INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 juin 2002
¿ | 0910 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
Mme Renée St-Jacques (économiste en chef et directrice générale, Direction de l'analyse de la politique microéconomique, ministère de l'Industrie) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. John Baldwin (directeur, Études et analyse microéconomiques, Statistique Canada) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
¿ | 0950 |
Mme Renée St-Jacques |
M. Brian Fitzpatrick |
Mme Renée St-Jacques |
M. Brian Fitzpatrick |
Mme Renée St-Jacques |
M. John Baldwin |
Mme Renée St-Jacques |
M. Someshwar Rao (directeur, Analyse des investissements stratégiques, ministère de l'Industrie) |
¿ | 0955 |
M. Brian Fitzpatrick |
Mme Renée St-Jacques |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
Mme Renée St-Jacques |
M. John Baldwin |
M. Larry Bagnell |
M. John Baldwin |
M. Larry Bagnell |
À | 1000 |
Mme Renée St-Jacques |
M. John Baldwin |
M. Larry Bagnell |
M. John Baldwin |
M. Larry Bagnell |
Mme Renée St-Jacques |
M. John Baldwin |
À | 1005 |
Le président |
Mme Renée St-Jacques |
Mme Cheryl Gallant |
Mme Renée St-Jacques |
Mme Cheryl Gallant |
Mme Renée St-Jacques |
M. Someshwar Rao |
Mme Cheryl Gallant |
À | 1010 |
M. Someshwar Rao |
Mme Cheryl Gallant |
Mme Renée St-Jacques |
Mme Cheryl Gallant |
Mme Renée St-Jacques |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
M. Someshwar Rao |
À | 1015 |
M. John Baldwin |
M. Andy Savoy |
M. John Baldwin |
M. Andy Savoy |
M. Someshwar Rao |
M. Andy Savoy |
Mme Renée St-Jacques |
À | 1020 |
M. John Baldwin |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Mme Renée St-Jacques |
À | 1025 |
M. Brian Fitzpatrick |
Mme Renée St-Jacques |
M. Someshwar Rao |
Mme Renée St-Jacques |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
À | 1030 |
Mme Renée St-Jacques |
À | 1035 |
M. Serge Marcil |
Mme Renée St-Jacques |
M. Serge Marcil |
Le président |
Mme Renée St-Jacques |
M. James Rajotte |
Mme Renée St-Jacques |
À | 1040 |
M. James Rajotte |
M. John Baldwin |
M. James Rajotte |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 juin 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à l'examen de l'innovation, de la productivité et de la croissance.
Mesdames et messieurs, nous recevons ce matin Mme Renée St-Jacques, économiste en chef et directrice générale de la Direction de l'analyse de la politique microéconomique du ministère de l'Industrie, et M. John Baldwin, directeur des Études de l'analyse microéconomique de Statistique Canada.
Renée.
Mme Renée St-Jacques (économiste en chef et directrice générale, Direction de l'analyse de la politique microéconomique, ministère de l'Industrie): Bonjour.
[Français]
On va voir si la technologie va nous servir ce matin: on essaie d'installer PowerPoint devant nous. On a l'anglais, espérons que le français va arriver.
[Traduction]
Avant de commencer, j'aimerais vous présenter la personne qui m'accompagne, Someshwar Rao, l'un de mes collègues des mines à Industrie Canada, chercheur et analyste de longue date, qui a publié de nombreux articles sur la productivité, entre autres.
Je suis très heureuse d'être ici. Je sais que le comité consacre beaucoup de temps à l'étude de l'innovation, du système d'innovation et de leur importance pour la croissance de la qualité de vie des Canadiens. Ce que je vais vous dire aujourd'hui est très simple: la productivité est un facteur déterminant du niveau et de la qualité de vie des Canadiens. Pendant longtemps, elle a même été le principal facteur de croissance du niveau de vie.
[Français]
Ce que je vais vous exposer ce matin, c'est le lien étroit entre la productivité et le niveau de vie. En même temps, je vais aussi attirer votre attention sur une des conséquences d'un phénomène de société que vous connaissez bien, soit le vieillissement de la population canadienne. L'enjeu de la productivité et de sa croissance forte et soutenue sera plus primordial que jamais dans les années à venir, à cause de ces changements.
[Traduction]
Je ne passerai pas beaucoup de temps à définir des termes comme «productivité». Dans mon exposé, la notion de productivité correspond à la productivité du travail, qui se mesure en production par heure de travail ou en production par travailleur. John Baldwin, mon collègue de Statistique Canada qui vous entretiendra dans quelques minutes, les définira plus en profondeur.
Maintenant que nous pouvons voir les deux présentations à l'écran, je vous demanderai de regarder la première diapositive. Vous en avez également une copie papier devant vous, si je ne me trompe pas. En anglais, celle-ci s'intitule Trends in Canadian Productivity and Living Standards et en français,
[Français]
Tendances de la productivité et du niveau de vie au Canada.
[Traduction]
La première diapositive tente d'illustrer le lien étroit entre les salaires réels et la productivité. Dans le premier diagramme de dispersion, en haut à droite, les points verts représentent des pays. Pour chacun, vous pouvez constater le niveau de productivité du travail et les salaires réels. La ligne rouge, qui relie plus ou moins tous ces points, est la ligne reliant le plus étroitement possible le nuage de points. On voit que les pays offrant les salaires les plus élevés sont également les pays affichant la productivité la plus élevée. Le graphique en dessous illustre la performance du Canada depuis 20 ans. L'évolution des salaires paraît en rouge et celle de la productivité du travail, en jaune. Encore une fois, cela vient renforcer l'idée que les salaires et la productivité évoluent parallèlement avec le temps.
La diapositive suivante met en évidence le vieillissement de la population canadienne, fait bien connu. La proportion des aînés, soit des personnes de 65 ans et plus, par rapport aux personnes en âge de travailler, soit celles âgées entre 15 et 64 ans, est déjà passée de 13 à 18 p. 100 aujourd'hui, et grimpera à 33 p. 100 d'ici 25 ans. À l'heure actuelle, il y a cinq personnes en âge de travailler pour chaque aîné. Dans 25 ans, cette proportion passera à seulement trois travailleurs par aîné. Cela signifie qu'il sera particulièrement important de continuer d'augmenter notre productivité si nous voulons continuer de pouvoir offrir des services, et particulièrement des soins de santé, à la population canadienne.
Diapositive suivante. Laissez-moi vous dresser un portrait légèrement plus détaillé de l'évolution du niveau de vie au Canada depuis 40 ans pour expliquer ces données un peu plus clairement. Ce diagramme à barres montre le taux de croissance du PIB par habitant, soit de la production par résident canadien depuis quatre décennies. La somme des deux barres dans chaque boîte correspond au taux de croissance annuel moyen du PIB par habitant ou du niveau de vie pendant chaque décennie. Prenez la barre de 1960-1969. Vous voyez 3,5 p. 100 dans la boîte supérieure. Cela signifie qu'en moyenne, durant les années 60, le PIB réel par habitant a augmenté de 3,5 p. 100. Ce diagramme divise également cette croissance en deux, puisqu'il y a deux façons d'augmenter son niveau de vie, soit d'augmenter sa productivité—les parties en rouge dans le diagramme—soit d'augmenter le pourcentage de la population qui travaille—les parties en jaune dans le diagramme. Comme vous pouvez le constater, nous avons connu une croissance de productivité remarquable de 2,4 p. 100 en moyenne par année dans les années 60, de même qu'une croissance appréciable du taux d'emploi de 1,1 p. 100 par année.
¿ (0915)
Par contre, au fur et à mesure qu'on avance dans le temps, la productivité fléchit. En effet, la croissance de la productivité a été beaucoup plus faible dans les années 70 et encore plus dans les années 80 et au début des années 90. Dans les années 70, nous nous sommes tout de même débrouillés pour maintenir une croissance respectable de 2,9 p. 100 de notre PIB par habitant, mais cela est attribuable en grande partie à la forte hausse du taux d'emploi de 1,8 p. 100. Ce qui est arrivé à cette époque, c'est que la génération du baby-boom est entrée sur le marché, évidemment. Un autre phénomène marquant des années 70, mais également des années 60 et 80, c'est l'entrée massive des femmes dans la population active. Dans les années 60, les femmes ne représentaient que 30 p. 100 de la population active canadienne, soit le taux le plus bas des pays du G-7, alors qu'elles représentent maintenant environ 60 p. 100 de la population active, ce qui correspond à peu près à leur proportion dans les autres pays du G-7. C'est donc un phénomène non négligeable.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur la période de 1990 à 1995, parce que j'aimerais faire le lien entre le vieillissement et ce qui s'est passé pendant ces années. Notre PIB par habitant n'a augmenté que de 0,2 p. 100 pendant cette période de cinq ans. L'économie n'a pu générer une hausse d'emploi suffisante—c'est le fameux - 0,9 p. 100—et la proportion de la population au travail diminuait, et ce malgré une hausse de la productivité de 1,1 p. 100 par année, soit un taux légèrement supérieur à celui des dix années précédentes et pratiquement similaire à celui des années 70. J'attire votre attention sur cette barre pour diverses raisons. Dans les prochaines années, nous pouvons également nous attendre à ce que la proportion de notre population au travail décline, compte tenu du vieillissement de la population et du fait que de plus en plus de gens partiront à la retraite. Ainsi, si nous voulons maintenir notre niveau de vie, il sera particulièrement important de maintenir notre niveau de productivité. C'est ce que cette diapositive démontre.
[Français]
Maintenant, à la prochaine page, on voit bien que le niveau de vie au Canada est élevé comparativement à celui des autres pays, en particulier ceux de l'Europe. On fait relativement bonne figure puisqu'on se situe au septième rang des pays de l'OCDE pour ce qui est du revenu par habitant. Seuls le Luxembourg et les États-Unis nous dépassent, se démarquent de nous de manière importante. Les autres pays, la Norvège, l'Irlande, le Danemark, sont à peu près au même niveau que nous. Le Danemark a toujours été nez à nez avec vous, plus ou moins. La Suisse nous a toujours dépassés un peu. Par contre, c'est seulement au cours de cette décennie que la Norvège et l'Irlande ont pris le pas sur nous et nous ont dépassés.
J'ai juste une petite histoire à raconter en passant à propos de l'Irlande, du phénomène irlandais ou du miracle irlandais, qui est quand même assez remarquable. Saviez-vous que dans les années 1960, le niveau de revenu par tête en Irlande, donc le niveau de vie, était à peu près la moitié du nôtre, mais dans les 40 dernières années, ils ont réussi à nous rejoindre et même à nous dépasser un petit peu? Je pense que c'est en 1997 qu'ils ont réussi à nous dépasser.
Alors, après cette belle partie de l'histoire,
[Traduction]
Il y a aussi une partie plus sombre. Notre revenu réel est largement inférieur à celui des États-Unis. En fait, cet écart n'a cessé de s'aggraver depuis 20 ans. Aujourd'hui, la différence de revenu par habitant entre le Canada et les États-Unis s'élève à 8 200 $ par tête. Ainsi, pour une famille de quatre personnes, on parle d'une différence de revenu réel de 33 000 $ par année. Depuis 20 ans, le revenu augmente d'environ 3 p. 100 par année aux États-Unis, alors qu'il n'augmente que de 2 p. 100 environ au Canada, ce qui ne fait qu'accroître davantage l'écart entre les deux.
Il y a toutefois un aspect encourageant dans l'histoire, parce que dans la période de 1995 à 2000, on peut voir que notre revenu par habitant a augmenté légèrement plus vite qu'aux États-Unis. C'est 2,5 p. 100 contre 2,4 p. 100. Toutefois, il ne faut pas oublier que c'est un revenu de 43 000 $ par tête qui augmente de 2,4 p. 100 aux États-Unis, contre un revenu de 35 000 $ par tête qui augmente de 2,5 p. 100 au Canada. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Leur revenu augmente davantage chaque année d'environ 1 000 $, alors que le nôtre n'augmente que d'environ 875 $. L'écart continue donc de s'élargir, bien que notre taux de croissance soit légèrement plus élevé que le leur. Le leur augmente légèrement moins vite qu'avant, mais augmente tout de même. Pour combler cet écart, il faudrait que notre revenu progresse d'environ 3 p. 100 par année, ce qui équivaut au double de notre taux de croissance actuel. Comme je vous l'ai dit, notre taux de croissance tourne autour de 1,5 p. 100 depuis 20 ans, il nous faudrait donc le doubler pour rattraper cet écart.
La productivité est la principale raison de cet écart. Remarquons que notre productivité du travail a chuté de façon très importante dans le secteur manufacturier, surtout depuis la moitié des années 80. De plus, nous sommes passés du deuxième rang des pays du G-7 en 1976 au quatrième rang où nous nous situons maintenant.
¿ (0920)
[Français]
Le problème de la productivité ou le défi, si on veut, est commun à la plupart des industries. Très peu d'industries canadiennes affichent des niveaux de productivité supérieurs aux secteurs américains comparables.
Certaines industries font toutefois exceptions. On parle ici du matériel de transport, étant donné que le marché nord-américain est parfaitement intégré, de certaines industries de transformation des ressources naturelles: le papier, les produits connexes, la première transformation des métaux, le bois d'oeuvre, les produits du bois, ainsi que les meubles et articles d'ameublement, où nous sommes à peu près égaux aux Américains.
Par contre, les niveaux de productivité sont beaucoup inférieurs aux niveaux observés aux États-Unis dans les industries de ce qu'on appelle la nouvelle économie; je parle des produits électroniques et électriques, des machines.
[Traduction]
Vous pouvez voir deux graphiques, qui montrent les niveaux de productivité et les taux de croissance de la productivité du travail par province, soit la progression de la productivité d'une année à l'autre. On constate que même les provinces les plus productives du Canada, soit l'Alberta et l'Ontario, se situent bien en deçà du niveau de productivité moyen des États-Unis. Malgré les taux de croissance de 1995 à 2001, période où notre productivité s'est accrue de façon importante, je vous le rappelle, nous ne faisons pas aussi bonne figure que les États-Unis. Cela vaut pour toutes les provinces.
C'est peut-être le moment de souligner que lorsqu'on regarde des statistiques sur la croissance de la productivité, les années et le point de raccourci choisis y sont pour beaucoup. Il faut toujours en tenir compte. Ici, nous avons choisi d'illustrer les données de 1995 à 2001. Si nous avions décidé d'illustrer la situation de 1995 à 2000, le taux américain serait inférieur et le nôtre, supérieur. La progression de la productivité ne peut se mesurer trimestre par trimestre ou sur de courtes périodes de temps. Il faut étudier de longues périodes d'histoire pour bien en comprendre les conséquences. En définitive, les États-Unis affichent une meilleure productivité que nous. Je pense que c'est la grande conclusion à tirer en ce qui concerne la productivité.
On a beaucoup parlé de la particularité du secteur des technologies de l'information et des communications. Il a beaucoup stimulé la productivité au Canada et aux États-Unis de 1995 à 2000. Au Canada, la productivité a augmenté de 11 p. 100 en moyenne par année dans ce secteur, comparativement à une hausse de productivité de 1,7 p. 100 par année pour l'ensemble de l'économie canadienne. C'est une différence énorme. Toutefois, la productivité du travail dans le secteur de la fabrication des TIC a augmenté encore plus rapidement aux États-Unis, soit presque deux fois plus vite, à un taux de 21,3 p. 100 pendant la seconde moitié des années 90. Beaucoup d'articles ont été publiés récemment, dont un signé par mon collègue Someshwar, pour étudier l'impact de ce secteur sur la productivité au Canada depuis cinq ans et montrer que malgré sa contribution importante à la hausse de la productivité canadienne, la performance de ce secteur demeure la principale raison pourquoi la productivité du secteur canadien de la fabrication a pris un retard constant pendant cette même période par rapport aux États-Unis, qui affiche une performance exceptionnelle dans ce secteur.
Je vais passer rapidement le reste de cette présentation, parce qu'elle entre de plus en plus dans les détails, mais je suis convaincue que vous allez me demander pourquoi la productivité canadienne n'est pas aussi bonne que celle des États-Unis. Ma réponse à cette question comporte quatre volets.
Le premier est l'investissement ou si vous préférez, la somme du capital par travailleur. Dans les années 60, nous investissions plus ou moins autant que les États-Unis en termes de pourcentage du PIB. Depuis, notre intensité de l'investissement, comme on le dit habituellement, tire de l'arrière par rapport à la leur. Ainsi, avec le temps, notre somme de capital par travailleur a diminué par rapport à la leur.
¿ (0925)
Il y a aussi la question du caractère moins innovateur de nos activités. Tout cela est interrelié parce qu'il est prouvé que lorsqu'on investit, on adopte des technologies de pointe, ce qui semble évident, de même qu'une variété plus subtile—je pense que John a étudié la question—étant donné que lorsqu'on adopte des technologies récentes, il faut souvent innover sur le plan de l'entreprise aussi. Bref, une faible innovation peut être liée à de faibles investissements.
La structure industrielle a également son importance. Notre structure diffère de celle des États-Unis. En gros, nos usines sont généralement plus petites. Encore une fois, John a étudié la question et a montré que les petites usines avaient tendance à être moins productives. De plus, notre économie est davantage axée sur les ressources. Comme je l'ai déjà montré, ces secteurs sont plus productifs, mais la tendance à long terme veut que les ressources représentent une part de moins en moins élevée du PIB, ce qui a pour effet de nuire à notre performance sur le plan de la productivité.
Pour terminer, il y a le capital humain, soit les compétences de notre main-d'oeuvre. Notre main-d'oeuvre est très éduquée. Le nombre d'années d'études de nos employés est très comparable à celui des employés américains, mais il existe une grande différence entre les deux dans la proportion de diplômés universitaires. Encore une fois, c'est un phénomène au sujet duquel Someshwar a récemment publié un article. Le pourcentage de notre main-d'oeuvre qui possède un diplôme universitaire est considérablement plus bas qu'aux États-Unis, et il semble qu'un simple diplôme postsecondaire fasse une différence de productivité par rapport à un diplôme universitaire.
Je vais m'arrêter ici, afin de laisser suffisamment de temps pour les questions et de laisser la parole à mon collègue de Statistique Canada.
Le président: Monsieur Baldwin.
M. John Baldwin (directeur, Études et analyse microéconomiques, Statistique Canada): Merci beaucoup.
J'ai un assez long diaporama à présenter, dont vous avez une copie, et je n'essaierai pas d'expliquer chacune des diapositives. Je vais plutôt parler un peu des concepts avant de passer à certains résultats, parce que je pense que Renée a pris la vedette, pour ainsi dire, en faisant beaucoup de comparaisons entre le Canada et l'étranger. Je vais, moi aussi, faire quelques comparaisons et parler un peu de certaines recherches que nous faisons à la Division de l'analyse microéconomique de Statistique Canada pour essayer de comprendre ce qui fait que divers secteurs affichent une bonne ou une mauvaise croissance de la productivité.
Pour commencer avec une brève définition, les mesures de productivité indiquent le degré auquel les ressources en travail, en capital et en biens et services achetés sont efficacement utilisées dans la production de biens et de services. C'est ce que nous voulons tenter de mesurer. En fait, elles nous disent si nous parvenons ou non à trouver de meilleurs moyens de produire ce que nous produisons avec la quantité donnée d'intrants qui nous est accessible.
Renée a parlé du concept de productivité du travail et surtout de la production par travailleur et par heure, comparativement à celles d'autres pays. C'est une façon très courante de faire des comparaisons entre pays. Le programme de Statistique Canada n'est pas tant centré sur les niveaux de production que sur les taux de croissance, et nous regardons combien de croissance additionnelle nous obtenons pour la quantité supplémentaire d'intrants que nous consacrons effectivement à la production. Vous pouvez regarder cela de différentes manières. On peut regarder la quantité de production supplémentaire obtenue par unité de main-d'oeuvre, mais la main-d'oeuvre n'est que l'un des intrants qui participent à un processus de production, et si le tableau semble positif du point de vue du niveau de production obtenu par unité de main-d'oeuvre, il peut l'être moins du point de vue du nombre d'autres ressources que nous utilisons en regard du montant de capital.
Alors, nous observons diverses mesures de ce que nous appelons la croissance partielle de la productivité, c'est-à-dire la production par unité de travail et par unité de capital. Nous utilisons ces mesures depuis un certain temps, après que la communauté des utilisateurs ait soutenu que chacune d'elles n'était qu'une mesure partielle et ne pouvait nous donner un aperçu de la situation. Nous produisons aussi ce que nous appelons une mesure de productivité multifactorielle, ou une mesure de productivité totale des facteurs qui, en fait, est le taux de croissance de la productivité par rapport au taux de croissance d'un groupe d'intrants, tous ces intrants dont je viens de parler étant pondérés ensemble.
À la page 9 de la présentation, nous illustrons le cheminement de la croissance de la productivité de la main-d'oeuvre dans nos secteurs d'activité. Statistique Canada ne mesure en réalité que le secteur des entreprises ou le secteur commercial. Nous excluons le gouvernement. Le taux de croissance de la productivité du travail, pour la période ultérieure à 1981, est assez considérable, à 1,4 p. 100 par année. Si, cependant, nous mesurons le taux de croissance de la productivité du capital, soit seulement la production comparativement au capital utilisé, vous pouvez voir qu'en fait, il est constant et légèrement négatif. Nous avons eu une forte croissance de la production par travailleur parce que nous avons ajouté beaucoup de capital et il faut, en un sens, unir ces deux facteurs si on veut avoir une vue d'ensemble et c'est ce que fait la mesure de productivité multifactorielle. Nous vous avons démontré ce qu'a fait la productivité multifactorielle dans le secteur commercial au Canada au cours de cette période. Elle a été plus ou moins constante, avec une légère hausse à la fin de la période.
Le milieu de la série de diapositives porte sur un sujet que Renée a exposé assez longuement. Il y a une différence entre la croissance de la productivité du travail et la croissance du PIB par habitant sur une certaine période. Si vous faites des comparaisons internationales, comme l'a fait Renée, la différence du PIB par habitant s'explique surtout par la différence de production par travailleur, mais sur une courte période, vous pouvez observer d'assez grands écarts entre les deux facteurs parce que le nombre de personnes qui travaillent varie.
¿ (0930)
Sur la période des années 80 et 90, nous avons le même type de graphique que ce que Renée vous a présenté. À la page 13, nous observons le PIB par habitant, par unité de population et vous pouvez constater une chute de 1,84 à 1,24 p. 100 entre les années 80 et 90. Beaucoup de gens, en voyant ceci, ont dit nous avons vraiment des problèmes de productivité. En réalité, le fait que la productivité provoque cette différence ne nous pose pas vraiment de problème; les niveaux de productivité sont à peu près les mêmes. D'importants changements sont en train de survenir dans les ratios sous-jacents emploi-population. Donc, la productivité n'est que l'un des facteurs qui déterminent ce qui arrive en fait de changements dans le niveau de vie réel, si on veut.
Si nous passons maintenant au programme que nous avons à Statistique Canada, vous verrez qu'il y a un programme de productivité trimestrielle qui examine la productivité du travail. Il nous permet de voir les tendances à court terme dans ce qui se passe. Si vous voulez vraiment savoir ce qui arrive en fait de changement dans la technologie et les techniques de production, ces chiffres ne sont pas très utiles, mais si vous voulez suivre ce qui arrive dans l'économie sur une courte période, comme veulent le faire beaucoup de gens, dont la Banque du Canada, ces chiffres sont extrêmement utiles. Mais ce que nous voulons vraiment faire, lorsqu'il s'agit d'observer les tendances à long terme, c'est voir ce qui arrive à la productivité du travail sur de longues périodes, à la productivité multifactorielle sur de longues périodes, et c'est ce que fait notre programme dans ce domaine particulier.
Je passe maintenant à la 18e diapositive, et je vais parler de la différence entre le Canada et les États-Unis depuis 15 ans au plan macroéconomique. La 19e diapositive illustre les différences dans la croissance réelle du PIB du secteur des entreprises au cours de cette période. Les États-Unis devancent toujours le Canada au plan du rythme de croissance, à l'exception de la toute dernière période, de 1995 à 2000. C'est donc que notre secteur des entreprises a été légèrement en retrait des États-Unis au plan de la croissance globale sur cette période.
Pour ce qui est de la croissance réelle des intrants, regardons d'abord l'intrant travail—c'est à la 21e diapositive. Vous pouvez voir que sur cette période, d'après notre définition de la croissance du travail, le Canada a constamment été en avance sur les États-Unis pendant les années 80. De 1980 à 2000, le taux annuel de croissance aux États-Unis, selon nos mesures du travail, est de 2,2 p. 100, et au Canada de 2,4 p. 100. Ce sont des mesures de travail qui sont soigneusement calculées de manière à tenir compte de la comparabilité entre les États-Unis et le Canada. Au cours de la période allant de 1981 à 1988, les États-Unis ont eu une moins forte croissance que le Canada aux plans du travail, des emplois et du nombre d'heures au travail. Cependant, au début des années 90, le Canada s'est fait distancer. Lors de la période de 1988 à 1995, nous avons souffert de la récession et n'avons pas généré de nouveaux emplois au même rythme que les Américains, mais pendant la deuxième moitié de la décennie, soit de 1995 à 2000, lorsqu'il y a eu cette fameuse poussée économique, vous pouvez voir que le Canada a eu un rendement phénoménal, avec une croissance de 3,6 p. 100 comparativement aux 2,4 p. 100 des États-Unis. Des quantités considérables de gens retrouvaient de l'emploi.
Qu'est-ce que cela signifie? Je vais sauter à l'intrant capital, aux diapositives 24 et 25. L'intrant capital vient de l'augmentation du montant de capital qu'a chaque travailleur; c'est, en gros, la somme de l'investissement global passé, dont est soustrait un certain montant de dépréciation. Si nous regardons ce qui est arrivé à l'intrant capital sur cette période, les États-Unis dépassent le Canada pour chacune des périodes. Ils nous dépassent sur la période 1981-2000, où leur taux de croissance du capital est de 3,9 p. 100, comparativement à 3,4 p. 100 au Canada. C'est la même chose pour chacune des sous-périodes, y compris la dernière, où nous avons eu cette croissance phénoménale du PIB et une croissance très rapide de l'emploi. Le capital a aussi affiché une forte croissance, mais elle était considérablement moins rapide que celle des États-Unis.
¿ (0935)
L'une des façons de regarder ce qui arrive au travail avec le temps—et nous voulons savoir pourquoi la productivité du travail peut aller bien ou mal—c'est en observant ce qui est arrivé à la croissance du capital par heure. C'est-à-dire, quel est vraiment notre capital? De combien notre capital augmente-t-il comparativement au nombre de personnes que nous mettons au travail? Pour le secteur global des entreprises, la diapositive présentée à la page 27 compare le taux de croissance du capital par heure travaillée aux États-Unis et au Canada sur cette période. Comme je vous l'ai déjà démontré, le nombre de travailleurs qui trouvaient de l'emploi a augmenté plus rapidement chez nous qu'aux États-Unis pendant la plus grande partie de cette période, et notre stock de capital a affiché une croissance un peu plus lente que celle des États-Unis. Il n'est pas étonnant, donc, que le taux de croissance du capital par heure travaillée soit en faveur des États-Unis. Sur toute la période, la croissance, aux États-Unis, a été de 2,2 p. 100 par année alors que chez nous, ce n'était que 1,7 p. 100.
La dernière série de graphiques compare la période de 1995 à 2000, celle où nous avons affiché cette croissance phénoménale du PIB et des heures travaillées, et aussi une assez forte croissance du capital. Notre stock de travail croissait à un tel rythme, comparativement à notre capital, que le montant réel de capital disponible pour chaque travailleur a baissé comparativement aux Américains.
Alors, qu'est-ce que cela donne si on regarde les tendances de la productivité? Renée vous a montré un graphique linéaire qui illustrait les écarts de niveaux. Moi, je parle de rythme de croissance ici, au Canada, comparativement aux États-Unis. Si notre rythme de croissance est inférieur à celui des États-Unis, on s'attendrait à un recul, et elle vous a montré que c'est ce qui est arrivé. Mon diagramme à barres, à la page 29, illustre ce qui arrive à la productivité du travail dans le secteur des entreprises sur cette période. Le taux de croissance annuel moyen des Américains, entre 1981 et 2000, est de 1,9 p. 100 alors qu'au Canada, ce n'est que 1,4 p. 100. C'était autre chose dans les années 80, avec 1,9 et 1,3 p. 100. Nous sommes assez près au début des années 90, à 1,4 et à 1,2 p. 100, pendant la récession. Nous sommes loin derrière dans la deuxième moitié des années 90. Je vous ai déjà démontré que le taux de croissance du capital a chuté pendant cette période. On s'attendrait normalement, avec ce genre de statistiques, à un recul de la production par travailleur, et c'est ce que vous voyez ici.
Bien entendu, je l'ai déjà dit tout à l'heure, il y a beaucoup de gens qui veulent voir le travail et le capital réunis dans une mesure de productivité multifactorielle, et sur le graphique suivant, nous avons les mesures de la productivité multifactorielle du secteur des entreprises pour le Canada et les États-Unis sur toute cette période. Si nous tenons compte du fait que notre croissance est plus rapide au plan du travail et moins à celui du capital, nous traînons encore derrière d'après cette mesure de la productivité multifactorielle. Les Américains affichent un rythme de croissance de 0,9 p. 100 par année, et nous de 0,3 p. 100. Nous sommes loin derrière eux au début des années 90, et nous restons encore en retrait à la fin des années 90, bien que notre taux de croissance de la productivité multifactorielle soit monté en flèche au cours de la deuxième moitié de la période.
Beaucoup de gens ont soutenu que ce changement, à la fin des années 90, est en quelque sorte endémique, ou indicateur d'un changement de paradigme dans le monde. Je suis moins enclin à le penser. Comme l'a dit Renée, on ne devrait vraiment pas se fier à de très courtes périodes. Si la période commence au début de la récession et qu'il survient une période de forte expansion, il en ressort des taux de croissance de la productivité très élevés. Nous préférons passer d'un sommet à l'autre, après tout un cycle économique, et observer les résultats. Ainsi, il faut vraiment comparer la période de 1978 à 1988 et celle de 1988 à 2000, et alors on constate qu'il n'y a eu quasiment aucun changement dans notre rythme de croissance de la productivité du travail ou de la productivité multifactorielle.
Ceci résume très rapidement notre programme sur ce que j'appelle l'aspect macroéconomique, c'est-à-dire le programme qui tente de cerner les statistiques de productivité globale pour l'ensemble du secteur des entreprises ou pour chaque industrie. Nous avons un programme de recherches considérable, où nous avons essayé de voir où se situent les différences au sein des industries et qu'est-ce qui semble lié à un bon rendement du côté de la productivité, pour ainsi dire. Renée a parlé de certains des facteurs qui ont préoccupé les économistes, de la mesure dans laquelle nous pourrions expliquer nos périodes de piétinement économique ou nos lacunes autrement qu'avec les statistiques très simples que je viens d'exposer.
¿ (0940)
Les statistiques simples sont axées sur l'investissement. Nos ratios investissement-PIB, comme l'a noté la Banque du Canada dans une revue récente, ont été en retrait de ceux des Américains pendant très longtemps et sont tombés bien plus bas qu'au milieu des années 80, et bien qu'il y ait eu une croissance très rapide de l'investissement à la fin des années 90—c'était vraiment remarquable—notre économie était encore à la traîne de celle des Américains. Qu'il s'agisse du niveau d'investissement par PIB ou par heure de travail, nous n'utilisions pas autant de capital que les Américains dans leur économie. Cependant, si nous faisons abstraction de ces chiffres agrégés et commençons à nous demander s'il se passait d'autres choses qui pourraient nous aider à comprendre en partie ce qui se passait, je vous répondrai par l'affirmative.
Nous avons examiné minutieusement la mesure dans laquelle les entreprises qui entraient sur les marchés de l'exportation après la conclusion de l'ALENA ont accru leur productivité comparativement à celles qui ne l'ont pas fait, et nous avons constaté une forte amélioration dans les entreprises du pays qui entraient sur le marché de l'exportation, moins dans celles de l'étranger. Nous avons aussi examiné la mesure dans laquelle l'entrée et la sortie, c'est-à-dire le roulement qu'il y a dans notre structure industrielle, a contribué à la croissance de la productivité. Nous avons entrepris d'observer ces facteurs pour les années 70 et 80, et nous avons constaté qu'une part considérable de la croissance de la productivité était attribuable à ce processus d'entrée et de sortie, et nous avons découvert qu'au cours des années 90, la contribution des entrées et des sorties avait été encore plus importante, mais qu'il n'y en avait pas partout. Tandis qu'au cours des années 70 et 80, quasiment toutes les nouvelles entreprises, tant les entreprises intérieures qu'étrangères, contribuaient à la croissance de la productivité, dans les années 90, il semble que ce sont surtout les grandes entreprises étrangères multicellulaires qui ouvraient de nouveaux établissements qui contribuaient à la croissance de la productivité.
Alors, nous voilà soudainement avec un secteur qui prend les devants sur le reste de l'économie. Nous constatons aussi que ce secteur rationalise beaucoup plus que les entreprises intérieures, dans le sens de la réduction de la gamme de produits conçus par établissement. Avant l'ALENA, un grand nombre d'économistes soutenaient que nous pourrions tirer parti de l'accord si, en fait, nous avions des usines plus grandes ou si nous spécialisions chaque établissement. Nous n'avons pas vraiment constaté d'augmentation de l'envergure moyenne des usines ou de l'exploitation des économies d'échelle. Par contre, nous avons vu amplement de preuves de la réalisation d'économies d'échelle dans les gammes de produits, c'est-à-dire de la spécialisation au niveau de l'établissement, et nous avons constaté que c'est beaucoup plus dans les établissements sous contrôle étranger que sous contrôle canadien.
Nous avons aussi examiné la contribution qu'ont pu faire les nouvelles technologies de l'information au rythme de croissance pendant cette période, et je me suis fait accompagner ici de mon collègue, Tarek Harchaoui, parce que c'est lui qui a fait ce travail. Il observe une montée en flèche de l'investissement dans les NTI en général, dans de nombreuses industries différentes, et que cela a largement contribué à l'augmentation de notre niveau de production. C'est au niveau global, au niveau de l'industrie. Nous avons fait plusieurs études microéconomiques qui ont confirmé que les établissements qui adoptent les NTI avant d'autres affichent un rythme de croissance de la productivité beaucoup plus rapide que les autres.
Enfin, nous sommes en train de mettre la dernière main à une série d'études complémentaires à celle dont j'ai parlé tout à l'heure sur l'entrée et la sortie et les différences au sein des industries. Ces études observent ce que les économistes appellent l'efficacité X. C'est seulement la mesure dans laquelle il existe de grands nombres d'établissements qui sont loin de la limite de production et qui n'emboîtent pas le pas aux leaders de l'industrie. Nous avons constaté que depuis 20 ans, tandis que notre productivité se faisait distancer, un nombre considérable d'établissements ont pris du recul et, fait peu étonnant, il s'agissait des entreprises intérieures et des plus petits établissements. C'est une autre raison qui fait que les chiffres agrégés que nous regardions au début ont suivi la trajectoire qu'ils ont suivie. Aucune de ces études, cependant, ne dit tout. Bien entendu, elles ne proposent aucune panacée particulière pour la trajectoire et pour l'écart de productivité qui se sont créés.
J'ai terminé ma présentation. Je vous remercie.
¿ (0945)
Le président: Merci, monsieur Baldwin.
Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Merci beaucoup de l'information que vous nous avez présentée. Vous nous donnez beaucoup de renseignements intéressants à parcourir.
Madame St-Jacques, permettez-moi de vous reporter au graphique de la page 9 portant sur la productivité du travail. Je ne veux pas vraiment m'attacher à l'Alberta et à l'Ontario. Il est tout à fait clair que ces deux provinces surpassent de loin les autres dans cette catégorie et se situent davantage dans la fourchette prévue en ce qui concerne les États-Unis. La région qui m'inquiète vraiment ce sont les provinces de l'Atlantique dont la performance est de toute évidence affligeante dans ce contexte, si ces graphiques signifient quelque chose.
Je viens tout juste de lire un livre très détaillé intitulé The Road to Growth. L'auteur a étudié la Hollande, l'Irlande, la Georgie, le Massachussetts, le Maine et le Michigan et a essayé de repérer les politiques qui ont fait converger les économies vers la moyenne. La convergence de l'Irlande vers la moyenne, depuis 1987, a été tout à fait phénoménale. Le revenu par habitant y était inférieur à celui de Terre-Neuve en 1985 et est maintenant plus élevé que celui du Canada. L'Histoire de la Georgie dans le sud des États-Unis est très intéressante. Il y a une trentaine d'années, Atlanta n'était pas très différente de Birmingham en Alabama, mais personne ne dit cela aujourd'hui. La Hollande et la Louisiane avaient une riche base de ressources, qui leur a vraiment été défavorable à différentes périodes, parce qu'elles l'ont mal utilisée. Cependant l'étude tente de repérer les politiques qui expliquent pourquoi ces économies ont très rapidement convergé vers la moyenne. Fait assez intéressant, le niveau de convergence pour les provinces de l'Atlantique dans cette étude est de 1 p. 100, ce qui est extrêmement bas. La convergence vers la moyenne en ce qui a trait à ces autres économies est de 3 et 4 p. 100 —la réduction du fardeau réglementaire, des marchés du travail souples, un gouvernement efficace, de moindre envergure et sélectif, l'investissement stratégique solide dans l'infrastructure et enfin, les politiques fiscales.
Tout le monde parle d'insuffisance de l'investissement dans ce pays. Le taux d'imposition des sociétés en Irlande est de 12 p. 100. L'Irlande n'a pas de mal à attirer l'investissement de capitaux. Il est très rentable de faire des affaires dans ce pays. L'apport des capitaux y est très élevé. Il en va de même pour la Georgie, le Michigan, le Massachussetts, etc. Je me demande si vous pouvez expliquer pourquoi les provinces de l'Atlantique semblent tirer de l'arrière en ce qui a trait à ces chiffres concernant la productivité et nous dire quel genre de politiques il nous faudrait pour accroître la productivité dans cette partie du monde.
¿ (0950)
Mme Renée St-Jacques: Un des facteurs clés, comme John et moi l'avons expliqué, c'est le niveau de capitaux par travailleur. Je ne sais pas, John, si vous avez des données sur la productivité multifactorielle par province. La différence pourrait être moins forte si nous examinions la productivité de tous les intrants combinés. Il est tout à fait clair que les niveaux d'investissement dans les provinces de l'Atlantique n'ont pas suivi le rythme du reste du Canada en tant que pourcentage de leur PIB. Nous avons là une grande partie de l'explication. Je pourrais spéculer sur toutes sortes d'autres raisons.
En ce qui a trait à l'Irlande, je crois que d'autres facteurs se greffent au taux d'imposition. Je ne suis pas au courant des autres exemples dont vous parlez, mais en ce qui a trait à l'Irlande, nous avions une étude que le professeur Pierre Fortin a effectuée pour le ministère il y a environ un an. Il en est venu à la conclusion qu'il y avait un certain nombre de facteurs. Il va sans dire que le faible taux d'imposition des sociétés a contribué à l'apport de capitaux, cela ne fait aucun doute, mais il a aussi signalé les investissements très importants qu'ils ont effectués dans l'enseignement supérieur. L'Irlande a réussi en outre à créer de nombreux emplois ce qui a contribué à hausser non seulement la productivité mais le niveau de vie.
M. Brian Fitzpatrick: C'est une question de souplesse des marchés du travail, d'investissement stratégique solide de même que d'infrastructure et, comme vous l'avez dit, d'éducation et d'aptitudes professionnelles.
Mme Renée St-Jacques: Oui, ces éléments sont très importants.
M. Brian Fitzpatrick: Je n'ai pas parlé seulement de taxes; j'avais énuméré six éléments.
Mme Renée St-Jacques: Oui, désolée. John, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. John Baldwin: Comme nous n'avons pas de mesures de productivité multifactorielles au niveau provincial, je ne peux faire de commentaires à cet égard.
Mme Renée St-Jacques: Pour expliquer le faible taux de productivité du travail, avez-vous quelque chose que vous pourriez ajouter?
M. John Baldwin: Non.
Mme Renée St-Jacques: Qu'en est-il de vous, Someshwar?
M. Someshwar Rao (directeur, Analyse des investissements stratégiques, ministère de l'Industrie): Je crois que tous les facteurs que Renée a mentionnés sont importants, à savoir l'investissement, le capital humain de même que l'innovation. D'après les recherches effectuées à Industrie Canada, les provinces de l'Atlantique manquent de capital humain, d'investissement matériel, d'innovation, de recherche et développement, par exemple, et cette option de nouvelle technologie. Comme elles tirent de l'arrière par rapport au reste du Canada à l'égard de bien des facteurs, il nous faut bien sûr nous attaquer à l'ensemble de tous ces facteurs étant donné leur interaction.
¿ (0955)
M. Brian Fitzpatrick: Le fait est, je crois, que si nous pouvons, en tant que décisionnaires dans ce pays, regarder d'autres régions du monde qui ont grandement réduit les écarts en ce qui a trait à la convergence et examiner les politiques et les stratégies qu'ils appliquent, nous devrions en tirer des leçons et les appliquer à notre propre pays. J'ai l'impression, lorsque j'examine la question, que nous nous dirigeons probablement, dans beaucoup de secteurs, dans la direction opposée. Nous disons que nous ne pouvons obtenir de capitaux, et dans beaucoup de ces pays le gouvernement n'accorde aucune subvention directe ni ne fournit de capital. La charge fiscale y est faible et le marché du travail souple. Les entreprises deviennent rentables, commencent à investir des capitaux et l'argent commence à affluer. Il ne s'y pose aucun problème d'investissement. Un facteur d'éviction semble intervenir dans beaucoup de secteurs à faible convergence. Le gouvernement joue un trop grand rôle dans l'économie et le secteur privé ne peut tout simplement pas trouver rentable d'investir.
Mme Renée St-Jacques: J'aimerais revenir à ma première réponse dans une certaine mesure. Si vous considérez les niveaux de vie, le PIB par habitant, par opposition à la simple productivité pour l'instant, il y a eu une certaine convergence au cours des quelques dernières années. Je ne suis pas au courant de tous les exemples que vous citez, et comme vous l'avez dit, il y a eu convergence mais à un rythme moins rapide qu'ailleurs. Il y a des leçons à tirer de ces autres territoires et nous devrions considérer certains d'entre eux. Je dirais que ce qui se passe dans les provinces de l'Atlantique et notre stratégie d'innovation tentent précisément de s'attaquer à ces lacunes en ce qui a trait à l'innovation et aux compétences.
Le président: Merci beaucoup monsieur Fitzpatrick.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.
Je vous remercie d'être venu nous rencontrer. En tant qu'ancien directeur d'Industrie Canada, je suis heureux de voir des gens de mon alma mater.
Là où je veux en venir en général, c'est ce que je préfère de loin vivre au Canada. Dans certains endroits où je me suis rendu aux États-Unis, on m'a dit de ne pas sortir la nuit. C'est dangereux, pollué, les soins de santé sont difficiles à obtenir. Par conséquent, il m'importe peu que notre dollar ne vaille pas grand-chose ou que la productivité soit faible pourvu que cela ne nuise pas à une société meilleure. J'ai à peu près sept questions de sorte que ce serait bien si vous pouviez y répondre brièvement.
En général, sommes-nous sûrs que les autres pays compilent les statistiques de la même manière—comme vous l'avez dit, les définitions sont compliquées—pour que nous puissions faire des comparaisons valables avec d'autres pays en ce qui a trait à la productivité?
Mme Renée St-Jacques: Oui, par rapport aux États-Unis, tout à fait, et la plupart des autres comparaisons sont faites par l'OCDE. Il existe des méthodes acceptées pour y procéder.
M. John Baldwin: On consacre énormément de temps à mettre au point des mesures qui soient le plus comparables possible. Dans certains secteurs, je fait raisonnablement confiance à ces mesures, plus particulièrement celles qui concerne la productivité du travail, celles que Renée a utilisées. Lorsque vous passez à la productivité multifactorielle, la comparabilité est moindre étant donné les différences plus grandes entre les pays et la mesure des changements apportés au capital au fil du temps. Mais en ce qui concerne le PIB et notre travail, c'est en général assez bon.
M. Larry Bagnell: Est-il possible que nous comparions, d'une certaine façon, des pommes avec des oranges? Admettons que nos usines doivent se conformer à des exigences de sécurité accrue, à des normes d'émissions plus élevées, bref à toutes sortes de choses qui entraînent une hausse des coûts de fabrication et une baisse de la productivité. Elles peuvent être un endroit où il fait vraiment bon travailler, mais ne pas le paraître, n'est-ce pas?
M. John Baldwin: Certainement.
M. Larry Bagnell: Si nous cherchons un bon endroit où travailler, nous devons nécessairement prendre en compte ces autres facteurs, tout comme la productivité.
Au vu du PIB, du niveau de vie et d'autres facteurs mesurés dans les graphiques, certaines personnes affirment que notre revenu net est inférieur à ce qu'il était il y a 30 ans. Le niveau de vie est-il corrigé en fonction de l'inflation dans vos graphiques? Notre revenu net a-t-il augmenté, en dollars constants?
À (1000)
Mme Renée St-Jacques: Bien sûr, mais il n'augmente pas aussi rapidement qu'aux États-Unis. Même si je suis d'accord avec vous pour reconnaître que la qualité de vie est un concept très vaste et que le PIB est loin d'être une mesure parfaite de la qualité de vie, il n'en demeure pas moins la plus précise que nous ayons, compte tenu de l'étendue des choix qui s'offrent à nous, en tant que société, pour prendre précisément le type de décisions concernant la répartition entre les secteurs public et privé et les services que nous sommes prêts à payer, soit individuellement soit collectivement. Ce n'est pas parfait, j'en conviens, mais c'est encore la meilleure façon que nous ayons trouvée de prendre des mesures et d'effectuer des comparaisons sur de longues périodes. Et ce sont les tendances qui comptent. Si l'écart se creuse, c'est le signe que notre société a de moins en moins de choix par rapport à nos voisins Américains. Je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter une telle situation. C'est là l'essentiel.
M. John Baldwin: Permettez-moi de vous poser une question qui met l'accent sur un point dont on a déjà parlé dans des articles de The Economist et de Business Week, entre autres, au cours des deux ou trois dernières années. Le produit intérieur brut est la somme de tous les biens et services qui ont été produits. Certains disent qu'on doit être prudents quand on fait des comparaisons entre les différents pays et que si l'on change la nature des processus de fabrication pour disposer de beaucoup plus de capitaux sur une très courte période, amortis très rapidement, il vaut mieux utiliser comme mesure le produit intérieur net—on soustrait les taux d'amortissement.
Dans un article paru récemment dans The Economist, on compare les taux de croissance américain et européen au moyen de mesures de rechange, et on se rend compte que les États-Unis ne font guère mieux que l'Europe. C'est une façon de voir les choses, mais si on utilise des mesures de rechange, c'est-à-dire pas le PIB par habitant, mais quelque chose comme des mesures du revenu provenant d'autres sources de données—et il existe plusieurs études dans lesquelles on a comparé le revenu du travail entre le Canada et les États-Unis—, on s'aperçoit que la disparité n'a cessé de s'accentuer au cours des 20 dernières années.
Ce que ces études ont révélé d'intéressant, c'est que le niveau moyen change beaucoup plus que le niveau médian, ce qui signifie, pour en revenir au niveau et à la qualité de vie, qu'il y a une plus forte concentration des revenus dans un groupe plus restreint aux États-Unis qu'ici, au Canada. Que vous preniez l'une ou l'autre méthode, cela ne fait pas beaucoup de différence pour le Canadien ou l'Américain moyen. C'est un autre élément à examiner quand on fait ce genre de comparaisons.
M. Larry Bagnell: Il y a une différence de 8 200 $ par habitant, en moyenne. Étant donné que nous avons la gratuité des soins de santé, par exemple, il me semble qu'avec ce revenu disponible, s'ils doivent payer les soins de santé, la différence ne devrait pas être tellement importante. Nous avons plus de choses couvertes ainsi que si nous devions les payer à même les 8 200 $. N'est-ce pas?
M. John Baldwin: Ces corrections ont été apportées dans une étude du DRI parue il y a déjà deux ans. On y a comparé le Canada et les États-Unis et on s'est aperçu, en bout de ligne, qu'il n'y avait presque pas de différences.
M. Larry Bagnell: La valeur du dollar canadien a-t-elle un effet quelconque sur la productivité?
Mme Renée St-Jacques: Il y a actuellement un débat sur cette question entre les économistes; je me contenterai de dire que le taux de change n'est pas un facteur à prendre en considération. John, avez-vous un autre point de vue?
M. John Baldwin: Je ne parlerai que du débat. Comme l'a dit Renée, il n'y a pas de consensus dans la profession; il n'y a que des points de vue divergents. Certains prétendent que le taux de change affecte les investissements faits au Canada, par rapport au travail, mais rien ne le prouve vraiment, d'après ce que j'ai pu lire sur le sujet.
À (1005)
Le président: Je vous remercie, monsieur Bagnell.
La parole est maintenant à madame Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Je vous remercie et je tiens également à féliciter les témoins pour la précision de leur exposé.
Il est particulièrement intéressant de voir les graphiques sur les intrants en capital et la façon dont la diminution des intrants coïncide avec les réductions d'exemptions d'impôts sur les gains en capital. Je me demandais si vous aviez comparé les taux d'imposition des différentes provinces et si vous en aviez tenu compte dans vos graphiques sur la productivité.
Mme Renée St-Jacques: Non, nous ne l'avons pas fait.
Mme Cheryl Gallant: Très bien.
Comment évaluez-vous la productivité depuis que la durée du congé de maternité a été portée à six mois? Peut-être qu'il est encore trop tôt pour parler du congé de maternité d'une année, mais j'aimerais savoir de quelle façon, s'il en est, cela a affecté la productivité.
Mme Renée St-Jacques: Encore une fois, ce n'est pas quelque chose que nous avons examiné en détail. Nous étudions plutôt les agrégats et nous choisissons des seuils ou des points limites qui ont des agrégats, plutôt que de nous centrer sur des politiques précises. Nous pourrions le faire, mais je pense qu'il faut être très prudents lorsqu'on cherche à dégager un lien causal direct entre une politique donnée et la productivité, particulièrement quand on connaît la gamme étendue des facteurs qui déterminent les niveaux de productivité et les taux de croissance, même sur une courte période. Il y a trop de facteurs en jeu, je pense, pour dire qu'une politique donnée a une incidence particulièrement marquée sur la productivité.
Mme Cheryl Gallant: Alors, avez-vous comparé, par exemple, les politiques de main-d'oeuvre d'une province à l'autre, le nombre de jours fériés, d'heures de travail hebdomadaire, etc.?
Mme Renée St-Jacques: Non, pas dans notre ministère, mais je ne serais pas surprise que d'autres ministères, comme celui des Ressources humaines, l'aient fait.
Je peux passer la parole à Someshwar, qui vous dira brièvement le type d'études que nous réalisons au niveau des entreprises ou le type de micro-études que nous effectuons en matière de productivité.
M. Someshwar Rao: Industrie Canada a fait beaucoup de recherches, tout comme Statistique Canada, et nos deux ministères travaillent en collaboration sur un certain nombre d'études. Nous suivons la dynamique de l'innovation et l'évolution du rôle de la concurrence dans les entreprises, dans l'industrie et dans l'économie en général. Nous essayons de déterminer comment cela affecte la productivité, ainsi que le rôle des technologies de l'information et des communications, tant pour les producteurs que pour les utilisateurs, de même que leur incidence sur la productivité. Nous avons un projet conjoint avec Statistique Canada et l'université Harvard, un projet d'envergure sur les technologies de l'information et des communications. Aux États-Unis, de nombreuses recherches ont révélé que les technologies de l'information et des communications avaient grandement contribué à l'accroissement de la productivité dans la deuxième moitié des années 90. C'est pourquoi nous aimerions élaborer des données compatibles et effectuer une analyse industrie par industrie du rôle des technologies de l'information et des communications dans la croissance économique. Nous faisons le même type d'études pour les petites et moyennes entreprises. Nous avons fait beaucoup de travail sur les investissements et le rôle des multinationales étrangères.
Pour répondre à votre question, je dirais que nous saisissons les liens entre les politiques sociales et la croissance de la productivité. Les économistes sont plutôt d'accord pour reconnaître que la croissance économique a une incidence sur la productivité et les politiques sociales. Plus la croissance économique est forte et plus le rythme de productivité est élevé, meilleures seront les politiques sociales, mais de meilleures politiques sociales ont également une incidence sur la croissance de la productivité. Nous ne savons pas encore avec certitude si de meilleures politiques sociales entraînent une plus forte croissance économique et une augmentation de la productivité.
Mme Cheryl Gallant: Observe-t-on, dans le cas de l'innovation, un point où le rendement se met à diminuer, un point où il n'y a plus de gains à réaliser sur le plan de la productivité?
À (1010)
M. Someshwar Rao: Je ne crois pas. Nous n'avons pas atteint ce point, parce que nous sommes très loin derrière d'autres pays en ce qui concerne la capacité d'innovation. En fait, la recherche indique que l'innovation se traduit par des bénéfices croissants.
Mme Cheryl Gallant: Il a été dit qu'à l'heure actuelle, 18 p. 100 des Canadiens sont âgés de 65 ans et plus et qu'en 2025, cette proportion atteindra 36 p. 100. Alors, si on pense uniquement à la productivité, de combien cette dernière devra-t-elle augmenter pour que nous puissions prendre soin des personnes âgées et de notre population vieillissante?
Mme Renée St-Jacques: Je ne crois pas que nous avons fait le calcul précis, mais il est évident qu'il faudra une augmentation très importante de la productivité pour maintenir notre niveau de vie. Une augmentation de productivité comme celle que nous avons connue au cours des dix dernières années rendra très difficile le maintien de notre niveau de vie face à la réduction de la proportion de travailleurs dans notre société. C'est une bonne question, mais je n'ai pas de chiffres exacts. Nous n'avons pas fait ce calcul.
Mme Cheryl Gallant: On a dit que les services gouvernementaux n'étaient pas pris en compte. Qu'en est-il des militaires? A-t-on réalisé des études pour déterminer dans quelle mesure l'effectif militaire ou les politiques de défense, par exemple, le taux de renouvellement du parc de véhicules, influent sur la productivité du pays? Par exemple, les Américains remplacent leurs véhicules tous les dix ans, alors que nous, nous utilisons encore des véhicules âgés de 30 ou même de 40 ans. Ainsi, si nous avions une politique différente à cet égard ou si nous avions une armée plus nombreuse, est-ce que cela entraînerait une augmentation de la productivité globale?
Mme Renée St-Jacques: Il s'agit d'une question à laquelle il est difficile de répondre. On dit souvent, du moins au niveau de l'ensemble—bien que ce soit une affirmation un peu anecdotique, si vous voulez—qu'il est clair que l'investissement supérieur des États-Unis dans le domaine militaire a donné une forte impulsion à leur rendement en R-D. Par conséquent, l'intensité de la R-D, ou si vous voulez, l'investissement en R-D par rapport au PIB, est plus élevé aux États-Unis à cause du facteur militaire. C'est quelque chose que l'on a beaucoup répété. De plus, il est fort possible que les retombées des dépenses en R-D ont des répercussions sur l'innovation dans le domaine économique et, par conséquent, sur la productivité. Mais ce n'est qu'à ce niveau que je peux répondre à la question. J'ignore s'il y a eu des études particulières visant à mesurer les effets de cette question sur la productivité.
Le président: Merci beaucoup, madame Gallant.
À vous la parole, monsieur Savoy.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de nous avoir présenté d'excellents exposés.
Je suis assez étonné du fait que nous avons, dans certains domaines précis—et j'ai fait quelques lectures sur le sujet—une productivité nettement supérieure à celle des Américains et que cet avantage semble se manifester surtout dans les domaines reliés aux ressources naturelles, comme les métaux de première fusion, le papier et la foresterie, le bois d'oeuvre. Lorsqu'on tente d'établir un lien entre cette constatation et la taille des entreprises dans ces diverses industries—la taille et la nature de l'entreprise—observe-t-on une corrélation entre le pourcentage de PME et le pourcentage de grandes entreprises ou de multinationales dans ces secteurs? À vue de nez, il semble logique de penser que plus la taille de l'entreprise est grande, plus elle a accès au capital, plus la tendance à innover est forte et, peut-être, plus la sensibilisation à des idées de gestion, comme la qualité totale et l'amélioration permanente, sera grande au sein de ces entreprises. Alors je me demande si on a mené des études pour déterminer s'il y a une corrélation quelconque entre la productivité et la taille des entreprises actives dans ces secteurs dans les deux pays?
M. Someshwar Rao: Nous avons examiné de manière générale l'importance de la taille de l'entreprise au sein de l'économie canadienne—comment les petites entreprises se comparent aux plus grandes dans différents secteurs d'activité. Nous avons réalisé des échantillonnages représentatifs non seulement dans les secteurs particuliers dont vous parlez, mais dans tous les secteurs. Vous avez raison: il y a effectivement une corrélation positive entre la taille de l'entreprise et son degré de productivité. De façon générale, les entreprises sous contrôle étranger sont plus productives, comme l'a signalé John et comme l'indique notre recherche.
À (1015)
M. John Baldwin: Someshwar a parlé de tendance générale et, effectivement, les entreprises de plus grande taille tendent à avoir une productivité du travail plus élevée parce que ce sont généralement des industries à forte composante de capital. Les études réalisées pour déterminer si elles ont une productivité plus élevée même que ce que l'on pourrait prévoir, étant donné la forte intensité en capital de ces industries, montrent généralement que ce n'est pas le cas. La différence dans la productivité du travail est attribuable principalement à une différence dans l'intensité de capital.
Je ne sais pas si une étude a été réalisée pour déterminer précisément si cette relation est différente dans le cas de notre secteur des ressources naturelles. Une des raisons, c'est qu'il est très difficile d'obtenir des données américaines assez détaillées sur la taille moyenne des usines dans ce secteur industriel.
M. Andy Savoy: Mais il existe de l'information sur les économies canadienne et américaine en général et sur le pourcentage de PME par rapport aux grandes entreprises. Vous avez cette information, n'est-ce pas?
M. John Baldwin: Pour l'économie tout entière, oui. Il s'agit d'un projet réalisé en collaboration avec Industrie Canada et que nous avons produit il y a à peine trois semaines. Il étudie les différences dans la taille moyenne des usines au Canada et aux États-Unis pour déterminer dans quelle mesure le virage vers la PME que nous observons au Canada est un phénomène propre à notre pays et, par conséquent, dans une certain sens, un problème, parce que les PME ont généralement une productivité du travail plus faible en raison d'une plus faible intensité de capital. La conclusion que nous avons tirée, c'est que même si on observe une tendance vers une augmentation du nombre de PME au Canada et de la proportion des emplois assurés par les PME, par rapport au nombre total d'emplois, la tendance est la même aux États-Unis. Nous avons en moyenne plus d'emplois dans des catégories d'entreprises de taille plus petite et cette part augmente, mais on constate à peu près la même chose aux États-Unis. Bien que la productivité relative, le rendement par employé, dans les petites entreprises ait diminué au Canada comparativement à celle des grandes entreprises, il en est de même aux États-Unis. Ainsi, cette différence de taille n'explique probablement pas l'écart observé, mais nous n'avons pas encore diffusé ce document.
M. Andy Savoy: Si c'est vrai, si nous avons effectivement plus de gens qui travaillent dans des PME au Canada qu'aux États-Unis et que leur nombre augmente des deux côtés de la frontière, il sera très difficile, si on maintient le statu quo, de combler l'écart de productivité. Si les tendances vont dans le même sens et si nous avons pris du retard, nous n'allons certainement pas accroître notre productivité par rapport aux États-Unis. J'ai été très étonné des observations de M. Fitzpatrick concernant les solutions proposées pour les PME canadiennes. Dans vos recherches, avez-vous trouvé quelque chose sur la façon dont d'autres gouvernements traitent cette question?
M. Someshwar Rao: Nos travaux de recherche indiquent que les PME pourraient être plus productives si elles étaient davantage tournées vers l'extérieur, c'est-à-dire si elles exportaient davantage. En général, il y a une forte corrélation entre les deux. On pourrait prétendre que les entreprises qui sont plus productives font de l'exportation, mais il semblerait qu'il y a également une relation de causalité entre le fait d'être tourné vers les marchés extérieurs et la productivité. Les petites entreprises qui exportent davantage ont tendance à être plus productives et à croître beaucoup plus rapidement parce qu'elles doivent faire concurrence à d'autres entreprises et parce qu'elles sont exposées à de nouvelles technologies et à de nouveaux savoirs. Ainsi, il semble y avoir une corrélation fortement positive entre le fait d'être tourné vers l'extérieur, l'innovation et l'augmentation de la productivité.
M. Andy Savoy: Avez-vous fait des recherches sur la gestion de la qualité totale, l'amélioration permanente, l'introduction des philosophies de gestion dans l'économie canadienne, tant au niveau de la grande entreprise que de la PME?
Mme Renée St-Jacques: Je ne dirais pas que nous examinons exactement ce genre de questions, mais de plus en plus, à cause du nouveau sondage sur les besoins des employeurs en main-d'oeuvre, qui nous permet d'établir des liens avec certaines de ces pratiques de gestion, en formation et en relations humaines, nous avons commencé à exploiter cette nouvelle base de données pour poser ce genre de questions. Nous essayons d'établir des liens entre la productivité et non seulement le degré d'éducation, mais également le degré de formation et certaines des pratiques de gestion en milieu de travail; nous essayons maintenant de nous aventurer sur ce terrain, mais ce n'est pas exactement ce que vous recherchez, à cause des limites inhérentes aux données.
À (1020)
M. John Baldwin: C'est vrai. Ainsi, nous avons effectué au cours des cinq à dix dernières années un certain nombre d'études spéciales sur les PME qui ont permis d'établir des liens entre diverses mesures du rendement et les types de pratiques de gestion dont vous avez parlé, du moins en ce qui concerne la gestion de la qualité totale, et l'influence qu'ils ont sur certaines pratiques dans le secteur des ressources humaines et du marketing. Nous avons versé les résultats de ces études dans une banque de données administratives qui nous permet de suivre l'évolution du rendement de ces entreprises. Les entreprises qui mettent habituellement l'accent sur le genre de mesures dont vous avez parlé et que recommandent les experts en gestion sont celles qui ont le meilleur rendement. De nombreux faits démontrent que les entreprises qui soignent leurs compétences dans une vaste gamme de domaines s'en sortent beaucoup mieux.
Dans ce genre d'études, il est très difficile de cerner le facteur vraiment primordial. Un homme d'affaires très occupé vous accorde 20 minutes de son temps, et vous ne pouvez que lui poser des questions d'ordre général. On s'aperçoit qu'il y a de bonnes comme de mauvaises entreprises. Certaines qui mettent l'accent sur un grand nombre de ces questions réussissent bien. Nous devons donc nous poser une autre question. Faut-il se préoccuper de la stratégie de gestion et des subventions? Je n'en suis pas certain.
Le président: Merci.
Monsieur Fitzpatrick, vous avez la parole.
M. Brian Fitzpatrick: Je ferai simplement observer qu'à mon avis, l'approche de gestion mérite qu'on s'y arrête pour voir si elle permet d'accroître la productivité, étant donné que les approches de gestion sont très variées.
Je voulais revenir à la politique fiscale. Comme je le disais, d'après ce que j'ai constaté, il ne suffit pas de réduire les impôts pour permettre une hausse de la productivité et ainsi de suite. La façon de le faire et à quel niveau ont aussi leur importance. Il y a peu de temps, des chercheurs universitaires témoignant devant un comité des finances ont classé les taxes en trois catégories: les taxes à la consommation, l'impôt sur le revenu des particuliers, ainsi que l'impôt sur le revenu et l'impôt sur le capital des entreprises. Si je les ai bien compris, ils utilisent ce qu'ils appellent des taux d'efficacité marginale qui servent essentiellement à mesurer la perte d'extrants pour chaque dollar retranché de ces catégories. Selon eux, l'impôt sur le capital et l'impôt des sociétés nuit beaucoup aux entreprises canadiennes par rapport à ceux d'autres pays. En réalité, ces impôts nuisent à l'investissement de capitaux, dans le matériel, et ainsi de suite. Le chiffre qu'ils ont utilisé était très élevé. Selon eux, nous perdons 1,53 $ d'extrant pour chaque dollar provenant de ces catégories de recettes. Est-ce que des études ont été faites de la corrélation entre la productivité et ce genre de mesures fiscales visant le revenu et le capital des sociétés?
Mme Renée St-Jacques: Bien entendu, nous ne sommes pas des experts de la fiscalité. Toutefois, une chose est sûre. Ce qu'on appelle les coûts de l'efficacité marginale ont tendance à augmenter selon le niveau de mobilité des ressources en jeu. C'est pourquoi, lorsque nous faisons ces calculs et que nous examinons l'impôt sur le capital, les coûts de l'efficacité sont habituellement plus élevés puisque le capital se déplace plus facilement d'un pays à l'autre qu'un bien immobilier par exemple, ou même que la main-d'oeuvre. C'est la raison principale pour laquelle les coûts de l'efficacité marginale sont habituellement plus élevés dans le cas du capital. C'est tout ce que je peux dire. Lorsqu'on tente d'établir des liens entre les taux d'imposition comme tels et la productivité, les rapports de cause à effet sont beaucoup trop complexes pour que nous puissions faire le lien direct. Je crois qu'il faut examiner chacune des étapes, l'investissement en capital, et tout le reste.
À (1025)
M. Brian Fitzpatrick: Si les marchés financiers du monde s'étendent réellement à l'échelle de la planète et que le capital peut être investi là où le rendement est le plus favorable et ainsi de suite, il me semble logique que les pays qui soumettent les sociétés à des régimes fiscaux très complexes et à des taux d'imposition élevés ne seront probablement pas ceux qui vont attirer des investissements.
Mme Renée St-Jacques: En fait, cela revient à ce que nous disions, soit que les coûts marginaux sont plus élevés pour l'économie en raison de la plus grande mobilité de certaines ressources par rapport à d'autres.
M. Someshwar Rao: Je pense que Renée a raison parce qu'on ne peut pas simplement établir une corrélation directe entre les impôts et la productivité. Les impôts agissent sur l'investissement et le capital humain de façon complexe. Par exemple, l'investissement dépend de beaucoup d'autres facteurs, la rentabilité, la concurrence, l'innovation du pays, le taux de croissance de l'économie, le niveau de productivité, le taux de change et les impôts. Le processus par lequel les impôts ont une incidence sur le capital physique, le capital humain et l'innovation est compliqué. On ne peut donc pas les relier de façon directe, mais nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons un problème et que l'innovation est un problème. Personne n'a encore fait observer que notre régime fiscal en est la cause.
Il faut aussi remarquer que, par le passé, l'impôt sur le capital était beaucoup plus élevé que l'impôt sur le revenu des particuliers, mais le budget de 2000 a beaucoup fait progresser les choses. D'ici 2004 ou 2005, nous rivaliserons de près avec les États-Unis pour ce qui de l'impôt des sociétés. Par le passé, l'impôt des sociétés était plus élevé, mais nous faisons des progrès. Cela pourrait avoir nui dans une certaine mesure à l'investissement, mais nous devenons concurrentiels.
Mme Renée St-Jacques: J'ajouterais qu'aux États-Unis, comme vous le savez peut-être, certains États à qui des pouvoirs ont été transférés envisagent d'augmenter les impôts, peut-être pas ceux des sociétés, mais certains impôts. Je pense au Texas et au Kansas.
M. Brian Fitzpatrick: Je ne veux pas donner l'impression qu'il y a un seul aspect en cause, mais je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Il faut trouver le bon dosage pour obtenir les résultats voulus. Si la question des impôts fait partie de l'ensemble, il faut l'examiner, c'est tout ce que je voulais dire. Je ne considère pas que c'est la panacée, mais il semble que ce soit un indicateur. Dans les économies du monde qui sont à forte croissance, c'est un des éléments de l'ensemble. Trouver le dosage voulu rapidement serait, je pense, un bon choix de politique pour notre pays.
Le président: Avez-vous une autre question à poser, monsieur Fitzpatrick?
M. Brian Fitzpatrick: C'est un aspect que je voudrais que nous examinions à propos de la productivité. Je veux donner des explications parce que j'ai une certaine expérience de la question. Vous investissez dans une entreprise au Canada; l'entreprise paie l'impôt des sociétés; elle réalise ensuite des profits sur lesquels vous payez encore de l'impôt. C'est le même argent. Quand vous vendez vos actions, vous êtes la même personne, l'actionnaire qui a investi dans l'entreprise, le propriétaire, et vous êtes encore touché. Puis, certaines provinces du Canada perçoivent ce qu'on appelle l'impôt sur le capital, qui est vraiment un impôt draconien, à mon avis. Il nuit clairement à l'investissement. Vous payez de l'impôt que vous fassiez des profits ou non, puisqu'on impose votre capital. Il me semble que c'est quelque chose que personne d'autre que le Canada a. À biens des égards, notre situation est loin d'être parfaite. Je n'aime pas que mon argent soit taxé trois ou quatre fois. Je n'ai pas d'objection à payer des impôts une fois, mais je ne crois pas que ce soit progressif de percevoir autant d'impôt sur le même dollar, comme nous le faisons ici.
Le président: Monsieur Fitzpatrick, nous parlons d'autre chose maintenant. Nous devons poser des questions aux témoins.
Nous allons passer à monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Je trouve ça un peu compliqué, toute cette discussion. On parle de productivité. On dit que les Américains ont un taux de productivité supérieur à celui du Canada. Par contre, ils sont en pleine récession et leur taux de chômage augmente. Chez nous, on ne vit pas la récession et le taux de chômage diminue. J'ai l'impression qu'il y a tellement de facteurs qui sont pris en ligne de compte lorsque... On ne tient pas compte de la charge sociale des entreprises et on ne tient pas compte non plus de la philosophie de vie qu'un pays peut se donner.
Lorsqu'un pays a tendance à être davantage social démocrate, à mettre sur pied des systèmes sociaux, on ne tient pas compte de cela lorsqu'on évalue le niveau de vie ou le revenu par habitant dans une économie. On ne tient pas compte non plus des services que l'État offre à la population qui, si on se comparait aux Américains, feraient qu'on pourrait diminuer nos taxes de beaucoup, ce qui ferait que le niveau de vie des Canadiens pourrait peut-être être considéré comme étant plus élevé que celui de certains autres pays.
Évidemment, on parle d'économie. Si je comprends bien, on part du principe selon lequel une entreprise qui peut produire plus avec moins a un taux de productivité plus élevé. Donc, si avec 25 personnes je peux produire 100 voitures, mais que la semaine suivante je mets à pied cinq travailleurs et que je peux encore produire les mêmes 100 voitures, mon taux de productivité augmente. Par contre, j'ai mis cinq personnes au chômage.
La semaine dernière, je pense, dans le quotidien La Presse, un journaliste ou un économiste a justement soulevé ce problème du taux de productivité et de l'accent que l'on met sur la productivité des entreprises. Il comparait les États-Unis et le Canada en disant que quand on investissait davantage d'énergie pour augmenter le taux de productivité d'une entreprise ou des entreprises en général, on en arrivait parfois à créer un taux de chômage plus élevé.
J'aimerais que vous m'expliquez un peu cela. Qu'est-ce qui est important? Est-ce le taux de productivité absolu? Cela voudrait dire, en fait, qu'on abolirait l'impôt sur le capital des entreprises, qu'on diminuerait nos programmes sociaux afin que les entreprises aient moins de dépenses à ce niveau. Par contre, cela pourrait avoir un effet négatif, parce que ça coûte moins cher à une entreprise américaine de s'installer au Canada que de s'installer aux États-Unis.
J'ai aussi un deuxième point. On compare souvent des pommes et des oranges. On prend deux pays: l'un a une population de 300 millions d'habitants et l'autre a une population de 30 millions d'habitants, un territoire un peu plus grand, donc des coûts de transport plus élevés, et une masse critique bien différente. Cela veut dire que seulement au niveau du commerce intérieur, on est défavorisés par rapport aux Américains. Si je fabrique des chaussures aux États-Unis, il y a 300 millions d'habitants qui devront avoir au moins une paire de chaussures, tandis qu'ici, seulement 30 millions d'habitants ont besoin de chaussures. Donc, mon commerce intérieur sera moindre également.
Je suis donc un peu mêlé face à tout ça. Partout où on regarde, on ne parle que de productivité, de productivité, de productivité, d'entreprises, d'entreprises, d'entreprises, de stimuler l'économie. Mais qu'en est-il des gens dans tout cela? Lorsqu'on met quelqu'un au chômage, je ne pense pas que cela ait un impact positif sur l'économie d'un pays.
À (1030)
Mme Renée St-Jacques: Je ne pourrais être plus d'accord avec vous, monsieur Marcil. Le but, en fait, n'est pas de mettre les gens à pied; le but est de les employer et de faire produire chacun beaucoup. Pourquoi? Parce que c'est comme ça qu'on peut maintenir notre niveau de vie. C'est comme ça que, comme société, on peut faire le genre de choix dont vous parlez. Est-ce qu'on va allouer cet argent à des services publics, ou si on va allouer cet argent à la consommation privée?
Quand on parle du PIB par habitant, c'est de ça qu'on parle, de notre capacité de faire des choix de société. Comme l'avait souligné M. Bagnell avant vous, c'est sûr que les Américains font des choix différents des nôtres, mais si vous regardez les pays de l'OCDE, on est septième. À part les États-Unis, si vous regardez les autres qui sont devant nous: le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, de tout petits pays, ce sont des pays qui sont comme nous, qui ont fait des choix de société qui ressemblent plus aux nôtres qu'à ceux des Américains, et cela ne les empêche pas d'avoir un niveau de vie élevé. C'est le premier élément de ma réponse.
Le deuxième élément de ma réponse est que je trouve très difficile d'accepter que, pour se payer un genre de société différente de celle des États-Unis, meilleure que celle des États-Unis sur plusieurs plans, on soit obligés, au fil des années, de payer un prix de plus en plus élevé en termes d'accroissement de l'écart de la productivité. Je ne crois pas que ce soit inévitable; je crois que, comme société, on a des choix à faire qui pourraient très bien nous amener à rapetisser cet écart, tout en maintenant nos différences avec les États-Unis.
Pour ce qui est de la grandeur du marché, je pense que vous avez effectivement raison. Cela a sûrement de l'importance, surtout pour ce qui est du domaine des services qui ne sont pas échangés librement sur le marché nord-américain. Quand on parle des produits manufacturés, je pense qu'on devrait effectivement être capables de profiter de l'Accord de libre-échange pour partager le marché nord-américain et aller chercher les économies d'échelle dont vous parlez; le Canada peut le faire aussi bien que les Américains.
Mais pour les services, c'est plus difficile.
À (1035)
M. Serge Marcil: Vous avez raison, mais lorsque je parle du Danemark, je peux en faire le tour en une demi journée.
Mme Renée St-Jacques: Je sais.
M. Serge Marcil: Mais comparons l'Allemagne, la France, le Japon, l'Espagne, l'Italie, qui sont des pays dont la population est beaucoup plus grande que la nôtre. Comparons nos économies. En termes de productivité, où se situe-t-on?
Mme Renée St-Jacques: Dans le G7, on est quatrième. Pour l'OCDE, j'oublie. Je pense qu'on est quatorzième, ou quelque part dans les environs.
M. Serge Marcil: C'est tout, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Je m'excuse d'être arrivé en retard à la réunion.
Je voulais revenir à ce dont mon collègue M. Fitzpatrick a parlé. Vous avez dit que nous ne pouvions pas établir de lien direct entre la productivité et le régime fiscal, qu'il y a plus qu'un facteur en prendre en considération, et nous sommes bien d'accord là-dessus mais, outre le capital humain et le régime fiscal dont vous avez parlé, quels seraient les autres facteurs qui ont une incidence sur la productivité?
Mme Renée St-Jacques: Un grand nombre de facteurs influent sur la productivité, sur l'organisation de la production dans une usine en particulier, sur le niveau de capital humain, sur les pratiques de gestion, selon le niveau auquel vous voulez que porte la discussion. Au niveau de l'ensemble de l'activité économique, celui que nous avons tendance à examiner, les choses qui semblent avoir de l'importance sont entre autres le niveau du capital par travailleur ou par heure travaillée, la taille de certains secteurs où la croissance de la productivité semble avoir été particulièrement forte au cours des dernières années. Le secteur des technologies de l'information et des communications aux États-Unis est de plus grande envergure qu'au Canada. La performance du Canada en matière d'innovation importe beaucoup de même que le capital humain et le niveau d'éducation de la main-d'oeuvre. Toutes ces choses comptent.
Je ne dis pas que les impôts n'influent pas sur ces éléments, bien au contraire de toute évidence. Je dis tout simplement que les impôts ne sont pas le principal moteur. Ils ne sont qu'un outil parmi tant d'autres dont disposent les gouvernements pour influencer certains de ces facteurs et le comportement des gens.
M. James Rajotte: Mais si vous considérez la chose du point de vue d'un décisionnaire, à part les niveaux d'imposition, qui peuvent avoir une certaine influence, à part l'investissement dans l'éducation et de la recherche, nous ne pouvons orienter les pratiques de gestion au niveau local dans les entreprises. Est-il correct de dire que, du point de vue d'un décisionnaire, il y a pour ainsi dire deux façons de peser sur la productivité, les niveaux d'imposition et les investissements dans le domaine de la recherche et de l'éducation?
Mme Renée St-Jacques: Il y a toutes sortes d'autres choses. Nous savons que compte également la transparence, notre politique commerciale, les investissements d'infrastructure—c'est une partie du capital qu'un pays a à sa disposition. Lorsque vous avez examiné le système canadien d'innovation, je suis convaincue que vous avez été frappé par l'importance des liens entre ses diverses composantes. La R-D est importante au même titre que la commercialisation de la R-D visant à tirer profit des avantages de la productivité. Il est important que les marchés du travail et les marchés de capitaux soient souples. M. Baldwin parlait plus tôt de l'importance que revêtaient l'arrivée et le départ des entreprises pour la productivité. Les facteurs que ne peuvent influencer directement les gouvernements sont nombreux mais, par l'entremise de politiques d'encadrement, ils peuvent peser sur ces variables particulières et dynamiser la productivité du pays dans son ensemble. Je pense qu'il y a un certain nombre d'éléments à ce niveau. Je ne dis pas que les impôts ne sont importants, car ils le sont de toute évidence. Ce que je dis c'est qu'ils ne sont certainement pas le facteur le plus important.
À (1040)
M. James Rajotte: Dans votre exposé, monsieur Baldwin, vous dites à la page 26:
La période 1995-2000 vit la création d'un important écart en termes de l'intensité du capital en faveur des États-Unis...; pourquoi? Le Canada a connu une remarquable croissance dans le nombre d'heures au travail; le Canada a connu une lente croissance dans les services du capital. |
J'ai manqué cette partie du premier exposé, mais quelle était la raison de cet état de choses?
M. John Baldwin: Je n'ai pas de réponse définitive, mais je suppose que je peux revenir à l'observation de M. Marcil, à savoir que les pays peuvent fonctionner différemment et qu'on doit évaluer la performance du pays d'après un large éventail de dimensions. Notre productivité tire de l'arrière par rapport à celle des Américains pour l'instant, le rythme auquel nous augmentons l'investissement par rapport à la main-d'oeuvre tire également de l'arrière par rapport aux Américains, mais pas tant que ça étant donné que nous n'avons pas accru notre capital au cours de cette période. Il s'agit d'une période où la croissance a été phénoménale. Nous avons investi massivement dans les TIC, avec des entreprises qui ont probablement ingéré les choses le plus rapidement possible. Nous avons permis à beaucoup de gens de réintégrer le marché du travail au cours de cette période. Le rythme de croissance de l'emploi est vraiment très important et il est considérable par rapport aux normes d'autres pays. Au cours de cette période, nous diminuons notre rapport capital-travail surtout du fait que nous augmentons le nombre de personnes qui réintègrent le marché du travail aussi rapidement. Il aurait été bien d'accroître le capital par travailleur sans pour autant réduire la croissance de la main-d'oeuvre. Les taux de chômage auraient alors été beaucoup plus élevés.
M. James Rajotte: Ce n'est donc pas ce que faisaient les États-Unis.
Le président: Monsieur Rajotte, nous devons mettre fin à la séance parce que nous en sommes à notre deuxième partie.
Je dois m'excuser auprès des membres du comité qui n'ont pu poser de questions. Je peux dire aux témoins qu'il faudra que vous reveniez pour nous aider alors que nous nous attacherons à comprendre la productivité et à tenter de trouver quelques réponses quant aux moyens que doit prendre le Canada pour améliorer sa productivité. J'aimerais remercier les témoins d'être venus ce matin. Nous espérons, alors que nous mettrons au point notre plan de travail, que vous pourrez revenir éclairer notre lanterne de sorte que lorsque nous effectuerons notre étude, nous comprendrons au moins les mesures de la productivité et nous saurons à qui nous adresser pour obtenir les réponses aux nombreuses questions que le comité a laissé de côté pour l'instant. Merci beaucoup.
[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]