisées et de l'expérience de M. Goldman. Nous espérons que vous comprenez.

Cela dit, j'exposerai très brièvement les opinions du CCCI sur les diverses dispositions du projet de loi C-23. Ces opinions sont exposées en détail dans le mémoire que nous vous avons remis et dont vous avez reçu un exemplaire, si je ne m'abuse.

Comme l'a signalé Matt, le CCCI estime que, d'une façon générale, le projet de loi C-23 est très intéressant et nous félicitons le Bureau de la concurrence et les autres fonctionnaires pour l'excellent travail qu'ils ont accompli.

Le CCCI estime toutefois que, dans deux domaines, des changements se justifieraient et rendraient le projet de loi encore plus efficace. Il s'agit premièrement des dispositions du projet de loi C-23 concernant l'entraide juridique et deuxièmement, des dispositions concernant le processus lié aux ordonnances par consentement.

Je parlerai d'abord de l'entraide juridique. Nos commentaires précis à ce sujet se trouvent dans notre mémoire. Permettez-moi d'en parler brièvement. Dans l'ensemble, le CCCI estime que la coopération internationale dans l'application de la loi afférente à la concurrence est nécessaire. Les avantages d'une coopération accrue pour le secteur privé comprennent une réduction des frais et du temps consacré aux enquêtes, moins de redondances des efforts, un accroissement du degré de transparence, une certaine certitude en ce qui concerne les procédures judiciaires et moins de frictions dues à la prolifération des lois nationales en matière de concurrence.

Cependant, une des principales préoccupations du secteur privé concerne la protection des renseignements commerciaux de nature confidentielle. Autrement dit, tout en acceptant le fait que dans le cadre de leur coopération, les autorités obtiennent des renseignements commerciaux de nature confidentielle par divers autres moyens, on se demande quelles mesures de protection seront mises en place pour protéger les intérêts légitimes des entreprises concernées.

Le projet de loi C-23 reconnaît l'importance du problème grâce à des mesures de protection très utiles qui sont décrites à la note 6 de notre mémoire. C'est une importante amélioration par rapport à la première version des dispositions concernant l'entraide juridique prévues dans le projet de loi C-472. Nous estimons toutefois qu'il reste certaines lacunes qui pourraient être résumées comme suit.

Tout d'abord, pour ce qui est de leur portée, les dispositions du projet de loi C-23 concernant l'entraide juridique ne s'appliquent manifestement qu'à la coopération dans les dossiers civils pouvant faire l'objet d'un examen. Le CCCI estime toutefois que la formulation du projet de loi C-23 engendre une certaine confusion quant à la portée souhaitée du projet de loi. Par exemple, l'alinéa 30.01a) proposé interprète l'accord comme des comportements qui sont «susceptibles de poursuite ou d'examen en vertu de la présente loi». L'emploi des termes «susceptibles de poursuite» laisse entrevoir la possibilité de poursuites au criminel.

Par conséquent, le CCCI propose que le projet de loi C-23 soit modifié en vue d'indiquer explicitement qu'il s'applique exclusivement à l'entraide juridique au civil, aux dossiers de droit concurrentiel non criminels, c'est-à-dire aux dossiers qui sont traités comme des dossiers civils à la fois au Canada et dans l'État étranger avec lequel on a conclu l'accord.

Deuxièmement, il y a le niveau de confidentialité exigé par d'autres parties. Le nouvel alinéa 30.01b) proposé soutient qu'avant que le Canada conclue un accord d'entraide juridique selon la description fournie dans le projet de loi, le ou la ministre de la Justice doit avoir établi que les documents ou autres renseignements transmis à l'autorité étrangère seront protégés par des lois en matière de confidentialité qui sont semblables, au fond, aux lois canadiennes.

Nous estimons que la mention «semblable, au fond» n'est pas suffisamment précise. Au moins, le projet de loi C-23 devrait être modifié pour qu'on exige de l'autorité étrangère présentant la demande d'offrir des mesures de protection qui sont au moins les mêmes que la protection que le commissaire même a donnée à cette information.

Toutefois, cela démontre un problème plus fondamental que comporte la loi canadienne. Il y a actuellement un manque de clarté en ce qui concerne la portée de la protection accordée aux renseignements confidentiels aux termes de la Loi sur la concurrence, en raison d'un désaccord au sujet de l'interprétation de l'article 29 de cette loi. Tant que la portée de l'article 29 ne sera pas précisée, il sera difficile de déterminer ce qui constitue au juste un degré de protection qui soit semblable, au fond, à la loi canadienne.

• 1030

Par conséquent, nous recommandons que l'occasion offerte par le projet de loi C-23 serve à mettre fin une fois pour toutes à cette controverse. Je donnerai de plus amples détails ci-après. Notre position est que le tout passe par la stipulation de critères qui régiront la divulgation, aux autorités étrangères, de l'information obtenue par le bureau dans le cadre de ses propres enquêtes, et plus particulièrement de l'information donnée spontanément par le bureau.

Le troisième élément du projet de loi que nous voudrions mentionner concerne l'information déjà entre les mains du Bureau de la concurrence. Le projet de loi C-23 n'offre aucune protection pour l'information qu'un organisme étranger peut demander et qui est déjà entre les mains du Bureau de la concurrence, si on le compare à la protection qu'on offre à l'information sur l'ordre de l'organisme étranger. Cette différence est valable selon que l'information a été obtenue par le bureau dans le cadre d'un processus obligatoire ou qu'on lui ait remis l'information volontairement.

Il n'existe à notre avis aucun principe ou raison concernant l'exclusion de l'information qui est déjà entre les mains du Bureau des protections garanties par le projet de loi C-23. Le risque que cette information puisse être transmise à un gouvernement étranger découragerait immédiatement les entreprises à fournir cette information au commissaire.

Par conséquent, nous faisons valoir que le projet de loi C-23 devrait être modifié en vue d'empêcher de communiquer à un gouvernement étranger de l'information confidentielle se trouvant déjà entre les mains du bureau, à moins d'obtenir le consentement de la partie qui a fourni cette information ou une ordonnance de la cour semblable à ce qui est envisagé dans le projet de loi C-23.

Enfin, étant donné les considérations qui précèdent, nous avons des préoccupations au sujet de la divulgation d'information fournie à la suite d'une demande de préavis de fusionnement ou d'une demande de certificat de décision préalable. Comme vous le savez, l'examen sur les fusions exige le dépôt au dossier et l'examen par le commissaire de renseignements commerciaux de nature très délicate. Par conséquent, nous pensons que le projet de loi C-23 devrait être modifié de façon à interdire explicitement la communication de ce type d'information à la suite d'une entente passée avec un organisme étranger. Cette méthode s'aligne sur l'approche adoptée aux États-Unis à cet égard.

Voilà nos opinions en ce qui concerne l'entraide juridique. Nos autres préoccupations concernent les dispositions du projet de loi C-23 relatives aux ordonnances par consentement, dont il a déjà été question aujourd'hui.

À notre avis, ces dispositions vont trop loin. Nous comprenons très bien que les changements proposés reflètent le niveau d'appréhension de certaines personnes à l'égard des délibérations relatives aux ordonnances par consentement du Tribunal de la concurrence. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous ne pensons pas que le juste milieu recherché dans ce cas-ci soit approprié.

Par conséquent, nous avons préparé un texte pour vous le soumettre. Je crois qu'il a déjà été remis au greffier. Nous pensons que cette formulation permettrait d'atteindre un juste milieu plus approprié en rétablissant le principe d'examen par le tribunal dans certaines limites. Tout compte fait, nous estimons qu'il est important de maintenir un certain équilibre des pouvoirs dans le système.

Le texte que nous vous soumettons s'inspire quelque peu du modèle du Tunney Act américain, qui a été mentionné aujourd'hui, en parlant de M. Addy. Il s'inspire, sinon du libellé proprement dit de la loi, du moins de la pratique prévue dans cette loi. Nous estimons toutefois que cette approche permettrait de beaucoup mieux équilibrer les divers intérêts en cause.

Vous pourrez examiner le texte que nous proposons si vous en avez un exemplaire ou si vous y avez accès, mais je voudrais tout de même attirer votre attention sur deux dispositions principales.

Premièrement, nous proposons de modifier le nouveau paragraphe 105(2) comme suit:

    (2) Le consentement est déposé auprès du tribunal dans un délai de 30 jours minimum avant sa date d'entrée en vigueur et porte sur le contenu de toute ordonnance qui pourrait éventuellement être rendue contre la personne en question par le tribunal.

Cette proposition concerne la disposition du projet de loi C-23 qui permet au commissaire de déposer et d'enregistrer une ordonnance, même si elle comporte des modalités que le tribunal n'aurait pas imposées. Nous pensons que ce n'est pas approprié et que la disposition que nous proposons réaliserait un meilleur équilibre des pouvoirs.

Je voudrais également mentionner le paragraphe 105(4) que nous proposons et qui est formulé comme suit:

    (4) Le consentement est enregistré à l'échéance du délai de 30 jours à partir de la date à laquelle il a été déposé auprès du tribunal, à moins qu'un membre juriste du tribunal n'estime qu'il y a des motifs de ne pas enregistrer le consentement étant donné que l'on a des soupçons raisonnables de partialité, de mauvaise foi ou de conflit d'intérêts de la part du commissaire, ou encore d'excès de compétence.

C'est probablement la disposition clé. Nous essayons en fait de maintenir une possibilité d'examen dans certaines limites. Nous avons volontairement évité d'employer des termes comme «manifestement déraisonnable» parce que nous ne voulons pas ouvrir la porte à un examen complet des incidences du consentement sur la concurrence, tenant compte du fait que ce consentement est fondé sur un accord entre le commissaire et la partie privée concernée. Cependant, nous estimons qu'un examen limité est approprié et nous suggérons de restreindre la portée de cette disposition du projet de loi. Bien entendu, c'est une proposition qu'il conviendrait d'examiner de plus près.

• 1035

Quoi qu'il en soit, j'espère que notre mémoire vous sera de quelque utilité et je vous remercie pour cette occasion de participer à vos travaux. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Je vous remercie.

La présidente: Merci bien, monsieur Katz.

Nous donnons maintenant la parole aux représentants du Groupe de la politique et du droit de la concurrence, MM. Rowley, Campbell et James. Je pense que c'est M. James qui prendra la parole le premier.

M. Arthur B. James (ex-vice-président, Relations, IBM Canada limitée; Groupe de la politique et du droit de la concurrence): Merci beaucoup, madame la présidente.

Nous représentons le Groupe de la politique et du droit de la concurrence qui a été créé il y a plus de 30 ans. Il a suivi l'élaboration de la politique sur la concurrence. Il regroupe 14 entreprises canadiennes. Nous vous avons déjà remis notre mémoire et nous espérons que vous l'avez lu. Nous limiterons nos commentaires à un seul point qui pourrait être utile dans le cadre de ce débat, il s'agit de l'analyse concernant les poursuites privées.

Au cours des derniers mois, nous avons préparé un rapport dont nous vous avons remis des exemplaires; je vous en recommande la lecture étant donné qu'il contient des commentaires qui n'ont pas été abordés par d'autres groupes au sujet de l'opportunité d'intégrer à la loi des dispositions concernant l'accès privé.

Le rapport comprend quatre parties. Il analyse des propositions concernant les poursuites privées, en examine la nécessité, les motifs, les avantages, le coût et les mesures de protection parallèles. Nous avons un rapport préparé par M. Donald Baker, ex-procureur général adjoint du service antitrust des États-Unis, qui porte sur l'expérience américaine en la matière et qui, à notre avis, vous sera utile.

Enfin, la firme Deloitte & Touche a préparé un rapport, dont nous vous avons d'ailleurs remis plusieurs exemplaires, sur les coûts empiriques d'enquête sur toutes les pratiques examinables, les poursuites qui ont eu lieu et les coûts encourus par les organismes qui ont intenté des poursuites devant le tribunal. Ce rapport contient également un sommaire détaillé.

Ce matin, nous nous proposons de mettre d'abord l'accent sur l'approche unique que le Parlement du Canada a adoptée dans le contexte de la Loi sur la concurrence en ce qui concerne les pratiques examinables, qui est très différente de l'approche adoptée en Australie, aux États-Unis et dans la Communauté européenne. Nous examinerons ensuite l'opportunité de permettre des poursuites privées puis nous ferons une analyse des coûts et des avantages des poursuites privées et enfin, nous proposons des solutions de rechange aux poursuites privées.

Je passe maintenant le micro à M. Rowley pour qu'il expose ces quatre points.

La présidente: Monsieur Rowley.

M. J. William Rowley (avocat, McMillan Binch; Groupe de la politique et du droit de la concurrence): Je vous remercie.

Je vous rappelle d'abord le proverbe qui dit qu'il ne faut pas essayer de réparer des dommages inexistants. Autrement dit, il ne faut pas essayer de réparer un dégât qui n'est pas considéré comme tel à l'échelle nationale. Nous estimons qu'il n'y a pas de dommage ni de problème dans ce contexte en raison de la nature même de notre loi. C'est une loi très différente de toutes les autres lois examinées par le Bureau de la concurrence, également mentionnées dans le rapport Roberts pour essayer de démontrer l'opportunité d'autoriser les poursuites privées. Ce rapport signale que tous les pays concernés, c'est-à-dire l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, l'Irlande et le Royaume-Uni, ont déjà envisagé la possibilité de permettre les poursuites privées ou l'envisagent actuellement.

Tous ces systèmes sont totalement différents du système canadien parce qu'ils sont invariablement de nature prohibitive. Le système canadien est fondé à la fois sur l'interdiction et sur l'examen. Les pratiques examinables—que nous avons mises au point en 1976 et complétées en 1986—font l'objet de l'admiration des autres pays. Nous faisons partie du réseau international de la convergence en matière de concurrence.

Le commissaire von Finckenstein est président par intérim de ce nouveau réseau et j'espère qu'on prendra le Canada comme modèle.

• 1040

La raison pour laquelle les pratiques examinables sont très importantes est qu'elles sont considérées comme des pratiques courantes qui peuvent être en faveur de l'innovation, de l'efficacité, n'ont aucune incidence sur la concurrence, favorisent beaucoup la concurrence ou sont anti-concurrence. Il n'est pas utile de restreindre ces pratiques à moins qu'elles ne soient anti-concurrence. Nous nous fondons sur le critère général d'une limitation substantielle de la concurrence.

On a mis en place un commissaire qui est tenu, de par la loi, de faire une enquête—d'après ce que nous avons entendu dire ce matin—sur les plaintes et d'après nous... Vous avez entendu le témoignage de M. von Finckenstein le 4 octobre. Il dit que nous sommes tourmentés au sujet de cette décision. Pourquoi sommes-nous tourmentés? Parce qu'il faut établir une démarcation bien précise entre les activités qui sont favorables à la concurrence et celles qui lui sont défavorables.

En 1995, le commissaire, appelé alors directeur, avait un groupe consultatif. Ces experts lui ont recommandé de ne pas mettre ce projet à exécution avant d'avoir fait une analyse de rentabilité approfondie. On n'a pas encore fait de telle analyse. Nous avons bon espoir que les données qui se trouvent dans le rapport que nous avons commandé seront utiles à cet égard.

Avant de passer aux données importantes, je voudrais faire deux ou trois commentaires. Personne ne suggère d'empêcher des poursuites dans les cas qui sont fondés. On ne suggère pas que le directeur n'examine pas ces dossiers; en fait, il est obligé de le faire. La plupart des dossiers non fondés sont éliminés d'office.

Je voudrais maintenant citer quelques faits et chiffres. Au cours des sept dernières années, le nombre moyen de plaintes aux termes des dispositions de la partie VIII de la loi, à l'exclusion de celles concernant les fusions, est de 537 plaintes par an dont moins de 1 p. 100 sont considérées comme défavorables à la concurrence.

À supposer que les poursuites privées soient possibles et que le nombre de plaintes augmente de 5 p. 100, de 10 p. 100 ou de 15 p. 100, cela ferait 27, 54 ou 81 plaintes supplémentaires par an. Le tribunal a déjà beaucoup de difficulté à examiner deux ou trois plaintes par an. Pourquoi? Parce que les poursuites aux termes de la Loi sur la concurrence sont le type de poursuites les plus complexes, les plus coûteuses et les plus difficiles à régler pour le système judiciaire. Il faut penser au nombre de poursuites supplémentaires que cela engendrerait.

Examinons maintenant la question des coûts. Quelles sont les conclusions de l'étude faite par la firme Deloitte & Touche? Voici comment cette firme a procédé. Elle a examiné toutes les causes depuis la création du Tribunal de la concurrence pour avoir une base de comparaison valable. Les coûts seraient à la fois directs et indirects, c'est-à-dire qu'il y aurait des dépenses directes et aussi des frais dus aux effets paralysants.

En ce qui concerne les coûts directs, la firme a constaté que le coût externe moyen subi par les intimés a été de 3,3 millions de dollars par poursuite. Le coût total moyen englobant le temps des responsables, était de 5,5 millions de dollars par poursuite. Le coût moyen pour les intervenants est de 316 000 $ par cause. Le coût moyen pour le Tribunal de la concurrence est de 685 000 $ par cause. Si l'on y ajoute les coûts moyens de 1 million de dollars par cause pour le plaignant prévus dans l'étude faite par Wise et Blackman, vous saurez à quoi on peut s'attendre. Si l'on tient compte des possibilités d'une augmentation de 5 p. 100, de 10 p. 100 ou de 15 p. 100 du nombre de poursuites, on constate que, sans tenir compte du coût des effets paralysants, cette mesure entraînerait des coûts supplémentaires annuels de l'ordre de 95 millions, 100 millions, voire 292 millions de dollars, en présumant que la moitié seulement de ces requêtes supplémentaires seraient acceptées.

Il a beaucoup été question de garanties. Je voudrais faire deux commentaires à ce sujet, notamment au sujet des garanties mais aussi au sujet des solutions de rechange qui permettraient de s'assurer que l'on n'examine que les plaintes qui sont fondées.

En ce qui concerne les garanties, elles sont essentiellement de trois types: obligation de demander la permission au tribunal, jugement sommaire et absence de dommages. En ce qui concerne l'obligation de demander la permission du tribunal, je signale que mes 30 années d'expérience m'ont permis de constater que les tribunaux répugnent à refuser d'emblée à quelqu'un d'intenter des poursuites devant le tribunal. Par ailleurs, les jugements sommaires sont extrêmement difficiles à obtenir; ils ne permettent même pas de faire des économies sur les coûts. Le seul exemple de jugement sommaire est celui qu'a obtenu le directeur dans l'affaire Warner immédiatement après avoir présenté sa demande de jugement sommaire.

• 1045

J'ai défendu la cause et nous l'avons gagnée. Les frais du directeur se chiffraient à ce moment-là à 627 000 $. Nous étions deux répondants. Je vous assure que nos frais étaient bien plus élevés. Par conséquent, pour un jugement sommaire, les coûts se chiffraient bien au-delà de 2 millions de dollars.

Enfin, en ce qui concerne l'absence de dommages, on ne tient pas compte du tout des possibilités de poursuites stratégiques. Pourtant, ces poursuites sont pratique courante. M. Russell a dit que c'était pour cela que l'on consultait des avocats. Pourquoi au fait? Pour retarder les procédures, pour obtenir des renseignements et pour intervenir dans les transactions.

En guise de conclusion, je recommanderai quelques solutions de rechange au cas où vous et le gouvernement décideriez que les coûts que nous vous soumettons méritent d'être examinés de plus près.

En ce qui concerne les normes de service, le commissaire a apporté beaucoup d'améliorations dans d'autres domaines couverts par cette loi. Il a publié des normes de service. Il a établi 360 tables rondes qui ont des lignes directrices à suivre. Cela donne une certaine certitude et indique les cas dans lesquels il faut porter les causes devant le tribunal, ceux dans lesquels il est déconseillé de le faire ainsi que ceux dans lesquels elles seront rejetées.

Enfin, je voudrais parler des motifs des décisions. En Europe par exemple, le groupe de travail sur les fusions de la Commission européenne et le directeur général de la concurrence publient les motifs de toutes les décisions qu'ils prennent. Cela a permis de constituer un recueil très abondant de précédents qui permettent de déterminer quand il est à conseiller et quand il ne l'est pas de porter une cause devant les tribunaux.

Madame la présidente, mesdames et messieurs, nous espérons avoir contribué de façon utile au débat. Il ne fait aucun doute que si l'on rendait ce genre de poursuite possible, cela pourrait avoir des effets paralysants. Qui aurait recours à ce genre de poursuite? De toute évidence, les entreprises qui auraient les moyens financiers nécessaires, ce qui porte à croire que les poursuites stratégiques seraient très fréquentes. Nous insistons sur la nécessité de faire une analyse de rentabilité fouillée. Nous estimons que l'opportunité d'une telle mesure n'a pas été démontrée. Quand on fait une analyse de rentabilité, les conclusions sont en faveur d'une loi qui donne déjà d'excellents résultats actuellement et qui est un modèle à l'échelle mondiale. Elle pourrait toutefois être améliorée en y ajoutant une ou deux dispositions visant à accroître la transparence du système.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Rowley.

Nous passons à la période des questions. Monsieur Rajotte.

M. James Rajotte: Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins pour leurs exposés.

Je voudrais poser une question à M. Rowley. Monsieur Rowley, vous avez expliqué que le Canada avait un système judiciaire unique en matière de concurrence et que les autres pays, surtout ceux avec lesquels nous partageons le même système de common law, ont un système très différent dans ce domaine. Je me demande si vous pourriez nous donner des informations supplémentaires à ce sujet.

Vous pourriez peut-être parler... Vous avez parlé de convergence internationale et expliqué que le commissaire actuel joue un rôle très actif dans ce domaine. S'il est très actif dans ce domaine et si le Canada est le modèle que vous nous décrivez, pourquoi n'a-t-il pas appuyé la proposition visant à permettre les poursuites privées ou l'accès privé lorsqu'il a témoigné?

M. William Rowley: Ce que le commissaire a dit, c'est qu'il ne préconisait pas de le faire pour l'instant. Je n'étais pas là mais j'ai lu le compte rendu. Il estimait personnellement que ce serait une possibilité. Il a parlé des avantages et des inconvénients.

Vous ne lui avez toutefois pas demandé quelle était la différence fondamentale dans le système. Vous pourriez peut-être lui poser la question quand il témoignera à nouveau. Cet après-midi, vous recevrez M. Fels, le commissaire d'Australie, qui est un vieil ami. Lorsqu'on a instauré les pratiques examinables au Canada, on a décidé de ne pas les considérer comme illégales. M. Wong a parlé d'infractions. On a parlé de manquements à des interdictions, mais il ne s'agit pas d'interdictions. Ces pratiques sont très courantes dans les milieux d'affaires et ont généralement pour but d'accroître l'efficacité de l'entreprise.

Il est avantageux pour une petite entreprise d'avoir une région où distribuer ses produits. À moins que l'objectif ne soit déjà d'entraver la concurrence, l'entreprise a intérêt à ce que le distributeur refuse de distribuer ses produits au voisin.

• 1050

Nous avons dit que toutes ces pratiques examinables étaient effectivement examinables. Des compétences ont été attribuées pour permettre de les examiner dans l'intérêt public. Nous accordons des pouvoirs d'intervention extraordinaires au commissaire. En outre, six citoyens canadiens, le ministre ou le commissaire ont le droit d'entamer des procédures; c'est d'ailleurs ce que le commissaire fait régulièrement.

Il y a trois types de procédures. Pensez-y bien parce que je sais que vous avez parlé des intérêts des petites et moyennes entreprises. Les poursuites contre Xerox, Chrysler et Laidlaw, qui sont des causes marquantes en matière de pratiques examinables, ont été portées devant les tribunaux à la suite de plaintes adressées au commissaire, puis transmises au directeur, par des petites et moyennes entreprises.

Par conséquent, l'accès n'est pas refusé aux PME ni aux grandes entreprises. Le directeur a en fait représenté la grande entreprise en portant l'affaire de Warner Music devant les tribunaux. L'action avait été intentée par le groupe Bernalsman. Le directeur porte donc des causes fondées devant les tribunaux et élimine celles qui ne sont pas en faveur de l'intérêt public, donc de la concurrence.

M. James Rajotte: On dit que l'on aura recours à cette disposition pour intenter des poursuites stratégiques mais on dit également que les coûts seront prohibitifs, surtout pour les PME. Cependant, les nombreux représentants de PME qui ont témoigné ont affirmé, en réponse à une de mes questions, que les coûts seraient en fait inférieurs à ce qu'ils sont actuellement, si l'accès privé était autorisé.

M. William Rowley: Je me permets de signaler que les chiffres que nous avançons en matière de coûts ne sont pas inventés de toute pièce. Ils ont été établis à la suite de l'enquête dont il est question dans notre mémoire. Les coûts sont très élevés et, si vous examinez l'étude Roberts, celle de la commission australienne de la réforme du droit—je peux d'ailleurs vous citer les pages où c'est indiqué—, l'accès privé est la formule la plus coûteuse et la plus complexe qui soit.

Si l'on tient compte de tous ces coûts-là, j'aurais tendance à dire que les PME auraient beaucoup plus à perdre qu'à gagner. Les frais que cela entraînerait seraient très élevés alors que le directeur est déjà obligé de défendre les intérêts de ceux qui portent plainte auprès de lui. Il est tenu de le faire. Il doit examiner ces plaintes. Il porte un jugement sur la validité de la plainte. Si vous introduisez cette notion d'accès privé, le directeur pourra décider avec moins d'hésitation, après avoir jeté un coup d'oeil rapide sur la plainte, qu'elle n'est pas fondée, et laisser à la partie privée le soin de porter l'affaire devant les tribunaux.

Je vous assure que les PME n'ont pas les moyens de porter leurs causes devant les tribunaux. Les coûts du directeur en témoignent. La préparation d'une cause lui coûte 1 million de dollars. Le directeur a à sa disposition les plus grands experts canadiens en matière de demandeurs, d'avocats et d'économistes. Je vous garantis que les PME, et même les grandes entreprises, n'ont pas les moyens d'intenter des poursuites à moins que ce ne soit à des fins stratégiques. Par conséquent, je pense que dans ce cas, on risquerait de désavantager les PME.

M. James Rajotte: Monsieur Ivis, pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet également?

M. Matthew Ivis: Je ne pense pas avoir beaucoup d'autres commentaires à faire à ce sujet, si ce n'est de signaler qu'à première vue, d'après ce que nous ont dit nos membres, il semblerait que ce soit une solution d'un coût prohibitif pour tenter de mettre les PME sur un pied d'égalité.

La présidente: Merci, monsieur Rajotte.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs. J'espère que nous ne terminerons pas trop tard cet après-midi.

Monsieur Rowley, je suis intéressé par le document que vous avez présenté.

Monsieur James, je remarque que le document porte le nom de 15 entreprises dont la plupart—notamment BP Canada, DuPont, General Electric, General Motors, Imperial Oil, IBM, Shell Canada, Xerox Canada, et je crois même que c'est Xerox qui l'a imprimé—sont des entreprises actives à l'échelle internationale.

Monsieur Rowley, pouvez-vous me dire si certaines de ces entreprises utilisent ou ont déjà utilisé un accès privé équivalent dans un autre pays?

M. William Rowley: Je m'excuse, mais je ne comprends pas votre question.

M. Dan McTeague: Les entreprises dont le nom figure dans ce document et que vous représentez, je présume, font des affaires au Canada et à l'étranger. Certaines de ces entreprises ont-elles dû se prévaloir des dispositions en matière d'accès privé d'une loi comme la Clayton Act aux États-Unis ou la Loi sur la concurrence australienne ou encore la Loi sur la concurrence irlandaise? Est-ce qu'une de ces entreprises a eu recours à ce mécanisme?

M. William Rowley: Comme défendeur? Comme partie demanderesse?

• 1055

M. Dan McTeague: Oui, de préférence. Nous parlerons de la partie défenderesse dans quelques minutes.

M. William Rowley: Aucun cas ne me vient à l'esprit pour l'instant. Je vais voir si M. James peut nous aider.

M. Arthur James: En ce qui concerne IBM, je ne suis au courant d'aucune poursuite intentée comme partie demanderesse privée dans une affaire concernant la concurrence...

M. Dan McTeague: Je parle de votre entreprise ou d'une entreprise membre de votre groupe.

M. Arthur James: Ma compagnie, comme toutes les autres compagnies qui font partie du groupe, est une compagnie internationale.

Je peux toutefois vous citer des cas où nous avons été partie défenderesse dans le cadre de telles poursuites...

M. Dan McTeague: Je comprends bien, monsieur James. Je voulais une réponse très brève, parce que j'ai encore deux ou trois questions à poser.

Vous avez fait allusion aux craintes que suscitent les événements qui se produisent aux États-Unis. Vous avez également affirmé, monsieur Rowley, qu'il n'y a aucune urgence en ce qui concerne une telle mesure et qu'au cours de vos 30 années d'expérience, le besoin ne s'en est pas fait souvent ressentir. Je pense que les témoins qui vont ont précédé ne sont pas du même avis. Les représentants des camionneurs, des distributeurs indépendants de produits pétroliers, des agences de voyages et bien d'autres témoins ont dit non seulement qu'ils seraient capables de se prévaloir de l'accès privé malgré tous les frais que cela comporte mais qu'ils seraient aussi disposés à mobiliser les ressources nécessaires pour faire entendre leur cause.

Nous ne savons donc plus très bien qui croire après avoir entendu les commentaires de M. Ivis et d'autres témoins qui prétendent que les PME... Nous avons entendu les témoignages de divers représentants des PME, notamment de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, et ils sont en faveur de l'accès privé, même s'il est restreint.

Donc, si vous représentez la position de 10, 12, voire de 14 entreprises qui font des affaires au Canada, mais manifestement aussi à l'étranger, et qu'il s'avère que dans le secteur privé, on n'est pas préoccupé à ce sujet, qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que ce changement sera préjudiciable pour les PME, et surtout qu'il aura des conséquences néfastes sur le bon fonctionnement de l'économie canadienne, qu'il enrayera la croissance économique ou aura un effet paralysant? Est-ce que l'effet paralysant ne concernerait que les grandes entreprises?

Comme l'a signalé M. Strahl à diverses occasions antérieures, il semblerait que vos opinions soient uniquement liées aux intérêts des grandes entreprises qui n'ont rien à craindre dans d'autres pays.

M. William Rowley: Si vous me le permettez, nous vous donnerons une réponse en deux parties, l'une étant fournie par M. James et l'autre par moi-même. Je vous signale d'emblée que si j'ai dit qu'il n'y avait pas eu beaucoup de plaintes au cours de toutes ces années, cela ne signifie pas qu'il n'y en a eu aucune. Il y en a eu. M. Trebilcock défend des causes de ce genre depuis des années. Plusieurs avocats de la partie demanderesse apprécient beaucoup ces causes. Plusieurs économistes qui en profitent apprécient beaucoup également.

Dans le cadre du processus de consultation du Forum des politiques publiques (FPP), plus de 100 mémoires concernant l'accès privé ont été déposés et plus de 52 ont été examinés. Dans la moitié des cas, on n'a même pas donné suite à ces dossiers. En ce qui concerne l'autre moitié, 50 p. 100 étaient pour et 50 p. 100 contre, mais un bon pourcentage des personnes qui étaient en faveur sont celles dont j'ai mentionné le nom.

Si vous examinez les rapports des directeurs publiés sur une période de 30 ans, vous constaterez qu'ils n'ont aucune crainte au sujet d'un éventuel refus d'accès adéquat au tribunal. Deux documents que j'appellerais des livres blancs ont été publiés au sujet des poursuites privées au cours des dix dernières années et, comme je l'ai mentionné, dans le dernier rapport paru, le groupe consultatif a dit qu'il était nécessaire de faire une analyse de rentabilité, parce que ce serait une erreur d'aller de l'avant sans avoir fait une telle analyse, précisant toutefois qu'il n'y avait pas consensus à ce sujet. Peut-être qu'il y en aura un.

M. James peut dire ce qu'il sait au sujet des petites entreprises et je vous conseille de l'écouter attentivement.

M. Arthur James: J'ai déjà été président de la Chambre de commerce du Canada. La Chambre de commerce a, sur mon insistance, consulté ses membres à sept occasions, pour voir si cette question les intéressait ou les préoccupait. La dernière tentative qui a été faite pour connaître les opinions des membres remonte à la dernière comparution de la Chambre de commerce du Canada devant votre comité et hier, elle n'avait pas encore reçu la moindre réponse.

• 1100

M. Dan McTeague: À ce propos, messieurs, nous avons toujours l'impression que vous ne consultez pas vos membres. Certes, l'un de vous a parlé du FPP. M. Ivis, par exemple, représente aujourd'hui un autre organisme alors qu'il y a deux semaines, il représentait la Chambre de commerce du Canada.

Je crois qu'il est difficile de réaliser un consensus quand les cartes sont truquées. Nous essayons en fait d'examiner les préoccupations dont nous ont parlé des témoins. Je ne m'attends pas à ce que des personnes qui ont une plainte légitime à faire vous confient leurs problèmes.

Nous avons entendu les témoignages de représentants de nombreuses chambres de commerce canadiennes, notamment de petites chambres de commerce qui n'ont jamais entendu parler de la position que vous avez adoptée aujourd'hui, c'est-à-dire l'opposition à l'accès privé. De nombreux témoins nous ont dit que ce serait une occasion formidable d'intenter des poursuites devant les tribunaux pour des comportements qui ne vont pas nécessairement à l'encontre de l'intérêt public mais qui entravent néanmoins le processus concurrentiel dans des secteurs qui ne sont généralement pas représentés ici.

La présidente: Posez votre dernière question, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: C'est une question.

Dans votre document, je remarque par exemple que vous avez inscrit mon nom à plusieurs reprises. Je ne me souviens pourtant pas avoir été contacté par la firme Deloitte & Touche, mais c'est peut-être...

Monsieur Rowley, vous avez examiné 11 cas de plaintes non fondées concernant des pratiques examinables dans l'annexe qui commence à la page 194. Je sais que le comité en a examiné au moins cinq ou six. Par conséquent, je suis quelque peu inquiet d'entendre dire qu'il n'y a aucune raison valable de s'intéresser à cette question.

On nous a déjà posé la question... Vous êtes préoccupés au sujet des relations avec le fournisseur, de la distribution, etc. Si un contrat a été passé entre deux personnes—et je crois que vous avez posé la question en ce qui concerne les délits civils, madame la présidente...

La présidente: Posez votre question, je vous prie, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Oui, madame la présidente.

Pouvez-vous nous dire pourquoi vous tenez tant à ce que ces questions soient réglées en cour alors qu'elles pourraient très bien être réglées par le Tribunal de la concurrence dont c'est, bien entendu, la spécialité et dont c'est précisément le mandat?

M. William Rowley: Nous pensons que le tribunal est l'organe auquel il faut s'adresser pour les questions touchant à la Loi sur la concurrence. Notre système, qui est un sujet de convoitise à l'échelle mondiale, permet de régler la question et le commissaire est obligé de s'en occuper.

Nous estimons par ailleurs qu'il faut adopter une méthode pour porter une affaire devant les tribunaux. À l'annexe 5, nous décrivons dix méthodes qui permettent de régler des questions privées concernant des contrats ou des délits civils dans les tribunaux. Nous représentons constamment des personnes qui sont traduites en cour pour des infractions à la Loi sur la concurrence et pour d'autres délits civils ou litiges contractuels liés à la concurrence.

Je vous recommande d'examiner attentivement cette annexe. Je sais que vous n'avez pas eu l'occasion d'examiner la question depuis longtemps. Je sais également que vous organiserez des tables rondes. Nous espérons que cela vous permettra de recueillir des informations utiles, mais les coûts sont incontournables.

La présidente: Merci.

M. A. Neil Campbell (McMillan Binch, Groupe de la politique et du droit de la concurrence): Je voudrais ajouter quelques commentaires à ceux que M. McTeague a déjà faits à propos de l'annexe 4 du document, où il est question de cas non fondés, pour expliquer comment on a procédé.

Toutes les conclusions citées sont tirées des rapports annuels du Bureau de la concurrence, où l'on décrit les enquêtes entamées et l'on signale divers cas où, malgré des plaintes précises, on en a conclu que le comportement n'était pas défavorable à la concurrence, voire qu'il était parfois favorable ou qu'il accroissait l'efficacité.

Monsieur McTeague, si l'objet de votre question est d'insinuer que le bureau n'est pas efficace en ce qui concerne les pratiques examinables, je voudrais faire deux ou trois commentaires à ce sujet.

Nous avons examiné de très près les informations concernant les poursuites dans le rapport proprement dit. Nous n'avons pas pu en arriver à la même conclusion que vous. Cependant, dans la mesure où l'on a l'impression que le Bureau de la concurrence ne détecte pas les problèmes, surtout en ce qui concerne des affaires privées et locales, il serait peut-être souhaitable qu'il publie l'équivalent du rapport VanDuzer au sujet de ses politiques et de ses critères. C'est pourquoi nous avons tenté de suggérer une solution de rechange qui, à notre avis, serait avantageuse pour les petites, moyennes et grandes entreprises, et pour toutes les parties, consistant à faire respecter les lignes directrices de façon plus rigoureuse, à exiger que les décisions soient justifiées et à faire établir des critères d'évaluation de la performance du bureau par la Direction des affaires civiles du Bureau de la concurrence.

En faisant le commentaire que nous avons fait au sujet des petites entreprises, nous ne prétendrions pas parler en leur nom mais nous voulions signaler que cette proposition risque de se retourner contre nous si le Bureau de la concurrence a plus de possibilités de décider que ce n'est pas notre affaire mais que c'est une question privée et locale et que le plaignant devra payer les frais et régler le problème lui-même.

La présidente: Merci, monsieur Campbell.

• 1105

[Français]

Monsieur Bergeron, voulez-vous poser des questions?

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, madame la présidente.

Je ne reviendrai pas sur ce que M. McTeague a dit avec beaucoup d'éloquence. Toutefois, je me dois de dire que nous avons été témoins à maintes reprises, ici au comité, du fait que certaines organisations représentant de grandes entreprises avaient un point de vue sur la question de l'accès privé pour le moins différent de celui des petites ou moyennes entreprises. Comme je l'ai indiqué d'entrée de jeu, je n'ajouterai rien à ce sujet. Je pense que M. McTeague a fait le point de façon fort éloquente. Je veux cependant poser une question aux représentants du Conseil canadien pour le commerce international.

Dans votre mémoire, vous dites, à la section II intitulée Commentaires sur le projet de loi C-23, que:

    Le CCCI exhorte ce comité à limiter ses délibérations aux modifications proposées par le projet C-23 et à se garder d'étendre la portée de l'étude à d'autres questions plus litigieuses. Ces questions ont été reportées pour une bonne raison.

Connaissez-vous cette raison?

Vous continuez, par la suite, en disant:

    On aura suffisamment le temps de traiter de ces questions plus tard, à la suite d'une consultation et d'une analyse plus complètes.

Notre comité veut, justement, entendre les témoins pour savoir s'il y a d'autres éléments, d'autres questions qui pourraient éventuellement faire l'objet de notre étude. Comment, dans un premier temps, conciliez-vous votre exhortation à ne pas étendre notre étude à d'autres questions avec les propositions d'amendement au projet de loi C-23 que vous formulez? Dans un deuxième temps, qu'est-ce qui vous motive à insister autant pour que nous n'élaborions pas ou n'étudiions pas d'autres questions touchant la Loi sur la concurrence?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Katz.

M. Mark Katz: On dirait que j'ai été choisi pour répondre.

Je présume que ce dont il est question, c'est le fait que le processus du FPP implique l'examen de diverses questions. Ce qu'on voulait dire, c'est que les changements qui seraient inclus dans le projet de loi seraient ceux sur lesquels un consensus a été atteint. En ce qui concerne les questions sur lesquelles aucun consensus n'a été atteint, elles feraient éventuellement l'objet de discussions ultérieures si on le juge nécessaire. Voilà ce que nous voulions dire.

Ce que nous suggérons, bien entendu, est que pour activer l'adoption du projet de loi C-23, afin de permettre de faire entrer rapidement en vigueur les dispositions sur lesquelles un consensus a été atteint, vous auriez intérêt à examiner ces questions au lieu de vous embourber dans d'autres considérations. C'était le seul but de cette suggestion.

Je ne pense pas qu'il y ait la moindre contradiction dans la proposition que nous avons faite au sujet du processus lié aux ordonnances par consentement. Nous avons en fait tenté de régler le problème qui a été soulevé par le projet de loi C-23 et de proposer une solution de rechange. Par conséquent, nos suggestions sont indéniablement liées aux propositions que contient le projet de loi. C'était, je le répète, notre seule intention.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Vous me pardonnerez, mais je veux revenir à ma question. Vous dites dans votre mémoire: «Ces questions ont été reportées pour une bonne raison.» Je ne sais pas à quoi vous faisiez allusion lorsque vous avez écrit cela. L'intention de ce comité est, justement, d'entendre un certain nombre de témoins afin de savoir s'il y a d'autres éléments de la Loi sur la concurrence qui nécessitent des amendements, des modifications. Vous semblez présumer d'emblée que ce comité n'a voulu se concentrer que sur les questions évoquées dans le projet de loi C-23. À quoi faisiez-vous allusion lorsque vous avez indiqué: «Ces questions ont été reportées pour une bonne raison»? Quelle est la bonne raison à laquelle vous faisiez référence?

[Traduction]

M. Mark Katz: La bonne raison à laquelle je faisais référence était le fait qu'aucun consensus n'avait été atteint au FPP, au cours des consultations préalables. Je répète que notre opinion est que le comité devrait concentrer ses efforts—c'est, bien entendu, à vous d'en décider—sur les dispositions du projet de loi C-23 faisant l'objet d'un consensus, qu'il devrait s'attacher à faire entrer les dispositions de ce projet de loi en vigueur très rapidement puis examiner éventuellement les questions dont il conviendrait peut-être de discuter plus longuement, comme celle de l'accès privé ou d'autres questions analogues, au cours d'une autre série de consultations. Voilà ce que nous avons suggéré.

La présidente: Avez-vous terminé, monsieur Bergeron?

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Oui, j'ai terminé.

La présidente: Vous avez terminé, d'accord.

• 1110

[Traduction]

La présidente: Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe: Merci, madame la présidente.

Messieurs, je vous remercie pour vos interventions. Nous recevons généralement des représentants qui souhaitent participer à nos audiences parce qu'ils s'intéressent à la politique gouvernementale ou parce qu'ils veulent défendre des intérêts personnels. Ces deux types de motivations sont parfaitement légitimes mais elles vont rarement de pair. Je suppose que c'est un cas où vous défendez des intérêts personnels.

M. William Rowley: Je répondrai le premier.

Pour vous donner quelques précisions au sujet de mes antécédents, j'ai déjà été président de la section du droit commercial de l'Association internationale au Barreau et avant cela, de la section antitrust. L'Association internationale du Barreau fait la promotion de la politique gouvernementale dans le contexte du droit international. Elle expose ses opinions où sont combinés les intérêts commerciaux et les intérêts judiciaires...

M. Joseph Volpe: Je m'excuse. Je ne voulais pas vous insulter. Je ne tiens pas à prêter de mauvaises intentions à quiconque. J'ai dit que ces motivations sont légitimes. Je me demandais toutefois si vous défendiez des intérêts personnels ou...

M. William Rowley: Dans ce cas, je vous répondrai très brièvement.

Les propositions que nous avons faites servent, à notre avis, les intérêts nationaux, la politique gouvernementale et les milieux d'affaires en général, parce que nous avons confiance...

M. Joseph Volpe: Oui, c'est clair...

M. William Rowley: ...dans la législation actuelle. Nous estimons que c'est une des meilleures législations sur la concurrence à l'échelle mondiale.

M. Joseph Volpe: Monsieur Rowley, je ne doute pas que vous soyez très sincère. Si j'ai posé la question, ce n'est pas pour vous mettre sur la défensive mais parce que vous avez mentionné que le Canada a volontairement choisi ce modèle et ce, aux dates que vous avez mentionnées. Par conséquent, je présumais que vous parliez d'un contexte dans lequel ce projet de loi et ce modèle étaient un des éléments importants et en fait un des pivots de la politique gouvernementale.

Je ne suis pas très doué pour l'histoire, mais je pense que plusieurs des principes sur lesquels ont été fondés la politique en matière de concurrence et d'autres modèles économiques et réglementaires ont considérablement évolué depuis la création du modèle de la concurrence que vous venez de mentionner. Par conséquent, je me demande si les prémisses de base sont toujours les mêmes.

Par exemple, jusqu'en 1988, on avait confiance dans ce que l'on pourrait toujours appeler une «politique nationale» conçue pour attirer l'investissement étranger direct tout en protégeant la concurrence canadienne contre les concurrents étrangers. Je crois que tous ces principes ont été abandonnés en 1989, lorsque l'ALENA a été conclu et à nouveau lorsque l'OMC a été créée.

Je me demande si j'ai raison, mais j'ai remarqué que M. James a réagi à l'allusion que M. McTeague a faite aux 15 membres du groupe de la politique de la concurrence qui se débrouillent relativement bien dans un milieu où le modèle de concurrence est différent de celui que vous voulez défendre. En fait, je pense que certaines de leurs filiales défendent ici un modèle qui était acceptable avant 1989 alors que de l'autre côté de la frontière, à Detroit, ces entreprises se débrouillent relativement bien dans un milieu où l'on suit un modèle qui, à vous entendre parler, n'est probablement pas recommandable pour le Canada.

M. William Rowley: Je sais que M. Campbell voulait répondre, mais je vous signale que M. James vous parle de l'expérience dans sa compagnie sous un régime différent.

• 1115

Je signale que le modèle n'a pas changé. En fait, au lieu d'une dizaine de lois sur la concurrence qu'il y avait à l'échelle internationale il y a une dizaine d'années, il y en a maintenant une centaine. C'est le modèle de toute législation sur la concurrence et personne ne s'y oppose. C'est la législation cadre fondamentale qui améliore la situation économique, le bien-être à l'échelle mondiale et le bien-être des consommateurs en particulier. On veut utiliser le meilleur modèle et on ne veut pas y introduire des facteurs de dissuasion. Personne ne souhaite créer de nouveaux obstacles quand la situation économique est déjà très précaire. Et surtout, on ne tient pas à être détourné de ses objectifs—et M. James pourra vous en parler.

M. Joseph Volpe: Avant cela, il faut accepter que les commentaires des membres du comité, les miens y compris, sont aussi sincères que ceux des témoins et que nous approuvons les commentaires que vous venez de faire.

Je suis aussi patriote que mes voisins mais les commentaires que j'entends sur divers modèles, surtout lorsqu'on prononce le mot «convergence», que vous avez utilisé au cours de cette discussion, impliquent que nous devons adopter les modèles prédominants sur le marché. Ce ne sont pas les mêmes que le modèle canadien.

Cela dit, monsieur Rowley, si vous...

M. William Rowley: Est-ce une question?

M. Joseph Volpe: J'y arrive.

Si vous suggérez que le modèle que vous préconisez est celui que les autres pays concurrentiels auront tendance à adopter, dans ce cas, je vous félicite.

La présidente: Monsieur Campbell.

M. Neil Campbell: Je signale que dans l'analyse que nous avons faite dans ce rapport, nous avons examiné les facteurs économiques qui sont prioritaires dans le cadre conceptuel de la concurrence et c'est pourquoi nous estimons que la concurrence est utile. Les opinions sont très différentes lorsqu'il s'agit du comportement impitoyable des cartels qui, de l'avis unanime, est éminemment répréhensible, plutôt que des pratiques de distribution qui sont souvent très efficaces et, en fait, très avantageuses pour les grandes et les petites entreprises étant donné que la distribution se fait par l'intermédiaire de distributeurs et de marchands et non selon une approche fondée sur l'intégration verticale. Et ce sont souvent les domaines d'exclusivité et les ententes commerciales, voire les ententes de regroupement, qui engendrent une situation avantageuse, tant pour les distributeurs et les marchands que pour les consommateurs.

Par exemple, les ventes liées peuvent se présenter sous une forme aussi inattendue que le repas combo chez McDonald. Ce genre de pratique correspond à la définition de «ventes liées». Lorsqu'on observe attentivement, on constate que dans 99 p. 100 des cas, les ventes liées sont efficaces et avantageuses et qu'elles entraînent une diminution des prix et une concurrence accrue.

Ce qu'ont dit les économistes, et qui confirme ceci, c'est qu'il faut être vigilant pour détecter le nombre infime de cas où une contrainte, une restriction territoriale ou une entente d'exclusivité seraient désavantageuses sur le plan de la concurrence. Par conséquent, la notion de pratiques examinables a été adoptée pour permettre aux organismes de surveillance de régler les problèmes sans entraver le plus gros pourcentage des activités qui elles, ne posent aucun problème.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Volpe.

M. Neil Campbell: Je ne pense pas que le modèle économique ait changé dans ce domaine.

La présidente: Je dois passer la parole à quelqu'un d'autre, monsieur Volpe.

Monsieur Strahl.

M. Chuck Strahl: Merci, madame la présidente. Messieurs, je tiens à vous remercier pour votre participation.

Monsieur Rowley, vous avez dit que notre politique en matière de concurrence est l'objet de convoitise à l'échelle mondiale mais, il y a deux ou trois semaines, j'ai lu dans le journal que, d'après l'OCDE, ce n'était pas du tout le cas. Les commentaires qui ont été publiés indiquent que le Bureau de la concurrence du Canada est handicapé par un cadre stratégique qui manque d'homogénéité, par des monopoles nationaux, par des ressources insuffisantes et qu'il a la réputation de ne jouir d'aucune indépendance. Ces commentaires viennent de l'OCDE, qui regroupe également d'autres pays qui ont, d'après moi, des cadres stratégiques très élaborés en matière de concurrence. Le rapport de l'OCDE, dont j'ai demandé au greffier d'essayer d'obtenir un exemplaire, en version intégrale, semble indiquer, du moins dans les commentaires liminaires, que notre Loi sur la concurrence comporte de grosses lacunes.

M. William Rowley: Je suis au courant de la sortie de ce rapport. En fait, j'assistais aux réunions de l'OCDE la veille de sa parution. Je ne l'ai toutefois pas lu. Je crois qu'il s'agit d'une version provisoire. Je pense qu'il s'agit d'un rapport qui concerne les 30 pays membres de l'OCDE et je ne pense pas qu'il soit terminé.

• 1120

En ce qui concerne les commentaires qui ont été faits dans la presse au sujet des fonds insuffisants et du manque d'indépendance—et surtout de la question des fonds—j'espère que tous les témoins que nous avons accueillis seraient d'accord sur le point suivant: si l'on estime que les fonds affectés à la mise en application de cette législation cadre sont insuffisants, il faudrait remédier à cette lacune. On pourrait demander par exemple au commissaire quelle est la situation du bureau canadien par rapport aux organismes correspondants des autres pays du G-8, par exemple.

En ce qui concerne le manque d'indépendance, je pense qu'il s'agit de commentaires qui concernent les banques et les compagnies aériennes, qui sont des cas très particuliers. Pour autant que je sache, le rapport de l'OCDE ne contient pas la moindre critique au sujet de la loi proprement dite. Je sais pertinemment, étant donné que j'évolue dans ces milieux, que la loi canadienne jouit d'une excellente réputation. Nous sommes un des chefs de file en matière de concurrence. Il est vrai que notre loi ne prévoit pas les actions privées en ce qui concerne l'application des dispositions concernant les pratiques examinables. Tenez-vous vraiment à imiter le modèle américain? Parce que c'est ce qui arrivera ou, du moins, c'est un gros risque. Si vous lisez le rapport Baker, vous constaterez... Je vais vous lire la conclusion qui se trouve à la page 227 de ce rapport:

    Le projet d'élargir la portée du droit d'intenter des poursuites dans le cas de conflits essentiellement privés n'en vaut probablement pas la chandelle étant donné les coûts que cela pourrait représenter pour le Canada, c'est-à-dire les coûts associés aux poursuites privées et aux honoraires d'avocats, les coûts publics liés à l'intervention des tribunaux et surtout les coûts que représenteraient les occasions d'affaires manquées dues à l'ambiguïté qui régnerait sur le plan juridique.

M. Baker a été procureur général adjoint en charge de la division antitrust dans le gouvernement Ford. Il est un des experts les plus renommés et il fait des plaidoyers aussi bien pour le compte de parties demanderesses que pour le compte de parties défenderesses. C'est toutefois ce qu'il en a conclu en ce qui concerne les pratiques examinables.

C'est entièrement exact à mon avis. La caractéristique de la politique antitrust—et de la politique gouvernementale en général—est qu'elle est tournée vers l'avenir. Il faut avoir les yeux tournés vers l'avenir et se demander si les avantages seront supérieurs aux coûts en adoptant telle ou telle approche. Il est très difficile de répondre à une telle question. C'est pourquoi le dernier comité a recommandé de faire une analyse de rentabilité très minutieuse avant de prendre un tel risque.

Le groupe précédent a dit qu'il n'y aurait peut-être pas de problèmes; il a dit qu'il faudrait peut-être prévoir des dommages et dans ce cas, on risque d'obtenir un système semblable au système américain.

M. Chuck Strahl: Je crois que personne ne préconise d'adopter le modèle américain; c'est un fait acquis. Si tous les intervenants préconisaient de s'inspirer du modèle américain—nous ouvririons les vannes et il faudrait prévoir des triples dommages-intérêts et tenir compte du passé et du futur à la fois... Personne ne propose cependant d'adopter ce modèle.

D'autres témoins ont dit que ce projet de loi était une mesure assez modeste. Il accorderait un certain droit d'accès privé mais ce n'est pas la même chose que si cela permettait de s'enrichir. Il faudra réfléchir sérieusement à son affaire avant d'entamer des poursuites parce que, comme vous l'avez déjà signalé, ce sera beaucoup trop coûteux pour le faire pour s'amuser. Sous le régime actuel, il sera absolument impossible d'obtenir réparation pour les préjudices déjà subis. Par conséquent, il faudra être très sérieux. Ce n'est pas comme aux États-Unis où si l'on gagne, on décroche le pactole. J'ai l'impression d'avoir entendu beaucoup de témoins parler de juste milieu raisonnable.

Un des facteurs qui affaiblissent considérablement les arguments—et je n'ai pas encore examiné votre livre—, c'est que, lorsqu'on met les avantages et les inconvénients dans la balance, on a l'impression que c'est une approche dont les grandes sociétés pétrolières ne veulent pas alors que les distributeurs et les détaillants l'approuvent. Chapters Books n'en veut pas alors que les petits distributeurs de livres y sont favorables. Plus l'entreprise est grosse et plus il est probable qu'elle s'y oppose.

Si c'est néfaste à ce point pour les petites entreprises, pourquoi ne vous dites-vous pas tout simplement que «ça leur est bon»? Pourquoi ne vous dites-vous pas qu'il faut adopter cette formule et que ça leur coûtera ensuite les yeux de la tête à perpétuité.

• 1125

Je trouve que c'est très bien de se préoccuper des petites entreprises mais il faut accepter l'évidence. Les petites entreprises souhaitent cet accès alors que les grandes entreprises estiment qu'il ne faut pas le leur accorder sous prétexte que ce n'est pas bon pour elles. Si j'étais à votre place, je leur laisserais avoir gain de cause.

M. William Rowley: Nous ne disons pas que c'est néfaste pour elles. Ce que nous voulons dire, c'est que c'est néfaste pour le pays et nous le disons sans détour.

Permettez-moi de faire quelques commentaires au sujet des grandes entreprises. En ce qui me concerne, je représente des grandes entreprises, des entreprises de taille moyenne et de petites entreprises. C'est ce que j'ai fait pendant toute ma carrière. Je suis très fier d'être associé à ce groupe parce que si l'on adopte des mesures défavorables aux grandes entreprises—et nous pensons que c'est très possible—, on rend un mauvais service au pays. En empêchant cela, on rendra également service aux petites et moyennes entreprises.

Je ne suis donc pas ici pour leur rendre service. Je communique les meilleures informations que nous ayons en ce qui concerne une décision stratégique que le gouvernement est sur le point de prendre. Ce que nous voulons dire, c'est qu'après avoir évalué les avantages et les inconvénients, nous sommes fermement convaincus—et c'est ce que les données que nous avons indiquent—que cela entraînerait des coûts très élevés. Les risques d'effets paralysants sont élevés à cause des risques de poursuites stratégiques et parce que, comme je l'ai dit au début, notre système n'est pas rodé.

On ne possède aucune preuve que le système actuel dissuade d'intenter des actions pourtant fondées.

M. Neil Campbell: Me permettez-vous, monsieur Strahl, de préciser que les poursuites stratégiques sont, la plupart du temps, intentées par des concurrents. Nous n'insinuons nullement que les parties demanderesses seront toujours de petites entreprises. Ce sont toutefois très souvent de grandes entreprises qui ont les ressources nécessaires pour intenter des poursuites stratégiques car, en ce qui les concerne, les coûts n'entrent pas en ligne de compte, étant donné que la possibilité de déstabiliser son rival—de lui imposer des frais, de faire révéler des informations à son sujet ou tout simplement de détourner son attention de ses affaires—peut présenter des avantages stratégiques très importants.

Certaines personnes prétendent que ce sont des questions personnelles qui ne concernent que les acheteurs et les vendeurs, mais ce n'est pas du tout le cas en ce qui concerne les ventes liées ou l'exclusivité ou encore les tactiques visant à limiter le marché. Les poursuites seront intentées le plus souvent par un concurrent qui n'a aucun lien avec la relation client-fournisseur. Il peut s'agir du concurrent du fournisseur ou du concurrent d'un marchand qui s'oppose par exemple à ce qu'un concessionnaire régional ait un territoire exclusif et qui souhaite acheter sa marchandise au même fournisseur—pour faire du tort à un commerçant qui a investi dans la promotion d'une marque de produits sur lesquels il a une franchise parfaitement légale.

M. Chuck Strahl: Je ne sais pas si quelqu'un veut répondre à la première partie de ma question, qui portait sur le fait qu'il semblerait que ce soit un juste milieu tout à fait raisonnable pour la plupart des personnes qui ont témoigné. Il n'est pas question d'adopter le modèle américain mais plutôt d'un droit d'accès privé restreint présentant des avantages limités. Le facteur «paralysant» ne présente pas des risques aussi grands que si nous adoptions un cadre semblable au cadre américain.

M. William Rowley: Je répondrai très rapidement en ce qui concerne la question du juste milieu.

Certains témoins vous ont prévenu que «vous devriez à nouveau tenir des consultations à ce sujet si vous recommandiez au gouvernement d'apporter ce changement parce que ce système ne serait pas efficace. Ils ont dit que tout ce beau monde devrait revenir dans trois ans et que vous nous consulteriez alors sur les possibilités d'ajouter des dommages-intérêts—des dommages simples, voire doubles—, afin de créer des précédents et de rendre le système efficace».

On s'engage dans une voie très dangereuse. D'après mon expérience personnelle, la nature des litiges évolue au Canada. Nous nous trouvons dans un marché nord-américain. Les actions intentées par les demandeurs sont devenues plus nombreuses au cours des dernières années dans le domaine de la concurrence et il s'agit principalement de recours collectifs.

Je vous assure que ceux qui en font un métier exigeront davantage. Le système ne serait effectivement pas aussi néfaste que le système américain mais ce n'est pas la question que vous devez vous poser. Ce que vous devriez vous demander... Pardonnez-moi, je ne veux pas vous faire la leçon. Il me semble toutefois que la question que je me poserais serait la suivante: le système actuel est-il inefficace? Dans ce cas, ne serait-il pas possible de le rendre plus efficace? Nous avons recommandé dans notre mémoire diverses méthodes qui permettraient de l'améliorer sans toutefois avoir recours à l'approche que vous proposez qui causerait à notre avis beaucoup de dégâts.

• 1130

La présidente: Merci.

Monsieur Ivis, pour un tout dernier commentaire.

M. Matthew Ivis: C'est une question qui a un rapport avec une question précédente concernant la politique gouvernementale. Je crois que vous auriez peut-être intérêt à prendre du recul et à essayer de voir le problème que nous essayons de résoudre sous un angle différent. Quel est ce problème? Dans ce contexte, c'est celui de l'accès aux poursuites pour les petites entreprises. On nous a présenté une solution pour essayer d'atteindre un consensus.

Plusieurs témoins nous ont parlé de solutions de remplacement. Afin d'établir une bonne politique gouvernementale, nous trouvons qu'il serait peut-être bon d'avoir une discussion approfondie sur ces propositions.

Merci.

La présidente: Merci bien, monsieur Ivis. Je précise que lorsqu'on parle d'accès privé, ce ne sont pas seulement les petites entreprises qui sont concernées; toutes les entreprises auraient cette possibilité.

Je signale aux témoins que nous élaborons la politique gouvernementale de façon très consciencieuse. Notre objectif est d'améliorer la Loi sur la concurrence. C'est pourquoi nous sommes ici.

Sans vouloir les blesser, je rappelle aux témoins que nous avons participé à plusieurs conférences au cours des trois dernières années pour essayer d'expliquer notre rôle et les raisons pour lesquelles nous avons été élus comme législateurs. C'est notre tâche et nous apprécions votre participation au processus.

Nous prenons notre rôle très au sérieux. La plupart d'entre nous ont passé des heures à lire les mémoires et la documentation pour se préparer pour les réunions. Nous n'avons malheureusement reçu votre livre qu'hier après-midi, monsieur Rowley. En outre, étant donné qu'il n'est pas en français, nous avons dû demander la permission avant de pouvoir le distribuer. Par conséquent, les membres du comité viennent seulement de le recevoir et nous y avons jeté un rapide coup d'oeil.

À la suite du premier coup d'oeil que j'y ai jeté, je suis quelque peu agacée de constater qu'on n'y a pas tenu compte de notre rapport provisoire étant donné que nous faisons notre travail très consciencieusement.

J'ai beaucoup de respect pour les membres de votre profession. Plusieurs d'entre nous ont d'ailleurs fait des études de droit. Quelques-uns d'entre nous ont même suivi des cours de droit au Canada et aux États-Unis, avant d'avoir été élus au Parlement, et ont travaillé sous ce régime. Par conséquent, nous examinons ce projet de loi de façon très lucide.

Comme députés, notre tâche est très difficile. Nous pensons que la Loi sur la concurrence et le droit de la concurrence sont des domaines très complexes et très importants. Nous y avons consacré beaucoup de temps au cours des dernières années.

Je pense aux commentaires que M. Trebilcock a fait tout à l'heure; il a parlé de 30 années d'étude. Je me demande combien d'années d'étude supplémentaires seront nécessaires avant de pouvoir prendre une décision. En fin de compte, obtenir un consensus ne signifie pas que 100 p. 100 des personnes concernées sont d'accord parce que ce n'est pas possible qu'absolument toutes les personnes assises autour de cette table soient d'accord. Je ne sais pas très bien quel genre de décision nous prendrons. Je n'ai pas le droit de voter étant donné que je suis présidente. Nous essaierons de nous entendre sur la décision à prendre au sujet du projet de loi C-23.

Il a été renvoyé au comité après la première lecture parce que cela permettrait précisément d'avoir le genre de discussion que nous avons. Par conséquent, je signale à ceux et celles qui pensent qu'il n'aurait pas dû être renvoyé au comité après la première lecture et que nous ne devrions pas être en train d'en discuter, que c'est précisément pour cela. Je n'aurais pas pu l'expliquer de façon plus claire que je ne l'ai fait à la conférence que j'ai donnée au mois de septembre ni à celle que j'avais donnée un an plus tôt, au mois de juin ou encore l'année précédente, au mois de septembre.

J'ai pris la parole devant des groupes d'avocats et de juristes. Je suggère aux membres de la profession qui ne tiennent pas compte des travaux de notre comité ou aux entreprises qui ont commandité ce rapport d'engager quelqu'un pour suivre nos travaux, notamment en ce qui concerne la Loi sur la concurrence, parce que cela fait plusieurs années que nous travaillons là-dessus. Les députés ont consacré beaucoup de temps aux initiatives parlementaires. Nous avons écouté des témoins pendant des heures et consacré des heures à lire des documents et à préparer les réunions.

J'ignore quelle sera la décision du comité, mais j'espère que nous arriverons ensemble à améliorer la Loi sur la concurrence. J'espère que nous aurons l'occasion de nous réunir dans le cadre d'une table ronde pour nous retrouver tous à la même table. Plusieurs témoins que nous avons invités ont décliné notre invitation. Ce refus de participer ne nous aide pas à fonder nos conclusions, que ce soit dans nos rapports provisoires ou dans nos rapports finaux, sur la plus grande diversité d'opinions possible. Je vous encourage donc à participer.

• 1135

La réunion d'aujourd'hui a été très intéressante. Nous avons maintenant beaucoup d'informations à examiner, ce que nous ne manquerons pas de faire. Nous nous sommes réservé une pause de dix jours avant de procéder à l'étude article par article pour donner l'occasion aux membres d'examiner le projet de loi, si nous n'avons plus d'autres informations à obtenir.

Nous vous avons retenus assez longtemps. Nous avons largement dépassé le temps dont nous disposions et j'en suis consciente. Je sais que vous êtes tous très occupés.

Nous suspendrons la séance pour laisser aux autres témoins le temps de prendre place. Je vous remercie.

• 1136




• 1144

La présidente: Les membres pourraient-ils regagner leur place?

• 1145

Nous avons prévu deux groupes de témoins d'ici la fin de la séance. Je vous propose d'écouter tous les exposés puis de passer à la période des questions. Les représentants de la Société canadienne des postes ne sont pas encore arrivés mais nous les inclurons à ce groupe dès leur arrivée. Cela nous laissera plus de temps pour les questions. En outre, les questions analogues pour tous les organismes pourront être posées en une seule fois.

Nous accueillons les représentants de l'Association canadienne de l'immeuble, de l'Association canadienne des agents de voyages, de AT&T Canada Enterprises Inc. et de la Société canadienne des postes.

Nous donnons d'abord la parole aux représentants de l'Association canadienne de l'immeuble.

[Français]

M. Pierre Beauchamp (directeur général, Association canadienne de l'immeuble): Merci beaucoup, madame la présidente.

Premièrement, je ne peux pas, contrairement aux habitudes de l'association, vous remettre la version française de mon texte ce matin. Je m'en excuse.

L'Association canadienne de l'immeuble, madame la présidente, représente environ 65 000 membres au Canada. Ce sont des agents immobiliers et leurs courtiers, qui exercent leurs fonctions dans toutes les régions de notre pays.

[Traduction]

Au Canada, l'expression «agent immobilier» désigne uniquement les membres inscrits de l'association qui sont détenteurs d'un permis. Nos membres sont répartis en 106 chambres d'immeuble et associations immobilières locales, dix associations provinciales ainsi qu'une association territoriale.

Au Canada, les agents immobiliers possèdent la marque de commerce «Multiple Listing Service» (service interagences). En l'an 2000, quelque 374 000 propriétés représentant une valeur d'environ 62 milliards de dollars ont été échangées grâce à ce service.

La plupart d'entre vous ont rencontré des représentants de nos chambres d'immeuble et associations immobilières lorsqu'ils se réunissent une fois par an à Ottawa pour leur conférence d'action politique. La plupart de nos membres sont de petits entrepreneurs, c'est-à-dire qu'il s'agit de courtiers en immeubles indépendants qui ont établi quelque 6 000 bureaux de courtage au Canada.

L'Association canadienne de l'immeuble a été représentée à la table ronde qui a eu lieu l'année dernière au sujet des quatre projets de loi d'initiative parlementaire. Notre association a également remis directement des mémoires au Forum des politiques publiques.

Le secteur immobilier, comme la plupart des secteurs, est assujetti à la législation sur la concurrence. L'association canadienne a déjà eu affaire au Bureau de la concurrence. En fait, nous avons négocié une ordonnance globale d'interdiction par consentement en 1998 et nous avons fait l'objet d'une ordonnance en vertu de l'article 11 nous obligeant à présenter des documents concernant une campagne publicitaire nationale, dans les années 90.

Aucune chambre d'immeuble, association provinciale ou association territoriale ni même l'Association canadienne de l'immeuble n'ont fait l'objet de poursuites aux termes de la loi à la suite de ces deux ordonnances.

Nos contacts antérieurs avec le Bureau de la concurrence et les programmes que nous avons adoptés ultérieurement pour sensibiliser nos membres à la loi témoignent du vif intérêt que nous portons à ce projet de loi.

Je cède la place à notre avocate législative en chef, Marcia McGuire, qui vous fera part d'une des principales préoccupations de l'Association canadienne de l'immeuble au sujet du projet de loi C-23.

Mme Marcia McGuire (avocate législative en chef, Association canadienne de l'immeuble): Madame la présidente, nous sommes surtout préoccupés au sujet de tout amendement de fond qui modifierait la portée du projet de loi C-23. Nous nous sommes intéressés surtout à la disposition concernant le droit d'accès privé qui a été proposée.

Nous sommes conscients que vous envisagez d'apporter un amendement pour faciliter l'accès privé à la Loi sur la concurrence. Il s'agit d'un amendement important qui est très controversé. Des arguments très convaincants ont été invoqués pour tenter de démontrer qu'il serait inopportun d'apporter un tel amendement. On craint fort en effet que les parties privées n'abusent d'un tel droit d'accès direct pour obtenir des avantages stratégiques injustes. Je sais que de nombreux témoins vous ont mis en garde à ce sujet.

Nous pensons que les particuliers risquent d'avoir recours au tribunal dans leur intérêt personnel. Ils pourraient forcer des entreprises à faire des dépenses considérables sans compter les inconvénients de devoir se défendre contre d'éventuelles poursuites non fondées.

• 1150

Actuellement, le Bureau de la concurrence joue un rôle important du fait qu'il s'attache à éviter que des poursuites non fondées soient intentées devant les tribunaux. Bien que l'on ait suggéré de ne permettre à des particuliers d'intenter des poursuites qu'avec l'autorisation du tribunal, ce n'est pas particulièrement rassurant pour autant. Il n'est pas toujours visible d'emblée que les poursuites à des fins stratégiques sont non fondées ou qu'elles ont pour but de nuire. Le rôle de gardien joué par le bureau est important et il ne devrait pas être confié à un tribunal. L'Association canadienne de l'immeuble n'a aucune assurance qu'un mécanisme de sélection satisfaisant restera en place si une modification de cette nature était adoptée.

À notre connaissance, aucun membre de notre industrie n'a subi de préjudice sous le régime de la loi actuelle. Par conséquent, nous n'estimons pas qu'il soit urgent d'y apporter des modifications.

Le processus de consultations publiques a révélé qu'il n'y a pas consensus quant à l'opportunité d'accorder un droit d'accès privé ou quant aux conditions auxquelles cet accès doit être soumis. Le processus de consultations qui a suivi la présentation des quatre projets de loi d'initiative parlementaire l'année dernière a révélé d'importantes divergences d'opinions au sujet de cette proposition. Comme l'a signalé le Forum des politiques publiques dans son rapport au commissaire à la concurrence, il y avait des divergences d'opinions quant à l'opportunité d'adopter cette proposition.

Des opinions divergentes ont également été exprimées en ce qui concerne les modifications proposées à l'article 45 de la loi, ce qui a donné lieu à une étude plus approfondie des dispositions de cet article. À notre avis, il faudrait également entreprendre une étude encore plus poussée avant d'adopter des modifications permettant l'accès privé. Dans les circonstances actuelles, nous estimons qu'il serait déplacé de forcer des entreprises privées à payer les frais d'élaboration de la jurisprudence. Cette proposition laisse présumer que le commissaire omet ou refuse actuellement d'intenter des poursuites. Nous n'en avons aucune preuve. Et s'il y a des preuves, elles devraient être communiquées aux intervenants. Si c'était le cas, nous dirions que la solution consiste à accorder des fonds suffisants au bureau.

En outre, l'octroi à des parties privées du droit d'intenter des poursuites devant le Tribunal de la concurrence risque de dissuader certaines personnes de porter des plaintes légitimes à l'attention du commissaire. Cela risque de saper à la longue l'efficacité du commissaire et de contrecarrer les efforts qu'il fait actuellement en négociant avec les parties, pour mettre en application les dispositions de la loi concernant les pratiques commerciales examinables. Si les parties privées ont des préoccupations au sujet de la décision du bureau d'intenter des poursuites, la meilleure solution serait d'établir une meilleure communication entre le bureau et le plaignant.

On pourrait autoriser le commissaire ou l'obliger à expliquer les motifs pour lesquels des poursuites n'ont pas été intentées devant le tribunal à la suite de certaines plaintes. On pourrait aussi lui donner des ressources accrues dans la mesure où il en a besoin, pour veiller à ce que toute préoccupation légitime dans le contexte de la concurrence soit examinée de façon rapide et efficace.

M. Pierre Beauchamp: Madame la présidente, nous sommes très conscients que la question a été présentée comme un affrontement entre les grandes compagnies et les petites entreprises. L'Association canadienne de l'immeuble estime que le droit d'accès privé n'est pas avantageux pour les petites entreprises. Étant donné que l'on ne possède aucune preuve convaincante qu'il est nécessaire et qu'il servirait l'intérêt public, nous nous opposons à cette modification.

Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de participer et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous passons la parole au représentant de l'Association canadienne des agents de voyages, M. Martin Taller. Allez-y.

M. Martin Taller (président, Ports of Call Travel Services Ltd.; Association canadienne des agents de voyages): Merci, madame la présidente. Nous vous félicitons de nous donner cette occasion d'exprimer nos opinions au sujet de ce projet de loi avant sa deuxième lecture.

Comme propriétaire et exploitant d'une des 5 000 agences de voyages du Canada, je suis heureux d'avoir l'occasion de commenter les modifications à la Loi sur la concurrence.

La concurrence est une expérience quotidienne dans un secteur dominé par un gros fournisseur qui devient également un détaillant. Dans ce contexte, l'ACTA présente trois points. Premièrement, nous aimerions aborder brièvement la question des pouvoirs élargis accordés au tribunal. Deuxièmement, nous aimerions attirer votre attention sur les répercussions que risque d'avoir la dernière série de modifications à la Loi sur la concurrence. Et troisièmement, nous aimerions suggérer quelques points à inclure à l'ordre du jour des prochaines discussions sur les modifications législatives.

• 1155

Étant donné que le gouvernement a prévu des garanties en même temps que les modifications qui se trouvent dans le projet de loi C-23, l'ACTA appuie une possibilité d'accès direct restreint au tribunal. Nous sommes d'avis que les petites et moyennes entreprises devraient se voir accorder cette possibilité additionnelle de trouver une solution à ce qu'elles croient être des pratiques déloyales. Tout comme les procédures en cour des petites créances, une telle disposition n'aurait peut-être pas d'effet mesurable au niveau macroéconomique et, pour cette raison, risque de ne pas intéresser le bureau. Toutefois, certaines entreprises pourraient en tirer avantage dans leurs opérations d'achats et de ventes.

Ensuite, vous vous souvenez peut-être qu'à l'époque où a été présenté le projet de loi C-26 concernant la restructuration du transport aérien, l'article 4 de la Loi sur la concurrence a été modifié pour permettre aux agences de voyages de faire front commun pour négocier collectivement avec le fournisseur de services aériens dominant afin de recevoir une juste compensation. Un comité spécial représentant toutes les agences de voyages avait été formé et avait amorcé, en toute bonne foi, pour entreprendre des négociations avec Air Canada. Après des mois de lents progrès, le transporteur dominant annonça, le 27 août, qu'il réduisait les taux de commission unilatéralement, mettant ainsi définitivement un terme à toute négociation.

L'intention du Parlement d'introduire un outil législatif de négociation pour les agents de voyages a été contrecarrée. Aujourd'hui, le comité a la possibilité de s'assurer que la volonté du Parlement soit respectée. L'ACTA propose que le projet de loi C-23 soit modifié par l'ajout d'un nouvel article réaffirmant les dispositions de l'article 4. Nous demandons essentiellement la mise sur pied d'un processus d'arbitrage qui traiterait de situations comme la rupture de négociations.

Ayant exprimé la volonté d'obtenir des résultats, le Parlement devrait faire en sorte que les moyens d'y arriver soient également inscrits dans la loi. Le genre de disposition d'arbitrage à laquelle nous pensons est mentionné dans l'ordonnance par consentement qu'a approuvée le Tribunal de la concurrence dans le projet de fusion entre Indigo et Chapters. Pour remédier au manque de concurrence, le distributeur dominant a dû accepter d'être assujetti à un code de conduite qui établit des conditions commerciales de base dans les contrats qu'il négocie avec les maisons d'édition. En cas de désaccord soulevé par l'application de cette procédure, un processus d'arbitrage a été mis sur pied. L'ACTA aimerait que l'industrie du transport aérien bénéficie d'un processus analogue.

Enfin, je signale que le gouvernement a indiqué clairement son intention de procéder par étapes aux modifications de la Loi sur la concurrence. Aussi, l'ACTA aimerait vous soumettre deux points à examiner: il s'agit de modifications à l'article 45 et à l'article 78 de la Loi sur la concurrence.

L'ACTA est heureuse de constater que le Bureau de la concurrence consulte maintenant des experts pour lui indiquer comment nous pouvons mieux gérer, ici au Canada, le nombre croissant d'ententes complexes entre concurrents. Il y a un besoin manifeste, à notre époque de communications faciles et de partage de l'information, de revoir l'article 45. D'une part, il faut mettre sur pied une procédure civile qui puisse assujettir les alliances stratégiques et les coentreprises à un contrôle de vraisemblance et d'autre part, une procédure criminelle qui puisse sévir contre les cas patents de collusion, sans égard à leurs effets sur la concurrence.

Depuis quelque temps, l'ACTA soulève la question en ce qui concerne les alliances mondiales et la création d'Orbis, une agence en ligne créée par les cinq plus grosses compagnies aériennes. À partir de quand la coopération devient-elle de la collusion?

Les articles 78 et 79 de la Loi qui régissent l'abus de dominance constituent un autre point que l'ACTA voudrait que l'on clarifie lors des prochaines modifications. En l'absence de concurrence, il est important que les décideurs surveillent de très près le comportement de l'entreprise ou des entreprises dominantes. Ce comportement se manifeste verticalement et horizontalement à la fois. Il ne faut pas surveiller seulement la façon dont elles traitent leurs rivaux potentiels dans leur principal secteur d'activité mais aussi comment elles traitent les entreprises en amont et en aval avec lesquelles elles entrent quelquefois en concurrence.

L'ACTA souhaiterait que les expressions «dans le but de» et «ayant pour objectif de» de l'article 78 soient remplacées par l'expression «ayant l'effet probable de». Ces modifications feraient en sorte que l'attention soit portée non pas sur les motifs pour lesquels cette entreprise a certains agissements mais plutôt sur le comportement qu'elle a adopté pour maintenir ou accroître sa position dominante.

En conclusion, l'ACTA demande au comité de considérer sérieusement les modifications qu'elle propose d'apporter à l'article 4 et de maintenir une surveillance étroite sur l'état de la concurrence dans notre pays. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Merci, monsieur Taller.

Nous passons maintenant la parole à M. Chris Peirce, de AT&T Canada Enterprises Inc.

M. Chris Peirce (vice-président, Affaires gouvernementales, AT&T Canada Enterprises Inc.): Merci, madame la présidente. Je vous remercie pour l'occasion que vous nous donnez de participer à votre réunion.

• 1200

J'ai remis au greffier des exemplaires de notre mémoire en version anglaise et en version française. Étant donné que vous souhaitez que les discussions soient axées sur certaines questions et que plusieurs de ces questions ont été examinées sous toutes les coutures par plusieurs témoins, je ne lirai pas la lettre intégralement. Je résumerai plutôt très brièvement le mémoire à votre intention.

Je voudrais d'abord vous donner quelques informations au sujet de AT&T Canada, expliquer quels sont les fournisseurs concurrentiels dans le secteur des télécommunications et vous parler de leurs commentaires au sujet des modifications à la Loi sur la concurrence. AT&T Canada est le principal fournisseur de services concurrentiels de télécommunications du Canada. Par conséquent, il s'agit d'une entreprise d'une certaine taille. Nous avons plus de 500 000 lignes d'accès en service, avec des installations dans 29 villes du pays, et 3 300 immeubles commerciaux contenant les installations nécessaires à la fourniture des services. Nos revenus annuels s'élèvent à plus de 1,5 milliard de dollars. Nous ne sommes toutefois pas un acteur important dans le secteur des télécommunications. Notre part du marché global des télécommunications est inférieure à 10 p. 100 et celle du marché d'affaires local que nous ciblons est inférieure à 5 p. 100.

Nous avons joint à la lettre trois figures qui expliquent où se situent nos concurrents dans le contexte du secteur des télécommunications. La première est une figure à colonnes qui concerne le marché d'affaires au Canada. La partie en bleu représente la part de marché des titulaires, c'est-à-dire principalement Bell Canada et TELUS. La partie en rouge indique la part de marché concurrentielle. De même, en ce qui concerne le marché résidentiel, la partie en bleu représente le marché en propre et la partie en rouge, les fournisseurs concurrents. Et enfin, en ce qui concerne la rentabilité des titulaires par rapport à celle des concurrents, sur la dernière figure, les colonnes en blanc représentent les bénéfices établis. Les colonnes en bleu sous la ligne représentent les pertes des fournisseurs concurrents qui indiquent une tendance à la croissance des taux de rendement et de rentabilité des titulaires à la suite de la déréglementation partielle et l'accroissement des pertes des concurrents à long terme.

Par ailleurs, même si elle a investi 2 milliards de dollars dans les installations au Canada depuis trois ou quatre ans, une entreprise comme AT&T Canada continue à payer aux titulaires des sommes annuelles représentant environ 55 p. 100 de ses coûts directs, autrement dit les fournisseurs concurrentiels paient ensemble quelque 750 millions de dollars pour les installations et les services des titulaires dont ils ont besoin pour leur faire concurrence.

Enfin, la plupart des clients des fournisseurs concurrentiels sont d'ex-clients des titulaires. Bien entendu, le secteur des télécommunications est réglementé en partie par une agence de réglementation, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), et il est en partie non réglementé, dans les secteurs où le CRTC a jugé que la concurrence est suffisante et que les concurrents sont sur un pied d'égalité. Les entreprises se font toutefois concurrence de façon convergente et par conséquent, les fournisseurs titulaires sont intégrés verticalement et pour les fournisseurs concurrentiels, la menace d'un comportement anticoncurrentiel est omniprésente et il est très difficile de s'en protéger.

Nous félicitons par conséquent le comité et le gouvernement d'entreprendre une réforme de la Loi sur la concurrence. Les questions qui nous concernent sont en premier lieu les ordonnances provisoires. Nous sommes en faveur de ces ordonnances provisoires et de l'élargissement du pouvoir du tribunal de prendre ce type d'ordonnances. Nous approuvons la plupart des commentaires faits au gouvernement par le commissaire à la concurrence, au mois d'octobre, qui laissaient présager des modifications législatives concernant les compagnies aériennes. Je crois que ce genre de modifications seraient d'autant plus applicables au secteur de l'économie où un fournisseur dominant et des fournisseurs concurrents luttent pour une part de marché.

Étant donné la brièveté du délai de validité de l'ordonnance provisoire prévu dans le projet de loi, nous sommes également en faveur de l'absence d'avis. Dans le contexte dans lequel les fournisseurs concurrents se trouvent, celui du fardeau inversé de la preuve en quelque sorte, où un acteur dominant doit présenter une demande d'examen d'une ordonnance provisoire lorsque le tribunal a jugé qu'il avait des motifs de l'accorder, engendre la nécessité d'une intervention pour empêcher la poursuite d'un comportement anticoncurrentiel pendant l'examen de la question.

• 1205

Nous approuvons les pouvoirs supplémentaires accordés au tribunal en vertu du projet de loi, qui lui permettraient de traiter des demandes par procédure sommaire et d'accorder des frais. Nous pensons que le pouvoir d'accorder des frais devrait être plus généralisé, comme dans le cas des litiges normaux où les frais peuvent être accordés à la partie qui a gain de cause.

Enfin, nous approuvons vigoureusement le droit d'accès privé au Tribunal de la concurrence. Nous pensons que cet aspect, aux termes des dispositions de la partie VIII de la loi, devrait être aussi généralisé que possible. À cet égard, nous ne sommes pas d'accord avec certains autres membres de ce groupe de témoins. Les pouvoirs supplémentaires que ce projet de loi attribuerait au tribunal donneraient au tribunal et à la partie défenderesse la possibilité de se défendre contre toute éventualité de recours à la loi à des fins stratégiques ou dans le but de nuire.

Nous ne pensons vraiment pas que l'accès privé entraînerait un déluge de litiges, comme le prétendent ceux qui s'opposent à l'accès privé. Les coûts liés aux poursuites, la dynamique du marché et la capacité du tribunal de traiter par procédure sommaire assureraient, à notre avis, une ample protection à cet égard. Le droit d'accès privé contribuerait à atteindre l'objectif ultime de la loi qui est de contribuer autant que possible à créer un système de concurrence équitable au Canada.

Nous serions également en faveur de donner aux parties privées qui intentent des poursuites devant le tribunal la possibilité d'obtenir des dommages-intérêts lorsqu'il est prouvé que le comportement visé constitue une infraction aux dispositions de la loi. Sur ce point, je suis d'accord avec M. Trebilcock: nous avons de la difficulté à comprendre pourquoi une partie jugée responsable d'actes qui constituent une infraction à la loi ne devrait pas assumer la responsabilité de ces actes en payant des dommages-intérêts.

Enfin, les modifications générales apportées à la Loi sur la concurrence seraient très utiles pour le Canada, pour l'économie canadienne ainsi que pour les fournisseurs concurrentiels et des secteurs comme celui des télécommunications. Nous vous encourageons à poursuivre le processus de renforcement et d'examen de la Loi sur la concurrence.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Peirce.

Je voudrais savoir si M. Ian Scott, de Sprint Canada, a des observations liminaires à faire.

M. Ian Scott (vice-président, Affaires gouvernementales, Call-Net Enterprises Inc.): Bonjour. Je vous remercie. Je vous suis reconnaissant pour l'occasion que vous nous donnez de faire quelques brefs commentaires sur le projet de loi C-23 au nom de Call-Net Enterprises.

Étant donné que le temps passe, je me contenterai de faire des commentaires sur quelques questions qui préoccupent au plus haut point Call-Net Enterprises.

Je m'appelle Ian Scott. Je suis vice-président des affaires gouvernementales de Call-Net. Call-Net est un des principaux fournisseurs intégrés de services de télécommunications. La société fournit des services à la fois aux entreprises et à une clientèle résidentielle. Elle est mieux connue sous le nom de Sprint Canada. Le siège social de Call-Net se trouve à Toronto. La société possède et exploite un vaste réseau national de télécommunications. Comme la compagnie de M. Peirce, notre société est en concurrence avec les ex-grands monopoles du secteur des communications téléphoniques.

Je m'abstiendrai de faire des commentaires analogues à ceux de M. Peirce, mais dans le contexte du paysage concurrentiel canadien, notre société et AT&T sont des concurrents importants, dans presque tous les secteurs du marché des services téléphoniques, d'entreprises comme Bell Canada et TELUS qui détenaient un monopole. C'est dans ce contexte que nous nous intéressons de très près aux modifications présentes et futures à la Loi sur la concurrence.

On a tendance à déréglementer le secteur pour faire place de plus en plus à la concurrence. Le rôle des organismes de surveillance ne cessera de prendre de l'importance pour les entreprises qui se font concurrence sur ce marché important. Même pour de grandes entreprises nationales comme la nôtre, les temps sont durs à cause de la concurrence avec les grandes sociétés de téléphone qui dominent le marché. Par conséquent, les modifications à la Loi sur la concurrence revêtent une très grande importance à nos yeux. C'est pourquoi nous vous soutenons dans vos travaux et nous approuvons la décision du gouvernement d'examiner et de moderniser le droit canadien de la concurrence.

• 1210

Si j'ai bien compris, le commissaire à la concurrence a laissé entrevoir la possibilité que vous examiniez plus tard des modifications relatives à d'autres dispositions de la loi, notamment celles qui concernent l'abus de position dominante.

Je vous prie d'examiner minutieusement ces dispositions de la loi et les dispositions législatives relatives à d'autres organismes fédéraux de réglementation—notamment la question de compétence parallèle des organismes de surveillance en matière de concurrence et d'un organisme de réglementation comme le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Je crois que ce serait très important.

En ce qui concerne le projet de loi à l'étude, je parlerai uniquement du droit d'accès privé au Tribunal de la concurrence. Je crois que c'est une question importante qu'il convient de régler dans les plus brefs délais. D'une façon générale, je suis du même avis que M. Howard Wetston, l'ex-commissaire à la concurrence, à savoir qu'il n'y a aucune raison valable que le commissaire soit la seule personne à avoir accès au tribunal.

Je pense que la question d'un droit d'accès privé au tribunal et des dommages devrait être analysée de façon plus généralisée. Il me semble que l'objet du débat ne soit pas tant un droit d'accès que des préoccupations concernant d'éventuelles poursuites stratégiques ou un abus de l'accès privé. Si c'est bien le cas, il faudrait s'attacher à régler la question des poursuites stratégiques au lieu d'hésiter à introduire le droit d'accès privé.

En ce qui concerne l'amendement proposé, on ne devrait pas hésiter le moindrement à l'adopter. Le droit d'accès privé serait limité à des domaines liés principalement à des litiges personnels entre acheteurs et vendeurs, surtout en ce qui concerne les dispositions relatives au refus de vendre, aux ventes liées, à la limitation du marché et à l'exclusivité. En ce qui concerne les garanties appropriées comme celles que renferment les dispositions du projet de loi concernant les jugements sommaires et les coûts, un droit d'accès privé compléterait les rôles respectifs du commissaire à la concurrence et du tribunal.

En ce qui concerne les préoccupations qui ont été exprimées quant à une utilisation stratégique du droit d'accès dans le contexte des articles 75 et 77 ou le risque d'un déluge de litiges, j'estime qu'elles ne sont pas fondées. Les coûts liés aux poursuites, la dynamique du marché et la capacité du tribunal de traiter les requêtes par procédure sommaire et d'accorder les frais limiteront efficacement ce genre de comportement.

Je vous remercie. Voilà les commentaires que je voulais faire, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Scott.

Je donne la parole aux représentants de la Société canadienne des postes, M. Gerard Power, avocat-conseil général et secrétaire de la société, et M. Marc-André Leblanc, avocat-conseil. Quand ils auront terminé leur exposé, nous poserons les questions en bloc, si cela vous convient.

M. Gerard Power (avocat-conseil général et secrétaire de la société, Société canadienne des postes): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie de nous donner l'occasion de faire des commentaires au sujet de ce projet de loi important au nom de la Société canadienne des postes. Postes Canada a eu le plaisir de participer au processus de consultations amorcé par le Forum des politiques publiques. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-23 reflète bien le consensus qui nous semble avoir été forgé durant le processus de consultations.

On ne peut surestimer l'importance de la Loi sur la concurrence dans le cadre de la législation touchant l'économie canadienne. Nous sommes ravis de constater que cette Loi est en train d'être modernisée de façon méthodique et réfléchie.

Le but de nos commentaires est d'exprimer l'appui de Postes Canada quant au contenu du projet de loi C-23 tel qu'il se présente actuellement et de faire le point sur nos efforts en ce qui concerne l'utilisation du courrier par des télévendeurs dénués de scrupules, et de participer au débat en cours sur l'accès privé au Tribunal de la concurrence.

Tout comme les autres dispositions du projet de loi C-23, Postes Canada appuie entièrement les modifications proposées à l'égard d'envois de jeux qui visent à tromper le destinataire et à l'inciter à payer un montant supérieur au prix gagné, quand prix il y a. Nous notons que certains sont d'avis qu'il y a lieu d'apporter certaines précisions au libellé pour s'assurer que les dispositions ne sont pas interprétées comme une interdiction de tout concours promotionnel.

Ces concours promotionnels sont, comme nous le savons tous, très populaires auprès des consommateurs et des annonceurs. Il serait regrettable que certains commerçants légitimes décident de ne plus organiser de concours publicitaires pour promouvoir leurs produits et services parce qu'ils auraient interprété trop prudemment l'article 53, tel que précédemment proposé. Conséquemment, nous sommes grandement favorables à l'esprit de l'article 53 et à la suggestion de clarifier son libellé.

Postes Canada a mobilisé les ressources qui sont à sa disposition afin de sensibiliser le public au danger potentiel que posent les promotions de vente frauduleuses. Notre site Web présente de l'information détaillée au sujet de diverses tactiques frauduleuses. Nous avons installé des affiches contre le marketing trompeur et des affiches avisant le public du service Phone Busters dans des milliers de bureaux de poste à l'échelle du pays.

• 1215

Postes Canada est un des membres fondateurs du Forum de prévention du télémarketing trompeur et notre contribution demeure une des plus importantes à ce jour. Nous avons aussi développé des partenariats à l'échelle nationale avec Échec au crime (Info Crime) et avec le Conseil canadien des bureaux d'éthique commerciale. Nous avons aussi sensibilisé nos propres employés au problème, quelque 55 000 d'entre eux, et nous les avons encouragés à alerter les autres citoyens. Nos retraités vont dans les centres d'achats et y installent des stands dans le but de sensibiliser les Canadiens aux dangers du télémarketing frauduleux.

Nous sommes d'avis que l'éducation du public est la façon la plus efficace de combattre de genre de fraude. Cependant, nous avons également des outils légaux à notre disposition pour combattre ces abus. Postes Canada a communiqué avec les autorités policières fédérales, provinciales et municipales d'un bout à l'autre du pays pour leur expliquer les dispositions actuelles de la Loi sur la Société des postes dont ils peuvent se prévaloir dans les cas d'utilisation illégale du courrier.

Comme vous le savez, les Canadiens jouissent de la liberté de communiquer par courrier sans censure, mais pour faire contrepoids, en cas d'abus, les privilèges des contrevenants peuvent être suspendus par décret du ministre responsable de la société. La personne visée par un tel arrêté d'interdiction peut par contre demander que la décision du ministre soit examinée par un comité de révision. La décision finale du ministre peut également être examinée par la Cour fédérale.

Au cours de l'année dernière, des ordonnances ont été prises contre des entreprises et des particuliers qui s'adonnaient à des pratiques de marketing frauduleuses. Ces ordonnances ont été soumises à un comité de révision qui, à la demande des intimés, a ajourné sine die. Autrement dit, les ordonnances sont restées en vigueur et ces combines ont été interdites. Plusieurs milliers d'envois postaux ont été saisis et des personnes qui auraient été victimes de fraude ont ainsi été protégées.

En ce qui concerne la question de l'accès privé, alors qu'il semble y avoir un consensus au sujet des autres modifications, lors de notre participation aux séances de consultation du Forum des politiques publiques, il nous a semblé évident que ce n'était pas le cas pour cette question. Il est clair d'après les mémoires qui ont été présentés pendant le processus de consultations que les opinions sont très partagées.

Postes Canada n'est que trop conscient du coût énorme, tant en perte de temps pour la direction de l'entreprise qu'en honoraires d'experts juridiques et autres experts, qu'engendre une poursuite portée devant un tribunal pour des raisons stratégiques. United Parcel Service continue d'avoir recours à toutes les procédures administratives possibles dans la campagne acharnée qu'elle mène pour saper Postes Canada et obtenir de cette façon un avantage concurrentiel.

Alors que l'attitude des Canadiens vis-à-vis des litiges est plus proche de celle des Européens et des Australiens, nous ne pouvons pas ignorer la présence croissante dans l'économie canadienne d'entreprises américaines issues d'une culture où les litiges stratégiques sont monnaie courante. Ce sont des entreprises très riches. Les entreprises canadiennes ne possèdent pas les milliards de dollars nécessaires que peuvent obtenir les entreprises américaines sur les marchés boursiers pour financer des campagnes de ce genre.

Le coût d'un litige devant le Tribunal de la concurrence est tellement élevé que la plupart des entreprises canadiennes préfèrent laisser tomber une pratique ou un marché plutôt que de se défendre. Le résultat aura pour effet de réduire la concurrence et procurera un avantage supplémentaire aux grandes compagnies internationales qui possèdent les ressources financières nécessaires pour intenter des poursuites stratégiques.

Nous avons noté que le commissaire actuel et que l'ancien directeur semblaient favoriser une forme ou une autre d'accès privé parce qu'ils estiment que le Bureau de la concurrence n'a pas suffisamment de ressources pour poursuivre toutes les réclamations fondées. Cependant, on n'a pratiquement pas tenu compte des ressources dont le tribunal aurait besoin s'il devait entendre un plus grand nombre de causes. Nous savons que le bureau rejette chaque année des centaines de plaintes dénuées de tout intérêt. Si ceci devait cesser, le tribunal, même s'il peut avoir recours à une procédure sommaire, serait surchargé de travail au détriment de questions plus importantes qui ont une incidence sur la concurrence à l'échelle nationale.

C'est d'autant plus vrai que l'on ne sait pas encore comment le bureau, qui jouerait toujours un rôle actif, pourrait réaliser des économies qui compenseraient l'augmentation des frais du tribunal. D'après les rapports annuels du bureau, nous savons que les coûts d'enregistrement, les honoraires des consultations et les amendes perçues par les poursuites légales produisent des recettes bien supérieures à son budget annuel. Conséquemment, il semble y avoir suffisamment de fonds pour que le bureau puisse remplir son mandat qui est de faire respecter la loi, ce qui est primordial pour préserver un environnement concurrentiel sain.

• 1220

Il est clair qu'il est préférable de poursuivre les délibérations afin de trouver un moyen de traiter de façon efficace et équitable toutes les plaintes litigieuses reliées aux pratiques anticoncurrentielles assujetties au contrôle du tribunal. Nous avons noté que plusieurs excellentes suggestions ont déjà été faites au comité. Du même coup, il a été fortement suggéré au comité que la question est beaucoup trop importante pour clore le débat avant que ne soit complété le processus de mûre réflexion qui a si bien encadré les modifications à la Loi sur la concurrence dans le passé.

Merci encore pour votre invitation. Postes Canada se fera un grand plaisir de poursuivre sa participation aux consultations. Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Power.

Nous passons maintenant à la période des questions. Je vous rappelle que nous devrons probablement terminer vers 13 heures. Par conséquent, j'apprécierais que les préambules soient brefs.

Monsieur Rajotte.

M. James Rajotte: Merci, madame la présidente.

Je remercie les témoins. Il y a des divergences d'opinions très saines entre nous et je crois que c'est utile, surtout en ce qui concerne la décision que nous devons prendre au sujet du droit d'accès privé.

Je voudrais poursuivre la discussion et c'est d'abord à vous, monsieur Peirce, que je m'adresse.

Dans votre exposé, vous dites que vous n'êtes pas préoccupé au sujet d'éventuelles poursuites stratégiques parce que la capacité du tribunal de traiter par procédure sommaire les requêtes et d'accorder les frais limitera efficacement le nombre de plaintes. Je crois que M. Scott a fait un commentaire très semblable. Pouvez-vous toutefois dire comment vous régleriez le problème soulevé par Mme McGuire qui craint que les poursuites stratégiques ne semblent pas, à première vue, être dénuées de fondement ou être intentées dans le but de nuire? Je suppose qu'elle veut dire que si une entreprise a recours aux services d'un cabinet d'avocats spécialisé en la matière, il sera très difficile de rejeter d'emblée la requête.

J'aimerais donc que vous répondiez à cette question et j'apprécierais aussi que Mme McGuire fasse des commentaires...

La présidente: Monsieur Peirce.

M. Chris Peirce: Je pense que l'expression «poursuites stratégiques» est extrêmement vague. Il y a au Canada des tribunaux de compétence générale. À ce propos, il y a un proverbe qui dit notamment que si une partie a la perception d'avoir été victime d'un préjudice dans quelque autre domaine d'activité, en raison d'un contrat, d'un délit civil ou pour toute autre raison, il y a des circonstances où l'on ne veut pas que cette personne ait la capacité d'avoir accès à un décideur indépendant.

Le seul fait de s'adresser à une autorité pour essayer de mettre un terme à un comportement quand on a l'impression d'avoir été lésé ou que quelqu'un ne respecte pas les règles du jeu est en soi une stratégie. Que faire pour empêcher un recours abusif à ce droit? Nous donnons à l'autorité le pouvoir de régler l'affaire de façon sommaire ou d'imposer des frais à une partie qui abuse d'un droit d'accès.

Je crois que la partie qui se défend très bien sans droit d'accès aura toujours de bons arguments à invoquer contre ce droit d'accès. Par contre, le fait que les parties qui sont continuellement victimes de leurs concurrents sur le marché, et qui n'arrivent pas à persuader un commissaire, ne disposent pas de ressources suffisantes pour avoir recours aux mécanismes légaux pour faire cesser un comportement anticoncurrentiel justifie, à mon avis, la suppression de tout monopole sur la capacité de faire respecter la loi. Dans une société libre et démocratique comme la nôtre, il est étrange que l'on n'accorde pas de droit d'accès privé dans ce cas-ci alors qu'on l'accorde dans tous les autres domaines.

La présidente: Madame McGuire.

Mme Marcia McGuire: Je vous remercie, madame la présidente.

On vient de dire que la partie qui se défend bien sous le régime actuel invoque constamment l'argument des poursuites stratégiques. Cela explique une fois de plus les divergences d'opinions entre les grandes compagnies et les petites entreprises qui ont participé aux audiences. Nous représentons en fait davantage de petites entreprises que de grandes entreprises et nous avons malgré tout un point de vue très différent sur la question. Nous ne sommes pas du tout convaincus que seules les grandes compagnies fassent l'objet de poursuites stratégiques. Nous pensons que cela peut arriver à n'importe quelle entreprise.

On a également signalé que le bureau ne pourrait pas financer toutes ces poursuites. Il faut en revenir aux principes initiaux. Pour quelle raison autorise-t-on l'accès privé? Si c'est pour élaborer une jurisprudence, eh bien il serait injuste d'imposer ce fardeau aux entreprises privées qui pourraient être victimes de poursuites non fondées. Dans ce cas, une solution plus équitable consisterait à accorder un budget suffisant au bureau.

• 1225

Il y a une question qu'il est très important de se poser avant d'adopter ou de recommander une modification de ce genre: est-ce que le bureau refuse parfois d'agir, ou bien est-il parfois dans l'impossibilité d'agir même s'il estime que la requête est fondée, parce qu'il ne possède pas les ressources nécessaires pour le faire? La solution dans ce dernier cas est de lui octroyer des fonds en suffisance. Par contre, lorsqu'il s'agit d'un refus pur et simple d'intervenir, le problème est beaucoup plus complexe. S'agit-il d'un problème de communication avec les plaignants? La requête est-elle effectivement non fondée?

Je pense donc qu'on ne peut pas écarter ces possibilités et qu'on ne peut pas dire que seules les grandes entreprises ont recours à des poursuites dans un but stratégique. Nous ne représentons pas les grandes entreprises et je crois qu'il est très important de reconnaître qu'il convient d'examiner plus attentivement d'autres solutions.

Voilà ma réponse.

La présidente: Pouvez-vous poser votre dernière question, monsieur Rajotte?

M. James Rajotte: Madame McGuire, que pensez-vous toutefois des préoccupations exprimées par M. Peirce quant à un éventuel monopole du commissaire à la concurrence? M. Trebilcock a abordé le sujet également. Pourquoi le commissaire aurait-il le monopole en matière de mise en application du droit de la concurrence?

Mme Marcia McGuire: Il s'agit en l'occurrence d'une législation cadre qui a pour but d'encourager la rentabilité économique et la compétitivité des entreprises. Il ne s'agit pas seulement de droit de la responsabilité civile délictuelle. Certains aspects de ce projet de loi pourraient plutôt être considérés comme des dispositions criminelles, même si ce n'est pas le cas. En tout cas, cette loi a des incidences importantes pour les entreprises et elle a une forte influence sur leur mode de fonctionnement. Je crois que ce n'est pas sans raison que nous avons jugé que le gouvernement devrait veiller à ce que l'environnement concurrentiel soit maintenu. La Loi sur la concurrence n'a pas pour objet de faire en sorte que toutes les petites entreprises soient prospères mais plutôt de garantir une certaine concurrence sur le marché.

Compte tenu de l'objet de la loi et de son influence sur les entreprises et sur le milieu dans lequel ces entreprises doivent faire affaire, le bureau a en fait une mission très importante qui consiste à faire un tri. Je pense qu'il n'est pas recommandé de permettre au tribunal, qui est à la fois juge et jury, de décider s'il y a lieu d'entamer une procédure et de rendre un jugement. Je sais que vous avez examiné les modèles de divers pays et, à l'instar de certains commentaires que nous avons déjà entendus, je pense qu'il ne fait aucun doute que ce raisonnement sera poussé plus loin.

La présidente: Je suis obligée de vous interrompre, madame McGuire, pour donner la parole à M. McTeague.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Madame McGuire, quelques personnes qui commencent à avoir l'allure d'un groupe, ont déjà invoqué cet argument. Je dirais que ces personnes pourraient former un autre groupe. Par conséquent, je voudrais d'abord faire quelques rectifications.

D'après les témoins qui ont participé à la discussion, le bureau a refusé dans de nombreux cas de donner suite à une requête. Cela pourrait être en fin de compte désavantageux pour les entreprises mais, pour protéger le processus de la concurrence, nous avons également prévu des garanties.

J'ai donc une question à vous poser. Vous dites que vous représentez des petites entreprises. Vous dites également qu'il faudrait en revenir aux principes initiaux. Pouvez-vous me dire, madame McGuire et monsieur Beauchamp, combien de membres vous représentez et si vous avez suivi les principes initiaux et consulté ces membres, y compris l'agent immobilier qui vient de vendre ma maison?

Mme Marcia McGuire: Nous sommes une association nationale et notre conseil d'administration représente toutes les régions du pays. En fait, lorsque nous avons examiné le projet de loi d'initiative parlementaire et la présente série de modifications à la loi, nous avons consulté les membres des diverses régions du pays, nous les avons mis au courant de nos préoccupations et leur avons donné l'occasion de répondre.

M. Dan McTeague: Combien de membres de la Chambre d'immeuble avez-vous consultés verbalement ou par écrit à ce sujet? Avez-vous parlé aux membres de la Chambre d'immeuble de Toronto de la région de Durham? Avez-vous parlé par exemple aux membres de la Chambre d'immeuble de Vancouver? Leur avez-vous envoyé des documents dans lesquels vous expliquiez votre position et vos réticences, malgré les garanties? Avez-vous été en mesure de le faire durant ce délai? Il me semble que l'exposé que vous venez de faire est identique à celui que vous avez fait devant le Forum des politiques publiques. Le Forum des politiques publiques avait pourtant conclu qu'un consensus était possible si des garanties étaient mises en place. Or, on nous dit maintenant que ces garanties n'existent pas.

• 1230

Pourriez-vous nous dire si vous avez communiqué avec vos membres ou si seulement quelques-uns d'entre vous ont pris une décision en leur nom et à leur insu? Ne pensez-vous pas qu'ils devraient être informés?

Mme Marcia McGuire: Voudriez-vous répondre d'abord, monsieur Beauchamp? Je répondrais volontiers également.

M. Pierre Beauchamp: L'Association canadienne de l'immeuble est organisée de telle sorte qu'elle reçoit ses instructions d'une assemblée des chambres d'immeuble qui représentent leurs membres. Elle mandate le conseil d'administration de l'Association canadienne pour représenter leurs intérêts et adopter des politiques, prendre des décisions et adopter des positions conformes aux lignes directrices souhaitées par les membres.

Nous n'avons, bien entendu, pas consulté directement et individuellement les 6 000 entreprises qui sont membres de notre association. C'est matériellement impossible. Comme toutes les autres associations, notre association exerce le mandat qui lui a été confié par ses membres. Comme l'a dit Mme McGuire il y a quelques minutes, nous avons consulté activement le conseil d'administration de notre association, nous l'avons informé et nous avons obtenu son approbation en ce qui concerne les opinions que nous avons exprimées aujourd'hui.

M. Dan McTeague: C'est une approche quelque peu paternaliste, monsieur Beauchamp. Vous prétendez que vous parlez au nom de ces petites entreprises du seul fait que vous les représentez. Je me demande si d'ici un jour ou deux, ou du moins d'ici une semaine, vous ne pourriez pas faire l'effort d'informer les 6 000 entreprises affiliées à votre association. Je serais disposé à vous y aider parce que, comme vous le savez, j'ai accès à vos membres.

Vous pourriez peut-être demander à vos membres quelles sont leurs opinions. Si elles concordent avec les vôtres, vous pourriez alors probablement considérer que la position que vous avez prise est exacte et qu'elle ne représente pas l'avis d'une minorité.

En ce qui concerne tout particulièrement l'argument qui a été avancé par Postes Canada, je trouve extrêmement étrange...

Mme Marcia McGuire: Madame la présidente...

La présidente: Une petite seconde.

M. Dan McTeague: Je voudrais terminer ma question.

Je trouve extrêmement étrange que votre président, comme ex-ministre, était le dernier à proposer l'octroi de doubles dommages-intérêts en vertu de la Loi sur la concurrence. N'avez-vous pas été en mesure de saisir le sentiment de frustration ressenti par les membres de ce comité en ce qui concerne ceux qui ont porté à notre attention les problèmes de la Poste prioritaire et de l'interfinancement? Quelle réponse avez-vous pu donner aux députés qui avaient eu connaissance que le bureau avait rejeté la demande ou ne l'avait pas examinée immédiatement?

La présidente: Monsieur McTeague, je laisserai Mme McGuire répondre puis je donnerai la parole à M. Power.

Mme Marcia McGuire: La position de M. McTeague est très claire, puisque c'est lui qui a présenté le projet de loi d'initiative parlementaire. J'espère que vous êtes conscients, après avoir écouté les témoins, qu'ils représentent de grandes ou de petites entreprises et que les opinions diffèrent.

M. Dan McTeague: Vous ne vous êtes pas donné la peine de poser la question à vos membres, madame McGuire.

Mme Marcia McGuire: Pardon?

M. Dan McTeague: Vous ne vous êtes pas donné la peine de consulter vos membres.

La présidente: Du calme, monsieur McTeague.

Mme Marcia McGuire: Ce n'est pas vrai.

M. Dan McTeague: Pourquoi me demandez-vous de prendre une décision?

Mme Marcia McGuire: Ce n'est pas exact. Pourquoi précipitez-vous les choses?

M. Dan McTeague: Ce n'est pas le cas. Il en est question depuis 30 ans, madame McGuire.

Mme Marcia McGuire: Je suis désolée, mais les mêmes divergences d'opinions...

La présidente: Veuillez tous deux vous calmer.

On vous a demandé si vous aviez consulté vos membres. Soit que vous l'ayez fait soit que non. Nous savons comment vous avez procédé. C'est très bien.

Monsieur Power.

M. Gerard Power: Merci.

En ce qui concerne les commentaires relatifs à Postes Canada et à son service de messageries Poste prioritaire, le Bureau de la concurrence a fait une enquête approfondie à ce sujet qui s'est étalée sur plusieurs années. Il en est arrivé à la conclusion qu'il n'y avait aucune preuve d'interfinancement. Il en a avisé le plaignant. Par conséquent, il s'agissait d'une procédure normale. Le bureau a eu l'entière collaboration de Postes Canada.

En outre, la ministre Marleau, lorsqu'elle était ministre responsable de la Société canadienne des postes, a demandé au conseil d'administration de faire faire une vérification annuelle afin de comparer non seulement le service de messageries Poste prioritaire mais tous les services concurrentiels afin de déterminer s'il y avait interfinancement. Cette vérification est faite chaque année par des vérificateurs externes et est jointe au rapport annuel de la Société canadienne des postes qui est présenté au Parlement. Ce rapport est également accessible à tous, sur le site Web de Postes Canada.

• 1235

La présidente: Avant de passer la parole à M. Martin, je tiens à préciser à l'intention de ceux et celles qui ne comprennent pas la procédure, qu'il s'agit de la première lecture. Nous n'essayons en aucun cas de précipiter les choses. Le projet de loi passera par les étapes de la deuxième lecture et de la troisième lecture. Il sera ensuite renvoyé au Sénat où l'on suivra le même processus.

Nous n'avons nullement l'intention de faire adopter quelque modification que ce soit à la hâte. Nous discutons de la Loi sur la concurrence depuis quatre ans. J'encourage ceux et celles qui pensent que nous précipitons les choses à suivre nos délibérations.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, madame la présidente.

Je remercie tous ceux et celles qui ont fait un exposé aujourd'hui.

Je voudrais d'abord faire des commentaires sur le mémoire que M. Taller a présenté au nom de l'Association canadienne des agents de voyages. J'approuve certaines des modifications que vous avez recommandé d'apporter aux articles 78 et 79 et je voudrais en parler un peu plus longuement.

Je présume que le but est de remplacer les expressions «dans le but de» et «ayant pour objectif de» par l'expression «avec l'effet probable de». Autrement dit, pour déterminer les motivations des personnes concernées, il faut examiner les conséquences de leurs actes. Le fait qu'une personne puisse être présumée avoir recherché les conséquences probables de ses actes est un point de droit.

Pensez-vous que cela donnerait au tribunal davantage d'outils pour...? Vous pourriez peut-être nous expliquer les raisons pour lesquelles vous demandez que l'on apporte ces modifications à l'article 78.

M. Martin Taller: Merci beaucoup.

En guise de commentaire sur cette légère modification, je dirais que les motifs de certains organismes... Une entreprise a incontestablement intérêt à employer une stratégie ou à faire de la concurrence pour apporter des changements à sa façon de faire des affaires. Cependant, la question est de savoir comment elle procède, comment elle maintient cette présence et comment elle accroît sa domination sur les PME.

Je crois que cette légère modification donnerait au tribunal l'occasion d'examiner cette information et de rendre un jugement. C'est essentiellement la raison pour laquelle nous la proposons.

M. Pat Martin: Vous signalez également que l'on trouve un libellé analogue dans les lignes directrices concernant l'abus de position dominante dans le secteur des transports aériens. On utilise également des termes analogues à «pratiques ayant l'effet probable de». Est-ce de là que vous avez tiré cette suggestion?

M. Martin Taller: Oui, en partie, et en partie à cause de la restructuration assez importante qui est en cours dans notre secteur, à cause de la situation actuelle du secteur des transports aériens au Canada et des systèmes de distribution qui s'efforcent de maintenir la stabilité dans notre industrie. Par conséquent, nous voulons faire des économies et assurer la stabilité dans ce secteur.

M. Pat Martin: Excellent. Merci.

Me reste-t-il encore une minute, madame la présidente?

La présidente: Certainement, monsieur Martin.

M. Pat Martin: Je voudrais également entendre les commentaires que Postes Canada aurait à faire à ce sujet. J'allais faire des commentaires sur l'affaire d'UPS également, mais vous en avez déjà parlé.

Étant donné que vous êtes un des groupes qui s'opposent à une modification de la loi pour faciliter l'accès privé et que vous avez déjà été harcelé par UPS, quelles autres possibilités de poursuites prévoyez-vous? Quels sont les autres services actuels pour lesquels on pourrait vous harceler, autrement dit où un accès privé accru au tribunal pourrait être pour vous une source d'inconvénients?

M. Gerard Power: Je pense, bien entendu, à UPS.

M. Pat Martin: Cette question ne relève-t-elle pas davantage de l'ALENA que de la concurrence interne?

M. Gerard Power: La plainte d'UPS relève effectivement de l'ALENA. Cependant, quelques personnes ont présenté une requête au Bureau de la concurrence et l'une d'entre elles a intenté des poursuites contre UPS, invoquant la raison qu'UPS l'avait encouragée à présenter la requête au Bureau de la concurrence et qu'en fait, ce concurrent américain s'était servi d'elle à cause de sa nationalité canadienne.

• 1240

Cela peut arriver, comme en ce qui concerne la Loi sur l'accès à l'information, où à l'occasion des Canadiens prêtent leur citoyenneté canadienne à des étrangers. En fait, c'est ce qu'ont tendance à faire de grandes compagnies internationales très sophistiquées.

M. Pat Martin: Pensez-vous que le service de livraison des colis soit le seul service qui soit convoité par d'autres entreprises? Je suppose que c'est le seul service rentable de Postes Canada. Il ne vous resterait plus que les activités moins rentables, comme la livraison du courrier dans les régions rurales, tandis que les autres entreprises essaieraient de vous dérober vos services les plus rentables. Est-ce le risque?

M. Gerard Power: C'est le cas. J'ajouterais même que Postes Canada est dans l'obligation d'offrir un service universel et qu'en vertu de la signature de la Convention de l'Union postale universelle, la société doit fournir un service de livraison de colis, y compris dans les régions les plus éloignées du Canada. C'est la santé des Canadiens qui est en jeu: ce ne sont pas des compagnies comme UPS qui assurent la livraison des produits pharmaceutiques dans les localités isolées, parce qu'elles ne veulent pas l'offrir. C'est Postes Canada qui offre ce service. Dans le Nord, la livraison des légumes et des fruits est faite non pas par UPS ni par Federal Express mais par Postes Canada.

M. Pat Martin: C'est une remarque très pertinente.

La présidente: Merci. Merci beaucoup, monsieur Martin.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je voudrais poser une question à l'Association canadienne de l'immeuble. Je voudrais que vous nous parliez des raisons que vous ont données vos membres pour expliquer leur opposition au droit d'accès privé. Pouvez-vous nous parler des discussions que vous avez eues avec vos membres et des raisons qui ont été invoquées?

Mme Marcia McGuire: Certaines des raisons pour lesquelles l'Association canadienne de l'immeuble s'oppose au droit d'accès privé sont fondées sur les principes du meilleur intérêt du droit canadien. Nous pensons que le commissaire joue un rôle essentiel en ce qui concerne le tamisage des requêtes. C'est probablement une des principales raisons: c'est parce qu'il s'agit d'un rôle important.

Nous avons également examiné les raisons qui ont été fournies l'année dernière lorsque le projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté. Au cours du séminaire sur la concurrence qui a eu lieu en automne, quelqu'un a fait un exposé à ce sujet et un document a été préparé. C'est M. Russell Lusk qui présidait cette séance.

Les raisons qui ont été invoquées ne semblaient pas pouvoir être interprétées d'une autre façon. Par conséquent, c'est pour toutes les raisons exposées dans notre document que notre association défend cette position aujourd'hui.

M. Walt Lastewka: Bien.

Je voudrais parler d'un commentaire fait par le représentant d'AT&T. Nous avons reçu aujourd'hui le livre du Groupe de la politique et du droit de la concurrence et j'ai remarqué que vous ne faites pas partie des commanditaires. Avez-vous participé?

M. Chris Peirce: Je regrette, pourriez-vous me dire de quoi vous parlez?

La présidente: Monsieur Lastewka, le livre est en cours de publication. Nous en avons reçu un exemplaire avant sa publication.

Il s'agit d'un groupe du droit de la concurrence qui représente plusieurs entreprises qui ont commandité la publication de ce livre.

M. Walt Lastewka: J'ai remarqué que d'autres entreprises semblables à la vôtre sont membres de ce groupe de la politique de la concurrence qui s'oppose à l'accès privé. Si vous n'en faites pas partie, c'est probablement parce que vous êtes en faveur de l'accès privé.

M. Chris Peirce: Je ne suis pas au courant du projet auquel vous faites allusion, monsieur Lastewka, mais je signale qu'AT&T Canada—avec l'aide de Call-Net—a écrit en 1999 au ministre de l'Industrie en son nom et au nom de quatre autres entreprises qui sont des fournisseurs concurrentiels de services de télécommunications pour le prier d'entreprendre un examen de la Loi sur la concurrence.

• 1245

Nous avons participé aux consultations du Forum des politiques publiques sur la Loi sur la concurrence en envoyant un mémoire. Nous avons ensuite participé pendant un certain temps aux consultations faites par diverses associations qui ont présenté leurs opinions sur la Loi sur la concurrence. Vous constaterez, je pense, que l'économie canadienne a été édifiée en partie grâce à des fournisseurs de services dominants. Ce n'est que depuis quelques années que dans divers secteurs nous essayons de remplacer ce type de monopole ou de dominance par une concurrence plus équitable.

Je ne m'attends pas à ce que ces entreprises, qui étaient dominantes ou qui avaient un monopole, soient en faveur d'une notion comme celle du droit d'accès privé car cela ne me semblerait pas rationnel. Je m'attends à ce qu'il y ait des divergences d'opinions sur une question comme celle-ci. Si l'on attend d'avoir atteint un consensus pour agir, on ne passera jamais à l'action parce que vous n'arriverez jamais à obtenir le consensus.

M. Walt Lastewka: Une des craintes qui ont été exprimées en ce qui concerne l'accès privé est qu'il donnerait lieu à des abus, qu'il serait utilisé non pas pour protéger la concurrence mais pour essayer de connaître les stratégies et les projets d'autres entreprises. Pensez-vous que votre entreprise ou que d'autres entreprises comme la vôtre pourraient avoir recours à ce genre de stratagème?

M. Chris Peirce: Je pense... Non. En pratique, ce que des entreprises comme la nôtre veulent, c'est être concurrentielles. Les figures que nous vous avons remises démontrent qu'il est difficile de se faire de nouveaux clients. Les chiffres sur les bénéfices des fournisseurs concurrentiels dans un secteur comme le nôtre prouvent que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour consacrer beaucoup de temps à percer les secrets de nos concurrents.

Tout ce que nous voulons, c'est de pouvoir faire concurrence à une autre entreprise qui est, de toute évidence, en position dominante en raison de ses antécédents dans ce secteur de l'économie canadienne. Je suis sincèrement convaincu que le risque d'abus d'un droit d'accès privé sans...

Il appartient à la personne ou au groupe qui voudrait empêcher des intérêts canadiens légitimes—ou des intérêts sur le marché canadien—d'avoir accès à une autorité dont le rôle est de faire respecter la politique gouvernementale et les lois du pays, de préciser pourquoi les Canadiens ne devraient pas avoir accès à ce genre de remède. J'estime qu'il ne suffit pas d'invoquer des arguments comme des risques d'abus ou de poursuites stratégiques.

M. Walt Lastewka: Monsieur Taller, vous avez dit que vous étiez en faveur d'un accès privé restreint. Je ne vous ai pas entendu parler des restrictions que vous souhaiteriez imposer à cet accès ou des mécanismes que vous recommanderiez pour le restreindre. Pourriez-vous nous donner des explications à ce sujet?

M. Martin Taller: J'essaierai d'être aussi précis que possible. Nous pensons que les garanties existantes—comme la disposition et l'octroi des coûts—seraient des mécanismes de contrôle très efficaces pour nous protéger contre les recours abusifs à ce droit. Nous pensons qu'à certains égards, l'aspect punitif de la décision et l'octroi des coûts seraient le mécanisme de contrôle. On hésiterait alors à faire des requêtes dénuées de tout intérêt, comme l'ont expliqué M. Peirce et M. Scott.

M. Walt Lastewka: Merci.

Merci, madame la présidente.

• 1250

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe: Merci, madame la présidente.

Monsieur Power, je me demande si vous me pardonnerez le ton de cette question, mais je voudrais savoir combien de vols aériens par an Postes Canada génère pour la livraison des produits pharmaceutiques dans les localités du Nord ou dans les localités isolées.

M. Gerard Power: Notre réseau utilise environ 600 vols par jour. La plupart de ces vols sont...

M. Joseph Volpe: Il s'agit de vols transcontinentaux.

M. Gerard Power: ...des vols transcontinentaux et aussi des vols à destination des localités du Nord. Ces localités ne sont pas desservies par un vol quotidien. Cependant, à partir de points de relais clés—à la fin du réseau routier, la plupart du temps—on utilise un vol commercial pour acheminer ces produits vers le Nord. Nous n'affrétons toutefois pas des appareils ou n'utilisons pas d'appareils personnels, contrairement à certaines administrations postales comme les postes brésiliennes qui possèdent leur propre flotte d'avions. Nous ne sommes pas une compagnie aérienne. Nous ne sommes pas actifs dans ce secteur.

M. Joseph Volpe: Quelle serait donc la réponse si je formulais ma question autrement et si je vous demandais quel pourcentage de vos dépenses totales est consacré à l'acheminement des produits pharmaceutiques et des fruits et légumes vers les localités isolées du nord canadien?

M. Gerard Power: Je ne serais pas en mesure de vous donner ce renseignement. Je n'ai pas ces chiffres sous la main. Ce que je peux toutefois vous dire, c'est que les concurrents nous demandent d'assurer l'acheminement de certains colis sur le dernier tronçon de livraison aux collectivités isolées, que ce soit directement ou en passant par des intermédiaires.

M. Joseph Volpe: Par conséquent, c'est à eux que je devrais m'adresser pour savoir combien ça leur coûte.

M. Gerard Power: C'est une possibilité. Étant donné que les autres transporteurs n'ont aucune obligation de livrer du courrier ou des colis dans ces collectivités, ils n'ont pas tendance à assurer ce genre de service sauf s'il leur permet non seulement de rentrer dans leurs frais mais de réaliser aussi des bénéfices suffisants pour que cela vaille la peine d'y consacrer du temps et des ressources. Cependant, le fournisseur de services universels est obligé d'assurer le service.

M. Joseph Volpe: Le gouvernement du Canada subventionne toutefois ces dépenses. C'est la différence entre Postes Canada, qui est en quelque sorte une société d'État, toutefois indépendante du gouvernement, et une entreprise commerciale qui voudrait livrer des fruits et des légumes et des produits pharmaceutiques dans le grand nord.

M. Gerard Power: Le gouvernement du Canada ne fournit aucune aide à Postes Canada pour assurer le transport des produits pharmaceutiques. Ce qui...

M. Joseph Volpe: Dans ce cas, monsieur Power, la décision est strictement d'ordre économique.

M. Gerard Power: La décision prise par Postes Canada n'est pas strictement économique. La loi exige que Postes Canada assure un service postal de base régulier à tous les Canadiens.

M. Joseph Volpe: Et ce faisant, la société peut s'engager dans toutes les activités nécessaires pour assurer sa rentabilité, fût-ce au détriment de ses concurrents, et pour pouvoir remplir ce mandat. C'est ce que je croyais avoir entendu.

M. Gerard Power: Non, parce que contrairement à d'autres sociétés des postes comme le United States Postal Service, la Société canadienne des postes est assujettie au droit canadien de la concurrence. Par conséquent, le Bureau de la concurrence peut nous demander si nous avons entrepris une activité qui constitue un abus de notre position dominante, si nous faisons des ventes liées ou si nous avons d'autres pratiques qui sont interdites par la Loi sur la concurrence. Nous devons communiquer régulièrement avec le bureau.

M. Joseph Volpe: Je voudrais que l'on en discute encore un peu parce que c'est Santé Canada qui fournit les produits pharmaceutiques et qui prend en charge les frais de livraison. Je voudrais aussi qu'on parle de la livraison des fruits et des légumes. Un pourcentage élevé de ces frais sont payés par des entreprises privées qui assurent la fourniture dans les régions éloignées.

J'imagine que Postes Canada doit réaliser un petit bénéfice, sinon cela n'en vaudrait pas la peine pour elle alors que d'autres entreprises paient le transport ou réalisent des bénéfices. Je ne trouve pas ça logique. Pourquoi est-ce que Postes Canada trouve ça logique?

• 1255

M. Gerard Power: C'est en fait le ministère des Affaires indiennes qui établit la politique concernant les produits qui seront transportés par la voie aérienne. Le ministère communique avec Postes Canada et le contrat qu'il a passé avec la société prévoit que nous transporterons ces marchandises selon le principe du recouvrement des frais. Par conséquent, nous ne réalisons pas le moindre bénéfice. Le transport de ces marchandises n'augmente pas non plus nos frais généraux.

La présidente: C'est la dernière question, monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe: D'accord. J'adresse ma dernière question à M. Beauchamp.

La présidente: Bien.

M. Joseph Volpe: Je suis heureux que M. Power ait dit que Postes Canada ne fait pas de pertes sur la fourniture de services altruistes.

Monsieur Beauchamp, il y a quelques années, toutes les petites entreprises du secteur de l'immobilier étaient des entreprises dirigées par un propriétaire-exploitant; il s'agissait de petits courtiers qui engageaient parfois un agent ou deux. Ce n'est que plus tard qu'ont été créées des sociétés comme Century 21, Remax, HomeLife et de nombreuses autres. Elles ont adopté une approche qui a entraîné la disparition des petits courtiers immobiliers. En fait, la plupart d'entre eux travaillent maintenant pour ces grosses franchises. Est-ce là une description exacte de l'organisation du secteur immobilier? Est-il possible que certains de ces courtiers estiment que la présence de sociétés comme Century 21, Remax, HomeLife, etc., entrave leur capacité d'exploiter de petites maisons de courtage immobilier?

M. Pierre Beauchamp: Je vous remercie de votre question. Je pense que vous avez bien décrit l'évolution du secteur immobilier au Canada au cours des 20 dernières années.

De grands franchiseurs se sont effectivement établis sur le marché canadien. Par contre, vous faites erreur lorsque vous insinuez que leurs franchisés ne peuvent pas être indépendants et n'ont pas la liberté de décider s'ils veulent travailler ou non sous franchise. En fait, je dirais que quelques grandes maisons immobilières, qui sont établies depuis une dizaine d'années, ne sont plus organisées de la même façon qu'auparavant. Je crois que le secteur des franchises est un secteur prospère au Canada—il est efficace et offre de bons services aux consommateurs—mais les exploitants indépendants font aussi d'excellentes affaires.

Comme je l'ai expliqué dans notre mémoire, nous représentons toujours des indépendants, qu'ils fassent partie d'un réseau de concessions ou qu'ils soient véritablement à leur propre compte.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Volpe.

Je voudrais poser deux petites questions avant de clôturer la séance.

Monsieur Power, vous avez dit dans vos observations liminaires que «le bureau rejette chaque année des centaines de plaintes dénuées de tout intérêt». Comment savez-vous qu'elles sont dénuées de tout intérêt?

M. Gerard Power: D'après les contacts réguliers que nous avons avec le bureau et d'après les déclarations que les fonctionnaires du bureau font dans le cadre de diverses conférences auxquelles assistent des professionnels du secteur juridique, il semble évident que le bureau assume ses responsabilités de façon très consciencieuse et qu'il donne suite aux plaintes fondées, lorsqu'il a des preuves solides. Par conséquent, d'après les renseignements qui se trouvent dans son rapport annuel, il écarte en fait les plaintes dénuées de tout intérêt comme celle qui a été portée par UPS contre la Société canadienne des postes, par l'intermédiaire d'une dupe. Ce sont ce genre de plaintes non fondées qui sont éliminées.

La présidente: Je pense toutefois que vous présumez que tous les cas auxquels on ne donne pas suite sont dénués de fondement, ce que je me permets de contester, d'après ce que le commissaire en personne nous a dit lorsqu'il était ici. Je dois donc dire que je n'approuve pas la façon dont c'est présenté dans votre mémoire.

Ma deuxième question s'adresse à Mme McGuire. Dans vos commentaires liminaires, vous avez dit que, d'après le Forum des politiques publiques, aucun consensus n'avait été atteint en ce qui concerne la question de l'accès privé. Si j'ai bonne mémoire, le rapport du Forum des politiques publiques disait qu'un consensus pourrait peut-être être atteint si des garanties étaient mises en place. Vous avez omis ce détail très important et je me demande pourquoi.

• 1300

Mme Marcia McGuire: Merci, madame la présidente. Je suis très heureuse que vous ayez abordé la question. Cela me fait penser à un commentaire que vous avez fait tout à l'heure. Je n'insinue pas que vous n'essayez pas de faire votre travail consciencieusement. Lorsque je parle de précipiter les choses, je pense à une autre question qui a été examinée par le Forum des politiques publiques, à savoir les modifications à l'article 45. En effet, le Forum en est arrivé à une conclusion analogue à ce sujet et a décidé de publier un livre blanc.

La présidente: Madame McGuire, ma question était très précise.

Mme Marcia McGuire: Oui.

La présidente: Vous avez dit qu'il n'était pas possible d'atteindre un consensus en ce qui concerne la question de l'accès privé et vous avez cité le Forum des politiques publiques alors qu'il est mentionné très clairement dans son rapport qu'un consensus était possible pour autant que des garanties soient en place. Nous avons sous les yeux une modification présentant plusieurs garanties, que vous n'avez pas examinée...

Mme Marcia McGuire: Madame la présidente, j'estime que ce n'est pas en omettant d'exposer certaines questions dans un document d'étude comme un livre blanc que l'on contribue à apporter des modifications mûrement réfléchies à la Loi sur la concurrence et que procéder de cette façon...

La présidente: Sauf votre respect, madame McGuire, il n'y a pas...

Mme Marcia McGuire: Mais vous avez dit vous-même...

La présidente: Il n'existe pas une seule façon d'examiner la Loi sur la concurrence. Je suis membre de ce comité depuis quatre ans; j'ai examiné le projet de loi C-20 et participé à l'étude de plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire visant à modifier la Loi sur la concurrence...

Mme Marcia McGuire: Nous affirmons toutefois qu'il y aurait une meilleure façon de procéder.

La présidente: Je comprends mais, sauf votre respect, il n'existe pas qu'une seule façon d'apporter des modifications à la Loi sur la concurrence comme on l'a fait au cours des 20 dernières années. Nous avons considérablement remanié cette loi. J'estime qu'il est très important pour nous d'examiner toutes les options et de ne pas oublier non plus...

Mme Marcia McGuire: Mais, madame la présidente, de nombreuses modifications ont été apportées à la Loi sur la concurrence au cours des dernières années. Des modifications importantes ont été apportées en 1976, puis en 1986 et en 1988, on y a apporté de légères modifications. Plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire sont restés en plan au Feuilleton. Une modification a été apportée il y a deux ou trois ans. Le processus est normalement très sérieux. En fait, je me demande pourquoi on ne pourrait pas entamer un dialogue plus poussé, s'il y a moyen de répondre aux préoccupations d'entreprises comme celles que nous représentons.

La présidente: Madame McGuire, vous et tous les Canadiens avez été invités à participer à ce processus depuis que les consultations ont été entamées, c'est-à-dire depuis quatre ans...

Mme Marcia McGuire: Et nous y avons participé.

La présidente: Non. En fait, c'est la première fois que vous témoignez au sujet de la Loi sur la concurrence. Nous avons eu plusieurs séries de discussions. Nous avons préparé un rapport provisoire sur la Loi sur la concurrence où il était question de l'article 72, de la partie IV, c'est-à-dire de l'accès privé. Donc, sauf votre respect, c'est une question que nous examinons depuis longtemps. Comme l'ont rappelé d'autres témoins, il y a 30 ans qu'on en discute.

Sur ce, nous suspendons la séance. Nous nous réunirons à nouveau cet après-midi à 15 h 15 pour recevoir notre témoin australien. Je vous remercie.

Haut de la page