FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 24 novembre 2005
Á | 1105 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. Peter Clark (président, Grey, Clark, Shih and Associates Limited) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
M. Peter Clark |
Le président |
M. Liam McCreery (président, Alliance canadienne du commerce agro-alimentaire) |
Le président |
M. Liam McCreery |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC) |
Á | 1130 |
Le président |
M. Peter Clark |
M. Kevin Sorenson |
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.) |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
Mme Martine Mercier (deuxième vice-présidente, Union des producteurs agricoles du Québec) |
Le président |
Mme Martine Mercier |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Le président |
M. Ted Menzies (Macleod, PCC) |
Le président |
M. Ted Menzies |
Le président |
M. Peter Clark |
M. Ted Menzies |
M. Peter Clark |
M. Ted Menzies |
M. Liam McCreery |
M. Ted Menzies |
L'hon. Wayne Easter |
Á | 1145 |
Le président |
M. Ted Menzies |
M. Liam McCreery |
Le président |
M. Liam McCreery |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
M. Liam McCreery |
Le président |
Mme Martine Mercier |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
Le président |
Mme Martine Mercier |
M. Serge Lebeau (conseiller principal en commerce international, Agriculture, Union des producteurs agricoles du Québec) |
M. Pierre Paquette |
M. Serge Lebeau |
Á | 1150 |
M. Pierre Paquette |
M. Serge Lebeau |
Le président |
L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.) |
M. Peter Clark |
L'hon. Mark Eyking |
M. Peter Clark |
L'hon. Mark Eyking |
M. Peter Clark |
Á | 1155 |
L'hon. Mark Eyking |
M. Peter Clark |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
Le président |
M. Serge Lebeau |
 | 1200 |
Le président |
M. Liam McCreery |
Le président |
M. Peter Clark |
Le président |
L'hon. Wayne Easter |
 | 1205 |
Le président |
M. Peter Clark |
Le président |
M. Liam McCreery |
Le président |
M. Serge Lebeau |
 | 1210 |
Le président |
 | 1230 |
Le président |
M. Gerry Barr (président et directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
0000 |
0000 |
Le président |
Mme Gauri Sreenivasan (agente de politique de commerce, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
 | 1245 |
Le président |
M. Mark Fried (membre, Comité de direction, Abolissons la pauvreté) |
 | 1250 |
 | 1255 |
Le président |
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC) |
M. Gerry Barr |
Mme Helena Guergis |
· | 1300 |
Le président |
M. Gerry Barr |
Le président |
Mme Helena Guergis |
Le président |
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ) |
Le président |
M. Mark Fried |
Mme Gauri Sreenivasan |
· | 1305 |
Le président |
L'hon. Wayne Easter |
M. Mark Fried |
Le président |
Mme Gauri Sreenivasan |
· | 1310 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
· | 1315 |
Le président |
M. Mark Fried |
Le président |
Mme Gauri Sreenivasan |
· | 1320 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 24 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Français]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Si vous le permettez, nous allons débuter la séance.
[Traduction]
Nous sommes à la 75e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Conformément au paragraphe 108(2) du règlement, nous abordons la réunion de l'Organisation mondiale du commerce en décembre 2005.
Nos témoins ce matin sont M. Peter Clark, président de Grey, Clark, Shih and Associates Limited, et M. Liam McCreery, président de l'Alliance canadienne du commerce agro-alimentaire.
Bienvenue à tous deux. Je crois que...
[Français]
M. Lefebvre et Mme Mercier, qui viennent de Montréal, sont en retard à cause de la température. Nous espérons qu'ils se joindront à nous le plus rapidement possible.
[Traduction]
Nous allons commencer par M. Clark.
M. Peter Clark (président, Grey, Clark, Shih and Associates Limited): Merci, Monsieur le président.
Je trouve qu'il est intéressant de me retrouver en face de votre comité cinq ans après être venu ici lors des présentations en vue de Seattle en 1999. Je vous ai fait parvenir un document assez volumineux que nous ne pouvons évidemment pas lire parce qu'il est trop long.
Dans mon exposé de 1999, je vous avais dit que la grande question allait être le rééquilibrage du cycle d'Uruguay au profit des pays en développement et des petites économies. Si ces petites économies ne s'organisaient pas, elles allaient se faire de nouveau balayer et souffrir encore plus. Si elles s'organisaient, le cycle allait être long.
Mme Finestone, qui était parmi vous à l'époque, a dit: « Eh bien, c'est plutôt déprimant ». Et je lui ai répondu: « C'est peut-être déprimant, mais je crois que c'est la vérité ». Et effectivement, ce constat s'est avéré.
La réunion de Hong Kong, si elle doit déboucher sur quelque chose, sera forcément consacrée au développement. Ne nous faisons pas d'illusions sur le sérieux avec lesquels les pays en développement abordent ces discussions à Hong Kong. Je cite dans mon document des extraits d'un communiqué publié il y a tout juste deux jours par des ministres Africains. Vous pouvez y voir qu'ils ont à peu près le même genre de préoccupations que les céréaliculteurs et les producteurs d'oléagineux de l'Ouest, sauf qu'ils fonctionnent à petite échelle et dans un contexte différent. Ce qui les préoccupe, c'est l'absence de discipline efficace à l'égard des dispositifs de soutien aux États-Unis et dans l'Union européenne. Ce sont des préoccupations sérieuses.
Au fond, tout cela n'est qu'une vaste mystification. C'est bien gentil de proposer une réduction de 60 p. 100 si vous êtes obligé de vous imposer vous-même des réductions de 70 p. 100.
Si les pays Africains n'obtiennent pas les disciplines qu'ils réclament à l'égard des subventions agricoles des pays du Nord, des pays riches, s'ils n'obtiennent pas des concessions sérieuses sur le coton, il y a de fortes chances pour qu'ils claquent la porte. Ils sont déjà partis à Cancum et ils ne reviendront peut-être pas cette fois-ci parce qu'ils savent maintenant qu'ils ont un certain pouvoir. C'est un cycle qui est consacré au développement et ils ont l'opinion publique avec eux. Ils pourraient très bien bloquer le consensus.
Il y a une autre possibilité évidemment, c'est que le Brésil entrave les progrès au G-20 s'il n'est pas d'accord. J'assiste moins sur cet aspect parce que le Brésil et l'Inde participent maintenant aux discussions des pays du Quad. Ils ont intérêt à maintenir un certain élan, probablement jusqu'à... Portman demande maintenant qu'il y ait une deuxième réunion de Hong Kong ou une autre réunion ministérielle fin mars. Ils vont peut-être tenir jusque là. Ces discussions sont sérieusement menacées parce que les protagonistes ont des positions profondément enracinées dans plusieurs domaines.
Quel est l'intérêt du Canada? C'est la libéralisation dans tous les secteurs de la négociation. On n'entend pas suffisamment parler de nos intérêts dans ces domaines. Les services représentent 69 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. Ils ne représentent que 12 p. 100 de nos exportations. Nous avons donc beaucoup de rattrapage à faire dans le domaine des services, non seulement à l'OMC mais dans les négociations bilatérales et régionales où nous devons progresser encore plus.
Cela ne surprendra personne dans cette salle si je vous dis que la question des règles concernant l'application des droits antidumping, des subventions et des droits compensateurs, dont on n'a pas beaucoup parlé dans les médias ces dernières années, est une question d'extrême importance pour le Canada. Nous sommes un pays axé sur les exportations. Cela ne nous sert strictement à rien d'obtenir un meilleur accès à des marchés étrangers si ces accès ne sont pas protégés par des règles. Il faut que les règles fonctionnent en notre faveur et non contre nous.
Á (1110)
Concernant l'agriculture, nous devons faire un peu de corde raide. Notre entreprise a publié à la toute fin de 2003 une étude sur la réforme de la politique agricole commune. Elle est centrée sur le boeuf et l'industrie laitière et elle démontre que non seulement dans ces secteurs, mais ailleurs aussi, les réformes de la politique agricole commune qui sont sensées être fondées sur le découplage ne le sont pas en réalité. Si nous avons parlé dans le passé de tarification sale, nous devrions maintenant parler de découplage sale, car dans ces cas-là, les agriculteurs de l'Union européenne qui ont obtenu leur soutien sans être obligés de planter les récoltes qu'ils plantaient ne peuvent pas planter ce que l'on appelle des récoltes permanentes. Les récoltes permanentes, ce sont les fruits, les légumes, la vigne... les arbres fruitiers. Ils ne peuvent pas en planter. Donc ils ne peuvent pas vraiment changer.
Le groupe de travail de l'OMC sur le coton a constaté que ce n'était pas du découplage. Il ne permettait pas aux agriculteurs de se réclamer de la catégorie verte. Donc, il faut voir cela. Ce que nous constatons, en fait, en Union européenne, c'est que les agriculteurs obtiennent ce qu'ils appellent un paiement unique par exploitation ou ce que les agriculteurs européens appellent le bien-être. Ils reçoivent ce paiement unique par exploitation, qui n'est pas liée à une production particulière. C'est un paiement de risque face au marché. C'est un versement de base. Et ils peuvent continuer à produire ce qu'ils produisaient auparavant en empochant l'argent du marché en même temps.
Dans le même temps, on supprime le soutien des prix dont ils bénéficiaient. Les exploitations agricoles en Europe se regroupent parce qu'on prend des mesures pour encourager les jeunes agriculteurs à se regrouper en incitant ceux qui prennent leur retraite à vendre leurs droits aux bénéficiaires du paiement unique par exploitation. On se retrouve donc avec des exploitations beaucoup plus grandes.
En Espagne, on a regroupé 5 000 petites exploitations laitières en 500 exploitations plus grandes. Ce sont des entreprises beaucoup plus compétitives, qui peuvent offrir des prix inférieurs. Mais même là, comme la réforme de la PAC reposait sur le principe d'une certaine relation entre l'euro et le dollar, les Européens ont de la difficulté à ne pas dépasser leurs engagements d'exportation actuellement et ils vont avoir beaucoup de difficulté à respecter leurs engagements à l'avenir.
On voit déjà, aux États-Unis, le Congrès dire qu'il va prolonger ses versements pour les céréales et oléagineux ou les paiements contracycliques d'au moins un an. Certains au Sénat veulent les prolonger jusqu'à 2011. Le Congrès dit aux négociateurs : « N'anticipez pas sur ce que nous allons faire avec le farm bill en 2007 ». Nous devons nous assurer que nous ne courons pas après du vent. Nous nous sommes fait avoir dans le passé. Nous ne voulons pas recommencer l'expérience à l'avenir.
Je ne dirais pas qu'il ne va rien se passer à Hong Kong, parce qu'il va y avoir là-bas énormément de ministres qui devront faire quelque chose. Ils vont se concentrer sur les différences. Je vois les documents qui viennent de l'OMC. Ils ressemblent un peu à un menu de restaurant chinois — on choisit quelque chose dans la colonne A et autre chose dans la colonne B — il y a de tout là-dedans. Les gens vont se concentrer là-dessus.
Lamy est un type très astucieux. Il connaît bien son affaire. S'il parlait un peu plus aux ambassadeurs à Genève, il s'en sortirait peut-être un peu mieux. Mais c'est quelqu'un de bien et je crois qu'il va avoir un rôle de rassembleur. Il a un plan. Peut-être que personne d'entre nous ne le comprend, mais nous savons qu'il a un plan et qu'il va y arriver parce que c'est quelqu'un de déterminé. Il me rappelle le directeur général du GATT à l'époque où je travaillais à Genève pour le gouvernement du Canada, Olivier Long. Il sait rassembler les gens et il va le faire.
Quant à Mandelson, c'est un négociateur très habile, mais il doit tout faire pour surmonter les obstacles auxquels il se heurte actuellement. Il a des obstacles à franchir. Il faut qu'il essaie. Il faut qu'il voit jusqu'où il peut aller. À mon avis, s'il pousse trop fort, certains vont s'en aller. Ce ne sera pas à cause des Africains dans ce cas-là, parce qu'il essaie en fait de mettre les États-Unis sur la sellette à propos du coton, et nous ne savons absolument pas si les Américains bougeront sur cette question du coton, mais cela risque d'être un sérieux obstacle.
Á (1115)
J'ai déjà entamé les dix minutes de Liam, et nous devrions lui donner la parole.
Le président: Merci.
Vous voulez ajouter quelque chose? Vous voulez intervenir aussi?
M. Peter Clark: Non, c'est une autre...
Le président: Oh, c'est autre chose. Bon, très bien.
Chacun de vous a dix minutes. Si vous prenez 40 minutes avec les deux autres témoins qui vont arriver, il ne restera plus de temps pour les questions et réponses, mais allez-y, c'est vous qui faites ce que vous voulez de votre temps.
M. Liam McCreery (président, Alliance canadienne du commerce agro-alimentaire): C'est à moi?
Le président: Oui, c'est à vous. Allez-y.
M. Liam McCreery: Merci, monsieur le président, et merci mesdames et messieurs les membres du comité de me donner la parole au nom de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire.
Nous voyons à la fois des défis et des ouvertures avec ce cycle de l'OMC, le cycle de développement de Doha, et nous sommes honorés que vous preniez le temps de nous écouter.
Je vais commencer par me présenter. Je suis Liam McCreery. Je suis un producteur de céréales et d'oléagineux de l'Ontario. Je récolte du maïs, du soja, du blé et un peu de luzerne. Je suis aussi président d'un groupe appelé l'ACCAA. Je pense que la plupart des personnes présentes connaissent l'ACCAA, mais je vais vous dire quelques mots de cette Alliance canadienne du commerce agroalimentaire.
C'est une coalition intéressante puisque nous représentons les producteurs — les deux grands secteurs, les céréales et oléagineux et le boeuf — et nous représentons toute la chaîne de valeurs. Nous représentons le secteur de la génétique, les entreprises de semence, le secteur des intrants des récoltes, les entreprises de fourrage et aussi les transformateurs et les exportateurs et tout le domaine des produits à valeur ajoutée. Au total, nous représentons des ventes de 50 milliards de dollars par an et environ un demi-million d'emplois au Canada. Nous sommes donc un intervenant de taille.
L'ACCAA a été créée en 2001 pour une seule raison : militer pour la libéralisation des échanges commerciaux dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire, principalement à l'OMC, mais aussi dans le cadre d'ententes bilatérales et multilatérales en s'appuyant sur une OMC solide. Le secteur agricole canadien dépend massivement du commerce international — 91 p. 100 de nos producteurs réalisent des ventes à des cours déterminés par les marchés internationaux. Et je vais vous donner l'exemple de mon exploitation.
Mon soja se retrouve sur les marchés des aliments de qualité supérieure du monde entier, surtout en Asie, et sur ce marché, je suis en concurrence avec le soja subventionné en provenance des États-Unis. Je vends mon maïs en Ontario à un producteur local de porc — dont les porcs d'ailleurs se retrouvent aussi sur le marché des États-Unis — et le cours du maïs que je lui vends est déterminé à Chicago. Or, ce cours établi à Chicago est manipulé à la baisse en raison des subventions européennes et américaines.
Dans ces conditions, vous allez me demander pourquoi nous prenons encore la peine d'affronter la concurrence sur les marchés internationaux. La réponse est évidente. Si nous décidions de nous retirer des marchés internationaux, plus de la moitié des producteurs du Canada devraient se trouver autre chose à faire. Et c'est quelque chose qui est manifestement inacceptable pour les agriculteurs qui perdraient leur exploitation, pour le Canada rural et pour toute l'économie canadienne. Nous devons absolument continuer à essayer de rester compétitifs sur ces marchés internationaux. Nous risquerions d'ailleurs de perdre aussi, au-delà du secteur qui m'intéresse — l'exploitation agricole — des milliers d'emplois dans le secteur de la transformation.
Je pense que tout le monde ici est parfaitement conscient de l'importance du commerce. Peter en a parlé dans son discours. Plus de 40 p. 100 du produit intérieur brut du Canada provient des échanges commerciaux, et un emploi sur trois au Canada est lié au commerce international. Le commerce agricole est vital, mais comprenez bien qu'il ne représente que 10 p. 100 de nos exportations. Il ne faut pas l'oublier, car les discussions à l'OMC vont bien au-delà de l'agriculture. Comme Peter l'a souligné, il y a les services, les droits de douane industriels, la facilitation et les règles, mais l'agriculture est le domaine le plus litigieux et le plus problématique.
Actuellement, les agriculteurs canadiens affrontent sur les marchés internationaux des concurrents qui touchent plus de 300 milliards de dollars en subventions. C'est environ six fois plus que ce que ces mêmes pays donnent en aide au développement, ce qui à mon avis est parfaitement obscène, mais c'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés sur les marchés étrangers. Nous nous heurtons aussi à des barrières tarifaires colossales, exprimées en centaines de pourcent. Ce sont les pays les plus riches parmi les plus riches qui imposent ces barrières tarifaires, pas les plus pauvres des pauvres. Pour vous donner une idée, les droits de douane industriels dans le monde sont en moyenne d'environ 4 p. 100; en agriculture, ils sont de plus de 60 p. 100. Vous voyez donc les ravages que cela produit dans les pays axés sur l'exportation.
Il est intéressant de noter qu'au cours des dix dernières années nos exportations ont augmenté, mais pas notre revenu. C'est parce que nous nous heurtons toujours à ces énormes subventions et à ces barrières tarifaires sur les marchés internationaux, ainsi qu'à des prix artificiellement bas. Le cycle de Doha est la dernière chance que nous aurons pour les 20 ou 30 prochaines années de vraiment rectifier sur une base multilatérale ces subventions et ces barrières tarifaires qui faussent les échanges commerciaux. Si nous avions de meilleures règles, nous pourrions mieux négocier des ententes bilatérales et multilatérales qui aideraient notre secteur agricole.
Il est aussi intéressant de souligner que, bien qu'on parle beaucoup d'ententes bilatérales et multilatérales, il n'y en a pas eu jusqu'ici concernant les subventions agricoles. L'OMC est le seul instrument dont nous disposons pour nous attaquer à ces subventions qui faussent le commerce et elle est le meilleur moyen de nous attaquer à l'échelle mondiale à ces gigantesques barrières tarifaires auxquelles nous nous heurtons.
Á (1120)
Parlons un peu de ce qui se passe à l'OMC. On entend beaucoup parler à Genève de la crainte d'un programme manquant d'envergure à Hong Kong. Je voudrais préciser du mieux possible ce que cela veut dire. Cela ne veut pas dire que l'OMC ou ses 148 membres font machine arrière sur le mandat de Doha qui était de réduire les droits de douane et les subventions. Cela veut simplement dire que nous n'aurons pas accompli autant de chemin que nous l'aurions souhaité quand nous arriverons à Hong Kong.
Donc, cette longue marche va se poursuivre. Nous ne sommes pas arrivés là où nous l'aurions voulu. Il est important de s'en souvenir, car il ne s'agit pas d'être complètement pessimiste sur l'objectif; c'est simplement que nous ne progressons pas aussi vite que nous le souhaiterions. Mais nous avançons. J'aimerais vous parler de quelques-unes des propositions qui ont été présentées à l'OMC et sur lesquelles on négocie vraiment cet automne.
Parlons des États-Unis, de l'Union européenne et du G-20. Concernant l'accès au marché, les États-Unis ont mis sur la table une proposition très ambitieuse. Nous pourrions vous donner de multiples exemples, mais je vais simplement en prendre un ou deux. Si nous acceptons la proposition américaine concernant l'accès au marché, le tarif de 248 p. 100 que le Japon impose sur le blé dur tombera à 24 p. 100. Évidemment, le blé intéresse énormément notre grand pays. Le droit de douane imposée par le Japon sur le boeuf tomberait de 50 p. 100 à 7 p. 100. Ces changements de taux tarifaires ne sont pas négligeables.
Le contingent tarifaire sur l'orge brassicole serait élargi, ce qui permettait aux exportateurs canadiens de doubler les montants qu'ils exportent actuellement. L'orge brassicole représente vraiment de la valeur ajoutée pour nos producteurs de l'Ouest canadien. Donc, les propositions de réduction mises sur la table par les Américains, c'est du concret.
L'a proposition du G-20 signifierait aussi une plus grande libéralisation, mais il y a à cet égard un certain nombre de problèmes à régler avec les pays en développement. En substance, cela signifierait des réductions importantes dans les pays les plus développés, et peut-être pas aussi importantes dans les pays en développement. Mais il faut continuer à travailler là-dessus.
La proposition de réduction tarifaire présentée par l'Union européenne est inacceptable actuellement. Les Européens ont de toute évidence proposé quelque chose qui répond à leurs besoins et à leurs besoins uniquement. Il faut revoir cette copie. Cette proposition de l'Union européenne sera manifestement la grande question à régler si l'on veut que ces négociations progressent.
Il va falloir parler des subventions, du soutien intérieur. Les États-Unis ont présenté une offre qui ferait évoluer considérablement leur politique intérieure. Il faut qu'ils aillent plus loin, beaucoup plus loin, mais cette proposition se traduirait par une réduction réelle des subventions américaines et elle entraînerait des modifications en profondeur dans la conception des programmes américains.
Par exemple, nous estimons que les Américains consacreront environ 14,6 milliards de dollars au soutien des produits de la boîte orange. Si la proposition américaine est mise en oeuvre, ce soutien serait ramené à un maximum de 7,6 milliards de dollars. Le ministre américain de l'Agriculture a publiquement déclaré que la proposition américaine concernant le soutien intérieur entraînerait un changement en profondeur du programme américain qui entraîne le plus de distorsion commerciale — à savoir les programmes de prêt à la commercialisation et d'aide pour le défaut de remboursement de prêt — et entraînerait l'élimination de ces programmes de paiement contracycliques. Est-ce que c'est parfait? Non, il faut faire mieux encore, mais c'est une bonne base de négociations.
L'Union européenne et le G-20 ont présenté des offres qui entraîneraient une réduction considérable du soutien, et, ce qui est plus important encore, qui supprimeraient la concurrence à l'exportation. C'est pour cela qu'il y a actuellement des subventions à l'exportation qui entraînent une distorsion de plus de 7 milliards de dollars par an dans les échanges commerciaux.
Nous nous sommes donc engagés à continuer de progresser. Les choses ne vont pas aussi vite que nous le souhaiterions. Le message que nous vous adressons clairement aujourd'hui, c'est que notre pays, le troisième plus grand exportateur de produits agricoles et agroalimentaires au monde, doit poursuivre ses efforts pour préserver ses ambitions et continuer de progresser à l'avenir.
Je vous ai donc parlé de l'importance... Encore deux minutes, monsieur, ou une. Il y a une chose que je voudrais bien préciser.
Il y a des gens qui seraient heureux que ces négociations échouent. Je ne saurais dire avec assez de force qu'un échec serait une catastrophe pour l'agriculture et le secteur de la transformation au Canada. Il n'y a pas de statu quo. Si nous ne réussissons pas à établir de nouvelles règles, il faut bien comprendre que nos amis américains pourront augmenter de 33 p. 100 leur aide aux produits de la catégorie orange, en la portant à 20 milliards de dollars.
Il faut bien comprendre que nous avons actuellement une entente qui permettrait aux Américains et aux Européens de dépenser absolument n'importe quoi dans la catégorie bleue. Il faut aussi comprendre, comme Peter l'a bien souligné, qu'il y a de la marge dans les droits de douane, c'est-à-dire entre les réductions tarifaires consolidées et les tarifs d'usage, ce qui fait que les pays peuvent hausser leurs tarifs sans préavis ou sans justification.
Á (1125)
Il n'y a pas de statu quo, et les choses ne pourront pas continuer comme si de rien n'était. Si difficile que soit actuellement la conjoncture pour les industries axées sur l'exportation, sans entente, le secteur canadien de l'agroalimentaire souffrira encore plus. Rappelez-vous que 91 p. 100 d'entre nous sommes obligés de faire avec les prix qui sont fixés par les marchés internationaux.
Monsieur le président, j'ai débordé d'une minute, et je vous remercie d'avoir été tolérant à mon égard.
Le président: Merci, monsieur McCreery.
Nous commençons la période de questions.
C'est M. Sorenson qui commencera, et qui aura cinq minutes.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci, monsieur le président.
Je remercie M. Clark et M. McCreery de leur présence ici, malgré la journée venteuse et enneigée. Merci de vous être quand même présentés.
Monsieur Clark, très brièvement, vous affirmez que les députés n'ont pas beaucoup entendu parler de vos intérêts. Je suis d'accord avec vous : nous n'en avons pas beaucoup entendu parler et c'est pourquoi votre présence ici compte beaucoup. C'est justement une des raisons pour lesquelles nous avons demandé au ministre de comparaître aujourd'hui, mais il a refusé.
Pour le Comité des affaires étrangères et du commerce international, à la veille de la ronde de négociations à Hong Kong et devant l'importance d'y être, il est très désolant que le ministre refuse de comparaître. D'ailleurs, la seule chose que nous ait dite le cabinet du ministre, c'est que si les élections étaient déclenchées, le ministre pourrait même ne pas aller à Hong Kong. Vous avez peut-être vous-même une idée de ce que l'absence de notre ministre là-bas impliquerait.
Monsieur McCreery, vous avez déjà affirmé que l'absence d'une entente équivalait à une mauvaise entente. Vous avez abordé cette question en quelque sorte dans votre présentation, mais le mandat de Doha est-il toujours considéré comme un point de départ par les pays qui essaient actuellement de se faufiler, de manoeuvrer ou de jouer du coude pour obtenir une position favorable? Ont-ils des problèmes avec le mandat de Doha et peut-être aussi avec ce à quoi on s'attend du Canada?
Nous savons ce que nous voulons de l'Europe : qu'elle élimine les subventions à l'exportation, qu'elle s'engage à nous donner accès à son marché et à l'ouvrir encore plus. Aux États-Unis, nous demandons de diminuer les subventions. Vous avez aussi mentionné d'autres choses. Le Canada joue-t-il un rôle de chef de file dans l'un ou l'autre de ces dossiers? Le Canada est-il considéré comme un pays principalement rassembleur? Pourquoi le Canada n'a-t-il pas encore fait connaître sa position?
Mon dernier commentaire, auquel vous pouvez tous deux réagir, c'est que les gouvernements canadiens ont traditionnellement été ceux qui devaient se contenter de trouver le bon programme pour l'agriculture canadienne. Je suis dans les affaires et je possède aussi une petite ferme, et je sais que pendant quelques années, nous avons eu droit au RARB ou au CSRN; puis, après le CSRN, ce fut le PCSRA. Puis, tout d'un coup, au beau milieu du programme PCSRA, on entend dire que l'on aidera le secteur des céréales et des oléagineux qui est dans une mauvaise passe. D'un jour à l'autre les problèmes changent, et pourtant on nous annonce de nouveaux programmes pour les régler.
Vous avez dit à combien vous voudriez faire baisser le tarif de 248 p. 100 sur le blé dur. Vous avez également dit vouloir faire baisser à 5 p. 100 les tarifs sur le boeuf. Cela implique-t-il que ces programmes cesseront, ou que ce n'est qu'une première étape en vue de résoudre la crise?
Á (1130)
Le président: Monsieur Clark.
M. Peter Clark: Pour ce qui est de ceux qui nous représenteraient à Hong Kong, je m'attends à ce qu'il y ait un ministre là-bas, puisqu'il y a beaucoup de pression pour que ce soit le cas. Je signalerais que tout au long du cycle d'Uruguay, nous n'avons jamais vraiment été représentés à la table par des ministres comme nous l'étions à l'OMC. Les négociations étaient menées par des fonctionnaires qui recevaient leurs instructions du Conseil des ministres et du gouvernement. C'est possible de faire cela.
Je ne suis pas sûr qu'il se fasse tant de progrès que cela à Hong Kong, ou qu'il y ait là-bas tant d'engagements à prendre, au point où les fonctionnaires ne puissent le faire eux-mêmes, mais je conviens avec vous que les fonctionnaires n'ont certes pas le même poids que les ministres.
Quant à vos programmes, sachez que j'ai passé une partie de ma carrière au ministère des Finances. La difficulté pour le Canada, c'est qu'il n'a pas le portefeuille aussi bien garni que les États-Unis. Les Américains ont resserré les règles de façon que seuls les programmes d'application générale sont acceptables. Pour notre part, nous avons toujours dû choisir à quoi serviraient nos fonds, et nous avons dû les utiliser de façon plus ciblée.
M. Kevin Sorenson: Pourtant, notre portefeuille semble avoir été bien garni pour toutes sortes d'autres choses, comme pour les commandites ou pour toutes sortes de choses qui intéressent le gouvernement. Toutefois, dès qu'il s'agit d'agriculture, notre bourse semble être à sec.
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le président.
Monsieur le président, sommes-nous réunis pour discuter de l'OMC ou pour entendre les tirades de M. Sorenson? Est-ce qu'il veut dire par là que nous n'aurions pas dû verser hier aux agriculteurs 755 millions de dollars? Est-ce vraiment ce qu'il souhaite?
M. Kevin Sorenson: Laissez-moi répondre; Je vais vous le dire, moi, ce à quoi je m'attends : je m'attends, monsieur Easter, à ce que le gouvernement propose une politique et fasse de l'agriculture une priorité pour le Canada. Or, le gouvernement de M. Easter n'en a pas proposé.
Le président: Bien, M. Sorenson n'a plus de temps.
Merci.
Ce sera très simple à partir de maintenant, et voici ce que je vais faire.
[Français]
Mme Martine Mercier et M. Serge Lebeau sont ici. Nous allons leur donner la chance de faire une présentation très courte, puisqu'ils font partie des travaux de la première heure. Nous prolongerons cette partie de la séance jusqu'à 12 h 05 ou 12 h 10.
[Traduction]
M. Kevin Sorenson: Monsieur le président, nous avions des questions à poser précisément à M. McCreery.
Le président: Je veux bien, mais vos cinq minutes étaient terminées.
M. Kevin Sorenson: D'accord, et que faisons-nous maintenant?
Le président: Comme je viens tout juste de l'expliquer, nous allons maintenant entendre Mme Mercier et M. Lebeau, puisqu'ils font partie des témoins de la première heure. Nous allons donc prolonger cette première heure de témoignages de 10 minutes, puisque j'ai cru comprendre que nous n'aurions pas à débattre les motions de M. Menzies et de M. Paquette, qui ont préféré les retirer. Cela nous donnera plus de temps pour le deuxième groupe de témoins.
[Français]
Madame Mercier, vous avez la parole.
Mme Martine Mercier (deuxième vice-présidente, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci, monsieur le président. Nous sommes désolés de notre retard. Est-ce que tout le monde a reçu notre présentation?
Le président: Comme elle est seulement en français, elle devra être traduite avant d'être distribuée au comité. Allez-y.
Mme Martine Mercier: D'accord.
Les premières pages décrivent le contexte dans lequel évolue L’Union des producteurs agricoles, mais comme les gens qui sont ici connaissent bien notre organisme, je commencerai par l'urgence de la situation.
L'intervention des plus hautes instances du gouvernement dans le dossier des négociations commerciales en agriculture qui ont cours à l'OMC est primordiale. En effet, à la veille de la sixième Conférence ministérielle de l'OMC à Hong Kong, du 13 au 18 décembre prochain, et surtout du renouvellement du mandat de négociation du Canada, il est urgent de clarifier la situation pour les raisons suivantes.
Bien que les dernières informations en provenance de Genève laissent présager que la rencontre de Hong Kong ne permettra pas de soumettre aux ministres un texte complet de traité commercial, soit les modalités, cette Conférence ministérielle, instance suprême de l'OMC, demeure toutefois une étape cruciale du Cycle de Doha instauré en 2001 au Qatar. Il y aura de toute façon une entente sur les grands principes de la négociation et sur le processus pour la poursuivre.
Le Cabinet fédéral, selon nos informations, renouvellera sous peu le mandat de ses négociateurs avant la réunion de Hong Kong. Il est essentiel que celui-ci soit sans équivoque pour que, à la conclusion de ces négociations en cours, les secteurs sous gestion de l'offre ne soient soumis à aucune réduction des tarifs hors contingents, à aucune augmentation des contingents tarifaires et qu'ils puissent continuer à procurer aux producteurs des revenus du marché permettant de couvrir leurs coûts de production.
Nous sommes inquiets. Le texte du cadre des modalités de juillet 2004, en ce qui concerne plus particulièrement les produits dits sensibles, est un gain majeur pour le Canada. Il ratifie la possibilité de mettre nos produits sous gestion de l'offre à l'abri. Or, cette notion de produits sensibles est de plus en plus banalisée dans les négociations.
La proposition américaine actuelle sur les produits sensibles — accessibles à seulement 1 p. 100 des lignes tarifaires et un plafond des tarifs à 75 p. 100 — signe l'arrêt de mort de la gestion de l'offre. Pour maintenir nos systèmes, nous avons besoin au Canada de faire reconnaître au minimum 14 p. 100 des lignes tarifaires comme produits sensibles et des tarifs à plus de 300 p. 100, soit ce que l'on connaît actuellement.
Il est arrivé à plusieurs reprises que les représentants du gouvernement canadien essaient de nous faire accepter des accès supplémentaires à nos marchés.
Pourtant, les secteurs sous gestion de l'offre ont déjà donné, comparativement à plusieurs autres pays, soit 4 p. 100 de leur accès pour les produits laitiers, 5 p. 100 pour les oeufs et le dindon, 7,5 p. 100 pour le poulet et 21 p. 100 pour les oeufs d'incubation. L'Union européenne, quant à elle, offre 0,5 p. 100 à son marché de produits agricoles, les Américains offrent 2,75 p. 100 à leur marché de produits laitiers et enfin, dans l'ensemble du monde, les pays offrent un peu moins de 2 p. 100 à leurs marchés.
Alors, comment peut-on alors parler de critères cohérents et équitables, tels qu'ils sont stipulés dans l'Accord cadre de juillet 2004?
De plus, la tarification actuelle pour la production sous gestion de l'offre n'offre aucune marge de manœuvre. Le prix du poulet brésilien est tel qu'il arrive que, même en payant les tarifs de 238 p. 100, ce produit entre sur le marché canadien. De plus, le prix mondial du beurre était à l'un de ses plus bas niveaux à l'automne 2003. Il s'en fallait de peu pour que ce dernier soit importé à des niveaux hors contingents.
À la lumière de ces commentaires des représentants du gouvernement au sujet de l'évolution des négociations, nous craignons que le Canada signe une entente, indépendamment du fait que celle-ci soit acceptable ou non pour l'agriculture. En 2003, à la cinquième Conférence ministérielle de l'OMC à Cancun, cet empressement à signer à tout prix a été fortement ressenti, et ce, même au détriment des systèmes de gestion de l'offre.
Le Canada n'a-t-il pas intérêt à conclure un bon accord plutôt qu'un mauvais accord à la hâte?
On nous dit également que l'agriculture, somme toute, représente un bien faible pourcentage de l'économie du pays, économie fortement tributaire de l'exportation. Tout en considérant l'importance des exportations, le Canada doit toutefois reconnaître les impacts économiques et sociaux considérables de la gestion de l'offre au pays et ainsi s'assurer que celle-ci soit maintenue au terme des pourparlers à l'OMC.
Par ailleurs, les propositions actuellement sur la table ne permettront pas d'améliorer le prix sur le marché mondial des denrées agricoles — céréales, viandes rouges, etc. —, pas plus que d'accroître l'accès aux marchés.
Les négociateurs canadiens ont calculé que les Américains et l'Union européenne devraient présenter des réductions de subventions d'au moins 79 p. 100 par rapport aux données historiques avant d'avoir à retrancher le premier dollar de subvention. Or, ceux-ci proposent des réductions de 53 p. 100, et l'Union européenne de 65 p. 100. Le tableau 1 indique tout simplement que même en suggérant des réductions de 68 p. 100, qu'ils n'ont pas encore atteintes, cela a un effet de distorsion sur le commerce.
Les Américains reconnaissent eux-mêmes que leur proposition équivaut à un coup de vent, sans compter qu'ils peuvent recourir, sans limite, aux subventions de catégorie verte, qui sont déjà permises dans le cadre de l'OMC.
Á (1135)
Donc, les propositions sur la table ne sont bonnes ni pour les productions sensibles canadiennes ni pour les autres secteurs de production.
Vous aurez des extraits de certains commentaires américains dans le texte.
Je passe à l'exemple désolant du textile. Peut-on croire que les productions laitières et avicoles puissent un jour disparaître du paysage agricole?
Prenons l'exemple du textile. En raison du long délai d'implantation que s'étaient donné les pays membres, le Canada pensait pouvoir s'adapter aux changements. Que reste-t-il aujourd'hui de ce qui fut jadis un fleuron de l'économie québécoise et canadienne? La douloureuse expérience du textile se répétera pour les systèmes sous gestion de l'offre, si le Canada accepte les propositions présentement sur la table.
Monsieur le président, nous accueillons très favorablement l'adoption à l'unanimité, par la Chambre des communes avant hier, de la motion — qui se trouve en annexe du document — d'appui en faveur de la gestion de l'offre. Nous comprenons que le mandat des négociateurs canadiens sera renforcé tel que stipulé dans cette dernière. Nous nous attendons donc à ce qu'aux tables de négociations, la stratégie et le discours des représentants canadiens soient ajustés en conséquence. Nous sommes convaincus que cela changera la dynamique des négociations et ne pourra qu'être bénéfique pour l'agriculture canadienne dans son ensemble.
Nous voulons également qu'à la conclusion des négociations, les secteurs sous la gestion de l'offre ne soient soumis à aucune réduction des tarifs hors contingents, à aucune augmentation des contingents tarifaires et qu'ils puissent continuer à procurer aux producteurs des revenus du marché permettant de couvrir leurs coûts de production.
Vous pourrez trouver, en conclusion, certaines données.
Á (1140)
Le président: Merci beaucoup, madame Mercier.
[Traduction]
Nous aurons 30 minutes pour le période de questions. Nous commencerons à nouveau par les Conservateurs, et par M. Menzies, si vous voulez bien. Nous aurons ensuite M. Paquette, M. Eyking, Mme McDonough, puis M. Easter.
Monsieur Menzies, vous avez cinq minutes.
M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président.
Je vois bien que la météo a nui à nos témoins d'aujourd'hui, mais je remercie ceux qui sont ici d'avoir fait les efforts nécessaires.
Avant l'arrivée des deux derniers témoins, nous avions posé quelques questions qui sont restées sans réponse, à mon avis. De fait, l'une des brèves réponses entendues a suscité chez moi une question beaucoup plus grave, pour laquelle j'aimerais avoir plus de précisions.
Monsieur Clark, vous avez dit que traditionnellement, il n'était pas nécessaire pour le ministre d'être présent. Mais si je comprends bien, nous n'avons pas voix au chapitre dans l'antre du pouvoir, en l'absence d'un ministre. Pourtant, des fonctionnaires ont dit publiquement que leurs patrons, c'est-à-dire les ministres, n'y seraient pas, et ont même essayé de blâmer leur absence sur le déclenchement des élections par les Conservateurs! C'est tout de même incroyable! Mais plus incroyable encore, c'est que ces ministres ne veuillent pas faire leur travail et représenter les industries canadiennes. C'est très grave.
Le président: Quelle est votre question?
M. Ted Menzies: Je voudrais avoir des précisions là-dessus, et j'aimerais aussi que l'on donne à M. McCreery l'occasion de nous expliquer quelle est la position du Canada, s'il la connaît. Qu'arrivera-t-il s'il n'y a aucune entente de conclue? Certains secteurs nous ont dit que de ne pas conclure d'entente était une bonne chose, alors que pour d'autres, c'est l'inverse.
J'aimerais savoir qui paie, si aucune entente n'est conclue? Est-ce le contribuable canadien qui en fera les frais ou quelqu'un d'autre?
Le président: Monsieur Clark.
M. Peter Clark: Monsieur Menzies, j'ai tenté de répondre à votre question : j'ai dit que si le Canada n'était représenté que par des fonctionnaires, cela n'aurait pas autant de poids que si un ministre était là-bas. Que je sache, il n'est pas nécessaire d'être ministre pour être présent dans le salon vert. J'ai été délégué du Canada à Genève, et même si je n'étais pas ministre, j'ai passé beaucoup de temps dans le salon vert.
M. Ted Menzies: Mais pourriez-vous prendre des décisions définitives?
M. Peter Clark: Nous pouvions prendre des décisions sous réserve de l'approbation des nos autorités supérieures. Autrement dit, lors de nos discussions, vous énoncez la position en fonction des instructions reçues du Conseil des ministres. Il n'est pas question d'improviser. À l'époque, l'adage voulait que à votre entrée aux réunions du GATT, si vous n'étiez pas d'accord avec les instructions reçues, vous en faisiez à votre tête, puis à votre retour, vous expliquiez à vos supérieurs que les instructions avaient été déformées par les parasites et que vous aviez improvisé. Aujourd'hui, c'est devenu impossible, car les communications par ordinateur ne sont plus jamais embrouillées.
M. Ted Menzies: Bien. Merci.
J'aimerais que M. McCreery puisse répondre.
M. Liam McCreery: Merci, monsieur le président.
Merci de vos questions; je vais tenter de répondre à toutes.
Nous croyons avoir compris qu'à Dalian, en Chine, lorsque les ministres n'assistaient pas à la réunion, les fonctionnaires n'avaient pas le droit de parole dans le salon vert ni dans la salle de négociation. Les Chinois ont une nouvelle façon d'appeler cela, mais je ne sais pas ce que c'est. Il est essentiel, par conséquent, que les ministres soient présents au salon vert pour représenter les intérêts du Canada; et lorsque nous n'étions pas dans le salon vert à Dalian, nous n'avions pas droit de parole. Il faut bien comprendre ce phénomène. Vous et les ministres devez vous entendre sur la démarche politique, que les ministres soient présents ou non. Je n'ai pas l'intention de jouer à votre petit jeu. Vous réussissez d'ailleurs beaucoup mieux que moi, et il est important que les ministres soient présents pour représenter les intérêts du Canada.
M. Ted Menzies: Voilà une réponse ferme.
L'hon. Wayne Easter: Une précision, s'il vous plaît : vous affirmez qu'aucun ministre n'était présent à la rencontre de Dalian. Pourtant, j'étais moi-même à Dalian, de même que les ministres Mitchell et Peterson. Ils étaient tous deux dans le salon vert. Comprenons-nous bien : les ministres étaient présents à la réunion de Dalian.
Á (1145)
Le président: D'accord. Je n'y étais pas.
M. Ted Menzies: Cela pourrait avoir été le cas au Kenya.
M. Liam McCreery: Pardon, c'était au Kenya. Je vous fais mes excuses.
Le gouvernement canadien avait décidé d'appuyer le mandat de Doha et a appuyé le cadre de juillet 2004 à Genève. Le gouvernement avait établi clairement qu'il fallait faire des progrès considérables dans les trois piliers de l'agriculture. C'est en tout cas la façon dont j'interprète la position du Canada. Si vous voulez discuter pour savoir si c'est bien ou non, je veux bien.
Monsieur Sorenson, vous parliez du mandat.
Le président: Ce n'était pas M. Sorenson.
M. Liam McCreery: Monsieur Menzies, alors.
M. Kevin Sorenson: Ce n'est pas grave.
Le président: Il vous reste 40 secondes, puis je devrai passer à Mme Mercier qui voudrait ajouter quelque chose.
M. Liam McCreery: Merci.
Vous vous êtes interrogé sur le rôle de chef de file que pourrait avoir le Canada à l'OMC. Il est essentiel, à mon avis, que des ministres canadiens soient présents à Hong Kong et qu'ils assument un rôle de chef de file. Après tout, nous sommes le troisième exportateur en importance de produits agricoles et agroalimentaires dans le monde.
[Français]
Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Mercier?
Mme Martine Mercier: Non, si ce n'est le fait que la présence des ministres à Hong Kong est importante pour nous.
Le président: Merci.
Monsieur Paquette.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci de vos présentations. Elles étaient toutes extrêmement intéressantes. Comme Mme Mercier n'a pas eu beaucoup de temps, je me concentrerai surtout sur vous. La motion que la Chambre a adoptée et qui avait été proposée par mon collègue de Richmond—Arthabaska, M. André Bellavance, contenait deux des idées que vous avez mentionnées:
[...] le Canada obtienne des résultats faisant en sorte que les secteurs sous gestion de l'offre ne soient soumis à aucune réduction des tarifs hors contingents, ni à aucune augmentation des contingents tarifaires [...] |
Au cours de la journée, nous avons eu des débats et des discussions avec les conservateurs, les néodémocrates et les libéraux. Selon l'avis de plusieurs, ces deux idées ne devraient pas apparaître sous cette forme, parce que cela donne l'impression que le Canada n'est pas prêt à négocier. Je voudrais que vous répondiez d'abord à cet argument. Nous avons finalement réussi à les convaincre que c'était important. Cette formulation signifie-t-elle que, globalement, le Canada n'est pas en mesure de négocier à Hong Kong quoi que ce touchant l'agriculture?
Ensuite, dispose-t-on d'une marge de manoeuvre pour augmenter les contingents? Vous l'avez mentionné, nous sommes déjà au-dessus des autres. Dispose-t-on d'une marge de manoeuvre pour abaisser les tarifs hors contingents? Les négociateurs pourraient-ils négocier, contre l'accès aux autres marchés, une réduction des tarifs hors contingents? J'aimerais que vous nous expliquiez ce que cela veut dire.
Enfin, j'aimerais savoir si vous faites des efforts particuliers. D'après ce que nous disent les fonctionnaires, l'un de nos problèmes est que peu de pays utilisent ce modèle d'agriculture. Faites-vous des efforts particuliers pour l'expliquer, de sorte que d'autres pays pourraient s'inspirer du modèle de la gestion de l'offre pour leur propre agriculture? Je pense à l'Afrique, par exemple. J'aimerais que vous nous parliez de cela aussi.
Je vous laisse du temps, car on n'en a pas beaucoup. Merci.
Le président: Monsieur Lebeau.
Mme Martine Mercier: Serge va commencer par couvrir le volet technique.
M. Serge Lebeau (conseiller principal en commerce international, Agriculture, Union des producteurs agricoles du Québec): La motion adoptée cette semaine fait-elle en sorte que le Canada n'a pas de marge de manoeuvre? Non, le Canada en a encore parce qu'il existe deux types de tarifs: les tarifs hors contingents et les tarifs intra-contingents. On peut encore abaisser les tarifs intra-contingents. Ce sont les contingents tarifaires, c'est-à-dire l'accès au marché. Selon les produits, on trouve encore des tarifs de 20 p. 100 ou de 10 p. 100. On peut les éliminer sans problème. Même avec cette motion, le Canada a encore une marge de manoeuvre par rapport aux tarifs.
Comme nous l'expliquions dans le mémoire, l'accès au marché moyen, selon le contingent tarifaire, est d'environ 2 p. 100. Or, nous donnons déjà un accès de 5 p. 100. Les pays devraient atteindre 5 p. 100 avant de commencer à discuter d'une augmentation supérieur à 5 p. 100.
M. Pierre Paquette: D'où viennent ces 5 p. 100 exactement? De la négociation précédente?
M. Serge Lebeau: Exactement. C'était inscrit dans le Cycle d'Uruguay On voulait que les pays se rendent à 5 p. 100. Il y a encore une marge de manoeuvre. Dans le texte de juillet 2004, tout ce qui concerne les produits sensibles laisse cette possibilité. Quand on parle d'amélioration substantielle de l'accès au marché, on parle des tarifs, et non des tarifs hors contingents. D'ailleurs, nous avons réussi à faire retirer cet article en juillet 2004. Il y était spécifiquement indiqué « hors contingents ». Cela a été enlevé. Le tarif est à la fois le tarif hors contingents et le tarif intra-contingents. On peut donc travailler avec le tarif intra-contingents sans problème.
Á (1150)
M. Pierre Paquette: Si on baissait légèrement les tarifs hors contingent, quel effet cela aurait-il sur nos...
M. Serge Lebeau: Cela est expliqué dans notre mémoire. Actuellement, du poulet en provenance du Brésil pénètre le marché canadien. Le Brésil bénéficie de conditions absolument exceptionnelles: un coût de main-d'oeuvre dérisoire, un excellent climat, des ressources et un accès à des céréales bon marché. Ces conditions font en sorte qu'il lui est possible de payer un tarif de 238 p. 100 et, malgré cela, de pénétrer notre marché. Si nous baissions nos tarifs de 20 p. 100, nous serions complètement inondés.
En ce qui a trait au beurre, à un moment de l'année 2003, les prix internationaux étaient tellement dérisoires qu'on a imposé, encore une fois, des tarifs de l'ordre de 299 p. 100. Le beurre pouvait provenir de l'extérieur. De ce point de vue, les tarifs hors contingent n'offrent pas de marge de manoeuvre. On est vraiment à la limite.
En ce qui a trait à votre question sur l'Afrique, UPA Développement International travaille avec des pays africains, en particulier avec ceux de l'Afrique de l'Ouest. Je pense que l'idée de la gestion de l'offre fait son chemin. Dans son texte déposé le 26 novembre, M. Crawford Falconer fait justement mention de la gestion de l'offre. Je crois qu'à la note 21 du texte, il est mentionné que certains pays pensent adopter un système de gestion de l'offre afin de développer leur agriculture. Somme toute, cette notion fait son chemin.
Le président: Merci.
Monsieur Eyking, c'est à vous.
[Traduction]
L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais apporter une précision au sujet de la présence du ministre, puisque je suis secrétaire parlementaire pour le commerce. Jusqu'à cette semaine, le ministre du Commerce international et beaucoup d'entre nous autour de la table avions l'intention d'aller à Hong Kong pour nous battre au nom de nos agriculteurs. Le ministre avait été invité à comparaître à notre comité le 1er décembre prochain, et il prévoyait bien se présenter. Toutefois, à cause des agissements des partis d'opposition cette semaine, nous savons maintenant que la présence du ministre à l'OMC et à notre comité est compromise. Monsieur le président, je voulais que cela soit consigné au procès-verbal.
Je m'adresse aux témoins. M. Mandelson est une des personnes importantes dans les négociations et dans les pourparlers. Il parle au nom de l'Union européenne, mais de nombreux pays tels que la Norvège, le Japon, et de nombreux pays pauvres qui vendent leurs produits à l'Europe et dont les produits sont protégés, tels que ceux qui produisent les bananes, par exemple, aimeraient que l'Union européenne se prononce fermement. On affirme que le président de la France, Jacques Chirac, aurait dit que s'il devait y avoir des modifications à l'entente, il allait opposer son veto à la décision. Peut-il vraiment le faire? Si l'UE envoie un négociateur, est-possible pour l'un des pays de l'Union européenne d'opposer son veto, même si l'Allemagne et d'autres pays acceptent l'entente?
Je crois que ma question s'adresse à M. Clark. Comment cela fonctionne-t-il?
M. Peter Clark: La commission négocie au nom des États membres, mais ce sont les États membres qui sont membres de l'OMC. Ils ont le droit d'agir comme vous le laissiez entendre, s'ils le souhaitent. Je peux vous le confirmer, car j'étais au GATT. Je présidais le comité du budget, des finances et de l'administration, et l'Union européenne n'en était pas membre. L'Union européenne ne peut prendre part au comité, puisque ce sont les États membres qui font les contributions. Les États membres de l'UE sont membres de l'OMC, et si l'un d'entre eux choisit d'opposer son veto, il lui est loisible de le faire, même si, en dernière analyse, ce pays s'expose à des difficultés à Bruxelles.
L'hon. Mark Eyking: Le représentant d'un seul pays pourrait réellement faire s'effondrer les pourparlers?
M. Peter Clark: Oui. Tout comme aux Nations Unies, c'est le régime d'un vote par pays.
L'hon. Mark Eyking: Voici ma seconde question : si les négociations de Hong Kong n'aboutissent pas, ce qui pourrait porter ombrage à l'OMC lors de ses futures négociations internationales, à quel point les répercussions pourraient-elles nous nuire avant la prochaine ronde de négociations? Cela pourrait-il pousser des pays à songer à des ententes bilatérales, puisque l'entente multilatérale n'a pas donné de résultats? Seraient-ils incités à revenir en arrière et à s'entendre de façon individuelle?
M. Peter Clark: On assiste déjà à une certaine renaissance des accords bilatéraux et régionaux, mais ceux-ci ne sont pas aussi avancés que je le souhaiterais. Si l'OMC n'existait pas, il nous faudrait la réinventer. On a beau avoir toutes sortes de blocs, il faut qu'il existe une tribune qui les réunisse tous et qui permette à ces différents blocs de se consulter et de plaider leurs différends. On a beau être frustrés par le mécanisme de règlement des différends de l'OMC, nous serions en très mauvaise posture s'il n'existait pas. Certains des règlements des différends ne sont pas respectés, mais la plupart le sont. On en a presque 300 à ce jour, et à peine une douzaine d'entre eux ont été contestés. Je répète qu'il faudrait réinventer l'OMC si elle n'existait pas. Je ne crois pas qu'elle s'effondrera si les négociations de Hong Kong échouent. À mon avis, cet échec éventuel créera une crise qui forcera les gens à trouver un point de convergence et à revenir à la table. De toute façon, cela ne se réglera pas l'année prochaine, à mon avis. En effet, l'an prochain, on arrivera à l'élection à mi-mandat aux États-Unis et personne ne conclut quoi que ce soit au moment d'élections aux États-Unis.
En ce qui concerne ce que j'appelle le chantage systémique de la procédure — appelé aussi la voie exprès — si ce que l'on veut avoir, c'est une entente, alors on prolongera la voie exprès. Si, au contraire, on n'est pas d'accord avec l'entente, alors on la rejettera. Le calendrier est purement artificiel. Si les pourparlers duraient encore une année et qu'ils aboutissaient en 2008, l'entente n'en serait probablement que meilleure.
Á (1155)
L'hon. Mark Eyking: Pensez-vous que dans le contexte global de l'OMC, il y aurait un moyen de traiter séparément l'agriculture, de faire les choses différemment à des moments différents dans ce domaine, ou pensez-vous qu'il faut absolument tout voir en même temps, quelle que soit la situation?
M. Peter Clark: À mon avis, s'il n'y a pas une grosse enveloppe qui englobe tout, une entente unique, les négociateurs n'auront pas suffisamment de substance pour se présenter devant leurs parlements en leur disant qu'ils ont obtenu une bonne entente. Et on ne peut pas vraiment le faire sans englober l'agriculture, car il y a énormément de pays en développement qui veulent récupérer ce qu'ils ont perdu au profit des États-Unis et de l'Union européenne dans le Cycle d'Uruguay. On ne peut vraiment pas laisser de côté l'agriculture. Il faut qu'il y ait une vaste enveloppe pour réaliser un certain équilibre.
Le président: Merci. Non, c'est tout.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins.
J'essaie de comprendre ce que les prises de position que nous entendons de la part de divers secteurs de la société canadienne va signifier concrètement au niveau des négociations elles-mêmes. Au début de la semaine, vous le savez, plus de 20 groupes d'entreprises canadiennes, notamment les manufacturiers et exportateurs du Canada, la Chambre de commerce du Canada, etc., ont publié une déclaration commune demandant au gouvernement du Canada de travailler à la suppression des mesures qui faussent le commerce dans le secteur agricole afin de parvenir à une entente dans le cadre du Cycle de Doha. Plusieurs de ces groupes ont affirmé qu'en continuant de défendre notre régime de gestion de l'offre, le Canada affaiblit considérablement sa position d'influence dans les négociations de l'OMC.
Je me demande ce que vous en pensez.
Deuxièmement, je crois savoir que nous commercialisons actuellement 11 p. 100 de nos produits agricoles dans le cadre du régime de gestion de l'offre. Les Américains demandent que ce pourcentage soit ramené à 1 p. 100. On a dit que le Canada avait déjà laissé entendre qu'il faudrait transiger à peu près à mi-chemin. Je ne suis pas au courant des négociations dans ce domaine, mais j'ai l'impression qu'on rend les armes avant même de combattre.
Qu'en pensez-vous? Est-ce que quelque chose m'a échappé?
[Français]
Le président: Monsieur Lebeau.
M. Serge Lebeau: Madame McDonough, je n'ai pas lu la déclaration des organisations. Selon moi, cependant, le fait de soutenir la gestion de l'offre n'assouplit pas la position du Canada, parce que les articles 31, 32, 33 et 34 du texte de juillet 2004 parlent de produits sensibles. Donc, en juillet 2004, tous les pays ont avoué qu'ils voulaient protéger, pour différentes raisons, certains secteurs de leur agriculture. Pour vous donner deux exemples, je vous dirai que le Japon n'a sûrement pas les mêmes raisons que nous de vouloir protéger son riz et que les Américains n'ont sûrement pas les mêmes raisons que nous de vouloir protéger leur jus d'orange. Il n'en demeure pas moins que les 148 pays signataires de l'entente de juillet 2004 ont accepté de mettre dans le texte plusieurs paragraphes, plusieurs articles sur les produits sensibles. Or, nous pensons que les produits sous gestion de l'offre s'inscrivent très bien dans la catégorie des produits sensibles.
Je ne pense donc pas qu'il y ait de honte à dire qu'il y a un secteur que l'on veut protéger pour diverses raisons, alors que l'on veut avoir recours à l'exportation pour d'autres secteurs. Je pense que plusieurs pays sont dans cette situation.
Je n'ai pas bien compris votre question au sujet des pourcentages. Je ne sais pas si vouliez parler des pourcentages de lignes tarifaires. Nous disons dans notre texte que nous avons besoin de 14 p. 100 de lignes tarifaires pour pouvoir avoir une marge de manoeuvre, alors que les Américains suggèrent 1 p. 100, les Européens suggèrent 8 p. 100 et le groupe du G10, mené par le Japon, la Suisse et la Norvège, suggère 15 p. 100. Nous serions à l'aise avec 14 p. 100, parce qu'à l'intérieur de cela, il y a tous les tarifs hors contingents, qui représentent 7,3 p. 100, et l'autre 7 p. 100 vise à protéger les lignes tarifaires intra-contingents. C'est un peu la mécanique qui prévaut, mais on a vraiment besoin de ces deux types de lignes tarifaires si on veut pouvoir jouer avec l'article 33, qui stipule que l'amélioration substantielle se fera via la diminution des tarifs. Comme je vous le disais précédemment, nous sommes prêts à diminuer les tarifs intra-contingents, mais nous ne sommes pas prêts à diminuer les tarifs hors contingents. On a besoin de ces deux types de lignes tarifaires; c'est pourquoi on a besoin de 14 p. 100.
 (1200)
[Traduction]
Le président: Vous voulez ajouter quelque chose, monsieur McCreery?
M. Liam McCreery: Oui.
Merci pour cette question, madame McDonough. Sur un plan très technique, vous avez demandé des chiffres: 90,7 p. 100 des agriculteurs canadiens ne sont pas soumis au régime de gestion de l'offre, et ils représentent 80 p. 100 de la valeur à la ferme.
Je voudrais parler un instant des produits sensibles sous un autre angle, pour répondre à votre question. Les produits les plus sensibles dans le monde sont les viandes, suivies par les céréales et les oléagineux. Si vous regardez cela sous l'angle canadien, nos principales exportations sont dans le domaine des céréales et des oléagineux, et ensuite dans celui du boeuf. Donc, quand on parle de produits sensibles, il faut bien comprendre que c'est un vrai problème pour les exportateurs, car lorsque nous essayons de pénétrer le marché du Japon, de la Corée, de la Norvège, de la Suisse ou de l'Union européenne, c'est pour exporter des produits qu'ils considèrent comme sensibles. Donc, il faut bien comprendre que c'est une arme à double tranchant. Et ce que nous faisons, à l'ACCAA, c'est voir cela en nous tournant vers l'extérieur. Ce sont de vrais problèmes auxquels nos producteurs sont confrontés quand ils essaient de s'implanter dans les marchés mondiaux les plus riches.
Nous avons un énorme déficit commercial avec l'Union européenne, la Corée et le Japon, et pourtant on ne nous permet pas affronter la concurrence sur leurs marchés dans les secteurs où nous sommes d'excellents producteurs, ceux des céréales et oléagineux et de la viande. Voilà notre point de vue. Quand nous parlons de produits sensibles, c'est une arme à double tranchant qui peut être vraiment dangereuse pour les exportateurs du Canada.
Le président: Merci.
Monsieur Clark, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Peter Clark: Très vite, ce communiqué de presse reprend l'éditorial du Globe & Mail, auquel j'ai écrit pour lui dire que j'étais étonné de voir à quel point le journal était mal informé sur ces questions. Si l'on réduit notre taxe sur les produits laitiers, à qui cela va-t-il profiter? Aux États-Unis, où les subventions sont de l'ordre de 2 $ la livre de beurre? Ou à la Nouvelle-Zélande, qui fait fonctionner en douce le New Zealand Dairy Board, qui est une forme de subvention illégale que l'Union européenne a contesté? Ce sont eux qui vont en profiter. Ce ne sera pas les pays en développement, parce qu'ils ne peuvent même pas respecter les critères de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Vous parlez de chiffres. Notre accès à l'Union européenne — et c'est une des remarques de Liam — n'est que de deux-dixièmes de 1 p. 100 pour le porc. Nous sommes censés avoir 5 p. 100. Si l'Union européenne avait voulu nous donner cet accès de 5 p. 100 pour le fromage, elle achèterait 330 000 tonnes de fromage de plus par an. Si le niveau était celui que nous avons consenti lors du Cycle d'Uruguay pour le fromage, ce serait 550 000 tonnes de plus.
Ce que je dis — et nous avons rédigé plusieurs textes là-dessus —, c'est que nous n'en avons pas eu pour notre argent au Cycle d'Uruguay. Nous avons payé cela en échange d'un accès au marché. Pourquoi allons-nous payer deux fois la même chose? Qu'on commence par nous donner ce que nous avons déjà acheté.
Le président: Merci, monsieur Clark.
Monsieur Easter.
L'hon. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.
À ce sujet, l'un et l'autre des témoins auraient-il des documents qui pourraient brosser le tableau de tous les pays qui ont respecté ce sur quoi ils s'étaient engagés au cours de la dernière ronde, c'est-à-dire ceux qui ont mené à bien leurs promesses, et ceux qui ne l'ont pas fait.
Monsieur le président, l'éventail des points de vue exposés ici aujourd'hui illustrent à quel point nos ministres et nos négociateurs à l'OMC se trouvent dans une position extrêmement difficile. D'une part, nous entendons certains témoins prôner l'inflexibilité la plus absolue. De l'autre côté, d'autres témoins affirment qu'il faut absolument conclure une entente. Puis, si vous saupoudrez le tout de politiques partisanes provenant de tous les partis, y compris du nôtre, vous avez là un tableau qui illustre parfaitement le dilemme dans lequel se trouvent le ministre et nos négociateurs. Et dans tout ce que nous avons entendu dire, il y a du vrai mais aussi de la fiction.
Vous savez tous que notre gouvernement a proposé une position équilibrée à laquelle ont souscrit les industries, et les producteurs. En juillet 2004, le ministre a même réussi à faire inscrire dans le cadre une catégorie des produits sensibles, qui pourraient être bénéfiques à tous, de notre point de vue.
Monsieur Clark, quelle devrait être notre stratégie? On peut ergoter longuement sur la question des élections. Mais le fait est que si les élections sont déclenchées parce que le gouvernement n'a plus la confiance de la Chambre... nous sommes tous d'accord pour dire que nous devrions envoyer là-bas un ministre. Mais si nous sommes en pleine campagne électorale les autres pays pourraient trouver notre ministre sans doute moins crédible. Cela vaut-il la peine d'envoyer un ministre, même si nous sommes en campagne électorale? À votre avis et à la lumière de votre expérience de négociateur, ferions-nous mieux d'y envoyer des fonctionnaires ou des négociateurs munis d'un mandat? Voilà ma première question.
Maintenant, voici ma deuxième. Imaginons un peu que cette discussion se tienne dans quelque temps... D'après les discussions que j'ai eues avec le secrétaire d'État Johannes, on semblerait considérer le démarrage du Farm bill américain comme... C'est-à-dire qu'une fois le Farm Bill adopté, les Américains prétendent avoir les mains liées pendant cinq ans. Est-ce vrai ou pas? Quelle marge de manoeuvre avons-nous si nous ratons l'échéance du Farm Bill américain et que nous nous heurtons aux manoeuvres politiques aux États-Unis?
Voilà mes deux questions qui s'adressent à tous.
 (1205)
Le président: M. Clark, puis M. McCreery.
M. Peter Clark: Merci.
Si vous voulez savoir qui a respecté ses engagements — je suis sûr que Liam lui aussi a de l'information — vous n'avez qu'à visiter notre site Web, à l'adresse www.greyclark.com. Vous y trouverez une présentation que j'ai faite au Club de la presse en septembre dernier et qui donne un aperçu de tous les produits et de tous les pays. C'est assez exhaustif.
En ce qui concerne le ministre, il est important d'envoyer là-bas un ministre, à mon avis. Les gens là-bas vont savoir que nous sommes en campagne électorale, mais il ne sauront pas qui gagnera l'élection. Bien sûr, ils pourraient décider de ne pas accorder à notre ministre ce qu'il demande, sous prétexte qu'il ne sera pas nécessairement réélu. Mais il me semble essentiel pour assurer notre crédibilité d'y envoyer un ministre. Il s'agit d'une réunion cruciale.
En ce qui concerne le Farm Bill américain, voici ce que j'en pense. J'analyse ce type de projet de loi depuis le milieu des années 80, et j'ai constaté qu'ils avaient donné lieu à beaucoup de compromissions et d'ententes de coulisses entre tels sénateurs et tels ou tels groupes de producteurs. Une fois que ces mesures législatives sont bloquées, vous vous trouvez obligés non pas de faire respecter les obligations internationales, mais plutôt de défaire les ententes conclues entre les politiciens américains. Or, on a bien vu le résultat, quand 49 sénateurs se sont entendus dans l'affaire du bois-d'oeuvre: ils nous ont placé dans une situation absolument intenable. Ainsi, si le Canada souhaite se débarrasser de certaines mesures, comme les paiements anticycliques, ce qui serait très important pour nous de façon générale, nous serions obligés d'oublier tout espoir avant 2012, s'ils étaient inscrits et bloqués dans le prochain Farm Bill.
Le président: Monsieur McCreery.
M. Liam McCreery: Merci, monsieur le président.
Je conviens évidemment avec M. Clark qu'il faut évidemment envoyer au moins un ministre à la réunion, et j'avoue être épaté de la façon si habile avec laquelle vous avez ajouté votre commentaire politique. Cent quarante pays forment l'OMC, et je suis sûr qu'ils accorderont à notre ministre ou à nos ministres tout le respect qui leur est dû, puisqu'ils sont ministres du gouvernement du Canada tant que le gouvernement n'aura pas changé.
Vous vous êtes demandé si les membres de l'OMC adhéraient aux règles. Malheureusement, oui. Si le cycle d'Uruguay a eu tant de succès, c'est parce qu'il existait dans l'agriculture un système d'échanges qui se fondaient sur des règles — c'était la première fois que l'on assistait à cela au GATT — et il nous avait fallu de 1947 à 1994 pour l'obtenir. Tout cela était très bon, mais on avait voulu ratisser trop large. Les règles qui existent ne sont pas assez strictes.
Vous devez comprendre que la plupart des pays respectent leurs obligations. Ils respectent aussi leurs taux de subvention. Il faut comprendre que bien des pays, comme le Japon, l'UE ou la Corée, peuvent augmenter leurs tarifs et que l'Union européenne et les États-Unis peuvent augmenter leurs dépenses faussant les échanges. Ces pays respectent les règles mais peuvent dépenser beaucoup plus. Voilà pourquoi il nous faut un accord bien meilleur à l'OMC, et la ronde de Doha nous offre l'occasion d'y parvenir.
[Français]
Le président: Monsieur Lebeau.
M. Serge Lebeau: Monsieur Easter, je vais répondre à deux de vos questions. Tout d'abord, en ce qui a trait aux engagements des pays, M. Peter Clark se fera sans doute un plaisir de vous transmettre les informations requises.
Ensuite, je suis tout à fait d'accord avec les deux collègues pour dire que la présence du ministre est essentielle. Je ne crois pas que le fait d'être en période électorale mette en cause sa crédibilité.
 (1210)
Le président: Merci.
[Traduction]
Merci beaucoup à tous nos témoins. Nous allons prendre une pause de cinq minutes environ, après quoi nous entendrons le CCCI et les représentants de Abolissons la pauvreté. Le déjeuner est servi dans la salle arrière.
 (1210)
 (1229)
 (1230)
Le président: Bien, nous reprenons la séance.
Nous accueillons M. Gerry Barr, président et directeur général du Conseil canadien pour la coopération internationale, accompagné de Gauri Sreenivasan, agente de politique de commerce; et M. Mark Fried, membre du comité de direction de Abolissons la pauvreté.
Bienvenue à tous les trois. Nous entendrons d'abord M. Barr.
M. Gerry Barr (président et directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale): Je vous remercie beaucoup, monsieur Patry.
Je me réjouis énormément de pouvoir participer à cette audience très importante avec mes collègues. Je tiens à dire que c'est vraiment malheureux que la réunion d'aujourd'hui représente la seule occasion pour le Parlement d’examiner une question aussi cruciale pour l’avenir de la politique commerciale canadienne. Cette audience est d'autant plus importante qu’elle est unique; et nous sommes vraiment heureux que vous nous ayez réservé du temps pour entendre ce que nous avons à dire.
Nous aimerions, chacun notre tour, vous préciser un peu le contexte dans lequel s’inscrit notre point de vue à l’égard de la position du Canada et de la façon dont celle-ci pourrait être améliorée. Mes collègues vous donneront des détails et feront des observations générales sur les principaux sujets de négociation.
Vous avez reçu, je l’espère, le document d’information du CCCI sur la conférence de Hong Kong, qui vous donnera des renseignements supplémentaires, vu qu’il est impossible de tout voir en détail aujourd’hui.
Tout d'abord, j’aimerais souligner que l’OMC a connu deux échecs spectaculaires : soit une crise de confiance dans le système commercial multilatéral et la progression de la pauvreté dans le monde. Ceci a poussé les gouvernements à s’engager à discuter spécifiquement de développement dans le cadre du Cycle de Doha.
Les négociateurs doivent donc changer leur mode de pensée, ce qui n'est pas facile. L’accent ne doit plus être mis sur l’accès aux marchés et sur les concessions mutuelles. Bien que ce soit un virage difficile, ce n’est pas une chimère de penser qu’on peut le prendre. Les citoyens et les ONG y croient beaucoup. Par exemple, plus de 250 000 Canadiens se sont mobilisés grâce au site Internet « Abolissons la pauvreté » et demandent que l’on s’efforce d’instituer, avec les échanges commerciaux, des pratiques qui favoriseront le développement.
Le commerce est vital pour l'économie canadienne. On croit fermement, et avec raison, qu’il peut apporter prospérité et richesse à la population, mais on a adopté une approche mixte et équilibrée en matière d’échanges commerciaux. Au départ, le Canada a bâti sa capacité industrielle en établissant des partenariats, en contrôlant la propriété étrangère et en fixant des exigences pour la production locale –– le Pacte de l’automobile en est un exemple. Dans l’agriculture, on a rendu certains secteurs compétitifs pour l’exportation et on a décidé que d’autres, comme ceux de la volaille et des produits laitiers, devaient d'abord répondre à la demande intérieure.
On a également pu constater la vulnérabilité des marchés d’exportation et notre trop grande dépendance à leur égard — comme dans l'industrie du bœuf — et que les règles du commerce international ne valent pas grand-chose quand des pays puissants décident de ne pas les suivre.
Étant donné son expérience et son modèle d’économie mixte, on pourrait penser que le Canada est un défenseur et un allié naturel des pays du Sud lorsqu’il s’agit d’établir un plan de développement. Ces pays ont la même approche mixte en matière d’échanges commerciaux que nous. Ils ont intérêt à promouvoir vigoureusement leurs exportations. De plus, ils cherchent de l’aide pour protéger, favoriser et diversifier leurs capacités industrielle et agricole afin d’augmenter leur compétitivité à l’échelle mondiale et protéger leurs agriculteurs, qui représentent la majorité de leur population et sont vulnérables — comme le Canada l’a déjà fait dans le passé. Mon discours pourrait vous amener à croire que nous avons beaucoup de points en commun avec les pays en voie de développement. Pourtant, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas fait du bon travail pour trouver des alliés afin d’atteindre l’objectif clair que nous partageons avec les pays du Sud pour un commerce international plus juste.
Le discours officiel, c’est que la plupart des gains amenés par la libéralisation des échanges seront dus à l’ouverture des frontières pour tous les secteurs, que c’est bon pour le développement à long terme, et que si nous imposons des réductions moins importantes aux pays en voie de développement ou que nous leur accordons des délais un peu plus longs en matière de réduction des tarifs douaniers, par exemple, ils en retireront des bénéfices. Mais franchement, la preuve que ces mesures sont profitables s’amenuise de plus en plus à mesure que nous avançons dans cette année de négociation. La Banque mondiale a récemment et radicalement révisé à la baisse ses prévisions sur les bénéfices retirés par les pays en voie de développement dans l’éventualité de l’application de scénarios de libéralisation totale du commerce, les faisant passer de 539 milliards — tel qu’annoncé à la conférence de Cancun en 2003 — à seulement 90 milliards. De plus, des études démontrent que les bénéfices seraient très probablement concentrés dans quelques-uns des plus grands pays en voie de développement.
De plus, les scénarios de la Banque mondiale reposent très probablement sur les scénarios du Cycle de Doha, qui ne proposent pas une libéralisation totale : ils prédisent au mieux un gain de 3 $ par personne et par an pour les pays en voie de développement, soit moins d’un sou par jour. Selon d’autres modèles, on prévoit des gains de moins d’un quart de sou par jour. Je crois que ces chiffres redéfinissent radicalement et fondamentalement la notion d’ambition dans les pourparlers sur les échanges commerciaux.
Les bénéfices sont censés provenir aussi de la réduction des subventions qui faussent les échanges, et c’est là une partie extrêmement importante du plan de développement. Le Canada fait bien d’insister pour qu’il soit établi; mais les discours ne se traduisent pas par des gestes concrets, et je ne suis pas le seul à penser ainsi.
En outre, on propose de l’assistance technique pour réduire le coût associé à la transition vers l’ouverture des marchés et pour développer les compétences. Bien que cette aide soit utile et importante, il faut aussi que l’on tienne compte de la question du développement dans l’établissement des règles du commerce. Les pays du Sud ont besoin qu’on leur donne les outils nécessaires pour gérer l’accès aux marchés internationaux. Sans les tarifs douaniers, aucun renforcement du pouvoir de négociation commerciale ni aucune nouvelle technique agricole n’aidera les modestes éleveurs de poulets du Ghana à concurrencer les Européens, qui vendent des morceaux de poulet congelés aux deux tiers du prix du marché.
Ce n'est pas un problème de connaissances ni de capacité. Cela en est clairement un de pratiques déloyales et de politiques agricoles insensées prévalant dans le Nord, qui encouragent la surproduction et le dumping soutenu.
J’aimerais qu’on n’établisse pas un plan de libéralisation trop ambitieux, mais qu’on adopte plutôt une approche intelligente qui donnerait plus de pouvoir aux pays en voie de développement, pour qu’ils puissent décider où et quand ils veulent et peuvent ouvrir leurs frontières, et pour qu’ils soient capables de mieux se défendre contre les pratiques déloyales en matière d’échanges commerciaux, comme le dumping, qui ne cesseront probablement pas cette décennie. Si ces pratiques subsistent, que peuvent faire les pays en voie de développement? Essuyer les coups année après année, quand en fait, on pourrait mettre en place des mécanismes de défense simples et économiques?
Nous, les ONG – qui nous intéressons aux problèmes liés aux échanges commerciaux, au manque de solidarité et au développement –, surveillerons le Canada pour nous assurer qu’il adopte la bonne approche à Hong Kong, c’est-à-dire qu’il appuie un accord, qu’il soit conclu à Hong Kong ou six mois après, s’il est vraiment pour le développement. Par ailleurs, nous vous exhortons, ainsi que le ministre et les fonctionnaires qui participent aux pourparlers, à refuser de signer un accord qui ne favorise pas clairement le développement économique des pays du Sud.
Même si nous devons réviser nos attentes à la baisse pour la conférence de Hong Kong, nous croyons encore à la possibilité qu’un accord soit conclu en 2006; nous serons donc au rendez-vous. Comme le Parlement n’examine pas minutieusement ce qui se passe dans les étapes préliminaires, nous pensons qu’il devrait au moins débattre de cet accord en 2006, avant sa signature.
Le président: Merci.
Madame Sreenivasan.
Mme Gauri Sreenivasan (agente de politique de commerce, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci, monsieur le président. Gerry et moi sommes convenus de partager le temps accordé au CCCI.
En décrivant ce qui, selon nous, constitue une démarche plus équilibrée pour le Canada en matière de négociations commerciales et la nécessité pour le Canada de s'identifier plus clairement à un certain nombre de propositions de développement provenant de pays en développement, nous entendons voir ce que cela pourrait signifier plus particulièrement pour l'agriculture, par exemple. Je sais que vous avez eu une longue séance sur cela, juste avant la comparution du groupe de témoins actuels.
Permettez-moi de vous rappeler qu'en ce qui concerne les échanges, le dossier du développement comporte au moins deux dimensions. Il y a l'offensive, c'est-à-dire une série d'intérêts portant sur un accès accru au marché pour les exportations provenant du Sud, et il y a la dimension défensive, critique pour la survie des exploitations agricoles. Il convient de rappeler que 90 p. 100 des produits agricoles de la planète ne sont absolument pas destinés au commerce international. Ces produits sont cultivés ou, s'il s'agit de bétail, élevés, pour les marchés de proximité. Cela signifie que les priorités en matière de commerce intérieur représentent, de loin, la part du lion des préoccupations des agriculteurs et des exploitations agricoles de la planète.
Voici un bref aperçu du rapport récent de la Commission pour l'Afrique, présenté au G-8. Les cultures d'exportation de l'Afrique représentent un revenu annuel de 17 milliards de dollars pour le continent, revenu indispensable, il va sans dire. Toutefois, la commission a précisé que le développement des marchés locaux donnerait aux petits exploitants et aux autres agriculteurs démunis de meilleures possibilités de vendre des aliments ainsi que l'occasion de diversifier leurs cultures et d'en entreprendre des nouvelles. Selon la commission, en corrigeant les distorsions des échanges, et en réduisant les goulots d'étranglement d'infrastructure intérieure afin de rendre accessibles les marchés de proximité, le marché intérieur de l'Afrique pourrait valoir 50 milliards de dollars par année, comparativement aux 17 milliards provenant de l'exportation des produits agricoles. Pour le secteur de l'agriculture, donner aux démunis accès à leurs marchés locaux est absolument essentiel pour le développement. Malheureusement, ce n'est pas là-dessus que se braquent les projecteurs lorsque la discussion porte sur le développement à l'OMC.
Il est important que le Canada sache que, dans le monde entier, les groupes agricoles auprès desquels s'activent les ONG du développement ainsi que les universitaires s'intéressent énormément aux leçons à tirer des mécanismes canadiens de commercialisation dirigés par les agriculteurs. Le véritable modèle canadien, son vrai programme agricole, c'est celui de cette approche mixte de l'agriculture, comme Gerry l'a dit. Nous croyons que le Canada devrait être fier de cette démarche mixte en agriculture et qu'il devrait activement en faire la promotion.
À cette fin, nous devrions clairement agir en qualité de défenseurs d'une approche plus intelligente de la libéralisation, et non d'une approche a priori plus enthousiaste de la libéralisation, comme en a parlé Gerry. Nous devons nous concentrer sur le pouvoir des pays en développement de choisir leur propre voie. Selon nous, nous ne pouvons certainement pas nous attendre au moindre soutien de la part du Nord ou du Sud pour avoir la souplesse de maintenir nos intérêts défensifs et vitaux concernant la Commission canadienne du blé ou la gestion de l'offre tant que nous demandons aux pays en développement plus et encore plus d'ouverture des marchés. C'est à cette hypocrisie qu'il faut mettre fin. Il est crucial que, dans ces négociations sur le développement, les pays du Nord soutiennent ces propositions défensives favorables au développement afin d'obtenir la souplesse nécessaire, et qui serait mieux placé qu'un pays qui cherche à obtenir ces mesures pour lui-même?
Quelles sont, plus précisément, les propositions que le Canada pourrait appuyer?
[Français]
Premièrement, on doit mettre fin au dumping. Les règles du commerce international doivent interdire la vente à perte de produits agricoles. L'Europe et les États-Unis vendent leur blé à des prix qui sont parfois de 40 p. 100 inférieurs au prix de revient. Les fermiers de tous les pays, y compris le Canada, subissent des pertes lorsque le prix mondial baisse ainsi de manière inéquitable.
Le Canada, qui milite avec les pays en développement pour l'élimination des subventions malsaines, doit redoubler d'efforts. Les politiques agricoles des États-Unis et de l'Union européenne augurent probablement encore cinq à dix ans de dumping.
[Traduction]
Les propositions présentées jusqu'à présent pour Hong Kong sont ridicules en ce qui concerne la réduction des subventions. Selon nous, tout nouvel accord doit assurer que les subventions à l'exportation des pays riches soient éliminées — et le Canada travaille là-dessus — mais que l'on doit également prévoir des pénalités pour les pays qui continuent d'y recourir. Nous croyons que les règles doivent permettre aux pays en développement de défendre les marchés de proximité en percevant des droits sur les importations agricoles vendues à un prix inférieur à leur coût de production. Cette idée, l'utilisation de droits tarifaires de cette façon, n'est pas une proposition qu'a soutenue le Canada, mais elle est dans notre intérêt et nous devrions l'appuyer.
En ce qui concerne la formule même des droits tarifaires, sans verser dans le jargon technique, disons que le Canada soutient une démarche très agressive pour réduire les tarifs. Il nous faut des propositions qui prévoient beaucoup plus de souplesse pour le Sud. Il nous faut un nombre beaucoup plus généreux de paliers pour catégoriser les droits tarifaires pour les pays en développement, et il nous faut des réductions qui correspondent au moins aux deux tiers du taux des pays industrialisés.
Troisièmement, après le dumping et la formule des tarifs, passons aux propositions sur la sécurité alimentaire. Les pays en voie de développement ont présenté un certain nombre de propositions précises qui n'ont même pas réussi encore à se tailler une place à la table des négociations. L'une d'elles inclut des exemptions des réductions pour les cultures désignées essentielles pour la sécurité alimentaire. La deuxième traite d'un mécanisme de protection qui permettrait au gouvernement de répondre aux poussées des importations au moyen de droits simples. Il s'agit, là encore, de petits moyens de défense des agriculteurs concurrentiels non exportateurs en ce qui a trait aux cultures essentielles pour la sécurité alimentaire. Officiellement, le Canada a dit que, oui, il comptait appuyer ces propositions, mais les délégués des pays en voie de développement nous apprennent que, malheureusement, jusqu'à présent, le Canada n'est pas encore perçu comme un allié pour ces propositions, et il est un peu tard pour commencer à accorder notre appui. Nous ne devons pas toujours insister sur des retours d'ascenseur pour ce type de flexibilité et nous devons les traiter de façon généreuse. Ce sont les critères de ce type que des ONG comme le CCCI surveilleront à Hong Kong.
En dernier lieu, si vous me permettez de prendre encore une minute avant de céder la parole à Mark, je tiens à parler brièvement, outre l'agriculture, de certaines propositions spéciales présentées par les pays les moins avancés en ce qui concerne le « traitement spécial et différencié ». Les dispositions commerciales de traitement spécial et différencié sont considérées comme un engagement clé du programme de développement de Doha, mais chacune des échéances concernant ces propositions a été ratée depuis le début du cycle de négociations. À la ministérielle de Cancun, en 2003, les 88 propositions qui, à l'origine, devaient faire l'objet de discussions avaient été réduites à 28. En mai dernier, il n'en restait plus que cinq que les pays étaient prêts à examiner. Nous nous retrouvons donc, avant de passer à Cancun, à cinq propositions visant à apporter une mise au point sur le traitement spécial et différencié des pays les plus démunis de la planète, et pourtant les pays riches se plaignent encore du fait que ces cinq dernières propositions sont trop ambitieuses et de trop vaste portée.
Je peux vous fournir des exemples de ces propositions en réponse à vos questions, si vous voulez. L'une d'elles, par exemple, prévoit d'exempter les pays les moins avancés de l'accord de l'OMC sur les mesures concernant les investissements liées au commerce, accord qui interdit certains types de stratégies politiques industrielles. Les pays riches trouvent cette exemption contestable, même si tout le monde reconnaît que, pour que les pays les moins avancés sortent de leur situation, ils doivent pouvoir diversifier leurs industries.
Pas plus tard qu'hier, lors d'une table ronde avec le ministre, le Canada a refusé de dire qu'il soutiendrait ces cinq dernières propositions. Nous croyons qu'il s'agit d'une question sur laquelle il devrait y avoir des progrès avant toute autre chose à Hong Kong. Nous tenions donc à le signaler également.
Voilà. Je m'arrête ici.
 (1245)
Le président: Merci.
Monsieur Fried, à vous.
M. Mark Fried (membre, Comité de direction, Abolissons la pauvreté): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci beaucoup de me donner l'occasion de m'exprimer, au nom de la campagne Abolissons la pauvreté, sur le rôle du Canada dans le négociations de l'OMC.
Je suis les négociations d'assez près pour Oxfam Canada, mais je suis également membre du comité de direction de la campagne Abolissons la pauvreté. Je représente donc également ici plus de 700 organismes et environ 250 000 Canadiens qui ont appuyé cette campagne. Nous sommes peut-être surtout connus pour avoir combattu afin d'obtenir une aide accrue et améliorée et d'avoir particulièrement mis l'accent sur l'objectif de 0,7 p. 100. Nous croyons également que l'aide ne saurait fonctionner tant que les règles du commerce international qui défavorisent les pays pauvres n'auront pas été modifiées.
Je travaille pour Oxfam et, à l'instar de nombreuses ONG, nous nous battons contre la pauvreté. Nous ne nous contentons pas de réclamer des modifications à la politique gouvernementale pour mieux lutter contre la pauvreté, nous investissons également des millions de dollars tous les ans à cette fin, des dollars que nous remettent les Canadiens. Nous trouvons donc désespérant d'entendre nos partenaires au sein des gouvernements des pays en voie de développement et les négociateurs de ces pays à Genève nous dire que le Canada ne soutient pas du fond du coeur le développement à l'OMC.
Comme l'a dit Gauri, nous avons rencontré les ministres Peterson et Carroll hier. Nous n'avons pas eu besoin de les convaincre du fait que le développement est la raison d'être de ce cycle de négociations. Ils ont parlé avec émotion de l'engagement du Canada à parvenir à un accord favorable au développement à Hong Kong, mais il semble qu'il y ait rupture entre ce discours et l'impression qu'ont les pays en voie de développement quant au rôle du Canada. Il se peut que, lorsqu'on s'arrête au détail de ce que fait le Canada, et non de ce qu'il dit, on ne parvient pas à la même interprétation.
D'après ce que nous pouvons voir, il y a une question concernant le développement pour laquelle le Canada a adopté une position nettement favorable au développement, comme l'a dit Gerry, et elle est d'importance cruciale. Il s'agit de la lutte contre les subventions, contre le dumping par les États-Unis et l'Union européenne dans le secteur de l'agriculture. Le Canada agit de façon louable et il devrait poursuivre et insister pour parvenir à un résultat ambitieux.
J'ai ici un rapport que je suis prêt à vous transmettre, si cela vous intéresse, qui confirme l'analyse que fait Oxfam des propositions actuelles dans le secteur de l'agriculture et les propos de Peter Clark, ce matin, à savoir qu'il n'y a pas grand-chose là dedans pour l'instant.
L'attitude du vice-président relativement aux autres questions de développement donne l'impression que, comme d'autres pays riches, le Canada accorde la priorité aux gains commerciaux à court terme, qu'il accorde plus de priorité à cela qu'aux mesures qui permettraient aux démunis de se sortir de la pauvreté. Le Canada exerce des pressions auprès des pays en développement pour qu'ils réduisent radicalement les tarifs et il cherche à renier toutes les mesures de traitement spécial et différencié que les pays en développement ont réussi à maintenir à la table des négociations. Je crois que non seulement cette démarche est lacunaire par rapport à notre engagement pour le développement, elle mine également notre capacité à établir une alliance solide contre l'Union européenne et les États-Unis en ce qui a trait aux subventions.
Les représentants du Canada justifient leur démarche en affirmant que la réduction des tarifs entraîne un accroissement des échanges et que les échanges mènent au développement. Combien j'aurais aimé que ce soit si simple. Il n'est pas logique pour des pays comptant de vastes nombres de personnes démunies dans les régions rurales de réduire les tarifs sur les cultures alimentaires de première nécessité, surtout tant que les États-Unis et l'Union européenne maintiennent leur régime de subventions excessives. Pour les biens industriels, le problème est le même. Comment un pays peut-il permettre à une industrie de prendre son essor s'il ouvre grand la porte aux importations étrangères bon marché? Les pays qui ont réussi à réduire la pauvreté — nous pourrions inclure le Canada parmi eux, mais il y a eu plus récemment la Corée, Taïwan et même le Vietnam — ont réduit leurs tarifs lentement et de façon sélective. À mesure où ils s'enrichissent, ils libéralisent le marché des produits et des secteurs devenus concurrentiels.
Les fonctionnaires de l'ACDI et ceux du gouvernement du Canada qui s'occupent de développement sont bien conscients des constatations faites à ce sujet. Ils comprennent que les tarifs élevés et variables représentent un outil de politique essentiel pour les gouvernements des pays en développement et savent que les tarifs sont devenus encore plus importants du fait que d'autres outils de la politique industrielle ont été retirés du fait des contraintes de l'OMC et d'autres règles. Toutefois, nos négociateurs ne reconnaissent pas cela ouvertement et je crains que ce soit parce que ce point de vue est en conflit avec leur vision des intérêts commerciaux à court terme du Canada. Comme l'a dit ce matin Liam McCreery, de l'ACCAA, les obstacles tarifaires élevés auxquels les exportateurs canadiens sont confrontés ne se trouvent pas dans les pays démunis, ils existent dans les pays les plus riches. Le Canada ferait bien de renoncer à ses exigences concernant la réduction des tarifs des pays démunis.
Je voudrais très brièvement parler des négociations sur l'accès au marché des produits non agricoles — c'est-à-dire les négociations sur les tarifs industriels, pour vous en donner une idée.
Dans le mandat, lorsqu'on parle de réduction tarifaire, on dit qu'il ne faut pas qu'il y ait tout à fait pleine réciprocité, ce qui signifie que les pays en développement ne devraient pas avoir l'obligation de donner autant que les pays industrialisés. Je vous avoue franchement qu'il est difficile de voir pourquoi les pays en développement devraient donner quoi que ce soit. Ce cycle de négociations est censé porter sur le développement et c'est un cycle du développement parce que lors du cycle d'Uruguay, les pays en développement n'ont fait que perdre du terrain. Ils n'ont rien gagné du tout.
 (1250)
Il n'en reste pas moins que les pays riches, y compris le Canada, ont tenu à préconiser une formule de réduction tarifaire, appelée la formule Suisse simple, qui imposerait les réductions tarifaires les plus rigoureuses aux pays en développement et non aux pays riches, et je pourrais vous fournir des détails en répondant à vos questions, si cela vous intéresse. Naturellement, les pays les plus démunis, particulièrement en Afrique, ne sont pas prêts de souscrire à une entente de ce type et c'est une raison de plus pour laquelle les choses ne progressent pas aussi rapidement vers les négociations de Hong Kong qu'elles le devraient. Les pays en développement ont présenté des solutions de rechange raisonnables pour les négociations, mais, jusqu'à présent, le Canada a refusé de les appuyer.
Nous pensons que les objectifs commerciaux du Canada devraient être compatibles avec son soutien au développement, mais il faut que le Canada fasse preuve de plus de souplesse à cet égard. Dans le cas des négociations pour les services, par exemple, plutôt que d'accepter les propositions des pays en développement, qui permettrait à ces derniers de protéger leur capacité de réglementer l'investissement étranger, afin d'assurer que les démunis aient accès à des services essentiels, le Canada réclame des règles qui protégeraient les privilèges des entreprises étrangères. Je trouve que le Canada doit adopter une approche plus souple.
Un des problèmes les plus importants de la démarche du Canada dans ces négociations, c'est qu'elle mine l'efficacité de notre stratégie visant à mettre fin aux pratiques commerciales déloyales de l'Europe et des États-Unis, parce qu'elle fait obstacle à nos alliances avec les pays en développement. Si le Canada adoptait une stratégie plus favorable au développement, il renoncerait à ses exigences d'accès au marché des pays en développement et consentirait à soutenir de façon un peu plus explicite leurs principales propositions. Le Canada pourrait alors être un allié plus crédible dans la lutte contre les subventions agricoles.
Gerry a parlé de l'aide au commerce. J'ai également un document ici à ce sujet, que je serais ravi de vous remettre, si cela vous intéresse. Nous sommes certainement d'accord pour dire que l'aide ne saurait remplacer la modification des règles.
En conclusion, certains d'entre vous se rappellent que, lors de ma dernière comparution devant le comité, en juin, j'ai fait état de nos préoccupations en soulignant que les intérêts commerciaux à court terme des entreprises canadiennes à l'étranger peuvent parfois entrer en conflit avec notre intérêt public à lutter contre la pauvreté mondiale. J'insiste sur l'expression « à court terme », parce que je crois que promouvoir des règles des échanges qui favorisent le développement est un objectif commercial viable. Cela prendra peut-être plus de temps, mais aider les pays pauvres à devenir des partenaires commerciaux stables et prospères permettra, à moyen terme, d'accroître notre propre prospérité. Par contre, les réductions tarifaires radicales que le Canada cherche à obtenir auprès des pays pauvres nous permettront peut-être de vendre à l'étranger quelques produits de plus pendant quelques années, mais au bout du compte, cela ne peut mener qu'à la nécessité d'augmenter encore l'aide au développement plutôt que de donner aux pays démunis la possibilité de se sortir dignement de la pauvreté.
Merci de m'avoir écouté. Je serais ravi de répondre à vos questions.
 (1255)
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous aurons maintenant un tour de table où chaque parti aura cinq minutes pour ses questions et ses réponses. Nous commençons par Mme Guergis.
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'aujourd'hui de leurs allocutions. Elles étaient très intéressantes.
Dans le Times Colonist de Victoria d'aujourd'hui, je lis la manchette suivante: un représentant de l'ONU se moque de l'aide accordée par le Canada. Dans l'article, on reproche à Paul Martin de ne pas joindre le geste à la parole. Malgré les énormes excédents budgétaires qu'affiche ce gouvernement libéral tous les ans, comment se fait-il, selon vous, que nous n'arrivons pas à obtenir de ce gouvernement qu'il prépare ne fusse qu'un plan pour parvenir à 0,7 p. 100? En avez-vous la moindre idée? Je cherche désespérément pour essayer de comprendre pourquoi il en est ainsi, et je cherche quelqu'un qui pourrait...
M. Gerry Barr: C'est un mystère opaque pour le monde entier, et je crois que notre incapacité à nous sortir de notre immobilisme dans ce dossier est corrosive pour nos relations internationales. Les pays en développement n'y comprennent rien. Ils ne comprennent pas pourquoi le Canada est incapable d'avancer. Lorsque nous nous présentons à des tribunes telles que Hong Kong avec des propositions, ces propositions subissent les conséquences de notre position et notre crédibilité comme intervenant international est certainement affectée par notre incapacité à cesser de faire preuve d'une délinquance internationale manifeste lorsqu'il s'agit de respecter nos responsabilités de donateur, comparativement à d'autres pays donateurs.
Oublions le chiffre de 0,7 p. 100. Non, pas vraiment, mais oublions-le seulement pour un instant. Songeons à l'idée d'une cible de 0,5 p. 100, c'est-à-dire 0,5 p. 100 d'ici à 2010, objectif provisoire établi par de nombreux pays dans le monde. M. Martin a fait preuve d'un certain enthousiasme à l'idée de cibles provisoires. M. Goodale a lui même dit quelques mots favorables au sujet des cibles provisoires. Les deux tiers des pays donateurs, je dis bien les deux tiers, se sont déjà engagés à atteindre la cible provisoire de 0,5 p. 100 d'ici à 2010 ou se sont engagés à maintenir leur niveau de dépenses à 0,7 p. 100 ou plus, ou encore se sont engagés à parvenir à 0,7 p. 100 d'ici à 2015. Voilà donc pour les deux tiers des pays donateurs.
Au sein de ce groupe, le Canada a l'économie la plus robuste et il est incapable d'avancer.
Mme Helena Guergis: Je voudrais encore préciser deux ou trois choses. Permettez-moi donc de prendre encore un peu la parole.
Comme vous le savez, ce comité entier a adopté une motion en vertu de laquelle nous demandions un projet de plan pour parvenir à 0,7 p. 100, un document que le comité pourrait examiner et dont nous pourrions parler et discuter, au sujet duquel nous pourrions même amener les Canadiens à discuter d'idées diverses sur la façon de parvenir à 0,7 p. 100.
Je suis sûre que, samedi matin, nous allons tous nous réveiller et ouvrir nos journaux pour voir une autre photo du premier ministre ou de Mme Carroll en compagnie de Bono, tout sourire. Cela représente quoi? Probablement la quatrième photo que nous avons vue à ce sujet? Et pourtant, nous n'avons toujours pas de plan.
On voit le gouvernement s'engager à toutes sortes de dépenses: 30 milliards de dollars de dépenses budgétaires au printemps, 30 milliards de dollars de plus pour le budget de la semaine dernière et, ces derniers jours, d'autres annonces encore représentant aussi des milliards de dollars. Je regarde cela et je me demande ce que cela signifie. Parvenir à 0,7 p. 100 me semble presque impossible avec toutes les dépenses que nous faisons.
Je suis curieuse de savoir où cela mène la promesse canadienne, la possibilité réelle d'au moins parvenir à 0,7 p. 100, lorsque nous voyons tous, vous et moi, que ces dépenses sont faites, mais qu'on ne déploie aucun effort de plus pour essayer de parvenir à 0,7 p. 100. Cela est extrêmement frustrant.
· (1300)
Le président: Monsieur Barr, à vous la parole.
M. Gerry Barr: Comme je le disais plus tôt, je crois que notre incapacité à agir adéquatement en ce qui concerne ce dossier nuit à notre capacité de bien fonctionner et a une incidence dans le contexte des négociations multilatérales telles que celles de Hong Kong.
En ce qui a trait au rapport numéro 12 de ce comité, qui recommandait à la fois une stratégie pour parvenir à 0,7 p. 100 et des mesures législatives sur l'aide au développement, permettez-moi d'ouvrir une brève parenthèse pour dire merci au comité. C'était un geste remarquable. Nous vous en avons su gré — vous ne sauriez imaginer combien — dans les divers milieux de la société civile au Canada. Tout ce que je peux dire, c'est que le déficit démocratique doit être encore plus grave que même M. Martin ne le pensait, puisqu'il n'existe aucun plan d'action gouvernementale axé sur la volonté nette et évidente du Parlement.
Le président: Merci.
Mme Helena Guergis: Merci.
[Français]
Le président: Madame Lalonde, c'est à vous.
Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Je vous remercie, monsieur le président. Je dois tout d'abord signifier ma satisfaction d'entendre ma prédécesseure parler ainsi du taux de 0,7 p. 100.
Votre témoignage à tous trois est très troublant. Je veux commencer par la conclusion et vous inviter à développer là-dessus. Vous avez dit qu'il fallait un bon accord ou ne rien signer. On peut lire, aux quatre dernières lignes, qu'on ne sait pas quelle sera la portée ni le degré de clarté de l'accord de Hong Kong, qu'il faut que le cycle de Doha effectue un virage décisif s'il doit se pencher sérieusement sur les problèmes de développement et d'élimination de la pauvreté, et que si l'accord proposé à Hong Kong ne répond pas à ces critères, le Canada doit refuser de signer
Nous devions parler du mandat des négociateurs. On a un certain mandat quant à la gestion de l'offre, et j'en suis satisfaite.
On parle aussi de développement. D'après vous, quelles sont les exigences indispensables qui, si elles ne sont pas satisfaites, devraient empêcher le Canada de signer? Pourquoi dites-vous qu'il vaut mieux ne rien conclure plutôt que signer un mauvais accord?
[Traduction]
Le président: Monsieur Fried.
M. Mark Fried: Je vous remercie de votre question.
Beaucoup de facteurs interviennent; de fait, nous avons fait une longue liste des choses que nous voulons voir là, et nous serons heureux de vous la faire parvenir. Il y a environ 25 points différents que nous estimons être des normes minimales. Chose plus importante encore, dans le dossier de l'agriculture, il faut apporter des réductions radicales du soutien intérieur accordé aux États-Unis et dans l'Union européenne car cela leur permet de commercer de manière déloyale et de nuire sérieusement aux paysans les plus pauvres.
Aussi bien dans le dossier de l'agriculture que celui des droits de douanes sur les produits industriels, il doit y avoir suffisamment de flexibilité pour que les pays pauvres puissent employer leur politique commerciale pour lutter contre la faim et la misère. Quant à savoir ce que l'on entend par flexibilité suffisante, vous pouvez vous pencher sur les questions techniques et les chiffres et je serai heureux de le faire avec vous mais c'est une discussion qui demandera plus de temps.
Je pense que ce sont les deux secteurs clés.
Peut-être voulez-vous ajouter quelque chose, Gauri.
[Français]
Mme Gauri Sreenivasan: J'aimerais simplement ajouter que la position du conseil et celle de la campagne Abolissons la pauvreté demeure la même en ce qui concerne le Cycle de Doha dans son ensemble. Par contre, les attentes ont changé à l'égard de la réunion du mois de décembre. On avait prévu un texte destiné à exprimer son appui ou son désaccord. Ce n'était pas le texte final, mais il était du moins accompagné de chiffres clés. Il portait sur tous les chapitres des négociations.
Maintenant, nous ne savons pas de quoi il va s'agir. Nous savons en revanche que ce ne sera pas un texte accompagné de tous les chiffres. Il est clair que les ministres vont essayer de dépasser le point où nous sommes maintenant. Il ne s'agira pas non plus d'un texte consistant uniquement à redire où nous en sommes. À Hong Kong, nous allons essayer de prendre des décisions. Malgré l'absence de chiffres finaux en matière d'agriculture, nous pourrions convenir d'opter pour une formule d'un certain genre et déterminer que les chiffres se situent dans une fourchette donnée.
Un texte comme celui-là peut faire en sorte d'éliminer les possibilités en matière de développement, comme il peut garder ces dernières à l'ordre du jour. Encore là, il est important qu'à Hong Kong, le Canada ne prenne aucune mesure faisant en sorte qu'on abandonne l'objectif mentionné plus tôt par Mark. Il pourrait s'agir de l'arrêt d'une date précise pour l'élimination des subventions à l'exportation ou d'une formule qui, par sa forme seulement, empêcherait les pays en développement de se servir des tarifs comme outils.
Il va donc falloir vérifier en quoi consiste le texte de Hong Kong. Il est encore possible que celui-ci comporte des dangers ou qu'il soit progressif. Nous savons qu'il ne s'agit pas du texte final. Il va falloir, néanmoins, en surveiller la formulation de très près, de façon à s'assurer que les décisions prises vont dans le sens du développement. Nous sommes d'avis qu'à cet égard, la tournure prise par les négociations n'est pas encourageante, pour le moment.
· (1305)
Le président: Merci.
Monsieur Easter.
[Traduction]
L'hon. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.
Ne vous laissez pas abuser par les inquiétudes exprimées par nos vis-à-vis au sujet de l'aide au développement. Si jamais il devait y avoir des élections et s'ils devaient les remporter, elle disparaîtrait d'un coup de baguette magique.
Vous avez suivi d'assez près le cycle de Doha. Pourquoi à votre avis les négociants en ont-ils tant contre la gestion de l'offre au Canada?
Il ne fait pas de doute qu'il y a beaucoup de pauvreté rurale dans le monde. Ici même, les producteurs primaires font face à une crise du revenu agricole. Le gouvernement a essayé d'y faire face en versant des paiements qui ont atteint des records. De fait, j'ai fait une tournée dans les pays pour discuter de cette question et j'ai fait des recommandations.
Il y a quelque chose que William Heffernan a dite qui m'a frappé: « La puissance économique, et non l'efficacité, c'est ce qui permet de prédire la survie dans le système. » Je pense qu'il y a beaucoup de vérité là-dedans.
Nous avons réussi à faire quelque chose au Canada avec notre système de gestion de l'offre. Dans les années 60, nous avons vu qu'il y avait un problème. Le marché n'était pas efficace et nous avons essayé d'équilibrer la puissance sur les marchés. Cela a profité indistinctement aux consommateurs et aux producteurs. Par contre, on s'aperçoit que ce système, qui marche si bien ici, subit des attaques de l'étranger.
Vous avez suivi de très près le cycle de Doha. Avez-vous des choses à dire sur la question?
M. Mark Fried: Merci. Oui.
Je voudrais faire écho à ce que Peter Clark a dit ce matin. Pour les agriculteurs des pays pauvres, le problème ce ne sont pas les subventions, c'est le dumping. Les subventions peuvent mener au dumping mais elles ne mènent pas forcément à exporter en deçà du coût de production. Les États-Unis et l'Union européenne ont conçu leurs régimes de soutien agricole de manière à permettre et à encourager les agriculteurs à avoir des excédents de production et à vendre à l'étranger pour parfois jusqu'à 40 p. 100 de leurs coûts de production, évinçant ainsi du marché les agriculteurs pauvres qui ne peuvent pas soutenir cette concurrence.
En régime de gestion de l'offre, on le sait, il y a peu d'exportations. Il ne fait pas baisser les cours mondiaux et ne pénalise pas les agriculteurs pauvres à l'étranger. Le seul effet négatif potentiel pour eux c'est qu'ils ne peuvent pas exporter leurs produits au Canada.
Il y a deux choses. D'abord, le Canada accorde bien un degré raisonnable d'accès au marché pour ces produits. Deuxièmement, les seuls pays qui tiennent à faire disparaître la gestion de l'offre — parce qu'ils en tireraient profit — ce sont la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Les pays pauvres ne pourraient pas tirer profit de la disparition de la gestion de l'offre, si bien que ce n'est pas un problème pour le développement ou les pays en développement. Nous espérons que le Canada continuera de l'appuyer.
Le président: Oui, madame Sreenivasan.
Mme Gauri Sreenivasan: J'ajouterais que, pour moi, la gestion de l'offre et la commission du blé, aussi, font l'objet d'attaques. Il est très important d'essayer d'analyser qui y gagne si la gestion de l'offre ou la Commission canadienne du blé sont démantelées. Par exemple, il me semble évident que même si la commission a un très petit pourcentage du blé qui est vendu, les grands négociants de grain voudraient s'accaparer sa part. Dans le cas de la gestion de l'offre, il s'agit pour le très puissant lobby agroalimentaire des produits laitiers de Nouvelle-Zélande d'agrandir encore sa part du marché.
D'après ce que nous savons des agriculteurs des pays en développement, la gestion de l'offre ne les ennuie pas vraiment. Ils trouvent au contraire que c'est un outil extrêmement important dont ils voudraient se doter. Très peu de pays pauvres d'Afrique pourraient demain, la semaine prochaine ou même l'an prochain instauré la gestion de l'offre. Les associations d'agriculteurs ont besoin d'énormément de moyens. Il faut un certain de degré de gouvernance démocratiques. Il faut une série de changements législatifs. Il faut pouvoir mettre en place des mesures à la frontière pour protéger le marché.
Les agriculteurs des pays en développement voient dans la gestion de l'offre une manière d'augmenter leur pouvoir sur le marché et d'augmenter les recettes agricoles. C'est un outil qu'ils aimeraient avoir un jour, même s'ils n'ont pas les capacités de s'en doter prochainement. Pour que ce soit une option viable, ils doivent pouvoir continuer à imposer des droits de douane car, d'ici là, la meilleure façon pour eux de gérer les approvisionnements sur le marché local, c'est de bloquer les importations à bas prix.
Ce lien entre les agriculteurs du Canada et du Sud au sujet du rôle critique des mesures à la frontière est pour nous une alliance intéressante. On a tort de dire que les espoirs de développement opposent le Nord et le Sud. Il s'agit plutôt d'exportateurs rivaux qui essaient d'agrandir leur part du marché. La défense par le Canada de la gestion de l'offre doit s'accompagner de la défense de ces mécanismes dans les pays en développement, qui leur permettrait eux aussi de protéger leurs marchés pour leurs agriculteurs. À courte échéance, cet outil, ce sont surtout les droits de douanes. À longue échéance, peut-être souhaiteront-ils le mécanisme plus compliqué que constitue la gestion de l'offre.
· (1310)
Le président: Merci.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'avoir encore une fois porté à l'attention du comité une façon vraiment concrète et détaillée d'aborder ces problèmes.
L'une des choses qui a été particulièrement navrante lorsque le premier ministre a décidé de déjouer tous les objectifs de développement du millénaire et les obligations de 0,7 p. 100 en ce qui concerne l'APD, c'est que non seulement il ne tient pas compte de la volonté démocratique du Parlement à cet égard mais il s'attaque en fait aux pays donateurs. Il est très intéressant de constater que les deux tiers des pays donateurs sont maintenant dans la bonne voie. Qu'il s'attaque à eux pour ce qu'il a dit être une séance de photos, tout simplement pour signer et dire qu'en fait il n'avait jamais exécuter... Il faut vraiment penser à ces séances de photos que nous devrons subir encore une fois au cours des 24 prochaines heures à la lumière de ses observations hypocrites.
L'une des choses les plus utiles dans le mémoire du CCCI, c'est qu'il souligne ce qui pourrait sembler être évident, mais je pense qu'il est utile de le porter à notre attention afin que nous le portions à notre tour à l'attention des Canadiens. Ce à quoi le Canada participe en fait ici, ou l'orientation que le Canada semble prendre en ce qui a trait à cette série de demandes monobandes entourant l'accès au marché est tout simplement hypocrite pour ce qui est de la façon dont nous développons notre propres économie et dont nous servons nos propres intérêts. Il est utile de préciser que si nous avons adopté la gestion de l'offre, si nous avons mis sur pied la Commission canadienne du blé, si nous avons adopté une loi — dont on ne tient pas compte à l'heure actuelle — supposément afin de protéger notre système de soins de santé publique sans but lucratif, c'est justement parce que tout cela fonctionne pour nous.
Le fait que le Canada ne soit maintenant pas prêt à reconnaître jusqu'à quel point cela est important pour les plus démunis indique jusqu'à quel point il est maintenant en quelque sorte en harmonie sur le plan idéologique avec les demandes des États-Unis, par exemple, en ce qui concerne l'élimination de ces diverses mesures.
J'aimerais maintenant parler de la question des services, car très peu d'attention y a été accordée. Je voudrais poser deux questions très spécifiques.
On sait que récemment, à notre grande horreur, Terasen Gas en Colombie-Britannique a été privatisé. On parle ici de services publics de base — et en fait, cette société ne vend pas uniquement du gaz, mais contrôle en plus l'approvisionnement en eau et sa distribution. Terasen a maintenant reçu le feu vert pour une prise de contrôle par une multinationale dont le siège social se trouve au Texas et qui a des liens avec le président Bush.
Et étant donné les pressions qui s'exercent afin de vraiment ouvrir les services pour le picorage, les prises de contrôle, etc., y a-t-il quoi que ce soit que vous pourriez dire à notre comité quant à ce qu'il faudrait que nous fassions non seulement pour protéger les pays en développement à cet égard, mais pour protéger nos propres intérêts contre toute autre érosion de nos services de base, afin de les protéger? Les soins de santé sont particulièrement vulnérables à l'heure actuelle étant donné l'inaction du gouvernement à la suite de l'arrêt Chaoulli.
· (1315)
Le président: M. Fried.
M. Mark Fried: Je ne suis pas qualifié pour parler de ce que le Canada peut faire pour protéger nos propres services de base ici, mais je peux parler des négociations de l'OMC en ce qui a trait aux services, où les règles qui s'appliquent affecteront sans aucun doute le Canada tout comme les pays en voie de développement.
Les négociations en ce qui a trait aux services ont été organisées de façon à permettre au pays de négocier seulement les secteurs qu'ils voulaient négocier. C'est l'approche sur laquelle tous les pays se sont entendues. Si un pays veut inviter des sociétés étrangères à venir sur son marché, il peut en négocier les conditions, dans le cadre de cette entente de l'OMC. Bon nombre de pays en voie de développement ont dit non merci, et n'ont pas offert d'inviter les sociétés canadiennes ou d'autres sociétés à venir prendre le contrôle de leurs services publics.
L'Union européenne a maintenant révisé sa position et dit que ce n'était pas satisfaisant, qu'elle devait changer les conditions de négociation et que ouvrir un certain pourcentage minimum de l'économie pour les services. Un minimum requis de chaque secteur ou un pourcentage requis de chaque secteur doit être ouvert. Le Canada ne s'est pas prononcé contre cette idée. Le Canada a dit que nous devrions faire quelque chose comme cela, mais peut-être pas exactement ce que les Européens proposent. Le Canada dit que nous devrions avoir des négociations plurilatérales au cours desquelles nous rencontrerons ceux qui veulent faire cela, puis avec tous les autres pays une fois que nous aurons commencé à négocier avec un groupe de pays qui veulent faire cela.
Une question qui est préoccupante est la nature obligatoire. Ce n'est pas qu'il ne devrait pas y avoir une entente au sujet des services ou qu'il ne devrait pas y avoir de services pour lesquels les sociétés étrangères pourraient jouer un rôle positif lorsqu'il y a en place un environnement de réglementation public afin de s'assurer que les services de base sont fournis de façon équitable et universelle aux pauvres. L'expérience, particulièrement en Amérique latine et en Afrique du Sud, n'est pas extraordinaire à cet égard, donc, l'on craint qu'au cours de ces négociations les pays riches — particulièrement l'Europe et les États-Unis, mais le Canada n'est pas loin derrière — insistent pour ouvrir les marchés de services à des sociétés privées là où il n'y a pas de réglementation en place. Par ailleurs, au cours des négociations comme tel, on propose de limiter la capacité des pays à réglementer la prestation de services par des sociétés étrangères, ce qui est certainement préoccupant.
Le président: Merci.
Aviez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Gauri Sreenivasan: J'aurais deux choses à dire au sujet des services.
D'une part, comme Mark vient de le dire, le Canada dira officiellement que l'entente de services est une entente ascendante, que les gens ont seulement besoin d'énumérer les secteurs qui les intéressent. En même temps, il est très clair qu'au cours du cycle Doha des pressions qui s'exerceront afin qu'ils disent que s'ils veulent progresser dans le domaine de l'agriculture, ils doivent faire quelque chose au sujet des services et de l'accès aux marchés des produits non agricoles. C'est la mentalité de concession mutuelle, comme Gerry l'a dit dans ses remarques liminaires.
Il n'est pas nécessaire d'avoir un cadre différent pour un cycle de développement. À notre avis, le Canada pourrait faire davantage non seulement en disant qu'il est d'accord et que les pays ne sont pas obligés de lister les secteurs, mais il pourrait clairement répondre aux pressions en ce qui a trait aux concessions mutuelles. Le Canada pourrait dire que l'Union européenne doit faire sa réforme de l'agriculture — elle a toujours qu'elle allait le faire et a promis de le faire il y a une vingtaine d'années — et ne pas exiger d'autres paiements. Il y a donc cette question en ce qui concerne les compromis.
D'autre part, en plus de la question de la libéralisation, il y a un lien futur avec le GATS en ce qui a trait à réglementation, la capacité des gouvernements de réglementer les services. Ils n'en sont pas encore là, mais le paragraphe 4 de l'article VI imposera de nouvelles disciplines en ce qui a trait à la capacité des gouvernements de réglementer les services à l'intérieur de leur propre pays. Même si cela n'est pas relié au statut de la nation la plus favorisée, n'importe quelle réglementation générale qui est considérée comme une distorsion du commerce pourrait être discutée. Nous aimerions donc également mettre vraiment le Canada en garde de ne pas adopter le paragraphe 4 de l'article VI car c'est un danger tant pour le Canada que pour les pays en voie de développement.
· (1320)
Le président: Merci beaucoup.
Je veux remercier tous nos témoins ce matin, M. Fried, M. Barr et Mme Sreenivasan.
Je veux également remercier nos attachés de recherche, notre greffière et tous ceux qui nous aident ici, car c'est sans doute la dernière séance. Je suis presque sûr que la séance de mardi prochain sera annulée. Nous devions avoir le plaisir de recevoir le ministre mardi prochain, mais puisque les élections seront déclenchées, il n'y aura plus de séance.
J'ai été très heureux de présider ce comité au cours de cette législature et je vous souhaite tous bonne chance au cours des prochaines élections.
Des voix: Bravo, bravo!
Le président: La séance est levée.