FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 4 novembre 2004
¿ | 0940 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. James Fergusson (directeur, Centre d'études sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba) |
Le président |
M. James Fergusson |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Ernie Regehr (directeur général, Project Ploughshares) |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
Le président |
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC) |
Le président |
M. James Fergusson |
À | 1000 |
Le président |
M. Ernie Regehr |
À | 1005 |
Le président |
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ) |
Le président |
M. James Fergusson |
À | 1010 |
Mme Francine Lalonde |
M. James Fergusson |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Le président |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
À | 1015 |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Le président |
M. James Fergusson |
À | 1020 |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
M. James Fergusson |
À | 1025 |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Le président |
L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.) |
À | 1030 |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
Le président |
M. James Fergusson |
À | 1035 |
Le président |
M. Gordon O'Connor |
Le président |
M. James Fergusson |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Le président |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
À | 1040 |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ernie Regehr |
Le président |
M. James Fergusson |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
À | 1045 |
Le président |
M. James Fergusson |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Le président |
À | 1050 |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
M. James Fergusson |
Le président |
M. Ernie Regehr |
À | 1055 |
Le président |
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC) |
Le président |
M. Ernie Regehr |
Á | 1100 |
Le président |
M. James Fergusson |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 4 novembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0940)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à vous et aux membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
[Français]
Il s'agit de la séance n° 7. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous passons à l'étude des questions relatives au désarmement.
[Traduction]
Nous avons le plaisir d'avoir comme témoin ce matin, M. James Fergusson, directeur du Centre d'études sur la défense et la sécurité, de l'Université du Manitoba, et M. Ernie Regehr, directeur général du projet Ploughshares.
Vous avez tous les deux déjà comparu devant notre comité. Bienvenue.
Qui veut parler en premier? M. Fergusson, vous avez la parole.
M. James Fergusson (directeur, Centre d'études sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba): Merci et bonjour. C'est un plaisir de pouvoir témoigner devant le comité, même avec un préavis très court et j'aimerais beaucoup revenir témoigner lorsque le comité entreprendra l'examen de la politique internationale du gouvernement, ce qui se fera, espérons-le, au début de 2005.
Je dois mentionner que mes commentaires préliminaires font partie de questions et de préoccupations beaucoup plus vastes que suscite pour moi la politique du Canada en matière de sécurité, aspect qui sera, je l'espère, abordé au cours de l'examen de la politique internationale. Je n'aborderai pas non plus dans mes commentaires préliminaires les questions entourant l'arsenalisation de l'espace, même si je suis prêt à répondre à des questions à ce sujet.
C'est pourquoi la réponse que j'apporte à la question qui est posée aujourd'hui, à savoir le rapport entre la défense contre les missiles balistiques et le désarmement est simple. Il n'y a pas de rapport important, du moins pas dans le sens où l'affirment les critiques. On pourrait bien sûr affirmer que tout programme d'armement nouveau est, par définition, contraire au désarmement mais un tel argument a pour effet de vider de son sens le mot « désarmement » et la procédure qui y est associée. Le désarmement devient alors un sujet de discours et il est difficile, voire impossible, d'examiner utilement les aspects théoriques et empiriques de cette notion. Les émotions l'emportent alors sur l'analyse.
Dans ce contexte, le désarmement comporte deux formes par rapport à la défense antimissile : le premier est l'effet que ces défenses pourraient avoir sur la réduction des armes nucléaires stratégiques en vigueur actuellement, qui remontent aux traités sur la réduction des armes stratégiques, START I et START II, conclus au cours des années 1990, et plus récemment, au traité de réduction des armes offensives stratégiques signé par la Russie et les États-Unis en 2003, et le second est l'effet que ces défenses pourraient avoir sur la non-prolifération des armes nucléaires et les missiles balistiques stratégiques ou à longue portée qui y sont associés.
Selon les critiques, ces deux aspects sont inextricablement reliés. L'idée est que l'effondrement du processus de réduction des armements, combiné au renforcement des forces stratégiques de la Chine, amènera les puissances nucléaires à revenir sur les engagements prévus par le traité de non-prolifération, ce qui entraînera l'effondrement du régime général de non-prolifération des armes nucléaires.
Cela comprend également un processus de prolifération verticale et linéaire dans lequel l'augmentation de l'armement en Chine sera suivi d'un renforcement de l'armement aux Indes, qui entraînera à son tour une augmentation au Pakistan, ce qui amènera l'Iran à emprunter la même voie. D'après les critiques de la défense antimissile, tout ceci découlera du déploiement d'un système de défense antimissile au sol limité et opérationnel visant une intervention pendant la phase de mi-parcours qui serait composée au départ d'une vingtaine d'intercepteurs situés en Alaska et d'environ quatre autres en Californie, ainsi que d'un système en mer rudimentaire, basé sur des croiseurs et des destroyers équipés du système AEGIS.
Cet argument, selon lequel la défense antimissile entraînera une course aux armements, est tout simplement intenable et je serais heureux de vous fournir davantage de précisions à ce sujet au cours de la séance des questions. Pour le moment, je vous invite à examiner les aspects suivants.
Tout d'abord, rien ne pousse la Russie à dénoncer le traité sur la réduction des armes stratégiques offensives et à s'opposer aux réductions qui pourraient être négociées à l'avenir. Même si l'on réduisait de 90 p. 100 le plafond bas de 1 700 cônes de charge en le faisant passer à 170, il en resterait encore suffisamment pour infliger des dommages inacceptables aux États-Unis et à l'Amérique du Nord. Même si l'on renforçait énormément la capacité actuelle en matière de défense limitée pour qu'elle comprenne 200 intercepteurs, un arsenal russe de 170 cônes de charge serait encore en mesure d'infliger un dommage inacceptable.
Deuxièmement, le programme actuel de modernisation mis en place par la Russie, qui consiste principalement dans la construction d'une nouvelle génération de missiles balistiques intercontinentaux et de missiles balistiques à lanceur sous-marin, ne peut s'expliquer par les plans de défense antimissile des États-Unis. Les Russes peuvent bien se vanter de posséder des aides à la pénétration avancées et relier ou justifier leurs nouvelles armes par l'existence de la défense antimissile, mais il s'agit en fait de la modernisation de leur armement, qui a été décidée et qui sera mise en oeuvre quels que soient les projets des États-Unis en matière de défense antimissile.
Enfin, et c'est peut-être l'aspect le plus important, la situation politique n'est pas favorable à une expansion rapide des armements, comme cela s'est produit pendant la guerre froide, malgré certains rapports de presse irresponsables qui affirment que la Russie ressemble de plus en plus à l'Union soviétique. Même si ce pays devenait plus autoritaire, il faudrait tenir compte de cette situation politique et ne pas recréer la confrontation qui existait pendant la guerre froide.
Le président: Veuillez ralentir un peu, s'il vous plaît.
M. James Fergusson: Excusez-moi.
Si nous nous retrouvions dans une telle situation—et je ne pense pas que cela soit probable—le processus de réduction des armements serait probablement abandonné, avec ou sans un programme de défense antimissile. Il est important de rappeler que les réductions d'armement qui devaient découler de la signature du traité ABM en 1972 ne se sont pas concrétisées. En fait, les arsenaux se sont développés. Le déclin des armements a suivi l'évolution de la situation politique.
Même si une relation antagoniste devait se développer—et cela s'applique spécialement à la Chine, qui, pour de nombreux commentateurs, est la véritable cible des projets de défense antimissile des États-Unis—la prévision voulant que la conséquence serait une augmentation de l'armement, selon cette critique de l'IDS—et les Soviétiques ont essayé d'utiliser cet argument pour renforcer le mouvement anti-IDS aux États-Unis—ne tiendrait sans doute pas. En fait, nous avons connu une situation identique au cours de la relation antagoniste qu'entretenaient Beijing et Moscou au cours des années 1970 et 1980.
La réponse chinoise n'a pas consisté à renforcer son arsenal stratégique. Ce pays a plutôt poursuivi son plan de modernisation à long terme sans tenir compte de l'équilibre stratégique, tel qu'il était influencé par la capacité de défense antimissile des Soviétiques autour de Moscou, qui, je devrais le noter, existe toujours mais ne fait pas problème, apparemment.
Ce programme de modernisation chinois porte aujourd'hui ses fruits puisqu'il a débouché sur les premiers missiles balistiques intercontinentaux mobiles à ergols en poudre de ce pays. Ce programme et ce processus se poursuivront. En fait, depuis une dizaine d'années, la Chine est le seul pays à avoir renforcé son arsenal nucléaire, elle l'aurait d'ailleurs fait quelle qu'ait pu être l'évolution des projets de défense antimissile des États-Unis et l'influence qu'a pu avoir sur elle ce qu'on appelle l'opinion publique mondiale, et cette politique va probablement se poursuivre même si les États-Unis renonçaient à leur projet de défense antimissile limité— cette renonciation n'aurait pas pour effet d'amener la Chine à la table de négociation.
Tout comme la Russie, la Chine continuera à justifier la modernisation de ses forces stratégiques en invoquant les programmes de défense antimissile des États-Unis, mais ce genre d'argument n'est guère surprenant. Il est important que les décideurs tiennent compte du fait que la question de la prolifération générale, la prolifération verticale et horizontale, est influencée par toute une série d'aspects politiques internes et régionaux et ne sera pas sensiblement modifiée par les efforts déployés par les États-Unis en matière de défense antimissile.
L'importance accordée à l'objectif de désarmement et implicitement le fait d'établir un lien avec le contrôle des armements et la prolifération, comme le font de nombreux commentateurs à l'Ouest et au Canada, ne font que fournir une arme politique que d'autres pays ont utilisé, et continueront d'utiliser, pour faire progresser leurs intérêts. Ces intérêts sont de nature politique et les décisions en matière d'armement sont modelées par ces intérêts et ces circonstances, et non pas par des systèmes d'armes particuliers.
Permettez-moi de conclure sur ce point en mentionnant trois autres aspects essentiels.
Premièrement, l'argument selon lequel le coût comparatif de la défense antimissile par rapport à l'acquisition d'armes offensives stratégiques débouche sur la conclusion que la défense antimissile aura un effet positif puisqu'elle renforcera le régime de non-prolifération des armes en faisant disparaître l'utilité politique et militaire des armes offensives. Il conviendrait toutefois de ne pas accorder une trop grande importance à cet argument complexe, car on risquerait alors de prêter le flanc à la critique que l'on faisait aux arguments relatifs à la course aux armements.
Deuxièmement, j'ai toujours du mal à comprendre que les critiques soient aussi prompts à condamner l'initiative de défense antimissile des États-Unis mais qu'ils ne disent rien au sujet du programme russe, qui n'est pas abandonné, au sujet du système opérationnel d'Israël, et de la participation de nombreux autres pays qui cherchent à acquérir des moyens de défense antimissile dans le cadre d'une coopération avec les États-Unis.
Troisièmement, les arguments qui ont été mis de l'avant depuis une dizaine d'années d'après lesquels il est possible de gérer le dilemme nucléaire en adoptant une position de dissuasion virtuelle, dans lequel un État peut désarmer, tout en possédant les connaissances et les éléments qui lui permettraient de reconstituer rapidement son arsenal, s'applique également aux défenses antimissiles. Les systèmes de défense sont une garantie contre la tromperie. Lorsque personne ne possède d'armes nucléaires, il est extrêmement grave qu'un pays ne respecte pas les traités et acquière une telle arme. Lorsqu'il y en a des milliers, une de plus n'a aucune importance. Lorsqu'il n'y a aucune arme, une seule arme est importante.
La défense antimissile constitue une garantie contre la tromperie et il se pourrait fort bien qu'elle facilitera sur ce point le désarmement. Ce sont là les leçons que l'on peut tirer des armes chimiques et biologiques : des ententes internationales renforcées par des systèmes de défense.
En conclusion, l'idée que la défense antimissile va entraîner une nouvelle course aux armements et mettre fin à la réduction des armes stratégiques, ainsi qu'à toute perspective de désarmement, est, tant sur le plan théorique et empirique, problématique et fort incertaine. On pourrait présenter autant d'arguments, voire même plus, pour montrer que la défense antimissile favorise la réduction des armes et le désarmement. De toute façon, le sort du désarmement dépendra de la situation politique, situation qui influence en pratique les décisions relatives à l'acquisition d'armes.
En dernière analyse, il faut reconnaître une chose. Si nous ne construisons pas des systèmes de défense pour contrer les missiles balistiques, qui représentent le moyen le plus efficace d'exploiter les armes atomiques, cela incitera les États à assurer leur sécurité en se fondant sur la dissuasion nucléaire.
Comme le contrôle des armements, il n'est pas nécessaire qu'un système de défense soit parfait. Il suffit qu'il vienne renforcer les ententes internationales et qu'il ait une capacité importante de limitation des dommages de façon à assurer une protection contre les ratés de ces ententes.
¿ (0945)
En fin de compte, il est préférable de fournir aux décideurs une autre solution que la seule riposte nucléaire.
Le président: Merci, monsieur Fergusson.
Monsieur Regehr.
M. Ernie Regehr (directeur général, Project Ploughshares): Merci, monsieur le président. Je suis également heureux de participer à votre audience et je suis très intéressé par les débats approfondis que le comité va tenir sur ces questions.
Comme vous l'avez dit, j'ai fait distribuer un exposé. Dans mes observations préliminaires, je vais revenir sur les principaux points de cet exposé. En particulier, je vais prendre quelques minutes pour attirer votre attention sur trois mesures de contrôle des armements qui sont reliées entre elles et qui devraient faire l'objet d'une attention prioritaire dans le contexte de la sécurité internationale qui pourraient bientôt comprendre, avec la réélection de l'administration Bush, un système de défense antimissile stratégique déployé.
Les trois mesures de contrôle des armes sont les suivantes : une entente internationale sur le nombre maximum des intercepteurs de défense antimissile balistique, basée sur des objectifs clairs de défense limitée; l'interdiction de la mise au point et du déploiement d'armes antisatellites, et l'interdiction de la mise au point et du déploiement d'armes dans l'espace.
Le système de défense antimissile balistique des États-Unis vise à protéger le territoire américain contre une « attaque limitée au moyen de missiles balistiques ». Cette expression est tirée de la loi. Cela soulève la question clé, que faut-il entendre par « attaque limitée »? Combien d'intercepteurs constitue une défense limitée?
La défense antimissile stratégique n'a jamais été complètement interdite, mais entre 1972 et 2003, elle a été restreinte par le Traité ABM. Les partisans de la DMB affirment aujourd'hui qu'ils vont continuer à en limiter l'ampleur. Il faudrait donc s'en assurer en exigeant que l'on adopte des règles internationales visant à contenir ces systèmes de défense.
Mon exposé traite des limites susceptibles d'être imposées, des aspects qui méritent d'être approfondis, mais il est clair qu'un nombre d'intercepteurs supérieur à une petite dizaine aurait un effet déstabilisant et dangereux dans plusieurs secteurs. Même un système limité compromettrait les objectifs que le Canada partage avec la plupart des autres pays en matière de désarmement.
Compte tenu du fait que l'engagement de Washington envers la DMB exclut toute interdiction générale, nous devons nous contenter d'essayer de réduire les dommages éventuels, et c'est ce qu'une entente internationale de limitation des intercepteurs devrait viser.
Bien sûr, les efforts de contrôle des missiles offensifs, un aspect auquel le Canada s'intéresse beaucoup, constituent le genre d'actions préventives qu'il y a lieu de privilégier. Comme vous le savez, un régime de contrôle de la technologie des missiles tend à harmoniser des mesures de contrôle de l'exportation dans le but d'empêcher la construction de missiles à longue portée et les programmes reliés aux armes de destruction massive. Un code de comportement sert à établir une norme internationale en matière de transparence et de retenue qui favorise la réalisation de cet objectif.
Dans le cas des armes nucléaires transportées par des missiles, notre sécurité repose entièrement sur l'interdiction de leur utilisation et non pas sur un système de défense lorsque ces armes sont utilisées. Ce n'est pas rechercher la sécurité qu'attendre que des États acquièrent ces missiles et d'espérer ensuite avoir la capacité de les intercepter. Il serait utile que votre comité fasse enquête sur les missiles et les armes de destruction massive actuels ainsi que sur les efforts de non-prolifération, dans le but de proposer et d'appuyer une action canadienne intensive sur tous ces fronts.
En l'absence d'interdiction, ou à tout le moins en l'absence de limites strictes sur les intercepteurs de missiles, il sera impossible de poursuivre la recherche d'une interdiction universelle des armes antisatellites. Les rivaux nucléaires de l'Amérique—la Russie et la Chine demeurent des rivaux nucléaires, étant donné que c'est la seule raison d'être de leur arsenal—n'arrêteront pas d'essayer de contrer le système DMB, efforts qui vont englober la menace d'une expansion de leur arsenal susceptible de remettre en question l'effet dissuasif d'un tel système. Ces pays ne se priveront pas non plus d'explorer la solution réaliste mais dangereuse qui consisterait à s'attaquer aux satellites des États-Unis.
Le projet qu'ont présenté la Chine et la Russie à la conférence sur le désarmement est porteuse d'espoir, puisqu'elle prévoit l'interdiction du recours à la force ou à la menace d'utiliser la force contre les objets situés dans l'espace. Bien sûr, cette proposition n'est pas sortie du cadre de cette conférence, tout comme la proposition visant à interdire l'utilisation de l'espace pour l'entreposage d'armes. Il est donc nécessaire de rechercher encore l'interdiction des armes antisatellites, et de poursuivre les efforts visant à empêcher l'arsenalisation de l'espace.
Il existe des précédents et des normes favorisant l'interdiction des armes antisatellites et de la militarisation de l'espace. À l'échelle mondiale, l'objectif consistant à interdire les armes et les guerres dans l'espace jouit encore d'un appui politique quasi général.
¿ (0950)
Pour y parvenir, il faudra s'opposer directement à l'ambition du Pentagone de poursuivre à ce qu'il appelle les opérations de supériorité spatiale—c'est-à-dire, les attaques contre les satellites et les ressources spatiales de leurs adversaires—ainsi que les opérations qui leur assurent cette supériorité spatiale. C'est ainsi qu'est formulée la nouvelle doctrine des forces aériennes des États-Unis sur les opérations de supériorité spatiale.
Le Canada ne peut se permettre de rester à l'écart de la lutte visant à résister à ces projets qui se profilent à l'horizon. Nous demeurerons à l'écart si nous nous engageons à participer à un système de défense antimissile balistique sans limites définies, qui n'écarte pas l'arsenalisation de l'espace et qui compromettrait notre objectif premier de prévention par la non-prolifération.
Là encore, pour ce qui est de la sécurité de l'espace, la prévention doit être l'élément prioritaire. Le ministère des Affaires étrangères travaille en collaboration avec des partenaires non gouvernementaux, y compris avec la communauté internationale d'experts, à une approche intégrée et prometteuse à la sécurité spatiale. L'objectif est de mesurer annuellement les projets éventuellement réalisés pour faire de l'espace un environnement pacifique permettant de préserver les services publics que rendent à l'échelle mondiale—expression utilisée par M. Graham—les satellites de communications, de navigation et de télédétection, notamment, et pour veiller à ce que notre vie terrestre soit à l'abri de menaces venant de l'espace.
Le projet a déjà débouché sur un rapport sur la sécurité spatiale en 2003 et le comité souhaitera peut-être explorer les efforts déployés en vue d'assurer la sécurité de l'espace, dans le contexte de la poursuite de l'interdiction des armes antisatellites et spatiales.
En conclusion, je voudrais également faire quelques brefs commentaires sur le fait significatif que les partisans de notre participation à la DMB hésitent à avancer des arguments favorables à cette défense. C'est ce que l'on a constaté récemment lorsque l'ancien ambassadeur canadien à Washington s'est prononcé sur cette question. Son principal argument était que, même si la DMB n'était peut-être pas d'une grande efficacité, nous étions néanmoins tenus de l'appuyer parce que c'était ce qu'exigeait la coopération avec les États-Unis en matière de sécurité.
Les déclarations récentes du ministre de la défense semblent également indiquer que les engagements historiques pris par les États-Unis et le Canada en matière de sécurité mutuelle sont de nature conditionnelle. Selon cet argument, il ne faudrait pas se fier aux engagements contenus dans la déclaration d'Ogdensburg ou découlant de l'article 5 du traité de l'OTAN mais les renégocier et les vérifier de façon périodique. Le critère serait celui de l'approbation par le Canada des programmes et systèmes d'armes dont les États-Unis décident unilatéralement de se doter.
Les États-Unis ont décidé pour leurs propres raisons de faire de la DMB une priorité. Ils n'ont pas demandé l'avis du Canada et le Canada n'a certainement pas demandé aux États-Unis de se doter de cette capacité pour lui. Cela n'a jamais été une priorité canadienne. Si les Américains estimaient que la participation à la DMB permettrait de tester la volonté du Canada de collaborer avec les É-U. en matière de défense, ils devaient alors présenter ce projet au Canada et de consulter notre pays avant d'adopter la National Missile Defence Act.
Les Américains n'ont pas consulté le Canada parce qu'ils considéraient que la DMB était un programme strictement national et non pas un aspect de la relation Canada-É-U. en matière de sécurité. En fait, les États-Unis sont remarquablement optimistes au sujet de la participation du Canada. Ils n'ont exercé aucune pression sur le Canada pour qu'il y participe, et ne semblent pas particulièrement préoccupés par le temps que le Canada prend à se décider. Ce pays a exercé son droit d'adopter la DMB, que cela nous paraisse sage ou non. Les États-Unis ne peuvent toutefois affirmer aujourd'hui que le refus du Canada de participer à un programme dont il a seul décidé de la mise en place remettrait en question son engagement à assurer la sécurité continentale en collaboration avec lui.
On avance souvent un argument comparable au sujet du droit de participer à des consultations. Certains estiment que le Canada doit se mériter le droit d'être consulté, et que la façon d'obtenir ce droit est d'adopter et de ratifier le système ou la question qui doit faire l'objet des consultations. Il est vrai que le Canada doit participer aux négociations sur la DMB. C'est un système qui comporte des répercussions importantes pour nous et pour la collectivité internationale.
¿ (0955)
Nos relations de bon voisinage exigent que les États-Unis nous consultent à ce sujet. Si les instances existantes ne se prêtent pas à des consultations permanentes relatives à la DMB, cela ne devrait pas empêcher les diplomates de créer un cadre approprié, comme ils l'ont déjà fait pour cette question et pour d'autres.
Enfin, je voudrais répéter qu'avec la réélection du gouvernement Bush et son engagement envers le déploiement de la DMB, le Canada a l'obligation de se joindre à d'autres États et de travailler à l'adoption de mesures de contrôle des armes visant à atténuer les implications les plus inquiétantes de la DMB. Il est nécessaire de rechercher une entente internationale visant à limiter efficacement les intercepteurs utilisés par la DMB, ainsi que pour interdire les armes antisatellites et la militarisation de l'espace et en particulier, de poursuivre en redoublant d'efforts l'objectif axé sur la prévention et la non-prolifération qui a été et qui doit demeurer la priorité du Canada en matière de stratégie sécuritaire.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Regehr.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur O'Connor, vous avez la parole.
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): Merci, monsieur le président.
Messieurs, je suis très heureux que vous soyez ici aujourd'hui, parce que nous sommes ici pour apprendre des choses sur la défense contre les missiles balistiques et pour entendre les opinions qui s'opposent. Le Parti conservateur a adopté pour le moment comme position de ne pas appuyer, ni de rejeter la défense antimissile. Il a reporté la prise de cette décision parce que nous n'avons pas suffisamment d'information. Le gouvernement ne nous a fourni aucun renseignement sur les documents qu'il était prêt à signer de sorte que notre groupe parlementaire n'a pas discuté de ce projet et que nous n'avons pas encore pris de décision à ce sujet. Avec le discours du Trône, nous avons récemment forcé l'adoption d'un amendement pour être sûr que cette question serait soumise au Parlement et qu'elle ferait l'objet d'un vote. Mais avant de la mettre au vote, nous voulons savoir sur quoi nous votons. C'est pourquoi je suis heureux de vous avoir tous les deux ici aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à vous deux. Pensez-vous que la menace dont on parle est crédible et réelle?
Le président: Monsieur Fergusson, veuillez commencer.
M. James Fergusson: Merci.
Cette menace est-elle crédible et réelle? En 1999, le secrétaire de la Défense, William Cohen, a déclaré que l'existence d'une menace était l'un des quatre grands arguments qui justifiaient le déploiement d'un système national de défense antimissile illimité. Ma réponse est donc positive. Il a fait cette déclaration, non pas parce que la menace existait à l'époque ou qu'elle existe nécessairement aujourd'hui, mais il se fondait sur des études antérieures des responsables de la sécurité nationale qui traitaient de la question du moment auquel les États voyous potentiels, ou les États préoccupants, c.-à-d. les États non nucléaires, en particulier les autres États que la Russie et la Chine, pourraient probablement acquérir des missiles balistiques capables d'atteindre l'Amérique du Nord et posséderaient également des armes nucléaires. En 1999, Cohen a déclaré que cela était probablement crédible et que cela se produirait au cours des 15 prochaines années.
Si l'on regarde ce qui s'est passé depuis 1999 et qu'on examine les progrès qu'ont réalisés certains États qui ne possédaient pas d'armes nucléaires ni de missiles à longue portée à l'époque mais qui ont, pour autant que nous le sachions, fait de l'exploration, de la recherche et des essais dans ces domaines, on constate effectivement qu'ils ont réalisé certains progrès.
Comme vous le savez, la Corée du Nord a lancé il y a quelque temps un missile à trois étages, qui était officiellement un essai pacifique. Une fusée à trois étages aurait la capacité, d'après ce que l'on a estimé à l'époque, de frapper un nombre restreint de cibles situées dans l'Ouest de l'Amérique du Nord. Nous pensions depuis quelque temps déjà que la Corée du Nord possédait au moins une, voire plusieurs, armes nucléaires.
Si l'on regarde les progrès réalisés par l'Inde, le Pakistan et l'Iran dans le domaine des missiles balistiques, on constate que l'Inde et le Pakistan sont maintenant des États disposant d'armes nucléaires, que cela plaise ou non. Nous pensons qu'ils ont combiné à leur arsenal nucléaire une certaine capacité en matière de missile. Les Indiens ont les moyens de lancer des objets dans l'espace. Ils ne sont pas très loin d'avoir un missile balistique intercontinental. Je signale en passant qu'ils viennent de manifester un certain intérêt pour la défense antimissile.
L'Iran a mis au point et testé des missiles balistiques de portée moyenne comportant deux étages, et se vante de disposer d'un missile ayant une portée de 2 000 kilomètres. L'AIEA soupçonne que l'Iran a mis sur pied un programme actif de mise au point d'armes nucléaires.
Ce sont là les principaux acteurs qui nous préoccupent à l'heure actuelle, mais cela nous montre que malgré les ententes internationales en vigueur, malgré les ententes de non-prolifération, malgré le contrôle exercé sur la technologie des missiles, si un État veut obtenir ces armes et est prêt à y consacrer des ressources—et je ne reviendrai pas sur ce que nous savions du programme iraquien en 1990-1991, il peut le faire. Cela prend du temps et cela prend beaucoup d'argent.
La menace est raisonnablement crédible et raisonnablement probable par rapport à la situation stratégique qui règne dans le monde actuellement, et cette situation est la motivation qui pousse ces États—quelle que soit notre opinion sur cette attitude—à essayer d'acquérir une capacité nucléaire pour bénéficier de l'effet dissuasif que procurent ces armes.
La défense antimissile est donc une tentative de répondre à cette situation en supprimant l'utilité politico-militaire de l'acquisition de ces armes. Cette défense réduit les incitations à la prolifération, mais elle constitue une option crédible contre la probabilité—qui n'est pas de 100 p. 100 bien sûr, parce que nous ne savons pas s'il existe des défenses antimissiles en place et si l'Iran ou d'autres États ont arrêté de déployer ces armes... Je signale en passant qu'il y a également d'autres raisons pour lesquelles ces pays veulent posséder ces armes—le prestige, le statut, des raisons de politique régionale. S'ils ne les déploient pas, personne ne saura qu'ils en ont.
C'est donc une menace crédible pour l'avenir.
À (1000)
Le président: Je suis désolé, monsieur Fergusson, mais nous avons cinq minutes pour les questions et les réponses et j'aimerais également obtenir une réponse de M. Regehr.
Monsieur Regehr.
M. Ernie Regehr: Merci.
La menace est crédible et probable mais c'est une menace plus vaste. De nombreux pays ont la capacité de lancer des attaques contre l'Amérique du Nord à l'aide de missiles balistiques. La Chine et les États-Unis ont évidemment cette capacité. Il faut également examiner les menaces relatives et le caractère imminent de ces menaces. La Corée du Nord, l'Iran, l'Inde et le Pakistan sont tous des États qui tentent d'accroître la portée de leurs missiles balistiques et il est possible d'interpréter cela comme une menace pour nous.
La technologie des missiles de croisière est beaucoup plus accessible que celle des missiles balistiques. La menace que constituerait la présence de missiles de croisière sur des navires se trouvant à quelques centaines de milles de nos côtes, sur l'ensemble de celles-ci, est, sur le plan technique, bien plus imminente qu'une menace émanant de missiles balistiques provenant de la Corée du Nord ou de l'Iran. La prolifération de matières nucléaires susceptibles d'être amenées, au moyen de bombes sales ou d'explosifs, sur le sol nord-américain est une menace beaucoup plus imminente que l'autre. La probabilité de ces menaces est beaucoup plus grande que celle que pose la Corée du Nord. Le recours à un missile balistique de longue portée pour lancer une attaque fait clairement connaître l'endroit d'où il a été lancé. On pourrait se demander si un État comme la Corée du Nord serait prêt à faire ce genre de chose alors qu'il lui est beaucoup plus facile d'introduire des substances comparables au moyen d'un conteneur placé sur un bateau. Pourquoi est-ce qu'une de ces menaces est plus imminente que l'autre?
Toutes ces choses constituent donc des menaces. Le fait que quelqu'un puisse avoir accès à une arme nucléaire combinée à la capacité de lancer des missiles constituent une menace à laquelle il faut réagir. Quelles sont les menaces les plus urgentes? Comment utiliser nos ressources politiques et militaires pour répondre à la menace qui est la plus probable, la plus crédible et la plus urgente? Nous nous attachons ici à une menace qui est largement publicisée, tout en laissant de côté toute une série d'autres menaces qui sont beaucoup plus urgentes.
À (1005)
Le président: Merci, monsieur Regehr.
Nous allons maintenant passer à Mme Lalonde, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci pour vos deux présentations fort intéressantes sur cette question qui comporte tant de divers niveaux d'intérêt et de questionnement.
Je vais me contenter de vous poser deux questions. Premièrement, la logique de la course qui a eu lieu entre l'URSS et les USA et qui a mené au traité ne risque-t-elle pas de se reproduire? Le seul fait de pouvoir arrêter, si tant est que c'était possible... Pour ma part, je pense qu'on n'est pas près de cela: la technologie ne semble pas adéquate, ne semble pas être au rendez-vous, mais c'est à la logique que je m'attaque. Le seul fait de pouvoir effectivement être en mesure de ne pas être attaqué par un missile va pousser les autres à développer aussi un bouclier antimissile ou encore des missiles qui pourront déjouer les boucliers.
Si on répond non à cela, c'est qu'on dit que tout le monde accepte la supériorité militaire américaine et l'empire américain. Je pense qu'on n'est pas rendu là.
Mon autre question se situe à un tout autre niveau. Certains disent que le Canada doit participer à la table de négociation. Or, on s'est fait dire par des experts, au Comité de la défense, que jamais le Canada n'aurait accès à une table où on discuterait du bouclier lui-même, mais qu'on est simplement là comme des joueurs très secondaires.
J'aimerais avoir vos commentaires sur ces deux propositions.
[Traduction]
Le président: Monsieur Fergusson, veuillez commencer.
M. James Fergusson: Une brève réponse.
La première question, si je vous ai bien compris, était de savoir si d'autres pays souhaiteraient mettre au point leur propre bouclier antimissile. Israël possède une capacité opérationnelle en matière de défense antimissile stratégique, le système Arrow renforcé par la fusée Patriot, qui est un système tactique et ce pays continue à effectuer de la recherche en vue de développer un système au sol plus efficace.
La Russie possède un système limité, qui protège... Moscou s'est montré intéressé à investir dans l'élaboration d'un système élargi pouvant être utilisé sur un champ de bataille. Le Japon travaille dans ce domaine, tout comme la Corée du Sud et l'Australie. L'Europe de l'OTAN a entrepris des études. En réalité, il n'y a pas qu'un seul pays qui s'intéresse à la défense antimissile, il y en a en fait plusieurs.
L'élément essentiel est que les États-Unis, en raison de leur capacité en matière d'investissement et de leur avance technologique, jouent un rôle clé dans tous ces efforts de collaboration. En fait, les États-Unis ont très clairement montré qu'ils étaient prêts à collaborer avec les États qui s'intéressent à la défense antimissile. L'Inde s'y intéresse aussi et collabore avec la Russie, par exemple, pour mettre au point certaines choses. Nous ne nous retrouverons pas dans une situation, à mesure que les choses évoluent—il est difficile de savoir comment l'avenir va se dérouler dans ce domaine—où les États-Unis seront les seuls à posséder une défense antimissile, dans laquelle ils pourront déclarer leur supériorité et où un autre État essaiera ensuite de les attaquer. Bien au contraire, nous arriverons à une situation où de nombreux États auront travaillé pour mettre au point une défense antimissile, tout comme nous l'avons fait pour la défense aérienne et les autres types de défense.
Deuxièmement, à la table de négociation, le Canada en tant qu'acteur secondaire, si nous y participons, si j'ai compris...
À (1010)
Mme Francine Lalonde: Pourriez-vous parler un peu moins vite, s'il vous plaît, parce que l'interprète a du mal à vous suivre.
M. James Fergusson: Si j'ai bien compris la question portant sur le Canada, qui est un joueur secondaire à la table de négociation, en tenant pour acquis qu'il y aura une table de négociation et quelque chose à négocier, ce dont je ne suis pas convaincu, nous serons certainement présents à cette table.
[Français]
Le président: Monsieur Regehr.
[Traduction]
M. Ernie Regehr: Il me paraît très important d'établir une distinction entre la défense antimissile stratégique à longue portée, qui a un effet sur l'équilibre stratégique des grandes puissances nucléaires, et la défense antimissile régionale ou tactique, qui a un effet sur l'équilibre des forces au sein d'une région. Ce sont deux choses très différentes.
Il faut également faire une distinction entre une défense continentale et une défense ponctuelle comme celle que la Russie est en train de mettre en place.
Il faut éviter, en priorité, l'élaboration d'un système de défense antimissile à longue portée établi sur une base nationale et continentale par les États-Unis, l'Union soviétique ou la Chine, qui compromettrait l'équilibre stratégique entre ces deux groupes et les inciterait à renforcer leurs arsenaux nucléaires offensifs. C'est la question qui nous est soumise ici.
C'est une question tout à fait différente de la défense antimissile locale et tactique qui appelle une réaction basée sur le contrôle de la technologie des missiles. C'est le système stratégique qui risque de provoquer une augmentation, ou au moins le maintien, des niveaux actuels d'armes nucléaires et d'empêcher toute réduction supplémentaire des armements et contre lequel il n'existe aucun moyen de défense.
La défense contre les missiles nucléaires à longue portée doit être efficace à 100 p. 100. Si elle est efficace à 5 p. 100, la partie est finie et nous avons perdu. Elle ne peut donner des résultats que si elle est efficace à 100 p. 100, ce qui est tout à fait impossible. Il faut donc faire une distinction claire entre la défense contre les missiles stratégiques continentaux à longue portée et la défense contre les missiles tactiques. C'est la première qu'il faut éviter—c'est ce que faisait le Traité ABM—et c'est la disposition essentielle du Traité ABM qu'il convient de remettre en vigueur.
Sur le plan des négociations, je pense que personne ne sait ce qu'il s'agit de signer. En outre, les États-Unis ont clairement déclaré que le Canada ne serait jamais admis à jouer un rôle décisionnel dans la défense antimissile balistique. Nous ne faisons pas partie de la chaîne de commandement dans le fonctionnement de la défense antimissile. Rien ne pousse le Canada à essayer d'en faire partie. Nous participons à la détection lointaine et à l'évaluation dans le cadre du NORAD, mais nous n'aurons jamais notre doigt sur la gâchette, ni un pouvoir décisionnel pour ce qui est de l'utilisation du système.
Le président: Merci, monsieur Regehr.
Nous allons maintenant passer à Mme Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci.
Je suis comme beaucoup d'autres députés de la Chambre des communes : je n'ai pas suivi cette question. Nous aurions peut-être dû le faire, mais il semble que nous soyons tous un peu dans le brouillard. Vous venez d'ajouter quelque chose à la fin de votre intervention qui fait que je n'y comprends plus rien. Nous devons nous joindre à quelque chose, mais nous n'avons pas notre mot à dire si quelqu'un décide d'appuyer sur le bouton. Nous n'avons rien à dire, à ce sujet, ce qui fait que je ne comprends rien. Je ne sais même pas très bien à quoi nous devons nous joindre.
Je pense que vous avez tous les deux dit qu'il fallait être à la table des négociations, mais je me demande de quelle table il s'agit. Est-ce que les négociations qui sont prévues, que nous allons peut-être devoir accepter, comprennent la poursuite des discussions sur le contrôle de l'armement et des choses de ce genre? Ces négociations vont-elles uniquement servir à discuter du moment où nous allons appuyer sur le bouton mais nous n'aurons pas un mot à dire sur le moment où nous appuierons sur ce bouton? Nous devrions peut-être être à une autre table de négociation ou peut-être à deux tables?
À (1015)
Le président: M. Regehr, nous allons commencer par vous cette fois-ci.
M. Ernie Regehr: Je pense que vous avez tout à fait raison d'envisager deux tables de négociation. Une table qui serait exclusivement consacrée à la DMB serait une table à laquelle nous serions informés de ce que les autres vont faire. Le Canada va se retrouver à la table de négociation sans que son territoire soit concerné, sans que notre technologie soit utilisée, sans que notre argent soit utilisé—d'après ce que nous savons aujourd'hui—et il espère jouer un rôle de décideur. Sur quelle planète vivons-nous? Nous ne serons certainement pas des décideurs si nous n'apportons rien à la table de négociation.
Des fonctionnaires ou des observateurs dignes de foi, si vous me permettez cette expression, ont déjà dit que les Canadiens vont s'apercevoir beaucoup trop tard qu'ils ne peuvent influencer ces négociations s'ils n'y investissent rien. Si nous souhaitons avoir une influence au cours de ces négociations, nous devons y faire une contribution importante et y consacrer des fonds. Si c'est le cas, il faut demander aux Canadiens si c'est bien de cette façon qu'ils veulent dépenser leur argent. Demandez aux soldats qui ont servi en Afghanistan s'ils pensent qu'il est préférable de dépenser cet argent pour la défense antimissile balistique ou sur de l'équipement et du personnel pour les aider à faire leur travail. Les Canadiens sont tout à fait en mesure de prendre cette décision.
Le Canada devra faire des sacrifices s'il veut influencer les négociations sur la DMB et il devra ensuite prendre une décision. Est-ce bien là-dessus que nous voulons consacrer notre énergie et faire des sacrifices ou y a-t-il des choses plus urgentes à faire? Si nous voulons participer aux négociations sur le contrôle des armements, alors il faudrait des négociations qui ne se limitent pas au Canada et aux États-Unis. Nous n'aurons aucune influence dans des négociations bilatérales. Les négociations qui portent sur le désarmement ou le contrôle des armements sont des négociations multilatérales qui nous permettent de construire des alliances et de travailler en collaboration avec d'autres pays.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Fergusson.
[Traduction]
M. James Fergusson: La première partie de votre question portait sur notre participation aux décisions dans ce domaine. À ma connaissance, les États-Unis n'ont jamais dit exactement quelle était la nature des questions qui seraient négociées, si nous décidions de le faire. La question qui ferait l'objet de négociation est celle des ententes en matière de commandement et de contrôle, ce qui comprend la décision d'ordonner le lancement d'intercepteurs. Il est très probable que l'emplacement actuel des intercepteurs, par exemple en Alaska, demeurera sous le commandement du Nord, à savoir plus précisément sous le commandement de l'armée américaine. Qui va détenir ce commandement? Il est peu probable que ce soit des Canadiens, même s'il pourrait finalement y avoir un ou deux Canadiens dans ce commandement.
Il me semble toutefois que la question qui va faire l'objet de négociation est notre participation à la planification opérationnelle du système, notre participation à la détection lointaine, par le biais de l'évaluation de l'attaque et des décisions concernant le tir de missiles. C'est un aspect différent que celui des armes stratégiques, étant donné que l'intercepteur doit être lancé très rapidement. Il est très possible que nous négocions l'attribution de ce pouvoir à des officiers canadiens au sein du NORAD, de la même façon que des officiers canadiens pourraient téléphoner au président des États-Unis pour l'informer que l'Amérique du Nord est attaquée par des missiles balistiques. C'est la nature de notre relation. Vous avez parfaitement raison, c'est cela que nous allons négocier et, si nous savons dès le départ que nous n'obtiendrons rien de plus qu'une participation à l'alerte lointaine, alors il me semble que nous ne négocierons pas.
M. Regehr a raison. Il faut maintenant se demander si les États-Unis, au cours des négociations—parce qu'ils peuvent le faire tout seuls—vont nous demander d'offrir quelque chose et cela pourrait être du territoire. Mais les États-Unis sont au courant de nos problèmes budgétaires et de nos réticences à consacrer des fonds à la défense, c'est pourquoi je pense qu'ils seront raisonnables. Nous serons peut-être obligés d'affecter à ce projet des crédits budgétaires. C'est là le genre de choses dont nous devons commencer à parler. Qu'impliquera notre participation?
En conclusion, j'ajouterais qu'ils nous ont ouvert la porte en 1996. Le Joint Requirements Oversight Council du Pentagone, qui relève des Joint Chiefs of Staff, aurait déclaré que, pour ce qui est de la mise en place et du déploiement opérationnel du système de défense national antimissile, il préférait que le commandement et le contrôle soient confiés au NORAD. Depuis lors, les États-Unis n'ont pas mentionné cet aspect. Ils attendent de savoir ce que nous avons à dire à ce sujet.
Pour ce qui est des négociations, M. Regehr a fait une remarque tout à fait exacte et il est très clair que si nous voulons négocier une entente internationale sur la défense antimissile, le Canada ne participera à ces négociations de façon utile que si le sujet des négociations concerne le Canada. L'histoire du contrôle des armements montre que seuls les acteurs qui possèdent des armes ou qui peuvent en posséder participent réellement aux négociations, comme l'ont fait les États-Unis et l'Union soviétique pendant la guerre froide.
Si nous voulons négocier sur la défense antimissile—et j'aurais d'autres commentaires à faire à ce sujet—, le Canada ne pourra véritablement participer à ces négociations que s'il fait partie du système de défense antimissile, peu importe l'influence qu'il aura réellement à la fin des négociations. Il faudrait probablement inclure Israël dans ces discussions, parce que ce pays possède également un système de défense stratégique.
À (1020)
Le président: Merci.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le président, nous sommes tous heureux d'entendre les témoins aujourd'hui, parce qu'il est important pour nous de nous informer à ce sujet et de veiller à ce que les Canadiens soient également bien renseignés sur tout ce qui entoure la décision du Canada de participer ou non au système de défense antimissile balistique des É.-U.
J'aurais une question. Je ne veux pas prendre le temps du comité, mais nous savons qu'il existe à ce sujet une quantité considérable d'information. Nous savons que des exposés et des questions de cinq minutes ne nous permettrons même pas d'effleurer le sujet. C'est pourquoi j'aimerais demander aux témoins de communiquer au comité d'autres observations, et éventuellement les travaux qu'ils auraient effectués dans ce domaine.
Je note que le communiqué de presse mentionne que M. Fergusson était ce matin au déjeuner sur la Colline, qu'il a écrit plusieurs rapports que lui ont demandés le ministère des Affaires étrangères et celui de la Défense. Je me demande si vous pourriez communiquer ces travaux au comité en mentionnant la nature et l'ampleur des rapports financiers qui existaient dans ces deux cas entre vous, en tant qu'individu, ou entre vos centres respectifs, le projet Ploughshares et le Centre d'études sur la défense et la sécurité.
J'ai trouvé personnellement très inquiétant que, dans son exposé de ce matin, M. Fergusson n'ait pratiquement jamais mentionné l'effet que cela aurait sur le Canada en tant que pays multilatéraliste, sur toute la question du rôle du Canada dans le domaine de la non-prolifération, du contrôle des armements et du désarmement. Pourrais-je vous demander d'autres commentaires sur cet aspect?
Deuxièmement, M. Fergusson, vous avez affirmé que des arguments émotifs et trompeurs ont empêché que se tienne un véritable débat sur la participation canadienne à la DMB. Vous faisiez sans doute référence à la position qu'ont adoptée d'anciens ambassadeurs canadiens pour le désarmement, Doug Roche et Peggy Mason. J'ai pensé que vous faisiez référence aux généraux américains, aux 49 d'entre eux qui ont pris la parole publiquement à ce sujet aux États-Unis et qui sont également venus au Canada faire connaître leurs préoccupations. J'ai également pensé que cela visait les scientifiques reconnus qui ont décidé d'affirmer en groupe qu'il n'existait aucune base scientifique solide pour ce projet. Je me demandais si vous aviez d'autres commentaires à ce sujet.
La troisième chose concerne toute la question du...
Le président: Il ne restera plus de temps pour les réponses.
Mme Alexa McDonough: ...du débat public. Je sais que M. Fergusson a déclaré qu'un des problèmes que soulevait cette question était qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'un véritable débat public. Je me demande, pour le compte rendu, si vous pouviez nous dire tous les deux ce qui constituerait, d'après vous, un véritable débat, quel devrait être l'échéancier à envisager et la nature du processus auquel participeraient non seulement les parlementaires mais également les Canadiens.
Merci.
Le président: Monsieur Fergusson.
M. James Fergusson: Les rapports que j'ai préparés pour les ministères des Affaires étrangères et de la Défense nationale sur cette question appartiennent à la Couronne. Si ces ministères sont disposés à vous les communiquer, je pourrais certainement vous fournir tous les renseignements que vous souhaitez.
Pour ce qui est des opinions des autres critiques, je dirais qu'il est important de ne pas mal interpréter ce que j'ai dit ce matin. Ces critiques—et je ne me limite pas uniquement à ceux qui s'opposent à la défense antimissile mais également à ses partisans—ont pour la plupart brouillé les pistes en simplifiant à outrance les questions qui se posent au Canada. C'était ce que je voulais faire remarquer.
L'opinion des scientifiques qui remettent en question la faisabilité technique du projet soulève des points très importants au sujet des problèmes technologiques qui se sont traduits peu à peu par la restructuration de l'agence chargée de la défense antimissile et de son financement. Je pense au rapport de 1999 intitulé La course à l'échec, par exemple, et au rapport de suivi qui a été préparé. La structure du système actuel s'explique en partie par le fait que les responsables ont essayé de répondre aux critiques qu'ont faites les scientifiques au sujet des limites technologiques de ce projet, et cela n'est pas facile à faire.
Le projet américain est très complexe et il est certain que les scientifiques ont raison. Il faut toutefois replacer cette question dans le contexte d'autres programmes très sophistiqués et très avancés qui ont été mis sur pied au cours des années, alors que l'on disait, si vous regardez ce qui se disait à l'époque, que cela était impossible. L'histoire semble montrer qu'éventuellement, ces projets se réalisent. Le meilleur exemple que je peux vous fournir est celui de Kennedy qui a déclaré que les États-Unis iraient sur la lune en 1960; de nombreux scientifiques ont déclaré que cela était impossible. Cela a pourtant été fait.
Vous avez également mentionné le rôle du Canada dans le contrôle des armements et de la non-prolifération ainsi qu'en matière de désarmement. Comme je l'ai mentionné ce matin, cela dépend de l'évaluation que vous faites de notre action. Je dirais que la principale contribution qu'a apportée le Canada en matière de désarmement et de contrôle de la non-prolifération des armes n'a pas porté sur les négociations, mais provient plutôt d'un petit groupe de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères qui travaillaient au cours des années 1990 sur les mesures de vérification. Cela a eu des conséquences importantes sur les principaux acteurs dans ce domaine, pour ce qui est de la mise en oeuvre du contrôle des armements, du désarmement et de la non-prolifération.
Nous avons joué un rôle important dans ce domaine. Ce n'était pas un rôle très populaire, mais fort utile. La chose importante à rappeler à ce sujet est qu'à ce moment-là, nous étions très proches des États-Unis, et que les rapports entre les États-Unis et le Canada, les relations personnelles qui existaient entre le président Reagan et le premier ministre Mulroney étaient particulièrement étroits. Nous nous souvenons tous de la conception du monde qu'avait le président Reagan. Nous avons fait toutes ces choses sur le plan international en étant très proches des États-Unis et donc de l'image de cowboy que projetait Ronald Reagan, et je me demande bien pourquoi la question de la défense antimissile aurait aujourd'hui un effet sur notre capacité à prendre des initiatives sur le plan international.
À (1025)
[Français]
Le président: Merci, monsieur Fergusson.
[Traduction]
Vous avez 30 secondes, monsieur Regehr. C'est tout le temps qu'il vous reste.
M. Ernie Regehr: Merci.
Cela touchait le refus de participer à la défense antimissile qu'avait également opposé M. Mulroney.
Pour ce qui est du débat public, je crois qu'il faut deux choses : convaincre les Canadiens de la nécessité d'y participer et assurer la transparence complète du processus. Il faut faire connaître les coûts du projet—le montant des sommes que les Canadiens devront payer—et la nature de nos ambitions pour ce qui est de notre participation au commandement et au contrôle. Le doigt qui sera sur la gâchette sera-t-il celui d'un Canadien? Il n'aura pas à répondre à un appel d'Ottawa mais plutôt à un appel de Washington. Il faudra également savoir exactement ce que nous apportera le fait d'être Canadien et pas Américain.
Il faut donc être très transparent sur tous ces points et il y a ensuite la motivation des Canadiens, parce que nous parlons d'évaluer des options et des priorités : comment situer cette priorité par rapport aux priorités, tant sur le plan national qu'international, que nous nous sommes fixées en matière de sécurité?
Le président: Merci.
Nous allons maintenant donner la parole à M. MacAulay.
L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.): Merci.
C'est certainement un sujet très intéressant. Je dois admettre que je n'ai pas assisté à beaucoup de séances du comité permanent. J'assistais toujours à une séance d'information avant de venir auparavant, mais cela a changé.
Si je regarde la situation et ce qui est arrivé il y a des années, je pense que la population aurait une attitude très différente si les gens repensaient à ce qui s'est passé lorsque Khrouchtchev a envoyé des navires à Cuba, à comment ils se sentaient cette nuit-là et à ce qu'il faut faire pour se protéger.
Je n'affirme pas que nous devons participer ou refuser de le faire, mais je demande quand même comment nous pourrions refuser d'y participer puisqu'il s'agit de notre souveraineté. Ce système va également nous protéger.
Vous avez indiqué que les bombes sales représentent une menace plus grave que les missiles. Vous avez également mentionné que beaucoup d'autres pays sont en train de mettre en place ce genre de défense antimissile.
Je me demande néanmoins comment nous pourrions ne pas participer à ce projet, qu'il faille mettre sur pied une ou deux séries de négociation. Vous parliez d'une table de négociation et de qui allait décider d'utiliser les intercepteurs. Je pense que c'est celui qui paye qui décide. Je pense que ce seront les Américains dans ce cas, nous avons toujours bien travaillé avec eux et ce, depuis des années.
De quoi s'agit-il? De quel montant parle-t-on? Comment tenir compte de notre souci de favoriser le désarmement et préciser les conditions de notre participation à la défense antimissile?
À (1030)
Le président: Merci.
Monsieur Regehr.
M. Ernie Regehr: Tout d'abord, la crise cubaine est un exemple intéressant. Il y a une chose que nous devrions bien comprendre au sujet de la défense antimissile balistique, c'est que, même si tout ce que nous planifions était réalisé aujourd'hui et que ce système était efficace à 100 p. 100, cela ne nous aurait absolument pas protégés contre la menace soviétique à l'époque. Ce système n'est pas conçu pour cela. Ce n'est donc pas un argument en faveur de notre participation, parce que cela n'aurait pas...
Le Canada veut, d'après moi, participer à ce projet parce que nous voulons influencer l'orientation et la réalisation de ce programme. Nous voulons être sûrs que le territoire canadien sera protégée, si ce système est mis en place, et nous voulons que notre industrie y participe. Je crois que ce sont les trois choses que le Canada souhaite obtenir en y participant.
Pour ce qui est d'exercer une influence sur les orientations, je ne pense pas que le Canada puisse exercer une influence dans ce domaine. La Missile Defence Agency a déclaré qu'elle s'alignerait sur les aspects technologiques. Cette agence dépense plus de 10 milliards de dollars, ce qui est supérieur au budget canadien de la défense, en recherche par an. C'est cela qui va influencer l'orientation du programme, et non pas quelques diplomates canadiens qui participent aux délibérations de NORAD. Il ne faudrait pas faire croire aux Canadiens que nous serons en mesure d'influencer les orientations de ce projet.
Pour ce qui est de la couverture du Canada, la seule façon dont le Canada peut être sûr d'être protégée est d'obtenir le commandement et le contrôle de ce système. Pour obtenir cela, le Canada devra fournir des territoires et de l'argent. C'es une condition impérative. Il faut donc être franc et demander aux Canadiens : voulez-vous consacrer une partie importante de votre territoire et des fonds canadiens à ce projet?
Pour ce qui est de la participation de l'industrie, la situation sera la même que pour l'avion de combat « joint strike fighter »—nous devrons l'acheter. Si nous voulons que notre industrie participe à ce projet, il faudra le financer. C'est le genre de contrat qu'il faudra conclure. Présentez cela aux Canadiens et demandez-leur si c'est bien une priorité pour eux.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à M. O'Connor.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Puis-je demander à M. Fergusson de répondre à cette question?
Le président: Une réponse brève—30 secondes.
M. James Fergusson: Nous obtenons des centaines de millions de dollars grâce à cet avion de combat sans être obligés de participer davantage à ce projet. Voilà quelle est la situation actuelle. Nous recevons plus d'argent que nous en mettons.
Vous avez demandé comment nous pourrions refuser de participer à ce projet et je vous répondrais que cela est tout à fait possible. Nous n'avons pas participé à la mise en place des armes nucléaires stratégiques et nous nous sommes acquittés de la mission d'alerte lointaine pour le commandement national du Canada et des États-Unis sans avoir un mot à dire au sujet du recours aux forces de riposte nucléaire stratégique des États-Unis. Nous ne voulions pas de cette responsabilité. Les Américains ne voulaient pas nous la confier. Il est donc possible de ne pas participer à ce projet.
Sur la question du coût d'un tel projet, il est très difficile de l'évaluer en ce moment. Cela dépend de la nature de notre participation. Nous savons toutefois que ce système doit être en mesure de réagir très rapidement. Ce système doit être capable de lancer des intercepteurs non nucléaires utilisant l'énergie cinétique entre quatre et cinq minutes après avoir été informé de l'attaque. Il n'est pas question de demander l'avis de Washington. On utilisera la chaîne de commandement.
Le rôle que nous voulons—et si nous ne l'obtenons pas, nous ne participerons pas—ne portera que sur un petit nombre d'intercepteurs par rapport à ce que nous serions prêts à faire, et sur la façon de négocier une entente, compte tenu du fait qu'il faudra prendre une décision très rapidement grâce aux systèmes informatiques avancés qui vont être utilisés dans ce projet, de façon à savoir comment se prend en fait la décision de lancer les intercepteurs.
Contre qui peut-on les lancer? Contre qui ne faut-il pas les lancer? Il faut faire des choix.
C'est le rôle qui nous reviendra si nous participons à ce projet. Si notre participation est importante, nous pourrons alors discuter du montant des fonds que nous voulons consacrer à tous ces aspects, ce qui devra faire l'objet de négociations. Nous pouvons probablement participer à ce projet à peu de frais. Nous pouvons obtenir un système de défense des villes canadiennes plus efficace en payant davantage—en offrant une partie de notre territoire.
Ernie a raison. C'est peut-être une contribution territoriale que nous aurons à faire et non pas financière.
À (1035)
Le président: Merci.
Monsieur O'Connor.
M. Gordon O'Connor: Je n'ai pas beaucoup de temps et je vais donc vous demander de répondre brièvement à deux questions.
Je note les commentaires que vous avez faits au sujet de la science et de ses possibilités mais les scientifiques n'ont toujours pas trouvé le moyen de faire repousser mes cheveux.
Voici mes deux questions : un système antimissile balistique est-il, d'après vous, techniquement faisable; et, sur le plan des politiques, dans le cas où nous déciderions de participer à ce système de défense antimissile balistique, comment cela affecterait les autres traités internationaux auxquels nous sommes parties?
Le président: Voilà une bonne question.
Monsieur Fergusson.
M. James Fergusson: Pour ce qui est des traités internationaux, cela n'aurait aucun effet; cela ne toucherait pas notre engagement à mettre en oeuvre les traités internationaux.
Pour ce qui est de la faisabilité technique, huit des 12 tests intégrés de vol effectués jusqu'ici ont porté sur des interceptions et cinq d'entre eux ont été des réussites. Ces tests étaient relativement simples.
Si je me fie à la façon dont les fonds sont affectés aux tests, je dirais que le nombre de tests va augmenter à mesure que le système se développera et que la technologie s'améliorera. Les nouveaux lanceurs sont maintenant opérationnels; ils ont été testés avec succès. C'est là un système qui offrira une capacité de défense réelle d'environ 60 p. 100, peut-être de 70 p. 100 en cas d'attaque isolée.
J'ajouterais que pour les villes concernées et les millions de gens qui y habitent, la sécurité d'une ville mérite peut-être qu'on y investisse un peu d'argent.
Le président: Merci.
Monsieur Regehr.
M. Ernie Regehr: C'est peu dire que les tests étaient assez simples. En fait, ils étaient planifiés.
Ce qui est très étonnant, c'est qu'avec ce système, ce n'est pas la direction, ni la précision qui sont à l'origine de l'échec. Le test n'a pas porté sur ces aspects parce que le lanceur n'a pas fonctionné. C'est un pays qui envoie des lanceurs depuis 40 ans. Ce n'est pas qu'il ne sache pas comment faire, mais les lanceurs ont été l'une des causes d'échec dans un de ces tests.
Le fait est que peu importe l'expérience acquise jusqu'ici, cela demeure un système extraordinairement complexe et qui n'est pas à l'abri d'un échec.
Je ne sais pas où M. Fergusson a obtenu ce chiffre de 70 p. 100. Les tests et les analyses préparés par le Pentagone indiquent qu'il n'est pas encore possible de faire une évaluation, parce qu'aucun test n'a été conduit dans des circonstances réelles et qu'il est donc impossible d'évaluer vraiment le système. En fait, c'est le Pentagone qui demande que l'on multiplie les tests.
L'équipement qui a été installé en Alaska... aucun lanceur ne sera lancé avant deux ans.
Il faudrait posséder une expertise technique bien supérieure à la mienne pour pouvoir évaluer l'efficacité du système. La communauté scientifique et le Pentagone lui-même affirment ne pas avoir en ce moment la capacité de se prononcer sur l'efficacité du système, faute d'avoir procédé à un nombre de tests suffisants.
Pour ce qui est de l'effet sur les traités, je ne pense pas que l'on puisse parler pour le moment de violation d'un traité. Le traité ABM qui portait sur cet aspect a été abandonné. Ce projet a toutefois des répercussions sur l'environnement stratégique international. Il a des répercussions sur la non-prolifération nucléaire, tant verticale qu'horizontale, et il a donc des répercussions sur les objectifs que nous recherchons grâce aux traités internationaux.
Le président: Merci, monsieur Regehr.
Monsieur McTeague.
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur O'Connor, je voulais seulement vous inviter, vous et votre parti—et j'ai invité votre critique, votre collègue Kevin Sorenson, et notre leader parlementaire a également invité le vôtre, et je l'ai fait en personne—à assister à une séance d'information avec des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et des Affaires étrangères. Nous avons eu hier soir une séance d'information pour notre parti dans cette salle, ce qui est un peu paradoxal. Je note que le Bloc québécois a déjà accepté cette offre et qu'il nous fixera bientôt une date. Je voulais simplement vous le faire savoir, à cause de votre premier commentaire. Il est important que vous sachiez que cette invitation vous a été lancée.
Ma question comporte plusieurs aspects. Monsieur O'Connor, nous pourrons peut-être reparler de cela un peu plus tard, si vous le voulez.
Je tiens tout d'abord à vous féliciter tous les deux. Vous nous avez présenté des exposés fort intéressants. Il y a évidemment quelques différences entre vous deux, mais vous êtes d'accord pour affirmer que la menace est crédible.
Monsieur Regehr, il y a diverses sortes de menaces et certaines sont plus urgentes que d'autres. Je sais que chaque fois que je me rends dans un aéroport et que je passe par un détecteur de métal, je fais l'objet de certaines mesures de protection. Je le sais parce que je suis obligé de retirer ma ceinture, mes chaussures, ce qui a pour effet de réduire la probabilité d'un danger parce que nous sommes en mesure de comprendre ce danger et, donc, d'intervenir.
Nous sommes là devant un trou béant. En particulier, lorsque mon fils de 7 ans examine un globe terrestre et qu'il voit que le Canada est en quelque sorte une extension très vaste des États-Unis... La perspective que le Canada soit utilisé comme un territoire d'où l'on peut lancer un missile nous invite à essayer de comprendre où ce déploiement pourrait s'effectuer, que cela soit fait unilatéralement par les États-Unis ou non.
Au-delà de la question de l'argent—vous tenez pour acquis que nous n'obtiendrons aucune collaboration de notre voisin si nous ne fournissons pas d'argent—, je me demande si vous pourriez répondre à une question très simple. Serait-il préférable de participer à des négociations plutôt que de laisser les Américains se prononcer seuls de leur côté, même s'il est évident que les missiles devront de toute façon passer sur notre territoire? Vous dites que ce cas est peut-être peu probable, mais il est néanmoins crédible.
À (1040)
Le président: Monsieur Regehr.
M. Ernie Regehr: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Je ne pense pas que qui que ce soit préconise de ne pas parler aux Américains de la défense antimissile. La question qui se pose est de savoir s'il existe une condition préalable selon laquelle nous devons au départ approuver le système de défense antimissile avant de pouvoir engager des pourparlers. Voilà la question.
Il est évident que nous devons leur parler. À titre de pays membre d'une région stratégique commune, ils sont obligés de nous consulter lorsqu'ils se proposent de faire quelque chose qui a des répercussions pour nous. Tout comme Mackenzie King avait déclaré à Roosevelt : « Nous veillerons à ce qu'aucune menace émanant de notre territoire ne vous touche sans que nous l'ayons détectée », nous devons obtenir la même garantie de la part des États-Unis. Nous devons donc leur parler. C'est l'existence de conditions préalables qui est en question ici.
Le président: Monsieur Fergusson.
L'hon. Dan McTeague: Permettez-moi de poursuivre parce que c'est un aspect important, monsieur Fergusson, si vous le permettez.
Il me paraît assez clair que le gouvernement a l'intention de participer à ces discussions de façon à découvrir ce dont il s'agit. Je pense que tous les Canadiens s'attendent, sur le plan de la sécurité—que nous croyions sur le plan des principes à l'existence d'un contrat social qui exige que nous soyons protégés au cas où ce genre de chose se produirait—à ce que le gouvernement essaie au moins de savoir ce que comprend ce système.
Êtes-vous favorable à ce que le gouvernement du Canada est en discussion avec les États-Unis pour savoir en quoi consiste cette DMB, même si officiellement personne ne nous a demandé quoi que ce soit?
M. Ernie Regehr: Le gouvernement du Canada est en discussion avec le gouvernement des États-Unis depuis au moins 1999. N'est-ce pas en mai 2003 que M. McCallum ou M. Pratt, je ne me souviens plus lequel des deux... Il y a eu des discussions officielles. Elles ont porté sur les répercussions de la DMB. Cela se fait.
Le président: Monsieur Fergusson.
M. James Fergusson: Je ne pense pas que les États-Unis soient obligés de le faire. C'est peut-être dans leur intérêt et dans le nôtre, mais il me paraît difficile d'affirmer qu'ils sont obligés...
Mackenzie King n'était pas obligé—pour répondre à la question de M. Regehr—de réagir à la déclaration unilatérale du président Roosevelt selon laquelle les États-Unis défendraient le Canada. Il a répondu, je vous le rappelle, comme un État neutre et non pas comme un allié. Si c'est de cette façon que nous concevons nos rapports avec les États-Unis—ce qui n'est pas le cas, bien sûr—je pense que nous devrions être prudent.
Il me semble que le gouvernement du Canada est obligé—c'est un principe, comme je l'ai dit ce matin—de ne pas s'en remettre complètement à un gouvernement étranger qui s'apprête à déployer un système qui défendra l'Amérique du Nord et, donc, le Canada. Cela nous impose une obligation.
Je vais en rester là pour le moment.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Paquette, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président. Je vais revenir à M. Fergusson.
Dans un texte que vous avez écrit à l'automne 2001 sur le Canada et la défense contre les missiles balistiques, vous mentionnez le fait que la politique de défense canadienne se fait beaucoup à partir d'intérêts qu'on identifie comme étant des intérêts internationaux, par exemple le fait qu'il n'y a pas de course aux armements, etc. Vous dites que cette politique devrait plutôt être le fruit d'intérêts nationaux précis du Canada.
Dans le cas du bouclier antimissile, quels seraient les intérêts nationaux que nous devrions identifier avant de prendre une décision?
Dans le texte, vous mentionnez d'ailleurs que l'argent pourrait être un facteur décisif. Si cela coûte trop cher, ce n'est peut-être pas dans l'intérêt national du Canada. J'aurais aimé que vous élaboriez davantage là-dessus. Quels seraient, selon vous, les intérêts nationaux canadiens qu'on devrait avoir en tête lorsque le gouvernement prendra la décision de participer ou non à cette initiative américaine du bouclier antimissile?
À (1045)
[Traduction]
Le président: Monsieur Fergusson.
M. James Fergusson: Cela met en jeu trois aspects essentiels de l'intérêt national. Le premier, dont nous avons déjà parlé, porte sur l'obligation du gouvernement du Canada d'agir pour avoir son mot à dire sur la façon dont ce système, s'il doit être mis en place, sera utilisé pour protéger le Canada. Cela reflète une position traditionnelle du Canada selon laquelle nos relations avec les États-Unis sont fondées sur le fait que ce pays, comme l'a dit Roosevelt, nous défendra. Il est dans notre intérêt de veiller à ce que les États-Unis nous défendent en tenant compte de nos préférences plutôt que de nous en remettre à la façon de voir de Washington et des Américains.
La probabilité d'une attaque par missiles balistiques contre l'Amérique du Nord est peut-être à peu près nulle mais il est dans notre intérêt de veiller à ce que, si le cas se produit, le système soit conçu de façon à ce que les cibles que peuvent constituer Ottawa et Washington, Toronto et New York, soient, dans toute la mesure du possible, considérées comme d'égale importance.
Deuxièmement, il est dans notre intérêt de veiller à ce que nos relations bilatérales dans le secteur de l'aérospatiale se poursuivent, qu'elles ne se transforment pas en une simple entente portant uniquement sur l'espace aérien, ou même en des ententes sur l'espace maritime et terrestre, en attendant le renouvellement de NORAD et de nos rapports avec le Northern Command. Cela aura un effet sur la capacité du Canada de connaître et de comprendre les projets américains et la réflexion stratégique de ce pays.
Troisièmement, NORAD, notre entente aérospatiale, un élément connexe, est la seule entente qui accorde au Canada une présence véritablement stratégique sur le plan mondial. Nous ne sommes peut-être pas en mesure d'influencer les choix des États-Unis, mais les décideurs canadiens seront beaucoup mieux placés pour élaborer et mettre en oeuvre une politique grâce à cet accès privilégié aux façons de voir américaines que s'ils en étaient privés.
Il est dans l'intérêt national du Canada de préserver cet accès privilégié à ce qui se passe dans cette partie du monde. Si nous n'avions pas cet accès, nous serions comme les autres États pour ce qui est de nos relations en matière de défense avec les États-Unis. C'est un aspect clé de la défense et de la sécurité, aussi bien aujourd'hui que pour l'avenir. Nous risquons autrement de nous marginaliser.
Le président: Merci.
Voulez-vous intervenir, monsieur Regehr?
M. Ernie Regehr: Brièvement, avec l'OTAN, nous avons pris des engagements mutuels pour une défense commune et tous les États concernés ont la responsabilité et le pouvoir de définir la façon dont ils souhaitent contribuer à la défense commune. Si le Canada est attaqué par un missile, l'Allemagne est obligée de se porter à notre secours. Nous ne discutons pas avec l'Allemagne de la façon dont elle va le faire. Cela fait partie de l'entente.
Nous ne sommes pas non plus en position de négocier avec les États-Unis la façon dont ils vont assurer notre défense, à moins que nous participions à un projet de défense conjoint. Pour que ce projet de défense soit conjoint, nous devons décider s'il représente une priorité pour nous, si nous voulons y consacrer plusieurs millions, peut-être des milliards—nous ne connaissons pas les chiffres—pour nous défendre contre une menace dont la probabilité est, comme l'a mentionné M. Fergusson il y a un instant, pratiquement nulle. La question fondamentale à laquelle nous devons répondre est de savoir si nous voulons dépenser notre argent pour cette priorité ou plutôt sur d'autres secteurs de notre défense et sécurité nationales.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme McDonough. Il nous reste seulement dix minutes, et Mme McDonough veut poser des questions, tout comme M. McTeague à nouveau et M. Goldring.
À (1050)
Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.
J'aimerais savoir comment les témoins ont réagi au fait que George Bush, qui vient d'être réélu très majoritairement comme président des États-Unis, a lui-même déclaré il y a quelques mois que la DMB était en fait la réalisation du rêve que représentait la guerre des étoiles. Il a fait une affirmation, qu'il l'ait fait de façon spontanée ou un peu pour se vanter, ces derniers mois, qui montre bien à ceux qui pensaient jusqu'ici qu'il ne s'agissait pas de la guerre des étoiles que c'est pourtant bien le cas.
Monsieur Fergusson, vous avez reconnu plus tôt ce matin ou à nouveau devant le comité que le Canada n'exercerait aucune influence sur les décisions stratégiques prises en matière de commandement et de contrôle touchant la défense antimissile s'il approuvait ce système, mais qu'il obtiendrait simplement un accès privilégié à la réflexion stratégique des États-Unis.
J'aimerais savoir si vous pensez qu'en approuvant cette défense antimissile, le Canada ne sera pas à l'origine de tensions graves—en fait de problèmes de crédibilité—par rapport à notre rôle de puissance moyenne ayant une influence importante dans le domaine de la non-prolifération, du désarmement et du contrôle des armements. Ou est-ce que vous écartez cette possibilité?
Deuxièmement, pensez-vous que le Canada devrait se préoccuper de sa vulnérabilité au cas où ses prises de position amèneraient certains pays hostiles à prendre des mesures contre nous?
Le président: Monsieur Fergusson.
M. James Fergusson: Très brièvement, je pense que dans ses commentaires, George Bush faisait référence à l'héritage de la guerre des étoiles, mais il faudrait que je relise exactement ce qu'il a dit dans ses discours. Et n'oubliez pas que la guerre des Étoiles était un programme de recherche d'une ampleur considérable qui regroupait tout ce qui touchait la défense antimissile et l'espace, y compris le prédécesseur du système actuel, qui était fondé sur le programme HOE et qui existait bien avant la guerre des étoiles. Je pense qu'il faisait hommage à l'initiative de Reagan, mais cela ne se traduira pas nécessairement par une nouvelle guerre des étoiles.
Pour ce qui est du commandement et du contrôle, il faut être prudent. Nous aurons une influence sur les aspects du système au sol qui touchent la phase à mi-parcours. Nous ne serons pas en mesure de parler de chiffres et de différents aspects avec les Américains tant que nous ne leur aurons pas dit que nous sommes intéressés à participer à ce projet; nous devons le faire, mais nous verrons bien où nous mèneront les négociations. Nous sommes donc obligés de nous décider avant de posséder ces chiffres. Mais nous exercerons une influence sur ce système si nous y participons; c'est la raison pour laquelle nous le ferons. Je voulais dire que nous ne devrions pas croire que nous pourrons nécessairement exercer une influence. Nous n'aurons peut-être rien à dire sur les secteurs stratégiques plus vastes et plus importants qui concernent l'emplacement du commandement stratégique, la façon dont le commandement du Pacifique s'intégrera à la défense antimissile et tous ces autres aspects. Mais nous serons au courant de ces choses—et cela est important, d'après moi, pour que le Canada puisse prendre des décisions judicieuses, notamment en matière de désarmement.
Pour ce qui est de l'éventuel effet négatif que pourrait avoir notre rôle sur la non-prolifération et le contrôle des armements, comme je l'ai dit plus tôt, je crois que nous nous vantons à tort d'être une puissance moyenne importante. Nous ferions mieux de regarder ce qui est arrivé au Canada depuis une dizaine d'années, parce que s'il y a une chose sur laquelle les universitaires s'entendent, c'est bien sur le fait que le Canada n'est plus un pays de puissance moyenne. Notre influence et notre statut ont baissé considérablement; nous sommes devenus un pays marginal sur le plan international. Je ne pense pas que cela s'explique en partie par la perception qu'ont les autres pays de nos rapports avec les États-Unis; comme je l'ai déjà dit, si les autres pays n'ont pas réagi au fait que nous participions à certaines ententes bilatérales au cours de la guerre froide dans le cadre de NORAD pour ce qui est des armes nucléaires et stratégiques et des questions de ce genre, je ne vois pas pourquoi cela les gênerait de nous voir participer à ce système de défense antimissile.
Le président: Merci.
Très brièvement, parce que M. Goldring veut prendre la parole et qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps.
M. Ernie Regehr: Brièvement, que le Canada soit une puissance moyenne ou non, nous devons veiller à ce qu'il ne devienne pas une puissance satellite. Au cours de la conférence sur le désarmement, le Canada s'est engagé de façon très précise, par la voix de son premier ministre et du ministre des Affaires étrangères, à poursuivre la négociation d'une convention internationale et d'un traité sur la non-arsenalisation de l'espace. Je crains beaucoup que le fait d'approuver et d'appuyer officiellement un système de défense antimissile qui comporte explicitement la possibilité d'utiliser des armes dans l'espace ne compromette gravement la crédibilité de notre pays. Nous ne pouvons pas tout avoir; si nous voulons exercer une influence à ce niveau, nous devons agir en fonction de nos objectifs à ce niveau.
À (1055)
Le président: Merci.
Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, PCC): Je vous remercie.
Merci pour vos exposés. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup puisque j'ai fait un séjour dans l'armée au cours des années 1960 et que je me trouvais dans le complexe de North Bay au moment où celui-ci abritait les missiles Bomarc-B—qui avaient des ogives nucléaires à l'époque. C'est ce qui explique que je considère cette question un peu comme un prolongement de cette position et une modernisation de la partie détection de ce système, qui ne se limitera certainement pas, d'après moi, à une détection par satellite mais également par sous-marin—avec une flotte de sous-marins, peut-être—grâce à des navires de surface, des radars de surface, un système complètement intégré.
Je suis assez d'accord avec M. McTeague lorsqu'il dit que nous ne sommes pas isolés; nous sommes liés aux États-Unis. La probabilité que la trajectoire d'un missile qui menace les États-Unis passe par le Canada est sans doute assez forte.
Ma question porte plutôt sur la menace. Nous avons parlé des États voyous, mais je me demande comment nous pouvons évaluer la menace que posent différents acteurs—et nous pourrions dire que les attentats du 11 septembre n'étaient pas le fait d'un État voyou mais plutôt d'une influence pernicieuse—qui pourrait avoir accès à la Corée, qui possède une flotte de sous-marins importante, puisqu'elle en possède 70 ou 80, et qui a également accès à la technologie des missiles. Il y a aussi le développement commercial de la technologie des missiles. Cette technologie se développe et elle sera commercialisée; selon toute probabilité, n'importe quel groupe ou personne sera bientôt en mesure de se la procurer. La probabilité qu'un sous-marin apparaisse à 500 km ou à 1 000 km de nos côtes... peu importe qu'il soit près ou loin de nos côtes, il représente la même menace, qui sera détectée par le même système et il faudra y réagir, que ce soit avec un missile balistique intercontinental ou autrement.
La menace va-t-elle maintenant venir d'acteurs individuels plutôt que des États voyous? Comme le 11 septembre, où des individus se sont emparés d'avions commerciaux. Et avec les menaces qui apparaîtront plus récemment, ces personnes seront-elles en mesure de s'emparer de certains équipements ou de les acheter quelque part au monde? Est-ce là un aspect vraiment important?
Le président: Qui veut répondre à cela?
Monsieur Regehr.
M. Ernie Regehr: Merci.
Je pense que vous avez soulevé un point très important qui est le fait que nous arrivons à une époque où il sera de plus en plus difficile de contrôler l'acquisition de la capacité ou du savoir nécessaires à la mise au point et à l'utilisation de missiles balistiques, équipés avec des armes de destruction massive. Autrement dit, ces choses vont... Le danger de la prolifération de ces armes est réel, de sorte qu'il faut accorder la priorité à la non-prolifération.
Il est également important de rappeler que la seule chose qui permette d'envisager la possibilité de mettre au point un système de défense antimissile balistique en Amérique du Nord est le fait que la non-prolifération a été une réussite extraordinaire. Elle a limité la menace que posent les États voyous à peut-être un ou deux États, et elle l'a donc circonscrite suffisamment pour que l'on puisse envisager utilement la mise sur pied d'un système de défense antimissile. En d'autres termes, c'est l'efficacité des mesures diplomatiques prises dans le domaine de la non-prolifération qui ont rendu possible la réflexion sur la défense antimissile. Si la diplomatie visant la non-prolifération n'avait pas été une réussite et si le Brésil avait utilisé des missiles balistiques et des armes de destruction massive, et si l'Argentine avait fait la même chose et que d'autres pays l'aient également fait, il aurait fallu renoncer à la défense antimissile, parce qu'il est impossible de se défendre contre une menace qui se répand rapidement.
L'idée qu'un système de défense sert uniquement à compenser un échec de l'action diplomatique prise en vue du désarmement ne tient pas; son succès repose sur l'existence d'une action diplomatique en ce sens. Il faudrait en fait utiliser la diplomatie de façon beaucoup plus efficace avec la Corée du Nord et l'Iran.
Á (1100)
Le président: Monsieur Fergusson, un dernier mot.
M. James Fergusson: Très brièvement, je ne suis pas de ceux qui pensent que, s'il est vrai que la technologie est de plus en plus facilement accessible, tout comme les armes nucléaires le seront, ou du moins que les connaissances sont là, et vous avez entendu depuis des années ces histoires d'étudiants de première année de physique qui savent comment construire une bombe—et cela vaut également pour le domaine des missiles balistiques—la prolifération soit un problème important pour ce qui est des organisations terroristes civiles, tout du moins pas dans le secteur des missiles balistiques, mais peut-être dans celui des missiles de croisière. Mais si le missile de croisière est la principale menace, il y a bien sûr d'autres mesures qui sont prises aux États-Unis en matière de défense contre les missiles de croisière... La défense antimissile balistique est conçue uniquement pour les missiles balistiques. Mais si les missiles de croisière constituent un problème réel pour le Canada et qu'ils devraient nous inquiéter, je vous demande ce que fait le gouvernement du Canada au sujet de la défense antimissile de croisière? Pour autant que je sache, il ne fait rien. C'est peut-être parce que ce problème n'est pas aussi grave que nous le pensons.
J'en viens à l'aspect du problème de prolifération dont a parlé M. Regehr et je dirais que, d'après ce que nous savons, les ententes de non-prolifération n'ont pas donné grand-chose. Nous savons tous que si un État est décidé à suivre une certaine voie, quelle que soit la raison qui l'y pousse, il pourra le faire en se cachant. Un système de défense est une protection contre les pays qui trichent. C'est la même protection que nous avons à l'égard des armes chimiques. Si un État décide de fabriquer des armes chimiques, et qu'il existe une façon de le faire en se cachant, je dirais que le fait que nous disposions de masques de protection et de nos propres moyens de défense nous protège contre ce genre de décision. Le système de défense et les ententes internationales se complètent lorsqu'il s'agit de gérer le problème de la prolifération de armes. Il est impossible de gérer le problème de la prolifération sans disposer de ces deux moyens. À l'heure actuelle, dans le domaine des missiles, nous n'en possédons qu'un.
Le président: Merci.
Je dois mettre un terme à la séance de ce matin. Je remercie M. Ferguson et M. Regehr. Nous avons beaucoup apprécié ce que vous aviez à nous dire ce matin.
Je tiens à rappeler à mes collègues que notre prochaine séance aura lieu le 15 novembre, dans l'après-midi, lundi après-midi. Nous entendrons le ministre et nous réglerons également à ce moment d'autres questions.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, j'ai un bref commentaire. Je sais que le secrétaire parlementaire nous a invités à deux séances d'information présentées par le ministère des Affaires étrangères et celui de la Défense nationale. J'ai lu dans le journal que tous les groupes parlementaires avaient reçu cette invitation, mais mon leader parlementaire n'est pas au courant de cette invitation, pas plus que mon critique de la défense. Je suis la critique chargée des affaires étrangères et je n'étais pas au courant non plus. Il a été confirmé que deux autres groupes parlementaires ont en fait reçu cette invitation. J'aimerais savoir si le secrétaire parlementaire peut nous dire ce qui se passe.
Le président: Il vient de le faire publiquement et il l'a déjà fait publiquement. Il a simplement maintenu l'invitation qu'il avait déjà faite. Cette question ne concerne pas le comité. Elle concerne votre leader parlementaire et le secrétaire parlementaire.
Mme Alexa McDonough: Je tiens à ce que le compte rendu mentionne que cela avait été fait avec les deux autres partis.
Le président: Cela y figurera.
L'hon. Dan McTeague: Madame McDonough, je vous ai transmis cette invitation, en personne, au cours d'une des premières réunions du sous-comité. Mais il est encore plus important de mentionner que cela fait un moment que les leaders parlementaires parlent de cette invitation. L'offre a été faite et j'en ai parlé à votre leader parlementaire.
Le président: La séance est levée.