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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


Témoignages du comité

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 31 janvier 2002






¿ 0905
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.))
V         M. Gaston Jorré (commissaire de la concurrence par intérim, Bureau de la concurrence, Industrie Canada)

¿ 0910

¿ 0915
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka )
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ)
V         M. Gaston Jorré
V         M. R.W. McCrone (sous-commissaire adjoint de la concurrence, Direction des affaires criminelles, Bureau de la concurrence, Industrie Canada)
V         M. André Lafond (sous-commissaire adjoint de la concurrence, Direction générale des affaires criminelles, Bureau de la concurrence, Industrie Canada)

¿ 0920
V         M. Stéphane Bergeron
V         M. R.W. McCrone
V         M. Bergeron
V         M. R.W. McCrone

¿ 0925
V         M. André Lafond
V         M. Stéphane Bergeron
V         M. André Lafond
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         M. Gaston Jorré
V         M. Larry Bagnell
V         M. Gaston Jorré
V         M. Larry Bagnell

¿ 0930
V         M. Gaston Jorré
V         M. Larry Bagnell
V         M. Gaston Jorré
V         M. Bagnell
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD)
V         M. Gaston Jorré

¿ 0935
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. André Lafond
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. R.W. McCrone
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. R.W. McCrone
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Gaston Jorré
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Andy Savoy (Tobique--Mactaquac, Lib.)
V         M. R.W. McCrone
V         M. Andy Savoy
V         M. R.W. McCrone

¿ 0940
V         M. Andy Savoy
V         M. R.W. McCrone
V         M. Andy Savoy
V         M. R.W. McCrone
V         M. Savoy
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD)
V         M. André Lafond

¿ 0945
V         M. Chuck Strahl
V         M. Gaston Jorré
V         M. Chuck Strahl

¿ 0950
V         M. Gaston Jorré
V         M. Chuck Strahl
V         M. Gaston Jorré
V         M. Chuck Strahl
V         M. Gaston Jorré
V         M. André Lafond
V         M. Chuck Strahl
V         M. Gaston Jorré

¿ 0955
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.)
V         M. Gaston Jorré
V         M. Brent St. Denis
V         M. Gaston Jorré
V         M. Brent St. Denis

À 1000
V         M. Gaston Jorré
V         M. Brent St. Denis
V         M. Gaston Jorré
V         M. Brent St. Denis
V         M. Gaston Jorré
V         M. Brent St. Denis
V         M. Gaston Jorré
V         M. Brent St. Denis
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Stéphane Bergeron

À 1005
V         M. R.W. McCrone
V         M. Stéphane Bergeron
V         M. André Lafond

À 1010
V         M. Stéphane Bergeron
V         M. André Lafond
V         M. Stéphane Bergeron
V         M. André Lafond
V         M. Stéphane Bergeron

À 1015
V         M. André Lafond
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré

À 1020
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney

À 1025
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Paddy Torsney
V         Le président (M. Walt Lastewka)
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Gaston Jorré
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. André Lafond
V         Mme Bev Desjarlais
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Andy Savoy

À 1030
V         M. R.W. McCrone
V         M. Andy Savoy
V         M. R.W. McCrone
V         M. Andy Savoy
V         M. R.W. McCrone
V         M. Andy Savoy
V         M. R.W. McCrone

À 1035
V         M. Andy Savoy
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         Mme Paddy Torsney
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka
V         M. R.W. McCrone
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. André Lafond
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)
V         M. Gaston Jorré
V         Le vice-président (M. Walt Lastewka)






CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

Témoignages du comité

Le jeudi 31 janvier 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité étudie la loi et les politiques en matière de concurrence. Nous accueillons aujourd'hui des représentants du ministère de l'Industrie.

    Monsieur Jorré, vous êtes le commissaire de la concurrence par intérim. Après votre déclaration liminaire, nous passerons aux questions.

    Merci.

+-

    M. Gaston Jorré (commissaire de la concurrence par intérim, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Tout d'abord, le commissaire de la concurrence, M. von Finckenstein, regrette beaucoup de n'avoir pu être présent ici aujourd'hui pour des motifs personnels. Il tenait beaucoup à venir témoigner devant votre comité.

    Je veux aussi remercier les membres du comité pour l'excellent travail qu'ils ont accompli récemment à l'égard du projet de loi C-23 et, de façon plus générale, pour l'attention qu'ils ont accordée à d'importantes questions liées à la politique en matière de concurrence.

    Je voudrais prendre quelques minutes pour discuter brièvement de certaines questions que le comité a soulevées dans son rapport provisoire et ses récentes tables rondes. Mes collègues et moi serons ensuite à votre disposition pour répondre aux questions.

    Comme vous le savez, plusieurs des conclusions préliminaires du comité ont été reprises dans le projet de loi C-23. C'est le cas notamment des ordonnances provisoires, du critère de l'atteinte à la concurrence en ce qui concerne les dispositions sur le refus de vendre et de l'accès privé au Tribunal de la concurrence.

    Pour ce qui est des préoccupations du comité à l'égard des dispositions sur les prix d'éviction de la Loi sur la concurrence, le Bureau a pris d'importantes mesures pour clarifier son approche de l'application de la loi en vertu des dispositions criminelles et civiles de la Loi. Au terme de vastes consultations auprès des intervenants, nous avons publié des Lignes directrices pour l'application de la loi—Abus de position dominante. Elles expliquent en quoi consistent de nombreux agissements anticoncurrentiels qui peuvent être visés par les articles 78 et 79 et comment ces dispositions peuvent être invoquées à l'égard de la conduite d'éviction. Les lignes directrices décrivent la façon dont le Bureau applique ces dispositions pour favoriser un marché équitable et efficace.

    Le document est complété par des renseignements juridiques essentiels, y compris des exemples de jugements du Tribunal de la concurrence dans des affaires d'abus de position dominante. Ces lignes directrices ont été publiées et sont accessibles dans le site Web du Bureau. Nous en avons apporté des exemplaires aujourd'hui à votre intention.

    Le Bureau a également rédigé un projet de lignes directrices traitant des prix déraisonnablement bas en vertu des dispositions criminelles de la Loi. Ces lignes directrices seront prochainement accessibles dans le site Web du Bureau aux fins de consultation. Elles ont été conçues pour renseigner le grand public ainsi que les gens d'affaires et leurs conseillers juridiques et économiques quant à l'objet de ces dispositions et quant à l'approche adoptée par le Bureau pour les appliquer.

[Français]

    Une question qui ne figure pas dans le projet de loi C-23, mais qui constitue une partie importante de votre rapport provisoire et de vos discussions en table ronde du mois dernier, c'est celle des modifications aux dispositions sur les complots: l'article 45 de la loi. Cet article est une disposition fondamentale. Il traite d'agissements tels que le fait de fixer les prix ou de se partager le marché, des agissements qui sont reconnus comme étant parmi les pires formes de comportement anticoncurrentiel.

    Divers observateurs ont critiqué l'article 45 en soutenant qu'il était à la fois trop limitatif, parce qu'il permet à certains arrangements manifestement anticoncurrentiels d'échapper aux sanctions, et trop larges, parce qu'il soumet tous les arrangements horizontaux à des interdits criminels, même s'ils sont favorables à la concurrence. C'est pourquoi le bureau a commencé, il y a quelques années, à examiner la possibilité de modifier l'article 45.

    Vous vous rappellerez que le projet de modification de l'article 45 de la loi était un des sujets visés dans la vaste consultation menée par le Forum des politiques publiques qui a examiné les principes sous-jacents des quatre projets de loi d'initiative parlementaire.

    Dans son rapport final, le Forum des politiques publiques concluait qu'il y avait un accord général sur le fait que l'article 45 a besoin d'être modernisé.

    Deuxièmement, il y a un important appui en faveur d'une approche à deux volets selon laquelle les sanctions criminelles seraient limitées aux comportements les plus nuisibles, tandis que d'autres types d'accords seraient soumis en vertu d'un critère civil.

    Troisièmement, en raison de l'importance et de la complexité des enjeux, la plupart des intéressés jugeaient qu'il fallait davantage de discussions, d'analyses et de consultations.

¿  +-(0910)  

[Traduction]

    Par suite de la suggestion du Forum des politiques publiques voulant qu'il faille davantage d'analyses et de consultations, le Bureau de la concurrence a commandé trois études indépendantes. Bien qu'elles divergent sur plusieurs détails techniques, toutes trois recommandent une approche à deux volets avec, d'une part, un régime civil et, d'autre part, un régime criminel. De plus, tous s'accordent sur le fait que les ententes injustifiables—comme la fixation des prix, le partage des marchés et la limitation de la production-- devraient constituer une infraction criminelle sans critère lié à la concurrence. Les détails techniques sont évidemment très importants et les auteurs de ces rapports ont tous insisté sur la complexité des questions en cause. Ces rapports sont également accessibles dans le site Web du Bureau.

    Le Bureau appuie vivement le principe de l'approche à deux volets proposée dans le rapport provisoire du comité et examinée de plus près dans ces trois rapports d'experts. Nous sommes conscients qu'une approche à deux volets aura nécessairement de grandes conséquences pour les dispositions centrales de la Loi. Il sera dès lors essentiel que le Bureau étudie soigneusement les modifications proposées à l'article 45 pour préserver la cohérence entre les principales dispositions criminelles et civiles de la Loi. Un schéma à deux volets devra comprendre des mesures adéquates pour dissuader de se livrer à un comportement anticoncurrentiel et des mesures incitatives adéquates pour l'observation de la Loi.

    Nous prévoyons que ces modifications à l'article 45 seront au centre de la prochaine ronde de modifications et attendons avec intérêt le débat que mènera le comité à ce sujet ainsi que son rapport final.

[Français]

    Jusqu'à ce que l'article 45 soit amélioré, le Bureau de la concurrence prendra des mesures pour aider à pallier certains des problèmes qui ont été cernés. Par exemple, pour réduire l'incertitude perçue pour ce qui est des accords qui pourraient être favorables à la concurrence, le bureau prépare actuellement un nouveau projet de lignes directrices sur l'examen des alliances stratégiques en vertu des dispositions juridiques actuelles. Le projet de loi C-23 contient également une disposition selon laquelle les avis écrits donnés par le bureau lieraient le commissaire tant que les faits importants sur lesquels ils sont fondés demeurent essentiellement les mêmes. Si le projet de loi est adopté, la disposition pourra servir à donner davantage de certitude aux concurrents envisageant des alliances stratégiques ou d'autres formes de coopération.

[Traduction]

    Comme vous le savez, la charge de travail du Bureau a fortement augmenté au cours des quelques dernières années. Malheureusement, nos ressources n'ont pas fait de même. Lors d'un récent sondage auprès de cinq autorités antitrust, il s'est avéré que notre Bureau avait le deuxième plus faible niveau de financement. Pourtant, nos besoins continuent d'augmenter, en grande partie en raison de la mondialisation et de notre mandat élargi. Il y a 10 ans, la grande majorité des affaires examinées par le Bureau étaient de nature nationale. Aujourd'hui, une grande partie de nos dossiers ont une dimension internationale. Cela se traduit par un nombre croissant de fusionnements intéressant plusieurs autorités antitrust et de cartels internationaux. Le Bureau est également responsable de l'administration et de l'application de lois normatives et a sensiblement augmenté son rôle en matière de promotion et de politique de la concurrence tant à l'échelle nationale que sur la scène internationale. Toutes ces initiatives ont entraîné pour notre personnel d'importantes pressions supplémentaires.

[Français]

    À titre de sous-commissaire principal à la Direction des fusions, permettez-moi encore d'aborder une question précise soulevée dans les récentes discussions en table ronde. Il s'agit du critère approprié pour la défense fondée sur les gains en efficience en vertu des dispositions de la loi concernant les fusions.

    Vous savez sans doute que le critère des gains en efficience énoncé à l'article 96 de la Loi sur la concurrence a récemment fait l'objet d'un examen par suite d'un jugement du Tribunal de la concurrence dans l'affaire de Supérieur Propane. Dans cette affaire, le tribunal avait, à l'origine, statué que dans plusieurs marchés locaux et pour les clients nationaux, les gains en efficience découlant de la fusion feraient plus que compenser les inconvénients dus à la création d'un monopole ou quasi-monopole. Le Bureau de la concurrence avait porté cette décision en appel et la Cour fédérale d'appel a jugé, en avril dernier, que le tribunal n'avait pas interprété correctement le critère des gains en efficience. Supérieur Propane a demandé l'autorisation de porter ce jugement en appel devant la Cour suprême du Canada, mais celle-ci a refusé d'entendre l'affaire.

    Le tribunal vient tout récemment d'entendre à nouveau la cause à la lumière du jugement de la Cour d'appel, et nous attendons sa décision.

¿  +-(0915)  

[Traduction]

    Avant de conclure, je voudrais signaler que le commissaire m'a informé qu'il serait disponible pour comparaître devant le Comité après le 18 février, si le Comité souhaite l'entendre.

    Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de discuter des changements proposés. Permettez-moi de vous présenter deux de mes collègues: M. Bob McCrone, sous-commissaire adjoint de la Direction des affaires criminelles, et M. André Lafond, sous-commissaire de la Direction des affaires civiles. Mes collègues et moi serons heureux de pouvoir répondre à vos questions.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka ): Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant aux questions, en commençant avec M. Bergeron.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie, monsieur Jorré, de votre présentation. Vous savez pertinemment qu'un grand nombre de questions nous préoccupent et que nous souhaitons éventuellement poursuivre notre travail de fond sur la Loi sur la concurrence.

    Il y a deux questions qui, personnellement, me préoccupent tout particulièrement. D'abord, il y a celle du terme «indûment» à l'article 45, de la pertinence ou non de retirer le terme «indûment». Dans votre présentation, vous faites allusion, bien sûr, aux modifications à l'article 45 et à l'approche à deux volets, mais vous ne dites mot sur la question de l'éventuelle élimination du terme «indûment». J'aimerais peut-être vous entendre sur cette proposition, sur cette suggestion qui revient fréquemment pour permettre des jugements plus clairs quant à l'article 45.

    Une autre question qui me préoccupe, c'est la référence aux conditions normales du marché pour les fournisseurs, c'est-à-dire vendre un produit aux conditions normales du marché. Certains petits détaillants, par exemple dans le domaine pétrolier, nous suggéraient de retirer l'expression «conditions normales du marché»  de la Loi sur la concurrence. J'aimerais également vous entendre sur cette question, s'il vous plaît, monsieur Jorré.

+-

    M. Gaston Jorré: Merci. Je crois que je vais demander à M. McCrone de commencer à vous répondre.

[Traduction]

+-

    M. R.W. McCrone (sous-commissaire adjoint de la concurrence, Direction des affaires criminelles, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): La question du retrait du mot «indûment» de l'article 45, plutôt que d'adopter une approche à deux volets, a déjà été soulevée. La réponse la plus simple, c'est que l'article serait alors trop inclusif. Il engloberait alors de nombreux accords qui sont sans problème. Par exemple, des accords entre un franchiseur et un franchisé pourraient faire l'objet de l'article 45, si on disait simplement tout accord qui restreint indûment la concurrence, la fourniture, la production, etc. En résumé, l'article porterait sur trop d'accords qui ne nuisent pas à la concurrence ou l'encouragent.

    Nous préférerions une approche à deux volets, afin d'englober des activités qui, de manière flagrante, nuisent à la concurrence, comme la fixation des prix et le partage de marchés. Si des accords avaient des effets favorables à la concurrence ou neutres pour la concurrence, nous les évaluerions d'une manière équilibrée, en fonction des dispositions civiles.

    Pour la deuxième question, les conditions normales du marché, je ne sais pas de quelle disposition de la loi vous parlez, mais l'article 75 relève de M. Lafond.

+-

    M. André Lafond (sous-commissaire adjoint de la concurrence, Direction générale des affaires criminelles, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): Il s'agit de l'article portant sur le refus de vendre. Les conditions normales du marché sont importantes dans cette disposition, puisqu'autrement, un simple refus signifierait automatiquement que tout le monde est assuré de recevoir le produit souhaité.

    Dans le cas d'un fabricant qui choisit de distribuer son produit, il choisit ses distributeurs: c'est la pratique normale. S'il choisit, par exemple, de distribuer lui-même son produit, quelqu'un pourrait venir lui dire: «Je veux être le distributeur de votre produit». Il faudrait alors qu'il lui fournisse son produit. Je pense qu'il est donc important de garder la disposition sur le refus de vendre.

¿  +-(0920)  

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Sauf le respect que je vous dois, je dois dire que les réponses que vous venez de fournir aux deux questions me semblent traduire une certaine tendance à l'inertie ou, du moins, un certain conservatisme qui semble résister à toute modification allant dans le sens de préoccupations réelles qui nous sont manifestées.

    Par exemple, dans le cas du terme «indûment», on nous a, à un certain nombre de reprises, indiqué que ce terme faisait en sorte que le tribunal interprétait de façon souvent très large ce qui pouvait constituer un comportement anticoncurrentiel ou, à l'inverse, un comportement qui ne serait pas anticoncurrentiel.

    Conséquemment, la préoccupation que vous avez de faire en sorte qu'un trop grand nombre de cas puissent éventuellement, advenant l'élimination du terme «indûment», être jugés anticoncurrentiels... Le balancier est maintenant plutôt à l'inverse. On n'arrive pas à faire la démonstration, en raison de l'existence du terme «indûment», d'un comportement anticoncurrentiel. Qu'auriez-vous à nous proposer comme terme en remplacement de «indûment» qui permettrait une plus grande latitude au tribunal pour, effectivement, juger qu'il y a eu comportement anticoncurrentiel?

    Quant aux conditions normales du marché, je comprends bien l'argument que vous avancez, monsieur Lafond, mais le problème c'est que, dans le cas de l'industrie pétrolière, les grandes pétrolières contrôlent près de 90 p. 100 du marché. Si ces grandes pétrolières invoquent les prétendues conditions normales du marché--qu'elles définissent de toute façon elles-mêmes--pour refuser de vendre aux petits détaillants, quels recours ont les petits détaillants pour plaider un comportement anticoncurrentiel de la part des grandes pétrolières lorsque, au fond, elles invoquent un article de la loi touchant les conditions normales du marché qu'elles définissent elles-mêmes?

    Alors, quelle protection peut-on offrir aux petites entreprises contre les entreprises de plus grande importance dans un cas comme celui-là?

    Et vous, de la même façon que je l'ai demandé à M. McCrone, auriez-vous une suggestion à faire visant à permettre une plus grande protection des petites entreprises?

[Traduction]

+-

    M. R.W. McCrone: Je pense qu'il y a eu un malentendu. Le terme «indûment» s'applique à l'article 45, en fonction des conditions normales du marché ou des conditions normales, en ce qui touche l'article 5, le refus de vendre.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: J'ai bien compris cela.

[Traduction]

+-

    M. R.W. McCrone: L'un des problèmes qu'on a relevé, si on supprimait le terme «indûment», c'est que la disposition s'appliquerait à trop d'accords souhaitables, des alliances stratégiques, des co-entreprises, etc. Il a un effet paralysant car, que nous nous attaquions ou non à certaines co-entreprises ou alliances stratégiques, les gens d'affaires craindront d'être poursuivis sous le régime de l'article 45 et refuseront de signer ces accords souhaitables. Par contre, notre jurisprudence montre que ce terme nous empêche également de nous opposer à bon nombre d'accords qui nuisent clairement à la concurrence et qui peuvent influer sur les prix.

    L'approche à deux volets que nous proposons et sur laquelle tout le monde s'entend fera en sorte que la fixation de prix et le partage des marchés seront considérés comme des délits. Cela nous permettra de nous opposer à bon nombre d'accords qui nous posent actuellement des difficultés. La loi sera plus efficace dans ce cas et l'article 45 n'aura plus cet effet paralysant pour les gens d'affaires lorsque ces accords ne seront plus évalués sous le régime d'une disposition pénale. Ils seront évalués sous le régime d'une disposition civile qui permettra de corriger les problèmes au moyen d'ordonnances remédiatrices plutôt qu'au moyen d'amendes ou de peines d'emprisonnement.

    À cet égard, l'approche à deux volets rendra l'article 45 plus efficace et il vaut mieux user de cette approche que de simplement supprimer le terme «indûment», comme vous le proposez.

¿  +-(0925)  

[Français]

+-

    M. André Lafond: En ce qui concerne l'article 75, pour répondre à votre question, je pense qu'on a, à l'heure actuelle, dans les dispositions de la loi, la flexibilité nécessaire pour protéger les entrepreneurs comme ceux que vous venez de mentionner. Il est vrai qu'une compagnie peut utiliser comme raison les conditions normales du marché, mais cela n'empêche pas le Bureau de la concurrence d'examiner effectivement la plainte qui lui est soumise, de voir quelles sont les raisons qui sont données pour justifier le refus de fournir. Et si l'on juge que la compagnie a tort, même si elle nous dit que ce sont les conditions normales du marché, il n'y a absolument rien qui nous empêche de prendre un cas et de l'amener devant le Tribunal de la concurrence. Je pense qu'on a suffisamment de flexibilité d'interprétation au sein du bureau et que la loi nous permet, justement, de voir ce qui se passe dans le marché.

    Non seulement connaît-on ce qui se passe au Québec, si le cas est au Québec, mais on pourrait voir aussi quelle est la pratique dans les autres provinces. Cela nous permettrait de ne pas nécessairement prendre pour acquis, parce qu'une compagnie donnée nous dit qu'un compétiteur n'est pas capable de rencontrer les conditions normales du marché, qu'elle a raison. Je pense qu'on a toute la flexibilité pour prendre un cas, tout dépendant des raisons qui nous sont fournies.

+-

    M. Stéphane Bergeron: Il n'est pas dit que le tribunal aurait le même jugement que vous non plus.

+-

    M. André Lafond: Pas nécessairement.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je suis sûr que nous pourrons en discuter de nouveau. Merci, monsieur Bergeron.

    Monsieur Bagnell.

+-

    M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

    Je suis d'accord avec le problème que M. Bergeron a soulevé. Si vous avez la solution, tant mieux. Je ne vois pas pourquoi la suppression du mot «indûment» poserait un problème, et nous pouvons toujours adopter de nouvelles dispositions particulières dans le cas des alliances stratégiques afin d'éviter l'effet paralysant. Mais il y a tant de problèmes.

    Ma première question porte sur les ressources. J'ai posé cette question à bon nombre de témoins au cours des derniers mois. J'ai toujours pensé que vous aviez besoin de plus de ressources, parce que je veux vraiment qu'il y ait de la concurrence dans notre société. Je voulais simplement ajouter mon avis à ce sujet, et j'ai trouvé intéressant de vous entendre dire, dans votre déclaration, que vous faisiez des démarches pour demander une augmentation de vos ressources. À notre dernière réunion, il y a quelques jours, on nous a dit que vous faisiez preuve de peu d'ardeur à ce chapitre. J'aimerais savoir ce qu'il en est.

    J'aimerais également savoir si, dans les circonstances actuelles et compte tenu des nouvelles dispositions, votre charge de travail va augmenter ou diminuer et si vous aurez encore besoin de ressources supplémentaires.

+-

    M. Gaston Jorré: D'une façon générale, notre charge de travail a eu tendance à augmenter considérablement, comme vous le savez. Sur une période de cinq ou six ans, depuis le milieu des années 90, il y a eu une augmentation constante. Il y a eu une légère diminution dans un domaine du moins, à court terme, celui des fusions de l'après-septembre. On peut toutefois supposer qu'une reprise économique suscitera un retour aux niveaux élevéx antérieurs. L'an dernier a été une année record. Dans les autres domaines, nous sommes devenus très actifs et nous avons accepté davantage de travail. Il est donc très évident, du moins à mon avis, que nous avons besoin de ressources.

    Pardonnez-moi, je crois que j'ai raté une partie de votre question.

+-

    M. Larry Bagnell: Ma première question ne portait que sur les ressources. Vous aurez donc besoin de ressources supplémentaires à cause des nouvelles dispositions?

+-

    M. Gaston Jorré: Oui. Comme je l'ai dit, nous avions commandé une enquête et nous nous sommes classés au quatrième rang, sur cinq pays, par habitant. Les pays qui sont en tête de liste devant nous sont l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Après nous, il y a l'Allemagne.

+-

    M. Larry Bagnell: Je n'ai qu'une autre question, et je veux sortir cette fois-ci des sentiers battus. Je suis d'une région rurale, du Yukon. La plupart des localités chez nous comptent moins de 2 000 habitants; j'imagine donc que bon nombre des affaires que vous traitez n'ont rien à voir avec ce genre d'endroits. Mais il est tout aussi important, dans notre société, qu'une concurrence loyale existe là-bas aussi.

    Je ne connais pas toutes les dispositions de la loi, mais je sais que dans le cas des fusions, par exemple, il y a une limite à la taille. Il y en a même certains qui proposent d'augmenter la taille des entreprises visées. Comme nous sommes sortis des sentiers battus, je me demande pourquoi cette limite à la taille existe. Prenez le cas des autres infractions dans notre société. Si une personne vole une bouteille de shampooing dans une pharmacie, c'est tout le système public du Canada qui intervient, à savoir le système judiciaire, et cela coûte très cher, beaucoup plus que le coût d'une bouteille de shampooing, parce qu'il y a là un principe fondamental en jeu. De même, si quelqu'un détourne 10 millions de dollars d'une banque, on ne va pas procéder à une analyse coûts-avantages avant d'intenter des poursuites. Donc, dans la mesure où nous voulons que tous nos citoyens aient le sentiment d'être traités équitablement et de ne pas subir une concurrence injuste, pourquoi imposerions-nous une limite aux fusions ou à autre chose? De toute évidence, vous ne voulez pas que toute la procédure s'applique dans tous les cas, vous voudrez donc peut-être imiter les tribunaux, avoir une procédure moins coûteuse, comme la Cour des petites créances ou les juges de paix, qui coûtent beaucoup moins cher que votre procédure tous azimuts. Je sais que je sors des sentiers battus, mais je dois m'assurer que mes électeurs sont bien servis. Et je peux vous dire une chose. La fusion du propane les a très bien servis, parce que la situation antérieure nous causait beaucoup de tort.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Gaston Jorré: Je suis heureux que vous ayez mentionné le propane parce que j'allais le mentionner, entre autres. Le Yukon est une des régions où la fusion a provoqué la création d'un monopole.

    Je crois utile de mentionner que nous pouvons nous pencher sur n'importe quelle fusion, quelle que soit la taille des entreprises visées. La question de la taille intervient si on est obligé de nous notifier. Et l'idée à l'origine de ce principe est que, bien sûr, plus la transaction est petite ou plus les parties en cause sont petites, plus il en coûte d'enclencher ce processus. Mais même dans les cas où il n'y a pas de notification, nous avons l'autorité voulue pour nous pencher sur toute fusion dans les trois années qui suivent sa réalisation. Et il y a des cas qui nous sont signalés où nous n'avons pas été notifiés.

    J'imagine que le principe est le suivant—c'est un compromis—si tout était gratuit en ce monde, on pourrait exiger une notification dans tous les cas de fusion. Mais étant donné ce qu'il en coûte, il faut établir un certain seuil avant d'imposer un processus de notification, et voilà pourquoi il y a un seuil pour la notification. Cependant, nous sommes évidemment autorisés à examiner n'importe quelle fusion. On nous signale parfois des transactions, et nous les étudions.

+-

    M. Larry Bagnell: Je vois bien qu'il y a des droits de 25 000 $ ou quelque chose du genre, mais dans une petite localité où il n'y a que quelques centaines de personnes, il n'y a généralement qu'un seul... En fait, si l'on fournit un service quelconque, il n'y a habituellement qu'un seul fournisseur. Il peut s'agir d'une seule épicerie, ou d'un seul poste d'essence, qui desservent toute la localité. Mais disons qu'il y aurait deux postes d'essence ou deux épiceries et qu'on imposait la notification—et vous ne saurez pas qu'il y a eu fusion si on n'impose pas la notification—de toute évidence, on ne va pas leur demander de verser 25 000 $. On devrait peut-être exiger un droit de dépôt de 100 $ ou quelque chose du genre. Mais cela aurait peut-être pour effet de faire comprendre à tout le monde, dans une société qui ignore l'existence du Bureau de la concurrence, qu'il existe un processus et qu'il y a des gens qui examinent ce genre de choses afin de protéger le consommateur.

+-

    M. Gaston Jorré: Le problème, ce ne sont pas seulement les droits de dépôt. Si vous déposez un avis, vous devez retenir les services d'un avocat, fournir des renseignements et avoir un bon conseiller. Dans la fusion de deux épiceries de taille moyenne, l'obligation de déposer un avis représenterait un fardeau énorme. Par contre, nous pourrions examiner si cette fusion pose ou non un problème si quelqu'un déposait chez nous une plainte. Il est donc possible de déclencher le processus.

+-

    M. Larry Bagnell: Comme je l'ai dit, le processus serait entièrement différent. Il ne serait pas nécessaire d'être aidé d'un avocat et de faire toutes ces choses. Il faudrait que le processus soit beaucoup moins coûteux pour ces gens-là. Enfin, c'est une idée pour lancer la discussion sur ce sujet.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): D'accord. Madame Desjarlais.

+-

    Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Pour revenir à la question de M. Bagnell, croyez-vous qu'il serait nécessaire de hausser le seuil? On nous a dit que ce seuil n'avait pas changé depuis environ 15 ans. Croyez-vous qu'il faudrait le hausser, et si oui, jusqu'où?

+-

    M. Gaston Jorré: Oui. Il existe deux seuils, selon l'ampleur de la transaction et la taille des parties en cause. Nous croyons qu'il faudrait hausser le seuil des transactions, qui est actuellement de 35 millions de dollars. Le seuil de la taille des parties, qui est de 400 millions de dollars, est beaucoup plus élevé. Nous croyons qu'il serait possible de hausser le premier, mais pas le second, à peu près en fonction de l'inflation depuis que la loi a été adoptée, ce qui nous amènerait à environ 50 millions de dollars.

    L'autre seuil semble très élevé. Il l'est également si on le compare à celui qui existe actuellement aux États-Unis, et notre économie est beaucoup plus petite. Une petite transaction a des répercussions bien plus importantes ici que dans l'économie américaine.

¿  +-(0935)  

+-

    Mme Bev Desjarlais: Le seuil des transactions serait augmenté et pas celui des parties?

+-

    M. Gaston Jorré: Celui relatif à la taille des parties, c'est exact.

+-

    Mme Bev Desjarlais: D'accord.

    Dans vos observations sur le terme «indûment», vous avez dit que l'utilisation de ce terme a soulevé un certain nombre de préoccupations.

    Monsieur McCrone, vous avez dit que cela pourrait susciter de nombreuses—avez-vous parlé d'«allégeances»? Est-ce le mot que vous avez utilisé?

+-

    M. André Lafond: Des «alliances stratégiques».

+-

    Mme Bev Desjarlais: ...que cela pourrait susciter trop d'alliances stratégiques. N'est-il pas possible d'éliminer le terme «indûment» tout en continuant de régler les cas flagrants de comportement anticoncurrentiel? N'y a-t-il pas moyen de continuer de régler ces cas tout en corrigeant les préoccupations soulevées par l'utilisation de ce terme?

+-

    M. R.W. McCrone: Le travail que nous faisons actuellement pour modifier l'article 45 vise déjà cette fin. Nous reconnaissons tous qu'il faut modifier cet article. Il semble y avoir consensus pour que nous adoptions une approche à deux volets, dont un volet rendrait illégaux les accords de fixation de prix et de partage des marchés qui nuisent nettement à la concurrence. Il ne serait donc pas nécessaire de régler ce problème du terme «indûment». L'autre volet, le volet civil, permettrait d'évaluer ces alliances stratégiques et ces co-entreprises d'une façon plus équilibrée. Les gens d'affaires nous disent craindre à l'heure actuelle de participer à de tels accords aussi souvent qu'ils le devraient dans l'intérêt de l'économie.

+-

    Mme Bev Desjarlais: On a demandé entre autres comment une entreprise pourrait savoir qu'elle n'entre pas dans cette catégorie? Les entreprises seraient-elles encore en mesure de créer ces alliances sans se sentir menacées d'être accusées de comportement notoirement anticoncurrentiel?

+-

    M. R.W. McCrone: Parmi les dispositions envisagées, certaines permettraient une autorisation préalable. Cela signifie qu'on pourrait demander conseil au directeur pour savoir si la transaction peut poser un problème sous le régime de l'article 45. Ainsi, les parties seraient protégées tant que les faits de la transaction ne seraient pas modifiés.

    En outre, nous sommes en train de rédiger un bulletin sur les alliances stratégiques pour conseiller les gens d'affaires. Nous disons dans ce bulletin, qui n'est pas encore publié, qu'à moins qu'il s'agisse de fixation de prix ou de partage de marché, les transactions seront examinées sous le régime des dispositions civiles de la loi. Cela devrait rassurer les gens d'affaires en attendant que l'article 45 soit modifié.

+-

    Mme Bev Desjarlais Je vois.

    Ma question suivante fait aussi suite à celle de M. Bagnell sur les pratiques anticoncurrentielles de petites ou moyennes entreprises ou ce qui pourrait être perçu comme une fusion créant un monopole. Traitez-vous de ces cas de comportement anticoncurrentiel au niveau municipal, ou seulement au niveau régional ou national?

+-

    M. Gaston Jorré: La loi s'applique de façon générale. Si cela relève des dispositions civiles, la question est de savoir s'il y a comportement anticoncurrentiel sur le marché pertinent. Si ce marché est petit, la loi s'applique en conséquence, qu'il s'agisse d'une fusion ou d'autre chose.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Y a-t-il d'autres questions?

    Monsieur Savoy, à vous la parole.

+-

    M. Andy Savoy (Tobique--Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'ai deux ou trois questions à poser. Tout d'abord, j'aimerais parler de cette nouvelle approche à deux volets. Plus particulièrement, il s'agit de déterminer les coûts et les avantages de l'élimination du mot «indûment» et de l'adoption d'une approche à deux volets qui nous permettrait d'examiner les alliances stratégiques du point de vue du droit civil. En ce qui concerne les coûts et les avantages, combien coûtera cette nouvelle approche à deux volets par rapport à son principal avantage, soit de dissuader les entreprises d'établir des alliances stratégiques?

+-

    M. R.W. McCrone: Voulez-vous savoir quels seraient les coûts pour le Bureau?

+-

    M. Andy Savoy: Non, je parle plutôt des coûts pour l'industrie, des inconvénients.

+-

    M. R.W. McCrone: Les inconvénients? Je n'en vois pas de véritables. Les gens d'affaires nous ont dit que, à l'heure actuelle, ils hésitent à prendre certaines mesures productives car ils craignent de faire l'objet d'accusations aux termes de l'article 45. Je présume qu'une fois que cette crainte sera dissipée, ils prendront ces mesures productives.

    Parallèlement, la disposition non discrétionnaire que nous envisageons devrait faciliter les poursuites lors d'accords manifestement anticoncurrentiels. À mon sens, ce sont deux grands avantages et personne n'a encore fait valoir d'argument clair selon lequel cela entraînera des coûts considérables.

    La principale crainte que ressentent certains, c'est que ces nouvelles dispositions s'appliquent à un grand nombre d'accords de bonne foi. Ils font valoir qu'on devrait conserver le terme «indûment» car il protège ce genre d'accords. Nous tentons d'apaiser cette inquiétude avec l'application de dispositions civiles à toutes les ententes, sauf celles sur la fixation des prix ou le partage des marchés.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Andy Savoy: Je vois. Merci.

    Ma deuxième question porte sur les pratiques anticoncurrentielles d'établissement des prix et les poursuites au criminel et au civil.

    Si on regarde les trois genres d'établissement des prix qui existent—les prix d'éviction, les prix imposés et la discrimination par les prix—la pratique des prix d'éviction me semble assez simple. Mais en ce qui a trait aux prix imposés et à la discrimination par les prix, dans la chaîne d'approvisionnement... Je vous donne un exemple; vous me direz comment notre proposition nous permettrait de traiter de ce genre de cas.

    Un fournisseur qui réduit le prix qu'il demande aux détaillants anticipe en conséquence une augmentation importante de son chiffre d'affaires, ce qui lui permet de justifier la baisse de prix. Parce que ce fournisseur a réduit ses prix, au bout du compte, le prix du marché baissera aussi. Les mesures que nous proposons auront-elles une incidence sur ce genre de situation?

+-

    M. R.W. McCrone: De quelle proposition parlez-vous?

+-

    M. Andy Savoy: Je pense à la possibilité d'intenter des poursuites civiles plutôt que pénales dans les cas de pratique anticoncurrentielle d'établissement des prix.

+-

    M. R.W. McCrone: D'accord. Je crois que c'est une recommandation que vous avez formulée ou, à tout le moins, que vous avez recommandé qu'on l'envisage.

    Le Bureau ne préconise pas ce changement pour l'instant. Les prix d'éviction sont actuellement visés par l'article 79, la disposition sur l'imposition de prix qui traite de ce genre d'entente verticale sur les prix. C'est un article qui nous est très utile. C'est celui que nous avons invoqué pour intenter des poursuites dans le dossier de l'essence, par exemple. Les gens d'affaires et le grand public comprennent très bien cette disposition. En général, elle freine les augmentations de prix, ce qui en fait une disposition populaire auprès des consommateurs. Il ne semble donc pas nécessaire de la changer.

    En ce qui a trait à l'imposition de prix, il est vrai que, dans le passé, nous avons envisagé de supprimer cette disposition, mais on a décidé de la conserver après que les petits entrepreneurs nous aient dit qu'il serait préférable qu'elle continue de relever des dispositions criminelles pour conserver son effet dissuasif qui les aide à faire affaires avec les grands fournisseurs. De plus, un groupe d'experts nous a indiqué que la discrimination par les prix était déjà visée par l'article 79 des dispositions civiles.

+-

    M. Andy Savoy: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Strahl, vous avez la parole.

+-

    M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Merci, monsieur le président.

    Je remercie les témoins d'être venus. J'ai deux ou trois questions à leur poser.

    Premièrement, au sujet de la loi-cadre en général, des témoins nous ont dit qu'une loi-cadre devrait être précisément cela. Elle devrait s'appliquer à tous les secteurs de façon égale. Mais il semble que récemment, on a abandonné cette pratique; vous vous souvenez sans doute de ce qu'on a dû faire dans le secteur aérien devant les machinations, qui se poursuivent encore. par suite de la déconfiture de plusieurs lignes aériennes.

    Selon vous, est-ce que la loi s'éloigne de plus en plus de son objectif original, soit d'assurer un traitement égal pour tous aux termes d'une loi d'application générale ou estimez-vous indiqué de traiter de façon différente les différents secteurs, que ce soit le transport aérien, les journaux, les banques ou d'autres, puisque ça vous facilite la tâche?

+-

    M. André Lafond: Le cadre d'évaluation des agissements anticoncurrentiels dans le secteur aérien est celui que prévoit normalement l'article 79. Mais en raison des caractéristiques particulières de ce secteur, des modifications ont été apportées à l'article 78 indiquant quel genre d'agissements nous examinerons parce qu'ils nous semblent anticoncurrentiels pour le secteur aérien. Mais une fois que ces agissements ont été clairement répertoriés—et soit dit en passant, la liste de l'article 78 n'est pas exhaustive, nous ne sommes donc pas limités par ce libellé—si nous décelons des agissements anticoncurrentiels, c'est le processus normal prévu à l'article 79 qui s'applique.

    Le gouvernement a jugé bon de mieux définir les dispositions en ce qui a trait au secteur du transport aérien en raison des caractéristiques particulières de ce secteur, qui est unique en son genre. Ce secteur est dominé par un transporteur; la propriété étrangère est limitée; les actifs peuvent être déplacés assez rapidement et servir à déloger les nouveaux arrivants. Voilà pourquoi, à l'époque, le gouvernement a jugé bon de préciser quel agissement serait considéré anticoncurrentiel dans le secteur aérien.

    Si mon intervention est trop longue, n'hésitez pas à m'arrêter, mais pour ce qui est du cadre, la loi sur la concurrence, qui est une loi-cadre, s'applique à tous les secteurs. Elle contient de grands principes d'économie et de droit que nous devons appliquer aux divers cas de l'industrie. S'il nous fallait adopter une loi particulière pour chaque secteur, nous ne disposerions plus de la marge de manoeuvre que nous confère la loi, car l'environnement économique continue d'évoluer avec le temps.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Chuck Strahl: Si la liste qui figure actuellement dans la loi et dont vous avez parlé n'est pas exhaustive et pourrait s'appliquer à d'autres secteurs, le Bureau a-t-il reçu des plaintes ou s'est-il penché sur la concentration des médias au Canada? Quelqu'un vous a-t-il transmis une plainte ou a-t-on soulevé cette question? C'est un sujet de plus en plus d'actualité dans les cercles politiques, car il touche non seulement au comportement concurrentiel, mais aussi à la liberté de parole. C'est un dossier très complexe. L'avez-vous étudié?

+-

    M. Gaston Jorré: La concentration et la convergence des médias soulèvent des questions importantes et difficiles. Certaines de ces questions relèvent de la Loi sur la concurrence. Il s'agit des questions qui nous intéressent habituellement, par exemple, les effets d'une fusion sur les prix, le choix et la qualité; comme vous le savez, nous examinons aussi les marchés de la publicité. Dans un cas extrême, le manque de choix pourrait être invoqué si deux journaux fusionnaient et qu'il n'en restait plus qu'un dans une ville.

    Mais bon nombre de ces questions ne relèvent pas de la loi sous sa forme actuelle. La Loi sur la concurrence est une loi de nature économique, s'intéressant aux structures économiques, alors que certaines de ces questions, comme vous l'avez fait remarquer, relèvent de la liberté de parole. Bien sûr, puisque nous vivons dans une démocratie politique, ce sont des questions importantes. Elles méritent qu'on s'y attarde. Si le Parlement et le gouvernement voulaient les étudier, il leur faudrait adopter une loi leur permettant de le faire.

+-

    M. Chuck Strahl: Pour bien des observateurs, et je ne prétends pas être expert des médias, c'est certain, bien qu'il me soit arrivé d'être la victime des médias. Ce dont il s'agit ici, ce n'est pas seulement de la domination du marché mais aussi de l'intégration du secteur des médias: des journaux deviennent la propriété d'entreprises de télévision, qui sont elles-mêmes la propriété d'entreprises de publicité, ce qui mène à une concentration du pouvoir.

    Bien sûr, ces gens ne font qu'exercer les droits que leur accordent les marchés libres, le droit à l'intégration et aux économies d'échelle, mais vous, c'est de ça dont vous vous occupez. C'est le prétexte qu'on invoque toujours, celui des bonnes pratiques commerciales. Les observateurs, eux, ne voient que la domination du marché. De plus en plus, au Canada, on invoque l'argument économique. Il ne s'agit plus seulement de liberté de parole. On ne peut s'insérer dans un marché qui est dominé par un ou deux joueurs, un particulièrement.

    La loi actuelle vous permettait-elle d'examiner cette situation ou est-ce plutôt le genre de cas que vous évitez comme la peste?

¿  +-(0950)  

+-

    M. Gaston Jorré: Nous y avons certes beaucoup réfléchi. Les questions qui ne sont pas manifestement des questions économiques ne relèvent pas de nous. Comme je l'ai dit, nous parvenons parfois à établir un lien avec une question économique, mais pour ce qui est des politiques centralisées concernant le contenu, il est difficile de faire valoir que cela a une incidence sur la concurrence dans un marché particulier où il n'y a qu'un seul journal au départ.

    S'il s'agit de savoir si la concurrence change au sens de notre loi, il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est une question d'importance et qui mérite qu'on l'examine, mais, pour ce faire, je crois qu'il faudrait une autre loi. Pour ce qui est de savoir si cette loi modifierait la nôtre et si elle serait entièrement distincte, c'est au gouvernement et au Parlement d'en décider.

+-

    M. Chuck Strahl: Avant de passer à un autre sujet, pourriez-vous me dire si on vous a demandé...

+-

    M. Gaston Jorré: Chaque fois que des entreprises se sont fusionnées, nous avons examiné l'opération. Dans certains cas, nous avons réclamé des changements, mais ce ne sont pas des changements portant sur les sujets qui vous intéressent.

+-

    M. Chuck Strahl: J'ai bien l'impression qu'on reviendra à ce sujet, mais dans le cadre de cette loi-ci. Seul le temps nous le dira.

    J'aimerais aborder rapidement deux ou trois autres choses. Concernant les ententes internationales sur les comportements anticoncurrentiels, vous avez indiqué que, de plus en plus, vos travaux et vos recherches se mondialisent, surtout pour ce qui est des pays industrialisés. Pendant notre examen de la loi, on nous a parlé d'une ébauche d'accord avec les États-Unis ou avec un autre pays. On a laissé entendre qu'il serait logique pour le Canada de commencer ce genre de négociation en vue d'un accord bilatéral avec les États-Unis. A-t-on réalisé des progrès dans ce dossier? A-t-on obtenu des pourparlers avec des représentants des États-Unis ou d'autres pays? Dans l'affirmative, où en sont ces discussions?

+-

    M. Gaston Jorré: Parlez-vous plus précisément de l'échange de preuves civiles? Nous avons signé plusieurs accords, mais je présume que vous faites allusion à l'entente qui découlera du projet de loi sur les preuves civiles.

+-

    M. André Lafond: Nous avons eu des discussions générales avec les États-Unis et l'Union européenne, mais tant que ce projet de loi n'aura pas été adopté, il y a peu de choses que nous puissions faire, à part indiquer aux autres parties qu'un projet de loi est en instance d'adoption et qu'il nous permettra la communication d'information en cas d'agissements anticoncurrentiels qui touchent plus d'un pays.

+-

    M. Chuck Strahl: Nous en sommes donc seulement à l'étape préparatoire. J'espère que le comité va se tenir au courant de l'évolution de ce dossier, car la mondialisation me semble inévitable, que nous soyons pour ou contre. Il est essentiel que nous obtenions des accords internationaux sur ces questions pour partir du bon pied... Et je crois que le commissaire et son personnel sont très expérimentés. Nous nous en remettons entièrement à vous et vous ne pouvez donc pas nous décevoir.

    J'espère que le comité sera tenu au courant du déroulement de ces négociations, car cela contribuera à rassurer les gens au sujet de la mondialisation. Cela nous permettra de croire qu'on ne va pas nous livrer pieds et mains liés, que nous n'avons pas renoncé à notre souveraineté et à un tas d'autres choses. Il est important de tenir les gens au courant de ce qui se passe au niveau des accords internationaux et j'espère que nous serons bien informés à propos de celui-ci, d'autant plus qu'il peut contribuer à rassurer le public s'il est bien expliqué.

    J'espère que vous nous tiendrez au courant. Il est rassurant de savoir que cet accord n'est pas entouré de mystère ou conclu secrètement, comme c'était le cas pour l'AMI, car ce serait également problématique si les gens ne se sentent pas rassurés. Je vous invite à le faire lorsque la négociation de ces accords commencera.

+-

    M. Gaston Jorré: Si vous me permettez d'ajouter une chose, dans la mesure où ce n'est pas confidentiel, il y a des échanges entre nous, les Américains, les Européens et les autres intéressés. Il y a beaucoup de choses que cette coopération entre nous permet de faire sans aller à l'encontre de nos règles respectives concernant la confidentialité. Par exemple, dans le cas d'une importante transaction internationale, nous pouvons nous aider mutuellement à comprendre comment analyser la transaction, quelles sont les questions techniques que soulèvent les différentes catégories de produits et comment les regrouper. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire actuellement tout en respectant les restrictions et c'est ce que nous faisons.

¿  +-(0955)  

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Strahl. C'est maintenant au tour de M. St. Denis.

+-

    M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président, et je remercie nos témoins de nous aider pour cette mise à jour très importante.

    Je voudrais que nous parlions quelques instants du critère des gains en efficience. Vous tenez quelques propos utiles à ce sujet, monsieur Jorré, aux pages 8 et 9 de votre rapport.

    Je sais que cette cause est allée récemment devant les tribunaux, mais ces derniers se sont prononcés et je suis sûr que vous choisirez vos mots judicieusement. La décision qui a été rendue et qui renvoie l'affaire devant les tribunaux—où elle se trouve actuellement—vous a-t-elle éclairés quant à la façon d'aborder ce genre de questions à l'avenir? Ou faudrait-il également apporter des changements à l'article 96 de la loi?

+-

    M. Gaston Jorré: En ce qui nous concerne, la décision de la Cour d'appel fédérale nous a été très utile. Comme vous le savez, nous n'étions pas du tout d'accord avec la décision du Tribunal de la concurrence. Nous n'avions pas réussi à le convaincre de notre façon de voir pour ce qui est du critère des gains en efficience.

    La Cour d'appel était d'accord avec nous dans une large mesure et elle nous a donné une nouvelle façon d'analyser l'article 96. Cette approche nous paraît nettement supérieure et nous croyons que c'est une chose très positive. La preuve devra être examinée en fonction de ce principe et il est difficile de porter un jugement avant de voir comment cela se répercutera sur le jugement que doit encore rendre le Tribunal.

    Je pense que cette décision nous a été utile. Elle réglera peut-être nos problèmes lorsque nous examinerons le résultat final. Peut-être que non. C'est très difficile à prédire, mais en ce qui nous concerne, notre situation sera certainement nettement meilleure qu'elle l'était avant le verdict de la Cour d'appel.

+-

    M. Brent St. Denis: Êtes-vous en mesure de dire s'il est souhaitable de modifier l'article 96, ou est-il trop tôt pour se prononcer?

+-

    M. Gaston Jorré: Je crois que c'est trop tôt. Si les choses se déroulent comme nous l'espérons et si les arguments que nous avons présentés au tribunal sont acceptés, il se peut que nos problèmes se trouvent réglés, en tout cas la plupart d'entre eux. C'est très difficile à prédire, mais la décision de la Cour d'appel était une excellente décision.

+-

    M. Brent St. Denis: Je suis relativement nouveau à ce comité, mais plus nous tenons de réunions sur ce sujet, plus je constate combien il est difficile de concilier en même temps quelque chose de très objectif et de subjectif.

    Cela m'amène à dire que, lorsque vous cherchez, dans une affaire donnée, à appliquer le critère du gain d'efficience, si vous avez, par exemple, deux requérants dans une cause de fusion—comment décidez-vous jusqu'où aller, disons jusqu'aux fournisseurs ou jusqu'aux fournisseurs des fournisseurs? À un moment donné, vous devez sans doute décider si les gains d'efficience... Vous pourriez analyser toutes les répercussions de la fusion jusqu'au bout de la chaîne, mais comment décidez-vous de vous arrêter quelque part pour comparer ces gains avec ce que la fusion coûte au consommateur ou à la société?

À  +-(1000)  

+-

    M. Gaston Jorré: Nous nous demandons si les gains d'efficience compensent les effets anticoncurrentiels. En principe, cela comprend l'ensemble des effets anticoncurrentiels. Certains d'entre eux sont mesurés quantitativement, mais d'autres sont qualitatifs. Selon la décision de la Cour d'appel, cela doit aller au-delà d'une simple analyse quantitative, ce qui est une excellente chose. Vous pouvez essayer d'évaluer les répercussions sur les prix à la consommation ou encore ce que les consommateurs perdront et quelles en seront les conséquences, mais vous avez raison de dire que si vous tenez compte de tous les effets dynamiques subséquents, cela devient très compliqué. Les parties au fusionnement vont évidemment faire valoir les gains qu'elles vont réaliser, mais pour ce qui est des conséquences en aval, c'est assez difficile à estimer.

    Puis il y a d'autres facteurs qui sont plus qualitatifs et que vous ne pouvez pas vraiment mesurer. Pour vous donner un exemple bien simple, comment évaluer les conséquences de la perte de choix? Si vous n'avez plus qu'un fournisseur au lieu de deux, à part la question du prix, vous vous trouverez certainement désavantagé. C'est une chose qu'il n'est pas vraiment possible d'évaluer, mais dont il faut tenir compte.

    Nous essayons de mesurer ou d'inclure tous ces facteurs. Je crois que cet article nous permet de le faire. Tous ne sont pas mesurables quantitativement. Heureusement, la décision de la Cour d'appel indique clairement que ce n'est pas seulement une question de mesure quantitative. Mais c'est un processus très difficile.

+-

    M. Brent St. Denis: Pour ce qui est des lignes directrices concernant l'application dont vous nous avez remis un exemplaire aujourd'hui, cela me fait penser aux bulletins d'interprétation émis par l'Agence des douanes et du revenu. Cela ressemble à votre bulletin d'interprétation sur l'application. Avez-vous le même genre de document pour l'efficience? Cela m'intéresserait beaucoup.

+-

    M. Gaston Jorré: La partie 5 des lignes directrices sur l'examen des fusionnements concerne l'efficience et a été rédigée il y a des années, avant la cause Superior Propane. Ce sont des dispositions que nous avons en fait supprimées. Le jugement rendu par la Cour d'appel au sujet de Superior Propane les a annulées. À un moment donné, lorsque cette cause sera réglée, nous devrons réviser nos lignes directrices car de toute évidence elles ne sont plus fiables. Nous avons donc des lignes directrices, mais elles ne sont plus à jour. Nous allons les réviser une fois que cette cause sera définitivement réglée.

+-

    M. Brent St. Denis: Je voudrais conclure brièvement, monsieur le président.

    Je suppose que l'argument de l'efficience n'est pas soulevé pour tous les fusionnements.

+-

    M. Gaston Jorré: Il n'est pas toujours soulevé et si le fusionnement ne pose pas de problème sur la plan de la concurrence, la question n'est évidemment pas abordée. Mais même lorsque des problèmes se posent, cet argument n'est pas toujours invoqué.

+-

    M. Brent St. Denis: Je conclurai simplement en vous demandant, sans entrer dans les détails, si, en ce qui concerne toute la question du fusionnement des lignes aériennes, on a tenu compte du critère des gains d'efficience ou si cela reposait sur d'autres considérations idéologiques?

+-

    M. Gaston Jorré: Dans le cas du fusionnement d'Air Canada et Canadien, vous aviez une entreprise au bord de la faillite et le contexte était donc très différent. Je ne crois pas que l'efficience ait joué un rôle important. Non, je ne le crois pas.

+-

    M. Brent St. Denis: Merci beaucoup.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur St. Denis.

    M. Bergeron.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Merci, monsieur le président.

    Vous me permettrez de revenir sur l'intervention précédente, et quoique nous allons discuter de fixation des prix, n'allez pas croire que j'ai une fixation sur l'article 45. Il m'apparaissait important de clarifier un certain nombre de choses.

    D'abord, au niveau de l'article 45, M. McCrone, vous semblez, dans vos interventions, laisser entendre ou croire ou penser que nous pensons que l'approche en deux volets exclut d'emblée toute réévaluation de la pertinence au nom de la présence du terme «indûment» dans l'article lui-même. Je m'explique.

    Si on met en place cette approche en deux volets qui vise à faire en sorte qu'une certaine partie soit maintenue sous le volet criminel et qu'une partie tombe sous le volet civil, il y aurait donc, dans votre esprit, si je comprends bien, maintien du mot «indûment», ce qui ne règle pas, en soi, le problème fondamental qui est que, lorsqu'on veut faire la démonstration d'un comportement anticoncurrentiel, la présence du mot «indûment» dans le volet criminel fait en sorte qu'on ne parvient toujours pas à faire la démonstration, dans la plupart des cas, d'une pratique anticoncurrentielle.

    Donc, en quoi, dans votre esprit, cette approche en deux volets, qui maintiendrait l'inclusion du terme «indûment» dans la loi, réglerait-elle le problème? En fait, nous ne ferions que régler une partie du problème, si je puis dire. Mais le problème fondamental qui fait en sorte qu'on n'arrive pas, parce que le terme «indûment» donne une trop grande latitude au tribunal, à faire la démonstration, dans la plupart des cas, d'un comportement anticoncurrentiel, demeure. Comment, dans votre esprit, l'approche en deux volets, avec le maintien du mot «indûment», ferait-elle en sorte que nous parviendrions à régler le problème auquel nous faisons face actuellement?

À  +-(1005)  

[Traduction]

+-

    M. R.W. McCrone: Je n'ai sans doute pas été très clair. L'approche à deux volets ferait disparaître le mot «indûment» de l'article concernant le complot. Il ne serait plus nécessaire de prouver que ces buts ont été poursuivis indûment.

    S'il y a eu collusion en matière de prix ou de partage des marchés et si vous pouvez établir qu'on s'est entendu pour fixer les prix ou se partager les marchés, il y a eu acte criminel. Le mot «indûment» n'a aucune influence. Comme ce ne sera plus une considération au civil ou au pénal, tous les problèmes d'interprétation que suscitait cette expression vont du coup disparaître.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Je n'ai rien à ajouter là-dessus.

    Maintenant, pour revenir sur la question des conditions normales du marché, vous nous avez dit à la toute fin de votre intervention, monsieur Lafond, que vous considériez, malgré la présence dans la mesure législative des termes «conditions normales du marché», que vous aviez la latitude nécessaire pour vous permettre de déterminer qu'il pourrait y avoir une interprétation abusive des conditions normales du marché vous amenant, de ce fait, à présenter le cas devant le Tribunal de la concurrence, malgré tout.

    Cela dit--et c'est ce que j'évoquais à la toute fin quand le président a légitimement passé la parole à quelqu'un d'autre--ça ne garantit pas que le tribunal fera nécessairement la même évaluation. Le tribunal doit s'en tenir à un certain nombre de critères d'interprétation, et parmi les critères d'interprétation, il y a celui très clairement indiqué dans la loi, qui est que le tout doit se faire selon les conditions normales du marché.

    Mais je reviens à l'exemple que j'évoquais tout à l'heure. Quand, dans une situation quasi monopolistique, un certain nombre d'entreprises, en y allant presque d'une entente tacite entre elles, définissent ce que sont les conditions normales du marché, elles ont beau jeu, par la suite, d'invoquer ces conditions normales du marché, et le tribunal doit s'en tenir, effectivement, à ce critère d'interprétation que sont les conditions normales du marché. Le résultat, c'est que même après que vous aurez interprété que vous avez la latitude pour amener la cause devant le Tribunal de la concurrence, il y a fort à parier que le Tribunal de la concurrence tranchera en faveur des entreprises qui invoqueront les conditions normales du marché puisque ça constitue un critère d'interprétation pour le tribunal.

+-

    M. André Lafond: Vous avez raison de dire que ça constitue un critère d'interprétation. Il n'y a pas de doute. Mais aussi, lorsqu'on amène un cas devant le Tribunal de la concurrence, on a fait nos devoirs. C'est à nous, dans un système où, justement, il y a des adversaires, de prouver et de démontrer au tribunal qu'effectivement, la compagnie X ou les compagnies X vont en dehors de ce qu'on retrouve normalement dans le marché. Je pense que si on décidait, à un moment donné, de prendre un cas, on serait à peu près certains d'avoir les justifications nécessaires pour réussir à convaincre le tribunal qu'on a raison et que, effectivement, la compagnie se cache derrière les conditions normales du marché pour, justement, empêcher l'approvisionnement d'un produit qu'elle recherche.

    C'est bien entendu qu'à la fin, notre organisme en est un qui fait enquête. C'est le tribunal qui doit trancher, mais il doit trancher selon l'information qui lui est présentée, selon les arguments qui lui sont présentés. C'est notre rôle de démontrer qu'il y a une mauvaise interprétation de la part de la compagnie dont on se plaint.

À  +-(1010)  

+-

    M. Stéphane Bergeron: Vous m'excuserez de dire les choses crûment comme ça, mais ma mère me disait souvent que ça, c'est de se donner de la misère pour rien.

    Dans le sens où vous semblez établir le fardeau de la preuve à un niveau relativement élevé, vous semblez, en voulant maintenir les termes «conditions normales du marché», vous donner plus de difficulté à convaincre le tribunal d'un comportement anticoncurrentiel, alors que l'absence des termes «conditions normales du marché» vous permettrait probablement de pouvoir faire la démonstration beaucoup plus aisément au tribunal qu'il y a eu, effectivement, comportement anticoncurrentiel.

    J'ai comme l'impression que vous souhaitez vous donner de la misère pour rien.

+-

    M. André Lafond: Pas vraiment. Je pense que ce n'est pas nécessairement une question de se donner de la misère. L'article, tel que défini, nous donne une certaine balise à l'intérieur de laquelle on doit travailler. Mais comme je le disais plus tôt, si on enlevait cet article, peut-être que ça aurait l'effet contraire en termes de se donner de la misère, si vous voulez, en ce sens qu'on aurait beaucoup plus de difficulté à déterminer si, oui ou non, il y a une activité anticoncurrentielle en cause.

    Si, par exemple, cet aspect était enlevé, je pense qu'il faudrait examiner beaucoup plus de cas qui, selon la valeur des plaintes qui nous sont soumises, nous demanderaient beaucoup plus de recherche, à savoir ce qui se passe dans le marché, ce qui doit se faire dans le marché. Quant au refus de fournir un produit, ça dépend des conditions du marché.

    Un des principes de base, c'est qu'on ne peut pas obliger une entreprise à fournir un produit. Par contre, si elle se sert de ce refus pour éliminer un concurrent ou pour sensiblement réduire la concurrence, c'est là qu'on peut intervenir.

+-

    M. Stéphane Bergeron: Permettez-moi d'interpréter ce que vous dites, monsieur Lafond. Contrairement à ce que j'avais pensé au départ, votre volonté de maintenir les conditions normales du marché vise, en effet, à vous empêcher de vous donner de la misère pour rien en ce sens que vous avez l'impression que, si on enlevait cette terminologie, vous auriez plus de cas, donc, vous auriez plus de travail. Comme vous n'avez pas suffisamment de ressources, vous n'arriveriez pas, semble-t-il, à satisfaire à la demande. Est-ce que j'ai bien saisi?

+-

    M. André Lafond: Vous pourriez l'interpréter de cette façon, mais dans l'exercice de nos activités normales et selon les plaintes que l'on a reçues et examinées par le passé, je ne crois pas que l'aspect «conditions normales du marché» ait été, d'une façon ou d'une autre, un obstacle à notre examen des plaintes.

+-

    M. Stéphane Bergeron: Je pense bien avoir évoqué une situation qui a été soumise ici, au comité, c'est-à-dire une situation qui, justement, fait en sorte que lorsque les pétrolières fixent à toutes fins utiles les conditions normales du marché, les indépendants se trouvent très souvent soumis à l'arbitraire des pétrolières quant à la volonté de vendre ou de ne pas vendre le produit. Compte tenu de l'existence de la terminologie «conditions normales du marché», il n'y a à peu près aucun recours que peuvent utiliser les indépendants face à ces géants que sont les grandes pétrolières.

    Je reviens finalement à la question de départ. Si on veut éviter que le balancier aille à l'extrême inverse, si on admet implicitement que le balancier est actuellement à l'autre extrême, peut-être devrait-on essayer de trouver une terminologie qui puisse ramener le balancier plus au centre si on veut éviter que le balancier aille à l'autre extrême en éliminant tout simplement la terminologie «conditions normales du marché».

    Je reviens donc à ce que je vous disais plus tôt. Est-ce que le Bureau de la concurrence s'est déjà penché sur une autre terminologie pour remplacer «conditions normales du marché» afin d'éviter l'abus de grandes compagnies qui exercent un quasi-monopole sur un marché et qui définissent, à toutes fins utiles, ce que sont les conditions normales du marché, et qui se servent de cette disposition de la loi pour faire chanter les petits indépendants?

À  +-(1015)  

+-

    M. André Lafond: On ne s'est pas penchés sur la question de changer le libellé de l'article 75. Habituellement, lorsqu'on fait cet exercice-là, qu'il s'agisse de l'article 75 ou d'un autre article, c'est qu'on a pu identifier, au cours de l'examen des plaintes et des questions qui nous sont soumises, des problèmes potentiels qui nous empêchent d'agir lorsque l'on croit qu'il y a des problèmes sérieux dans un secteur.

    Pour ce qui est de cet aspect, je dois vous dire que, personnellement, je n'ai pas, à ce jour, rencontré de problème par rapport à l'aspect «conditions normales du marché».

+-

    M. Stéphane Bergeron: C'est que les petites entreprises...

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Bergeron.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Permettez-moi simplement de conclure très rapidement, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Nous disposons de beaucoup de temps. Nous reviendrons à vous. Vous pourrez peut-être formuler exactement la question que vous voulez poser. Je passe maintenant à Mme Torsney.

+-

    Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

    Après avoir écouté la discussion, quand je vois ces seuils de 35 millions d'actifs ou de chiffres d'affaires bruts et de 400 millions de dollars représentant le total de l'actif des parties au fusionnement, je me dis que la plupart des entreprises de ma circonscription n'entrent pas dans cette catégorie. Il y a quelques grandes entreprises qui peuvent payer ces 25 000 $ et pour qui ces mesures sont nécessaires. Mais je suppose que ces fusionnements de grandes entreprises ne reflètent pas entièrement la situation de la concurrence dans un pays.

    En réponse à une des questions qui vous ont été posées, vous avez parlé du fusionnement de deux chaînes de magasins d'alimentation au détail, de taille moyenne. Je ne pense pas que ce soit vraiment la situation dans le Nord. Ici, à Ottawa, nous parlons de deux épiceries, mais là-bas ce sont les deux seuls détaillants de produits alimentaires et il n'y aura évidemment pas de système de notification.

    Je suppose que quelqu'un pourrait porter plainte. Si j'essaie de nourrir ma famille, dans le Nord cela coûte extrêmement cher, de toute façon. C'est vrai non seulement pour le Nord, et non seulement pour les territoires. C'est vrai aussi dans la circonscription de Mme Desjarlais et sans doute aussi partout au nord de la région de M. St. Denis. Cela touche réellement les consommateurs.

    Quand vous parlez d'augmenter les ressources de votre bureau, songez-vous à constituer une sorte de tribunal des petites créances, une procédure qui donnerait un recours à ceux qui ont des petites entreprises? Ils pourraient dire: «Attendez un peu, si telle et telle épicerie se fusionnent, je vais me faire avoir. Je ne pourrais jamais les concurrencer». Y a-t-il un moyen de trouver une solution pour les petites localités du pays? Elles ont également besoin d'une saine concurrence et d'un renforcement des droits des consommateurs.

+-

    M. Gaston Jorré: J'ai du mal à imaginer comment on pourrait avoir un système à faible coût qui exigerait une notification.

+-

    Mme Paddy Torsney: Non, aucune forme de notification.

+-

    M. Gaston Jorré: Mais comme je l'ai dit, si nous sommes saisis de la question... Nous pouvons nous pencher sur toute fusion qu'on nous signale.

+-

    Mme Paddy Torsney: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais sérieusement, dans quelle mesure est-il probable que l'on se plaigne de la fusion de Jane et Bob à Dawson et que vous fassiez vraiment enquête sur leur cas? Vous allez répondre: «Ces deux-là totalisent des ventes de quelques milliers de dollars par année seulement. Désolé, nous avons autre chose à faire.»

+-

    M. Gaston Jorré: Vous avez raison, nous sommes rarement saisis de ce genre de cas.

À  +-(1020)  

+-

    Mme Paddy Torsney: Mais les gens se plaignent à leur député fédéral.

+-

    M. Gaston Jorré: Mais je ne peux pas croire... Il faudrait un personnel pléthorique pour savoir tout ce qui se passe. Comment pourrait-on étudier ces cas sans avoir une grande organisation qui passerait systématiquement en revue toutes les fusions? Je ne sais même pas ce qui pourrait déclencher un processus d'examen.

+-

    Mme Paddy Torsney: D'accord, disons qu'il existe un système qui serait obligatoirement déclenché par une plainte. Il est évident que vous n'allez pas mettre en place un système pareil parce que, comme vous dites, si les gens savaient qu'ils n'ont qu'à déposer une plainte pour vous obliger à faire enquête et que le dépôt de la plainte n'était assorti d'aucun droit, le système actuel serait vite engorgé. Mais a-t-on besoin d'un système parallèle, semblable à ce que nous avons avec les tribunaux, pour les affaires minimes--le seuil étant très bas--,où il y aurait enquête obligatoire et où les gens seraient encouragés à se plaindre? Les Australiens ont-ils un système quelconque, étant donné que la répartition de leur population est semblable dans les grandes régions de leur pays? Y a-t-il un pays qui a un système où les simples citoyens peuvent dire: «Un instant, s'il vous plaît, ce n'est peut-être pas grand-chose à l'échelle nationale, mais cette petite fusion est très importante dans mon coin de pays»?

+-

    M. Gaston Jorré: Je ne sais pas s'il y a des pays où l'on se penche systématiquement sur toutes les fusions, si minimes soient-elles.

+-

    Mme Paddy Torsney: Même si l'on porte plainte.

+-

    M. Gaston Jorré: Eh bien, je n'ai jamais étudié la question, mais j'imagine que dans les autres pays, si les gens écrivent aux autorités et leur signalent un problème, on fait probablement enquête. Si cette pratique était généralisée, vous avez raison, nous aurions un problème au niveau des ressources. Mais j'imagine que dans la plupart des pays--en partant de l'hypothèse qu'ils ont des structures semblables aux nôtres, où les autorités peuvent se pencher sur toutes les fusions--, si quelqu'un écrit aux autorités et signale un problème, il pourrait y avoir enquête.

    Mais imaginez qu'il s'agit de deux petits magasins. Il en coûterait beaucoup pour faire fréquemment ce genre d'enquête. Même avec une procédure simplifiée, si vous êtes partie à la transaction, vous aurez quand même besoin de conseils juridiques. S'il s'agit de deux petits magasins, ça finit par coûter très cher. Il faut donc être raisonnable ici.

+-

    Mme Paddy Torsney: Auriez-vous l'obligeance de nous dire combien de plaintes ou de demandes d'examen--je ne m'attends pas évidemment à ce que vous me citiez ces chiffres au pied levé--vous avez reçues des citoyens pour des fusions où les biens en cause totalisaient moins de 500 000 $?

+-

    M. Gaston Jorré: Le nombre de transactions sans notification obligatoire qu'on nous a signalées d'une manière ou d'une autre...

+-

    Mme Paddy Torsney: Moins de 35 millions de dollars.

+-

    M. Gaston Jorré: ...est très minime. Je ne peux pas citer de chiffres, mais c'est très minime. Soit dit en passant, nous parlons de plaintes, nous ne parlons pas d'un processus réglementaire. Il y a des choses qui nous sont signalées d'une manière ou d'une autre. Il se peut que quelqu'un nous écrive et nous dise qu'il s'est opéré chez eux une fusion qui est à leur avis épouvantablement anticoncurrentielle ou que l'initiative d'un concurrent risque de les mettre sur la paille, ainsi de suite. Je n'ai pas de chiffres, mais c'est très minime.

+-

    Mme Paddy Torsney: Pouvez-vous nous obtenir ce chiffre?

+-

    M. Gaston Jorré: Je ne sais pas...

+-

    Mme Paddy Torsney: Si c'est très minime, il n'y en aura probablement pas plus de cinq ou dix.

+-

    M. Gaston Jorré: Oui. Je ne sais pas si nous les notons systématiquement. Je ne peux songer qu'à ces cas où, d'une manière ou d'une autre, on nous les signale, et il s'agit peut-être de quelqu'un qui est touché et qui nous contacte, après quoi nous faisons enquête, et soit dit en passant, il ne s'agit jamais de montants ridicules. Les sommes en jeu sont peut-être inférieures à nos seuils, mais ce sont quand même des sommes qui sont normalement d'une certaine importance.

+-

    Mme Paddy Torsney: L'idée qui m'intéresse beaucoup, si l'on recommande l'allocation de ressources supplémentaires au Bureau de la concurrence, c'est que nous pourrions alors lui demander d'envisager un mécanisme, ou même de voir s'il est possible de créer un mécanisme pour un seuil très bas. Nous pourrions peut-être demander à notre personnel de recherche ou au bureau d'unir leur réflexion et de songer à des exemples de cas qui ont été signalés et où on ne pouvait rien faire, parce que les transactions n'étaient pas vraiment visées par le processus réglementaire, ou de cas où deux petits dépanneurs fusionnaient, ou de cas qui ne se comparent pas vraiment à ce qui se passe dans nos grandes villes. Cela pourrait aider certaines localités au Canada. On pourrait réfléchir à ce qu'on pourrait faire si l'on créait un mécanisme quelconque parce qu'à mon avis, ce serait assez novateur. Cependant, ce mécanisme ne serait pas onéreux au point où plus personne ne pourrait vendre son commerce, mais l'on tiendrait compte de ce genre de concurrence.

À  +-(1025)  

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): J'aimerais seulement apporter une clarification ici. Si je prends votre exemple, madame Torsney, si six personnes ou davantage se plaignent d'une transaction, le Bureau de la concurrence fait enquête.

+-

    M. Gaston Jorré: Il existe ce mécanisme où six personnes peuvent se plaindre. Comme je l'ai dit, quelques transactions où la notification n'était pas obligatoire nous ont été signalées, et les gens ne sont pas obligés d'intenter des recours comme tels. Il peut s'agir de gens qui téléphonent ou qui écrivent et qui nous signalent quelque chose. Cela dit, vous avez raison, mais je ne vois pas comment le processus de plainte qui émanent de six personnes pourrait... J'imagine que cela pourrait déclencher une enquête sur la fusion, à la condition qu'on respecte le délai de trois ans.

+-

    Mme Paddy Torsney: Nous pourrions peut-être tous y réfléchir à notre retour.

+-

    Le président (M. Walt Lastewka): Merci, madame Torsney.

    Mme Desjarlais.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Tremblez-vous à l'idée d'avoir à examiner toute fusion qui s'opérerait dans tous les villages du Canada?

+-

    M. Gaston Jorré: À mon avis, on risquerait de créer un système très lourd.

    Soit dit en passant, mon collègue vient de me signaler, et je dois le mentionner avant de l'oublier, que nous avons un numéro sans frais que les gens peuvent utiliser dans tous les cas où l'on agit de manière anticoncurrentielle. Je n'ai pas le numéro devant moi, mais il existe.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Très bien. J'imagine qu'on n'appelle pas très souvent.

    Est-ce que cela tient en partie au fait qu'on ne croit probablement pas qu'il y a agissement anticoncurrentiel dans les cas où il s'agit de petites transactions financières, donc le climat demeure favorable à la concurrence, et ce n'est pas aussi restrictif que dans les cas où deux grandes entreprises gazières fusionnent et où il en coûte énormément pour prendre pied sur le marché?

+-

    M. Gaston Jorré: Si les parties qui fusionnent sont de très petite taille, c'est peut-être que l'accès au marché est facile. Cependant, s'il s'agit d'une toute petite localité dans une région rurale, le marché ne pourra peut-être pas soutenir une nouvelle concurrence, justement parce qu'il est tout petit.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Et cela serait pris en compte aussi dans toute la procédure. Bien.

    Étant donné qu'on parle de petites localités, j'aimerais savoir ce qui se passe dans un cas où il y a, disons, deux petites épiceries, et l'une d'entre elle a les moyens de verser à quelqu'un le montant d'un chèque et l'autre non, et alors, elle oblige les personnes qui encaissent leur chèque à s'approvisionner à cette épicerie. Considéreriez-vous qu'il s'agit là d'un acte anticoncurrentiel?

+-

    M. Gaston Jorré: Excusez-moi, pouvez-vous répéter la question?

+-

    Mme Bev Desjarlais: Disons qu'il y a quelques petits magasins en ville, vous voulez encaisser votre chèque, mais il n'y a qu'un seul magasin qui a les reins assez solides pour verser le montant des chèques à toutes les personnes qui le demandent le même jour, pour une raison ou une autre--tâchons d'utiliser notre imagination. Souvent, dans ces cas-là, c'est le jour où les chèques de l'aide sociale arrivent, et à peu près tout le monde en reçoit un parce que 90 p. 100 des gens sont au chômage. Un détaillant dit : Nous allons vous verser le montant de votre chèque seulement si vous faites votre épicerie chez nous, ou inversement, et il vous demande des frais pour encaisser le chèque. Considéreriez-vous que c'est là un comportement anticoncurrentiel?

+-

    M. André Lafond: Tout dépend des circonstances. S'il s'agit simplement d'un service qu'on offre au client, celui-ci peut aller ailleurs. Je doute que nous considérerions cela comme étant une activité anticoncurrentielle.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Savoy, à vous.

+-

    M. Andy Savoy: Merci beaucoup, monsieur le président.

    En 1979, certains experts de la concurrence nous ont suggéré ou recommandé de privilégier les poursuites au civil susceptibles de révision en vertu de l'article 79, par rapport aux poursuites au criminel. Je crois savoir que le bureau craint de perdre ses moyens dissuasifs si l'on supprime l'aspect criminel. Mais si l'on vous donnait le droit d'imposer des amendes administratives, est-ce que cela ne remplacerait pas d'une manière quelconque les moyens dissuasifs que vous donnent les sanctions pénales?

À  +-(1030)  

+-

    M. R.W. McCrone: Les sanctions pénales nous permettent d'imposer des peines d'incarcération dans certains cas, et on ne pourrait pas retrouver cela au civil. Il y a aussi le stigmate du casier judiciaire. On tient là un élément dissuasif qui n'existe pas du côté civil.

    Je ne crois pas que l'on puisse vraiment comparer les amendes du côté criminel et les pénalités administratives du côté civil. L'amende vise clairement à pénaliser le comportement criminel, et la sanction administrative a plus pour objet d'encourager le respect des ordonnances du tribunal.

+-

    M. Andy Savoy: Certains experts de la concurrence s'inquiètent vivement de la portée excessive de ces dispositions, particulièrement en ce qui concerne les prix qui sont imposés—je parle bien sûr de prix imposés à la verticale parce que la fixation des prix à l'horizontale constitue un cas très clair—et la différenciation des prix. Ils estiment que si l'on privilégiait les poursuites au civil ou l'approche civile, cela nous permettrait de prendre en compte les effets de ces pratiques sur la concurrence, et cela supprimerait l'effet dissuasif ou l'aspect trop inclusif de ces dispositions, et cela aurait aussi pour effet d'abaisser le fardeau de la preuve à des normes civiles.

    Si l'on décriminalisait les pratiques d'imposition de prix anticoncurrentiels et qu'on ne retenait les sanctions criminelles que pour les cas les plus aberrants, est-ce que cela vous permettrait d'obtenir les mêmes résultats que vous avez maintenant? Vous pourriez intenter des poursuites au criminel dans les cas les plus aberrants, ou vous conserveriez vos sanctions criminelles. Si vous ajoutiez à cela le droit d'imposer des amendes parallèlement à cette approche, est-ce que cela réglerait le problème que pose la portée excessive de ces dispositions, l'effet dissuasif que nous avons maintenant avec l'article 79?

+-

    M. R.W. McCrone: Eh bien, s'il s'agit de différenciation des prix et de pratique d'éviction, ces pratiques sont déjà susceptibles d'examen en vertu de l'article 79. Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, la disposition relative à l'imposition des prix nous a rendu de très grands services. Il n'y a pas eu vraiment beaucoup de cas où ces articles s'appliquaient. Au cours des sept ou huit dernières années, nous avons été très prudents et avons invoqué ces dispositions judicieusement. Nous avons eu souvent recours à d'autres instruments de règlement au lieu d'intenter des poursuites pour régler ces cas rapidement, sans qu'il en coûte quoi que ce soit à nous ou aux parties. Dans la mesure où ces autres instruments sont efficaces et que nous n'avons pas de récidives, nous estimons que c'est une manière efficace de régler ces choses. Je défie quiconque de nommer un seul cas d'imposition des prix qui nous a été soumis au cours des dix dernières années et qui n'a pas eu d'effet favorable à la concurrence. Cela ne pose vraiment pas de problème.

    Pour ce qui est des pratiques d'éviction, nous avons eu trois cas jusqu'à maintenant—trois poursuites. Donc je ne vois pas comment cela peut avoir un effet dissuasif sur beaucoup de monde.

+-

    M. Andy Savoy: Eh bien, j'ai été témoin par le passé de cas d'imposition des prix à la verticale et de différenciation des prix, et il y avait souvent des avantages pour la concurrence. Certains experts croient que l'article 79 a peut-être une portée trop excessive. Pour moi, c'est un problème. C'est un problème aussi pour les experts de l'industrie, les experts de la concurrence, et la solution réside à leur avis dans la recriminalisation des pratiques d'imposition de prix anticoncurrentiels, exception faite de l'imposition des prix à l'horizontale, et dans le maintien de tous les articles à caractère pénal, et on aurait là à mon avis le meilleur des deux mondes.

    Vous ne croyez pas que cela va régler le problème que pose la portée excessive de ces dispositions? Si je vous comprends bien, vous ne croyez pas que cela fasse problème.

+-

    M. R.W. McCrone: Je ne considère pas que cela soit de trop grande portée. Mais je le répète. Je mets au défi qui que ce soit de signaler un cas où il aurait été contre-indiqué pour nous d'intervenir en invoquant la disposition. Il n'y en a pas, à mon avis. Je crains que la réussite que nous avons connue avec l'essence nous échappe, parce qu'il s'agit de la disposition que nous avons invoquée lorsqu'il y a eu tentative pour faire grimper les prix sur le marché de l'essence. C'est la partie de la loi qui nous a permis d'intenter avec succès huit poursuites judiciaires. Si elle est affaiblie parce que l'on édulcore les critères pour la concurrence, par exemple, je ne vois pas comment on pourrait régler ce problème sempiternel.

+-

    M. Andy Savoy: Mais est-ce qu'en décriminalisant les pratiques d'imposition de prix tout en maintenant les dispositions pénales, cela ne vous donnerait pas tout le mordant que vous recherchez?

+-

    M. R.W. McCrone: Mais nous avons déjà assez de mordant pour réprimer la pratique de prix d'éviction et de prix imposés. Dans les cas de prix imposés, il convient, à mon avis, de pouvoir exercer des sanctions pénales. De plus, quand la faute commise n'est pas particulièrement énorme, nous utilisons d'autres méthodes de règlement avec succès. À mon avis, une disposition de sanction au civil n'améliorerait pas la situation.

À  -(1035)  

+-

    M. Andy Savoy: Bien. Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Savoy.

    Mme Torsney.

+-

    Mme Paddy Torsney: Non, je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka: J'aimerais poser deux questions. D'abord, le tribunal s'est-il déjà penché sur l'expression «aux conditions de commerce normal»?

+-

    M. R.W. McCrone: Nous avons invoqué l'article 75 à plusieurs reprises, et c'est l'un des éléments qui doit être établi. À l'époque, le tribunal se serait effectivement posé la question. Mais je ne puis vous dire à brûle pourpoint si cela a posé problème et si on a tiré quelques conclusions déterminantes. Mais je vous assure que le tribunal s'est posé la question dans plusieurs cas.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Pour ma gouverne, trouve-t-on dans vos lignes directrices une définition de cette expression?

+-

    M. André Lafond: Non, car l'article 75 ne comporte aucune ligne directrice spécifique quant à son application.

    Pour ce qui est de votre question précédente, nous pourrions vérifier quels sont les cas qui ont été envoyés au tribunal, puis vous faire savoir si la question des «conditions de commerce normal» s'était posée.

+-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je voudrais revenir à la question de Mme Torsney sur les fusions qui ont fait l'objet d'enquête, notamment. Y a-t-il des fusions auxquelles se serait appliquée la Loi sur la concurrence, d'un montant de 35 ou de 400 millions de dollars, par exemple, et qui n'ont pas fait l'objet d'un examen faute de temps et de ressources?

+-

    M. Gaston Jorré: Cela dépend de ce que vous entendez par faire l'objet d'un examen. D'après la façon dont nous fonctionnons, lorsque quelque chose nous est envoyé, nous ouvrons toujours un dossier pour essayer de déterminer s'il s'agit ou non d'un cas simple qui ne pose aucun problème. La grande majorité des avis ne posent pas de problème, et dans la plupart des cas, il est possible de l'établir avec relativement peu de travail. C'est notre façon de faire pour préserver nos ressources en vue des cas difficiles.

    Dans certains cas, toutefois, il nous faut effectuer plus de travail avant de pouvoir établir qu'il n'y a aucun problème. Par conséquent, seule une poignée de cas prennent le gros de notre temps, alors que la majorité d'entre eux se règlent relativement vite.

-

    Le vice-président (M. Walt Lastewka): Bien.

    Merci beaucoup. Il n'y a plus de questions.

    Avant de lever la séance, j'aimerais aborder une dernière question. Je remercie les témoins d'avoir comparu et d'avoir répondu à nos questions. Si les membres du comité ont d'autres choses à vous demander, nous vous convoquerons à nouveau.

    Voici maintenant ce dont j'aimerais parler au comité. En vertu de la nouvelle procédure de la Chambre, dès qu'il n'y a pas eu dans les 45 jours de réponse fournie à une question à la Chambre, la question est renvoyée automatiquement au comité afférent.

    Or, il n'y a pas eu dans les 45 jours de réponse fournie à la Chambre à la question 85. Toutefois, comme la réponse a été donnée hier en Chambre, notre comité n'a pas à s'en occuper.

    Si vous avez d'autres questions sur cette nouvelle procédure, je suis sûr que le greffier vous répondra avec plaisir.

    C'est parce que l'on n'avait pas encore répondu à la question que je me devais d'attirer votre attention là-dessus et que la question nous avait été automatiquement renvoyée pour que nous nous en occupions dans les cinq jours, d'une façon ou d'une autre. Moi aussi, je dois me familiariser avec la nouvelle procédure.

    Puisqu'il n'y a plus de question, je vous dis à la semaine prochaine.

    La séance est levée.