FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 15 février 2005
¾ | 0835 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
Mme Carol Bellamy (directrice générale, Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)) |
¾ | 0840 |
¾ | 0845 |
Le président |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
¾ | 0850 |
Le président |
Mme Carol Bellamy |
¾ | 0855 |
M. Ted Menzies |
Le président |
M. Ted Menzies |
Le président |
Mme Carol Bellamy |
Le président |
Mme Carol Bellamy |
Le président |
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ) |
Mme Carol Bellamy |
¿ | 0900 |
Mme Francine Lalonde |
Mme Carol Bellamy |
Le président |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
Mme Carol Bellamy |
¿ | 0905 |
Mme Beth Phinney |
Mme Carol Bellamy |
Mme Beth Phinney |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
¿ | 0910 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Mme Carol Bellamy |
¿ | 0915 |
Le président |
Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC) |
Mme Carol Bellamy |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
Mme Carol Bellamy |
Le président |
¿ | 0925 |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
Mme Carol Bellamy |
¿ | 0930 |
Le président |
Le président |
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre des Affaires étrangères) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Ted Menzies |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Ted Menzies |
L'hon. Pierre Pettigrew |
Le président |
M. Ted Menzies |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC) |
Le président |
L'hon. Pierre Pettigrew |
M. James Fox (directeur général, Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est, ministère des Affaires étrangères) |
Le président |
M. Stockwell Day |
¿ | 0955 |
L'hon. Pierre Pettigrew |
Le président |
M. Stockwell Day |
L'hon. Pierre Pettigrew |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Pierre Paquette |
À | 1000 |
L'hon. Pierre Pettigrew |
M. Pierre Paquette |
L'hon. Pierre Pettigrew |
À | 1005 |
M. Serge Paquette (directeur par intérim, Services d'urgence, ministère des Affaires étrangères) |
M. Pierre Paquette |
M. Serge Paquette |
Le président |
Mme Beth Phinney |
À | 1010 |
L'hon. Pierre Pettigrew |
Mme Beth Phinney |
L'hon. Pierre Pettigrew |
Mme Marie Gervais-Vidricaire (directrice générale, Direction générales des enjeux mondiaux, ministère des Affaires étrangères) |
Mme Beth Phinney |
Le président |
M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud) |
L'hon. Pierre Pettigrew |
À | 1015 |
M. Navdeep Bains |
L'hon. Pierre Pettigrew |
M. Navdeep Bains |
Le président |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
Le président |
M. Serge Paquette |
À | 1020 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Pierre Pettigrew |
À | 1025 |
M. Peter Harder (sous-ministre, ministère des Affaires étrangères) |
Mme Alexa McDonough |
M. Peter Harder |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
M. Peter Harder |
L'hon. Pierre Pettigrew |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Pierre Pettigrew |
À | 1030 |
Le président |
Mme Belinda Stronach |
L'hon. Pierre Pettigrew |
Mme Belinda Stronach |
Le président |
Pettigrew, Pierre Attendee Minister of Foreign Affairs |
Le président |
M. Peter Harder |
Le président |
M. Peter Harder |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 15 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¾ (0835)
[Français]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Nous allons commencer.
[Traduction]
Selon l'ordre du jour de la réunion d'aujourd'hui, nous examinons, conformément à l'article 108(2) du Règlement, diverses questions liées à l'UNICEF. Nous recevons ce matin Mme Carol Bellamy, directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
Bienvenue, madame Bellamy. Vous avez la parole.
Mme Carol Bellamy (directrice générale, Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)): Merci beaucoup. Mesdames et messieurs, je vous suis très reconnaissante de l'occasion qui m'est donnée ce matin de faire quelques remarques liminaires avant de répondre aux questions que vous souhaitez me poser.
On m'a encouragée à parler lentement, puisque vous avez des services d'interprétation. Je travaille aux Nations Unies depuis une dizaine d'années; on m'encourage toujours à parler lentement, mais je ne le fais jamais. Je vais essayer de m'en souvenir, mais je suis malheureusement une New Yorkaise depuis une soixantaine d'années, et parler lentement n'a jamais été parmi mes habitudes. Mais je vais essayer.
Je vous suis également reconnaissante d'avoir convoqué la réunion pour 8 h 30.
J'aimerais faire quelques remarques liminaires d'ordre général, et je pourrais ensuite répondre à vos questions. Je sais que le ministre des Affaires étrangères comparaîtra un peu plus tard ce matin pour faire le point sur le tsunami. Je veux bien vous faire part de nos vues sur la question, mais je n'ai pas l'intention de m'y attarder pour le moment.
Je voudrais commencer par rendre hommage au Canada pour son rôle et les efforts très importants qu'il a déployés au fil des ans—je peux dire au fil des ans, mais en réalité, sa contribution remonte bien plus loin que même mon expérience personnelle—et pour son engagement à titre de fervent défenseur du système multilatéral, et ce surtout du point de vue de la situation des enfants.
Je tiens donc à reconnaître l'engagement de longue date du Canada envers les enfants. Je vous rappelle qu'il a été l'un des instigateurs du Sommet mondial pour les enfants de 1990, et bien que ce sommet se soit tenu à l'Organisation des Nations Unies, avec toute la cérémonie qui l'entoure, et même s'il ne s'agissait pas d'une réunion officielle des Nations Unies, ce sommet a bien entamé les années 90 en lançant toute une série de sessions sur des questions clés. Le Canada a été l'un des principaux acteurs relativement à ce programme de travail. Douze ans plus tard, en mai 2002, le Canada a, une fois de plus joué un rôle important lors de la Session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants, qui constituait la première réunion officielle de l'ONU consacrée spécifiquement aux enfants. Je pourrais continuer à vous citer de multiples exemples du rôle canadien, qu'on parle du Traité sur les mines antipersonnel, des enfants touchés par la guerre, ou des réunions très importantes qui se sont tenues à Winnipeg il y a quelques années, suivies de mesures concrètes; on pourrait aussi parler du rôle joué par le Canada au sein de la GAVI, soit l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination; du fait que vous êtes chargés du Secrétariat pour l'étude mondiale sur la violence; et de notre comité national fort important, soit le Comité national de l'UNICEF.
Je tenais simplement à rendre hommage au Canada pour les diverses formes qu'a prises son engagement envers les enfants dans le cadre du système multilatéral, et pour avoir été un fervent défenseur des Objectifs du Millénaire pour le développement. Et c'est par rapport à ce dossier que j'aimerais vous faire tout d'abord quelques remarques d'ordre général.
S'agissant des Objectifs du Millénaire pour le développement, on peut dire à mon avis que six objectifs sur huit concernent directement les droits et les besoins des enfants et des femmes, sans doute parce que l'on reconnaît que la réalisation de ces objectifs passe par des investissements dans les enfants. Ce sur quoi je voudrais insister—et je vous renvoie à la publication phare annuelle de l'UNICEF, qui s'intitule —La situation des enfants dans le monde—c'est que malgré toutes ces activités, menées non seulement par le Canada mais par d'autres—à preuve, les Objectifs du Millénaire pour le développement, la séance extraordinaire consacrée aux enfants, et le système multilatéral—comment se fait-il que nous vivions encore dans un monde où la pauvreté et l'ignorance continuent de menacer la sécurité humaine, aussi sûrement que les armes de destruction massive, où le VIH/SIDA et les conflits armés ont déjà causé plus de ravage et de détresse qu'aucun terroriste ne pourrait rêver d'infliger à autrui?
Nous avons essayé de présenter ce que nous considérons comme la situation actuelle des enfants du monde dans le rapport de cette année, qui conclut que la moitié des enfants du monde souffrent de grève privation d'un type ou d'un autre—le manque d'eau, de soins de santé, ou de programmes scolaires; les déplacements causés par la guerre; l'exploitation liée à la gravité de sa situation économique; des pertes causées par le VIH et le SIDA. Les besoins fondamentaux de plus d'un milliard d'enfants du monde—c'est-à-dire un sixième de la population mondiale—restent insatisfaits et du fait de manquer de tout ce qui est indispensable à la vie, ils n'ont pas d'enfance. L'enfance est une époque de la vie fort importante. Selon nous, un sixième de la population du monde est privé de son enfance.
Permettez-moi de vous donner encore quelques chiffres; j'essaierai de ne pas exagérer. Un enfant sur trois n'a pas accès à de l'eau potable, à des installations sanitaires, ou à des soins de santé fondamentaux.
¾ (0840)
Nous affirmons que la définition de la pauvreté à laquelle on a recours de nos jours est insuffisante dès lors que des enfants sont concernés, et qu'il ne suffit pas de tenir compte de la pauvreté ou d'envisager de réduire la pauvreté grâce à des activités rémunératrices quand il s'agit d'enfants, puisqu'il faut tenir compte de façon plus générale des privations qu'ils subissent en ce qui concerne les besoins et services fondamentaux, tels que la santé et l'éducation. Voilà le premier point sur lequel je voudrais insister, mais nous affirmons également que deux autres facteurs clés compliquent beaucoup la situation des enfants : premièrement, l'instabilité et l'insécurité accrues du monde à cause des guerres, et deuxièmement, le tsunami mondial dévastateur que représente le VIH et le SIDA.
Je voudrais vous parler brièvement de la guerre, si vous me permettez, et encore une fois, j'insiste sur le rôle qu'a joué le Canada pour attirer l'attention du monde sur les effets de la guerre sur les enfants. La nature de la guerre évolue dans le monde. Depuis 1990, sur 59 conflits officiels, 55 se sont déroulés à l'intérieur des pays concernés; autrement dit, de plus en plus, les guerres ne se font pas entre deux pays, mais à l'intérieur d'un même pays. De plus en plus, les acteurs de ces guerres ne sont pas seulement les membres de deux forces armées nationales, mais de multiples acteurs, dont bon nombre d'entre eux sont des acteurs non étatiques. Et de plus en plus, les victimes des guerres ne sont pas les soldats—non pas que ce soit acceptable qu'il y ait des victimes du tout—mais des civils, et surtout des femmes et des enfants. Donc, l'incidence des conflits est considérable.
Je ne vais pas vous fournir tous les chiffres, mais si je peux vous parler un peu de la fréquence du VIH/SIDA chez les enfants, il est maintenant reconnu que plus de 15 millions d'enfants sont orphelins à cause du SIDA. Bien que le VIH/SIDA soit un problème mondial qui soit de plus en plus présent dans de nombreuses régions du monde, le problème des orphelins continue pour le moment de concerner surtout l'Afrique subsaharienne. Mais étant donné la nature mondiale du VIH/SIDA, le nombre de régions touchées va forcément augmenter.
Que nous apprennent ces statistiques? À notre avis, elles nous font surtout prendre conscience du fait qu'il y a eu un manque de leadership. Voilà 15 ans que toutes les nations de la terre, sauf deux, ont signé la Convention relative aux droits de l'enfant, qui précise les conditions universelles de base qui sont rattachées à une enfance saine, protégée et de qualité acceptable. Étant donné que la moitié de tous les enfants est encore privée de son enfance, nous à l'UNICEF estimons que les nations du monde ne respectent pas leurs engagements.
Le manque de services, les conflits, la propagation du VIH/SIDA——tous ces facteurs sont liés les uns aux autres. Une mauvaise allocation des ressources naturelles au fil des ans se traduit souvent par des conflits internes, et des enfances perturbées donnent lieu à une autre génération d'adultes qui ne réalisent jamais leur plein potentiel, si bien que le cycle de la pauvreté se poursuit.
Donc, en ce qui nous concerne, il faut surtout se rendre compte que l'enfance est menacée, non pas pour des raisons mystérieuses qui défient l'imagination, mais à cause des choix délibérés de nos gouvernements et d'autres autorités. Si la pauvreté existe toujours, ce n'est pas pour rien. La guerre n'émerge pas nulle part. Ce n'est pas par choix que le VIH se propage. Ce sont nos choix à nous. Notre façon de répartir les ressources, d'évaluer les répercussions de nos décisions et de tenir compte de la situation de nos enfants dans nos choix—voilà ce qui compte. À notre sens, il y a lieu de faire mieux.
Mais est-il possible de faire mieux? C'est là-dessus que je vais conclure. Comme vous pouvez vous y attendre, puisque nous sommes les représentants de l'UNICEF, nous estimons qu'il est possible de faire mieux et qu'il y a lieu d'espérer. Permettez-moi donc d'aborder rapidement un certain nombre de points.
Je voudrais tout d'abord parler du tsunami. Si le tsunami constitue une catastrophe sans précédent, il reste qu'il a suscité une réaction qui est, elle aussi, sans précédent. À mon sens, personne n'aurait pu s'imaginer qu'il y ait ce genre de réponse—d'ordre humanitaire et financier, et tout simplement une réponse d'envergure mondiale—des gens qui voulaient aider d'autres gens, des enfants qui voulaient aider d'autres enfants, et des gouvernements qui ne sont jamais jusqu'à présent intervenus dans des situations d'urgence désireux de faire leur part, que ce soit en assurant des ressources financières ou humaines, mais en sachant que cela pourrait influer sur leur rôle de dirigeant. Donc, malgré l'horreur qu'a suscitée le tsunami, on peut aussi se demander si cette catastrophe a le potentiel de susciter ne serait-ce que le plus petit changement d'attitude au sein de la communauté mondiale, soit une toute petite ouverture qui permettrait peut-être de créer une certaine solidarité? Nous n'en savons rien pour le moment, à mon avis, mais il me semble que ce potentiel existe.
¾ (0845)
De même, il y a d'autres faits qui nous donnent lieu d'espérer. Regardons la situation en Afghanistan, par exemple. Il ne fait aucun doute que ce pays connaît énormément de difficultés, et que c'est un pays où le commerce de la drogue s'est rétabli si bien qu'il y a encore de la violence. Mais il y a, malgré tout, des signes positifs. Il s'agit d'un pays où seulement quelques milliers d'enfants fréquentaient l'école à la fin de 2001, alors qu'au début de 2004, 4,2 millions d'enfants étaient inscrits à l'école, dont environ un tiers était des filles. Ce n'est pas uniforme d'un bout à l'autre du pays, mais il y a tout de même lieu d'espérer que la situation s'améliore.
Au Moyen-Orient, vu les bombardements au Liban hier, on peut certainement se demander s'il y a lieu d'espérer que la situation à Gaza, en Cisjordanie et en Israël s'améliore un jour. Je vous dis cela, non pas en me fondant sur de récents événements et changements, mais parce que j'ai eu l'occasion de visiter ces régions—et je sais que certains d'entre vous avez également eu l'occasion de vous y rendre récemment. Je suis fermement convaincue que si on écoutait les jeunes qui habitent Israël et Gaza—et il est clair que même s'ils ne s'adorent pas nécessairement, ils veulent réussir à mieux se connaître—si on écoutait la voix des jeunes, il serait possible d'espérer que la situation change.
Évidemment, l'espoir est l'un des facteurs qui nous permet à l'UNICEF de maintenir notre enthousiasme; l'autre facteur est la compassion. Mais comme l'affirmait Susan Sontang, dans un de ses essais : « La compassion est une émotion instable. Il faut la traduire en action concrète, sinon, elle se dissipe. La question est de savoir ce que faire des sentiments qui ont été suscités, des connaissances… ».
Le défi que nous vous lançons, mesdames et messieurs, concerne le fait que les enfants ont besoin de plus que simplement des propos inspirants. Ils ont beaucoup de leadership qui touche leur vie. Ils ont besoin de mesures concrètes.
Par exemple, si je peux me permettre, ce sont les enfants qui devraient être au coeur de la nouvelle politique internationale canadienne. Ils ont besoin de mesures concrètes qui s'exécutent à une échelle appropriée—et je me permets de dire, puisque je suis au Canada, que le Canada s'est engagé à atteindre 0,7 p. 100, seuil qu'il doit absolument respecter—des mesures qui s'appuient sur une stratégie cohérente et ciblée qui permettra de protéger et de respecter les droits de tous les enfants à tout moment et d'y donner suite. Rien ne l'emporte sur les mesures concrètes s'il s'agit de rebâtir un monde vivable pour les enfants. Comme nous l'ont rappelé les jeunes délégués à la Séance extraordinaire consacrée aux enfants, un monde qui convient aux enfants et un monde qui convient vraiment à tous les peuples.
Donc, merci infiniment de m'avoir donné l'occasion de faire ces remarques liminaires. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions précises.
Le président: Merci beaucoup, madame Bellamy.
Notre premier intervenant sera M. Menzies.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci, madame Bellamy, de vos remarques liminaires et de nous avoir rappelé, une fois de plus, que le Canada s'est effectivement engagé en 1969 à consacrer 0,7 p. 100 de son PIB à l'aide étrangère. Corrigez-moi si je me trompe, mais nous sommes en 2005, et cet objectif n'est toujours pas atteint; en fait, nous avons encore plus de retard, par rapport à cet objectif. Donc, il faut nous le rappeler, et nous le rappeler souvent.
Il ne fait aucun doute que le tsunami nous a rappelés à l'ordre, et je suis content que vous en ayez parlé. À mon avis, cette catastrophe a rappelé aux gens que nous devons à présent voir les questions humanitaires sous un angle différent, par rapport à ce que nous avons fait par le passé.
Je trouve fascinant que vous ayez mis en relief la situation des enfants, car les scènes du tsunami qui nous ont le plus touchés concernaient justement les enfants. Je pense que cela a eu pour effet de rappeler tout le monde à l'ordre, et de nous rappeler surtout que ce sont les enfants qui sont victimes. Qu'on parle de conflits internes, de catastrophes, de pénuries de vivres, d'eau non potable, ou d'autres problèmes, ce sont les enfants qui souffrent, alors qu'ils n'ont pas demandé à se retrouver dans une telle situation. Donc, je vous félicite pour tous vos efforts.
J'ai plusieurs questions à vous poser. J'étais l'un de ceux qui ont critiqué le Canada pour avoir été lent à réagir lors du tsunami. Cela me préoccupe encore. On dirait que votre organisation et d'autres, telles que les ONG, doivent passer par une procédure double. Votre organisation avait été désignée comme l'une de celles qui pourraient accepter des fonds de contrepartie de notre gouvernement. Mais il semble à présent que, quels que soient vos projets d'utilisation de ces crédits à long terme, vous devrez passer par une deuxième procédure d'examen, d'après ce que j'ai pu comprendre—et je ne sais pas si c'est vrai ou non—avant de pouvoir décider quels sont vos objectifs à long terme et comment vous emploierez ces crédits. J'aimerais savoir si cette procédure vous convient et dans quelle mesure vous estimez que les engagements pris par le Canada seront respectés.
Je me permets de revenir sur les antécédents des différents pays en ce qui concerne le respect ou le non-respect des engagements pris par le passé. Que peut faire le Canada pour s'assurer que ces engagements sont bel et bien respectés, et que l'aide promise est réellement fournie?
Quant à votre commentaire sur l'absence de leadership, votre observation me paraît bien intéressante. Comment régler ce problème-là? Les engagements en question ont été pris par l'entremise des Nations Unies, tout comme le Canada s'est engagé à consacrer 0,7 p. 100 du PIB à l'aide étrangère. Comment s'assurer que les pays tiennent leurs promesses? Si vous avez une réponse à cette question, je serais bien intéressé à l'entendre.
Je voudrais aussi vous poser une question bien précise : en ce qui concerne les micronutriments, que faites-vous dans ce domaine, et ce programme s'est-il révélé efficace jusqu'à présent?
¾ (0850)
Le président: Madame Bellamy.
Mme Carol Bellamy: Je voudrais faire quelques observations liminaires, et je vais essayer ensuite de répondre à vos questions.
Quand j'ai commencé à visiter le Canada, ce dernier était confronté à une grave crise financière. Ayant moi-même connu, dans mon passé, les problèmes d'un gouvernement qui faisait face à une grave crise—celle de la ville de New York—je comprenais très bien que des mesures concrètes s'imposaient. Quand j'ai préconisé qu'on affecte des ressources à l'UNICEF, à l'ONU ou à d'autres organisations, je comprenais très bien les contraintes qui existaient à l'époque. Mais le Canada enregistre un excédent depuis cinq ans, si je ne m'abuse, et je n'en dirai pas plus. Je vais évidemment défendre la nécessité de financer les activités de développement, en partie au nom de l'UNICEF, mais je vais également insister pour qu'on n'oublie pas les populations générales—je vais vous féliciter pour votre excédent, parce que c'est une bonne chose, mais je veux aussi vous faire un petit rappel.
En ce qui concerne le tsunami et les enfants, j'ai une observation à faire à ce sujet qui me semble importante, peut-être aussi parce qu'on peut tirer certains enseignements de toute cette expérience. Premièrement, dans le cas de cette catastrophe naturelle, en raison de sa puissance, les victimes les plus touchées étaient aussi les personnes les plus vulnérables, c'est-à-dire dire les enfants. Nous avons dit au départ qu'à notre avis, c'était possible qu'un tiers des victimes soient des enfants. Maintenant, si nous nous fondons sur les données qui sont disponibles—et si l'UNICEF a pu intervenir, c'est en partie grâce aux programmes que nous avions déjà en vigueur dans chacun de ces pays—nous croyons que plus d'un tiers des victimes sont des enfants.
Cette expérience nous a appris la puissance de l'eau et nous a fait changer notre conception de ce qui peut constituer des débris; au lieu que ce soit de petits objets qui flottaient dans l'eau, on voyait de gros camions, des maisons ou des blocs de béton.
Cela nous a également rappelé la situation démographique du monde d'aujourd'hui. Ce qu'il faut avoir à l'esprit en définissant sa politique étrangère et ses programmes d'aide au développement, c'est que la situation démographique du monde actuel est telle que dans la plupart des pays qu'on pourrait considérer comme étant en développement ou du moins en transition, en général, une bonne moitié de la population est jeune, dans certains cas âgée de 18 ans ou moins, mais dans au moins la grande majorité des cas, au début de la vingtaine, ou moins. Cette expérience nous rappelle donc la situation démographique du monde actuel.
Quand à vos questions précises, je dois m'excuser. Je suis ici pour rencontrer des représentants du gouvernement. Je ne suis pas tout à fait sûre de savoir ce que vous entendez par un « second examen ». Cependant, j'ai deux remarques à faire.
Premièrement, nous sommes d'avis que dans tous les cas, qu'il s'agisse d'une situation de grande urgence ou non, nous avons la responsabilité de faire preuve de la plus grande transparence possible et de nous assurer que les gens savent autant que possible à quoi servent les ressources que nous recevons.
Deuxièmement, notamment dans le cas de l'UNICEF—parce que nous faisons évidemment partie des organismes des Nations Unies—mais comme nous recevons environ un tiers de notre financement, et dans certains cas, un peu plus, de sources privées, et non pas uniquement des gouvernements—et ce par l'entremise de nos 37 comités nationaux—on évalue et on examine notre façon de traiter avec nos donateurs à la fois gouvernementaux et privés. Donc, le comportement de l'UNICEF en particulier est examiné et évalué.
Troisièmement, dans le cadre de la réponse des Nations Unies en général, nous nous sommes engagés en l'occurrence à établir un système de suivi plus rigoureux afin que quiconque le désire puisse savoir comment ont été utilisées les ressources accordées aux organismes des Nations Unies pour aider les victimes du tsunami. Un nouveau système est en voie d'établissement, de concert avec le Bureau du coordonnateur des mesures de secours des Nations Unies—M. Jan Egeland et le personnel de son bureau—et les autres grands organismes humanitaires : le Programme alimentaire mondial, l'UNICEF, et le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Là je vous parle des organismes humanitaires des Nations Unies; mais je n'écarte pas les importantes ONG. Il y aura donc des possibilités de suivi accrues grâce à ce système consolidé de suivi financier qui sera en place.
Quant à votre question sur le second examen, je suis désolée mais je devrais vous répondre plus tard, peut-être dans un contexte bilatéral.
¾ (0855)
M. Ted Menzies: Me permettriez-vous de vous lire…
Le président: Merci, monsieur Menzies. Votre temps est écoulé.
Nous passons maintenant à Mme Lalonde.
M. Ted Menzies: Pourrions-nous avoir la réponse au sujet des micronutriments?
Le président: Oui.
Mme Carol Bellamy: Je voulais juste parler rapidement des micronutriments.
Le président: D'accord, très rapidement—en 30 secondes.
Mme Carol Bellamy: Les micronutriments… C'est-à-dire qu'il y a encore trop d'enfants qui meurent chaque année de causes tout à fait évitables, bien qu'il y en ait moins qu'il y a une dizaine d'années, puisque le taux de mortalité chez les enfants âgés de moins de cinq ans a baissé dans toutes les régions du monde, sauf l'Afrique subsaharienne. Mais les interventions qui peuvent être utiles à cet égard, à la fois pour réduire le taux de mortalité des enfants âgés de moins de cinq ans et pour renforcer le système des soins prodigués aux enfants, comprennent des mesures qui ne reposent pas sur de nouvelles percées scientifiques, entre autres, les micronutriments. La vitamine A et d'autres types de micronutriments ont joué un rôle très important à cet égard. D'ailleurs, le Canada a été un important bailleur de fonds pour des initiatives touchant le recours aux micronutriments. L'engagement de l'UNICEF dans ce domaine reste très fort.
Le président: Merci, madame Bellamy.
Madame Lalonde, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci, monsieur le président. Merci beaucoup, madame Bellamy, d'être ici.
Nous sommes appelés, au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, à penser régulièrement à la pauvreté, aux conflits, mais nous ne nous arrêtons pas assez souvent au fait que les premières victimes de la pauvreté, des conflits--je devrais ajouter du sida--sont les enfants. C'est votre rôle de nous le rappeler.
Vous avez dit qu'il faut que l'objectif de 0,7 p. 100 soit atteint par le Canada. Je représente un parti de l'opposition qui plaide très fort pour cela. Souvent, des représentants du gouvernement disent qu'ils ont de bons programmes, qu'ils sont efficaces, comme s'il y avait un choix entre l'atteinte de l'objectif du 0,7 p. 100 et l'efficacité.
J'aimerais que vous nous parliez de cela et que vous nous disiez comment la Déclaration du Millénaire vise justement à atteindre l'objectif de lutte contre la pauvreté.
Il y a peut-être des chiffres que je n'ai pas vus, mais il me semble que les conflits ont pour conséquence la multiplication rapide du nombre d'enfants démunis, orphelins, dans la misère, alors que les progrès sont plus lents. Peut-être ai-je une mauvaise perspective des choses.
[Traduction]
Mme Carol Bellamy: À mon sens, la Déclaration et les Objectifs du Millénaire sont critiques si nous souhaitons que notre démarche d'éradication ou d'atténuation de la pauvreté soit plus efficace. C'est toujours aux gouvernements individuels de piloter ces efforts. Il ne faut pas oublier cet élément-là.
Pour ce qui est du tsunami, l'un des facteurs qui a eu beaucoup d'impact, même s'il y a eu cet afflux de dons de partout dans le monde, c'est que dans chacun de ces pays, d'une manière ou d'une autre, ce sont les gouvernements eux-mêmes qui ont dirigé les mesures d'intervention.
De même, s'agissant des Objectifs du Millénaire pour le développement, l'approche des Nations Unies ne doit pas être une approche descendante ou bilatérale. Il faut que ces derniers deviennent les objectifs de chacun des pays concernés. Dans un sens, ces Objectifs du Millénaire pour le développement représentent une sorte de plan unique pour le développement qui, nous l'espérons, permettra de mieux utiliser les ressources financières et humaines.
Comment cela nous permettra-t-il d'atténuer la pauvreté? Eh bien, on parle d'un ensemble de choses. Même si le premier Objectif du Millénaire pour le développement concerne l'élimination de la pauvreté, il ne faut pas perdre de vue les autres objectifs—et là je ne cherche pas à vous les présenter dans un ordre particulier.
Prenons le cas de l'Objectif concernant l'éducation pour tous. Premièrement, nous savons que tous les enfants ont besoin d'une éducation, mais nous savons aussi que si une fille peut bénéficier d'une éducation, il est plus probable qu'elle devienne une adulte en bonne santé, que ses enfants soient moins susceptibles de mourir avant l'âge de cinq ans, et que sa famille, sans être riche, soit plus susceptible d'être stable. Donc, encore une fois, ce genre de facteur peut influencer la situation.
Réduire le taux de mortalité des enfants âgés de moins de cinq ans constitue l'un des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Réduire la malnutrition et la famine signifie, encore une fois, que les gens peuvent être plus productifs.
Quant à la lutte contre le VIH/SIDA, le VIH/SIDA n'est pas seulement une maladie qui tue les gens; dans certains pays, elle empêche la société de bien fonctionner. Les travailleurs de la santé meurent. Il y a plus d'enseignants qui meurent chaque année en Zambie que le nombre qu'un pays comme la Zambie est en mesure de former.
Donc, les Objectifs du Millénaire pour le développement assurent le recours à une démarche plus cohérente pour tous ceux qui participent à des activités de développement, qu'on parle des responsables des pays eux-mêmes ou des acteurs externes, pour éviter que nous fassions tous un travail différent, chacun de notre côté. Pour moi, c'est une question d'efficacité.
Ceci dit, pour prendre l'exemple du taux de mortalité des enfants âgés de moins de cinq ans, le fait est que beaucoup de pays sont loin du compte. Environ 90 pays sont dans la bonne voie pour atteindre l'objectif fixé pour 2015, mais il y en a 98 qui sont loin du compte.
Je vous ai déjà parlé des conflits. Le genre de conflits que nous observons dans le monde d'aujourd'hui—et encore une fois, ces conflits ne touchent pas uniquement les enfants, même si ce sont surtout les femmes et les enfants qui en sont les victimes, puisqu'ils touchent les civils—présentent un défi pour les dirigeants de gouvernements comme le vôtre.
Je vais lui lancer un défi. Voilà en quoi il consiste.
Les instruments mondiaux que nous avons à notre disposition pour régler les conflits concernent généralement les conflits entre deux États. Or, les conflits que nous connaissons actuellement sont surtout des conflits à l'intérieur des États concernés.
¿ (0900)
[Français]
Mme Francine Lalonde: C'est cela.
[Traduction]
Mme Carol Bellamy: S'agissant de la question de la souveraineté—vous savez, l'attitude qui consiste à dire c'est mon territoire qui est pleinement reconnu, etc. et il est vrai qu'il y a eu quelques petites percées à cet égard—tant qu'on n'aura pas reconnu la nécessité d'aider à régler les conflits dans le contexte dans lequel ils se déroulent de nos jours, à mon avis, nous devrons continuer à fournir une aide humanitaire qui devient de plus en plus difficile à assurer, mais le problème restera intact, étant donné qu'il n'y aura pas d'intervention d'ordre politique.
Le président: Merci.
Nous passons maintenant à Mme Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci infiniment de vous être jointe à nous ce matin. Hier, au Sous-comité des droits de la personne et du développement international, qui relève de ce comité-ci, nous avons reçu notre ancien ambassadeur en Colombie, Guillermo Rishchynski, qui nous disait qu'en Colombie—ce pays en particulier m'inquiète beaucoup et moi-même je l'ai visité plusieurs fois—un tiers des membres de groupes armés illégaux sont âgés de moins de 16 ans, mais ce n'est pas par choix; il nous disait que toutes les 37 heures, un enfant est enlevé en Colombie. Et c'est pour cela qu'on les enlève, pour qu'ils fassent partie de ces groupes armés illégaux.
Il nous a également fait état de trois nouveaux projets en Colombie qui sont destinés aux enfants, dont un programme de l'UNICEF. Peut-être pourriez-vous donc nous dire dans quelle mesure vous avez réalisé des progrès là-bas, et ce que vous avez pu faire pour aider les enfants colombiens?
Mme Carol Bellamy: Pour moi, la Colombie est une sorte d'exemple du monde auquel nous sommes confrontés de nos jours, un monde où de nombreuses situations d'urgence sont oubliées, si vous voulez. Un autre exemple—et je vais revenir sur la Colombie dans une seconde—serait le nord de l'Ouganda, où la situation des enfants correspond sans doute au cas d'urgence le plus grave que nous connaissions en ce moment, où les enfants sont pris en otage tous les jours par l'Armée de résistance du Seigneur, où tous les soirs, au moins 30 000 enfants quittent leur maison. Ils ont des parents, ils ont des familles, mais ils quittent leur maison le soir pour dormir dans un enclos fermé à clé, même s'ils se trouvent en plein air, simplement pour éviter d'être enlevés.
En Colombie, il y a des problèmes en ce qui concerne le gouvernement au pouvoir, mais à notre avis, ce dernier n'a pas vraiment recours aux combattants mineurs. Mais il ne fait aucun doute que certaines forces rebelles ont recours à des combattants mineurs. C'est en partie du fait que certaines régions du pays sont tout simplement inaccessibles, si bien qu'ils peuvent contrôler les enfants, et aussi parce que ce conflit dure depuis si longtemps. Évidemment, plus ces batailles et ces conflits durent, plus ils doivent recourir aux services d'enfants de plus en plus jeunes, parce que c'est tout ce qu'il y a.
Nous avons tenté de faire plusieurs choses différentes. Premièrement, pas tout seuls mais sous l'égide de l'équipe des Nations Unies, nous essayons, en passant par les autorités, de communiquer avec les forces en question. Nous travaillons notamment avec un groupe de jeunes, le Mouvement des enfants pour la paix, qui est très actif en Colombie, pour faire passer notre message aux jeunes, à la radio ou à l'aide d'autres formes de communication. Nous essayons de convaincre les différents acteurs—nous voulons mettre fin à la guerre, mais il nous est impossible de faire cela tout seuls—de permettre aux enfants d'aller à l'école au moins. Nous y avons consacré beaucoup d'effort, parce que les gens oublient les problèmes en Colombie. La Colombie a peut-être la plus forte population de personnes déplacées de tous les pays du monde, mais les gens l'oublient, et le fait est qu'une bonne proportion de cette population est constituée de jeunes personnes déplacées.
Donc, notre grande priorité consiste à travailler avec les jeunes pour que ces derniers communiquent notre message à d'autres jeunes, et à travailler avec les forces combattantes pour qu'elles permettent aux enfants d'aller à l'école au lieu d'y avoir recours pour le combat.
¿ (0905)
Mme Beth Phinney: Arrive-t-il aux groupes armés illégaux de monter des attaques contre votre personnel?
Mme Carol Bellamy: J'aimerais faire quelques remarques générales en réponse à votre question.
Le dossier de la sécurité des travailleurs humanitaires oeuvrant dans différents coins du monde a beaucoup évolué ces dernières années, et pas seulement depuis les attentats de Bagdad. Je travaille à l'UNICEF depuis 10 ans. Quand je suis entrée à l'UNICEF, même si la situation n'était pas parfaite, à l'époque, qu'on soit rattaché à la Croix-Rouge, à l'UNICEF ou à l'OXFAM, et ce même en temps de guerre, les travailleurs humanitaires étaient considérés comme étant intouchables. Mais vu la nature changeante des conflits—je ne pense pas qu'il y ait jamais eu de règles pour les situations de guerre—est le fait qu'il y a à présent tellement d'acteurs différents, la question de la sécurité du personnel humanitaire est beaucoup plus problématique.
Certains membres de notre personnel ont effectivement été tués. Rappelez-vous que récemment, l'organisation Save the Children a fini par se retirer du Darfour parce que quatre membres de leur personnel avaient été tués. C'était à cause des mines antipersonnel, etc. Médecins sans frontières s'est retirée de certaines zones également, alors qu'ils n'ont pas peur d'aller travailler dans des endroits de ce genre.
En Colombie, ça n'a pas été le cas jusqu'à présent, mais nous n'avons pas accès à certaines zones. Il reste que la question de la sécurité des travailleurs humanitaires pose vraiment problème dans le monde d'aujourd'hui.
Mme Beth Phinney: Merci beaucoup.
Le président: Nous passons maintenant à Mme McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.
Je voudrais dire, tout d'abord, à quel point je suis ravie que vous soyez devant le comité aujourd'hui pour parler de questions que nous avons justement à examiner dans le cadre de notre travail.
Je sais que vous comptez, parmi vos multiples talents, celui de la diplomatie, et comme certains d'entre nous, membres de l'opposition, ne sommes pas aussi diplomates, je tiens à dire, pour les fins du compte rendu, que vous avez été très généreuse en indiquant que nous avons dû nous attaquer à nos problèmes d'endettement, lesquels constituent la véritable raison pour laquelle la situation a à ce point détérioré que l'aide publique au développement accordée par le Canada a atteint ce minimum humiliant de seulement 0,24 p. 100 du PIB. Mais pour que vous soyez bien renseignée, je me permets de préciser que voilà sept ans que le Canada enregistre des excédents considérables.
J'ai quelques brèves questions à vous poser, et je ne veux donc pas utiliser tout le temps qui nous est imparti pour entendre vos observations en formulant des questions trop longues.
La première concerne le multilatéralisme, par opposition au bilatéralisme. Les porte-parole des différents partis sur les affaires étrangères arrivent d'un voyage au Moyen-Orient avec le ministre des Affaires étrangères, et on observait clairement sur la première ligne les pressions exercées pour obtenir une réponse à des demandes bilatérales légitimes et considérées comme étant indispensables. En même temps, nous sommes confrontés à un autre problème, en ce sens que certains trouvent commodes de constamment diaboliser les Nations Unies et ses organismes, et de s'en servir comme prétexte pour ne pas faire du véritable multilatéralisme.
J'aimerais donc que vous me fassiez part de votre opinion à ce sujet, notamment du point de vue de l'aide conditionnelle, ce que cela signifie pour vous, et ce que nous devrions faire pour résister aux pressions qui s'exercent sur nous pour conclure de plus en plus d'ententes bilatérales.
Deuxièmement, peut-être pourriez-vous nous faire profiter de votre sagesse et de votre expérience considérable des divers types de modèles d'intervention en cas de catastrophe qui s'emploient à l'échelle nationale. Nous sommes au courant de l'ampleur de vos activités de ce genre à l'échelle internationale, mais mis à part l'influx de dons sans précédent de la part des Canadiens et des peuples du monde face à la crise provoquée par le tsunami, je pense que bon nombre d'entre nous estimons qu'il y a lieu à présent d'améliorer notre capacité nationale d'intervenir rapidement et de façon bien coordonnée et pragmatique quand des catastrophes se produisent. En plus de vos observations sur la question, peut-être pourriez-vous aussi nous parler de travaux qui ont déjà été menés sur la question ou proposer des témoins qui pourraient intéresser le comité. Au lieu de nous plaindre de la lenteur ou de l'ineptie d'un organisme particulier ou du gouvernement, au comité, nous préférons de loin voir quelles mesures nous permettraient d'améliorer notre propre capacité d'intervention.
Troisièmement, j'aimerais que vous commentiez la Résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, que vous nous disiez ce que vous en pensez, et de l'opportunité de l'opérationnaliser au niveau national, en tant que moyen de répondre à la réalité que nous observons sur le terrain, à savoir que les femmes et les enfants sont de plus en plus les victimes de la guerre et les récipiendaires de l'aide fournie. À votre avis, serait-il possible de consacrer davantage de ressources au niveau national aux efforts déployés relativement aux femmes, à la paix et à la sécurité?
Je vais m'arrêter là.
¿ (0910)
Le président: Souhaitez-vous qu'on vous réponde?
Mme Alexa McDonough: Oui, absolument.
Mme Carol Bellamy: À mon avis, le multilatéralisme et le bilatéralisme ont chacun leur place. Pour ma part, je crois en les Nations Unies. Je serais la dernière à vous dire que l'ONU est parfaite que tout marche parfaitement bien. C'est faux. De temps en temps, nous faisons des erreurs.
Si vous pensez non seulement à ce qui s'est fait en réponse au tsunami, mais les activités qui se déroulent dans d'autres régions du monde en ce moment, vous comprendrez que, dans presque dans tous les pays où il existe une situation d'urgence d'un type ou d'un autre, il est fort probable qu'une composante de la famille des organismes des Nations Unies, et notamment la composante humanitaire—pas toujours la composante chargée des opérations de maintien de la paix—est présente. Je ne vais pas vous faire toute la liste, mais qu'on parle du Programme alimentaire mondial, de l'Organisation mondiale de la santé, de l'Organisme chargé des réfugiés ou de l'UNICEF. Encore une fois, il y a des anicroches par moment. Mais les gens oublient des fois que c'est ça la réalité. Ils pensent que l'ONU est quelque chose de très solide. Mais le fait est que son efficacité et ses capacités dépendent de la volonté de ses États membres. Si ces derniers veulent que ça marche, ça marchera, et s'ils ne veulent pas que ça marche, ça ne marchera pas.
Le multilatéralisme comprend plusieurs composantes. Pour moi, le multilatéralisme n'est pas approprié dans tous les cas. Dans certains cas, par exemple, pour être à même de faire valoir leurs arguments auprès de leurs contribuables ou d'autres intervenants, les gouvernements nationaux doivent absolument être visibles quelque part.
Ceci dit, il y a à mon avis un bon équilibre. Mais je ne dirais pas que c'est un équilibre absolument parfait. Il faut faire pression sur les Nations Unies et sur les organismes des Nations Unies. Si vous parlez d'efficacité et d'une capacité d'action, on peut à mon sens avancer de solides arguments en faveur du multilatéralisme, non pas à l'exclusion du bilatéralisme, mais il reste que l'action multilatérale joue un rôle très important dans les initiatives humanitaires et de développement.
S'agissant des modèles d'intervention, il faut, premièrement, envisager des situations un peu différentes, si on parle de catastrophes naturelles ou de situations d'urgence complexes. À mon avis, dans le contexte d'une catastrophe naturelle, un bon modèle d'intervention doit comprendre à la fois des mesures de secours et une bonne capacité militaire. Lorsqu'une situation d'urgence est complexe, le fait que la ligne de démarcation entre les efforts humanitaires et l'action militaire ne soit pas bien définie commence à poser gravement problème. C'est le genre de modèle qui prévoit une plus grande prudence. Il y a toutes sortes d'activités à impact rapide pour lesquelles on peut recourir aux forces armées, mais la situation devient très confuse vu la présence des organismes humanitaires, si bien que la capacité humanitaire à long terme est menacée.
On met donc davantage l'accent sur la protection civile. Spontanément, je ne sais pas qui je pourrais vous recommander, mais je sais que d'autres discussions sont en cours. Je suis sûre que la récente réunion tenue à Kobe, au Japon sur la protection civile, et notamment face aux catastrophes naturelles, serait une excellente source d'information. Nous serions très heureux de vous fournir des renseignements, par nécessairement ceux de l'UNICEF. À mon avis, il existe maintenant de bonnes données sur divers modèles qui se sont révélées efficaces et auxquelles on pourrait recourir éventuellement. Voilà les meilleures sources, à mon avis, parce qu'il s'agit du plus récent rassemblement des acteurs qui sont les plus activement concernés par l'intervention d'urgence.
En ce qui a trait aux femmes, à la paix et à la sécurité, la seule question qui suscite plus de discussion mais encore moins d'action concrète que les enfants est celle des femmes. Je le redis, mais je n'ai pas peur de le redire. Il ne fait aucun doute que la majorité des personnes touchées par l'instabilité, notamment causée par les conflits, sont des femmes et des enfants qui ne sont pas que des victimes. Si vous faites un tour dans les camps de réfugiés, il est fort probable que vous y trouviez des femmes et des enfants. Très souvent les hommes s'occupent des animaux ou sont à la guerre, selon le cas. Le plus souvent, ce sont les femmes qui s'occupent de l'essentiel. Elles ont trouvé le moyen de garder tout le monde en vie. Nous pouvons leur venir en aide dans ce genre de situations.
Quant à la résolution et les mesures à prendre pour y donner suite, on les voit comme des victimes, mais on les voit rarement comme étant au moins des parties prenantes dans la résolution. Et je ne laisse pas entendre qu'elles devraient être les seules parties prenantes.
¿ (0915)
À mon avis, le dossier des femmes, de la paix et de la sécurité est critique, mais il n'a pas encore bien pris racine. Il arrive très rarement, quand il est question de règlement de conflit, qu'on fasse participer au moins un certain nombre de femmes qui devraient être parties prenantes. À mon avis, ce qu'il faut, c'est qu'on s'y attarde davantage, pas qu'on fasse plus de discours, qu'on adopte plus de résolutions, ou qu'on fasse preuve de plus de patriotisme. C'est une dossier qui mérite qu'on s'y attarde, car à mon avis, il pourrait nous permettre de progresser plus rapidement vers la remise en état des zones touchées et la reprise d'activités normales. C'est quelque chose qui est trop souvent négligé pour le moment.
Le président: Merci, madame Bellamy.
Nous passons maintenant à Mme Stronach.
Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC): Je voudrais commencer par vous rendre hommage pour votre contribution et vous dire à quel point je respecte ce que vous avez fait. C'est votre passion qui a été et continue d'être la force motrice de l'UNICEF. Je voulais simplement vous dire à quel point j'admire ce que vous faites.
Notre gouvernement procède actuellement à l'examen de ses politiques internationales par rapport au rôle du Canada sur la scène mondiale et ce en quoi doit consister notre politique étrangère. Quel rôle notre pays devrait-il chercher à jouer pour vraiment faire évoluer la situation en ce qui concerne l'atténuation de la pauvreté chez les enfants du monde?
Et pourriez-vous aussi me mettre au courant de l'état actuel de la situation en ce qui concerne la Convention sur les droits de l'enfant?
Mme Carol Bellamy: Quand je suis entrée à l'UNICEF, je me souviens encore de la première réunion du conseil d'administration à laquelle j'ai assisté, et d'avoir vu les représentants canadiens à la première rangée, là où il y a la lettre « C ». Ils étaient membres du conseil. Chaque fois qu'ils intervenaient dans le débat, je me disais—et je m'en excuse d'avance, mais sachez qu'à l'époque, j'étais une Américaine ignorante, mal informée et mal éduquée—mon Dieu, mais ils ont parfaitement raison; c'est tout à fait sensé et logique. Et je n'ai jamais changé d'avis.
Le Canada joue un rôle très important à tant d'égards; sa participation prend tellement de formes différentes. On peut difficilement trouver une initiative liée au développement ou une initiative mondiale positive à laquelle le Canada ne participe pas. Mais c'est peut-être là un élément du problème.
Il ne m'appartient pas de vous dire quelles doivent être les priorités du Canada. C'est aux Canadiens de faire cette évaluation. Mais peut-être faut-il justement se concentrer sur quelques priorités. Cela ne veut pas dire que ce que vous avez fait dans tous ces domaines n'est pas positif. Mais il faudrait peut-être simplement que vous déterminiez…
Je sais que votre politique sur le développement sera bientôt diffusée. On peut supposer qu'elle est déjà chez l'imprimeur et qu'il est donc trop tard pour y changer quoi que ce soit. Mais sérieusement, il ne s'agit pas nécessairement de dire que telle série de questions ne nous intéresse plus, mais plutôt de décider qu'un plus petit nombre de questions sont davantage prioritaires et que l'apport canadien devrait devenir à ce point important que le Canada pourrait vraiment définir les grandes priorités—ou aider à les définir. Aucun État membre ne définit à lui seul les priorités.
Je m'excuse de ne pas pouvoir être plus précise, mais voilà les conseils que je peux vous donner à ce sujet pour le moment.
Étant la représentante de l'UNICEF, je ne pourrais pas ne pas proposer que les enfants constituent une composante clé du programme canadien, mais je vous rappelle aussi ce que j'ai dit tout à l'heure concernant la situation démographique du monde d'aujourd'hui. S'agissant de développement et des pays en développement, on ne peut éviter de constater que la population de jeunes et d'enfants a pris énormément d'expansion. On a le choix, me semble-t-il, de décider d'investir dans ce domaine ou encore de le négliger et d'assister peut-être à une détérioration de la situation.
Voilà donc ce que je conseille au Canada. Je suis évidemment la dernière à dire au Canada ce qu'il devrait faire, mais ce sont là mes conseils.
En ce qui a trait à la Convention sur les droits de l'enfant, les résultats sont assez variables. Il ne fait aucun doute que cette dernière commence à faire de l'effet. Elle a influencé les politiques. Cependant, il ne fait aucun doute, étant donné qu'il s'agit du traité international le plus largement ratifié du monde, qui a pour effet de transformer des actes à caractère charitable en véritables obligations—car les gouvernements et les chefs d'État ont l'obligation d'y donner suite; ce n'est pas simplement par simple bonté qu'ils le font—elle a encore eu trop peu d'impact, surtout qu'elle est en vigueur dans la grande majorité des pays du monde depuis près de 15 ans. Elle commence à prendre racine. Elle donne aux défenseurs…et les défenseurs peuvent être de tout type—le ministre de la Santé qui défend certaines mesures auprès du ministre des Finances, ou d'intervenants de la société civile.
Je dirais aussi que le Comité des droits de l'enfant est l'un des organes les plus efficaces à avoir été établi par suite de la conclusion d'un traité. Il ne s'est pas politisé comme d'autres organes de même nature, et en fait, il fait un assez bon travail, à mon avis. Par conséquent, les rapports du comité, bien qu'ils soient malheureusement retardés, sont examinés avec sérieux.
¿ (0920)
Le président: Là on va vous poser une question sans préambule. Allez-y, monsieur Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): J'ai l'impression qu'il y a maintenant une multiplication d'organismes qui travaillent dans le domaine de la coopération internationale, en particulier avec les enfants, et qu'ils se font parfois concurrence.
Comment l'UNICEF arrive-t-elle à jouer un rôle de coordination dans cette multiplication d'organismes qui cherchent à recueillir des fonds et à agir sur le terrain pour améliorer la condition des enfants?
[Traduction]
Mme Carol Bellamy: À certains égards, il y a effectivement une multiplication d'organismes. Regardons ce qui s'est passé après le tsunami. Je viens d'examiner certaines statistiques sur la situation à Aceh. Aucun de nos organismes n'y assurait une grande présence auparavant, étant donné que nous n'avions pas le droit de le faire. L'UNICEF n'avait que deux employés ressortissants à Aceh avant cela, alors que nous étions très présents en Indonésie.
Pour vous donner une idée du nombre d'organisations non gouvernementales qui prenaient part aux mesures de secours à Aceh après le tsunami, voici les chiffres en bref : pour l'alimentation, il y avait 23 organisations différentes; pour les soins de santé, 30; pour l'éducation, 16; pour l'eau et les services d'hygiène publique, 20; la protection, 10; etc., etc.
Ceci dit, la coordination est-elle parfaite? Non. Mais je dirais que la coordination s'est beaucoup améliorée ces dernières années. Dans le cas du tsunami, certains arrivaient de façon tout à fait inattendue, sans avertissement, et même s'ils étaient très bien intentionnés, ils n'apportaient pas toujours les capacités requises. Par contre, parmi les organisations non gouvernementales clés, qui sont relativement bien connues—OXFAM, Save the Children, la Croix-Rouge, etc.—les efforts sont à présent mieux coordonnés.
À cause de ce qui est arrivé récemment, que ce soit en Afghanistan, en Iraq, au Libéria, en Haïti ou la situation d'urgence causée par le tsunami, dans l'ensemble, comme l'ONU entretient généralement certains rapports avec le gouvernement concerné, les organismes des Nations Unies ont été désignés coordonnateurs sectoraux principaux—non pas coordonnateurs de tout, mais coordonnateurs sectoraux principaux. Par exemple, dans le cadre des opérations de secours menées par suite du tsunami, c'est le Programme alimentaire mondial qui était chargé de coordonner les efforts liés à l'alimentation; de même, l'Organisation mondiale de la santé était chargée de coordonner les opérations de secours liées à la santé, et c'est nous qui devions coordonner tout ce qui touchait l'eau et l'hygiène, l'éducation et la protection. Cela veut dire essentiellement que c'est nous qui convoquions les réunions d'un groupe de travail chargé d'examiner toutes ces questions, en vue de savoir qui faisait quoi et où se trouvaient les lacunes par rapport aux activités des unes et des autres.
La situation a été loin d'être parfaite, mais face à ce genre d'urgence, la situation n'est jamais parfaite. Par contre, je n'ai aucune réticence à vous affirmer qu'il y a eu de très grandes améliorations ces dernières années en ce qui concerne la coordination des activités et notre capacité d'interaction. Mais il faut continuer d'insister là-dessus. Nous devons encore mieux faire, même s'il est vrai qu'il y a eu une grande amélioration.
Le président: M. Sorenson a une question à vous poser, et moi, aussi. Nous allons entendre les deux questions en même temps, après quoi nous allons clore cette partie de la réunion.
Monsieur Sorenson.
¿ (0925)
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci, madame Bellamy, de votre présence aujourd'hui.
La plupart d'entre nous commençons très tôt à connaître l'UNICEF, grâce aux petites boîtes en carton que les enfants emportent avec eux pour l'Halloween. L'an dernier à l'Halloween, ma fille et mon fils sont sortis et ont réuni de l'argent pour l'UNICEF. Quand ils sont revenus à la fin de la soirée, il restait encore de la place dans la petite boîte, alors ils ont puisé dans le petit bocal de ma commode où je mets des pièces pour essayer de la remplir. Donc, je tiens à vous dire que nous apprécions beaucoup le travail effectué par l'UNICEF.
J'ai acheté le journal ce matin. J'y voyais ceci : « Les conclusions du Comité d'examen de la formule “ Pétrole contre nourriture ” accablent l'ONU ». Dans l'article, on disait que tous les programmes des Nations Unies font à présent l'objet d'un examen minutieux, ce qui va peut-être influencer la façon d'administrer les programmes. Peut-être pourriez-vous nous dire comment l'UNICEF sera touchée si ses programmes font l'objet d'un examen plus approfondi.
De plus, quand il s'agit de nations extrêmement nécessiteuses—comme Haïti, et peut-être d'autres encore—qui sont visées par des sanctions imposées par l'ONU, en quoi est-ce que cela influence la capacité de l'UNICEF d'aller sur place pour fournir l'aide que requièrent les habitants, et notamment les enfants?
Mme Carol Bellamy: La formule « Pétrole contre nourriture » a déjà, et continuera d'avoir, un impact sur les Nations Unies. Je ne peux pas vous dire avec précision quelle sera la nature de cet impact, mais je sais qu'elle aura des répercussions, ne serait-ce que pour la mauvaise publicité que cela suppose, premièrement, mais aussi dans le sens qu'elle nous permettra de repérer les problèmes, parce qu'il y a déjà eu et il y a encore un certain nombre de problèmes. Je suis fière de l'UNICEF, mais cela ne veut pas dire que nous n'avons pas connu des problèmes par le passé.
Cela vous semblera peut-être un peu ennuyeux, mais j'ai également travaillé dans le domaine financier à une époque antérieure, et je suis fière de pouvoir affirmer que depuis 10 ans, l'évaluation de nos vérificateurs externes a toujours été positive. En ce qui nous concerne, je pense que tout va à peu près bien, mais il reste que si vous êtes dans un bateau et que l'on découvre une fuite à l'autre bout, peu importe, puisque vous êtes tous dans le même bateau. De même, la formule « Pétrole contre nourriture » aura des répercussions pour nous tous aux Nations Unies.
Ceci dit, en tant que représentante d'un organisme des Nations Unies qui était et continue d'être présent en Iraq, je devrais vous signaler que nos employés qui en sont ressortissants se trouvent encore en Iraq et continuent à y mener des activités, alors que nos employés internationaux ne sont pas en Iraq puisqu'ils ne peuvent pas y aller, de sorte qu'ils continuent à faire ce qu'ils ont à faire à partir d'Amman. En réalité, nous continuons à accorder la priorité aux secteurs qui ont été prioritaires pour nous par le passé, à savoir l'eau, l'hygiène, l'éducation, et la santé. Nous y menons toujours diverses activités, y compris l'approvisionnement en vaccins.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les membres de la Commission Volcker; en fait, tous les organismes des Nations Unies ont travaillé de très près avec eux. Jusqu'à présent, nous avons tous examiné le premier rapport de la Commission Volcker sans avoir repéré de graves problèmes en ce qui concerne les organismes qui effectuent le travail humanitaire sur le terrain. Mais les rapports définitifs ne sont pas encore prêts.
J'ai examiné tout ce qu'on a l'UNICEF, et nous avons de très bons documents. Je ne crains pas qu'on découvre des problèmes particuliers en ce qui concerne l'UNICEF, mais je crains néanmoins les éventuelles répercussions de la formule « Pétrole contre nourriture » pour l'ONU, malheureusement, et il est évident qu'elle risque d'avoir également des répercussions pour ceux d'entre nous qui devons faire la collecte de fonds. Mais il est encore trop tôt pour savoir ce qui va se passer.
Je suis prête à continuer à raconter l'histoire de l'UNICEF—non pas uniquement l'histoire de l'UNICEF, mais celles d'autres acteurs, parce qu'en fin de compte, grâce au travail de la Commission Volcker et d'autres, il sera démontré que nous—pas simplement l'UNICEF, mais ceux d'entre nous qui sommes rattachés aux organismes qui assurent une présence sur le terrain—aurons accompli notre travail de manière relativement efficace et non problématique. Mais cette évaluation reste encore à faire, et j'attends de la recevoir.
En ce qui concerne les pays qui sont gravement dans le besoin, et les sanctions, il y a des problèmes, notamment dans les pays touchés par un conflit. Par exemple, l'un des plus graves problèmes que nous connaissons relativement à nos campagnes d'immunisation concerne la possibilité que les gens puissent aller au-delà des lignes des forces en présence dans les pays touchés par la guerre. Au Darfour en ce moment, où il y a une nouvelle flambée de poliomyélite—et à ce sujet, je tiens à remercier le Canada qui nous a aidés en contribuant au financement de programmes d'immunisation et de vaccination antipoliomyélitiques—nous ne sommes pas en mesure d'aller dans certaines zones, alors pour répondre à votre question sur les pays dont la situation est extrêmement grave, je peux vous dire que l'un des problèmes que nous connaissons actuellement est celui de l'accès.
Le deuxième problème est lié à la faiblesse du gouvernement au pouvoir; il est presque dysfonctionnel. L'une des caractéristiques uniques de la situation que nous avons connue lors du tsunami, c'est que tous les gouvernements concernés étaient fonctionnels—à des degrés variables, mais fonctionnels quand même.
Troisièmement, même si l'imposition de sanctions ne relève pas de notre responsabilité, nous insistons toujours, lorsqu'il est question de sanctions, qu'on tienne compte de leurs éventuelles conséquences pour les mesures d'intervention humanitaire. Plutôt qu'une masse, pourquoi ne pas opter plutôt pour un scalpel quand il s'agit de définir les sanctions? Autrement dit, si la solution retenue est celle des sanctions, il faut envisager des sanctions mieux ciblées.
¿ (0930)
[Français]
Le président: Merci beaucoup, madame Bellamy, d'être venue nous rencontrer ce matin.
[Traduction]
Nous avons été ravis de vous recevoir.
Nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant deux ou trois minutes avant d'accueillir le ministre.
¿ (0930)
¿ (0933)
Le président: Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous examinons le rôle du Canada dans la promotion de la paix et de la sécurité dans les régions touchées par le tsunami en Asie et la capacité du Canada à intervenir en cas de catastrophes humanitaires internationales.
[Français]
Comparaît devant nous ce matin l'honorable Pierre Pettigrew, ministre des Affaires étrangères. Il est accompagné de M. Peter Harder, sous-ministre; de M. James Fox, directeur général à la Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est; de M. Serge Paquette, directeur par intérim des Services d'urgence; ainsi que de Mme Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale à la Direction générale des enjeux mondiaux.
Soyez les bienvenus.
Monsieur le ministre, je crois que vous avez d'abord une allocution à faire.
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre des Affaires étrangères): Merci infiniment, monsieur le président. Je suis ravi de me trouver aujourd'hui devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international pour partager mon évaluation de la capacité du Canada de réagir à des crises humanitaires comme celle provoquée par le tsunami dans l'océan Indien. À mes côté se trouvent M. Peter Harder, sous-ministre des Affaires étrangères, qui a dirigé le Groupe de travail interministériel sur le tsunami; M. James Fox, coordonnateur au sein de ce même groupe pour la reconstruction postérieure au tsunami; M. Serge Paquette, directeur par intérim des Services d'urgence et membre du Groupe de travail consulaire sur le tsunami; Mme Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale à la Direction générale des enjeux mondiaux. Mme Vidricaire a dirigé l'équipe de reconnaissance canadienne envoyée au Sri Lanka et en Indonésie dans les jours qui ont suivi le tsunami. Son équipe est chargée de coordonner la réponse du gouvernement à la crise, y compris l'aide humanitaire en coopération avec les autres ministères.
À la réunion des dirigeants tenue le 6 janvier 2005 à Jakarta en Indonésie, j'ai dit que si nous vivons dans un monde de plus en plus interconnecté, nous avons rarement été témoins d'un événement ayant démontré cette réalité de façon plus frappante que celui qui s'est produit le 26 décembre 2004. Le nombre de pays touchés, les innombrables manifestations de solidarité internationale, la rapidité avec laquelle s'est organisée l'intervention humanitaire mondiale face à la catastrophe, ainsi que l'engagement pris à l'égard de la reconstruction en ont bien témoigné.
Le gouvernement et la population du Canada ont apporté une contribution essentielle à l'effort mondial déployé afin de répondre aux besoins des personnes touchées par cette tragédie. Maintenant que la phase d'urgence est terminée et qu'on a répondu dans l'ensemble aux besoins humanitaires immédiats dans tous les secteurs, la transition vers un relèvement rapide est en cours.
La réponse du gouvernement du Canada, qui a oeuvré en collaboration avec les provinces et territoires ainsi qu'avec les organisations internationales et non gouvernementales, a été concertée, souple et novatrice. Elle a témoigné des valeurs exemplaires de la fonction publique, 14 ministères s'étant employés à répondre activement aux besoins des Canadiens touchés par la catastrophe et des personnes ayant besoin d'une aide humanitaire d'urgence. Il s'agissait d'une réponse véritablement pangouvernementale.
Nos efforts ont été opportuns, axés sur les besoins, bienveillants et judicieux. La réponse canadienne correspond au rôle que les Canadiens comptaient voir le gouvernement jouer, ainsi qu'à la place qu'occupe le Canada dans le monde.
Plusieurs facteurs ont contribué à ce résultat: les mécanismes efficaces de coordination des interventions en cas de catastrophe dont disposait déjà le gouvernement du Canada, y compris les procédures de fonctionnement normalisées relatives aux catastrophes naturelles survenant à l'étranger; les agents consulaires expérimentés au Canada et à l'étranger, ainsi que les structures d'intervention consulaire en cas d'urgence; les solides partenariats établis avec des acteurs humanitaires internationaux et non gouvernementaux au Canada et dans les pays touchés et la connaissance des meilleures pratiques mondiales en matière d'intervention face aux urgences humanitaires; enfin, les réseaux établis avec d'autres gouvernements donateurs et contacts diplomatiques.
¿ (0935)
[Traduction]
Le 26 décembre, à 00 h 25—quatre heure à peine après le premier séisme ayant frappé l'Indonésie—Affaires étrangères Canada avait procédé à une analyse préliminaire et diffusé le premier de ses rapports de situation, lesquels ont été publiés quotidiennement par la suite. Dans les 12 heures qui ont suivi, soit dans la matinée du 26 décembre, le groupe de travail interministériel chargé de coordonner la réponse du gouvernement s'est réuni. Simultanément, des agents de diverses ambassades du Canada et d'Ottawa ont été déployés vers les régions touchées pour répondre aux besoins consulaires canadiens et venir en aide aux populations locales.
Une cellule de crise a été créée au centre des opérations du ministère des Affaires étrangères. Des centaines de bénévoles du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en ont assuré le fonctionnement jour et nuit, du 26 décembre au 31 janvier. La cellule a reçu près de 100 000 appels, qui ont donné lieu à l'ouverture de 4 000 dossiers. Pour vous donner un point de comparaison, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, le ministère avait traité quelque 36 000 appels de Canadiens inquiets. La plupart des Canadiens touchés par le tsunami se trouvaient à Phuket, en Thaïlande, où un bureau satellite de l'ambassade a été mis sur pied. Dans les jours qui ont suivi, des experts canadiens en médecine légale et en santé publique ont été détachés sur les lieux, où ils sont restés pour veiller à ce que le Canada puisse identifier et rapatrier ses ressortissants.
Le 26 décembre, soit 14 heures après le premier séisme, le Canada a annoncé qu'il accordait une contribution de 1 million de dollars canadiens à la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. À ce stade, il s'agissait du seul appel international d'aide qui avait été lancé; la contribution du Canada représentait plus de 10 p. 100 du montant sollicité. Ces fonds ont permis à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge d'amorcer l'évaluation des besoins et de déterminer les étapes suivantes. Dans les 24 heures qui ont suivi, lorsque les besoins se sont précisés, la contribution du Canada a été majorée de 3 millions de dollars supplémentaires, et les fournitures de secours de l'ACDI entreposées à Belleville ont été mises en attente de déploiement. Dans les 72 heures qui ont suivi la catastrophe, soit le 28 décembre, le Canada a envoyé le premier de cinq avions chargés de fournitures d'aide humanitaire destinées à l'ONU et au mouvement de la Croix-Rouge—deux sont allés au Sri Lanka, deux en Indonésie et un aux Maldives. Grâce à des arrangements conclus antérieurement avec des partenaires internationaux, les marchandises canadiennes ont pu être envoyées et distribuées immédiatement là où il fallait. L'ACDI a également établi une ligne téléphonique sans frais pour permettre aux Canadiens, et notamment aux entreprises privées, de se renseigner et d'offrir une assistance technique et autres.
Pendant les premiers jours, le gouvernement a réévalué et ajusté son intervention humanitaire au fur et à mesure que les besoins se précisaient. Le gouvernement est resté en étroite liaison avec les autres donateurs, et le Canada faisait partie du groupe de pays mis sur pied par les États-Unis pour appuyer les efforts des Nations Unies.
Le 30 décembre, soit 110 heures après la catastrophe, le gouvernement a envoyé une équipe pluridisciplinaire du ministère des Affaires étrangères au Sri Lanka et en Indonésie pour évaluer les besoins. Cette équipe a étudiée la possibilité que le Canada apporte une assistance humanitaire et une aide au relèvement supplémentaires, y compris l'éventuel déploiement de la DART. L'équipe a rencontré les représentants d'organismes de l'ONU, d'ONG et du gouvernement du Sri Lanka. À la demande de celui-ci, le gouvernement a accepté de déployer la DART dans la région d'Ampara, au Sri Lanka. Depuis son déploiement, le 6 janvier, la DART a traité 6 165 patients et exploité trois unités de purification de l'eau par osmose inverse qui ont permis de fournir plus de 2,7 milliers de litres d'eau potable à la population locale.
La contribution totale apportée par le Canada à l'effort de secours représente maintenant 425 millions de dollars canadiens, ce qui le place au septième rang des donateurs bilatéraux. Avec une contribution par habitant de 10,67 $ US, le Canada se classe au dixième rang, devant tous les autres pays du G-8. Les dons consentis par la population canadienne aux organismes caritatifs s'établissement actuellement à 199,3 millions de dollars canadiens. De toute évidence, le programme de fonds de contrepartie et de déduction fiscale, applicable en 2004, des dons faits jusqu'au 11 janvier 2005 est un autre élément qui a stimulé les dons la population. Les provinces et les territoires ont accordé à des ONG canadiennes quelque 19,65 millions de dollars canadiens; les municipalités, 605 000 $ canadiens; et le secteur privé et les syndicats, 11,4 millions de dollars canadiens. Le 30 décembre 2004, le Canada a offert d'appliquer un moratoire sur la dette des pays touchés par le tsunami.
¿ (0940)
Le Canada a pris les devants en participant à plusieurs rencontres internationales de haut niveau consacrées à la réponse au tsunami, dont la conférence des donateurs à Jakarta à laquelle j'ai assisté avec ma collègue, la ministre de la Coopération internationale. À cette occasion, je me suis également rendu en Thaïlande pour y rencontre l'équipe canadienne à Phuket, ainsi que des Canadiens touchés par la catastrophe. Le premier ministre s'est rendu dans certains pays sinistrés, comme l'ont fait la ministre de la Coopération internationale et le ministre de la Santé.
Nous nous sommes efforcés en outre de tenir les Canadiens bien informés de l'évolution de la situation grâce à des points de presse, des sites Web et des trousses à l'intention des parlementaires. Les Canadiens peuvent consulter un site Web du gouvernement du Canada qui donne des informations à jour sur tous les aspects de la réponse du gouvernement à la crise provoquée par le tsunami. Le site compte des renseignements sur les initiatives menées par le gouvernement pour l'aide humanitaire, le relèvement et la reconstruction dans les zones sinistrées.
Tandis que nous envisageons les efforts de reconstruction, mon ministère travaille en étroite coopération avec l'ACDI et avec d'autres pays pour déterminer comment nous pouvons saisir l'occasion offerte par le tsunami pour favoriser la consolidation de la paix en Indonésie et au Sri Lanka.
Le défi immédiat auquel est confrontée la communauté internationale au Sri Lanka consiste à faire en sorte que les fonds destinés à la reconstruction soient acheminés et utilisés de manière à soutenir un cessez-le-feu déjà précaire—ou du moins sans lui nuire. Cela nécessitera une coordination attentive de l'exécution des engagements internationaux, et le Canada a déjà pris les devants à cet égard. Un groupe des donateurs bilatéraux, présidé par le Canada, a été mis sur pied au Sri Lanka pour coordonner et rationaliser l'acheminement de l'aide. Le Canada a également été invité à siéger au comité directeur pour superviser l'acheminement de l'aide multilatérale au Sri Lanka par l'entremise des diverses institutions financières internationales.
En ayant une place prépondérante au sein de ces deux organes, le Canada peut jouer un rôle important pour ce qui est d'aider les adversaires à élaborer un mécanisme conjoint permettant de gérer le décaissement des fonds internationaux destinés à la reconstruction. Le cas échéant, un tel mécanisme pourrait représenter une importante mesure de confiance entre les parties.
¿ (0945)
[Français]
En occupant une position d'influence dans ces deux organes clés, le Canada restera bien placé pour continuer de surveiller la distribution équitable de l'aide internationale, particulièrement dans les zones de conflit au Sri Lanka. Cela s'ajoutera aux efforts de surveillance indépendants que nous comptons poursuivre grâce aux équipes d'agents canadiens qui sont périodiquement détachées du haut-commissariat à Colombo vers les régions de l'île touchées par le tsunami.
En Indonésie, le tsunami a brusquement mis fin à l'isolement forcé de la province d'Aceh. Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, la mission de reconnaissance spéciale pluridisciplinaire du Canada à Aceh a élaboré des options d'aide à court et à moyen terme. L'ambassade du Canada a mis sur pied un bureau à Medan immédiatement après la catastrophe, pour faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. Ce bureau a fourni des services à des ressortissants canadiens et a assuré la liaison avec les autorités locales, les organisations internationales et non gouvernementales et les autres donateurs. Faisant fond sur cette effort, le 28 janvier, l'ambassade du Canada a mis sur pied un bureau temporaire à Banda Aceh, faisant du Canada le premier pays à établir une telle présence. Ce bureau facilitera la liaison et la coordination des efforts canadiens avec tous les acteurs pertinents, appuiera nos efforts de reconstruction et fournira des rapports à jour. Cette présence établie à l'épicentre de la catastrophe renforcera considérablement les efforts canadiens visant à définir des stratégies pertinentes d'atténuation du conflit.
Le Canada, en collaboration avec d'autres partenaires internationaux, cherchera à faire en sorte que son intervention favorise le règlement du conflit, sans l'exacerber, et contribue à préserver un accès sûr sans entrave pour les travailleurs humanitaires. Des responsables canadiens étudient actuellement la meilleure façon d'atteindre cet objectif grâce à l'aide et à l'engagement diplomatique du Canada.
Il ne fait aucun doute que le climat politique au Sri Lanka et en Indonésie est complexe. Le Canada et ses autres partenaires internationaux, dont les ONG, sont très conscients des défis que présente la reconstruction. Cependant, la communauté internationale doit répondre à la question clé de savoir si cette catastrophe naturelle peut lui offrir la possibilité de faciliter les conditions nécessaires aux processus de paix. Le Canada fera sa part pour que l'on réponde à cette question.
En tant que ministre des Affaires étrangères, j'ai eu l'occasion, ces six dernières semaines, de m'entretenir avec mes homologues de partout dans le monde. Tous sont impressionnés par la capacité du Canada de réagir rapidement et de façon appropriée, avec une immense générosité et par l'entremise de voies efficaces, afin d'optimiser les retombées de nos contributions et de nos efforts.
Je vous remercie beaucoup de votre attention. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je veux simplement dire à mes collègues que nous avons 40 minutes devant nous pour poser des questions au ministre. Dix minutes seront accordées à chacun des partis. Si vous voulez partager votre temps avec un collègue, vous êtes les bienvenus.
[Traduction]
Notre premier intervenant sera M. Menzies. Il compte partager son temps de parole avec M. Day.
Monsieur Menzies, vous avez la parole.
M. Ted Menzies: Merci. J'ai plusieurs questions à poser, mais j'aimerais bien donner l'occasion à M. Day, vers la fin de mes 10 minutes, de poser au moins une question…
¿ (0950)
Le président: Si vous permettez, pas à la fin.
M. Ted Menzies: Avant la fin de mes 10 minutes. Je vais être très bref, parce qu'il importe à mon avis que nous ayons des réponses à nos questions.
Merci, monsieur le ministre, de votre présence aujourd'hui.
J'aimerais que vous me donniez la ventilation par habitant de cette somme de 425 millions de dollars. D'après mon analyse, comme c'est sur cinq ans, cela représente 2,65 $ pour chaque Canadien chaque année. Corrigez-moi si je me trompe. J'aimerais savoir comment on doit faire cette analyse.
L'hon. Pierre Pettigrew: Cela me semble juste.
[Français]
Le président: Veuillez lui permettre de poser toutes ses questions et y répondre ensuite, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Ted Menzies: Nous avons entendu dire qu'on a passé la commande pour les Antonov, qui peuvent transporter des charges lourdes comme la DART, le lendemain du tsunami. Qui les a annulés, et combien cela nous a-t-il coûté d'annuler ces avions et de repasser la commande plus tard?
Qui a décidé quels groupes devaient recevoir des fonds de contrepartie? Pourquoi les municipalités n'ont-elles pas été incluses? Il y a plusieurs autres organismes qui n'ont pas été inclus non plus. Jeudi soir, j'assisterai à un concert de collecte de fonds relatif à l'effort de secours dans ma ville natale. Là il n'y aura pas de financement de contrepartie. Comment les décisions à ce sujet ont-elles été prises?
J'ai une autre petite question. Bien que les ONG aient réuni 200 millions de dollars, sur le site Web de l'ACDI on dit que le montant exact disponible pour la reconstruction ne sera établi qu'après que toutes les propositions émanant de partenaires admissibles auront été examinées. Y a-t-il une seconde procédure d'examen relativement à ces subventions de contrepartie?
Je vous invite donc à répondre à ces questions.
Le président: Nous allons entendre la réponse, et ensuite ce sera à M. Day. Pas de problème.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Très bien. Je sais qu'il me gardera un peu de temps pour poser une toute petite question.
Le président: On va vous garder un peu de temps. Je vais revérifier tout cela; ne vous en faites pas.
L'hon. Pierre Pettigrew: J'ai écouté vos calculs, et il est vrai que cela correspond à une façon parmi d'autres de voir la chose, mais je précise que les 425 millions de dollars ne sont pas répartis équitablement sur les cinq prochaines années. Donc, par rapport aux 2 dollars et quelque que vous avez mentionnés, le fait est que le montant pourrait varier selon l'année; pendant les premières années, le montant sera plus élevé mais il baissera progressivement.
Je n'ai jamais entendu dire qu'on aurait réservé et ensuite annulé les Antonov. C'est une question qu'il faut poser aux responsables du MDN. Je vous répondrai quand j'aurai eu l'occasion d'en discuter avec mon collègue du MDN.
Je tiens à féliciter et à remercier Marie Gervais-Vidricaire de l'excellent travail qu'elle a accompli, à mon avis, en exécutant sa mission dans la région, dans le cadre de laquelle elle a déterminé que c'est à Ampara qu'il fallait envoyer la DART. Évidemment, en tant que ministre des Affaires étrangères, au-delà des importants besoins humanitaires dans la région, je trouvais que c'était formidable que notre équipe d'intervention en cas de catastrophe s'établisse à Ampara, où un tiers de la population est tamoule. Je trouvais que cette mission avait atteint ses objectifs et qu'il avait bien valu la peine de prendre le temps de faire cette évaluation.
Quant aux fonds de contrepartie, ils ne visaient que les particuliers. Nous avons décidé que les provinces et les municipalités pourraient faire des dons, mais que le gouvernement du Canada ne verserait des fonds de contrepartie que pour les particuliers. C'est un choix que nous avons fait, et ce choix me semble tout à fait compréhensible.
J'ai manqué votre dernière question sur les ONG. Monsieur Fox va vous répondre à ce sujet.
M. James Fox (directeur général, Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est, ministère des Affaires étrangères): Pour avoir des détails à ce sujet, il serait peut-être préférable de poser la question à la ministre responsable du Développement international. Mais de façon générale, les groupes concernés doivent normalement soumettre des projets particuliers et ces projets doivent être jugés appropriés avant que les groupes en question puissent avoir accès aux crédits. Donc, il y a une procédure en bonne et due forme pour examiner les différentes propositions de projets.
Le président: Monsieur Day.
M. Stockwell Day: Juste avant votre exposé, monsieur le ministre, nous avons eu l'exposé d'une représentante de l'UNICEF. Il s'agit de l'un des groupes qui font des progrès dans la région, tout en se heurtant à certaines difficultés, notamment par rapport aux TLET, les Tigres de libération de l'Élam tamoule. Un projet de réinsertion est en cours, lequel vise à extraire les enfants des rangs des terroristes tamouls des TLET pour les réintégrer dans la société. Le problème, c'est qu'en même temps les TLET continuent à recruter et à enlever des enfants, sans doute à un rythme plus intense que celui auquel les enfants sont réintégrés. Vu cette réalité, et vu tout ce que nous savons des TLET… Nous avons entendu dire aujourd'hui que selon Anne McLellan, c'est vous qui auriez demandé que l'organisation de libéralisation de l'Élam tamoule ne soit pas interdite au Canada. Comme vous le savez, la plupart de nos alliés ont interdit ce groupe atroce.
Monsieur le ministre, vu ce que je considère comme les efforts positifs que vous avez déployés dans le cadre des opérations de secours suivant le tsunami—même si les questions de mon collègue me semblent tout à fait pertinentes—pourriez-vous m'expliquer pourquoi le Canada continue à refuser d'interdire la présence de cette organisation, alors même qu'on nous signale que leurs membres empêchent la prise en charge des enfants des zones touchées par le tsunami en continuant à enlever et à recruter les enfants pour leurs armées? Comme la ministre McLellan l'a indiqué aujourd'hui, c'est à votre demande que les Tigres de libération de l'Élam tamoule n'ont pas été interdits au Canada. Pourriez-vous nous donner des éclaircissements à ce sujet?
¿ (0955)
L'hon. Pierre Pettigrew: Merci beaucoup, monsieur le président.
Il va sans dire que nous prenons très au sérieux de telles allégations et de tels renseignements. Nous condamnons vivement l'enlèvement des enfants et nous estimons qu'une telle ligne de conduite est inadmissible; bien entendu, nous appuyons le projet de réinsertion de l'UNICEF de toutes sortes de façons.
Pour le moment, toutefois, j'estime, après avoir consulté bon nombre de nos partenaires de la communauté internationale—y compris la Norvège qui, comme vous le savez, joue un rôle clé dans le processus de paix—qu'il est préférable de ne pas inclure les TLET sur la liste des organisations interdites, en raison de la fragilité du processus de paix et du cessez-le-feu. À notre sens, il vaut mieux essayer de travailler avec eux de façon à les amener à respecter, maintenir et éventuellement renforcer un cessez-le-feu qui est pour le moment très fragile. Nous sommes fermement convaincus que ce ne serait pas utile pour le moment d'inclure les Tigres de libération de l'Élam tamoule sur la liste.
Le Département d'État des États-Unis nous a également demandé de ne pas les inscrire sur la liste.
Le président: Monsieur Day, avez-vous une courte question complémentaire?
M. Stockwell Day: Je comprends ce que vous dites. Mais j'avoue ne pas très bien comprendre comment…alors que nous avons de bonnes informations sur ce qui peut permettre de réduire l'activité terroriste, à savoir d'être fermes et de ne pas donner l'impression de l'encourager ou de l'accepter. Nous continuerons d'être profondément en désaccord par rapport à toute mesure qui pourrait constituer un accommodement ou une concession envers un groupe à propos duquel l'aide de nos propres forces policières, notamment celle de Toronto qui se fait le porte-parole des excellents citoyens membres de la communauté tamoule du Canada, notamment à Toronto, a été sollicitée en raison de leurs activités d'intimidation, même au Canada.
Si nous continuons de les laisser exister sans les désigner comme organisation interdite, cette divergence d'opinions continuera d'exister.
L'hon. Pierre Pettigrew: Oui, je comprends, mais je crois néanmoins que la position que nous avons adoptée est la bonne pour le moment. Le gouvernement du Sri Lanka n'a pas désigné les TLET comme organisation terroriste. Le gouvernement du pays en question ne l'a pas fait. De plus, la plupart des autorités que nous avons consultées, y compris le Département d'État américain, qui l'a fait, demandent que nous ne prenions pas cette mesure pour l'instant. Et la Norvège joue un rôle clé dans tout cela.
Nous condamnons tout acte consistant à enlever les enfants. Nous condamnons vivement toutes les activités terroristes. Mais nous croyons à présent que la politique canadienne est la bonne.
Il peut y avoir une divergence d'opinions entre nous, bien sûr, et il est même sain qu'il y ait des désaccords de temps à autre entre l'opposition officielle et le gouvernement.
M. Stockwell Day: Eh bien, si je condamnais un assassin, je demanderais également que l'assassin soit arrêté.
[Français]
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Paquette, s'il vous plaît.
M. Pierre Paquette: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être présent pour cette étude. Je ne peux pas m'empêcher de profiter de votre présence pour revenir sur la question de l'aide offerte aux Canadiens et aux Québécois par l'ambassade à Bangkok.
Personnellement, je suis au courant de deux cas qui, à mon avis, sont problématiques. J'ai donc beaucoup de difficulté à partager l'évaluation extrêmement positive que vous avez faite de l'intervention des services consulaires et de l'ambassade, du moins dans le cas de la Thaïlande.
Par exemple, M. Desharnais, de Saint-Christophe-d'Arthabaska, s'est vu refuser une aide de l'ambassade. Il a fallu que son député, André Bellavance, intervienne auprès des services pour qu'il obtienne des réponses. Finalement, c'est un collaborateur local de son agence de voyage qui l'a aidé à sortir de la situation dans laquelle lui et les siens étaient. Ils avaient tout perdu: leurs passeports, leurs billets d'avion, leur argent, etc.
J'ai moi-même été directement impliqué dans le cas de mon neveu qui a été hospitalisé à l'hôpital de Phuket et qui a réussi, avec son cellulaire, à nous appeler pour nous prévenir qu'il était là. J'ai, comme tout bon citoyen, utilisé le numéro de téléphone qui avait été publié dans les journaux le lendemain même des événements. J'étais content de voir que la situation semblait avoir été prise en main. Or, il n'y a eu aucun suivi. Il nous a rappelé quelques jours plus tard: il n'avait toujours pas eu la visite d'un représentant du consulat ou des autorités américaines. Lui et sa conjointe étaient alités, incapables de bouger.
J'ai alors téléphoné à l'ambassade. La première fois, la personne qui m'a répondu parlait uniquement l'anglais. Elle était incapable de communiquer en français. Tant bien que mal, j'ai essayé de lui donner les informations nécessaires. De plus, j'avais un numéro de dossier. J'ai ensuite appelé une deuxième fois, car j'étais toujours sans nouvelles. On était censé me rappeler: j'avais donné mon numéro de cellulaire et j'étais toujours prêt à y répondre. Quand j'ai appelé la deuxième fois, il y avait une dame qui était en mesure de mieux comprendre le français. J'ai attendu quelques jours: toujours aucune nouvelle.
J'ai finalement appelé au ministère, où on a transféré mon appel à un service des urgences pour l'Asie. La dame m'a dit qu'elle allait prendre cela en note. Elle avait remarqué qu'il y avait effectivement un problème dans le dossier. Elle m'a dit qu'elle allait me rappeler dans le courant de la semaine. Il y avait vraiment un problème.
Finalement, ce sont les parents de la jeune fille qui sont allés les chercher là-bas pour les ramener ici.
Je ne conteste pas du tout la bonne la foi des services consulaires et de la fonction publique. Je sais que c'était une situation exceptionnelle. Mais contrairement à ce que vous dites à l'effet que c'était concerté, souple, novateur, l'impression qu'ont eu les gens là-bas--et ils ont eu l'occasion de rencontrer d'autres Canadiens et Québécois--, était que c'était improvisé, qu'il n'y avait pas suffisamment de ressources. L'impression générale était que l'intervention ou l'aide canadienne à ses propres ressortissants était moins efficace que ce que faisaient, par exemple, la France, l'Allemagne ou d'autres pays. C'est leur impression.
Je ne veux pas juger, car je comprends aussi la situation. Je recevais des appels téléphoniques de parents. J'imagine que vous avez aussi eu votre lot d'aventures.
Si c'était à refaire, malgré la bonne note que vous vous donnez, qu'aurait-on pu faire de mieux que ce que l'on a fait? Il ne s'agit pas de condamner le travail qui a été fait, mais qu'aurait-on pu faire de plus pour que ces gens aient au moins l'impression qu'ils étaient pris en charge, qu'ils étaient en sécurité, et pour que leurs familles aient aussi l'impression qu'il y avait un suivi.
Ce qui cause la panique chez bien des gens ici, surtout quand il s'agit d'enfants, c'est quand les enfants sont laissés à eux mêmes. Comme je vous l'ai mentionné, dans le cas de mon neveu, ce sont les parents de sa conjointe qui sont allés les chercher là-bas. Je suis convaincu que si cela se multiplie par centaines, cela n'aide pas à la reconstruction et à l'intervention d'urgence.
Si c'était à refaire, y a-t-il des choses qu'on aurait pu mieux faire?
À (1000)
L'hon. Pierre Pettigrew: J'apprécie beaucoup l'orientation que vous donnez à votre question, car à mon avis, elle est extrêmement pertinente.
Dans nos services consulaires, dans nos services d'intervention en cas de crise, chacune de ces crises nous amène à faire un examen en profondeur pour apprendre ce que nous devons faire différemment.
Je vais demander à M. Serge Paquette de donner des informations sur ce sujet, parce qu'il est le responsable de ce service et qu'il et aura des choses très intéressantes à dire.
Je veux tout de même réitérer qu'à Phuket, un 26 décembre, il faut un certain temps pour dépêcher des gens. On a également eu un problème de communications téléphoniques à Bangkok, où notre système transférait immédiatement les appels à des boîtes vocales. C'est un problème assez complexe qui a ralenti les réponses. Il y a eu, bien sûr, certaines anecdotes plus pénibles. Je pourrais vous donner un très grand nombre d'exemples. J'ai reçu ce matin une lettre d'un député de l'opposition qui m'informait d'une anecdote extrêmement positive et favorable et qui me remerciait pour ce qui était arrivé. Je pense qu'il y a eu des expériences heureuses et qu'il y en a eu de malheureuses.
M. Pierre Paquette: J'aurais aimé vous écrire une telle lettre.
L'hon. Pierre Pettigrew: Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'il y en a eu aussi. Il faut comprendre, d'abord, qu'il a fallu rapatrier certaines personnes qui étaient en vacances. Deuxièmement, nous en avons dépêché immédiatement d'Ottawa, mais il fallait d'abord qu'elles se rendent sur les lieux. Troisièmement, en ce qui concerne le bilinguisme, nous avons un ambassadeur très sensible à cet égard à Bangkok en la personne de Denis Comeau. Cependant, il faut que vous compreniez, par exemple, qu'on a demandé au comptable, qui n'est pas généralement en contact avec le public, de répondre au téléphone. Des Canadiens qui ne font pas partie de nos services sont venus pour aider. Alors, il n'était pas question de dire à ces personnes qu'elles ne pouvaient pas nous aider parce qu'elles n'étaient pas bilingues. Nous devions renforcer le service auprès des citoyens avec le concours de citoyens ordinaires qui se sont présentés à l'ambassade. Nous avons réussi à renforcer nos services à l'aide d'employés locaux. Alors, bien sûr, nous ne demandons pas à tout le monde d'être bilingue: on n'a pas cette exigence envers ceux qui ne sont pas en contact avec le public. Dans le cas d'une crise humanitaire, nous sommes parfois obligés de poser des gestes de cet ordre.
Je demanderais à M. Paquette d'élaborer, étant donné qu'il a suivi cette question de très près, notamment sur la question des mesures à prendre afin d'améliorer nos services à l'avenir.
À (1005)
M. Serge Paquette (directeur par intérim, Services d'urgence, ministère des Affaires étrangères): En effet, le 26 décembre, nous n'avions aucune idée de l'ampleur de la crise. Donc, c'est sûr qu'il a fallu un certain temps pour tout mettre en oeuvre, tant du côté de la centrale à Ottawa que du côté de nos missions dans la région touchée.
Dans le cas précis de la Thaïlande, le soir même du 26 décembre, notre ambassadeur était en route vers Phuket avec les agents consulaires pour tenter de localiser les Canadiens qui avaient besoin d'aide. Une fois arrivés sur les lieux, la situation était confuse et il leur fallait trouver des locaux pour commencer à agir. Il faut aussi tenir compte de l'ampleur de la crise. Nous avons reçu plus de 100 000 appels tout au long de la crise. Donc, nous recueillions de l'information lorsque des personnes étaient recherchées et nous l'envoyions à notre mission sur les lieux. Les missions tentaient alors de trouver ces gens pour ensuite leur offrir de l'aide.
Je suis surpris d'apprendre que les membres de votre famille n'ont pas eu une visite à l'hôpital puisque nos équipes allaient dans les hôpitaux, justement, tant à Phuket qu'à Bangkok, pour voir s'il y avait des Canadiens qui avaient besoin d'aide.
Le ministre a très bien répondu à la question sur le bilinguisme. Le service est offert. Dans certains cas, cependant, le service en français n'a pas été demandé. La priorité, bien sûr, était d'aider les gens dans le besoin, si possible dans la langue de leur choix. Dans certains cas toutefois, cela n'a pas été possible.
M. Pierre Paquette: Et l'avenir?
M. Serge Paquette: Comme le ministre le disait, cela fait partie de nos procédures normales, après qu'une crise est réglée--on n'en est pas tout à fait là encore, mais on y arrive--, que de demander à tous les gens qui ont participé à répondre à la crise d'examiner ce qui a été fait afin de déterminer ce qui a bien réussi et ce qui peut être amélioré. Donc, en termes d'améliorations, nous considérons qu'il devrait y avoir une plus grande capacité de réponse à la centrale. Nous avons été très surpris.
Comme on l'a mentionné dans l'allocution d'ouverture, la plus importante crise que nous avions connue s'était produite le 11 septembre. Nous avions appris beaucoup de cet évènement et nous étions mieux préparés en termes d'équipement et de capacité physique, mais cette fois, la crise était quatre fois plus considérable. On se penche donc sur les besoins.
Je me rappelle avoir réveillé des collègues dans la région au milieu de la nuit du 26 décembre pour les dépêcher à Bangkok et à Colombo afin d'aider nos agents consulaires. Alors, il fallait leur donner le temps de se rendre à l'aéroport et de prendre l'avion. Nous voulons améliorer notre capacité de répondre et avoir des équipes prêtes à être déployées à tout moment.
De plus, c'était la période des Fêtes. Nous n'avons pas hésité à rappeler les gens qui étaient en vacances, mais certains étaient à l'extérieur des pays touchés. Il nous a donc fallu un certain temps pour les rejoindre.
Le président: Merci, messieurs.
[Traduction]
Nous allons maintenant passer à Mme Phinney, suivie de M. Bains.
Madame Phinney.
Mme Beth Phinney: Merci infiniment d'être venu avec tout votre personnel aujourd'hui.
J'étais très contente de pouvoir entendre tout le rapport, parce qu'après quelques jours, quand les médias et les membres de l'opposition ont commencé à demander sans arrêt ce que le Canada avait fait, je souhaitais ardemment que quelqu'un se lève pour leur parler de toutes les mesures que nous avions prises. Je suis impressionnée de voir ce qui a été fait tout de suite et avec quelle rapidité nous avons réagi.
La DART a maintenant quitté la zone sinistrée et elle est de retour au Canada. J'aimerais savoir ce qui a été mis en place pour remplacer la DART. Ça c'est ma première question.
Deuxièmement, beaucoup d'aide provient des particuliers, c'est-à-dire des citoyens ordinaires. Beaucoup de gens ont offert d'aider les sinistrés. Vous êtes allé sur place, monsieur le ministre. Je me demande simplement si ce que l'on fait actuellement est suffisant et ce que peuvent faire les citoyens individuels pour donner un coup de main.
À (1010)
L'hon. Pierre Pettigrew: Merci beaucoup.
Je vais d'abord répondre à votre seconde question et je vais ensuite inviter Marie Gervais-Vidricaire à répondre à celle qui concerne la DART et ce qui l'a remplacée. J'aimerais leur donner l'occasion de parler aux membres du comité, étant donné qu'ils ont travaillé si fort.
Quant aux dons faits par les Canadiens individuels et la générosité des citoyens, des gouvernements, des municipalités, des provinces, des syndicats, des entreprises et des autres membres de la communauté internationale face à cette crise, je crois savoir que l'aide actuellement fournie est suffisante pour répondre aux besoins humanitaires, tels que nous les connaissons en ce moment. Et c'est à l'aide des sommes mises à la disposition des divers organismes qu'on répond aux besoins humanitaires dans les différentes zones sinistrées.
Plus tard, quand il sera temps de songer à la reconstruction, il faudra voir les évaluations qui auront été faites. Les évaluations faites relativement aux opérations de reconstruction permettront de déterminer plus ou moins ce qu'il faut, mais il est prématuré pour le moment de vouloir évaluer ce qui sera requis pour la reconstruction. Du côté humanitaire, toutefois, tous les organismes nous ont dit qu'ils ont ce qu'il leur faut pour ce qui est d'intervenir face à des urgences humanitaires.
Mme Beth Phinney: Comptez-vous en informer le public si jamais il y a lieu de mettre à contribution le secteur de la construction ou des spécialistes de ce genre?
L'hon. Pierre Pettigrew: Oui, nous avons notre site Web qu'ils peuvent consulter en tout temps. Je n'ai pas donné l'adresse, mais elle figure dans mon texte.
[Français]
Madame Gervais-Vidricaire, voudriez-vous répondre à l'autre aspect de la question, s'il vous plaît?
[Traduction]
Mme Marie Gervais-Vidricaire (directrice générale, Direction générales des enjeux mondiaux, ministère des Affaires étrangères): Comme vous le savez sans doute, la mission de la DART devait durer une quarantaine de jours, donc l'équipe revient au Canada comme c'était prévu au départ. La DART ne constitue qu'une solution provisoire en attendant que d'autres organismes puissent se préparer pour pouvoir prendre la relève.
Dans la région d'Ampara à l'heure actuelle, bon nombre d'ONG sont sur place et sont maintenant à même d'assurer les services médicaux et l'eau potable que fournissait la DART. L'équipe est restée en contact avec ces ONG pour s'assurer d'une transition sans heurts, afin qu'il y ait le personnel requis pour remplacer les membres de l'équipe DART dès son départ.
Mme Beth Phinney: Merci.
Le président: Monsieur Bains.
M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud): Merci beaucoup.
Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que nos autres invités, de votre présence parmi nous ce matin.
J'ai eu le privilège et l'honneur d'accompagner le premier ministre et de faire partie de sa délégation lorsqu'il a visité les zones sinistrées par suite du tsunami. Le premier pays que nous avons visité était la Thaïlande, et plus précisément, Phuket. J'ai été très impressionné par les bénévoles canadiens venant de toutes les régions du pays que j'ai rencontrés sur place. Tous— enseignants, médecins, ingénieurs et autres—ont décidé de se porter volontaires pour participer aux opérations de secours. Ensuite nous sommes allés au Sri Lanka, où nous avons pu voir directement les effets dévastateurs du tsunami. On aurait dit que la zone avait reçu un tapis de bombes. Il ne restait rien—que des décombres.
Ce qui m'a permis d'avoir une optique tout à fait intéressante par rapport à cette catastrophe, c'est que je comprenais le dialecte local et j'ai donc pu communiquer avec certaines personnes que j'ai rencontrées. J'étais très fier de ce qu'ils m'ont dit à propos des efforts canadiens déployés dans le contexte de la mission de la DART, notamment à une clinique que nous avons visitée. Nous sommes allés voir une clinique où nous avons pu rencontrer certains Canadiens qui y travaillaient, et les habitants locaux avaient été très impressionnés par la qualité des services. Le premier ministre a même pu boire de l'eau produite grâce à leurs installations de purification, et c'était très bien.
Donc, je voulais saisir l'occasion de rendre hommage à l'équipe DART, à tous les bénévoles canadiens et à l'ensemble des citoyens canadiens qui ont fait des dons ou qui ont participé à l'effort de secours. Je suis convaincu que la population locale dans tous ces différents pays que nous avons visités ont beaucoup apprécié la contribution canadienne.
Ceci dit, il y a un élément qui me préoccupe, et qui préoccupe bon nombre de mes électeurs, qui m'ont appelé à ce sujet, et c'est par rapport aux tensions politiques qui caractérisent la situation actuelle au Sri Lanka. Il y a beaucoup de zones où les gens craignaient que les populations locales ne recevaient pas l'aide tout de suite, ou peut-être pas du tout, ou qu'elles n'aient toujours pas bénéficié de cette aide, justement à cause de la situation politique dans ce pays. Pouvez-vous nous donner des assurances au sujet de cette aide et nous affirmer que l'aide a bel et bien été reçue par les populations de ces zones, et plus précisément celles à propos desquelles les gens m'ont exprimé leurs préoccupations?
L'hon. Pierre Pettigrew: Merci beaucoup d'avoir participé à cette visite.
Pour compléter ce que disait Marie Gervais-Vidricaire concernant la transition en prévision du départ de la DART, je peux vous dire qu'une équipe de l'ACDI est déjà sur place pour faciliter cette transition. Cette dernière travaille avec les ONG pour pouvoir prendre la relève.
Sur la situation au Sri Lanka, nous sommes en communication constante avec à la fois le gouvernement du Sri Lanka, bien entendu, et les Tamouls pour suivre ce qui se passent dans le nord. D'après tous les renseignements que nous avons reçus, l'aide a été distribuée dans toutes les régions du pays et avait rejoint les zones tamoules. Dans ma propre circonscription électorale, beaucoup de mes électeurs ont de la famille là-bas. Ils m'ont communiqué leurs témoignages personnels, afin de compléter l'information officielle que je recevais de mon côté. Des membres de leurs familles appelaient pour nous dire que tout semblait bien aller. J'espère vraiment qu'il sera possible à long terme de canaliser la bonne volonté qui semble exister pour non seulement obtenir un cessez-le-feu, mais réussir le processus de paix.
Mais pour remonter dans l'histoire européenne, c'est vraiment par l'entremise de l'OECE à l'époque, qui est devenue l'OCDE, qu'après quatre siècles de guerre entre nations européennes, on a abouti au Plan Marshall, et à l'aide… Les Américains étaient vraiment inspirés en faisant cela. Ils ont décidé de ne pas accorder des enveloppes individuelles aux différents pays, mais de n'en accorder qu'une. Voilà qui a forcé les Allemands, les Français, les Italiens et les Anglais à s'asseoir autour de la même table. C'est la politique étrangère américaine qui était à l'origine de ce grand geste, geste qui à mon avis a permis d'établir des liens de confiance entre les partenaires et de jeter les bases de ce qui devait devenir le premier Marché commun et ensuite l'Union européenne.
Je disais au ministre des Affaires étrangères de la Norvège qu'à mon avis, nous avons l'occasion de nous servir de l'aide étrangère pour favoriser la paix. Nous y sommes très attachés, et nous avons certaines indications que cela pourrait aboutir. Je ne prétends pas que la situation ne soit pas très complexe et difficile, mais je pense néanmoins que nous avons l'occasion de nous servir de cet outil pour promouvoir la paix.
À (1015)
M. Navdeep Bains: Je comprends les préoccupations soulevées par mon collègue de l'opposition. Je voulais en parler, parce que le tsunami n'a pas établi de distinction entre les gens, et je voulais donc clairement indiquer que cela ne devrait pas non plus être le cas pour l'aide canadienne.
L'hon. Pierre Pettigrew: Oui, tout à fait.
M. Navdeep Bains: C'est tout ce que je voulais vous dire.
Merci.
[Français]
Le président: Nous allons maintenant passer à M. McTeague. Vous avez deux minutes, monsieur McTeague.
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le ministre, chers invités, mes commentaires porteront uniquement sur l'effort qui a été fait au niveau consulaire.
[Traduction]
Monsieur le ministre, si c'était à moi de prendre la décision et si j'avais la possibilité de faire cela demain, je décernerais à toutes les personnes qui ont travaillé dans votre centre d'opérations la plus grande distinction qui soit—l'Ordre du Canada. Ces personnes étaient sur place 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, dans bien des cas sans être rémunérées, récompensées ni même remerciées. J'ai reçu beaucoup d'appels—non pas des plaintes de gens qui ont été maltraités, mais plutôt des remerciements de tous ceux qui étaient très reconnaissants que nous ayons mis sur pied un centre d'opérations qui ait pu travailler aussi efficacement.
Il est clair dans mon esprit que les Canadiens, au fur et à mesure qu'ils se rendaient compte de l'ampleur de la catastrophe, étaient réconfortés en sachant qu'ils pourraient joindre quelqu'un assez rapidement, à n'importe quelle heure de la journée, pour s'assurer que quelqu'un s'occuperait des membres de leur famille. Malgré ceux qui auront eu tendance à oublier, au cours du mois et demi qui s'est écoulé depuis la catastrophe, qu'il s'agissait en réalité d'un désastre d'une envergure inégalée, le fait est que beaucoup d'employés de notre ministère sont des héros méconnus, et je tiens à les féliciter au nom de tous les membres du comité.
[Français]
Monsieur Paquette, vous serait-il possible de nous donner non seulement l'ampleur des commentaires, mais aussi le nombre d'appels téléphoniques? Qui a travaillé? Combien de personnes ont été engagées? Combien de cas ont été soulevés?
[Traduction]
J'ai appris ce matin que 12 Canadiens auraient malheureusement perdu la vie, et que huit personnes sont portées disparues. Monsieur Paquette, pourriez-vous donner une indication aux membres du comité des efforts—et rappelez-vous que cela remonte à un mois—qui ont dû être déployés par votre division pour vous acquitter correctement de toutes vos responsabilités?
Le président: Vous avez 30 secondes.
M. Serge Paquette: Au cours de cette période, nous avons reçu environ 100 000 appels. À un moment donné—nous avons trois équipes qui se succèdent—nous avions 40 personnes dans chaque équipe qui recevaient des appels et rappelaient les gens ou étaient en contact avec nos missions à l'étranger pour essayer de trouver et d'aider des citoyens canadiens.
Grâce à ces appels, nous avons documenté 4 000 cas de citoyens se trouvant dans la zone sinistrée—et rappelez-vous qu'on parle d'une zone très importante; nos efforts concernaient 12 pays différents. Avec le temps, nous avons pu réduire ce nombre aux chiffres mentionnés ce matin, soit 12 personnes dont le décès a été confirmé et huit personnes encore portées disparues, à propos desquelles nous avons de graves préoccupations, et depuis ce matin, 13 autres personnes qui sont portées disparues et qui pourraient se trouver n'importe où dans la zone sinistrée.
Tout cela représentait énormément de travail. Et ce travail se poursuit, pour amener ces chiffres à zéro. Malheureusement, les chiffres sont devenus relativement statiques, à la fois en ce qui concerne les personnes décédées et celles à propos desquelles nous avons encore de graves préoccupations. Le processus d'identification se déroule bien. C'est une tâche énorme pour les autorités thaïlandaises que d'avoir à identifier tous ces restes, mais ce travail progresse bien. Nous leur avons fourni de l'aide ainsi que des experts judiciaires, et nous continuons d'offrir notre aide au gouvernement thaïlandais pour participer au processus d'identification.
À (1020)
[Français]
Le président: Merci, monsieur Paquette.
Nous passons maintenant à Mme McDonough.
[Traduction]
Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.
Je suis ravie de pouvoir exprimer la gratitude de mon chef et de mes collègues envers les employés et responsables ministériels pour les efforts sans précédent qu'ils ont déployés dans le contexte de cette catastrophe. À mon avis, les Canadiens ont beaucoup apprécié que le ministère ait répondu aux demandes de renseignements, aux demandes de points de presse, de briefings, etc. Le ministère s'est montré prompt, compétent et coopératif au cours de cette période.
Je m'empresse de préciser, cependant, que si j'ai exhorté le comité à examiner ce qui devrait se faire à partir de maintenant, c'est pour deux raisons. Premièrement, afin de nous assurer que les efforts que nous continuons de déployer sont aussi efficaces et aussi bien coordonnés que possible. D'ailleurs, j'ai une question à ce sujet. Deuxièmement, je veux que ce soit absolument clair… pas à cause de lacunes au niveau de l'effort humain, mais plutôt en vue d'améliorer nos dispositions structurelles, afin de garantir une plus grande disponibilité opérationnelle et une meilleure coordination—même si nous prions Dieu pour qu'il n'y ait plus de catastrophes de cette envergure—face aux désastres qui vont se produire et auxquels il faudra réagir.
J'ai deux questions à ce sujet. D'abord, j'aimerais qu'on m'explique la structure actuellement en place pour assurer un maximum de coordination et d'efficacité en ce qui concerne les efforts de reconstruction qui se poursuivent. Y a-t-il un responsable ou un organisme désigné ou une équipe dotée d'une bonne capacité de coordination, pour éviter qu'il y ait d'éventuels écarts ou chevauchements entre les Affaires étrangères, l'ACDI, le ministère de la Défense, et les ONG? L'une des réponses données par le ministre à quelques questions qu'on lui a posées au début m'ont un peu inquiétée. Qui a la capacité de répondre aux questions? Est-ce le MDN, l'ACDI, les Affaires étrangères, qui au juste?
Deuxièmement, s'agissant de la situation d'ensemble, je ne cherche pas là à forcer le ministre à nous dire ce que contiendra le rapport sur l'examen de la politique internationale, mais peut-être pourrait-on nous dire si nous aurons l'occasion de l'étudier? Dans un sens, j'insiste sur la nécessité de voir comment nous pourrions établir le genre de mécanisme qui existe au Royaume-Uni, par exemple—je ne sais pas dans quelle mesure ce mécanisme constitue un modèle à suivre—pour maintenir une bonne capacité d'intervention en cas de catastrophe, et ce en permanence. Il faut un mécanisme qui permet d'accorder des crédits, y compris des fonds de contrepartie, pour autoriser la création d'une réserve sur laquelle on pourrait immédiatement prélever des fonds, sans avoir à attendre que les dons arrivent à la suite d'une catastrophe comme celle-là, et ce en vue d'assurer la plus grande mobilisation possible des différentes capacités qui existent.
Et enfin, j'ai une question très précise à poser qui a été soulevée tout à l'heure. Carol Bellamy, l'un des fonctionnaires exceptionnelles du monde—littéralement—en a brièvement parlé dans ses remarques tout à l'heure. Et cette question précise concerne l'intervention appropriée des forces armées, par opposition aux ONG et aux ministères gouvernementaux, face à une telle crise. Cette question suscite des controverses, et pas seulement parce que CARE Canada en a parlé. Plusieurs membres des Forces canadiennes m'ont demandé de soulever la question de savoir dans quelle mesure la DART constitue le meilleur dispositif d'intervention militaire dans un tel contexte, alors qu'il existe d'autres capacités militaires. Si nous leur donnions les crédits et l'équipement qu'il leur faut, nos forces armées pourraient peut-être intervenir de façon plus appropriée et efficace.
Voilà mes trois questions.
L'hon. Pierre Pettigrew: Merci beaucoup, madame McDonough
Je vais demander au sous-ministre, qui a fait un excellent travail de coordination de toute la démarche gouvernementale dans ce domaine, de vous décrire le rôle futur du BCAH.
Je vais répondre ensuite à vos deux autres questions.
À (1025)
M. Peter Harder (sous-ministre, ministère des Affaires étrangères): Merci beaucoup.
Ce rôle de coordination doit, en réalité, se jouer sur les plans à la fois international et national. Le rôle de coordination du BCAH à l'échelle internationale est un rôle qui est appuyé par le Canada depuis le départ et auquel il a su s'adapter. En fait, le groupe Ginger mis sur pied par les Américains un jour, et auquel participait le Canada, était conçu pour organiser des rencontres avec Egeland tous les soirs pour lui dire : quels sont les obstacles que vous rencontrez, de sorte que nous…
Mme Alexa McDonough: Ma question concernait notre intervention du niveau national.
M. Peter Harder: Sur le plan national, le groupe de coordination se réunit encore pour s'assurer qu'en cas de difficultés touchant l'ACDI, la Défense nationale, nous-mêmes, l'agence de santé, et d'autres intervenants, nous sommes à même d'assurer la coordination de mesures d'intervention rapide. Le site Web sur lequel j'attire votre attention n'existe pas uniquement pour des fins de communications. Il a aussi pour objet de nous permettre de préciser aux Canadiens qui ont fait des dons comment leur argent est utilisé.
Je devrais ajouter qu'un autre élément de la coordination concerne le travail que nous souhaitons faire de concert avec les ONG, qui elles-mêmes estiment qu'il nous faut établir d'autres mécanismes pour nous permettre de réagir plus rapidement. Comme vous le savez, l'approche du Royaume-Uni en matière d'intervention d'urgence est différente puisque les autorités réunissent toutes les ONG dès le départ, et des discussions sont actuellement en cours entre l'ACDI et les ONG qui ont été actives dans de tels contextes pour voir si des mécanismes plus rapides sont disponibles. Évidemment, nous organisons des séances d'analyse rétrospective, pour être sûrs de pouvoir actualiser nos procédures en fonction des enseignements que nous avons tirés des expériences des intervenants.
Je vous invite à vous reporter à un document intitulé « Instructions permanentes d'opération relatives aux mesures d'intervention en cas de catastrophe naturelle internationale », qui n'est pas un document classifié. Ce dernier décrit en détail comment la coordination se fait actuellement, et nous cherchons justement à actualiser ces procédures à la lumière de nos expériences.
Le président: Peut-être pourriez-vous fournir ce document au greffier, et nous le communiquerions ensuite à tous les membres.
Mme Alexa McDonough: Il va peut-être répondre à certaines de mes questions. Mais certaines personnes qui ont contribué au rôle de leadership tout à fait étonnant qu'a joué le Canada dans le cadre des opérations de secours en Éthiopie laissent entendre que même maintenant, même si les efforts s'y poursuivent, il nous faut créer une capacité d'intervention désignée qui s'appuierait sur une bonne coordination, et qu'il nous faut également piloter cet effort pour qu'il soit une véritable priorité. Est-ce que cela fait partie de vos projets?
M. Peter Harder: Je pourrais peut-être répondre à cette question précise. À l'ACDI, Michael Jay était chargé dès le départ de coordonner la réception des demandes émanant des villes, des municipalités, et du secteur privé. Comme la charge de travail était très lourde, nous avons enlevé le secteur privé. Pour ce groupe-là, tout dépend des besoins. Nous avons un inventaire de ce qui a été offert, et en fonction de ce que les ONG et les pays eux-mêmes nous disent à propos des capacités qui sont recherchées, nous essayons de faire la concordance entre les deux. Pendant la période où il y avait la crise en Éthiopie, un bureau spécial a été mis sur pied pour jouer ce rôle. À notre avis, le mécanisme qui était déjà en place permettait de bien répondre aux demandes des municipalités, des ONG, et du secteur privé. Mais encore une fois, nous tiendrons compte de tout cela dans notre analyse rétrospective.
L'hon. Pierre Pettigrew: Au niveau politique, nous avons également un groupe ministériel spécial qui continue à se réunir et à coordonner nos interventions.
En ce qui a trait à votre question sur l'examen de la politique internationale, quand nous l'aurons, vous vous rendrez compte que…
Mme Alexa McDonough: Ce sera quand?
L'hon. Pierre Pettigrew: Nous sommes en train de comparer notre action avec celles d'autres pays. Nous nous renseignons sur ce que font d'autres pays. Nous avions déjà abordé la question des crédits, etc. À mon avis, vous verrez en fin de compte que nous avons fait du bon travail—un travail qui est, selon moi, nécessaire.
Quant à l'opportunité d'intervention de type militaire par opposition aux mesures d'intervention que prennent les ONG, votre question me semble très pertinente. Moi-même, je voulais me convaincre que la DART et l'intervention militaire représentaient vraiment la meilleure solution. Comme vous le savez, un pays doit d'abord demander qu'on lui envoie la DART. C'est justement pour cette raison que j'ai envoyé Marie Gervais-Vidricaire sur place, afin qu'on s'assurer que l'envoi de l'équipe DART était vraiment la meilleure solution. Je n'aurais jamais accepté de le faire sans avoir été tout à fait certain que le pays concerné souhaitait qu'on l'envoie. Vous savez fort bien qu'on a fait pression sur moi pour l'envoyer immédiatement, sans faire d'évaluation détaillée. Mais cela ne me semblait pas approprié. Voilà pourquoi j'ai envoyé Marie Gervais-Vidricaire sur place avec une équipe d'observation, afin que le pays en question soit consulté sur l'opportunité de cette mesure, à la fois en ce qui concerne les opérations de purification de l'eau et les soins de santé, etc.
Quand nous avons pris la décision d'envoyer la DART, c'est parce que nous avions déjà conclu que c'était ça qu'il fallait faire dans les circonstances. À l'heure actuelle, comme vous le savez déjà, la DART revient, et l'ACDI est chargée de faciliter le transfert des responsabilités vers les ONG, dont le travail sera tout à fait complémentaire.
Pour moi, vous nous avez posé une question fort pertinente.
À (1030)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Mme Stronach va poser la dernière question.
Mme Belinda Stronach: Merci, monsieur le président.
Si je peux me permettre d'apporter un éclaircissement concernant les déclarations de Mme Phinney sur la position adoptée par le Parti conservateur, notre chef a pris la peine de dire à tous les députés conservateurs que nous ne devrions pas faire de cette catastrophe un tremplin politique, et qu'il fallait plutôt émettre des commentaires constructifs. C'est dans cet esprit que je voudrais faire mes propres commentaires.
Ma question concerne les mesures d'allégement de la dette. Le ministre a annoncé que la dette envers le Canada des pays les plus durement touchés par le tsunami serait bloquée, mais non pas annulée. J'aimerais connaître les montants exacts et les détails des offres de renégociation de leur dette faites à ces pays, de quelles sommes il s'agit, et le montant de la dette dans chaque cas. Le gouvernement a-t-il changé d'avis en ce sens qu'il est prêt à l'annuler complètement, plutôt que de simplement la bloquer, et une portion quelconque du coût de ces mesures d'allégement de la dette est-elle incluse dans les 425 millions de dollars?
L'hon. Pierre Pettigrew: J'ai les chiffres en ce qui concerne le Sri Lanka. Accepteriez-vous que nous vous transmettions une réponse plus tard? Vous nous demandez beaucoup de chiffres. J'ai les statistiques pour le Sri Lanka, mais nous devons extraire cette information de nos livres.
Mme Belinda Stronach: Pourriez-vous nous donner une indication générale des mesures d'allégement approuvées jusqu'à présent—c'est-à-dire, où nous en sommes actuellement?
Le président: Êtes-vous en mesure de nous donner des réponses à ce sujet-là?
Pettigrew, Pierre Attendee Minister of Foreign Affairs: Oui, bien entendu.
Le président: Très bien. Il va transmettre cette information au greffier du comité, et nous communiquerons ensuite la réponse à tous les membres.
Monsieur Harder.
M. Peter Harder: Pour la gouverne de tous les membres, je voudrais simplement préciser que le coût du moratoire sur les dettes des pays sinistrés est inclus dans les 425 millions de dollars déjà annoncés. Bien sûr, il faut qu'il en fasse la demande. Nous avons déjà ouvert des discussions avec les pays concernés, soit l'Indonésie et le Sri Lanka, et nous sommes donc en mesure de vous informer des montants potentiels que ces derniers pourraient avoir à leur disposition, le cas échéant. Mais il probable que tous les pays ne demandent pas à bénéficier de cette mesure.
[Français]
Le président: Monsieur le ministre, merci beaucoup.
[Traduction]
Avant votre départ, je voudrais simplement faire une petite observation par rapport à ce que nous disait ce matin Mme Bellamy, de l'UNICEF. Elle a félicité les autorités pour les mesures d'intervention prises par suite du tsunami, mais elle a aussi parlé de la nécessité de continuer à répondre à ce qu'elle appelait… [Note de la rédaction : Inaudible]… d'urgence. Vu les besoins qui existent à l'échelle mondiale, y compris par rapport à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, j'insiste sur le fait que le Canada doit s'assurer que ces 200 millions de dollars de dons personnels représenteront bel et bien de l'argent frais, et qu'ils ne seront pas prélevés sur les ressources qui permettent à l'ACDI de répondre à d'autres besoins.
Monsieur Harder.
M. Peter Harder: Sur les 425 millions de dollars, 265 millions constituent de l'argent frais du cadre fiscal. Les autres 160 millions de dollars—soit 40 millions de dollars par an pour les années deux, trois, quatre, et cinq—correspondent à des crédits non affectés de l'enveloppe de la dette internationale accordée à l'ACDI pour cette période; autrement, ces crédits n'auraient pas nécessairement été accordés à l'ACDI. Il s'agit donc de fonds qui viennent s'ajouter au budget, pour nous permettre justement de continuer à réaliser les objectifs dont vous parlez.
[Français]
Le président: Merci, monsieur le ministre. Merci à nos témoins de ce matin.
[La séance se poursuit à huis clos.]