FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 2 février 2005
º | 1635 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. Peter Van Loan (York—Simcoe, PCC) |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
Le président |
Son Excellence Ene Ergma (présidente, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie) |
Le président |
Son Excellence Ene Ergma |
º | 1640 |
Le président |
M. Peter Van Loan |
º | 1645 |
Le président |
M. Sven Mikser (président, Comité de la défense, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie) |
M. Peter Van Loan |
M. Mart Nutt (membre, Comité constitutionnel et du Comité des affaires européennes, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie) |
º | 1650 |
Le président |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam, PCC) |
Le président |
Son Excellence Ene Ergma |
M. Marko Mihkelson (président, Comité des relations étrangères, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie) |
º | 1655 |
M. Sven Mikser |
Le président |
M. Sven Mikser |
» | 1700 |
Le président |
M. Peter Van Loan |
Le président |
M. Mart Nutt |
M. Marko Mihkelson |
» | 1705 |
Son Excellence Ene Ergma |
Le président |
M. Marko Mihkelson |
» | 1710 |
Le président |
M. Sven Mikser |
M. Peter Van Loan |
M. Sven Mikser |
Le président |
M. Mart Nutt |
» | 1715 |
Le président |
Son Excellence Ene Ergma |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Son Excellence Ene Ergma |
M. Kevin Sorenson |
Son Excellence Ene Ergma |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
M. Mart Nutt |
M. Kevin Sorenson |
M. Marko Mihkelson |
» | 1720 |
M. Kevin Sorenson |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
M. Peter Van Loan |
L'hon. Dan McTeague |
Le président |
M. Peter Van Loan |
» | 1725 |
Le président |
M. Mart Nutt |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. Mart Nutt |
Le président |
M. Ted Menzies |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ted Menzies |
M. Sven Mikser |
» | 1730 |
M. Ted Menzies |
M. Sven Mikser |
M. Paul Forseth |
M. Marko Mihkelson |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 2 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
º (1635)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité se réunit avec la délégation parlementaire de l'Estonie. Tout d'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue à votre délégation, madame la présidente. C'est un véritable honneur pour nous de vous accueillir après la visite qu'a faite notre Président dans votre pays il y a un peu plus d'un an. Avec votre permission, je vais demander à mes collègues de se présenter, mais je devrais peut-être commencer par me présenter moi-même.
Je suis le président du Comité des affaires étrangères et du commerce et du développement internationaux. Je suis un député du parti ministériel, qui pour l'instant forme un gouvernement minoritaire. Comme vous pouvez le constater, il y plus de membres de l'opposition présents aujourd'hui que du parti ministériel, mais il faut excuser certains de nos membres qui prennent actuellement part à une réunion de l'Association parlementaire Canada-Europe. J'espère que certains d'entre eux pourront se joindre à nous plus tard.
Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter.
M. Peter Van Loan (York—Simcoe, PCC): Je m'appelle Peter Van Loan. Nous nous sommes rencontrés tout à l'heure. Je suis le député conservateur de York—Simcoe.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Je suis Ted Menzies, député conservateur de l'Alberta.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Je m'appelle Kevin Sorenson, et je suis député conservateur de l'Alberta. Je représente la circonscription de Crowfoot.
Le président: Madame la présidente, si vous voulez bien prendre la parole, je vous la cède.
Son Excellence Ene Ergma (présidente, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie): Permettez-moi de vous présenter les membres de ma délégation.
M. Argo Küünemäe est le chargé d'affaires de la République d'Estonie au Canada.
M. Marko Mihkelson préside notre Comité des affaires étrangères.
M. Sven Mikser préside le Comité de la défense.
M. Mart Opmann est le président du Comité des affaires économiques.
M. Mart Nutt est membre du Comité des affaires européennes et du Comité constitutionnel.
M. Heiki Sibul est secrétaire général du Riigikogu, notre Parlement, et Mme Merle Pajula dirige le ministère des Relations étrangères.
Le président: De quelle façon préférez-vous procéder : nous parler un peu des communications ou de l'introduction ou passer à un échange très libre de questions et de réponses entre les deux délégations?
Son Excellence Ene Ergma: Monsieur le président et distingués membres du comité, chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir invités à prendre part à cette réunion du comité permanent. Je suis ravie de pouvoir discuter de politique internationale avec des collègues canadiens.
J'aimerais amorcer la discussion en dressant un bref bilan de la situation actuelle.
Le développement rapide de l'Estonie depuis 1991 et son succès politique et économique se sont appuyés sur d'importantes réformes politiques et économiques, sur une démocratie parlementaire efficace et sur une économie libérale, de même que sur une politique libre-échangiste. Après avoir regagné leur indépendance, les gouvernements estoniens ont accepté, tout comme la majorité des Estoniens, qu'il fallait faire de l'accession à l'Union européenne et à l'OTAN notre principal objectif en matière de politique étrangère.
En novembre 1995, l'Estonie a demandé à devenir membre de l'Union européenne. Après qu'un référendum national tenu en septembre 2003 ait approuvé l'accession à l'Union européenne, nous en sommes devenus membres le 1er mai 2004. Un mois plus tard, l'Estonie se joignait à la grande famille de l'OTAN.
Ces adhésions tant attendues ont procuré à notre pays un sentiment de satisfaction et de sécurité. Cependant, ces adhésions signifient également que l'Estonie doit assumer des responsabilités et des engagements beaucoup plus grands qu'auparavant. La réalisation de ces priorités n'a pas marqué la fin de la politique étrangère estonienne, mais plutôt un nouveau départ, et la barre est beaucoup plus haute.
L'Estonie partage entièrement la conviction qu'ont la majorité des États membres de l'Union européenne qu'il faut intensifier le rôle international de cet organisme. Comme elle a grandi en nombre, l'Union européenne assume actuellement une grande responsabilité dans le monde. L'Union européenne des Vingt-cinq doit s'attaquer à des enjeux mondiaux comme la lutte contre le terrorisme, la protection de l'environnement, le changement climatique, l'immigration illégale et l'atteinte aux droits de la personne.
J'aimerais souligner que, parallèlement, la garantie la plus essentielle de la sécurité et de la stabilité de l'Europe est la solidité de ses liens transatlantiques. Pour l'Estonie, une des plus importantes priorités de la politique commune de l'Union européenne en matière d'affaires étrangères et de sécurité est la question des relations transatlantiques. Nous, les Estoniens, voyons l'OTAN comme la seule garantie crédible d'une sécurité collective en Europe. L'Estonie continue de contribuer activement à l'opération de l'OTAN dans les Balkans et en Afghanistan, en fonction de ses capacités et des ressources dont elle dispose.
L'Union européenne des Vingt-cinq, dont la population atteint le demi-milliard, a également une grande responsabilité à l'égard de ses voisins. En tant que membre de l'Union européenne, l'Estonie est très consciente du besoin de créer et de renforcer une zone de bien-être social et économique, de même que la stabilité aux frontières externes de l'Union.
En raison de son emplacement géographique, l'Estonie, dans le cadre de sa politique à l'égard de ses voisins européens, s'est surtout concentrée sur la coopération avec les voisins à l'est de l'Union, y compris avec l'Ukraine, la Moldavie et les pays de la Transcaucasie. Les nouvelles réformes démocratiques en cours dans ces sociétés ont besoin de soutien.
Des faits nouveaux survenus récemment en Russie, un de nos voisins, nous portent à nous demander si les forces démocratiques de la société sont suffisamment fortes pour survivre à la concentration du pouvoir dans les mains d'un gouvernement central. La perte par les minorités russes de leur identité nationale sous la pression d'un pouvoir centralisateur nous inquiète. En effet, des groupes de notre famille fennougrique en font partie. Il semble aussi y avoir, en Russie, une certaine tendance à éviter la participation proactive à la résolution des conflits dans des régions comme l'Ossétie du Sud et la Transnistrie. La Tchéchénie demeure une plaie ouverte. J'espère sincèrement que cette politique sera revue.
º (1640)
Je vous remercie.
Le président: C'est moi qui vous remercie.
Pour briser la glace, nous allons demander à M. Van Loan de poser la première question.
M. Peter Van Loan: Monsieur le président, je vous remercie beaucoup. Je constate avec plaisir que vous avez tout de suite mentionné les questions de sécurité, parce que je ne suis pas sûr que les Canadiens savent à quel point les Estoniens peuvent se sentir vraiment vulnérables et non protégés dans un pays qui a passé plus de temps sous occupation que libre et indépendant.
L'Estonie n'a regagné son indépendance que tout récemment, soit il y a une décennie, et il faut protéger précieusement cette indépendance. C'est pourquoi nous, du Parti conservateur, sommes très heureux de la voir accéder à l'OTAN, une accession à notre avis prioritaire. Nous estimons important que les liens qui sont ainsi créés et les autres liens de sécurité entre les pays demeurent forts, étant donné surtout les faits nouveaux survenus récemment en Russie qui ne peuvent être qu'alarmants pour de petits pays comme l'Estonie qui doivent en réalité compter sur d'autres pour leur défense. Pour le dire simplement, un pays de 1,4 million d'habitants ne peut pas tenir tête à la Russie.
C'est pourquoi une des questions qui nous inquiètent, au sein du Parti conservateur, depuis quelque temps déjà est le fait que le gouvernement n'ait pas établi de relations diplomatiques complètes comme il convient avec l'Estonie en y nommant un ambassadeur et en installant une ambassade à Tallinn.
Étant donné la situation en ce qui concerne la sécurité, étant donné l'importance de l'Estonie et de nos échanges commerciaux avec elle qui ont quintuplé, si ce n'est plus, au cours de la dernière décennie et étant donné que le Canada compte, par exemple dans le Grand Toronto à lui seul, plus de 10 000 personnes de souche estonienne, je crois qu'il serait des plus avantageux pour le Canada d'établir de pareilles relations.
Je serais très curieux de connaître les vues de la délégation d'Estonie concernant une véritable représentation diplomatique du Canada à Tallinn.
º (1645)
Le président: Comme vous pouvez le voir, la question venue de l'Opposition n'a rien de très compliqué.
M. Sven Mikser (président, Comité de la défense, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie): Je vous remercie d'avoir posé la question. Il est tout à fait évident que nous ferions bon accueil à une représentation diplomatique complète en Estonie. Par contre, nous sommes également bien conscients des restrictions financières, entre autres, avec lesquelles doivent composer les États, particulièrement les petits États. De toute évidence, le Canada est beaucoup plus grand que l'Estonie.
Par contre, nous sommes très reconnaissants de l'excellent travail fait par votre ambassadeur, qui réside à Riga malheureusement, donc de l'ambassadeur Andrigo.
Manifestement, plus vite nous pourrons avoir une ambassade et un diplomate résidant en permanence à Tallinn, mieux ce sera. Je crois que nous réciproquerions.
Malheureusement, la situation actuelle fait que les ressources humaines et financières sont limitées de part et d'autre.
M. Peter Van Loan: Il est certes difficile de comprendre l'argument financier du côté canadien. Le Canada a là-bas un bureau où travaillent cinq employés à temps plein, mais il n'y a pas de représentation comme telle. De toute évidence, ce n'est pas une question de coût. Manifestement, notre gouvernement n'est pas très réceptif, ce qui m'amène au second point que je souhaitais soulever officiellement. À nouveau, c'est un point au sujet duquel le Parti conservateur a très clairement dit qu'il souhaitait voir des progrès, et je sais qu'un examen est en cours. Il s'agit de la question des visas. Le Canada continue d'exiger des visas des voyageurs qui partent de l'Estonie pour venir au Canada. Cela ne témoigne certes pas du genre de relation que nous avons avec d'autres pays ayant atteint un niveau analogue de développement.
L'Estonie a une des économies d'Europe les plus saines, si ce n'est pas la plus saine, de tous les pays de l'ex-Bloc soviétique, de l'ex-Bloc de l'Est. Elle a une population très instruite et très raffinée. On ne cherche plus à quitter l'Estonie. On cherche plutôt à y immigrer. Ce devrait plutôt être l'Estonie qui impose des visas aux autres.
Je puis certainement vous dire, de par ma propre expérience avec les Estoniens qui cherchent à venir ici, que le visa exigé impose un lourd fardeau et, à l'occasion, sans discrimination. Il est grand temps que le Canada reconnaisse la maturité de l'Estonie. Nous ne sommes plus en 1985, mais bien en 2005. L'Estonie devrait aller de l'avant et établir la réciprocité des visas.
J'aimerais que vous me disiez s'il s'agit là d'une priorité importante de l'Estonie et si ce genre de réciprocité au niveau des visas est souhaitable.
M. Mart Nutt (membre, Comité constitutionnel et du Comité des affaires européennes, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie): Monsieur le président, je vous remercie.
En ce qui concerne l'Estonie, j'aimerais expliquer une position pratique et réelle, plutôt que seulement morale. Depuis l'an dernier, depuis le 1er mai en fait, les Canadiens peuvent entrer en Estonie sans visa, tout comme ils peuvent visiter tous les autres pays de l'Union européenne sans visa, mais le Canada continue de l'exiger des Estoniens. Le plus grand problème d'ordre pratique, c'est que l'ambassade qui émet les visas aux Estoniens se trouve à Varsovie, en Pologne. Il faut prévoir trois semaines, si ce n'est plus habituellement, pour obtenir un visa canadien.
La situation n'est pas normale, puisque nous faisons partie de l'OTAN et que nous sommes un État membre d'un des plus grands partenaires du Canada. Nous aimerions que le problème se règle au plus tôt, ce qui sera à l'avantage de nos deux pays.
Je vous remercie.
º (1650)
Le président: Merci.
J'aimerais que mon collègue se présente et qu'il dise quelle circonscription il représente, dans quelle province.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam, PCC): Je m'appelle Paul Forseth et je suis député de la région de Vancouver, sur la côte ouest du Canada.
Je vois dans les notes d'information qu'on m'a remises qu'il est possible que l'Estonie ne puisse pas adhérer à l'OCDE. Il m'arrive à l'occasion de me rendre dans votre région. J'espère certainement que vous continuerez d'adhérer à tous ces organismes internationaux et qu'un jour peut-être, vous pourrez vous joindre à l'Union européenne et à tout le reste.
Je projette d'aller à Moscou, à Kiev et probablement à Minsk cet automne. J'aurai donc ainsi au moins une petite idée de cette région du monde. Nous devons continuer d'établir des partenariats et d'avoir des échanges soutenus. Il est par ailleurs utile d'établir des relations personnelles pour que les échanges ne se fassent pas toujours de comité à comité. Quand on a un ami, on peut communiquer avec lui sur l'Internet et échanger des photos.
Le Canada se cherche des alliances pour accomplir de bonnes choses au sein des Nations Unies, du Conseil d'Europe, de l'OSCE à Vienne, du groupe parlementaire et de l'OECD. Voilà qui explique ma présence ici aujourd'hui. J'ai été averti à la dernière minute qu'une délégation s'en venait et je me suis réjoui de pouvoir y être et de voir quel genre d'amitiés nous pouvons former, puisque je m'intéresse certes à visiter l'Estonie dans un avenir rapproché.
Le président: Monsieur Forseth, je vous remercie.
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aurais une question à poser. Il faudrait bien qu'il y en ait une du parti ministériel.
Madame Ergma, vous avez mentionné que l'Estonie appuie une forte présence de l'Union européenne dans le monde. Parmi les 25 membres de l'Union européenne, l'Estonie est un très petit État. Les Estoniens ne craignent-ils pas que le poids qu'aura leur voix au sein d'une politique commune de la défense et des affaires étrangères européennes ne soit trop faible et voient-ils d'un oeil favorable les résultats obtenus jusqu'ici de leur adhésion à l'Union européenne?
Son Excellence Ene Ergma: Nous sommes vraiment convaincus qu'il nous faut une politique commune des affaires étrangères et de la sécurité très forte. Pour illustrer les excellents résultats obtenus grâce à l'élargissement de l'Union européenne, je vous renvoie à l'élection en Ukraine. Les résultats de cette élection sont attribuables au fait que l'Union européenne a agi avec beaucoup de sérieux. Il s'agit là, à mon avis, d'un très bon signe.
M. Marko Mihkelson (président, Comité des relations étrangères, Riigikogu (Parlement) de la République d'Estonie): Récemment, en fait durant la dernière décennie, il a beaucoup été question d'une politique commune de l'Union européenne en matière d'affaires étrangères et de sécurité et voilà qu'il en est encore question suite à l'adhésion de dix nouveaux États.
Comme madame la présidente l'a dit tout à l'heure, il s'agit d'une question très importante non seulement pour l'Estonie, mais également pour les autres États membres—ne pas seulement se concerter par la pensée, mais également dans les actes afin de trouver un moyen d'énoncer une politique commune des affaires étrangères et de la sécurité. Les élections ukrainiennes ont très bien illustré comment non seulement l'Union européenne peut agir de concert en vue d'obtenir de bons résultats, ce qui est dans notre intérêt et correspond aux valeurs que nous partageons, mais également comment l'Union européenne et les États nord-américains peuvent s'entraider. C'est là le grand défi pour nous actuellement, tout comme pour les Ukrainiens, naturellement, soit de montrer que cette région du monde peut vraiment se démocratiser et se gouverner de façon libérale.
L'autre partie de votre question portait sur les sentiments actuels des Estoniens après leur adhésion à l'Union européenne. Quand nous avons tenu le référendum à cet égard à l'automne de 2003, nous avions l'appui de quelque deux tiers de la population. Or, d'après les sondages les plus récents, quelque 70 p. 100, si ce n'est plus, de la population l'approuvent maintenant, de sorte que l'appui à cette idée a en réalité augmenté. On peut en conclure que l'Estonie était prête bien avant le 1er mai 2004 à devenir membre de l'Union européenne. C'est vrai.
º (1655)
M. Sven Mikser: J'aimerais ajouter quelque chose. Avant le référendum sur l'adhésion à l'Union européenne, en septembre 2003, les personnes qui s'y opposaient présentaient une image très sombre de ce que serait la vie au sein de l'UE pour un petit pays comme l'Estonie; pourtant, aucune de ces prédictions funestes ne s'est concrétisée. Cela explique peut-être pourquoi le taux d'approbation augmente.
Je suis un véritable Européen, mais je me décris aussi comme un bon atlantiste. En ce qui a trait à l'établissement d'une politique de sécurité étrangère commune, les dirigeants européens partagent la même position sur de plus en plus de points, mais cela ne veut pas dire que des politiques étrangères distinctes ayant été adoptées dans des capitales comme Londres ou Paris—ou même Tallinn—cesseront d'exister.
Bien que l'Europe parle d'une seule voix dans de plus en plus de dossiers, chaque pays européen conservera certaines de ses politiques étrangères dans certains domaines. Au Conseil de sécurité des Nations Unies, où les membres de l'Union européenne ont actuellement deux sièges permanents dotés d'un droit de veto, personne ne veut abandonner un de ses sièges. Au contraire, on constate qu'un autre membre de l'Union européenne demande à être admis de façon permanente au Conseil de sécurité avec un droit de veto. Je pense qu'une politique étrangère commune à l'Union européenne prendra de la vigueur et de l'importance, mais on continuera de voir des politiques étrangères propres à chaque pays dans bon nombre de domaines.
Le président: J'aimerais revenir sur ce que vous venez de dire, monsieur Mikser.
Vous avez mentionné une politique de sécurité étrangère de l'Union européenne, ce qui revient à une politique de défense, mais comment interprétez-vous la scission survenue entre les 15 premiers membres de l'Union européenne en raison de la situation en Irak? Croyez-vous que cette situation se reproduira dans l'avenir? Pensez-vous que ce sera une séparation concrète? Qu'entrevoyez-vous?
M. Sven Mikser: C'est une très bonne question.
Si l'on regarde de loin, la scission a été perçue—particulièrement après les malheureux propos du secrétaire à la défense américain sur la nouvelle Europe et l'ancienne Europe—comme une division entre les premiers États membres de l'Union européenne et les nouveaux États membres. J'aimerais souligner que les nouveaux membres n'ont jamais joué un rôle dans la division au sein de l'Union européenne. Lorsque les premiers membres de l'Union européenne sont divisés sur une question particulière, les nouveaux États membres prennent parti pour un ou l'autre côté. C'est ce qui s'est produit et qui pourrait aussi se reproduire dans l'avenir.
En ce qui a trait à l'Irak, ce fut vraiment malheureux. Je crois que la plupart s'entendent pour dire, ici en Amérique du Nord comme en Europe, que si une telle situation devait se reproduire, ça pourrait être néfaste pour les liens transatlantiques et l'unité de l'Union européenne. Des gens des capitales d'Europe, du Canada et des États-Unis travaillent très fort pour éviter qu'une situation semblable ne se répète. Évidemment, nous voyons maintenant la guerre en Irak dans son contexte et, avec le recul, force est de constater qu'il n'y avait probablement aucune arme de destruction massive en Irak au moment de l'attaque initiale par les Américains. En même temps, je dirais que la décision de l'Estonie de participer aux efforts d'après-guerre pour stabiliser la situation en Irak a été prise à un moment où on nous disait qu'il y avait des armes de destruction massive, alors que l'Estonie est un petit pays qui n'a pas, et qui n'aura jamais, la capacité indépendante d'évaluer si un pays comme l'Irak possède ou non des armes nucléaires, biologiques ou chimiques.
De toute évidence, nous tirerons sûrement des leçons de cette expérience, avec le recul.
» (1700)
Le président: Merci.
Avez-vous des questions?
M. Peter Van Loan: J'aimerais ajouter quelque chose. Pendant que tous les Conservateurs sont ici—j'aurais aimé que certains membres des autres partis soient présents—, je voulais vous donner la chance d'aborder une question très confuse pour les Canadiens, que notre président comprendra sûrement, en ce qui a trait à la langue. Nous avions une délégation de députés à la réunion de l'OSCE, en juillet 2004, qui ont voté en faveur de la résolution de la Russie car ils croyaient qu'il s'agissait d'une résolution sur l'égalité et les droits de la personne; ils n'étaient pas en mesure de savoir que c'était en réalité une résolution visant à contrecarrer les efforts de l'Estonie et de la Lettonie pour réaffirmer leur souveraineté et leur caractère national, et en particulier pour protéger les langues estonienne et lettonne—qui sont des langues minoritaires dans le contexte international. Pour en avoir parlé avec divers députés présents à cette réunion, je ne crois pas qu'aucun d'entre eux saisissait pleinement l'intention de la résolution ainsi que les enjeux linguistiques.
Je crois qu'il serait utile que vous informiez les personnes présentes, ainsi que tous les autres qui pourraient un jour lire le compte rendu des délibérations d'aujourd'hui, sur les objectifs visés par l'Estonie au chapitre de la protection de sa langue et expliquiez pourquoi la résolution a été particulièrement alarmante pour les Estoniens.
Le président: Monsieur Nutt.
M. Mart Nutt: Pour ce qui est de la réunion de l'OSCE en juillet, laissez-moi vous dire que ce fut un effort de propagande russe. Sur le plan des droits de la personne, nous sommes entièrement d'avis que ça relève des forums internationaux et que c'est un problème international qui devrait être réglé à l'échelle internationale.
Aucun groupe de spécialistes internationaux n'a pu déterminer que l'Estonie et la Lettonie violaient les droits des minorités nationales. Quant à la Russie, nous savons très bien ce qui s'est passé là-bas. Nous avons déjà parlé de la Tchétchénie et de l'Ossétie du Sud. Cela illustre donc, d'après ce que je comprends, les meilleures ambitions politiques de la Russie, mais non la véritable situation. Évidemment, les Estoniens sont un peu préoccupés par la décision prise à Édimbourg. Il est possible que l'information donnée à vos députés à cette réunion n'était pas très bonne.
J'espère que notre collaboration dans ce dossier sera meilleure dans l'avenir et que nous aurons davantage d'occasions de vous transmettre de meilleures informations.
M. Marko Mihkelson: Peut-être pourrais-je vous expliquer pourquoi la Russie essaie, aux différentes assemblées parlementaires et au palier actuel, de soulever cette question de prétendue violation des droits de la personne en Estonie et en Lettonie.
Comme vous le savez, l'Union soviétique s'est effondrée en 1991. Nous l'appelions l'empire soviétique, et une partie de cet empire occupait l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie depuis 1940. On pourrait qualifier nos relations depuis 1991 avec notre grand voisin russe comme étant assez tendues.
L'indépendance de l'Estonie ne remonte pas à 1991; en réalité, l'indépendance a été déclarée le 24 février 1918. Il y a 85 ans, le 2 février 1920, à Tartu, une ville de l'Estonie, un traité de paix a été signé avec la Russie, qui accordait essentiellement à l'Estonie son indépendance. Cette indépendance a duré 40 ans, jusqu'à ce que l'Union soviétique l'occupe de nouveau.
Si je parle de ça, c'est parce que la Russie n'a jamais fait d'effort de réconciliation au cours de la dernière décennie concernant la longue occupation de l'Estonie. Des milliers d'Estoniens ont été déportés en Sibérie et des milliers d'autres ont été tués. Bon nombre de politiciens bien connus de l'Estonie, comme Jaan Tõnisson, ont été tués en 1940 et nous ne savons toujours pas où ils sont enterrés. Il y a donc beaucoup de sentiments négatifs qui tintent les relations entre l'Estonie et la Russie.
Le gouvernement de l'Estonie a évidemment pris conscience des difficultés découlant de l'effondrement de l'Union soviétique et de l'héritage qu'elle nous a laissé. Au début des années 1990, 35 p. 100 des gens n'étaient pas des citoyens estoniens, dans le sens où ils n'avaient pas le droit à la citoyenneté d'après nos lois. Ce nombre s'élève à peine à plus de 10 p. 100, non pas parce que ces gens ont quitté l'Estonie, mais parce qu'ils sont devenus des citoyens estoniens. La loi sur la citoyenneté de l'Estonie est l'une des plus libérales de l'Union européenne.
» (1705)
Son Excellence Ene Ergma: Puis-je poser une question?
Le président: Bien entendu. Je vais d'abord commenter ce que M. Mihkelson a dit, pour faire un suivi, puis je vous laisserai poser votre question par la suite.
D'une certaine façon, je suis d'accord avec vous. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que cette résolution était à un certain égard contre l'Estonie et la Lettonie. Je veux cependant m'assurer de bien comprendre votre réponse.
Vous avez mentionné que 35 p. 100 de la population n'était pas des citoyens de l'Estonie. Dans le cas d'une élection dans un pays démocratique, cela signifie que 35 p. 100 de la population n'a pas le droit d'élire les députés. Vous avez toutefois mentionné que ce pourcentage a baissé car bon nombre de gens sont devenus des citoyens de l'Estonie et qu'ils participent pleinement à la vie dans ce pays. Si j'ai bien compris, on parle maintenant de 10 p. 100, n'est-ce pas?
Une voix: Oui.
Le président: Pour avoir le droit de participer à l'élection des députés du Parlement estonien, vous devez être un descendant d'une personne qui avait la citoyenneté estonienne avant 1940. Cela signifie que les gens qui sont arrivés en Estonie en 1941, soit il y a plus de 60 ans, même s'il s'agit de descendants de troisième génération, n'avaient pas le droit de voter. Maintenant, si j'ai bien compris, la situation a changé.
M. Marko Mihkelson: J'aimerais apporter des précisions. En 1940, l'Estonie était un territoire occupé qui a obtenu de nouveau son indépendance en 1991. Nous avons alors établi une Estonie indépendante. Les lois estoniennes et le droit à la citoyenneté sont fondés sur le précepte selon lequel toute personne née en Estonie avant 1940 ou qui y avait de la parenté à cette époque a le droit de faire une demande de citoyenneté.
Mais en quelle année avons-nous donné le droit à tous les habitants de l'Estonie de voter dans le cadre d'élections municipales?
Une voix: En 1992.
M. Marko Mihkelson: C'était en 1992, pour les élections locales. En réalité, toute personne qui vit en Estonie en tant que résident permanent ou citoyen a le droit de voter dans ce pays.
Comme je l'ai dit, nous voyons d'une façon quelque peu différente l'effondrement de l'Union soviétique et la question de l'obtention de la citoyenneté pour les gens qui sont venus s'installer en Estonie principalement dans les années 70 ou 80 pour la russification de l'Estonie. Notre position est demeurée la même : si une personne ne connaît pas l'estonien, les éléments essentiels de la Constitution estonienne ni son histoire, la citoyenneté ne peut pas lui être accordée automatiquement.
» (1710)
Le président: Monsieur Mikser.
M. Sven Mikser: J'aimerais ajouter un ou deux points. En somme, l'Estonie a su répondre à des critères très exigeants. Nous avons eu une mission de l'OSCE basée en Estonie il y a plusieurs années. Nous avons fait l'objet d'un examen très critique pendant nos pourparlers avec l'Union européenne et l'OTAN. Outre les questions touchant l'établissement d'institutions démocratiques et la transition à une économie de marché, un des principaux enjeux était le traitement des minorités, question qui a été examinée à la fine loupe. Toutes ces institutions ont déclaré que nous n'avions plus de problèmes à ces égards. Je dirais que certaines de ces conditions étaient telles que même quelques démocraties européennes de longue date auraient eu de la difficulté à passer le test en ce qui a trait au traitement des minorités et des langues minoritaires.
Je crois donc que lorsque des députés russes soulèvent, dans le cadre de différents forums comme l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et parfois aussi l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, dont je suis membre, la question du traitement des minorités dans des pays comme l'Estonie et la Lettonie, c'est plutôt à l'intention de la population de la Russie. Ça paraît très bien de sembler se battre pour ces expatriés qui font l'objet de discrimination dans d'autres pays, surtout lorsque vous ne pouvez pas montrer à vos électeurs la résolution de vos propres problèmes intérieurs.
Je crois que c'est justement un de ces cas-là, et c'est malheureux que des députés d'autres pays suivent les politiciens russes sans avoir d'abord jeté un regard critique à la situation. C'est vraiment dommage, mais il y a une leçon à tirer de tout cela. Je pense que ce genre de chose continuera de se produire de temps en temps dans ces différents forums parlementaires.
M. Peter Van Loan: En somme, l'Estonie demandait aux gens qui avaient participé aux efforts de russification de faire une demande de citoyenneté pour montrer leur volonté de devenir des citoyens estoniens, s'ils voulaient voter. Est-ce correct? Pas selon les Russes qui trouvaient que c'était déraisonnable de demander à quelqu'un de devenir citoyen pour avoir le droit de voter.
M. Sven Mikser: Nous n'avons jamais voulu forcer personne à demander la citoyenneté estonienne. Après la chute de l'Union soviétique, certaines personnes ont opté pour la citoyenneté russe. D'autres ont demandé la citoyenneté estonienne. Il y avait deux façons d'obtenir la citoyenneté estonienne. Vous pouviez prouver que vous étiez un descendant d'un citoyen estonien ou vous pouviez suivre la procédure de naturalisation, qui n'est pas plus difficile ou plus typique que celle en vigueur dans bon nombre d'autres pays. Nous avons d'ailleurs encouragé les gens qui le voulaient à demander la citoyenneté estonienne. De plus, nous avons pour ces gens des programmes d'intégration financés par l'État.
Le président: Monsieur Nutt.
M. Mart Nutt: Merci. J'aimerais apporter d'autres éléments de réponse.
C'est vrai que l'Estonie compte un nombre relativement élevé de non-citoyens en raison de l'immigration forcée pendant la période d'occupation soviétique. Il nous revient évidemment de régler ce problème, mais ça prend du temps. Il n'y a rien d'autre à faire.
Pour ce qui est des personnes n'ayant pas la citoyenneté, nous avons utilisé le principe du droit du sang pour l'obtention de la citoyenneté, principe qui est typiquement utilisé dans la majorité des pays européens. Cela signifie que vous êtes citoyen du même pays que celui de vos parents. Le lieu de naissance n'est pas important dans un tel cas. Donc, ce n'est pas parce que vous êtes né en Estonie que vous avez la citoyenneté estonienne. Ça ne se fait pas automatiquement. Toutefois, toute personne ayant résidé légalement en Estonie pour un minimum de cinq ans a la possibilité et le droit de devenir un citoyen estonien. Les enfants nés en territoire estonien peuvent obtenir la citoyenneté sans condition s'ils ont été enregistrés. Donc, toute personne née en territoire estonien devient citoyen de l'Estonie si ses parents ne l'enregistrent que pour la citoyenneté estonienne, sans autre complication.
Pour revenir au sujet des élections, comme l'a déjà dit M. Mihkelson, les non-citoyens qui habitent légalement l'Estonie peuvent participer aux élections locales, mais non aux élections nationales. Ils ont quand même tous les autres droits, économiques et autres, et les protections sociales. La pension de retraite est la même pour tous. Ça ne dépend pas de la citoyenneté.
Merci.
» (1715)
Le président: Merci beaucoup pour ces précisions.
Madame la présidente, vous aviez une question?
Son Excellence Ene Ergma: Oui. Nos deux pays ont une chose en commun. Nous avons un grand frère tout près. Vous avez les États-Unis et nous avons la Russie.
Une voix: Je crois que nous avons le meilleur voisin.
Son Excellence Ene Ergma: Oui, en effet. Pour nous toutefois, le problème c'est que la Russie nous est très essentielle comme nous vous l'avons mentionné.
Voici ma question. Comment voyez-vous la situation actuelle en Russie? Comment la percevez-vous? Nous sommes tout juste à côté, donc nous en savons un peu sur le sujet. Nous recevons plus d'information et connaissons la situation, mais comment voyez-vous la situation en Russie ici au Canada?
Le président: C'est une bonne question. Je vais donner l'occasion à l'opposition de vous répondre en premier. Quelqu'un aimerait-il répondre? Monsieur Sorenson?
M. Kevin Sorenson: Oui. Je ne suis pas qualifié pour répondre à cette question, mais je pense qu'il y a des choses qui arrivent dont nous sommes très inquiets. Nous avons constaté des agissements qui nous semblent peut-être répréhensibles pendant l'élection ukrainienne, notamment le fait que M. Putin fasse campagne dans l'Ukraine souveraine. Certains de ces agissements sont problématiques, et je pense que nous constatons aussi un renouveau, dans une certaine mesure. Je suppose que ce n'est pas à moi de donner mon opinion, mais il nous semble qu'il y a encore peut-être plus de pouvoir centralisé là, nous le voyons bien. Ces faits paraissent dans les journaux et c'est pourquoi nous sommes au courant.
Nous avons un secrétaire parlementaire gouvernemental ici qui pourrait s'exprimer sur la question, ou qui pourrait décider de ne pas le faire, mais il serait intéressant d'entendre ce qu'il a à dire.
Je vais le laisser revenir à cette question. Voici la mienne : si je déménageais en Estonie, pourrais-je présenter une demande de citoyenneté au bout de cinq ans? Je n'ai pas d'histoire là-bas, je n'ai pas de parents qui soient jamais allés en Estonie, mais je recevrais la citoyenneté. Devrais-je parler la langue? Devrais-je apprendre la langue?
Son Excellence Ene Ergma: Oui.
M. Kevin Sorenson: D'accord. Et je devrais passer un examen ou respecter une certaine norme de maîtrise de la langue estonienne? Mais si je ne parlais pas estonien et que je ne parlais qu'anglais, je ne pourrais pas devenir citoyen. C'est bien cela?
Son Excellence Ene Ergma: Oui.
M. Kevin Sorenson: C'est juste.
Le président: Monsieur Nutt.
M. Mart Nutt: J'aimerais mentionner que vous devez avoir un niveau élémentaire de compréhension de l'estonien. Notre examen est très simple comparé à celui d'autres pays européens où il y a des exigences linguistiques. On peut voir que c'est l'un des plus simples. Mais il est vrai que si vous ne parlez pas un mot d'estonien, vous ne pourrez pas devenir citoyen estonien.
M. Kevin Sorenson: Supposons que je déménage en Estonie. Si je travaillais en Estonie, je paierais mes taxes et mes impôts à l'Estonie. Y a-t-il une différence entre les règles imposées à un citoyen estonien et à celles imposées à quelqu'un qui décide de ne pas être citoyen du pays?
M. Marko Mihkelson: Si vous me le permettez, je vais répondre à cette question. Mon épouse est citoyenne britannique et elle vit très bien en Estonie. En fait, elle a reçu cette carte d'identité bien avant moi. Voici à quoi ressemble la carte d'identité estonienne. Je ne l'ai que depuis un mois. Elle a la sienne depuis quatre ans et elle apprécie la vie en Estonie. C'est...
» (1720)
M. Kevin Sorenson: Votre pays existe depuis longtemps, mais sur le plan de la démocratie, vous êtes pratiquement un nouveau pays. Je trouve fascinant que vous ayez une démocratie là-bas.
Nous célébrons les élections en Irak, et je pense que tout le monde, peu importe sa position passée par rapport à l'Irak, est content de voir que les gens de ce pays peuvent dorénavant voter.
À quelle fréquence tenez-vous des élections? Quelle est la composition de votre parlement et combien y a-t-il de partis différents? Combien de partis y sont représentés? Appartenez-vous tous au même parti? Certains d'entre vous font-ils partie de l'opposition? Et enfin, à quelle fréquence...
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Avant que vous ne posiez votre dernière question, pouvons-nous répondre à leur question? Je comprends ce que vous faites, mais j'aimerais leur répondre rapidement au sujet de la Russie, puis vous pourriez reprendre où vous en étiez, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je vais vous céder la parole. Mais si vous le voulez bien, donnez-moi seulement quelques minutes pour répondre.
Le président: M. McTeague est le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères.
Monsieur McTeague, allez-y.
L'hon. Dan McTeague: Merci.
M. Sorenson a présidé notre séance de comité d'hier et il a fait un excellent travail. C'est pourquoi je veux m'assurer de vous donner une réponse au nom du gouvernement. Je vous prie de ne pas interpréter l'absence de mes collègues comme un manque d'intérêt du gouvernement. C'est tout le contraire.
Je suis arrivé en retard parce que je devais rencontrer deux ambassadeurs simultanément. De toute évidence, l'horaire est très serré, et je m'excuse de mon retard.
Vous avez posé une question concernant notre position par rapport à la Russie. Je crois que la relation que nous entretenons avec la Russie est en évolution constante.
M. Sorenson a souligné à juste titre l'inquiétude que nous avons eue récemment pendant les élections en Ukraine. Comme vous le savez probablement, le Canada y a joué un rôle très actif. Notre Parlement a fait une chose qu'il fait rarement. Il s'est exprimé à l'unanimité pour souligner le besoin de tenir une nouvelle élection et de ne pas tenir compte de la première ronde d'élections qui a eu lieu. Nous n'avons pas reconnu la valeur de la première, mais nous avons aimé la deuxième.
M. Peter Van Loan: Nous avons aimé la première. La première était tout à fait correcte. C'est la deuxième élection que nous n'avons pas aimée et c'est la troisième que nous appuyons.
L'hon. Dan McTeague: Je comprends votre point de vue, monsieur Van Loan. Nous estimons que les résultats des 19, 20, 21 novembre—dans ces dates-là—n'étaient pas satisfaisants pour tous les parlementaires, donc nous avons pris fermement position.
Cela dit et malgré la relation qu'entretient l'Ukraine avec la Russie, que votre pays connaît certainement bien mieux que le nôtre, nos rapports politiques avec la Russie portent d'abord et avant tout sur la souveraineté dans l'Arctique, évidemment. Notre gouverneure générale a fait un grand pas vers l'avant, bien qu'elle ait été critiquée elle aussi, prétendument pour une très bonne raison, soit le coût de sa mission.
Nous nous demandons si nous pouvons vraiment collaborer avec la Russie sur des enjeux comme la non-prolifération et la mise hors service de sa flotte vieillissante de sous-marins nucléaires, une question qui nous touche évidemment tous. En tant qu'État de l'Atlantique, vous devez vous aussi vous préoccuper de l'utilisation et du développement de sa flotte.
Nous nous préoccupons aussi beaucoup des enjeux liés au commerce. Parmi les questions commerciales qui nous préoccupent, on pense à tout le fiasco de l'hôtel Aerostar.
Nous avons été l'un des premiers pays à travailler avec les représentants russes au moment de la glasnost, en 1989. Nous avons une entreprise très importante au Canada qui a fait beaucoup de travail. Je pense bien entendu au groupe de K.C. Rowe, qui est propriétaire de CanJet et qui a participé à diverses missions commerciales.
Il y a eu un litige. Ce litige a créé beaucoup d'inquiétudes, mais nous considérons que dans l'ensemble, notre relation avec la Russie est en évolution.
Nous la considérons comme un partenaire mature et important dans les conflits internationaux. En fait, notre dernier grand déploiement de troupes a eu lieu grâce à l'utilisation d'un jet russe pour envoyer notre corps expéditionnaire, la DART, à Colombo.
Il est extrêmement important pour nous de comprendre qu'il y aura des irritants et qu'évidemment, ils seront mis en lumière, mais nous ne croyons pas moins avoir une relation privilégiée avec la Russie. Nous voulons continuer à engager la Russie, comme d'autres pays également, dans un processus de construction d'un pays fondé sur une étroite collaboration mondiale, afin d'assurer sa stabilité dans la communauté internationale, et nous estimons que la Russie est un acteur indispensable en ce sens.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
M. Peter Van Loan: J'aimerais vous donner mon humble avis avant que vous ne répondiez à la question de M. Sorenson.
Je crois que chez les conservateurs, nous nous inquiétons un peu plus des tendances que nous observons en Russie, dont les occasions que M. Poutine a saisies récemment pour freiner une démocratie naissante et l'orientation générale qu'il semble prendre en ce sens. On craint aussi sérieusement que M. Putin ait tiré avantage du fait que l'attention était concentrée sur la guerre internationale contre le terrorisme pour s'engager librement dans cette consolidation, pendant que les pays occidentaux mettaient moins l'accent sur les droits de la personne qu'ils n'auraient dû le faire.
Je peux vous dire qu'il vous suffisait d'assister à la période de questions d'aujourd'hui pour comprendre que pour le Parti conservateur, les questions fondamentales de la liberté et des droits de la personne doivent être élevées au rang de priorité et que nous ne croyons pas que des intérêts économiques à court terme devraient revêtir plus d'importance que la liberté individuelle. C'est peut-être une différence entre nous et le gouvernement. Pour nous, les droits de la personne doivent être primordiaux.
» (1725)
Le président: C'est bon, monsieur Van Loan.
Mon collègue, M. Sorenson, vous a posé beaucoup de questions.
Monsieur Nutt.
M. Mart Nutt: Je vais simplement vous expliquer la situation de l'Estonie, ce qui pourrait répondre à certaines de vos questions. L'Estonie est une république parlementaire. Le principal pouvoir se trouve au Parlement, et le gouvernement est responsable du Parlement. Nous avons un président, mais celui-ci a un rôle essentiellement symbolique. Il est élu par le Parlement ou un jury électoral—cela dépend... c'est un détail, en fait.
Il y a 101 députés, donc notre Parlement est assez petit, mais l'Estonie est un petit pays. Il y a six partis au Parlement en ce moment. Il y en a 18 dans la société, mais seulement six sont représentés au Parlement. En ce moment, trois de ces partis appartiennent à la coalition du gouvernement et trois sont dans l'opposition. Je suis un député de l'opposition; Sven Mikser fait partie lui aussi de l'opposition et les trois députés ici présents représentent les partis de la coalition. Il y a différents types de partis au Parlement, des partis de centre-droite et de centre-gauche mais aucun parti extrémiste). Ils font de l'Estonie une démocratie plutôt stable.
Le président: Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: Vous avez ce que nous appellerions un Parlement fédéral. Votre pays se divise-t-il en provinces ou en États? Lorsque vous parlez d'élections municipales, combien y a-t-il d'ordres de gouvernement différents?
M. Mart Nutt: Il s'agit d'une république unitaire. L'Estonie est si petite que nous n'avons qu'un niveau de municipalité. L'Estonie n'a pas de régime fédéral; il n'y a pas plusieurs ordres de gouvernement. Il y a les municipalités, puis il y a le pouvoir national. Il n'y a pas d'autres échelons : il n'y a que l'échelon national et l'échelon local ou municipal.
Les municipalités sont assez indépendantes en vertu de la constitution, donc vous y trouverez certains aspects de nature fédérale, mais il ne s'agit pas d'un pays fédéral de par sa constitution. Notre population ne compte que 1,4 million de personnes; la plupart des provinces canadiennes sont plus peuplées, donc il ne serait pas pratique d'appliquer le modèle de structure de l'État fédéral à la situation de l'Estonie.
Le président: Avez-vous une question, monsieur Menzies?
M. Ted Menzies: C'est une question un peu technique.
L'hon. Dan McTeague: Pas trop, quand même?
M. Ted Menzies: Non. Pas trop.
Agriculture—quelle est votre principale industrie? Je n'ai pas compris la réponse. Quel est le pilier de votre économie? Exportez-vous vos produits? Faites-vous partie de l'OMC?
M. Sven Mikser: Mon principal champ d'intérêt est évidemment la défense, mais l'agriculture occupait une place assez importante à l'époque soviétique. En gros, elle employait environ 20 p. 100 de notre population active. Maintenant, cette proportion est passée à environ 5 p. 100, ce qui me semble assez normal pour le pays. Le secteur agricole représente tout de même encore une proportion assez importante du PIB.
Quel est le pourcentage de l'agriculture dans le PIB, Mart?
Il s'agit de 6 p. 100 ou 7 p. 100.
De toute évidence, notre grande industrie est celle de l'énergie. Nous produisons de l'énergie à partir de sables bitumineux, et nous sommes plutôt indépendants, en ce sens que nous en produisons plus que nous en consommons. En fait, nous en vendons une partie. Nous faisons aussi du transit de pétrole. Le pétrole raffiné entre en Estonie par train en provenance de la Russie, et nous utilisons le port de Tallinn, qui est l'un des ports libres de glace de la mer Baltique, pour l'envoyer par voie maritime. C'est donc une industrie importante.
Le bois et la foresterie forment une autre grande industrie en Estonie. Certaines entreprises du secteur des TI sont relativement importantes. Ce sont probablement nos plus grandes industries. La pêche n'a peut-être pas la même importance qu'ici, au Canada, mais c'est tout de même une industrie importante.
» (1730)
M. Ted Menzies: Êtes-vous autosuffisants sur le plan de l'alimentation?
M. Sven Mikser: Plus ou moins, oui. Nous exportons certains produits et en importons d'autres. En gros, nous avons une industrie laitière assez importante. Nous produisons aussi quelques cultures.
M. Paul Forseth: En résumé, vous venez ici en délégation. Peut-être pouvez-vous nous rappeler, en nous relisant votre liste, ce que vous espérez véritablement du Canada.
Les relations se construisent sur une base réciproque, et vous vous avez probablement certains intérêts particuliers à court et à long terme. J'aimerais simplement que vous nous les rappeliez de sorte que nous puissions les prendre en considération.
M. Marko Mihkelson: J'aimerais très rapidement vous rappeler que l'Estonie et le Canada entretiennent d'excellentes relations. Comme nous l'avons déjà mentionné, lorsque l'Estonie était occupée, en 1940, et quelques années plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Soviétiques ont repris l'Estonie, des milliers d'Estoniens ont quitté le pays parce qu'ils se doutaient que l'occupation soviétique serait très brutale. Nous savons qu'il y a 22 000 Estoniens vivant au Canada en ce moment dans différentes provinces, mais surtout à Toronto.
Je tiens à vous dire que depuis le 1er mai 2004, comme Mart Nutt l'a déjà mentionné, nous n'exigeons plus de visa des citoyens canadiens de passage en Estonie et nous attendons avec empressement la décision politique que vous prendrez au sujet de l'Estonie, probablement au printemps prochain, en avril ou en mai, à la fin de la période de suivi du processus.
Compte tenu que l'Estonie est membre de l'OTAN, qu'elle est membre de l'Union européenne et que le taux d'autorisation est extrêmement faible pour les visas en ce moment, nous espérons vivement que votre pays cessera d'exiger des visas des Estoniens le plus tôt possible, idéalement d'ici le printemps. C'est probablement l'enjeu dont on parle le plus dans les relations entre l'Estonie et le Canada.
Nous observons déjà que depuis deux ou trois ans, le nombre de touristes en provenance du Canada a doublé ou triplé, et ce doit être la même chose dans l'autre sens.
Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir partagé de votre temps avec nous pendant votre visite. J'espère vous revoir tous ce soir au souper organisé par M. Milliken.
Je dois seulement informer mes collègues qu'on nous attend pour un vote dans environ 10 ou 12 minutes.
Encore une fois, je vous remercie infiniment.
Son Excellence Ene Ergma: Merci.
Le président: La séance est levée.