FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 28 juin 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. David Stewart-Patterson (vice-président directeur, Conseil canadien des chefs d'entreprise) |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
¿ | 0915 |
M. David Stewart-Patterson |
¿ | 0920 |
M. Kevin Sorenson |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
M. Sam Boutziouvis (vice-président, Politiques et directeur des recherches, Conseil canadien des chefs d'entreprise) |
¿ | 0925 |
M. Kevin Sorenson |
M. Sam Boutziouvis |
Le président |
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ) |
¿ | 0930 |
Le président |
M. David Stewart-Patterson |
Mme Francine Lalonde |
M. David Stewart-Patterson |
¿ | 0935 |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
M. Sam Boutziouvis |
M. David Stewart-Patterson |
¿ | 0940 |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Sam Boutziouvis |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD) |
¿ | 0950 |
M. Sam Boutziouvis |
M. Peter Julian |
M. Sam Boutziouvis |
M. Peter Julian |
Le président |
M. Peter Julian |
¿ | 0955 |
Le président |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
À | 1000 |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
M. David Stewart-Patterson |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Sam Boutziouvis |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.) |
M. David Stewart-Patterson |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
M. David Stewart-Patterson |
À | 1005 |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Maurizio Bevilacqua |
M. David Stewart-Patterson |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Sam Boutziouvis |
À | 1010 |
Le vice-président (M. Kevin Sorenson) |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
Mme Francine Lalonde |
M. Ted Menzies |
Le président |
M. Ted Menzies |
À | 1015 |
Le président |
M. Ted Menzies |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
M. Sam Boutziouvis |
À | 1020 |
Le président |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
M. Sam Boutziouvis |
À | 1025 |
M. David Stewart-Patterson |
À | 1030 |
M. Sam Boutziouvis |
L'hon. Dan McTeague |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
M. Sam Boutziouvis |
Le président |
M. Sam Boutziouvis |
Le président |
Mme Johanne Deschamps (Laurentides—Labelle, BQ) |
À | 1035 |
M. David Stewart-Patterson |
À | 1040 |
Le président |
M. Sam Boutziouvis |
Le président |
À | 1045 |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
M. Sam Boutziouvis |
À | 1050 |
Le président |
M. Peter Julian |
Le président |
M. Peter Julian |
À | 1055 |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC) |
Le président |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
M. David Stewart-Patterson |
M. Peter Julian |
M. David Stewart-Patterson |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
Le président |
L'hon. Dan McTeague |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 28 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Français]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour. C'est la 53e séance de notre comité.
[Traduction]
Nous poursuivons ce matin notre étude de l'Énoncé de la politique internationale. Nous avons le plaisir de recevoir comme témoins les représentants du Conseil canadien des chefs d'entreprise qui sont M. David Stewart-Patterson, vice-président directeur, et M. Sam Boutziouvis, vice-président, Politiques et directeur des recherches.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.
Je crois que c'est M. Stewart-Patterson qui va prendre la parole. Allez-y.
M. David Stewart-Patterson (vice-président directeur, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Merci, monsieur le président.
Nous remercions le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui, par cette chaude matinée qui sera peut-être bientôt suivie d'une période plus tranquille pour nous tous.
Comme le président l'a mentionné, je suis accompagné de mon collègue Sam Boutziouvis, notre vice-président des Politiques et directeur des recherches.
Étant donné la vaste portée de l'Énoncé de la politique internationale, je n'ai pas l'intention de vous faire un long discours. Je suis sûr que les membres du comité voudraient explorer en détail un grand nombre de sujets, mais je devrais peut-être commencer par parler un peu des éléments de cet énoncé qui nous paraissent les plus importants.
Le Conseil canadien des chefs d'entreprise appuie certainement la portée générale de l'Énoncé de la politique internationale, tant en ce qui concerne son orientation stratégique générale que les efforts visant à coordonner l'ensemble des activités du pays dans le domaine de la promotion du commerce et de l'investissement, de la diplomatie et de la défense. La question essentielle à nos yeux est celle de savoir si le gouvernement est prêt à suivre la voie qu'il s'est tracée et à prendre des décisions politiques et financières qu'il faudra prendre pour que le Canada contribue à améliorer les choses dans le monde, conformément à l'objectif que nous nous sommes fixé.
Pour vous donner des exemples des défis à relever, j'aborderai simplement cinq questions : le commerce multilatéral et l'investissement, le développement international, la sécurité mondiale, le partenariat pour la sécurité et la prospérité de l'Amérique du Nord et enfin, la compétitivité du Canada dans une économie mondiale en transformation.
En ce qui concerne le commerce et l'investissement, on peut dire, je crois, que seul un système multilatéral et fondé sur les règles peut apporter aux entreprises canadiennes la sécurité et la prévisibilité dont elles ont besoin pour prospérer sur le marché mondial. Autrement dit, il est très important pour le Canada de faire avancer les choses lors du Cycle de Doha des négociations commerciales de l'Organisation mondiale du commerce.
Notre intérêt national direct pour un cadre multilatéral solide a conduit le Canada à favoriser ce cadre multilatéral au cours des années, mais il faut dire que notre rôle à cet égard a faibli dernièrement. Si nous voulons faire notre part pour rompre l'impasse à l'OMC, nous devons être prêts à faire quelques concessions et à défendre nos intérêts.
Étant donné la lenteur des progrès à l'OMC, je crois que nous devons également continuer d'explorer d'autres options, que ce soit du côté des accords commerciaux régionaux, des accords d'investissement commercial ou des discussions bilatérales avec nos partenaires du monde entier, non seulement parce que ces accords peuvent être importants pour nous, mais parce que c'est une façon pour le Canada de donner l'exemple et de faire avancer les choses sur la scène multilatérale.
J'aurais deux choses à dire au sujet du développement international. La première est que j'approuve le fait que l'Énoncé de la politique internationale parle de cibler l'aide canadienne vers un groupe de pays partenaires beaucoup plus limité. Le fait est que le Canada ne peut pas résoudre tous les problèmes du monde. Nous devons veiller à ce que chaque dollar que nous dépensons améliore le plus possible la vie des gens et nous croyons que l'impact sera plus grand si nous nous attaquons aux nombreux obstacles au développement qui existent dans un pays de façon cohérente et stratégique au lieu de saupoudrer notre argent autour du monde, dans toutes les directions.
Comme l'indique clairement l'Énoncé de la politique internationale, si nous ciblons nos efforts, ce n'est pas une excuse pour dépenser moins. Au contraire, il est évident que le Canada est déterminé à accroître largement ses efforts de développement.
Je sais que le gouvernement est soumis à de fortes pressions de la part de la communauté internationale pour s'engager officiellement à porter son budget de l'aide au développement à 0,7 p. 100 du PIB dans des délais précis. Je crois que c'est un engagement qu'il ne faudrait pas prendre à la hâte. Il faut plutôt tenir un débat public à grande échelle pour que les citoyens soient pleinement informés des concessions et des conséquences que cela représente.
Une raison à cela est, bien entendu, l'impact financier considérable qu'aurait cet engagement. Ces conséquences financières seraient du même ordre que « l'accord de la décennie » conclu l'année dernière pour la santé. En supposant que le gouvernement pourrait trouver 40 milliards de plus grâce à la croissance économique, à une réduction des dépenses dans d'autres domaines ou une augmentation des impôts, les Canadiens accorderaient-ils la préférence à l'aide au développement plutôt qu'à d'autres priorités nationales comme la santé? Je crois que nous devons tenir ce genre de discussions.
Plus précisément, l'argent que nous pourrions donner aux pays les moins développés de la planète dans 10 ans n'est pas ce qui les aidera le plus. Si nous voulions vraiment promouvoir la cause des gens des pays les moins développés, nous ne commencerions pas parler d'affectations budgétaires, surtout si elles ne sont faites que dans plusieurs années. Il faudrait plutôt parler de la façon dont le Canada et les autres pays industrialisés devraient ouvrir leur frontière aux produits agricoles qui apportent un gagne-pain à des millions de pauvres dans le monde en développement. Ce dont les agriculteurs du monde en développement ont le plus besoin pour le moment ce n'est pas de projets d'aide ou d'une infrastructure, mais simplement de marchés pour leurs produits agricoles. Et nous devons être prêts à faire face à cette réalité si nous voulons vraiment améliorer le sort des gens qui en ont le plus besoin.
Bien entendu, cela exige beaucoup plus de courage politique qu'il n'en faut pour promettre des milliards de dollars dans plusieurs années, mais c'est ce qui permettrait au Canada de faire le plus de bien maintenant.
Pour ce qui est de la paix et de la sécurité dans le monde, je pense que le document sur la défense est peut-être l'élément le plus détaillé et le plus approfondi de l'Énoncé de la politique internationale. Le fait est que le Canada a tout à fait intérêt à contribuer à la sécurité mondiale et je crois que cela va bien au-delà de nos activités traditionnelles dans des domaines comme le maintien de la paix. Le terrorisme international menace sérieusement la libre circulation des gens et des biens dont dépend la prospérité du Canada en tant que national commerçante.
Néanmoins, encore une fois, le fait est que la défense coûte cher. Le matériel, la main-d'oeuvre, la formation, le soutien logistique qu'exige un déploiement prolongé outre-mer exigeront d'importants engagements financiers de beaucoup supérieurs à ceux qui ont été pris jusqu'ici.
En ce qui concerne l'Amérique du Nord, depuis trois ans, notre conseil fait valoir que la sécurité et la prospérité sont maintenant liées inextricablement l'une à l'autre, non seulement à l'échelle mondiale, mais surtout en Amérique du Nord. Nous étions donc très contents lorsque les chefs de gouvernement du Canada, des États-Unis et du Mexique ont signé leur Partenariat pour la sécurité et la prospérité de l'Amérique du Nord au sommet de mars, au Texas.
Hier, les principaux ministres de chaque pays ont fait une importante annonce qui témoigne de progrès réels dans la définition et l'application d'un agenda trilatéral complet. Un bon nombre des initiatives prises dans le cadre de cet agenda pourraient être simplement qualifiées de progrès graduels, mais si vous examinez le plan d'action qui a été proposé, il est évident que la décision des chefs de gouvernement d'énoncer leur politique et de se fixer des délais serrés a eu d'énormes répercussions sur l'élargissement et l'approfondissement de l'agenda ainsi que l'accélération des progrès. Nous pensons qu'il s'agit là d'une mesure très positive.
Permettez-moi de conclure en reliant l'Énoncé de la politique internationale à la politique nationale et plus particulièrement à la nécessité pour le Canada de devenir plus concurrentiel dans le marché mondial. Ce matin, le Conseil canadien des chefs d'entreprise a lancé une grande initiative que nous appelons Canada premier! Prendre les devants dans une économie mondiale en transformation. Je crois que la déclaration initiale du comité exécutif du Conseil a été remise au greffier et qu'elle sera distribuée aux membres du comité.
Ce qui nous intéresse surtout ici c'est la mesure dans laquelle la stratégie nationale à long terme a cédé le pas, ces derniers mois, à la politique à court terme. Je comprends les réalités qui sont celles d'un Parlement minoritaire, les concessions à faire et l'imprévisibilité qui est inévitable, mais notre pays ne peut tout simplement pas se permettre de relâcher trop longtemps son attention. Nous devons continuer à voir la situation dans son ensemble.
À mon avis, l'Énoncé de la politique internationale est un bon exemple du genre de réflexion stratégique dont nous avons besoin, mais pour que ce soit efficace, cette réflexion doit conduire à l'action. Comme je l'ai déjà dit, le genre de mesures qu'il faudra prendre nous obligera à faire des choix difficiles sur le plan de la politique et des affectations budgétaires et, avec un gouvernement minoritaire, cela exigera des discussions, des concessions et certains échanges entre les partis.
Je terminerai en disant que le gouvernement fédéral ne consacre pas suffisamment d'attention aux choix politiques et financiers dont dépendront la compétitivité, la productivité et la croissance économique du Canada dans une économie mondiale en transformation. J'ajouterais, dans le contexte de vos discussions de ce matin, que le commerce et l'investissement, la diplomatie, le développement international et la défense représentent les principales responsabilités du gouvernement fédéral, mais qu'en dépit des objectifs importants décrits dans l'Énoncé de la politique internationale, les nouveaux crédits fédéraux semblent être affectés en majeure partie dans des domaines qui, même s'ils sont très importants pour les Canadiens, sont surtout du ressort des provinces.
Je dirais, monsieur le président, que l'Énoncé de la politique internationale précise clairement où sont les intérêts du Canada. Il faut maintenant que le gouvernement fédéral joigne le geste à la parole.
Sur ce, monsieur le président, je me mets à la disposition des membres du comité et je me ferais un plaisir d'aborder avec eux les sujets qui les intéressent.
¿ (0910)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stewart-Patterson.
Nous allons commencer par M. Sorenson. Vous avez 10 minutes pour les questions et les réponses.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Encore une fois bonjour et bienvenue à vous.
Vous avez le privilège de comparaître devant un comité le lendemain du jour où le Parlement a siégé jusqu'à minuit et demi. Il est bon de vous voir frais et dispos.
J'ai apprécié votre témoignage de ce matin, de même que devant le Comité des finances, il y a environ un mois. Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'examiner votre document, car nous l'avons seulement reçu ce matin, mais nous allons certainement le faire.
Vous avez parlé de l'OMC et des difficultés que nous éprouvons peut-être à ce niveau-là. Les choses semblent progresser bien lentement, mais peut-être dans la bonne direction. Vous avez dit aussi que nous devions être prêts à faire certaines concessions et vous avez ensuite parlé un peu de l'agriculture. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus, par exemple en précisant quelles devraient être les priorités de nos négociateurs. Comme vous le savez, nous avons des vaches sacrées, surtout en ce qui concerne l'agriculture et la gestion de l'offre, certains dossiers très politisés. Peut-être pourriez-vous nous préciser davantage ce que vous pensez de certaines de ces questions qui seront abordées à l'OMC.
D'autre part, j'ai remarqué que dans votre mémoire, vous disiez que la mondialisation est bonne pour le Canada et peut-être l'avez-vous même mentionné dans votre déclaration. Une particularité démographique de notre pays dont nous sommes très conscients est le vieillissement de la population. Le vieillissement de la population augmente le coût des soins de santé et d'un bon nombre de nos programmes sociaux. Nous avons également un très faible taux de natalité, ce qui se répercute sur la population active et le marché du travail. Dans votre mémoire, vous parlez de l'importance de l'immigration. Comment relier l'immigration aux nouvelles exigences concernant la sécurité? Peut-être pourriez-vous nous en dire plus.
¿ (0915)
M. David Stewart-Patterson: Ce sont deux grands sujets. Je vais essayer d'en faire le tour brièvement.
Premièrement, en ce qui concerne les pourparlers de l'OMC, il me semble assez clair que les principales pierres d'achoppement ont été le commerce agricole et les subventions agricoles. Le Canada n'est pas le seul à avoir des programmes de soutien agricole qui ont une grande importance politique. C'est un défi que tous les gouvernements du monde industrialisé s'efforcent de relever.
Comment sortir de cette impasse? Comme je l'ai dit, la chose la plus utile que pourraient faire les pays industrialisés pour favoriser le développement de la plupart des gens pauvres de la planète serait d'ouvrir les marchés à leurs produits. À cause des subventions agricoles et surtout des subventions à l'exportation, non seulement les agriculteurs des pays les moins développés n'ont pas accès à d'importants marchés mondiaux, mais les produits agricoles subventionnés des pays industrialisés font baisser les prix sur leurs propres marchés et réduisent leur niveau de vie.
Le monde industrialisé a l'obligation d'agir pour remédier à cette situation. Le Canada ne peut pas simplement attendre que les principaux acteurs, soit les États-Unis, l'Union européenne, etc., décident combien ils seront prêts à donner. Si le Canada veut jouer le rôle de chef de file, si nous voulons rester fidèles à nos ambitions traditionnelles en exerçant une influence, en jouant un véritable rôle dans ces discussions, il faut au moins que nous soyons prêts à reconnaître que cela exigera des changements importants dans chacun de nos pays.
Cela ne veut pas dire que nous allons abandonner nos propres agriculteurs. Cela ne veut pas dire que nous renoncerons au désir de bien gérer notre économie, de veiller à ce que les gens soient traités équitablement, etc., mais cela veut dire qu'il faut être prêt à tout renégocier. Nous ne donnerons rien gratuitement; nous ne jouerons pas les boys scouts, mais il est dans l'intérêt du Canada de faire fonctionner l'OMC. C'est notre meilleure protection contre ceux qui voudraient nous bousculer sur le front du commerce et de l'investissement simplement parce qu'ils sont plus gros que nous. C'est important pour nous. Il est important pour tous les Canadiens que l'OMC fonctionne bien. Pour que l'OMC fonctionne, nous devons régler le problème de l'agriculture et le Canada doit contribuer à la solution et pas seulement au problème.
J'estime donc que nos négociateurs doivent être prêts à discuter de tous nos programmes de soutien de l'agriculture, ce qui comprend les offices de mise en marché. Cela ne veut pas dire que nous allons y renoncer sans rien obtenir en échange. Cela ne veut pas dire que nous n'adopterons pas des politiques pour protéger nos agriculteurs pendant la transition à un nouveau régime. Cela veut dire que nous devons négocier de façon constructive.
Je voudrais passer à votre deuxième question concernant l'immigration. Nous considérons effectivement l'immigration comme un élément crucial de notre stratégie de concurrence. Vous avez parfaitement raison, le Canada va dépendre de l'immigration pour la croissance nette de sa population active. Nous allons donc dépendre non seulement de l'arrivée d'immigrants, mais de notre capacité à les intégrer dans notre économie afin qu'ils puissent réaliser leur plein potentiel et contribuer au maximum à notre économie et à notre société le plus rapidement possible.
¿ (0920)
M. Kevin Sorenson: Me permettez-vous de vous interrompre un instant? Vous avez mentionné que la mondialisation avait été bonne pour le Canada. Lorsque nous pensons à la mondialisation, nous pensons à certains nouveaux marchés émergents comme l'Inde. Nous savons tous que la mondialisation a été bonne pour l'Inde, bonne pour la Chine, bonne pour les pays qui ont énormément de main-d'oeuvre à bon marché.
Quels sont les véritables atouts du Canada sur ce plan? Nous n'avons pas une main-d'oeuvre nombreuse et à bon marché comme les autres pays, si bien que nous sommes peut-être un peu désavantagés, mais quels sont, selon vous, les véritables atouts du Canada? Est-ce la technologie? Est-ce seulement le secteur des ressources?
M. David Stewart-Patterson: Si vous le permettez, nos atouts traditionnels me semblent assez évidents. Prenez notre abondance de ressources et ce que nous en avons fait. Si vous comparez la productivité du Canada et des États-Unis, notre productivité a tendance à être plus élevée dans les secteurs où nos ressources sont concentrées. C'est là que nous affichons les meilleurs résultats. Cela montre que nous sommes capables d'être les meilleurs au monde quand nous nous en donnons la peine.
Je pense qu'il y a certains points d'interrogation par les temps qui courent dans notre secteur de la fabrication. Il est soumis à de fortes pressions venant de nouvelles puissances comme la Chine et l'Inde, mais également de l'augmentation de notre dollar par rapport au marché américain qui est notre plus gros client. Les entreprises canadiennes du secteur de la fabrication sont donc dans une passe difficile à court terme.
Puis il y a, bien entendu, le gros point d'interrogation du côté des services. C'est à cela que nous essayons de nous attaquer grâce à l'initiative que nous lançons aujourd'hui. D'où viendra la croissance de l'emploi? Où nos enfants iront-ils travailler? Quel genre de travail feront-ils? Cela dépendra en grande partie des choix que nous faisons aujourd'hui sur le plan de la politique économique. Comme vous le savez, quand nous regardons autour de nous, nous voyons que l'économie se porte bien, que tout le monde se sent bien, mais à quoi ressemblera l'économie? À quoi ressemblera notre marché du travail dans 10 ans? Que pouvons-nous faire pour obtenir le genre de choses que nous voulons?
Tom d'Aquino et moi avons notamment fait valoir dans notre livre, il y a quelques années, que l'immigration, le rythme auquel elle a progressé et la façon dont nous avons bâti une société multiculturelle constituent l'un des principaux avantages de notre pays par rapport à la concurrence. Dans un monde de plus en plus international où les entreprises, quel que soit l'endroit où elles sont établies, font des affaires à l'échelle de la planète et où le personnel des entreprises multinationales est de plus en plus multinational et multiculturel, la société que nous avons créée dans notre pays et que nous devons continuer à bâtir nous confère un avantage.
Cela nous confère l'avantage d'amener les entreprises multinationales à s'établir chez nous, car nous avons une société différente de celles de la plupart des autres pays industrialisés où des gens d'à peu près partout peuvent se sentir chez eux. Ce n'est pas un avantage que nous pouvons tenir pour acquis. Le fait est que d'autres pays industrialisés font face à la même situation démographique que nous, mais dans bien des cas, ils sont en moins bonne posture parce qu'ils ont été moins accueillants pour les immigrants. Toutefois, ils vont redoubler d'effort. De plus, des pays comme la Chine et l'Inde consolident leur économie nationale et pourront donc nous concurrencer pour garder leurs talents au lieu de les laisser partir.
Nous devons donc profiter de cet atout, mais je crois que la société multiculturelle et l'économie que nous avons construits constituent sans doute notre principal atout pour l'avenir.
Le président: M. Boutziouvis désire ajouter quelque chose.
M. Sam Boutziouvis (vice-président, Politiques et directeur des recherches, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Merci, monsieur le président.
Deux des principaux facteurs qui ont été extrêmement utiles au Canada pour pouvoir pénétrer les marchés mondiaux et se mondialiser sont son ouverture, son respect de la démocratie et des principes démocratiques ainsi que la vigueur de ses institutions.
Pour ce qui est de son ouverture, le Canada a été en avance sur les autres au cours des cinq ou six dernières décennies. Il s'est fait le champion de la libéralisation, récemment, devant le GATT et l'OMC, et la libéralisation du commerce et de l'investissement à l'échelle régionale ont permis au Canada de prendre une avance.
Nous avons peur que le Canada ne conserve pas son avance sur le plan de la libéralisation et de l'ouverture. Nous devons ouvrir encore davantage nos marchés. Par conséquent, en ce qui concerne l'Organisation mondiale du commerce, David a souligné l'importance de l'agriculture en réponse à votre question. Je voudrais seulement dire que le milieu des affaires canadien a besoin de résultats équilibrés et ambitieux en ce qui concerne le Programme de Doha pour le développement. Cela veut dire qu'il faut débloquer les choses et progresser sur le plan de l'agriculture afin que le Canada puisse obtenir davantage en ce qui concerne les services, l'accès aux marchés non agricoles et la facilitation du commerce.
Le Canada a plus à gagner sur ces plans-là que sur celui de l'agriculture. Voilà pourquoi l'agriculture est une composante très importante de la stratégie globale de libéralisation du commerce du Canada. Toutefois, monsieur Sorenson, c'est sur le plan de la libéralisation des services, de l'accès aux marchés non agricoles et, en fin de compte, de la facilitation du commerce que nous gagnerons le plus.
¿ (0925)
M. Kevin Sorenson: C'est assez inquiétant, car en fait vous dites que nous allons consentir des sacrifices. Vous semblez dire que nous devons être prêts à sacrifier certains enjeux agricoles pour pouvoir gagner dans le domaine des services.
Peut-être pourriez-vous nous expliquer davantage comment nous ferons la transition pour aider les agriculteurs, ceux qui subissent déjà les effets de la baisse du prix des denrées et, dans certains cas comme le canola, les tarifs douaniers élevés qui nous font du tort un peu partout dans le monde.
M. Sam Boutziouvis: Je comprends. Voilà pourquoi nous avons une Organisation mondiale du commerce. Au sein de l'Organisation mondiale du commerce et en fait dans les négociations commerciales en général, un principe veut que vous élargissiez la portée des négociations au maximum parce qu'il y aura du marchandage. L'ouverture des marchés exige malheureusement à faire des concessions au sein de l'économie, au sein de la société, pour pouvoir gagner plus dans d'autres secteurs dans une économie comme la nôtre qui a tellement compté sur les marchés mondiaux pour parvenir à son niveau de prospérité actuel.
[Français]
Le président: Madame Lalonde, la parole est à vous, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci, messieurs, et bienvenue.
Mes questions porteront sur deux domaines spécifiques. Je suis le porte-parole de mon parti en matière d'affaires étrangères, et ma collègue s'occupe du commerce international.
J'aimerais entendre votre opinion sur la responsabilité sociale des entreprises canadiennes à l'étranger. Récemment, mais aussi par le passé, il y a eu de nombreuses critiques, notamment à l'endroit des compagnies minières en Afrique. Il y en a aussi eu d'autres.
J'aimerais donc savoir ce que vous, comme Conseil canadien des chefs d'entreprise, faites à cet égard. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette notion.
Deuxièmement, je veux vous parler du 0,7 p. 100. Vous avez parlé de l'ouverture des marchés agricoles. Vous savez que le Québec tient très fort à la gestion de l'offre. Par ailleurs, on sait aussi qu'il faut trouver le moyen d'ouvrir les frontières. Vous n'avez cependant rien dit que j'aie entendu sur l'objectif de 0,7 p. 100 qui doit, pour atteindre les objectifs du Millénaire, être atteint en 2015.
Êtes-vous d'accord pour que le gouvernement se dote d'un plan pour y arriver, compte tenu du fait le Canada peut prendre exemple sur les petits pays nordiques de l'Europe qui, eux, ont atteint depuis déjà un moment le 0,7 p. 100? Ils sont parmi les pays les plus prospères et ont les meilleurs régimes sociaux. Alors, pourquoi le Canada ne pourrait-il pas être du nombre?
Enfin, parlez-moi de votre vision relative au commerce, aux rapports avec les autres pays et à l'ouverture nécessaire des marchés aux pays émergents. Ne trouvez-vous pas que le gouvernement n'est pas assez engagé à aider les provinces dans les domaines de l'éducation et de la recherche et développement, de même que dans la recherche d'investissements?
Il faut trouver le moyen d'avoir davantage d'investissements étrangers. Une des bonnes façons d'y arriver est d'avoir des jeunes extrêmement instruits, capables, créatifs, ce qui est incompatible avec les coupures dramatiques que nous avons connues ces dernières années dans les domaines de la recherche et du développement ainsi que de l'éducation supérieure.
¿ (0930)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Stewart-Patterson.
M. David Stewart-Patterson: Permettez-moi de répondre à ces questions dans l'ordre. En ce qui concerne la responsabilité des entreprises, tout d'abord, j'ai beaucoup travaillé dans ce domaine avec les entreprises canadiennes, surtout dans le contexte canadien car nous considérons que c'est d'abord et avant tout une question de bonne gouvernance. Dans la déclaration que notre conseil a émis en 2002 sur la gouvernance des entreprises, nous avons dit qu'une bonne gouvernance résultait non seulement des règles mises en place, mais des valeurs qu'une entreprise exprime. Nous avons laissé entendre que la responsabilité des entreprises était la façon dont une entreprise exprime ses valeurs à ses actionnaires. Autrement dit, la façon dont elle traite le reste du monde reflète ses valeurs. Nous estimons donc que la responsabilité des entreprises doit être au coeur de la stratégie de l'entreprise.
Il y a plusieurs raisons à cela. Je crois qu'il y a 20 ou 30 ans, si les entreprises assumaient leurs responsabilités sociales, c'était surtout pour soigner leur image de marque, pour améliorer leur réputation. En parlant à nos membres, nous avons constaté qu'il y a de nos jours d'autres facteurs beaucoup plus importants qui les conduisent à assumer leurs responsabilités sociales. L'un d'entre eux, par exemple, est la capacité de recruter et de garder les employés. Dans un marché mondial, les gens talentueux peuvent choisir l'endroit et l'entreprise où ils veulent travailler. De plus en plus, s'ils ne respectent pas les valeurs d'une entreprise, ils choisiront de ne pas travailler pour elle.
Mais surtout, je pense qu'avec l'évolution des marchés financiers, un comportement irresponsable dans le monde, surtout en ce qui concerne les droits de la personne et l'environnement, est considéré comme un sérieux risque par les investisseurs et que les compagnies qui se conduisent mal en paient le prix. Elles en paieront le prix, car les investisseurs renonceront de plus en plus à acheter leurs actions, ce qui fera tomber les cours et coûtera cher à tous ceux qui chercheront à gagner leur vie grâce à cette entreprise, y compris ceux dont le niveau de vie dépend du cours de ses actions.
Je crois que de nos jours, une entreprise ne peut plus cacher ce qu'elle fait, quel que soit l'endroit où elle est établie ou la façon dont elle est exploitée. Comme nous l'avons dit « vous pouvez courir, mais vous ne pouvez pas vous cacher ». Si les entreprises se comportent de façon irresponsable, elles en subiront les conséquences ainsi que leurs employés, leurs administrateurs et leurs actionnaires. La responsabilité environnementale, le respect des droits de la personne, les normes, le comportement, tout cela est de plus en plus visible et je suis donc assez optimiste, comme vous le dites. Cela n'empêchera pas les écarts de conduite, mais s'il y en a, cela se saura et il y a des leviers de plus en plus puissants que les citoyens, les grands investisseurs institutionnels, les gouvernements et les organismes de réglementation peuvent actionner.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Qu'en est-il du 0,7 p. 100?
[Traduction]
M. David Stewart-Patterson: Pour ce qui est de l'objectif de 0,7 p. 100, je suis d'accord avec vous. Et vous avez raison de dire, comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, que d'autres pays l'ont atteint. C'est possible. Le Canada a fait cette promesse il y a longtemps. S'il s'était efforcé avec constance d'atteindre cet objectif, nous y serions sans doute arrivés et nous ne remarquerions pas la différence.
La question à se poser à court terme est la suivante : peut-on promettre de le faire d'ici cinq ans ou d'ici 10 ans? Je crois que c'est très difficile. Une promesse pour dans 10 ans est si facile à oublier. Il faut plutôt se demander ce que le gouvernement désire faire cette année et l'année prochaine. C'est ce qui se trouve dans ce budget et dans le budget suivant qui compte vraiment. Il est facile de faire des promesses qu'un gouvernement futur devra tenir.
Cela me ramène à ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de l'objectif de 0,7 p. 100. Ce que le Canada fait pour le développement international fait partie des principales responsabilités du gouvernement fédéral et si j'examine la façon les dépenses ont été réparties dans le dernier budget ou les quelques budgets précédents, les principales responsabilités du gouvernement fédéral n'ont pas eu la priorité; les dépenses ont été surtout faites dans des domaines du ressort des provinces.
D'un côté, j'inviterais le gouvernement à prendre toute cette question plus au sérieux dans le cadre de son énoncé ou de son examen de la politique internationale, à voir quelles sont les sommes d'argent nécessaires pour atteindre les objectifs qui ont été fixés. Mais en même temps, il faut bien reconnaître qu'il y a des choix financiers à faire et des questions comme les soins de santé et l'éducation sont très importantes aux yeux de nombreux Canadiens. Ils croient que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce domaine ou qu'il devrait y consacrer de l'argent. Voilà les choix qu'il va falloir faire.
Le Canada pourrait sans doute consacrer 0,7 p. 100 de son PIB à l'aide extérieure, tout comme il serait possible de dépenser plus pour la défense ou la promotion du commerce, mais il y a des choix à faire. Voilà pourquoi je pense que le gouvernement aurait tort de faire des promesses à la hâte sans avoir établi un plan bien clair qui bénéficiera largement de l'appui du public canadien. Je ne suis pas certain que nous ayons eu les discussions publiques nécessaires pour évaluer la situation et pour demander aux Canadiens si, au cas où il serait possible de conclure un nouvel accord sur la santé comme celui de l'automne dernier,il ne préférerait pas y consacrer ce 0,7 p. 100? Ce sont là des choix difficiles à faire.
¿ (0935)
[Français]
Mme Francine Lalonde: Avec les surplus qu'on a eus...
[Traduction]
Le président: M. Boutziouvis va compléter cette réponse.
M. Sam Boutziouvis: Avant de nous lancer dans la recherche-développement, nous devons tenir compte du fait que nos décisions concernant l'aide extérieure ne peuvent pas être prises isolément des autres composantes de notre politique internationale, car les pays comme ceux d'Afrique réclament des investissements à cor et à cri. Ils veulent pouvoir déployer leur esprit d'entreprise par l'entremise de pays comme le nôtre, qui reposent sur des principes et des institutions démocratiques solides, qui font comprendre, comme nous le faisons par l'entremise de nos ministères fédéraux et de nos fonctionnaires, combien il est important de développer des institutions démocratiques solides dans ces pays touchés par la pauvreté. L'aide au développement est très importante, mais notre stratégie doit se situer dans le contexte de notre stratégie d'investissement à l'étranger et de notre stratégie internationale en ce qui concerne les efforts de facilitation.
M. David Stewart-Patterson: Si vous le permettez, je voudrais ajouter une dernière chose à ce propos. Nous ne devons pas oublier non plus que ce qui compte vraiment, ce n'est pas le montant d'argent que donne le Canada, mais les résultats que nous obtenons grâce à cet argent. Voilà pourquoi je pense que c'est important. La direction que donne l'énoncé de politique en disant que nous devons aborder la situation de façon globale avec chaque pays partenaire pour veiller à ce que l'argent que nous dépensons produise le maximum d'effets est importante. Mais c'est aussi quelque chose de très nouveau pour nous et peut-être devrions-nous voir ce qui marche le mieux avant d'investir un gros montant d'argent dont nous ne saurons pas vraiment quoi faire. Il est important de se doter d'un plan pour dépenser cet argent et pas seulement d'un plan pour le réunir. Ce sont les résultats qui comptent.
Voulez-vous que j'aborde la dernière…
¿ (0940)
Mme Francine Lalonde: La recherche, oui.
Le président: Oui, s'il vous plaît.
M. David Stewart-Patterson: Je crois qu'il y a un lien solide entre la recherche-développement, l'enseignement supérieur et la capacité d'un pays d'attirer l'investissement étranger et de favoriser le développement de nouvelles entreprises novatrices établies au Canada. D'une façon ou d'une autre, si nous voulons attirer les entreprises qui connaîtront une expansion internationale à partir du Canada, l'enseignement supérieur et la recherche sont un élément essentiel de l'équation.
Je crois que ces dernières années, le gouvernement fédéral a largement augmenté son soutien à la recherche. Par contre, nous réussissons moins bien pour ce qui est d'utiliser les fruits de cette recherche pour créer de nouvelles entreprises et de nouvelles industries. Cela me ramène à ce qu'a dit M. Sorenson. Il ne s'agit pas ici d'échanger les emplois que nous avons aujourd'hui contre des emplois différents pour demain. Nous nous demandons plutôt d'où viendra la croissance de l'emploi à l'avenir? Il me paraît assez évident que certains secteurs traditionnels de l'économie ne vont pas prendre de l'expansion et n'absorberont pas davantage de travailleurs. Il faut alors se demander dans quels secteurs nous aurons davantage de débouchés.
Ces débouchés seront créés dans une large mesure par notre capacité d'attirer des capitaux étrangers. Je ne parle pas seulement de l'argent, des investissements, mais aussi du capital humain. Les établissements de recherche et de haut savoir sont un moyen important pour le Canada d'attirer les gens. Nous attirons des chercheurs, nous attirons des étudiants. C'est un moyen très important pour nous d'acquérir les compétences nécessaires. Lorsque nous avons des compétences et des idées, nous devons veiller à attirer les capitaux financiers et à réunir les idées et les compétences pour bâtir des entreprises qui créeront des emplois.
Cela répond-il à votre question?
Le président: Merci.
Nous passons maintenant à Mme Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci de vous être joints à nous aujourd'hui.
Vous semblez faire beaucoup confiance à l'OMC et vous dites que nous devrions inciter les pays membres de l'OMC à ouvrir davantage leurs marchés. C'est très bien de le dire, mais lorsque la Banque mondiale ou le FMI viennent vous dire : « Nous allons vous prêter un peu d'argent, nous allons rembourser vos dettes, mais vous ne pourrez plus faire pousser de bananes. Vous devrez faire pousser de la cannelle ». Comment pouvez-vous réglementer cela ou amener ces pays à travailler avec la Banque mondiale? Il y a un problème à cet égard. J'ai visité de nombreux pays à qui on a dit qu'ils ne pouvaient plus cultiver les denrées qu'ils avaient l'habitude de produire. « Nous vous aiderons financièrement, mais faites ce que nous vous disons de faire ». Voilà ma première question.
Deuxièmement, dans Canada premier! vous dites : « Notre main-d'oeuvre compte parmi les plus qualifiées au monde », puis vous ajoutez : « mais encore trop de jeunes ne réussissent pas à compléter leurs études secondaires ». Pourriez-vous nous expliquer cela?
Vous avez dit tout à l'heure que nous nous mêlons probablement trop de questions du ressort des provinces. Je ne sais trop quoi en penser, mais quoi qu'il en soit, voilà mes deux questions.
¿ (0945)
Le président: Monsieur Boutziouvis.
M. Sam Boutziouvis: Merci beaucoup.
Nous faisons grandement confiance à l'Organisation mondiale du commerce et au système de commerce mondial. Il a bien servi les intérêts du Canada. Cela ne veut pas dire que l'Organisation mondiale du commerce n'est pas confrontée à de nombreuses difficultés. Le système commercial mondial est mis à dure épreuve. Il y a des déséquilibres, non seulement au niveau du commerce, mais également au niveau des investissements et de l'épargne et l'OMC s'en ressent.
Le Programme de développement de Doha, qui a été lancé au lendemain des terribles attaques terroristes à New York et dans d'autres villes des États-Unis, est un programme extrêmement ambitieux qui devait être avant tout un programme de développement. Il s'est heurté à des obstacles. La réunion ministérielle de Cancun n'a pas très bien marché et les négociations en vue d'une ouverture des frontières, dont bénéficieraient surtout les pays en développement, ont progressé très lentement jusqu'ici.
Les pays touchés par la pauvreté ou en développement ont été unanimes à dire qu'ils voulaient un accès au marché agricole. Ils veulent pouvoir vendre les produits pour lesquels ils ont un avantage comparatif, et pour un bon nombre de ces pays il s'agit de denrées agricoles.
D'autre part, vous avez parfaitement raison, madame Phinney, de dire que par le passé des organismes multilatéraux ont donné de l'argent sous certaines conditions en disant aux pays qu'ils devaient cultiver ceci ou ne pas cultiver cela. Cela a causé des distorsions. La semaine dernière, par exemple, l'Union européenne a été prise à partie parce que son prix du sucre est trois fois plus élevé que le prix mondial moyen. Cela dresse un énorme obstacle à l'importation de sucre dans l'Union européenne alors que de nombreux pays peuvent produire du sucre pour beaucoup moins cher.
Il faut aller plus loin que les subventions déjà en place, les subventions à l'exportation et les subventions intérieures. Selon l'OCDE, le Canada a soutenu ses industries agricoles à raison de 18 p. 100 de la production totale l'année dernière. Et d'après l'OCDE, cela n'a pas beaucoup changé. Nous n'avons pas réduit notre soutien dans une large mesure.
Le Programme de développement de Doha est un programme pour les pays en développement qui porte surtout sur l'accès aux marchés agricoles. Il y a des problèmes et la conférence ministérielle de Hong Kong de décembre prochain ne sera pas sans difficulté, mais il faut que Hong Kong soit un succès, car le système commercial mondial a besoin d'un succès à Hong Kong en décembre. Toutefois, je crois que nous pouvons en tirer d'énormes avantages, surtout pour les pays en développement, du moment que nous libéralisons l'accès aux marchés agricoles, puis le marché des services, l'accès aux marchés non agricoles et la facilitation du commerce.
M. David Stewart-Patterson: En ce qui concerne votre deuxième question au sujet de l'éducation, je suis d'accord pour dire que du point de vue de la prestation des services et du point de vue constitutionnel, l'éducation est sous la responsabilité des provinces, mais la qualité de notre main-d'oeuvre est un défi national. Je crois donc qu'il y a des leviers que le gouvernement fédéral peut et devrait utiliser. Nous avons parlé du soutien à la recherche, par exemple. C'est certainement un domaine dans lequel le gouvernement fédéral joue un rôle important. Un autre défi important, bien entendu, c'est l'éducation des Autochtones. Je pense que certaines des discussions de cette semaine tiennent compte de l'ampleur de ce défi et c'est pour le gouvernement fédéral une bonne occasion d'exercer son leadership.
D'une façon ou d'une autre, du point de vue de la compétitivité, depuis des décennies, nous nous demandons si nous aurons suffisamment d'emplois pour notre main-d'oeuvre. Bientôt, nous allons nous demander si nous aurons suffisamment de main-d'oeuvre pour nos emplois. Il va y avoir un changement radical dans toute une série de domaines de la politique publique. Il y a deux conclusions à en tirer.
La première est que nous ne pouvons pas gaspiller les talents que nous avons déjà dans notre pays. Autrement dit, même si nous sommes le pays de l'OCDE qui a l'un des taux les plus élevés, sinon le plus élevé de travailleurs titulaires d'un diplôme postsecondaire, ce qui nous confère un atout important, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre qui que ce soit. Lorsque nous voyons que les garçons sont plus nombreux que les filles à ne même pas pouvoir obtenir leur diplôme d'études secondaires, qui est seulement le point de départ pour un véritable engagement dans la population active, cela veut dire que le problème est grave. Nous devons nous pencher sur les causes de ce phénomène. Dans les provinces comme la Saskatchewan où la population autochtone est la principale source de croissance démographique, il faut en conclure que les résultats ne sont pas aussi bons qu'ils devraient l'être. Si les jeunes sont trop nombreux à décrocher et si le système actuel ne répond pas à leurs besoins, comment pouvons-nous l'améliorer? Ce sont des questions d'intérêt national.
Il y a ensuite, bien entendu, la question de l'immigration. Même si nous tirons le maximum de tous les gens que nous avons déjà au Canada, nous aurons besoin de travailleurs supplémentaires. L'autre domaine de l'éducation auquel s'intéresse la politique du gouvernement fédéral est l'intégration des immigrants dans notre économie et dans notre société. Les statistiques semblent indiquer que les immigrants prennent plus de temps que par le passé à rattraper les gens nés au Canada en ce qui concerne leur revenu moyen, etc. Nous faisons venir des gens de tous les coins de la planète. Dans bien des cas, ils arrivent avec énormément de connaissances, de titres de compétences, etc. Nous ne réussissons pas aussi bien qu'il le faudrait à reconnaître leurs compétences et à nous en servir pour combler les lacunes. Les immigrants doivent s'intégrer rapidement dans la population active canadienne au lieu qu'on leur dise qu'ils doivent recommencer à zéro sous prétexte que nous ne savons pas où ils en sont exactement.
Lorsque les immigrants nous apportent leurs talents, leur expérience et leurs compétences, il est important que nous en tirions parti au maximum. Le défi à relever consiste non seulement à se doter d'une politique d'immigration qui permettra aux gens de venir plus facilement ici, mais également à déterminer ce dont ils ont besoin pour réaliser leur plein potentiel dans notre économie et leur permettre d'avoir accès à des possibilités d'apprentissage. Cette responsabilité n'incombe pas exclusivement au gouvernement fédéral. Elle exige, dans bien des cas, la participation des organisations professionnelles. Elle exige aussi la participation de nos établissements d'enseignement et des gouvernements provinciaux du point de vue politique. C'est un défi pour lequel beaucoup de gens vont devoir travailler ensemble.
Le président: La parole est maintenant à M. Julian.
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci, monsieur le président.
Il est difficile de savoir par où commencer.
Je dirais d'abord que vos propos concernant l'éducation m'étonnent, monsieur Stewart-Patterson, étant donné que le Conseil canadien des chefs d'entreprise s'est opposé à l'amendement budgétaire néo-démocrate, le projet de loi C-48, qui proposait d'investir plus d'argent dans l'enseignement postsecondaire. Nous devions choisir entre l'octroi de nouvelles concessions fiscales aux sociétés ou l'investissement dans l'éducation, pour les raisons que vous venez d'indiquer. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise s'y est opposé énergiquement et voulait qu'on dépense plus pour réduire l'impôt des sociétés. À mon avis, c'est une des raisons pour lesquelles votre organisme a de moins en moins de crédibilité aux yeux d'une bonne partie de la population canadienne.
Je mentionnerai d'autres facteurs qui réduisent également votre crédibilité.
Je vous citerai deux études de Statistique Canada. Il y a trois semaines, on pouvait lire un article de journal disant que les bénéfices des sociétés augmentent pendant que le salaire réel des travailleurs diminue. Voici ce que disait un article de l'Ottawa Citizen :
Les sociétés canadiennes continuent d'enregistrer des bénéfices d'exploitation records pendant que le salaire des travailleurs n'arrive pas à suivre le coût de la vie, a révélé aujourd'hui Statistique Canada… la marge bénéficiaire des sociétés a continué de s'accroître, atteignant un niveau record de 8 p. 100… Dans un autre rapport, Statistique Canada mentionnait que le salaire hebdomadaire moyen des employés… n'avait augmenté que de 1,9 p. 100 par rapport à l'année précédente. C'est nettement en dessous de la hausse du coût de la vie qui a atteint 2,3 p. 100 au cours de la même période. |
Deux commentaires ont été faits suite à ce rapport. L'un des économistes qui en a parlé a déclaré :
La majeure partie des gains résultant de notre économie qui est censée bien se porter sont réalisés par les actionnaires et les salariés qui se situent au sommet de l'échelle des revenus, surtout dans la première tranche de 1 p. 100. |
Un rapport récemment publié par TD Bank Financial Group mentionnait également que les salaires des travailleurs n'avaient pas progressé depuis 15 ans si l'on tient compte de l'inflation et des impôts. |
Une autre étude de Statistique Canada qui a été publiée plus tôt cette année, en février, mentionnait que la plupart des emplois actuels étaient temporaires ou à temps partiel et ne donnaient pas droit à une pension et que les jeunes travailleurs commençaient à un niveau de salaire plus bas. La situation n'est plus la même qu'il y a 10 ou 15 ans.
Il y a également des études qui ont révélé que sur une période de 15 ans :
Entre 1984 et 1999, les 40 p. 100 de Canadiens les plus pauvres ont vu leur part de la richesse totale du pays tomber de 1,8 p. 100 de la totalité de l'actif personnel à seulement 1,1 p. 100. |
Autrement dit, leur part de la richesse a diminué de moitié.
Au cours de la même période, les 10 p. 100 de la population les plus riches ont vu leur part de la richesse totale grimper de 51,8 p. 100 à 55,7 p. 100. |
Nous constatons une concentration de plus en plus marquée de la richesse au Canada. Les 10 p. 100 de Canadiens les plus riches accaparent maintenant la majeure partie du gâteau.
Je voudrais également mentionner, en ce qui concerne la crédibilité, la question de la contribution des entreprises, sous la forme de l'impôt sur les sociétés, à l'effort collectif de notre pays. En 1999-2000, les sociétés ont payé 22 milliards de dollars. En 2002-2003, c'était encore 22 milliards de dollars. Pendant ce temps, l'impôt sur le revenu des particuliers a augmenté. Par conséquent, nous pouvons voir que le secteur de l'entreprise ne contribue pas à l'effort commun.
L'étude Price Waterhouse, que vous connaissez bien, indiquait que les villes canadiennes était parmi les plus concurrentielles d'Amérique du Nord. Pourquoi? C'est grâce à cet effort collectif, au fait que les Canadiens financent un système de soins de santé public avec l'argent de leurs impôts. Le fait que les sociétés n'ont pas à subventionner les primes d'assurance-santé représente un important avantage sur la concurrence. Les Canadiens paient pour leur assurer cet avantage grâce à leurs impôts.
Le secteur des entreprises n'a pas répondu en créant des emplois ou en s'efforçant de redistribuer les revenus—des revenus qui se retrouvent de plus en plus en haut de l'échelle—et réclame une diminution d'impôts, même si nous savons qu'environ 90 milliards prennent chaque année le chemin de l'étranger.
Je suppose que ma question…
¿ (0950)
M. Sam Boutziouvis: Je ne m'étais pas rendu compte que c'était le Comité des finances, monsieur le président. Je pensais que nous étions ici pour parler de la politique internationale.
M. Peter Julian: C'est très important…
M. Sam Boutziouvis: Sa question n'a rien à voir avec la politique internationale, monsieur le président.
M. Peter Julian: Vous avez fait certaines observations. Vous avez parlé de l'éducation…
Le président: Il n'y aura pas de réponse à ce sujet.
M. Peter Julian: Ma question est la suivante. Vous n'avez pas créé d'emplois. Vous continuez à réclamer une baisse d'impôt pour les sociétés et je ne parle même pas des scandales. Nous voyons que les sociétés obtiennent une part de plus en plus grande du gâteau. Vous rendez-vous compte que vous perdez votre crédibilité? Vous continuez à vous attaquer aux programmes sociaux et aux fondements même de notre pays.
¿ (0955)
Le président: Monsieur Stewart-Patterson, je ferais simplement remarquer à M. Boutziouvis qu'à votre avis il faut ouvrir les marchés agricoles et abaisser l'impôt des sociétés. Voilà pourquoi j'ai accepté le petit préambule de mon collègue.
La parole est à vous, monsieur Stewart-Patterson et nous passerons ensuite à M. Boutziouvis.
M. David Stewart-Patterson: Je me ferais un plaisir d'aborder tout sujet qui intéresse les membres du comité.
Le président: Bien. J'en suis sûr. Pas de problème.
M. David Stewart-Patterson: Je mentionnerais seulement, monsieur le président, à propos de l'opposition du Conseil au projet de loi C-48, qu'elle ne portait pas sur le but des dépenses proposées. Elle portait sur l'absence totale de contrôle quant au montant d'argent qui serait effectivement dépensé, les résultats qui seraient obtenus et qui déciderait en cours de route de la façon d'utiliser cet argent. C'était totalement imprécis.
M. Peter Julian: Mais vous pourriez invoquer le même argument au sujet de la réduction de l'impôt sur les sociétés.
M. David Stewart-Patterson: Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit au Comité des finances, je tiens à préciser que nos objections portaient sur la mauvaise gestion que prévoyait le projet de loi C-48 plutôt que sur les objectifs visés.
Pour ce qui est des questions que vous avez soulevées, tout d'abord, si nous prenons la croissance des bénéfices de ces dernières années, je vous dirais, comme je l'ai dit au Comité des finances que, dans le monde d'aujourd'hui, l'abaissement de l'impôt sur les sociétés est une excellente façon pour un gouvernement d'augmenter ses recettes. Cela se traduit non seulement par davantage d'investissements et de création d'emplois, mais aussi, par une croissance très rapide des recettes de l'impôt sur les sociétés.
L'argent que coûtera le projet de loi C-48 provient des excédents inattendus provenant de la croissance rapide des bénéfices des sociétés et des impôts que les entreprises paient sur ces bénéfices. Si vous regardez d'où proviennent les excédents budgétaires inattendus, ce sont les recettes de l'impôt sur les sociétés qui y ont contribué le plus. Nous payons donc pour le projet de loi C-48.
M. Peter Julian: Mais les faits attestent du contraire, car dans les années 60, comme vous le savez, c'était environ 40 p. 100. Le rapport entre l'impôt sur le revenu des particuliers et l'impôt sur le revenu des sociétés est d'environ trois à deux. Il est maintenant de quatre à un. En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, dans l'ensemble du pays, les Canadiens paient quatre fois plus que ce que nous obtenons réellement du secteur des sociétés. Les faits démentent donc ce que vous dites.
M. David Stewart-Patterson: Le fait est que les autres pays ont conclu qu'il n'était pas payant d'exiger des impôts trop lourds. Vous voulez favoriser l'investissement et la création d'emplois. Il ne faut pas imposer les sources d'investissement et de création d'emplois.
M. Peter Julian: Mais nous n'obtenons pas de création d'emplois.
M. David Stewart-Patterson: Nous avons le taux de chômage le plus bas depuis 30 ans. Vous dites qu'il n'y a pas eu de création d'emplois au Canada?
M. Peter Julian: Ce sont des emplois à temps partiel et temporaires et des salaires qui stagnent. Telle est la réalité.
Vous pourriez reconnaître certaines faiblesses et chercher à y remédier, mais il ne semble pas que vous le fassiez.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Stewart-Patterson.
M. David Stewart-Patterson: Comme je l'ai dit, sans me lancer dans une longue digression au sujet de la politique fiscale, le fait est que du point de vue de la concurrence, le taux d'imposition des sociétés a diminué dans la majorité des pays de l'OCDE. S'il a diminué, c'est parce que les gouvernements se sont rendu compte, les uns après les autres, que si vous voulez des investissements, si vous voulez des emplois, vous ne pouvez pas surcharger d'impôts les activités que vous essayez d'attirer.
Un pays comme l'Irlande, où le taux d'imposition des sociétés est de 12,5 p. 100 depuis plus d'une décennie, perçoit des recettes proportionnellement plus importantes que le Canada. Pourquoi? Parce que ce faible taux d'imposition a attiré plus d'investissement, a créé plus d'emplois et a permis de réaliser plus de profits, ce qui a augmenté les recettes fiscales. Voilà pourquoi l'Irlande a autant d'argent à investir dans l'enseignement postsecondaire.
Nous pouvons nous renvoyer des statistiques de part et d'autre, mais je ne pense pas que cela nous amène à la question fondamentale qui est de savoir où le Canada se situe par rapport au reste du monde pour ce qui est de persuader les gens de venir travailler chez nous et de persuader les entreprises de s'établir ici et de prendre de l'expansion à partir des villes canadiennes.
C'est une question fondamentale. Nous avons peut-être des divergences de vues que nous ne pourrons pas résoudre, mais je crois qu'avec ce que le Canada a déjà fait, les réductions d'impôt que le gouvernement a mises en place depuis l'an 2000, malgré toutes les baisses du taux d'imposition des sociétés, les recettes de l'impôt sur les sociétés commencent déjà à être plus importantes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient avant le début des réductions d'impôt.
M. Peter Julian: Mais elles sont proportionnellement inférieures à ce qu'elles étaient dans les années 60 et 70, comme vous le savez. La part que le secteur des entreprises…
À (1000)
M. David Stewart-Patterson: Encore une fois, vous…
M. Peter Julian: Il y a une différence au niveau des faits.
Revenons-en à la question de la crédibilité. C'est très bien de dire que l'empereur n'a pas de vêtements, mais les Canadiens ont de plus en plus de difficultés un peu partout dans le pays et votre organisation devrait chercher à résoudre ces problèmes.
M. David Stewart-Patterson: Voilà pourquoi nous nous soucions de savoir d'où viendront les emplois de demain.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): M. Boutziouvis, vous voulez répondre.
M. Sam Boutziouvis: Juste quelques mots. Le Canada est le pays du G-7 où la création d'emploi a été la plus forte depuis cinq à sept ans. En 2003 et 2004, la majeure partie de la création d'emplois est venue du secteur privé.
Vous avez choisi des statistiques montrant qu'au cours des six derniers mois les gouvernements ont pris de l'expansion et embauché, mais après une récession très dure au cours de laquelle tous les Canadiens ont fait des sacrifices, où le nombre d'emplois à temps partiel a augmenté tandis qu'il y a eu une réduction importante du nombre d'emplois à plein temps et des emplois au gouvernement. L'économie canadienne s'est ensuite rétablie si bien que nous avons eu d'excellents résultats sur le plan de la création d'emplois.
Vous ne pouvez pas dire que le Canada n'arrive pas en première place sur le plan de la création d'emplois. En fait, en 2003 et 2004, le nombre d'emplois créés au Canada a battu tous les records et vous ne pouvez donc pas dire que nous n'avons pas créé d'emplois.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Boutziouvis.
Nous allons passer au deuxième tour. Je rappelle à tous les membres du comité que ce sont des tours de cinq minutes et nous commençons du côté du gouvernement.
Monsieur Bevilacqua.
M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier infiniment pour votre exposé.
Je voudrais peut-être revenir sur le rôle du Canada dans le contexte mondial. Quelle devrait être la prochaine étape pour le Canada dans le contexte économique nord-américain?
M. David Stewart-Patterson: C'est une question courte. Cela me laisse plus de temps pour la réponse.
Comme vous le savez sans doute, notre conseil a été très actif sur le front nord-américain depuis deux ans et demi, depuis le lancement de notre Initiative nord-américaine de sécurité et de prospérité au début de 2003. Nous avons toujours préconisé une approche globale qui reconnaisse que pour exploiter au maximum les possibilités en Amérique du Nord, nous devons nous attaquer en même temps aux questions touchant la sécurité du continent et aux questions touchant la compétitivité du Canada et de ses partenaires en Amérique du Nord.
Nous trouvons très encourageante la direction que les leaders des trois pays ont prise en mars, à leur sommet du Texas. Nous avons vu des preuves tangibles de progrès quand les ministres se sont rencontrés ici, hier. Les mesures déjà en cours nous paraissent assez encourageantes, et pas seulement en raison du grand nombre de dossiers qui font partie du programme de travail des fonctionnaires des trois pays. Il est important de souligner dans quelle mesure ce leadership a permis de faire progresser le processus et de déboucher sur des mesures concrètes.
Pour ce qui est de la prochaine étape, le programme nord-américain est, bien entendu, tellement vaste qu'il est difficile de le disséquer. Si vous prenez le livre qui a été publié hier, vous verrez qu'il est très dense. Notre document de discussion du printemps 2004 contenait des observations du groupe de travail indépendant du Council on Foreign Relations, à New York, qui était coprésidé par John Manley. Il en ressortait surtout que ce qui compte vraiment c'est que les leaders de chaque pays comprennent l'importance d'un programme nord-américain commun et poursuivent leurs efforts pour le faire progresser.
Je peux entrer davantage dans les détails si vous le désirez.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Néanmoins, il arrive parfois qu'on reçoive des rapports énumérant toute une longue liste de choses… Comme vous vous êtes levé aujourd'hui, vous pourriez dire que vous vous êtes levé aujourd'hui et que vous êtes maintenant au comité, ce qui donne l'impression que vous avez fait beaucoup de choses. Je me demande si le temps n'est pas venu où, en ce qui concerne nos relations avec les États-Unis et le Mexique en particulier, il ne vaudrait pas mieux frapper un grand coup plutôt qu'adopter une approche minimaliste ou progressive. Qu'en pensez-vous?
M. David Stewart-Patterson: Le genre d'approche que notre conseil préconise est généralement considérée comme une approche de choc. Nous avons parlé d'une stratégie globale, mais le fait est que vous pouvez y parvenir en faisant beaucoup de bruit ou en douceur. J'ai l'impression que le gouvernement préfère agir en douceur sans trop attirer l'attention au lieu d'en faire tout un plat.
Nous avons toujours fait valoir que les questions à résoudre exigent une stratégie nous permettant de progresser à grands pas dans toutes sortes de directions différentes. Encore une fois, ce dont les ministres de l'Industrie et du Commerce et les ministres de la Sécurité ont discuté hier couvrait beaucoup de choses allant des règles d'origine, dans le but de mieux faire fonctionner l'ALENA, a tout un éventail de questions de réglementation. Pendant ce temps, les discussions se poursuivent sur le renouvellement de NORAD et quant à savoir si NORAD ne pourrait pas être élargi pour protéger non seulement l'espace aérien, mais également l'espace maritime. Ce sont des questions qui sont abordées dans d'autres sphères.
Nous parlons des cinq piliers d'une stratégie nord-américaine que certains ont qualifiée d'approche de choc. Mais si vous prenez le travail qui se déroule actuellement, il s'en inspire en majeure partie. En fait, peu importe que vous appeliez cela une approche de choc ou une progression graduelle. Ce qui compte c'est que le Canada, les États-Unis et le Mexique font des progrès. Bien entendu, il faut attendre de voir ce que cela donnera. Nous verrons avec quelle rapidité nous réglerons chaque dossier, mais c'est vraiment là que le leadership entre en jeu. Si les leaders continuent d'exercer des pressions, les fonctionnaires et les ministres continueront de produire des résultats. J'en suis certain.
À (1005)
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Avez-vous une question très brève? Il y a aussi M. Boutziouvis.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je pensais que toutes mes questions étaient brèves. Merci. J'en ai une dernière.
Vous avez parlé de l'éducation et des compétences. Comment répondez-vous au problème que pose le vieillissement de la population au Canada, ainsi qu'aux États-Unis, par rapport au Mexique? N'est-ce pas un argument en faveur de la libre circulation de la main-d'oeuvre en Amérique du Nord?
M. David Stewart-Patterson: Nous avons certainement parlé de la libre-circulation de la main-d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis comme d'une mesure possible à court terme. La question de la libre-circulation de la main-d'oeuvre en Amérique du Nord y compris le Mexique a certainement été abordée, par exemple par le groupe de travail du Council on Foreign Relations. J'ai l'impression que du côté des États-Unis l'immigration, et surtout l'immigration illégale mexicaine, pose un important problème politique. Les Américains vont devoir décider de la façon de l'aborder. Je ne pense pas que le Canada puisse agir bilatéralement.
Nous avons des programmes de travailleurs temporaires très efficaces avec le Mexique. Nous avons parlé de la possibilité d'élargir notre programme de travailleurs agricoles, par exemple, à d'autres domaines où nous pourrions connaître des pénuries de main-d'oeuvre. Je pense simplement qu'en raison de la situation politique aux États-Unis, nous sommes loin de pouvoir envisager pour le Canada, les États-Unis et le Mexique un régime de libre circulation de la main-d'oeuvre comparable à l'Espace Schengen européen. Je pense que nous en sommes encore loin.
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Boutziouvis.
M. Sam Boutziouvis: J'ai trois réponses à vous donner, monsieur Bevilacqua : la productivité, la productivité et encore la productivité. C'est ce qui nous aidera à faire face au vieillissement de la population. Cela veut dire que nous devons apporter des améliorations dans plusieurs domaines, mais surtout, comme l'a souligné M. Stewart-Patterson, la souplesse du marché du travail revêt une importance cruciale. Cela veut dire que nous avons besoin de meilleures politiques d'immigration; cela veut dire que nous devons permettre à la main-d'oeuvre de circuler beaucoup plus librement entre les provinces et entre les trois pays d'Amérique du Nord. Cela veut dire qu'il faut sécuriser l'Amérique du Nord, mais également permettre aux gens qui représentent un faible risque de voyager d'un pays à l'autre pour pouvoir apprendre et développer leurs compétences.
Tout dépend de la productivité. Vous le savez parfaitement en tant qu'ancien président du Comité des finances; vous avez publié votre propre rapport sur la productivité. Le Japon s'attaque actuellement à cette question. Sa population en est arrivée au point où elle commencera à diminuer d'ici 10 à 15 ans. Le Japon doit chercher à améliorer sa productivité.
Pour répondre à votre première question, je citerai simplement une liste supplémentaire des prochaines mesures à prendre. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise a conclu un partenariat stratégique avec son homologue américain et son homologue mexicain, soit le Business Roundtable des États-Unis et le Consejo Mexicano de Hombres de Negocios. Nous allons mettre l'accent sur les efforts que doit faire le secteur privé pour réaliser ce programme incroyablement ambitieux. Un plan d'action—je dis bien un plan d'action, monsieur Julian et non pas un cadre stratégique ou un accord—qui sera constamment mis à jour a été mis sur pied.
Nous voudrions davantage d'améliorations en ce qui concerne le processus de règlement des différends, mais nous savons que cela exigera sans doute des changements d'ordre juridique. L'idéal serait que les groupes spéciaux deviennent des groupes permanents. Nous aimerions beaucoup une suspension temporaire de tout droit compensateur antidumping en Amérique du Nord. Pourquoi ne pas essayer au niveau sectoriel? C'est une idée qui a été mise de l'avant. On pourrait instaurer la libre circulation de la main-d'oeuvre en Amérique du Nord, mais aussi au Canada. David a abordé cette question.
Ce document a produit des mesures graduelles extrêmement positives du côté de l'énergie, mais le Canada et l'Amérique du Nord ont besoin d'une stratégie à l'égard des ressources. Il faudrait que nous en discutions un peu plus.
En ce qui concerne la défense, David a parlé de NORAD. L'Énoncé de la politique internationale parlait du renouvellement de NORAD. L'idéal serait que NORAD soit renouvelé, mais qu'on y ajoute une protection maritime et terrestre. D'autre part—c'est très controversé, mais c'est public—nous voudrions qu'on examine le dossier du bouclier antimissiles.
Enfin, nous devons parler des institutions. L'Europe a été beaucoup étudiée. Il y a en Europe un nombre important de grandes institutions qui soutiennent le projet d'union entrepris depuis 50 ans. Nous devons discuter de ce qui conviendrait dans le contexte nord-américain afin de passer à l'étape suivante.
Par conséquent, même si nous proposons 300 mesures différentes dans ce rapport, qui est un excellent rapport, nous devons discuter des prochaines étapes dans différents domaines. Je me suis contenté de vous les décrire très brièvement.
À (1010)
Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Bevilacqua, pour ce tour de 10 minutes.
Nous passons de nouveau à M. Menzies. Encore une fois, je vous rappelle qu'il s'agit d'un tour de cinq minutes que l'on a prolongé un peu de chaque côté.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux de répondre à nos questions. J'apprécie beaucoup cette conversation.
Je voudrais revenir sur l'une des premières questions que vous avez abordées. C'est l'accès aux marchés et pas seulement aux marchés agricoles, mais aussi à l'un des autres enjeux importants de l'OMC, c'est-à-dire l'accès aux marchés non agricoles. J'ai toujours fait valoir que non seulement l'accès aux marchés est une bonne chose pour les exportateurs canadiens, mais aussi, comme vous l'avez mentionné, que c'est ainsi que nous aiderons les pays les moins développés à se sortir de leur situation actuelle. L'aide extérieure est certainement une chose merveilleuse—qui coûte très cher et qui est difficile à apporter—mais elle devient répétitive. J'ai l'impression que nous nous contentons d'envoyer de l'argent. Si nous pouvons trouver une solution à long terme, je pense que ce sera en donnant à ces pays accès aux marchés et pas seulement aux nôtres. Comment faire comprendre que l'accès aux marchés entre les pays les moins développés crée autant de problèmes que dans le cas des pays industrialisés? Pouvez-vous nous en parler?
J'aimerais également que vous nous rappeliez, au nom de vos membres, que nous sommes dans une économie mondiale. Si nous surchargeons d'impôts les entreprises qui emploient les travailleurs, il leur sera facile d'aller s'établir ailleurs et il n'y aura plus d'emplois. Ce sont les entreprises du pays qui font marcher l'économie et qui nous fournissent les programmes sociaux dont nous avons besoin. Pourriez-vous nous le rappeler? Je suis certain que vos membres vous en ont souvent parlé.
J'ai une brève…
Mme Francine Lalonde: Cinq minutes?
M. Ted Menzies: Oui, cinq minutes; c'est tout ce que nous aurons.
Le président: On m'a dit que M. Bevilacqua avait pris 10 minutes. Laissons-le prendre 10 minutes.
M. Ted Menzies: Vous réduisez mes cinq minutes.
À (1015)
Le président: D'accord. Allez-y.
M. Ted Menzies: Merci.
Nous constatons que la balance commerciale du Canada est excédentaire par rapport aux États-Unis, mais c'est le seul pays avec lequel nous avons un excédent commercial. Notre balance commerciale est déficitaire. Cette situation inquiète-t-elle vos membres et comment pouvons-nous y remédier?
M. David Stewart-Patterson: Certainement.
Excusez-moi, monsieur le président, car ce sont nos réponses et non pas les questions de M. Bevilacqua qui lui ont fait dépasser son temps de parole. Nous allons essayer de ne pas parler aussi longtemps.
En ce qui concerne l'accès aux marchés en général, nous sommes d'accord. Nous pensons que l'ouverture des marchés aux biens et à l'investissement est une bonne chose pour tous les partenaires. Vous avez, je crois, soulevé une question très importante en parlant des obstacles entre les pays moins développés qui, bien souvent, sont plus importants que les obstacles entre ces pays et certains marchés industrialisés, du moins sur le plan des droits de douane.
Bien entendu, il s'agit notamment de renforcer la confiance dans un cadre multilatéral. Une des raisons pour lesquelles nous sommes dans l'impasse à l'OMC est qu'en plus de l'hésitation des pays industrialisés à abaisser les barrières, les pays moins développés veulent voir des preuves avant de prendre des engagements entre eux.
Il y a donc beaucoup d'hésitations et pour que le Canada ait une influence positive, je pense qu'il vaudrait mieux jouer le rôle de chef de file et se demander comment faire bouger les choses et ce que chacun peut faire pour trouver une solution.
Je crois que vous avez parlé aussi de l'importance d'ouvrir l'accès aux marchés pour attirer l'investissement privé dans un pays au lieu d'accorder seulement une aide extérieure. Si nous voulons soutenir la croissance économique et faire en sorte que les pays les moins développés se développent davantage, l'aide extérieure ne suffit pas. C'est pour cela que l'orientation stratégique de l'Énoncé de la politique internationale est quelque chose de positif. Il faut reconnaître que l'envoi d'un peu d'argent un peu partout ne créera pas les conditions nécessaires pour stimuler l'investissement du secteur privé qui permettra non seulement de répondre aux besoins actuels des gens, mais aussi de construire des structures de gouvernance, d'établir la règle de droit et une infrastructure. C'est ce qui donnera confiance aux investisseurs privés qui se diront que le pays leur offre des débouchés et qui seront prêts à prendre des risques parce qu'ils voient l'occasion de bâtir des entreprises et de les exploiter sans être exposés à une confiscation arbitraire ou à Dieu sait quoi.
L'investissement, la création d'emplois, la croissance économique qui en découlent produisent beaucoup plus d'effets que la quantité d'aide extérieure accordée ou l'importance de la remise de dettes. De toute évidence, la possibilité d'avoir accès à des biens produits dans un pays moins développé constitue un des éléments clés : vaut-il la peine d'investir dans ce pays pour construire des choses, fabriquer des choses ou faire des choses pour l'exportation? Bien entendu, la croissance basée sur les exportations contribuera beaucoup plus à la croissance de l'économie du pays qu'un investissement qui vise seulement à desservir le marché local ou national.
Par conséquent, l'accès aux marchés est important et pas seulement pour les produits agricoles. Nous en avons surtout parlé car cela semble être la principale pierre d'achoppement, mais je ne voudrais pas minimiser l'importance du reste du programme de l'OMC.
Le président: Monsieur Boutziouvis.
M. Sam Boutziouvis: Vous avez raison, monsieur Menzies. Les barrières commerciales entre les pays en développement sont souvent aussi élevées ou même plus élevées qu'entre les pays en développement et les pays industrialisés. Un programme de développement de l'OMC visant à réduire les barrières douanières et non douanières, surtout pour ces pays en développement est parfaitement logique. Lorsqu'ils auront goûté à la prospérité qu'apporte une plus grande ouverture, ces pays en réclameront davantage, comme l'ont fait les Canadiens et les entreprises canadiennes.
En ce qui concerne les excédents commerciaux, l'excédent de la balance commerciale canadienne, c'est une excellente question. Nous devons nous attaquer de façon plus énergique aux barrières non tarifaires lors de toutes les négociations auxquelles nous participons sur l'accès aux marchés, peu importe le pays avec qui nous négocions. Cela comprend les négociations sur les droits de propriété intellectuelle, par exemple. Mais il serait injuste de jeter le blâme sur les importations. Les importations jouent un rôle très important pour l'économie canadienne. Les Canadiens ont prospéré, précisément parce qu'ils ont pu importer des biens et des services et ils ont réussi à améliorer leur niveau de vie, précisément parce qu'ils ont eu accès à des biens et services moins coûteux provenant de l'étranger. C'est ce qui permet au système mondial de continuer à fonctionner et c'est ce qui augmente la prospérité et le niveau de vie des Canadiens.
J'ai une dernière chose à dire, et je regrette que M. Abbott soit parti. Vous avez fait valoir que le Canada avait une balance commerciale excédentaire avec les États-Unis, mais elle est également excédentaire avec la Chine et Hong Kong dans le domaine des services, un secteur qui se développe. Notre balance commerciale est lourdement déficitaire avec les États-Unis au chapitre des services. Cela montre que nous avons des champions un peu partout dans le monde qui font des affaires dans tous les pays et, surtout dans le secteur des services financiers, si vous incluez Hong Kong et la Chine, nous obtenons d'excellents résultats. C'est un succès que nous devons non seulement entretenir avec les politiques en place, mais que nous devons élargir par tous les moyens. Alors n'oublions pas les services, comme vous le savez sans doute, monsieur Menzies.
À (1020)
Le président: Merci.
Nous passons maintenant à M. McTeague.
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président, et messieurs, merci d'être venus ici aujourd'hui. J'ai trois ou quatre brèves questions, mais je vous laisserai le temps d'y répondre.
Au sujet de la discussion concernant la libéralisation de l'agriculture, j'ai constaté—et on en a beaucoup parlé—que dans les autres pays, en tout cas ceux du Tiers monde, ce genre de propositions a conduit à la stagnation. Pire encore, les pays qui ont remplacé leurs cultures indigènes par des cultures plus commercialisables sur le marché international font face à un effondrement des prix et se retrouvent dans une situation pire qu'elle ne l'était avant la libéralisation.
Je comprends le contexte dans lequel vous situez cela en ce qui concerne le Canada, mais dans l'ensemble, la libéralisation internationale du commerce n'a pas permis de réduire la pauvreté dans certains pays du monde comme nous voulons le faire. Peut-être pourriez-vous répondre à cela.
Vous avez parlé tout à l'heure, je crois, de la productivité, monsieur Boutziouvis. Je me demande quel serait l'effet de la productivité—et je ne pense pas qu'il soit mauvais d'essayer—pour les travailleurs de General Motors, à Oshawa, qui ont un certain niveau de vie, s'ils doivent concurrencer un travailleur chinois, par exemple, qui peut construire la même automobile pour 6 000 $ en travaillant au rythme de deux postes par jour, avec une législation du travail très limitée, sans parler des conventions collectives.
Quant au défi que représentent les pays jeunes, même si nous avons une population vieillissante… Vous avez cité le Japon comme un autre pays qui a une population vieillissante. J'ai déjà été spécialiste des relations publiques chez Toyota et je connais les problèmes qui existent là-bas, mais je sais également que certaines des populations les plus jeunes et les plus dynamiques vivent dans les pays les plus pauvres du monde, surtout en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Peut-être pourriez-vous nous donner votre opinion à ce sujet?
Enfin, parlons de l'ALENA. Je constate qu'il n'est pas fait mention ici des conflits commerciaux interminables que nous avons. Il semblerait que cet accord commercial continental n'ait pas matérialisé le concept de la libéralisation à bien des égards, en tout cas pas sur une base continentale. Peut-être pourriez-vous nous donner une idée de la façon de surmonter cette façon interminable, et de toute évidence unilatérale, d'aborder l'ALENA.
M. Sam Boutziouvis: Pour ce qui est de GM, comme vous avez soulevé la question de General Motors, M. Grimaldi, qui est membre de notre conseil et qui dirige General Motors Canada, fait partie depuis trois ou quatre ans de l'Automotive Partnership Council qui a trouvé d'excellentes idées, avec ses homologues, avec le ministère de l'Industrie et les hauts fonctionnaires pour améliorer la réglementation, de même que le contexte général, afin d'attirer des investissements.
Deuxièmement, je crois qu'au cours des deux derniers mois, M. Grimaldi a annoncé une stratégie qui prévoit que c'est en Ontario que General Motors établira ses services de conception. Voilà l'avenir, monsieur McTeague. Nous devons monter plus haut dans la chaîne de valeur ajoutée et General Motors est déjà en train de le faire, car elle a pris cette décision. Vous devriez certainement inviter les dirigeants de General Motors et de Toyota à venir vous parler de ce qu'ils font pour être concurrentiels sur le marché mondial…
Je crois que General Motors a décidé que l'Ontario était un bon endroit où établir ses services de conception pour la production et la fabrication d'automobiles. C'est une belle histoire, une histoire fantastique qui augure bien, dans un contexte très concurrentiel dans lequel la Chine produit ses modèles bas de gamme pour 6 000 $ ou 7 000 $.
En ce qui concerne l'accès aux marchés agricoles, vous avez soulevé une question très importante. Mais si vous le permettez, monsieur McTeague, le problème est que les pays industrialisés n'ont pas suffisamment accès aux marchés agricoles pour pouvoir en profiter. Certains pays ont un avantage comparatif pour certains produits agricoles, mais pas pour d'autres, et une fois qu'on aura augmenté leur accès au marché, ce sera à ces pays de décider quels seront les produits dans lesquels ils pourront exceller.
Par exemple, pour sortir du sujet de l'agriculture, l'Inde a fait une offre de services qui est une offre de haute qualité. Elle désire une libéralisation du marché des services, parce qu'elle a un avantage comparatif dans ce domaine. Cela représente plus de pouvoir pour elle. Elle désire donc une entente pour l'agriculture et une autre pour les services. Voilà pourquoi nous avons besoin d'un résultat équilibré pour des pays comme l'Inde qui se sont rendu compte qu'ils possédaient un avantage comparatif dans certains domaines pour obtenir l'accès à des marchés dans lesquels ils peuvent essayer d'exceller.
Allez-y.
À (1025)
M. David Stewart-Patterson: Pour passer au programme nord-américain, toute la question des différends commerciaux est sans doute depuis longtemps la principale source de frustration pour un grand nombre de nos membres et de Canadiens. C'était, dès le départ, un des objectifs de négociation du Canada, depuis l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis jusqu'à l'ALENA. Nous avons fait certains progrès à cet égard en ce sens que l'ALENA incluait des choses qui ne faisaient pas partie de la plupart des autres accords commerciaux. L'ALENA a été le premier accord à inclure l'investissement. Mais le fait est que cela a été très difficile à obtenir des Américains. Cela reste un objectif important pour le Canada dans le cadre des discussions qui se poursuivent.
Pour en revenir à la question de M. Bevilacqua, quel devrait être notre prochain objectif et faut-il frapper un grand coup ou procéder de façon graduelle? Une approche globale pour résoudre les différends commerciaux serait sans doute un objectif de choc. Il y a aussi plusieurs façons indirectes d'y parvenir. Une façon, par exemple, serait d'agir sur le front de la réglementation, car ce sont les différences à ce niveau là qui ont été à l'origine de certains de nos conflits commerciaux les plus persistants. Comme nous avons un marché nord-américain très intégré pour les bovins, si nous avions eu une réglementation qui en tenait compte, nous aurions peut-être évité la fermeture des frontières qui a résulté de la crise de l'ESB.
On peut également faire valoir que le conflit sur le bois d'oeuvre résulte des différences réelles ou perçues sur le plan de la réglementation et des négociations à cet égard pourraient faire disparaître les arguments qui ont été invoqués pour lancer un bon nombre de recours commerciaux.
D'autre part, je suis optimiste et je pense que, d'une façon ou d'une autre, nous réussirons à éliminer la source d'un bon nombre de ces problèmes. Quant à savoir si nous obtiendrons d'être exemptés des recours commerciaux, j'en doute. Ce qui compte vraiment, c'est un changement que nous avons particulièrement remarqué depuis un an environ au cours de nos discussions avec nos homologues américains du milieu des affaires et du gouvernement. Après le 11 septembre, la principale source de préoccupation des Américains a été la sécurité. Depuis un an environ, nous avons vu un deuxième thème commencer à s'imposer, celui de la compétitivité de l'Amérique du Nord. Les Américains comprennent de plus en plus que le Canada et le Mexique confèrent des atouts très particuliers à l'Amérique du Nord et que les trois pays seront plus forts et plus concurrentiels dans le contexte international s'ils travaillent ensemble. Les Américains commencent à comprendre les avantages économiques qu'une Amérique du Nord mieux intégrée représente tant pour eux que pour le Canada et pour le Mexique. Dans le contexte des différends commerciaux, nous n'avons pas intérêt à nous battre entre nous. Nous devrions plutôt chercher des moyens de travailler ensemble de façon plus efficace.
À (1030)
M. Sam Boutziouvis: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose très brièvement, M. Menzies a mentionné l'accès aux marchés non agricoles. En ce qui concerne l'automobile en particulier, les barrières non tarifaires jouent un rôle très important pour bloquer l'accès à d'autres marchés, surtout pour les fabricants d'automobiles d'Amérique du Nord. C'est le message que nous entendons et que nous allons également transmettre. Ce n'est pas seulement une question de droits de douane. Les barrières non tarifaires jouent un rôle important et il s'agit de permettre à la production nord-américaine, qu'elle soit canadienne, américaine ou mexicaine, d'avoir accès aux autres marchés nord-américains où les barrières non tarifaires seront éliminées afin que nos produits et services se retrouvent à égalité dans ces pays.
L'hon. Dan McTeague: J'apprécie ce que vous avez dit tout à l'heure à propos de la valeur ajoutée. Bien entendu, notre gouvernement soutient beaucoup l'usine d'Oshawa, l'usine souple, etc. Mais pour le moment, je me préoccupe davantage des ressources, que vous avez mentionnées. Il semble y avoir un rapport direct entre la valeur du dollar canadien et le prix de l'énergie dans le monde.
Plus précisément, que propose votre conseil au sujet des régions du monde en développement, la Chine, l'Inde et le Brésil, qui ont tendance à utiliser des produits plus sales, comme le charbon, pour développer leur économie? Nous avons constaté une augmentation des émissions. Votre conseil s'en préoccupe-t-il et, dans l'affirmative, que pense-t-il des technologies à valeur ajoutée à apporter à ces pays?
M. David Stewart-Patterson: Cela nous amène à toute la question non seulement de la stratégie énergétique, mais aussi de la stratégie environnementale au Canada.
À titre d'exemple, c'est une des raisons pour lesquelles nous avions des doutes au sujet du Protocole de Kyoto, car les pays comme la Chine n'en font pas partie. Par conséquent, malgré tout ce que nous faisons ici pour réduire nos émissions ou développer notre technologie, si la Chine n'est pas incitée à se prévaloir de cette technologie, quel marché aurons-nous?
Ce dont vous voulez parler, je pense, c'est de la possibilité de développer une technologie canadienne que nous pourrons vendre au reste du monde. Cette possibilité existe, car si vous prenez la réduction des émissions, non seulement de gaz à effet de serre, mais des autres émissions, les entreprises canadiennes ont obtenu des résultats impressionnants et nous avons une bonne technologie que nous pouvons partager avec d'autres pays. La question est alors de savoir ce qui va créer un marché pour cette technologie dans le monde. Il s'agit de se demander à quel moment nous pourrons dire aux pays moins développés, aux pays en développement qu'ils doivent également contribuer à la solution et comment nous allons créer ce mécanisme.
Le président: Très brièvement, monsieur Boutziouvis.
M. Sam Boutziouvis: Je dirais seulement que c'est une excellente question et que ce sont d'excellents commentaires.
Le président: Bonne réponse.
M. Sam Boutziouvis: Oui.
M. Stewart-Patterson a parlé de la dimension internationale en ce qui concerne les ressources et le développement durable. Oui, nous avons le plan de Kyoto, mais nous devons établir au Canada une stratégie concernant les ressources et surtout l'énergie. Nous n'avons pas de stratégie énergétique. Il nous en faut une. C'est une priorité. C'est une priorité pour notre conseil. Nous devons régler nos propres affaires et voir ce que nous devons faire pour l'énergie, et ensuite aller sur la scène mondiale pour promouvoir les droits de propriété intellectuelle dans un bon nombre de ces pays où nous voulons vendre notre technologie.
Le président: Merci.
Madame Deschamps, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Johanne Deschamps (Laurentides—Labelle, BQ): Merci beaucoup. Mon intervention sera peut-être davantage un constat qu'une question, mais on verra quelle sera votre réponse.
Je vous remercie d'être ici en cette journée qui sera peut-être la dernière journée de cette session. Je ne sais pas si c'est aussi le cas de certains de mes collègues réunis autour de cette table, mais c'est aujourd'hui mon premier anniversaire; j'ai été élue l'an passé.
Une voix: Félicitations!
Mme Johanne Deschamps: J'ai donc une courte expérience en politique ici.
Voici ce que je retiens de cette année. Comment peut-on arriver à développer un consensus, à mettre sur table une politique, une stratégie nationale pour développer une politique étrangère propre à favoriser des investissements, lorsque la seule et unique préoccupation que nous avons eue au cours de cette année était de faire face à un gouvernement minoritaire qui avait une opposition très forte? Chacun a des visions différentes, chacun veut mettre l'accent sur des enjeux différents.
De plus, on sait pertinemment qu'à l'intérieur de chacune des provinces, les dépenses augmentent de façon effrénée, alors que sur la scène fédérale, les revenus augmentent de façon effrénée. On vit donc un déséquilibre. À l'intérieur de chacune des provinces, on est aussi souvent confronté à des problèmes d'investissements pour assurer sa propre sauvegarde en matière de santé, d'éducation, d'infrastructures routières et municipales. Ce sont des préoccupations majeures pour chacune des provinces, qui, de leur côté, subissent des pressions de la part de leurs municipalités. La tendance actuelle est aux ententes à la pièce, qui défavorisent souvent une province au détriment d'une autre.
Je pense que le bouillonnement dans lequel nous nous trouvons face à un gouvernement minoritaire, face à la conjoncture politique, ne peut pas favoriser un éveil ni créer un big bang, comme on l'a mentionné plus tôt, pour rendre le Canada plus prospère sur la scène internationale.
J'ai eu l'occasion d'accompagner le ministre du Commerce international à trois reprises au cours de l'année: au Brésil, au Chili et en Inde. Ce qui m'a le plus frappée a été d'entendre des gens de là-bas, des investisseurs de chacun des ces pays, dire à quel point ils étaient peu enclins à venir vers le Canada, à cause de notre système d'éducation. On n'en faisait peut-être pas assez la promotion sur la scène internationale à cause, justement, de la conjoncture qui fait en sorte qu'on a souvent l'impression de passer pour le petit frère des pauvres accroché aux États-Unis.
Comment se distancer des États-Unis? Comment chaque province pourrait-elle avoir une portée sur la scène internationale, afin de pouvoir vendre son propre produit sans nécessairement qu'il n'y ait qu'un porte-parole? C'est un constat, mais en même temps, je vous pose la question. Est-ce que la conjoncture actuelle défavorise le Canada?
À (1035)
[Traduction]
M. David Stewart-Patterson: Je pense que nos membres partagent largement ce sentiment. La déclaration que nous avons publiée ce matin au sujet de la compétitivité du Canada résulte du fait que nous avons été découragés par la façon dont les choses se sont déroulées l'année dernière sur le plan politique. Je crois que cela nous a empêchés d'aller de l'avant et de parvenir à un consensus sur certains des grands problèmes de notre pays. Oui, je partage vos préoccupations au sujet du processus.
Je dois dire qu'un Parlement minoritaire peut être une excellente chose pour la démocratie. Tout dépend de la façon dont les partis et les gens arrivent à travailler ensemble et sont prêts à se parler et à s'entendre. Bien entendu, c'est à vous de faire ces choix et ce n'est pas à moi de vous dire comment…
Bien entendu, je pense qu'il est plus difficile de prendre des décisions sur les grands dossiers dans un gouvernement minoritaire, car il faut plus de temps pour négocier entre les partis de façon à parvenir à un consensus. Je crois que la chose est possible et que, quoi qu'il arrive…
Si vous me permettez de dire un mot au sujet du déséquilibre fiscal… c'est une question que nous avons abordée. La question n'est pas tant de savoir où vont les recettes fiscales et où la croissance des dépenses est la plus importante; il s'agit plutôt de voir comment gérer cela. Nous avons notamment laissé entendre qu'il fallait en discuter, mais pas seulement de façon ponctuelle car il s'agit d'une question systémique à laquelle il faut s'attaquer. Il faut voir ce que les Canadiens attendent de leurs gouvernements, quel est le niveau de gouvernement le mieux placé pour résoudre tel ou tel problème et veiller ensuite à ce que chaque gouvernement dispose des ressources, de la capacité de lever les fonds nécessaires pour accomplir sa tâche dans l'intérêt des Canadiens.
Bien entendu, la Constitution nous donne des lignes directrices générales à cet égard, mais je pense qu'un des atouts de la fédération canadienne c'est sa souplesse. Du moment que nous pouvons nous mettre d'accord sur ce qu'il y a lieu de faire, nous pouvons le réaliser.
Je suis donc d'accord avec vous. Il s'agit de voir où va l'argent et où il est dépensé, mais je crois que nous devons également veiller à ce que chaque gouvernement dispose des ressources dont il a besoin et à ce que les dépenses s'accompagnent d'une reddition de comptes. Le danger que pose la situation actuelle est que les contribuables ne savent même pas vraiment qui dépense et qui perçoit des impôts.
C'est un vaste sujet. C'est une question sur laquelle il ne sera pas facile de parvenir à un consensus. Les gouvernements provinciaux ont un rôle à jouer. Le gouvernement fédéral ne peut pas régler cette question à lui seul. Le Conseil de la fédération pourrait jouer un rôle utile pour favoriser la discussion au niveau national, mais en même temps, il ne faut pas que ce soit une discussion à sens unique où les provinces diront qu'elles ont besoin de plus d'argent et que le gouvernement fédéral devrait le leur donner. Il faut que tous les participants soient prêts à se demander ce qui sert le mieux les intérêts du pays.
Par exemple, pour ce qui est de la réglementation de nos marchés des valeurs mobilières, compte tenu des réalités des marchés financiers à l'échelle mondiale, il est beaucoup plus logique de réglementer ces marchés sur une base nationale, même s'il s'agit d'un champ de compétence des provinces.
À (1040)
Nous avons parlé des façons dont les provinces peuvent conserver leurs champs de compétence en déléguant certains pouvoirs, non pas en y renonçant, mais en les déléguant volontairement à un organisme national dont elles décideraient de la structure. Je crois important que nous parlions de façon très concrète des moyens de mieux faire fonctionner la fédération; à mon avis, la discussion ne doit pas seulement porter sur les transferts d'argent entre les niveaux de gouvernement, mais sur la répartition des tâches au sein de la fédération.
Le président: Le prochain est M. Boutziouvis, pour une intervention très brève.
J'aurai ensuite une question, ainsi que M. Julian.
M. Sam Boutziouvis: Pour répondre à votre dernière question, madame Deschamps, il s'agit de faire des choix. Par exemple, d'un point de vue totalement objectif, je dirais que les gouvernements qui se sont succédé au Québec, qu'ils soient péquistes ou libéraux, ont fait un excellent travail en ce qui concerne l'établissement de relations avec la Chine. Pendant plus de trois décennies, presque quatre, les leaders québécois sont allés en Chine où ils ont établi un partenariat très solide avec le secteur privé. Le Québec fait un excellent travail à cet égard. Peut-être faudrait-il y faire participer le secteur de l'éducation.
Vous avez reçu des réponses à vos questions au Chili. De toute évidence, c'étaient des réponses négatives. Vous devez décider avec vos collègues, en en discutant ici et à Québec, si vous devez déployer plus de ressources pour attirer des investissements du Chili ou si vous devez faire des choix et continuer à stimuler ce qui sera certainement un secteur extrêmement important et dynamique de l'économie.
L'Amérique latine va également se développer. L'année dernière, elle a eu un taux de croissance de 6 p. 100. C'est un record pour l'Amérique latine, mais il faut que le Québec et le Canada décident de l'endroit où ils veulent déployer leurs ressources. En fait, je sais pour m'être intéressé à la Chine récemment, que le Québec en particulier a joué un rôle très important, comme le Québec en a l'habitude, car il est orienté vers le progrès, en faisant la promotion de ses intérêts, de même que des intérêts du Canada en Chine.
Le président: Merci.
J'ai deux questions. Après cela, M. Julian posera une question, ainsi que M. Day.
Je voudrais faire suite à votre dernière réponse et à une question précédente de Mme Lalonde. Le sous-comité a récemment formulé des recommandations visant à renforcer la responsabilité sociale des entreprises à l'égard des droits de la personne et de l'environnement dans le contexte de leurs activités à l'étranger ainsi qu'au sujet des relations économiques du Canada avec les marchés émergents. Comment devrions-nous aborder nos relations avec ces pays, notamment la Chine?
Voici ma deuxième question : dans l'Énoncé de la politique internationale, le gouvernement canadien a promis un processus consultatif au sujet de la séparation du ministère des Affaires étrangères et du ministère du Commerce international. Étant donné que cette séparation a suscité de nombreuses critiques et que le projet de loi a été rejeté, que pense maintenant le Conseil d'un ministère distinct pour le commerce extérieur? Comment pouvons-nous structurer l'administration de la politique internationale canadienne de façon à assurer la cohérence de nos politiques et à mieux servir nos intérêts à l'étranger?
Monsieur Stewart-Patterson.
À (1045)
M. David Stewart-Patterson: Pour ce qui est de la première question, je crois avoir longuement répondu… J'ai l'impression que le marché impose une stricte discipline en ce qui concerne les atteintes aux droits de la personne ou à l'environnement. Tout ce qu'une entreprise fait dans le monde risque d'entacher sa réputation et de compromettre sa viabilité un peu partout dans le monde.
Je ne sais pas vraiment combien de mesures supplémentaires le gouvernement doit prendre. S'il y a des exemples précis dont vous voulez parler, je pourrais peut-être les aborder avec vous, mais je ne crois pas vraiment nécessaire que le gouvernement fasse grand-chose car, comme je l'ai dit, le marché sanctionne de façon tellement rigoureuse les écarts de conduite des entreprises et cela de façon si directe que les gouvernements ne feraient que compléter cet effet.
Pour répondre à votre deuxième question, je sais que c'est un sujet qui préoccupe énormément le Parlement. Cela préoccupe également beaucoup le milieu des affaires. Bien entendu, nos membres comptent beaucoup sur l'efficacité des services gouvernementaux dans le domaine des affaires étrangères et du commerce international. Je dois préciser que lorsque le gouvernement a décidé de séparer les Affaires étrangères du Commerce international et de créer deux ministères, nous n'avons pas été consultés. On ne nous a pas demandé notre avis. Si on nous l'avait demandé, c'est une chose que nous aurions déconseillé de faire.
Étant donné que cette décision a été prise, nous avons dit que nous serions prêts à l'appuyer à trois conditions : premièrement, que cette séparation ne nous coûte pas un sou de plus; deuxièmement, que cette séparation n'empêche pas le ministère d'aider les entreprises canadiennes et les Canadiens; et troisièmement, que cette séparation ne nuise pas au moral et à l'efficacité des gens dévoués et talentueux qui travaillent là.
Je dois dire que sur ces trois points, la séparation n'a pas rempli nos conditions. De toute évidence, les coûts augmentent. Les entreprises et les gens qui ont besoin de services ne savent pas où aller et si nous voulons de l'aide, nous devons parler au moins à deux personnes et peut-être plus pour savoir à qui nous devons nous adresser. Les clients qui doivent maintenant compter sur deux ministères ne s'y retrouvent pas et je crois qu'un bon nombre d'employés sont mécontents, découragés et démoralisés.
Je voudrais maintenant aborder votre question. On a annoncé un comité d'experts. Je ne pense pas qu'il ait déjà été nommé, mais si j'ai bien compris, il a pour mission d'étudier la situation et de voir comment nous pourrions réunir de nouveau les deux fonctions. Cela dit, je ne pense pas que nous voulions nécessairement revenir exactement à ce que nous avions avant, car l'objectif était certainement positif et certaines bonnes idées ont été intégrées dans le modèle actuel. Par exemple, c'est une bonne chose que d'avoir associé le développement du commerce et le développement de l'investissement et je ne voudrais pas qu'on y renonce.
D'une façon ou d'une autre, je crois possible de faire des Affaires étrangères et du Commerce international des partenaires égaux au sein de la structure gouvernementale sans qu'il n'y ait nécessairement pour cela deux ministères entièrement distincts.
J'attends donc de voir quelles seront les recommandations du comité d'experts, mais nous serons prêts à les appuyer.
Le président: Monsieur Boutziouvis, s'il vous plaît.
M. Sam Boutziouvis: Sur le plan des droits de la personne et du commerce, l'un des meilleurs moyens de promouvoir la démocratie et le respect des droits de la personne est de développer le commerce. Nous sommes convaincus que les pays qui ont des économies libres et ouvertes bénéficient d'une plus grande liberté politique et civile que ceux qui ont une économie fermée et dominée par l'État.
Freedom House, qui est un laboratoire de pensée établi à New York, a récemment publié que la proportion de la population mondiale vivant dans des pays libres selon sa définition est passée de 35 p. 100 à 44 p. 100. La part des pays dont les économies ne sont pas libres est tombée de 47 p. 100 à 35 p. 100.
En même temps, notre Institut Fraser, a déclaré que la liberté politique et la liberté économique avaient augmenté dans un grand nombre de ces pays.
En fin de compte, lorsque les gouvernements font du commerce et le font depuis 30 ou 50 ans, cela entraîne des progrès sur le plan des libertés civiles et des droits de la personne.
Est-ce suffisant? Bien entendu, la réponse est non. Par exemple, il y a 20 ans, la Corée du Sud et Taïwan étaient des systèmes à parti unique où il n'y avait pas d'élections libres ou de libertés civiles pleines et entières. La situation y a beaucoup changé. L'ouverture des marchés y a énormément contribué à notre avis. Ce sont maintenant des économies florissantes, dynamiques et prospères. De toute évidence, il faudrait continuer à promouvoir les principes démocratiques dans ces régions, de même que l'ouverture.
Pour ce qui est de votre deuxième question, David y a très bien répondu et cela très, très rapidement. Même si cette séparation ne marche pas et si les ministères sont de nouveau réunis, les systèmes en place posent certains problèmes, surtout en ce qui concerne les importations et l'administration des importations. Cette fonction est répartie entre d'autres ministères y compris celui des Finances et l'Agence des services frontaliers du Canada.
Il faut se demander si, oui ou non, l'administration des importations devrait relever d'un ministère entièrement consacré au commerce international. C'est une question à laquelle le comité devrait répondre et nous nous ferions un plaisir de revenir pour en parler.
Deuxièmement, le Service des délégués commerciaux du Canada fait un travail exceptionnel en fournissant des renseignements sur le marché. Nous avons besoin de plus d'information sur les marchés mondiaux pour pouvoir vendre davantage de biens et de services à l'étranger.
Troisièmement, plusieurs ministères travaillent à la politique commerciale. C'est une question extrêmement importante. Il va falloir une conciliation ou du moins une meilleure coopération et une meilleure entente entre les nombreux ministères qui s'occupent actuellement de la politique concernant le commerce international. Il faut regrouper tout cela, mais aussi mieux coordonner la politique commerciale internationale.
Enfin, notre stratégie commerciale internationale doit être solidifiée, reposer sur des appuis politiques ainsi qu'une coopération entre les ministères et toutes les parties de façon à améliorer l'accès aux marchés. Les entreprises canadiennes en ont besoin. Les Canadiens en ont besoin.
Merci.
À (1050)
Le président: Serait-ce trop demander au Conseil que de nous apporter un suivi sur la réponse que vous venez de nous donner? Le comité serait certainement très heureux d'obtenir des précisions supplémentaires.
Nous passons maintenant à une question de M. Julian—sans préambule, s'il vous plaît—et ce sera ensuite à M. Day. Veuillez poser tous les deux vos questions, après quoi nous en aurons terminé.
Monsieur Julian.
M. Peter Julian: J'ai deux questions.
Le président: Il nous reste six minutes. Vous pouvez poser votre question, mais sans attendre de réponse. Allez-y.
M. Peter Julian: Je vais poser mes deux questions.
En deux mots, ma première question concerne de nouveau les droits de la personne, car le rapport du sous-comité qui a été mentionné par plusieurs personnes recommandait très clairement au gouvernement canadien de légiférer pour permettre au Canada de poursuivre les entreprises qui sont impliquées dans des violations des droits de la personne à l'étranger. J'aimerais que vous nous disiez clairement tous les deux si vous êtes pour ce genre de choses, à savoir que les normes concernant les droits de la personne doivent être les mêmes, que l'entreprise opère en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie et que nous devons poursuivre ceux qui ne respectent pas ces normes.
Ma deuxième question concerne l'intégration, car vous avez un programme très ambitieux visant à l'établissement d'une politique énergétique commune avec les États-Unis. Bien des gens, y compris moi-même, pensent que cette politique énergétique serait obligatoirement établie à Washington alors que nos réserves énergétiques nous classent au deuxième rang dans le monde. Ces réserves devraient servir les intérêts des Canadiens en éliminant les exemptions de l'ALENA, en éliminant, ou plutôt en créant une identité nord-américaine commune. Pour ce qui est de ma deuxième question, y a-t-il quoi que ce soit que vous ne soyez pas prêts à sacrifier au nom de l'intégration de l'Amérique du Nord? Ce rapport est très complet et je peux voir qu'il est totalement anti-canadien.
À (1055)
Le président: Nous allons passer aux questions de M. Day.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci.
Je vais essayer de faire un préambule plus court que celui de M. Julian.
Ma question est la suivante. Vous avez dit que le gouvernement n'avait aucune vision ambitieuse de ce que le Canada pourrait réaliser. Vous ajoutez que « le Canada est un pays à la dérive… en voie de dilapider les fruits d'années de sacrifices ». Bien entendu, je partage cette opinion.
Quelle mesure stratégique préconisez-vous devant cette propension à resserrer les règles de façon générale? Nous voulons faire en sorte de punir les entreprises qui se conduisent mal, mais le régime de réglementation devient tellement complexe que n'importe quel organisme de réglementation pourrait trouver quelque chose à redire dans n'importe quelle entreprise.
Comment se doter d'un régime de réglementation qui s'attaquera aux délinquants, mais qui ne dressera pas trop d'obstacles devant les petites entreprises en particulier? Comment les petites entreprises peuvent-elles s'en sortir quand les grandes entreprises bénéficient d'une aide énorme de la part du gouvernement, par exemple sous la forme de garanties de prêt et de subventions?
Le président: Monsieur Stewart-Patterson, il reste quatre minutes après quoi nous arrêterons. Nous devons céder la place à un autre groupe. Désolé.
M. David Stewart-Patterson: Je ne serai pas bien long.
En ce qui concerne la réglementation, je crois que nous avons longuement parlé de sa fragmentation, non seulement aujourd'hui, mais depuis des années. Le fait que nous ayons un si grand nombre d'organismes différents et de niveaux de gouvernement différents qui appliquent les différentes lois de façon différente ralentit les choses pour tout le monde. Ce n'est pas seulement un problème pour les petites entreprises ou une question de tracasseries administratives; cela ralentit les mégaprojets et tout le reste.
Nous avons suggéré deux solutions. D'abord, nous avons appuyé énergiquement l'Initiative de réglementation intelligente que le gouvernement a adoptée à l'intérieur de nos frontières. Bien entendu, le gouvernement fédéral ne peut agir que dans le cadre de son propre champ de compétence. En fin de compte, pour améliorer la réglementation au Canada, il faut la participation des gouvernements provinciaux y compris des municipalités étant donné qu'il y a de nombreux règlements à ce niveau-là. Si nous voulons que la réglementation soit plus efficace au Canada, il va falloir une coopération entre les gouvernements.
Mais il y a aussi le fait que la réglementation traverse les frontières. Une des recommandations fondamentales du comité sur la réglementation intelligente est que la politique de réglementation doit faire partie intégrante de la politique étrangère du Canada, car la façon dont nous gérons notre politique de réglementation avec nos partenaires commerciaux est également importante, étant donné son influence sur le contexte dans lequel tout notre pays fonctionne.
Le président: Avez-vous une question, monsieur Julian? Je voudrais d'abord obtenir une réponse aux questions de M. Day.
M. David Stewart-Patterson: Pour répondre à la question concernant le pouvoir d'intenter des poursuites, il faudrait aborder cette question avec beaucoup de prudence, car cela peut poser très rapidement le problème de l'extraterritorialité. Nous ne serions pas d'accord pour que les Canadiens soient poursuivis par d'autres pays pour des choses qu'ils ont faites ici et je crois que nous devons respecter la souveraineté de chacun de nos partenaires lorsque nous cherchons à améliorer le respect des droits de la personne dans le monde.
M. Peter Julian: Nous le faisons déjà pour les pédophiles.
M. David Stewart-Patterson: Je dis simplement que nous devons être très prudents et respecter la souveraineté des autres pays ainsi que nos propres objectifs. Je ne peux pas vraiment en parler longuement, car chaque détail est important pour ce genre de choses.
M. Peter Julian: Mais en principe, seriez-vous pour ou contre?
M. David Stewart-Patterson: Il faudrait que j'examine ce que l'on propose; je ne peux pas répondre hypothétiquement.
Le président: Désolé, monsieur Julian, mais je pense que vous avez obtenu votre réponse.
Merci beaucoup. Je tiens à remercier nos deux témoins de ce matin. C'était très intéressant.
Je tiens à dire à mes collègues qu'à l'automne, nous examinerons le projet de loi de M. Abbott, le projet de loi C-357, concernant les relations avec Taïwan. Le greffier vous remettra aujourd'hui la liste de 15 témoins potentiels. S'il y a d'autres témoins que vous aimeriez faire comparaître devant le comité à l'automne, veuillez remettre votre liste au greffier pendant l'été.
J'espère que vous aurez un bel été.
Oui, monsieur McTeague.
L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, quand nous commencerons cette étude, il serait souhaitable et courtois de notre part d'offrir à M. Abbott d'être notre premier témoin. C'est en tout cas ce que je souhaite.
Le président: Très bien.
L'hon. Dan McTeague: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Merci beaucoup et bon été.
La séance est levée.