FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 24 février 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
Mme Thoraya Ahmed Obaid (directrice exécutive, Fonds des Nations Unies pour la population) |
¿ | 0910 |
Le président |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC) |
Le président |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ) |
¿ | 0925 |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
L'hon. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.) |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0930 |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0935 |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0940 |
Le président |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Stockwell Day |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
M. Stockwell Day |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Thoraya Ahmed Obaid |
¿ | 0955 |
Le président |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)) |
M. Ferdinand Bonn (Chaire de recherche du Canada en observation de la Terre, Département de géographie et télédétection, Université de Sherbrooke) |
À | 1010 |
À | 1015 |
À | 1020 |
Mme Francine Lalonde |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
À | 1025 |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
M. Ferdinand Bonn |
À | 1030 |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Ted Menzies |
M. Ferdinand Bonn |
M. Ted Menzies |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
Mme Francine Lalonde |
À | 1035 |
M. Ferdinand Bonn |
Mme Francine Lalonde |
M. Ferdinand Bonn |
Mme Francine Lalonde |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
Mme Francine Lalonde |
M. Ferdinand Bonn |
Mme Francine Lalonde |
M. Ferdinand Bonn |
Mme Francine Lalonde |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
M. Ferdinand Bonn |
À | 1040 |
Mme Francine Lalonde |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
À | 1045 |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
Mme Alexa McDonough |
À | 1050 |
M. Ferdinand Bonn |
Mme Alexa McDonough |
M. Ferdinand Bonn |
Mme Alexa McDonough |
M. Ferdinand Bonn |
À | 1055 |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC) |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Dan McTeague |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
Mme Francine Lalonde |
M. Ferdinand Bonn |
Mme Francine Lalonde |
M. Ferdinand Bonn |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
Mme Francine Lalonde |
M. Ferdinand Bonn |
L'hon. Dan McTeague |
Mme Francine Lalonde |
L'hon. Dan McTeague |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
Mme Francine Lalonde |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 24 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous examinons des questions reliées au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).
Nous avons le plaisir de recevoir ce matin Mme Thoraya Ahmed Obaid, directrice exécutive. Bienvenue.
Si je comprends bien, vous avez une déclaration liminaire; la parole à vous.
Merci.
Mme Thoraya Ahmed Obaid (directrice exécutive, Fonds des Nations Unies pour la population): Merci beaucoup et merci de nous inviter ce matin; c'est un véritable plaisir que de comparaître devant le Comité permanent des affaires étrangères.
Le FNUAP entretient depuis longtemps une relation avec les parlementaires, qui a débuté dans les années 70. Nous avons été en mesure de la développer au fil des ans et aujourd'hui, des parlementaires s'occupent de la population et du développement dans chaque région du globe. Ils sont véritablement importants et se font les défenseurs des questions liées à la population et à la santé génésique au sein de leur parlement.
Nous avons tenu notre première réunion parlementaire à Ottawa où des représentants de toutes les régions du monde se sont retrouvés; c'était en 2002. À cette occasion, les parlementaires canadiens ont joué le rôle très important d'hôtes de la conférence. La déclaration d'Ottawa a permis de souligner essentiellement que la vie et la mort sont des questions politiques; les parlementaires ont convenu de s'efforcer d'affecter, progressivement, 10 p. 100 de leurs budgets nationaux à l'APD—puisque nous nous occupons également des pays en développement—pour la population et la santé génésique.
Au terme de la deuxième réunion, il a été convenu de tenir une réunion parlementaire tous les deux ans; la dernière qui a eu lieu l'an passé à Strasbourg, a permis de célébrer le 10e anniversaire du consensus du Caire. La déclaration de la réunion des parlementaires de Strasbourg vise la mise en oeuvre des objectifs du millénaire pour le développement; en effet, il est très important d'assurer un lien entre les questions de population et de santé génésique et ces objectifs.
Comme vous le savez, un nouveau rapport vient juste d'être publié par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement; il traite des objectifs du millénaire pour le développement ainsi que de la paix, de la sécurité et de la réforme des Nations Unies. Il est très important de voir que selon ce groupe, la paix et la sécurité internationales dépassent le concept de la sécurité de l'État et visent la sécurité de l'humanité. Nous parlons de la Conférence internationale sur la population et le développement et bien sûr, la sécurité humaine en est un aspect fort important, puisqu'elle est reliée à la pauvreté dans la mesure où l'élimination de la pauvreté peut contribuer à la cohésion sociale et partant, à la paix.
Par ailleurs, ce rapport établit un lien entre la protection des droits humains et la prévention des conflits, tout en soulignant la protection des groupes vulnérables. Dans notre travail, les groupes vulnérables sont les femmes, les jeunes et les personnes âgées; par conséquent, nous parlons ici de toute la question de la paix et de la sécurité telle qu'elle est reliée au secteur social et aux politiques sociales en particulier.
Comme vous le savez tous, chaque pays est responsable de la mise en oeuvre des objectifs de développement du millénaire, surtout dans les pays en développement. En fait, la partie importante du cadre, c'est le droit au développement, le droit de chacun dans tous les pays à l'éducation, à la santé, au travail, au revenu, etc.
C'est particulièrement important, puisque dans les pays en développement se trouve une nombreuse génération de jeunes, encore jamais vue dans l'histoire humaine; ils ont de 15 à 24 ans. À l'heure actuelle, un milliard de personnes sont âgées de 15 à 24 ans et ont besoin de santé, d'éducation, d'emplois, et cetera. Si nous ne remplissons pas les promesses que nous leur avons faites, la question de la paix et de la sécurité en sera grandement touchée, d'une façon ou d'une autre.
Comme vous le savez, j'en suis sûre, le FNUAP est la principale agence onusienne responsable de la mise en oeuvre du programme d'action en matière de population et de développement adopté au Caire, en 1994. Nous travaillons avec des gens des pays mêmes et nos bureaux sont très petits. Si un de vos parlementaires se rend dans un de ces pays, il sera le bienvenu et pourra rencontrer nos représentants et s'informer au sujet de nos programmes. Nous travaillons par l'entremise de gouvernements nationaux et d'ONG nationales. Nous ne mettons pas en oeuvre les programmes nous-mêmes, car nous considérons qu'il faut renforcer les capacités au niveau de chaque pays.
Nous faisons deux genres de travail—et c'est ainsi que je vais conclure. Premièrement, nous nous occupons de toute la question des données de population—analyse, collecte et vérification des données—dont le principe sous-jacent consiste à renforcer la capacité nationale des pays à réunir les données pour qu'ils puissent mieux planifier et mieux surveiller la mise en oeuvre; en outre, c'est un outil de responsabilisation pour les pays eux-mêmes.
¿ (0910)
Ce que nous appelons la santé génésique représente l'autre genre de travail que nous effectuons. La santé génésique renvoie essentiellement à la planification familiale, aux soins au cours de la grossesse et de la naissance, au traitement des complications d'avortements illégaux et à la prévention et au traitement des infections transmises sexuellement, y compris le VIH/sida.
Lorsque nous parlons des droits génésiques, nous voulons dire très clairement que les femmes et les hommes peuvent librement planifier leur famille de façon responsable, qu'ils peuvent prendre des décisions sans contrainte, que les femmes ne seront pas victimes de violence sous quelque forme que ce soit et qu'elles peuvent participer à la vie de la société.
Nous croyons que ces deux questions, la santé génésique et les droits génésiques, sont essentiels pour le bien-être de tous, des sociétés et des collectivités. Par conséquent, nous déclarons qu'il est impossible d'atteindre certains objectifs de développement du millénaire, comme celui relatif à la santé maternelle, par exemple. Comment peut-on améliorer la santé maternelle si les femmes n'ont pas accès à des services de santé génésique dans leurs collectivités? C'est parfaitement impossible. Nous savons que chaque minute, des femmes meurent à cause de complications liées à la grossesse, tout simplement parce qu'elles n'ont pas accès aux services.
Nous nous occupons également des questions de migration, de réfugiés et d'urbanisation.
Récemment, depuis sept ou huit ans, nous participons au travail humanitaire d'autres organisations pour la simple raison qu'en cas de crise humanitaire—dont le tsunami est un exemple—lorsque tout le monde se préoccupe des tentes, des aliments, de l'eau, etc., les besoins particuliers des femmes sont oubliés. Des bébés naissent, que ce soit la guerre ou la paix, qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil, etc. Pour ce qui est de la situation du tsunami, selon nos estimations, plus de 150 000 femmes sont enceintes et 50 000 vont accoucher dans les trois prochains mois dans des conditions très difficiles, alors que le système de santé est totalement inefficace. Notre rôle, le volet humanitaire, consiste à examiner les questions reliées particulièrement aux besoins des femmes, qui sont souvent oubliés; par exemple, il faut parler de leurs besoins psychosociaux et en matière de counselling par suite des traumatismes qu'elles ont vécus.
Pour terminer, je voudrais dire que nous sommes confrontés à un problème grave vu que nous disons aux jeunes hommes et aux jeunes femmes du monde entier qu'ils ont le droit de planifier leur famille; je ne parle pas ici de contrôle de la population, mais de l'espace entre les enfants qui naissent, entre les grossesses. Pourtant, nous n'offrons pas suffisamment de services aux femmes ou aux hommes pour qu'ils puissent exercer leurs droits. Il faut pouvoir offrir les services tout comme nous défendons leur droit de planifier leur vie.
Nous nous occupons du VIH/sida et il faut souligner qu'il s'agit d'une véritable crise. Nous faisons la promotion de l'abstinence, de la fidélité et de l'utilisation du préservatif. Toutefois, d'après les données les plus récentes, les victimes du VIH/sida sont les jeunes femmes. Pour les jeunes femmes mariées à des hommes plus âgés, ces trois principes ne représentent pas une option; une femme mariée ne peut pas pratiquer l'abstinence. Elle est fidèle, mais elle ne peut pas demander à son mari, qui n'est pas fidèle, d'utiliser le préservatif. Elle est donc infectée. On assiste à une augmentation du nombre de jeunes femmes infectées par le VIH/sida. Par conséquent, nous essayons de faire la promotion du préservatif féminin pour que les femmes puissent elles-mêmes se protéger.
Ce n'est qu'un aperçu de notre mission. Je vais m'arrêter ici, car je suis sûre que vous avez beaucoup de questions à poser.
Le président: Merci beaucoup pour votre déclaration.
Avant de commencer la période de questions et réponses, pourriez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent ce matin?
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Safiye Çagar est directrice de l'information au conseil d'administration et à la direction de la mobilisation des ressources. Lene Christiansen travaille au sein de la direction de la mobilisation des ressources et agit comme point de liaison pour le Canada.
¿ (0915)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons commencer par M. Day.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci.
Pourriez-vous nous faire une mise à jour? Nous prenons parfois un peu de retard au sujet de ce qui se passe à l'ONU.
Où en êtes-vous après les conclusions tirées par le Comité des commissaires aux comptes de l'ONU au sujet de la mauvaise gestion des fonds au FNUAP? C'est certainement un domaine au sujet duquel je pose des questions à ce comité, pas uniquement en ce qui a trait à votre organisation, mais à propos de tous les fonds que nous donnons; j'aimerais qu'un processus adéquat de vérification soit en place pour que nous puissions avoir l'assurance que les fonds servent à atteindre les objectifs visés. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est à propos du Comité des commissaires aux comptes de l'ONU et de ses préoccupations relatives à la mauvaise gestion? Je suis sûr que vous vous êtes penchée sur ce point.
Pourrions-nous également avoir une autre mise à jour? Des changements sont-ils intervenus depuis le rapport présenté à l'UNESCO par un représentant ou un ambassadeur américain? Je le cite et c'est la raison pour laquelle je demande une mise à jour, parce que le rapport est déjà publié; il y est dit que le FNUAP, dans le cadre du 4e programme de pays, affecte plus de 70 p. 100 des fonds qu'il dépense en Chine directement au Bureau du planning familial chinois; or ce bureau est impliqué de près dans les avortements coercitifs, en violation des déclarations de l'ONU à cet égard.
Je sais que ce n'est pas la première fois que vous entendez parler de ces points. Pourriez en faire une mise à jour?
Le président: Madame Obaid.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Je vais commencer par le Comité des commissaires aux comptes. Le rapport de ce comité est un document public qui est adressé à notre conseil d'administration, lequel l'examine, etc. C'est un rapport régulier publié chaque année pour notre propre conseil d'administration. Le rapport renfermait une question explosive qui a été reprise dans les médias par un groupe d'opposition, soit l'une des ONG américaines qui s'oppose au programme du Fonds des Nations Unies pour la population. Ce groupe a utilisé l'expression « mauvaise gestion », laquelle ne figure absolument pas dans le rapport lui-même. Si vous examinez le rapport, il ne s'agit pas vraiment de mauvaise gestion, mais plutôt de ce qui se produit dans n'importe quelle organisation où les processus ne sont pas bien suivis. Ceci étant dit, nous suivons les recommandations de tous les rapports de vérification chaque année. Nous travaillons avec les représentants du pays, si c'est au niveau d'un pays, ou avec le siège social, pour nous assurer de donner suite à toutes les observations des commissaires aux comptes et l'année suivante, nous faisons un rapport de suivi au conseil d'administration.
Si je ne me trompe, d'après les médias, le conseil d'administration m'aurait causé beaucoup de difficultés au sujet du rapport des commissaires aux comptes. Il est intéressant de noter que je n'étais même pas présente à cette séance, c'était le chef de notre direction de vérification qui était là.
Ceci étant dit, nous prenons la vérification très au sérieux et elle fait maintenant partie de l'évaluation des membres du personnel, ce qui permet de déterminer comment ils réagissent aux observations faites par le vérificateur. Cela fait partie de l'examen annuel et nous faisons mention en particulier du respect des recommandations des examens de vérification. Toutefois, comme je l'ai dit, si vous examinez le rapport de vérification, vous verrez qu'il ne porte pas vraiment sur la mauvaise gestion, mais qu'il souligne plutôt les erreurs et les insuffisances administratives qu'il faut corriger.
Pour ce qui est du programme de la Chine, notre budget pour 2004, par exemple, s'élevait à 360 millions de dollars. Nous ne donnons à la Chine que trois millions de dollars par année. Tous ces fonds ne vont pas directement à la Chine, vu que nous en versons à Marie Stopes International et à d'autres ONG.
Le problème de la Chine est le suivant. Nous savons que la Chine a des politiques démographiques coercitives et c'est la raison pour laquelle nous sommes présents dans ce pays. Nous sommes le seul porte-parole en matière de droits humains, si vous voulez, en Chine, à propos des questions génésiques et des droits des femmes. Nous sommes en Chine... et nous entamons notre nouveau programme à l'heure actuelle. Depuis les nombreuses années que nous sommes dans ce pays, nous oeuvrons dans 32 comtés. Nous voulions prouver que si les hommes et les femmes ont droit à des services de planification familiale qui sont volontaires, qui offrent toutes les méthodes possibles—pas seulement une ou deux méthodes comme la stérilisation, mais toutes les méthodes modernes disponibles—que le counselling est modernisé pour que les entretiens se passent en tête à tête, on observera un changement dans la qualité des services et, par conséquent, dans la qualité de vie des gens. Dans les 32 comtés, nous avons prouvé que les avortements sont moins nombreux, parce que les gens peuvent planifier leur famille. Nous avons montré que les infections transmises sexuellement ont diminué parce que des services et du counselling sont disponibles; le changement est donc clair et net. Dans ces 32 comtés, nous avons convenu avec le gouvernement qu'il ne devrait plus y avoir de quota. La politique de l'enfant unique y sera abandonnée pour permettre aux gens de prendre leurs propres décisions. Habituellement, les gens prennent des décisions au sujet de leur famille en fonction de leur situation économique—combien ils peuvent payer, etc. Par conséquent, nous avons montré que lorsque les gens prennent ces décisions, ils respectent habituellement la limite d'un enfant ou de deux.
Il faut également souligner que le gouvernement chinois a maintenant décidé d'étendre ce programme à 880 comtés. Plusieurs missions ont été conduites à cet égard. La première a donné lieu au rapport sur les droits humains du State Department américain, qui est publié chaque année. D'après le rapport de 2001, la présence du FNUAP en Chine était positive, puisqu'elle permettait d'instaurer un dialogue avec le gouvernement au sujet des droits humains en matière de reproduction.
Une équipe parlementaire multipartite du Royaume-Uni s'est rendue en Chine pour examiner notre programme et a déclaré exactement la même chose—la présence du FNUAP en Chine est positive et doit être appuyée. En 2001, le président Bush a décidé d'envoyer sa propre équipe composée de trois sinophones. Il avait été entendu avec le gouvernement chinois qu'ils ne seraient pas accompagnés, que l'ambassade américaine en Chine déciderait de leur programme, qu'elle fournirait tous les services et que le gouvernement chinois n'interviendrait pas dans leur travail. C'est ce qui s'est fait et les membres de cette équipe ont parlé à des gens dans divers lieux et ont publié un rapport.
Ce rapport renferme trois conclusions et trois recommandations. La première conclusion, c'est qu'un changement est intervenu dans ces comtés en matière de planification familiale et que la présence du FNUAP y a contribué de manière positive. Ils recommandaient que notre financement soit reconduit.
La deuxième conclusion, c'est que les fonds américains ne devraient pas être dépensés en Chine vu que ce pays continue de pratiquer des politiques démographiques coercitives à l'échelle nationale. C'est ce qui avait été prévu auparavant lorsqu'un parti démocratique était au pouvoir. Ce que nous avons fait alors... Les États-Unis allaient nous verser les fonds voulus et on allait en déduire ce que l'on aurait donné à la Chine pour placer cet argent dans un compte séparé afin de l'utiliser pour d'autres pays. Il fallait ensuite présenter nos états financiers aux États-Unis à la fin de chaque année. Cette équipe a donc fait la même recommandation à son retour—donnez les fonds au FNUAP, mais dites-leur de ne pas les dépenser en Chine.
La dernière conclusion, c'est que le gouvernement chinois a maintenu sa politique de l'enfant unique et que par conséquent, il faut continuer d'en faire le suivi. Il a été recommandé de renforcer la surveillance de cette politique. Comme vous le voyez, c'est bien l'équipe américaine qui a fait cette recommandation et pourtant, M. Bush a décidé de ne pas nous financer. Par la suite, des organisations confessionnelles américaines se sont rendues en Chine et sont revenues avec les mêmes recommandations. Nous en sommes là.
¿ (0920)
Le président: Merci. Madame Lalonde, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci beaucoup, madame Obaid.
J'ai plusieurs questions à vous poser, parce que je ne connais pas bien votre organisation. Cependant, à vous entendre, je sais que c'est une organisation extrêmement importante parce qu'elle s'occupe spécifiquement du droit des femmes et des familles de gérer les naissances. J'ai vu vos autres objectifs. Mes questions seront précises.
Donnez-vous des services directs ou si vous faites affaire avec des ONG locaux?
Comment faites-vous pour affronter l'absence de droits des femmes dans certains pays? Autrement dit, y a-t-il un lien entre votre capacité d'action et l'évolution des droits des femmes dans les pays? Dans combien de pays êtes-vous?
Finalement, je vais vous poser une question qui sort peut-être irrecevable, mais pensez-vous que les femmes en Arabie Saoudite vont finir par avoir le droit de vote?
¿ (0925)
Le président: Votre question est probablement irrecevable, mais je comprends que vous la posiez puisque vous avez visité l'Arabie Saoudite.
Mme Francine Lalonde: Oui, c'est cela.
En fait, ce serait bien si elle répondait à cette question, puisqu'elle s'occupe des femmes.
Le président: Allez-y, madame. Vous êtes très libre d'y répondre. Nous sommes très ouverts.
[Traduction]
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Merci beaucoup.
Pour ce qui est de la première question, à savoir si nous offrons des services directs, la réponse est non. Nous faisons affaire avec les systèmes de santé des pays ainsi qu'avec des ONG nationales et internationales. Au Canada, nous en comptons trois. Nous collaborons avec Population Action International et avec d'autres ONG, y compris certaines qui sont établies aux États-Unis et d'autres qui sont nationales. Depuis l'institution de notre organisation, notre travail vise essentiellement à développer les capacités des populations pour les aider à se prendre en main. Tôt ou tard on va se retirer et les populations devront veiller à développer elles-mêmes leurs capacités.
Quant à l'absence de droits des femmes, nous déployons beaucoup d'efforts pour mettre un terme à la violence faite aux femmes, notamment aux pratiques traditionnelles de mutilation des organes génitaux féminins. Notre travail à cet égard s'effectue à trois niveaux. Nous collaborons avec les ONG pour exercer des pressions auprès des gouvernements. Nous collaborons avec les parlementaires pour mettre en place les lois nécessaires. Nous les aidons en leur offrant l'information et tout ce dont ils ont besoin pour être en mesure d'adopter ces lois. Dans de nombreux pays d'Afrique... par exemple, à l'heure actuelle, le Sénégal a une loi interdisant la mutilation des organes génitaux féminins, et c'est grâce au soutien que nous avons apporté en vue d'en arriver à une position multipartite sur des enjeux comme celui-là.
Nous travaillons dans 140 pays, mais certains de nos représentants sont responsables de plus d'un pays. On compte 76 représentants établis dans les divers pays. Notre organisation est petite par rapport à d'autres organismes auxquels nous sommes affiliés. Nous exerçons nos activités à l'aide de 1 000 employés et d'un financement de base. Donc, inutile de dire que notre organisation est petite. Si vous visitez notre bureau de pays, vous constaterez qu'un employé, deux tout au plus, viennent de l'étranger et que les autres sont du pays. L'organisation compte donc sur la structure nationale.
La dernière question n'est pas vraiment irrecevable. Je suis d'origine saoudienne et je connais le processus que le pays a suivi. Il est intéressant de voir que lors des élections qui s'y sont tenues récemment, deux groupes se sont démarqués : celui des extrémistes et celui des femmes qui s'y opposaient. Sept femmes ont posé elles-mêmes leur candidature et ont présenté un programme électoral, même si elles savaient qu'elles ne pourraient pas briguer les suffrages. D'ailleurs lors d'une entrevue, on m'a posé la question et j'ai répondu que si les Afghanes pouvaient voter, pourquoi en serait-il autrement pour les Saoudiennes? Nous y travaillons et tentons de trouver un moyen d'y parvenir.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup, madame.
Le président: Merci, madame Lalonde.
Monsieur Bevilacqua.
[Traduction]
L'hon. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Merci beaucoup, et je vous remercie également pour votre exposé.
En lisant votre notice biographique je constate que vous possédez beaucoup d'expérience et je trouve que c'est très louable de votre part de consacrer autant de temps à une cause aussi méritoire. À cet égard, pouvez-vous nous dire quelles sont les principales difficultés que vous avez dû surmonter? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Je n'ai pas de longs préambules.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: La plus grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés—et comme en témoigne mon expérience personnelle— c'est l'instruction des femmes et des jeunes filles. L'éducation a joué un rôle clé dans ma vie. Si on ne m'avait pas donné la possibilité de faire des études, je n'aurais pas pu avoir ce que j'ai maintenant. Mais surtout—et c'est ce à quoi sont confrontées les femmes et les jeunes filles dans bon nombre de pays en développement—, elles doivent pouvoir compter sur une famille qui croit au droit à l'éducation. C'est ce que j'ai eu la chance d'avoir. Mon père était fermement convaincu de la nécessité de me faire instruire. Il est également important de pouvoir compter sur un gouvernement qui s'est doté du système d'éducation nécessaire pour permettre aux femmes de faire des études. Bien entendu, il faut également avoir la détermination personnelle de poursuivre des études.
Je crois que l'autre défi qui se pose à nous, c'est que dans un contexte où encore aujourd'hui des femmes meurent en accouchant... Je continue de dire que le fait de donner naissance à un enfant est ce qu'il y a de plus naturel, et pourtant encore aujourd'hui, des femmes en meurent. Donc, toute la question du droit à la vie me motive à poursuivre le travail pour faire en sorte que les femmes puissent vivre et donner la vie, ainsi que jouir d'une bonne santé et d'une bonne éducation pour ensuite être productives.
Je crois que le problème auquel on se heurte actuellement dans bien des pays, c'est le fait que les problématiques des femmes sont perçues comme des problèmes qui touchent uniquement les femmes et non comme des enjeux sociaux à l'échelle mondiale, et par conséquent si les hommes pouvaient y croire et aider à faire avancer... Comme les parlementaires, les ministres et autres personnes influentes sont pour la plupart des hommes, le défi est de voir comment on peut leur faire comprendre que si les femmes sont en mesure de s'instruire, d'avoir une meilleure existence et de contribuer à la société, l'ensemble de la société s'en portera mieux. Les répercussions seraient bénéfiques pour la famille, la collectivité et le pays. À mon avis, c'est un défi de taille.
Nous avons mis en place un programme destiné à responsabiliser les hommes. Il met l'accent sur les moyens que peuvent prendre les hommes pour veiller non seulement à ce que les droits des femmes soient respectés, mais aussi sur le rôle qu'ils peuvent jouer à cet égard comme hommes et comme pères.
À l'heure actuelle, on est aux prises avec un problème qui prend des proportions alarmantes et qui constitue clairement un acte de violence : la traite des femmes. Les femmes, les jeunes en particulier, sont les nouvelles esclaves. Inutile de dire que le problème est grave. Ces activités sont liées au crime organisé, au trafic de stupéfiants et ainsi de suite.
Donc, même si nous avons fait beaucoup de chemin, l'apparition de nouveaux problèmes vient perturber les progrès accomplis.
La dernière question et de savoir comment investir. Que faut-il faire pour convaincre les parlementaires et les ministres des Finances que les questions féminines sont si importantes pour le bien-être du pays qu'ils décident de consacrer de l'argent à des programmes nationaux qui vont soutenir ces objectifs?
¿ (0930)
L'hon. Maurizio Bevilacqua: On vient tout juste de déposer un budget, soit dit en passant.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Oui, je suis au courant.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Souvent, on va examiner les intrants et on va dire qu'on consacre tant de milliards de dollars à un programme et on va s'engager de cette façon. Souvent, je vais examiner les intrants et les extrants. Autrement dit, il y a des choses qu'on peut réaliser dans une société sans qu'il soit nécessaire d'y engager des sommes d'argent. Pouvez-vous donner des exemples de ce que votre organisation a fait et qui le confirment?
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Comme je l'ai fait remarquer, un bon nombre de nos programmes ont été mis en oeuvre avec peu de moyens financiers. L'année 2004 a été la meilleure que nous ayons connue. Notre budget de base était de 360 millions de dollars, ce qui constitue le budget le plus élevé depuis nos débuts. Donc, inutile de dire qu'il s'agit d'une petite organisation. Ce montant dérisoire, à vos yeux, nous permet d'accomplir beaucoup de choses.
Nous travaillons, par exemple, au niveau de la prévention. Ce sont des mesures intangibles qui ne nécessitent pas beaucoup d'argent, très peu en réalité. Donc en matière de prévention de la mortalité maternelle, on informe notamment les gens sur le phénomène, sur les comportements à adopter et sur la nécessité pour les femmes de se rendre à une clinique pour avoir accès à ces services. Bref, ce travail de prévention que nous faisons ne nécessite pas d'argent.
Pour ce qui est de toute la problématique du VIH-sida et des jeunes qui en sont atteints, le fait d'avoir des cliniques qui offrent aux jeunes un milieu accueillant nécessite peu d'argent. La modification du comportement, ce n'est pas une question d'argent, mais un processus à long terme. Les effets ne sont pas immédiats, mais à court et à moyen termes, on constate des changements.
Ce sont là des exemples du travail que nous sommes en mesure d'effectuer avec très peu d'argent. Comme je l'ai dit, nous ne faisons pas affaire avec les hôpitaux qui disposent de beaucoup d'argent, mais avec de petites cliniques.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: D’après votre déclaration préliminaire et certaines des réponses que vous avez données à mes collègues ce matin, j’ai l’impression que vous tentez de régler beaucoup de problèmes. En vous attaquant à trop de problèmes à la fois, ne craignez-vous pas de ne pas concentrer suffisamment d'efforts sur certains des principaux objectifs qui vous permettraient de faire avancer votre cause?
Mme Thoraya Ahmed Obaid: À vrai dire, je ne crois pas que les enjeux sont trop nombreux; en réalité, ils sont tous interreliés. Il n'est pas possible, par exemple, de traiter de la question de la santé maternelle sans se pencher sur toute la problématique de la planification familiale et du VIH-sida, car elles sont liées. Pas plus qu'il n'est possible d'aborder la question du VIH-sida sans soulever celle des service de santé génésique, car elles sont connexes. Donc, environ 65 p. 100 des ressources sont consacrées au domaine de la santé génésique.
L'autre domaine, c'est-à-dire celui qui touche les aspects démographiques, est indispensable à la planification de ces services. On doit apporter un soutien aux gouvernements aux chapitres du recensement ainsi que de la collecte et de l'analyse des données, parce que s’ils ne disposent pas des outils nécessaires pour connaître, notamment, la structure par âge de la population, ils ne seront pas en mesure de planifier leurs programmes en conséquence.
Donc, en réalité, nous nous concentrons principalement sur deux domaines qui sont très étroitement liés. Parce qu’il s’agit de santé génésique, on va se pencher sur des questions qui touchent la reproduction de l’être humain, que ce soit la violence, car on sait qu'elle a une incidence sur la santé génésique...
Je vais vous donner un exemple. Au Rwanda, où le viol servait d’arme de guerre, le tiers des femmes qui ont été violées sont maintenant séropositives et meurent aujourd’hui du sida. On ne peut donc pas séparer la question du VIH de celle de la santé génésique et de la santé maternelle. Elles sont toutes étroitement liées.
¿ (0935)
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Puis-je vous poser une question? J’ai besoin d’un peu plus de temps.
Le président: Si vous voulez poser d'autres questions, nous allons revenir à vous après l'intervention de Mme McDonough.
Madame McDonough, s'il vous plaît.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup d'être venue aujourd'hui.
Veuillez m'excuser pour mon arrivée tardive. C'est mon quatrième engagement de la matinée et je suis vraiment désolée d’avoir manqué votre déclaration préliminaire. Je m’excuse à l'avance si je reviens sur des questions que vous avez déjà peut-être abordées.
J’estime qu’il est très utile que vous reconnaissiez et que vous nous rappeliez que votre travail est compliqué du fait que les femmes ont encore aujourd'hui un statut inférieur dans la plupart des pays du monde et qu'elles sont encore nettement sous-représentées en politique, ce qui rend les choses deux fois plus difficiles.
Premièrement, à l'approche de la conférence Beijing + 10, êtes-vous en mesure de nous dire où nous en sommes, à votre avis, par rapport aux objectifs et aux buts qui avaient été fixés sur la question de la santé génésique dans le programme d'action de Beijing?
Deuxièmement, on vient de mentionner que le gouvernement fédéral a récemment déposé un budget. Je ne vais pas vous demander d'intervenir de quelque façon que ce soit dans ce débat, mais comme vous le savez, on reconnaît et on appuie à l'échelle internationale un seuil de 0,7 p. 100 du PIB au chapitre de l'aide au développement international. Je n'ai pas pu faire les calculs, mais je crois qu'au pays le pourcentage honteusement bas de 0,24 p. 100 est passé à près de 0,27 p., une maigre augmentation de 0,3 p. 100.
Ma question est la suivante. D'autres pays ont atteint et même dépassé le seuil de 0,7 p. 100, et je me demandais si vous pouviez nous dire s'il existe une corrélation entre les pays qui ont atteint ou dépassé le seuil de 0,7 p. 100 et le niveau de soutien qu'ils accordent au Fonds des Nations Unies pour la population pour vous permettre d'effectuer l'important travail que vous faites à l'égard de la santé génésique.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Merci beaucoup.
En ce qui concerne Beijing + 10 et les questions de santé génésique, disons que nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Comme on l'a mentionné, bien des choses ont changé. Puisqu'on compte plus d'établissements et de centres de santé, un plus grand nombre de femmes ont accès aux services de planification familiale et sont en mesure d'organiser leur vie. C'est toutefois regrettable, voire honteux, de constater que la mortalité maternelle est un indicateur qui souligne un peu plus les disparités entre les pays en développement et les pays industrialisés ainsi qu'entre les riches et les pauvres au sein d'un même pays. Depuis un certain temps, le taux est stable, ce qui démontre qu'on ne s'est pas suffisamment préoccupé de réduire la mortalité maternelle; la bonne nouvelle toutefois, c'est qu'un certain nombre de pays ont réalisé des progrès à ce chapitre, y compris des pays pauvres comme le Sri Lanka et le Bangladesh. Ils ont, en effet, réussi à réduire le taux de mortalité, et ce, en partie grâce au travail d'éducation et à l'intégration des services dans les soins de santé primaires.
Quant à l'objectif fixé pour la santé maternelle dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement, nous estimons que bon nombre de pays ne seront pas en mesure de l'atteindre d'ici 2015. Ce sera très difficile à réaliser. Cela est attribuable à la piètre qualité des systèmes de santé et à la baisse des investissements dans la prestation des services. Il va sans dire que toute la question de la sensibilisation et de la condition féminine est liée à cela. Donc, en ce qui a trait à la santé génésique, il y a encore du chemin à parcourir. C'est ce que révélera l'examen Beijing + 10.
L'an dernier, nous examiné la situation dans les 160 pays où nous oeuvrons, à l'aide d'un sondage. Nous nous sommes aperçus que bon nombre d'entre eux, disons environ 25 p. 100, ont réalisé des progrès à l'égard de plusieurs indicateurs se rapportant, entre autres, à la santé des femmes et à la participation, mais ce n'est malheureusement pas le cas pour bien d'autre pays qui affichent encore des indicateurs très défavorables. Si nous voulons atteindre les objectifs fixés d'ici 2015, il faudra faire vite, et très vite, parce que je ne suis pas certaine qu'on pourra respecter l'échéancier. Le constat est décevant certes, mais il faut poursuivre le travail.
En ce qui a trait au seuil de 0,7 p. 100, le Canada se classe au dixième rang parmi les pays donateurs.
J'ai de bonnes nouvelles à vous annoncer et cela répond en partie à votre question. En 2001, lorsque je suis entrée en fonctions, l'organisation comptait 92 donateurs, des pays industrialisés bien entendu, mais aussi des pays en développement. On s'est fixé comme objectif d'avoir 150 donateurs à la fin de 2004. On en a recruté 166. Donc, on a élargi sensiblement notre base de donateurs, et cette hausse se situe au niveau des pays en développement, ce qui témoigne de leur engagement. De petits pays... l'Afghanistan et la Somalie nous ont donné 100 $ chacun, mais c'est l'engagement politique qui compte. Donc, l'élargissement de ce groupe de donateurs revêt une grande importance.
Pour ce qui est des pays qui ont atteint ou dépassé le seuil du 7 p. 100, cela s'est traduit par une aide pour l'organisation. Les Pays-Bas... l'aide que la Suède vient tout juste de nous accorder s'est accrue de près de 30 p. 100. Donc, les pays qui ont atteint le seuil se sont engagés à augmenter leur contribution à l'égard de la santé génésique. Pour répondre à votre question, oui, il y a un lien entre les deux.
¿ (0940)
Le président: Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à M. Bevilacqua.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Merci.
J'aimerais revenir à notre préoccupation première et également poursuivre dans la même veine que ce que Mme McDonough a dit à propos de l'aide étrangère.
Dans quelle mesure la structure politique et l'appareil judiciaire des pays dans lesquels vous oeuvrez ont-ils été un obstacle au travail que vous effectuez?
Par ailleurs, vous avez sans doute entendu parler de Hernando De Soto. Il est l'auteur de l'ouvrage intitulé The Mystery of Capital. J'aimerais simplement savoir ce que vous pensez de sa théorie sur l'aide étrangère et l'aide au développement.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Je n'ai pas lu le livre, mais je pense savoir de quoi il traite. Quelle est sa théorie?
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Essentiellement, quand on examine la question de l'aide étrangère, on doit vraiment tenir compte des structures politiques et judiciaires ainsi que de la prise en charge. Comme vous le savez, le fait d'accorder des droits à des personnes peut provoquer un endettement, ce qui fait ressortir l'utilité des biens ou des services et, à vrai dire, c'est une des voies que nous devons emprunter si nous voulons créer la richesse nécessaire pour mettre sur pied les systèmes d'éducation qui vous tiennent tellement à coeur.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Dans un sens, je suis d’accord avec lui si c'est ce qu'il avance. Notre travail est motivé par la prise en charge des pays. Comme je l’ai dit, nous ne devrions pas être présents indéfiniment. Nous devrions être en mesure d’aider les gouvernements à développer leurs capacités institutionnelles afin qu’ils puissent éventuellement se prendre en charge.
Il faut, à notre avis, se concentrer sur trois objectifs pour assurer la prise en charge nationale.
Premièrement, le pays doit se doter des ressources humaines appropriées. Notre travail consiste en partie à développer les compétences voulues en offrant, entre autres, de la formation et du soutien. Deuxièmement, il faut compter sur des institutions suffisamment fortes pour offrir les services. Troisièmement, il faut également avoir des budgets nationaux qui appuient les programmes. Ce sont là les trois objectifs qui nous motivent à poursuivre le travail pour faire avancer…
Évidemment, notre organisation ne s’ingère pas directement dans les systèmes judiciaires et politiques des pays. Nous tentons d’atteindre ces objectifs par une action de sensibilisation et par du soutien technique. Lorsque nous collaborons avec les parlementaires, nous souhaitons que ce soient eux qui veillent à ce que les lois soient adoptées et que les systèmes soient modifiés. Lorsque nous travaillons avec les ministres, nous souhaitons que ce soient eux qui veillent à surpasser les objectifs. À l’heure actuelle, nous sommes confrontés à un problème réel au sein des ministères de la santé qui gèrent les programmes de lutte contre le VIH et les initiatives de santé maternelle et de planification familiale selon une structure verticale. Par conséquent, l’argent et les ressources humaines sont placés ici et là et il n'y a pas de communication entre les divers programmes. Nous estimons que ces questions sont reliées les unes aux autres et qu'il serait donc plus rentable de les regrouper de façon à ce qu'au niveau local, les femmes puissent se rendre à une clinique notamment pour obtenir des soins de santé maternelle, subir des tests de dépistage du VIH-sida, recevoir du counselling et recourir aux mêmes services offerts pour les deux objectifs.
Pour cela, il faut modifier le système au sein des ministères de la Santé. Nous poursuivons le dialogue avec des fonctionnaires pour leur faire prendre conscience de la situation afin que les changements nécessaires soient apportés. Nous nous y prenons également d’une autre façon. Les sommes d’argent que nous versons aux pays sont minimes. Contrairement à vous, l’aide accordée n’est pas bilatérale. L’ensemble du soutien versé par les Nations Unies représente environ 1 p. 100 de toute l’aide accordée aux pays en développement. Vous fournissez l’argent et nous offrons du soutien, de l’aide technique et ainsi de suite. Nous essayons de collaborer avec les donateurs pour que, par le biais de leur propre soutien aux pays, ils se penchent sur ces questions afin d'unir les efforts.
Bon nombre de pays offrent maintenant ce qu’ils appellent une aide budgétaire. Il s’agit de fonds consacrés, notamment, à la santé et à l’éducation. Nous travaillons de concert avec les gouvernements de ces pays ainsi qu’avec les donateurs qui accordent une aide budgétaire pour veiller, par exemple, à ce que des fonds du ministère de la Santé soient affectés aux produits de santé génésique afin qu’à long terme, les pays puissent subvenir à leurs besoins et n'aient plus à dépendre de l'aide extérieure.
Le Nicaragua est un pays auquel vous accordez du soutien. Nous avons conclu une entente de dix ans avec ce pays en vertu de laquelle celui-ci s'est engagé à fournir 20 p. 100 de l'argent nécessaire pour acheter les produits et nous nous sommes engagés à verser le reste, soit 80 p. 100. Tous les deux ans, le pays augmentera sa participation de 20 p. 100 et nous réduirons la nôtre de 20 p. 100 jusqu’à ce que, d’ici 10 ans, le Nicaragua soit autosuffisant et que la responsabilité à ce chapitre repose ensuite entièrement sur le gouvernement de ce pays.
Ce sont là des questions auxquelles nous travaillons pour favoriser la prise en charge nationale et les changements au sein des structures. Toutefois, la décision finale appartient aux parlementaires et aux responsables de chacun des pays.
¿ (0945)
Le président: Merci.
Nous passons maintenant à M. Day.
M. Stockwell Day: Une délégation de députés, dont Mme Lalonde faisait partie, s’est rendue récemment dans des pays musulmans.
Nous préparons un rapport au Parlement sur la façon dont le Canada devrait entretenir ses relations avec divers pays musulmans.
En Égypte, lors de nos rencontres avec des femmes et des organisations féminines, on nous a dit que le taux d'excision chez les femmes, un euphémisme sans doute pour parler de mutilation, était supérieur à 80 p. 100.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: En réalité, il s’élève à 96 p. 100.
M. Stockwell Day: C’est aussi ce que quelqu'un nous a dit et nous avons été réellement choqués de l'apprendre. D’ailleurs, lorsque je me suis entretenu avec un groupe de politiciens, des hommes, il va sans dire, je leur ai demandé si c’était vrai et s’il s’agissait d’un élément de la foi musulmane et d’un commandement du Coran. Ils ont laissé entendre qu'on n'en faisait probablement pas mention dans le Coran. Quand je leur ai ensuite demandé ce qu’on pouvait faire à cet égard, ils ne semblaient pas beaucoup disposés à agir.
Avez-vous trouvé un moyen efficace de donner à cette question une dimension politique? Manifestement, nous connaissons leur préoccupation à l'égard du respect de la souveraineté d'autres pays et d'enjeux de ce genre, mais nous avons été ébranlés par ces chiffres face auxquels nous nous sentions impuissants.
Mme Thoraya Ahmed Obaid: Comme je l’ai dit, toute la question de l’excision—–ou de la mutilation, selon votre point de vue—–des organes génitaux de la femme est un problème grave. En Égypte, nous avons effectué un sondage il y a cinq ou six ans. Le taux était alors de 96 p. 100, et c’est encore le cas aujourd’hui.
Le problème se résume ainsi : dans tous les pays où se pratique l'excision des organes génitaux de la femme, on a invoqué, à l'origine, des raisons médicales. Les femmes saignaient, elles avaient de la difficulté à tomber enceintes, elles éprouvaient des problèmes lors de l'accouchement et ainsi de suite. On en a donc fait une question médicale. En s'appuyant sur cette argumentation, bon nombre de programmes ont été mis en oeuvre. Pendant un certain temps, on a mis de côté la dimension culturelle.
En Égypte, l’excision est devenue un acte médical d’une autre façon. Ce sont les médecins qui la pratiquent. Les femmes qu’on a interrogées ont souvent dit qu’elles avaient demandé que seule une petite partie soient enlevée parce que du point de vue culturel, cela signifie que leur fille est circoncise et qu’elle a ainsi plus de chances de se marier.
La pratique de l’excision des organes génitaux féminins remonte à l’époque pharaonique, c'est-à-dire qu'elle est bien antérieure à l’ère islamique. Je suis originaire d’Arabie saoudite, le berceau de l’Islam. Pourtant, on n’y pratique pas l’excision. On ne connaît pratiquement rien à ce sujet. Donc, toute la question est liée à l’expérience pharaonique et aux liens qui existent entre l’Égypte et l’Afrique.
Cette question, fortement enracinée dans la culture, est liée aux perceptions culturelles de la sexualité féminine. Les femmes doivent être passives. Elles doivent être soumises. Elles ne doivent pas sortir et faire honte à leur famille en ayant des relations sexuelles. Donc, il s’agit essentiellement de changer les attitudes et nous orientons maintenant nos efforts dans ce sens.
Le plus étonnant, c'est que ce sont souvent les mères qui sont en faveur de l’excision. Les pères ne l'approuvent pas, mais les mères, si. Elles croient que c’est dans l’intérêt de leur fille de se faire exciser.
Donc, à moins qu’on favorise une approche qui tienne compte des particularités culturelles, je ne crois pas qu'on puisse régler le problème.
Lorsque le Sénégal a adopté une loi à cette fin, nous avons dû, dans un premier temps, travailler avec les institutions religieuses afin que dans chaque mosquée et église… et dans les croyances africaines locales, les dirigeants des collectivités ont dû dénoncer la pratique pour donner l’impression qu’ils avaient accepté le changement. Si la loi a pu être adoptée au Parlement, c’est grâce aux personnes qui occupent des postes de responsabilité dans les localités et aux chefs religieux. En Égypte, on collabore notamment avec la mosquée d'Al-Azhar sur ce dossier.
Bon nombre des questions auxquelles nous sommes confrontés ont un caractère culturel. Le défi ne se limite pas à savoir si les services sont offerts ou non, mais s’il est également possible de modifier les comportements. Depuis mon entrée en fonctions, nous avons mis sur pied un programme qui met l'accent sur la culture, les rapports entre les sexes et les droits de la personne. Manifestement, à l'égard des questions concernant les femmes et les rapports entre les sexes, les droits de la personne ne sont pas respectés, et la culture y est pour quelque chose. Donc, nous tentons d’établir des liens et de voir de quelle façon nous pouvons miser sur les valeurs positives d'une société—en acceptant ses différences et en travaillant dans un contexte de diversité pour réaliser des changements culturels par le biais de valeurs positives. Par le passé, l'accent a toujours été mis sur les points négatifs. On doit donc insister sur les points positifs pour encourager la communauté à se prendre en charge et à aller de l’avant.
¿ (0950)
Le président: C'est un très bon point.
J'abonde dans le même sens que vous à ce propos, parce qu'au cours de notre visite en Égypte, on nous a dit que la pratique était également courante chez les chrétiens de ce pays. Donc, le phénomène n’est pas propre aux communautés arabes.
Avant de lever la séance, j’ai une question à vous poser. Vous avez fait énormément de travail dans les dossiers du développement social et de la condition féminine dans le monde arabe, dont bon nombre de pays sont également confrontés à des défis démographiques de taille, comme le souligne le Rapport arabe sur le développement humain. Nous savons en quoi consistent les problèmes. Ma question est la suivante. Dans la société arabo-musulmane, la question des droits des femmes revêt un caractère très délicat pour des motifs culturels et religieux. Quelles démarches de sensibilisation populaire proposeriez-vous au Canada ou à tout autre pays donateur pour pouvoir réaliser des progrès grâce à une intervention bien accueillie par ces sociétés?
Mme Thoraya Ahmed Obaid: La question des droits de la femme, surtout dans les sociétés musulmanes, est un véritable défi et une grande source de controverse. Elle découle essentiellement de la façon dont l'Islam est interprété, particulièrement par les hommes.
Quelques gestes sont posés. Je vais vous en donner un exemple personnel.
Je me rappelle que mon père me disait—j'étais mariée et j'ai divorcé de mon premier époux— : «Fais respecter tous les droits que l'Islam t'a conférée et complète par les droits que te confère le droit civil et qui ne sont pas prévus par l'Islam », ce qui signifiait qu'il ne fallait pas rejeter entièrement la charia—parce que c'est un moyen de faire respecter ses droits, de bien des façons—, mais qu'il fallait aller encore plus loin.
Voilà ce à quoi il faut travailler. Comment interpréter la charia d'une nouvelle façon, du point de vue d'une femme, en partant du principe que l'Islam comme tel a changé la qualité de vie des femmes de la période pré-islamique jusqu'à maintenant? Comment conserver au texte son esprit tout en lui donnant une autre interprétation?
Nous travaillons en collaboration avec l'université Al-Azhar. Le FNUAP a créé le Centre islamique international des études et recherches démographiques, il y a 15 ans environ. Depuis tout ce temps, nous travaillons de concert avec Al-Azhar de manière à ce qu'elle nous fournisse de l'information sur ce que prévoit l'Islam qui pourrait servir à promouvoir les droits des femmes, le planning familial et ainsi de suite. Nous sommes actuellement en train d'utiliser les informations transmises par Al-Azhar pour en faire des messages populaires qui peuvent être utilisés dans toutes les sociétés musulmanes.
Que pouvez-vous faire?
Le Moyen-Orient traverse actuellement une très pénible phase d'instabilité. Il ne faudrait pas qu'il croit qu'un changement dans le statut des femmes correspond à ce que souhaite l'Occident, mais plutôt qu'il est avantageux pour le pays et pour les femmes. Il est essentiel, pour des raisons d'ordre psychologique, de s'assurer qu'il n'y a pas de lien entre cette question et ce que l'Occident ou les États-Unis ont en tête.
J'estime qu'il est très important de travailler au sein même du système d'éducation, de passer par les clubs de jeunes et de concevoir des programmes grâce auxquels les jeunes, dès l'enfance, voient les questions relatives aux hommes et aux femmes d'un autre oeil. Il est possible d'investir dans des programmes éducatifs qui produisent ce genre de changements d'attitude dès un jeune âge. Il est trop tard lorsqu'ils sont plus vieux. Commençons dès l'enfance et laissons les programmes faire leur oeuvre à mesure que vieillissent ces jeunes.
¿ (0955)
[Français]
Le président: Merci beaucoup d'être venue ici ce matin avec vos collègues.
[Traduction]
Croyez bien que notre comité vous est très reconnaissant d'être venue le rencontrer. Je vous souhaite bonne chance. Ne lâchez pas.
Le comité va suspendre ses travaux pour cinq minutes afin de donner le temps aux témoins suivants de prendre place. Je vous remercie.
¿ (0957)
À (1005)
Le vice-président (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)): Le comité reprend ses travaux.
Nous reprenons l'examen, conformément à l'ordre de renvoi, du projet de loi C-25, Loi régissant l'exploitation des systèmes de télédétection spatiale.
Nous accueillons avec plaisir aujourd'hui M. Ferdinand Bonn, chaire de recherche du Canada en observation de la Terre, Département de géographie et de télédétection, Université de Sherbrooke.
Soyez le bienvenu, monsieur Bonn. Je vous remercie d'avoir accepté de venir ici avec si peu de préavis. Il nous tarde d'entendre votre témoignage et de voir ce que vous avez à nous présenter au sujet des systèmes à satellites.
Monsieur Bonn, si j'ai bien compris, vous avez prévu de nous faire un exposé de dix minutes, après quoi nous passerons aux questions du comité.
[Français]
M. Ferdinand Bonn (Chaire de recherche du Canada en observation de la Terre, Département de géographie et télédétection, Université de Sherbrooke): Merci. Je vais faire ma présentation en français, mais je suis prêt à répondre aux questions en anglais. La terminologie est parfois plus appropriée en anglais, mais pas toujours.
Je vous remercie de cette invitation et vous prie de m'excuser. J'ai été prévenu il y a deux ou trois jours seulement et j'ignorais à peu près tout du projet de loi en question. J'ai fait de la lecture rapide. Je pars demain pour le Vietnam. Nous avons un projet de coopération en observation de la Terre avec des partenaires vietnamiens depuis maintenant une douzaine d'années. Ce sont des projets financés par l'ACDI ou le CRDI. Notre séminaire de présentation des résultats à nos partenaires vietnamiens aura lieu demain. Nous nous préparions donc un peu fébrilement.
Je me suis documenté très rapidement sur le projet de loi. J'ai lu le texte ainsi que le résumé législatif. Je dois préciser que je ne suis pas un juriste, mais un scientifique. J'ai une trentaine d'années d'expérience dans le développement des applications de la télédétection pour la gestion des ressources naturelles et l'environnement, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Mon équipe et moi avons travaillé en Afrique, avec des gens de l'Europe et au Canada dans différents secteurs.
Le point de vue que j'apporterai est celui d'un utilisateur des données de télédétection qui, par la force des choses, a suivi les développements dans le domaine et y a également contribué afin de rendre les données d'observation de la Terre plus faciles à utiliser pour diverses applications. En particulier, je travaille dans le domaine de la conservation de l'eau et des sols et dans celui de la prévention des risques naturels.
J'ai également participé récemment au développement de la coopération entre le Canada et l'Union européenne dans le domaine de la télédétection, en particulier dans le cadre du programme GMES, Global Monitoring for Environment and Security. De ce fait, j'ai aussi reçu les informations concernant la mise en route du programme international GEOS, Global Earth Observation of Systems, qui est piloté par les États-Unis et auquel le Canada participe.
Je fais rapidement une petite mise en contexte. Je ne voudrais pas que ce soit un cours, parce que je crois que la télédétection n'est pas familière à la plupart des personnes ici présentes. Je vais vous faire un petit historique pour placer ce projet de loi dans son contexte.
Les données d'observation de la Terre par les satellites existent depuis la fin des années 1960, mais elles ont réellement pris leur essor en 1972, avec le lancement du premier satellite américain, Landsat, dont le capteur MSS, Multispectral Scanner, avait une résolution au sol de 80 mètres. Les usagers potentiels de ces données en géologie, en agriculture, en environnement, en cartographie et en océanographie n'étaient pas prêts à l'époque à les assimiler dans leurs tâches régulières, car les technologies--en particulier du côté informatique--n'avaient pas encore atteint la maturité qu'on leur connaît aujourd'hui. De plus, certains promoteurs de l'utilisation des données spatiales ont fait de la survente, ce qui a parfois discrédité cette information auprès des utilisateurs.
Au milieu des années 1980, une deuxième génération de satellites a vu le jour, surtout dans le domaine optique, avec le capteur thématique Mapper de Landsat 4, qui avait une résolution de 30 mètres, et avec le satellite français SPOT, qui avait une résolution de 10 mètres. Ces résolutions plus fines ont ouvert la porte à toute une nouvelle série d'applications, comme la mise à jour cartographique au 50 millième, la prévision des récoltes et le suivi de la déforestation ou la gestion des catastrophes naturelles.
À l'époque, au milieu des années 1980, il y avait plusieurs gouvernements conservateurs dans plusieurs pays occidentaux: Thatcher en Angleterre, Reagan aux États-Unis, Mulroney au Canada, Chirac--non pas président, mais premier ministre--en France. À ce moment-là, on a commencé à privatiser la vente et la distribution des données de télédétection.
À (1010)
Cela s'est traduit immédiatement par une hausse massive des prix et des règles contraignantes de copyright qui ont été initiées par la société française Spot Image. Par la suite, il y a eu la création d'EOSAT aux États-Unis et de RADARSAT International au Canada.
Souvent, les utilisateurs de type scientifique ou environnemental n'avaient pas les moyens d'acheter ces images ou ces données à plein tarif. Il a donc fallu que les agences de distribution et les agences spatiales introduisent des solutions alternatives à coût réduit pour la recherche et pour la formation. Malgré cela, plus de 90 p. 100 des images satellites n'étaient pas utilisées. Elles dormaient dans des archives.
Dans les années 1990, une nouvelle génération de satellites apparaît, en particulier les satellites radar. Il y a eu les Européens avec ERS-1 et ERS-2, les Japonais avec JERS-1 et, plus près de nous, le Canada avec RADARSAT-1. Ces satellites radar ont la particularité de pouvoir observer la surface terrestre sans dépendre des conditions d'éclairage solaire. On peut donc faire des observations jour et nuit et également à travers les nuages.
En parallèle, les utilisateurs et l'informatique ont évolué. L'utilisation des données devient plus facile, en particulier dans le cadre des systèmes d'information géographique. Cela a ainsi donné naissance à une toute nouvelle discipline qui s'appelle la géomatique.
La distribution des données est encore semi-privée avec la création de sociétés comme RADARSAT International.
D'autre part, à la fin des années 1990 et au début de ce siècle-ci, les satellites optiques font un autre bond en résolution. Le satellite indien IRS atteint cinq mètres de résolution. SPOT 5, en France, atteint 2,5 mètres avec un système d'images composites. De plus, il y a les satellites américains IKONOS et QuickBird, qui sont des satellites optiques et qui ont des résolutions d'un mètre et de 60 centimètres. En fait, ce sont d'anciens satellites militaires qui ont été déclassifiés et qui sont devenus accessibles au public.
IKONOS et QuickBird sont entièrement gérés par le privé. RADARSAT-1 est géré par l'Agence spatiale canadienne et par RADARSAT International, une société privée qui s'occupe de la distribution. RADARSAT-2, qui aura une résolution de deux à trois mètres en radar--cela signifie un peu plus qu'en optique--, est en cours de construction et d'essai. Il devrait être lancé à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine et sera géré entièrement par une entreprise privée.
Au moment de l'approbation du concept de RADARSAT-2--cela remonte donc à quelques années--, les États-Unis avaient émis quelques réserves vis-à-vis de la distribution libre d'images radar à très haute résolution, car ces images auraient permis d'observer certains objectifs militaires camouflés. Pour ma part, j'en doute parce que c'est un satellite qui fonctionne en bande C. La bande C, qui correspond à une longueur d'onde de 5 centimètres, n'a pas une très grande pénétration dans le sol. Ce n'est donc pas le radar le plus intéressant pour les militaires. En fait, les militaires préfèrent probablement des radars avec des longueurs d'onde beaucoup plus grandes, qui permettent de voir à travers les forêts et à l'intérieur du sol, donc une bande P ou quelque chose du genre. Or, il n'y en a pas du côté civil.
Ce sont probablement ces considérations et le contexte d'insécurité généré par les événements du 11 septembre 2001 qui ont mené à la préparation du projet de loi C-25.
Pendant la guerre en Irak, il n'était pas possible, par exemple, d'acheter des images IKONOS et QuickBird sur la plupart des zones stratégiques. Par contre, il y a en même temps, en parallèle, des développements d'ententes internationales entre les différentes agences spatiales et les fournisseurs de données de télédétection. Un élément très important est la mise en place de la charte internationale qui s'appelle Espace et catastrophes majeures. C'est une initiative de l'Agence spatiale européenne, de l'agence spatiale française, le CNES, de l'Agence spatiale canadienne, de l'Agence spatiale indienne, de l'Agence spatiale argentine et de la NOAA, qui est l'administration américaine de gestion de l'atmosphère et des océans.
Cette charte permet, sur un simple coup de fil d'un téléphone rouge, de mobiliser la plupart des satellites en cas de catastrophe majeure. Cela a été utilisé dans le cas du tsunami, dont vous avez entendu parler, mais depuis la signature de cette charte il y a maintenant trois ans, il y a eu une cinquantaine d'activations lors de tremblements de terre, d'irruptions volcaniques et de déversements de pétrole.
À (1015)
On a tous entendu parler du fameux pétrolier Prestige au large des côtes de l'Espagne. Je me demande si une telle mobilisation rapide des ressources d'observation de la Terre sera encore possible avec ce projet de loi C-25.
J'arrive maintenant aux questions que la lecture du projet de loi C-25 m'a amené à me poser. Sur le plan des principes, il est normal que le gouvernement veuille placer des balises au fonctionnement des systèmes de télédétection, qui ont été payés en grande partie par les fonds publics, donc par l'argent des contribuables, et qui sont exploités par les entreprises privées. Je ne discuterai pas ici du bien-fondé ou non de la privatisation, car je pense que c'est un choix politique sur lequel il est difficile de revenir à ce stade.
Le projet, tel qu'il est rédigé, présente à mon sens quelques ambiguïtés et quelques incompatibilités avec d'autres engagements internationaux du Canada. Je vais en mentionner quelques-unes. J'avoue que j'en ai fait une lecture rapide et que je n'ai pas consulté de juristes. Je vais mentionner un certain nombre de points qui m'ont frappé lors de la lecture du projet de loi.
D'abord, sur le plan technique, il y a un certain nombre de différences entre le texte anglais et le texte français. Les notions de « données brutes » ou de « produit dérivé », par exemple, n'ont pas la même définition dans les deux langues. En français, on dit « produit dérivé », et en anglais, on dit « remote sensing product. » En français, dans le milieu de la télédétection, on utilise souvent la notion de « données brutes » pour désigner une image déjà structurée, alors que le sous-entendu serait probablement, d'après ce que je lis entre les lignes, ce qu'on appelle le signal tapedans le domaine du radar, qui est l'information non reconstruite à partir du traitement primaire des données.
Aux articles 5 et 6, on ne précise pas si les systèmes de télédétection mentionnés doivent être canadiens ou non. De plus, l'alinéa 6d) semble étendre la portée de la loi hors de nos frontières. En fait, il est tout à fait courant, dans le monde de la télédétection, d'avoir des stations de réception et de données à plusieurs endroits sur la planète, et un système de distribution basé sur Internet avec des transferts FTP. Comment pourra-t-on gérer cette loi dans un tel contexte d'extraterritorialité? Je n'ai pas de réponses sur ce point.
Il y a un autre point important. Lorsque le projet de loi parle de télédétection, il le fait comme si le même opérateur était responsable de toutes les composantes du système. On définit ce qu'est un système de télédétection, mais il en est souvent autrement dans la pratique. En effet, on peut avoir un satellite exploité par un opérateur d'un pays, la station de réception se trouvant dans un deuxième pays, et des entreprises chargées de la distribution des données qui sont dans un troisième endroit. Dans un tel cas, comment l'opérateur pourra-t-il garder un contrôle total du système? Je vous renvoie sur ce point aux alinéas 8(4)a) et 8(4)b), qui traitent de l'application des licences en pays étrangers.
Le Canada est partenaire à part entière du programme international GEOSS, qui vient d'être entériné et amplifié par le troisième Sommet mondial sur l'observation de la Terre, qui s'est tenu à Bruxelles la semaine dernière. Ce sommet a approuvé le plan décennal du GEOSS, dans lequel il y a des clauses d'accès universel aux données, jusqu'à certaines limites de résolution. Il y a également dans ce plan des clauses d'interopérabilité des systèmes spatiaux et de mise à disposition quasi universelle des produits dérivés, accompagnées d'une quasi-gratuité pour les pays en développement. L'alinéa 8(4)e) me semble en contradiction avec ces principes, qui font pourtant partie d'engagements internationaux du Canada.
La délégation canadienne qui a entériné le GEOSS était pilotée par le ministère de l'Environnement et soutenue par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, l'Agence spatiale canadienne, Ressources naturelles Canada et Protection civile Canada. Or, ces ministères semblent jouer un rôle mineur dans le projet de loi C-25, alors que ce sont les principaux utilisateurs de données de télédétection au sein du gouvernement fédéral.
À (1020)
En particulier, ces ministères ne semblent pas intervenir dans l'octroi ou la révocation des licences, dont on parle plus tard dans la loi.
Selon la Constitution canadienne, les provinces sont responsables de la gestion des ressources naturelles et sont habituellement de grandes consommatrices de données de télédétection pour la mise à jour des inventaires forestiers et des statistiques agricoles, par exemple. C'est pour cela que plusieurs d'entre elles ont contribué financièrement à la construction de RADARSAT-1, en échange d'une gratuité pour un certain nombre de données sur leur territoire. Je sais qu'au moins le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta avaient contribué financièrement à RADARSAT-1.
Le projet de loi ne mentionne pas explicitement d'ententes avec les provinces, qui seront alors traitées comme des clients commerciaux réguliers.
De plus, les paragraphes 8(6) et 8(7) ne sont pas identiques en français et en anglais, car le libellé français sous-entend un « et », alors que le libellé anglais comporte un « or ». Par exemple, en anglais, on peut lire:
[Traduction]
The conditions may include requirements that, in specified cases or circumstances, the communication of the raw data |
(a) be subject to the Minister's prior approval; or |
(b) be done only under a legally enforceable agreement, entered into in good faith, that includes measures respecting their security or their further communication. |
[Français]
Dans la version française, le « or » a disparu. Donc, les deux articles ne sont pas similaires. C'est le cas de plusieurs éléments de cette loi. En anglais, il y a toujours le mot « or »--c'est l'un ou l'autre--, alors qu'en français, en lisant le texte, on a l'impression que ce sont les deux choses simultanément. C'est ma lecture du projet de loi. Je ne suis pas juriste, mais je crois qu'il y a un peu de travail de révision à faire de ce côté-là.
Enfin, selon l'alinéa 8(6)b), la réception, la communication, le traitement et l'archivage de ces données ne sont pas des activités contrôlées. Autrement dit, on demande le contrôle du ministre, mais d'un autre côté, on dit que les activités ne sont pas nécessairement contrôlées. Personnellement, j'ai eu des difficultés à la lecture de ce passage. Si j'en avais parlé avec un juriste, j'aurais peut-être pu comprendre. Donc, il s'agit du fameux « or » et des activités contrôlées.
Ensuite, toute la question de l'attribution ou de la révocation des licences me semble floue et difficile à appliquer. Parmi les causes de révocation, il n'est nulle part fait mention d'une éventuelle prise de contrôle étrangère par l'opérateur licencié. On suppose dans le texte que celui qui exploite le système satellite est un opérateur canadien. Toutefois, cette possibilité est bien réelle et je pense que cela pourrait se produire n'importe quand, parce que ce sont des entreprises privées. Selon les lois du marché boursier, une entreprise rentable peut être mise à profit.
Mme Francine Lalonde: Excusez-moi, monsieur le président, mais le secrétaire parlementaire rend difficile l'audition du témoin.
[Traduction]
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Le secrétaire parlementaire attirait simplement mon attention sur l'article du projet de loi auquel nous renvoie M. Bonn selon lequel le ministre n'est pas mentionné. Je m'en excuse.
Veuillez poursuivre, monsieur Bonn.
À (1025)
M. Ferdinand Bonn: D'accord. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Vous avez la parole depuis 18 minutes environ.
M. Ferdinand Bonn: Je suis sur le point de conclure.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Parfait. Ne vous pressez pas. Ce que vous avez à dire nous intéresse.
Vous avez le vent dans les voiles. N'arrêtez pas.
[Français]
M. Ferdinand Bonn: Je reviens sur la question de la fragilité d'un opérateur privé pouvant être sous contrôle d'intérêts non canadiens.
Les articles 14 et 15 mentionnent également une possibilité d'interruption de service et d'accès prioritaire. Or, ce qui a fait le succès de RADARSAT-1 était le fait que les données étaient très rapidement disponibles. Je prends pour exemple un travail qui est fait par l'Union européenne sur la surveillance des zones de pêches au large de l'Islande, où RADARSAT-1 est utilisé de façon très régulière. Ce sont des images achetées au Canada par l'Union européenne. RADARSAT-1 fournit ces données parce qu'elles sont plus faciles à mettre en oeuvre et plus rapides à obtenir que les images européennes. Si l'approvisionnement des données n'est plus garanti et peut être soumis à des causes d'interruption non explicitées, il se pourrait que les utilisateurs-clients se tournent vers des fournisseurs non canadiens. C'est une interrogation de nature plutôt commerciale.
Je n'entrerai pas dans le détail des mécanismes d'inspection et de sanction, qui sont longuement décrits dans le projet de loi. Je pense que si le projet de loi est adopté, il faudra des mécanismes d'inspection et de sanction. Je crois que c'est normal.
Mes dernières interrogations concernent la participation des ministères autres que ceux qui sont mentionnées ici, en particulier les principaux utilisateurs en matière d'environnement, à savoir ceux qui s'occupent du Protocole de Kyoto, des glaces et de l'atmosphère, des ressources naturelles, de la géologie, des forêts, de la cartographie et du Centre canadien de télédétection, de l'agriculture et des statistiques agricoles, en particulier pour l'exportation des céréales canadiennes. Il est important que le Canada puisse avoir de bonnes statistiques agricoles, non seulement sur sa propre production, mais aussi sur la production des pays étrangers. Enfin, il y a le ministère des Pêches et des Océans, qui s'occupe des marées noires, de la navigation et ainsi de suite. De plus, les provinces sont des utilisatrices majeures de ces données, ainsi que les projets d'aide internationale.
Le rôle de ces intervenants dans le projet de loi me semble mineur. Est-ce qu'on pourrait songer éventuellement à un comité interministériel élargi pour appliquer cette loi avec davantage de souplesse?
Je termine là-dessus. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Bonn.
À titre simplement indicatif, je signale aux membres du comité qu'un autre comité doit siéger ici à 11 heures. Nous n'aurons donc pas beaucoup de temps. Je vais vraiment vous limiter à quatre ou cinq minutes. M. Menzies va poser la première question.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président.
Monsieur Bonn, je vous remercie.
Cet examen du projet de loi a été fort intéressant, vraiment fascinant, et il n'est pas facile pour nous d'en discuter. Je croyais m'y connaître un peu, mais de toute évidence, je ne sais pas grand-chose. Je remercie d'ailleurs Mme Lalonde d'avoir proposé votre nom.
Le contexte international me préoccupe. Certaines des autres déclarations que nous avons entendues... Il y a vraiment lieu de se demander... Vous savez, nous avons parlé du contrôle de l'accès et d'autres choses du même genre. Il s'agit d'une question internationale. Le satellite est en orbite. Il ne permet pas de voir que le Canada.
Je suppose que c'est le fait d'interrompre la communication des données après coup qui me préoccupe. Comment traite-t-on d'une pareille situation? La loi en fait-elle mention? Détenons-nous un contrôle suffisant?
Je reconnais la valeur des satellites. Je suis agriculteur et je suis donc conscient de la valeur de ce que vous avez dit au sujet de la cartographie des productions agricoles, la détection d'éventuelles famines, le fait de pouvoir avoir des aliments prêts à livrer dans une région où il n'y aura pas de récolte. Ce sont là de merveilleuses possibilités. Toutefois, elles sont assorties de certains risques.
Il y a plusieurs autres points que j'aimerais aborder, mais nous allons essayer de faire des questions brèves.
Pourriez-vous me répondre? Le projet de loi à l'étude traite-t-il bien de cette situation?
M. Ferdinand Bonn: La question de la communication des données et d'une éventuelle fermeture du système est en réalité traitée dans la partie qui porte sur les enjeux de la sécurité pour le Canada, des enjeux qui pourraient empêcher le Canada soit de gérer sa propre sécurité ou de respecter ses obligations internationales. Je crois que c'est raisonnable, car la sécurité prime toujours.
Dans le cadre de l'exploitation actuelle de RADARSAT-1, la priorité numéro un de la programmation du satellite est un système de maintenance qui maintient le satellite en vie—et c'est normal—et la seconde priorité est probablement la gestion des catastrophes et des dangers naturels, ce genre de choses pour lesquelles on a besoin d'images-satellites rapidement.
L'exemple le plus connu a été les inondations de 1997 au Manitoba, quand des données de RADARSAT ont été transmises aux équipes sur le terrain, de sorte qu'elles savaient où se rendre pour protéger... et ériger des digues et ainsi de suite. Ce genre de chose peut se produire ailleurs dans le monde.
Donc, la possibilité que la fermeture de tout le système puisse nuire aux exploitations commerciales canadiennes, parce qu'un pays qui achète des données de télédétection doit apprendre à s'en servir, s'habituer à... RADARSAT n'est pas exploité de la même façon que les satellites européens ou les satellites optiques, de sorte que le client doit apprendre à l'exploiter et s'y investir. Il le fera s'il a la certitude que la communication des données sera garantie pour son exploitation. Par contre, s'il n'a pas cette certitude ou si une épée de Damoclès pend au-dessus de sa tête, on court le risque que les exploitants commerciaux canadiens n'aient pas suffisamment de clients à l'échelle internationale.
Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre.
À (1030)
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Avez-vous une autre question?
M. Ted Menzies: Pourriez-vous nous parler un peu plus abondamment de ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet des sanctions et des inspections?
M. Ferdinand Bonn: Il est vrai que je ne me suis pas attardé à cette partie, parce que si le projet de loi est adopté, il faudra bien prévoir quelque chose à ce sujet. La loi ne peut être appliquée si l'on ne dispose pas de pouvoir pour la faire respecter, et c'est en partie ce dont je parlais. Je ne suis pas entré dans les détails au sujet du nombre de jours durant lesquels il faut se rendre là-bas, envoyer un inspecteur et tout le reste. Je suis loin d'être juriste, mais j'ai l'impression que c'est là une façon normale de procéder si on veut faire respecter la loi.
M. Ted Menzies: Je vous remercie.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Le ministre a le pouvoir de révoquer ou de ne pas délivrer une licence. Êtes-vous en train de dire que l'article 10 du projet de loi ne prévoit pas suffisamment de sanctions, qu'il faudrait prévoir d'autres peines plus sévères?
M. Ferdinand Bonn: Non. Ma préoccupation tient davantage au fait que les principaux ministères qui sont associés à la télédétection—essentiellement, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Défense et le Solliciteur général pour tout ce qui touche à la protection civile—ne sont pas mentionnés. Environnement Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada et Pêches et Océans Canada sont les principaux utilisateurs des données au Canada.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Fort bien. Nous pourrons y revenir.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur Bonn. Malheureusement, vous devez quitter et le temps nous manque. Je vais essayer d'aller à l'essentiel.
Est-ce que le problème ne serait pas l'établissement de priorités lorsque la compagnie devient complètement privée? D'après ce que l'on sait, il y aura la possibilité, pour une compagnie qui voudrait faire affaire avec RADARSAT-2, d'avoir la priorité si elle paie plus cher. Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un conflit entre les avantages commerciaux que RADARSAT-2 pourrait retirer et les obligations qu'elle a prises auprès du gouvernement?
Deuxièmement, est-ce qu'il ne serait pas difficile de prévoir quelles sont ses obligations internationales?
J'ajouterai que lorsque le dirigeant de RADARSAT-2 a comparu devant ce comité, il a dit que, selon lui, on devrait identifier ce que veut dire la conduite des relations internationales du Canada utilisée comme priorité. Il me semble qu'il y a un problème à cet égard. Est-ce que vous avez une idée de la façon dont on pourrait le régler, peut-être parce que vous connaissez bien comment fonctionne RADARSAT-1?
À (1035)
M. Ferdinand Bonn: En lisant le texte, il m'a semblé que les priorités de livraison étaient assez clairement établies quand on traitait de questions de sécurité nationale. La GRC est mentionnée, etc. Il y a des questions de sécurité nationale, le risque naturel. Je prends l'exemple des bateaux, des glaces. Ce sont des questions très importantes. Si un pétrolier s'échoue, c'est difficile.
Par contre, c'est évident qu'une entreprise privée va donner priorité au client qui paie le plus. Je crois pourtant qu'il y a des dispositions qui vont donner un peu de muscle au ministre et lui permettre de dire que les questions de sécurité passent avant le reste.
On mentionne la sécurité et, après cela, il y a une petite phrase sur les engagements internationaux du Canada. C'est très vague, car cela peut inclure GEOSS, le Protocole de Kyoto, des ententes avec la FAO, par exemple les alertes précoces de famines en Afrique. C'est très important. C'est la télédétection qui permet de faire cela. Donc, ce terme est très large. Je comprends bien que le président de la compagnie se pose des questions là-dessus, parce que cela peut inclure à peu près n'importe quoi. Cependant, je n'ai pas de réponse.
Mme Francine Lalonde: Mais avez-vous une suggestion qui pourrait nous aider?
M. Ferdinand Bonn: Il faudrait peut-être donner plus de détails sur cela, mais on ne peut pas limiter ce genre de chose. On ne peut pas faire une liste limitative. Sinon, cela devient trop contraignant d'un point de vue juridique. J'ai l'impression qu'il faudrait identifier ce qu'on appelle des priorités nationales.
Mme Francine Lalonde: Puis-je poser une autre question?
[Traduction]
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Allez-y.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci.
La première fois que nous nous sommes parlé, je vous ai mentionné qu'il y avait certaines préoccupations à l'égard du bouclier antimissile, même si le gouvernement avait dit qu'il annoncerait que le Canada n'y participerait pas. Il reste que cette compagnie est une compagnie privée et qu'elle pourrait être sollicitée par des compagnies américaines, par exemple. Vous avez dit qu'il était possible techniquement de changer l'orientation des capteurs.
M. Ferdinand Bonn: Je reviens là-dessus.
Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas vrai?
M. Ferdinand Bonn: Avec RADARSAT-1, on a fait tourner le satellite une fois pour faire la cartographie de l'Antarctique. Le satellite a été tourné à l'envers, car il ne pouvait pas couvrir le pôle Sud à cause de la façon dont les orbites sont constituées. Cela a été une opération risquée. On l'a réussie et cela a été un très grand succès pour RADARSAT-1, mais je pense que c'est un satellite qui est vraiment destiné à l'observation de la Terre. Donc, même avec RADARSAT-2, avec la résolution de trois mètres, vous ne pouvez pas détecter un objet qui se déplace dans l'atmosphère. Ce sont de tout autres systèmes qui sont utilisés pour cela.
Mme Francine Lalonde: Merci.
Me reste-t-il du temps?
[Traduction]
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Oui. Il vous reste neuf secondes, non attendez, huit, sept.
Allez-y!
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Ce sera très court.
On nous a suggéré de régir l'exportation des données de ce système par les mêmes règlements que les marchandises militaires. Je voulais avoir votre opinion à ce sujet. Je trouve que, si on parle de sécurité, il y aurait une certaine logique à utiliser, pour les images produites par la télédétection, à peu près les mêmes directives que celles qu'on utilise pour les marchandises militaires.
M. Ferdinand Bonn: Je pense que les gens pèchent peut-être par optimisme par rapport à l'information stratégique qui peut être contenue dans des images de RADARSAT-2. Il y a des choses qu'on peut extraire, mais il n'y a pas tant d'informations vraiment militaires et stratégiques que cela. On a déjà assez de difficultés à obtenir des informations avec RADARSAT-1. Par exemple, l'humidité du sol est quelque chose de très important pour les gens qui font de l'hydrologie, la prévision des crues, etc. Ce sont encore pratiquement des thèmes de recherche. RADARSAT-2 sera plus efficace parce qu'il aura la multipolarisation, etc. Mais avant qu'on voie des objectifs militaires, qui sont souvent des cibles très petites, les risques de confusion avec d'autres choses seront assez grands. Donc, je ne crois pas que RADARSAT-2 en bande C aura une si grande importance militaire. Si c'était de la bande P, par exemple, ce serait différent.
À (1040)
Mme Francine Lalonde: Eux font la promotion de cela.
M. Ferdinand Bonn: En fait, la détection des vaisseaux sur l'eau est très importante. La localisation des bateaux sera extrêmement facile à faire. Les pétroliers, les bateaux de pêche, les chalutiers, tout cela sera très important. Effectivement, la Garde côtière va pouvoir l'utiliser. En ce qui concerne les sous-marins, j'ai des doutes. Ce ne sera certainement pas en plongée. Ce sera peut-être le cas en surface, mais je ne le crois pas.
[Traduction]
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Je vous remercie.
Monsieur McTeague.
[Français]
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Bonn, d'être ici aujourd'hui. Cela nous aide beaucoup. Je tiens à remercier également Mme Lalonde d'avoir porté votre nom à notre attention.
J'ai consulté quelques-uns des fonctionnaires du ministère. Les considérations que vous avez émises concernant le libellé seront prises en considération pour s'assurer que vos commentaires sont respectés, que les changements que vous avez indiqués soient faits ou que les choses qui ne concordent pas entre les deux versions soient modifiées.
Je dois m'excuser auprès du président. Tout à l'heure, il m'a demandé de faire une petite correction pour faire ressortir la subtilité de votre présentation sur la question du « or ».
M. Ferdinand Bonn: Il y en a plusieurs.
L'hon. Dan McTeague: Madame Lalonde, je ne voulais pas faire cela, mais il me l'a demandé.
Je m'intéresse à votre présentation. À l'article 14, on dit: « porterait atteinte à laconduite des relations internationales du Canadaou serait incompatible avec les obligationsinternationales du Canada ». Un témoin nous a dit que cela devrait être assez large pour que nous puissions assumer nos obligations,
[Traduction]
essentiellement, que nous avons employé une expression suffisamment vague pour faire en sorte que les obligations internationales reflètent effectivement l'essentiel de ce que le Canada a la responsabilité de faire. Étant donné votre préoccupation au sujet du contrôle de l'accès, que ce pouvoir est limité à deux ministres, soit aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale, je me demande si nous pouvons régler ces questions par décret. Toutefois, il me semble que la raison même pour laquelle nous avons un règlement est avant tout de protéger la sécurité et les intérêts canadiens dans ce domaine.
C'est essentiellement ce que vous dites, n'est-ce pas?
M. Ferdinand Bonn: Oui.
L'hon. Dan McTeague: Comment proposeriez-vous de l'élargir de manière à y inclure, par exemple, l'agriculture ou, comme vous l'avez mentionné, je crois, le Protocole de Kyoto? Il existe d'autres considérations, c'est sûr, et le Protocole de Kyoto est un traité international, mais je soupçonne qu'il ne porte pas sur la question de la sécurité, bien qu'il porte peut-être sur la question des obligations internationales.
M. Ferdinand Bonn: Si vous examinez le Protocole de Kyoto, il est directement lié à l'étendue des forêts tropicales, par exemple, et RADARSAT est un meilleur des outils pour la cartographier ou cartographier les changements qui surviennent dans les forêts tropicales sous couverture nuageuse, parce qu'on ne peut pas obtenir d'image optique pour le faire.
Donc, le Canada est peut-être disposé à suivre les changements qui surviennent dans les forêts tropicales de manière à contribuer au budget courant global de la planète, ce qui fait partie de Kyoto. Il se peut qu'il y ait un certain nombre d'enjeux comme ceux-là à propos desquels ce genre de données sera utile. Il n'y a pas d'autres moyens, à mon avis, de faire un budget courant global que de...
L'hon. Dan McTeague: Je comprends cela, mais voudriez-vous que le Canada exerce son contrôle d'accès dans pareille circonstance?
M. Ferdinand Bonn: Non.
L'hon. Dan McTeague: Donc, de toute évidence, vous n'avez aucune préoccupation concernant les ministères des Affaires étrangères ou de la Défense dans ce domaine très pointu?
M. Ferdinand Bonn: Non, mais s'ils contrôlent l'accès pour une raison de sécurité quelque part, l'acquisition des données à d'autres fins pourrait en être touchée. Voilà ce que je tenais à dire.
À (1045)
L'hon. Dan McTeague: J'en suis conscient. Je dis simplement qu'en termes de la façon dont on contrôle l'accès... et, bien sûr, il faut aussi décider s'il faut prévoir une indemnisation dans ces circonstances. L'examen que nous sommes en train de faire vise à faire en sorte qu'un client ne fasse pas quelque chose pour le compte de je ne sais trop qui, par exemple prendre une image du déploiement des troupes en Afghanistan qui pourrait se retrouver entre de mauvaises mains. C'est autrement différent qu'une préoccupation au sujet des conditions du sol en Afghanistan, à moins ce ne soit pour cette raison.
M. Ferdinand Bonn: Je le sais. Ce pourrait être un contrôle d'accès très ciblé, limité. J'ai des doutes quant à la valeur concrète de cela.
Chez nous, les Affaires étrangères ont un comité qui peut rejeter, au cas par cas, toute demande d'image qui sera envoyée par l'entreprise. Le comité examine la demande et décide si elle est raisonnable. Comment cela se traduira-t-il dans les faits? Cela pourrait donner lieu à beaucoup de tracasseries administratives entre le gouvernement et l'entreprise dans l'exploitation au jour le jour.
L'hon. Dan McTeague: Je prends bonne note de ce que vous dites. C'est prévu dans le projet de loi, en ce sens que nous avons ici des motifs très limités, très définissables, raisonnables—nous en revenons à ce que les avocats estiment être des motifs raisonnables. C'est là un commentaire plutôt intéressant.
Comment alors faire en sorte que c'est fait pour des raisons très précises? Il s'agit d'une entreprise privée qui vend ses produits à des clients, mais nous ne voulons pas que ces produits aillent forcément à ces clients. C'est pourquoi nous souhaitons faire en sorte qu'ils soient autorisés et enregistrés, de manière à savoir qui ils sont, et d'avoir une entente selon laquelle ces images ne tomberont pas, aux fins de l'intérêt national qui représente également nos obligations issues de traités, entre les mauvaises mains.
M. Ferdinand Bonn: Je me souviens de la période durant laquelle l'exportation d'armes en Afrique du Sud était interdite, à cause de l'apartheid. Il était interdit de vendre quoi que ce soit à l'Afrique du Sud durant cette période. J'imagine que, si certains clients de l'entreprise sont, au moyen d'une loi, exclus lorsque le gouvernement le demande, qu'ils ne sont pas autorisés à vendre, ce serait peut-être correct, mais on sait qu'il y a toujours des moyens de contourner cela. On fait appel à des intermédiaires.
L'hon. Dan McTeague: Êtes-vous en train de laisser entendre que les peines ne sont peut-être pas assez sévères pour prévenir de pareils agissements? Ce qui vous préoccupe, c'est qu'on puisse contourner la loi. Êtes-vous en train de suggérer que les peines—retrait, suspension de la licence, et ainsi de suite—prévues à l'article 10 ne soient pas suffisamment générales ou précises pour prévenir de pareils contournements?
M. Ferdinand Bonn: C'est difficile à dire. Le système manque peut-être de souplesse.
L'hon. Dan McTeague: J'ignore à quel point on peut se montrer souple quand des questions de sécurité sont en jeu.
M. Ferdinand Bonn: J'en suis conscient.
L'hon. Dan McTeague: Je ne crois pas que nous... Vous avez souligné à bon droit...
[Français]
Vous avez dit que la raison de l'existence du projet de loi C-25 était le 11 septembre. Il me semble que c'est vraiment la raison pour laquelle nous sommes là. C'est non seulement une question de régulation du secteur privé, mais surtout une question de s'assurer que la défense de notre pays soit une priorité.
M. Ferdinand Bonn: Je suis tout à fait d'accord sur cela. Il faut dire que la technologie évolue. RADARSAT-2 sera le radar le plus avancé dans le monde avec sa résolution très fine. Cependant, il n'y a pas que RADARSAT-2. La loi est plus générique. Elle parle de tout système de télédétection. La prochaine mission d'observation de la Terre qui est planifiée par le Canada sera une mission hyperspectrale. Elle sera probablement beaucoup plus centrée sur les problèmes de qualité de l'eau, de qualité des sols, de stress de la végétation, d'irrigation et ce genre de choses. Ce sont plutôt des objectifs civils, mais qui, d'une certaine façon, peuvent aussi présenter un intérêt stratégique. Par exemple, l'annonce précoce d'une famine est quelque chose de très important d'un point de vue stratégique.
[Traduction]
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Bonn.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.
J'apprécie beaucoup les efforts que vous faites pour nous éduquer sur un autre aspect de la loi à l'étude. Nous savons tous que nous en avons beaucoup à apprendre à ce sujet.
Je me demande si je pourrais vous demander de commenter quelques suggestions qui nous ont été faites par d'autres témoins, si je peux leur rendre justice. Ainsi, on a proposé, en réaction à certaines préoccupations que nous faisions valoir, de faire en sorte qu'il y ait un cadre normatif dans lequel s'inscrirait la loi—en d'autres mots, une façon quelconque de rendre explicite l'intérêt public dont il faut tenir compte, en dépit de l'exploitation privatisée de RADARSAT-2.
Ensuite, on nous a aussi dit qu'il faudrait qu'il y ait un organe de réglementation indépendant qui traiterait de pareilles questions. Voilà qui nous porte à se demander ce qui existe actuellement et ce qu'il faut développer.
Troisième point, on s'est demandé, je suppose, de sorte que certains d'entre nous tentent actuellement de trouver la réponse, bref on se demande si la loi devrait exister pour traiter uniquement des satellites de télédétection ou s'il ne faudrait pas avoir en place une loi plus générique, plus générale, qui porterait sur toute la gamme des satellites, non pas seulement ceux de télédétection. Je me demande si vous pouvez commenter cette question.
Enfin, vous avez abordé la question— très présente dans nos travaux—du fait que le projet de loi à l'étude ne mentionne absolument rien pour traiter de la possibilité, et ce n'est certes pas impossible, que l'entreprise actuellement canadienne qui est propriétaire de RADARSAT-2 et qui l'exploite pourrait en fait passer dans des mains étrangères. Que faudrait-il faire pour régler ce problème?
À (1050)
M. Ferdinand Bonn: Pour ce qui est de votre dernière question, je crois que la seule façon, si le Canada veut conserver le contrôle, consiste probablement à révoquer la licence. C'est possible, mais le texte ne porte pas sur l'éventualité que l'entreprise soit vendue à des étrangers. Peut-être en est-il question ailleurs, mais je n'ai ne l'ai pas vu dans le texte.
Je crois qu'il faudrait le prévoir dans les articles relatifs à l'abrogation de la licence. Il faudrait prévoir quelque chose. Il importe que les Canadiens conservent le contrôle du système. C'est l'argent du contribuable canadien qui est en jeu, et l'information est importante pour le Canada.
Par contre, il y a plusieurs années, il existait un groupe intergouvernemental chargé de la télédétection.
Mme Alexa McDonough: Parlez-vous d'un groupe fédéral-provincial?
M. Ferdinand Bonn: Non, il s'agissait d'un groupe fédéral.
Quand l'idée de RADARSAT-1 est née, il existait un comité appelé le Comité consultatif canadien pour la télédétection, qui réunissait des représentants des différents ministères—Agriculture, Pêches, Agence spatiale. J'en faisais partie durant les années 1980.
Le concept de RADARSAT comme tel a été élaboré sous la direction de ce comité. À mon avis, il serait sage d'avoir un comité consultatif interministériel qui verrait à mettre en équilibre les intérêts des différents ministères dans le processus décisionnel. De plus, parfois, il y a des questions pressantes, et il est alors difficile de former un comité et ainsi de suite.
Mme Alexa McDonough: Que pensez-vous du cadre normatif qui préciserait l'intention du gouvernement en ce qui concerne la protection de l'intérêt public? Je suppose qu'il s'agit là d'une question de nature plus juridique que scientifique.
M. Ferdinand Bonn: La définition de l'intérêt public est très importante. Il faut que le Canada établisse sa capacité de gérer ses ressources et de voir à la sécurité pour le bien-être de chacun. Il faut en arriver à un équilibre entre différentes choses. Il est impossible de trancher catégoriquement dans pareils cas.
À (1055)
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Je vous remercie, monsieur Bonn.
Nous allons maintenant céder la parole à Mme Stronach qui a une très courte question à poser, après quoi M. McTeague fera simplement valoir un point.
Mme Belinda Stronach (Newmarket—Aurora, PCC): D'autres pays envisagent-ils d'adopter des lois analogues?
M. Ferdinand Bonn: La situation est différente parce que le seul pays actuellement où les satellites d'observation de la Terre sont entièrement privatisés est les États-Unis, qui ont ces deux entreprises, DigitalGlobe et une autre qui exploite IKONOS. Pour ce qui est des autres, par exemple des Européens, c'est l'Agence spatiale européenne qui exploite les satellites, de sorte que le contrôle est exercé par le gouvernement de toute façon.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci.
Monsieur M. McTeague, si vous voulez bien faire valoir votre point très rapidement.
L'hon. Dan McTeague: Monsieur Bonn, vous avez laissé entendre à Mme McDonough que vous aviez des préoccupations au sujet du transfert de la licence ou de la propriété. Je me demande si le paragraphe 16(1) ne dissipe pas cette inquiétude, car son libellé est très clair :
Le titulaire ou l'ancien titulaire d'une licence ne peut permettre qu'une commande soit donnée, à l'étranger ou par une autre personne, à un satellite de télédétection faisant partie du système de télédétection spatial à l'égard duquel la licence a été délivrée, sauf dans les cas suivants : |
Suit une énumération de cas. De toute évidence, il existe une surveillance ministérielle à cet égard—et, en fait, elle revient à une interdiction du transfert de contrôle.
M. Ferdinand Bonn: Toutefois, si vous poursuivez, vous pouvez lire à l'alinéa 16(1)a) : « il peut prendre des mesures de surpassement à l'égard d'une telle commande à partir du Canada ». Je n'ai rien à redire. Si quelqu'un peut commander le système à partir d'un pays étranger, mais que vous pouvez surpasser la commande à partir du Canada, ça va. Toutefois, vous pouvez surpasser la commande à partir du Canada si vous appartenez à une entreprise étrangère à condition d'être situé au Canada. Voilà le point auquel il faudrait peut-être s'attarder dans cet article.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Il faudra en tenir compte.
Madame Lalonde, nous n'avons plus de temps, mais nous allons vous laisser poser la dernière question.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci.
J'aimerais continuer sur ce sujet. Dans le cas de RADARSAT-2, la compagnie devient propriétaire en échange de sa contribution. Si la compagnie devient en majorité de propriété américaine, comme cela est arrivée pendant une période de temps, elle ne pourra plus avoir de licence: c'est la seule chose que la loi prévoit. Cependant, la compagnie demeure propriétaire, selon ce que je sais. Si ce n'est pas cela, monsieur l'auteur de la loi, il va falloir l'écrire. Autrement, la seule chose qui est contrôlée est l'opération. J'imagine qu'il serait possible, à ce moment-là, de déplacer l'objet pour qu'il puisse même être opéré à partir des États-Unis. Serait-il même possible que, sans changer quoi que ce soit, l'objet puisse être opéré à partir des États-Unis?
M. Ferdinand Bonn: Je ne suis pas un expert dans les questions juridiques. Donc, je ne voudrais pas répondre à cette question.
Mme Francine Lalonde: Serait-ce possible techniquement?
M. Ferdinand Bonn: Je sais que les Européens font des plaisanteries à propos de RADARSAT-2 en disant que c'est un satellite américain financé par le Canada.
[Traduction]
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): D'accord. Je vous remercie.
[Français]
Mme Francine Lalonde: C'est une belle fin. Avez-vous entendu? Pouvez-vous répéter, juste pour M. le secrétaire? Cela va me faire plaisir.
M. Ferdinand Bonn: Je disais que, dans les colloques sur la télédétection en Europe, quand on parle de RADARSAT-2, on dit que c'est un satellite américain financé par le Canada.
L'hon. Dan McTeague: Oui, mais la compagnie est toujours obligée d'avoir une licence au Canada.
[Traduction]
Vous pouvez être Chinois, Américain—peu importe.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Non, mais la propriété peut être....
[Traduction]
L'hon. Dan McTeague: Je comprends ce que vous dites, mais ce que je veux faire valoir est important parce qu'il vous faut une licence d'exploitation. Le pays d'où vous venez n'a pas d'importance.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Nous sommes obligés de nous arrêter ici. Je vous remercie beaucoup.
Voici le président du Comité de l'environnement. Le comité est censé siéger. Vous savez, ces gars de l'environnement peuvent devenir plutôt arrogants après un certain temps, de sorte qu'il vaut peut-être mieux lever la séance.
Monsieur Bonn, nous tenons à vous remercier d'être venu. Votre témoignage d'aujourd'hui nous a certes été très utile. Nous lirons les bleus et regarderons le mémoire. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre invitation.
Avant de lever la séance, j'aimerais faire une suggestion à la présidence. Puisque nous passons à l'étude article par article du projet de loi le premier mardi qui suit notre retour, pouvons-nous essayer de soumettre nos amendements au plus tard le vendredi 4 mars, de manière à ce que le parti ministériel et tous les autres partis puissent prendre connaissance des différents amendements proposés et, de la sorte, être mieux préparés pour la réunion du mardi 8 mars?
Mme Francine Lalonde: Espérons qu'il y aura des changements.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Mme Lalonde espère que des changements seront proposés.
Les membres du comité sont-ils d'accord avec la formule proposée?
Des voix: D'accord.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Parfait.
Je vous remercie beaucoup.
La séance est levée.