Passer au contenu

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la condition féminine


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 9 décembre 2004




Á 1110
V         La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.))
V         Mme Cheryl Hotchkiss (militante des droits de la personne, Amnistie internationale (Canada))

Á 1115
V         La présidente
V         Mme Cheryl Hotchkiss
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon (directrice exécutive, National Aboriginal Circle Against Family Violence)

Á 1120

Á 1125
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         Mme Kim Pate (directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry)

Á 1130
V         La présidente
V         Mme Tina Schoen (surveillante de programme, Somenos Transition House, Cowichan Women Against Violence)

Á 1135

Á 1140
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman (représentante régionale pour la Colombie-Britannique et le Yukon, Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel)

Á 1145
V         La présidente
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC)

Á 1150
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman
V         La présidente
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Lee Lakeman
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Gasongi (Gina) Simon

Á 1155
V         La présidente
V         Mme Kim Pate
V         La présidente
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)

 1200
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.)

 1205
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman
V         Mme Susan Kadis
V         Mme Lee Lakeman
V         Mme Susan Kadis
V         Mme Lee Lakeman
V         La présidente
V         Mme Tina Schoen
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon

 1210
V         La présidente
V         Mme Kim Pate
V         La présidente

 1215
V         Mme Cheryl Hotchkiss
V         La présidente
V         Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD)
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Lee Lakeman
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Lee Lakeman

 1220
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman
V         La présidente
V         Mme Cheryl Hotchkiss
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon

 1225
V         La présidente
V         Mme Tina Schoen
V         La présidente
V         Mme Kim Pate
V         La présidente
V         Mme Kim Pate
V         La présidente
V         Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC)
V         La présidente

 1230
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman
V         La présidente
V         M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.)
V         La présidente
V         Mme Tina Schoen

 1235
V         La présidente
V         Mme Kim Pate
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman
V         La présidente
V         M. Russ Powers
V         La présidente
V         L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.)
V         La présidente
V         Mme Kim Pate
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Kim Pate
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Kim Pate

 1240
V         La présidente
V         Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ)
V         Mme Lee Lakeman
V         La présidente
V         Mme Cheryl Hotchkiss

 1245
V         La présidente
V         Mme Tina Schoen
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Jean Crowder
V         La présidente
V         Mme Lee Lakeman

 1250
V         La présidente
V         Mme Gasongi (Gina) Simon
V         La présidente
V         Mme Tina Schoen
V         La présidente
V         Mme Kim Pate

 1255
V         La présidente
V         Mme Cheryl Hotchkiss
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)): Bonjour tout le monde.

    Bienvenue à notre aujourd'hui du Comité permanent de la condition féminine. Nous arrivons au terme de nos tables rondes avec des groupes communautaires de tout le pays. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'être venus aujourd'hui.

    Avant de commencer, je vous demanderais de ne pas ouvrir les microphones. Ce sera fait automatiquement. Nous avons eu quelques problèmes quand les gens essayaient de les ouvrir.

    Je tiens aussi à signaler aux membres du comité et aux délégations que dans la salle que nous occupons, l'audience du comité sera télévisée. Je voulais que vous le sachiez avant de présenter vos témoignages.

    Nous avons demandé aux délégations de limiter à 5 minutes leur exposé devant le comité. La présidente a été plus que généreuse en accordant du temps supplémentaire. Je vous demande donc, si possible, de limiter votre déclaration à 5 minutes ou un peu plus afin d'avoir plus de temps pour discuter avec les membres du comité ici présents.

    Je vais suivre l'ordre des témoins tel qu'il est dans l'ordre du jour et demander à Cheryl Hotchkiss d'Amnistie internationale de commencer.

+-

    Mme Cheryl Hotchkiss (militante des droits de la personne, Amnistie internationale (Canada)): Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invité.

    Le 25 mars 2003, Felicia Solomon âgée de 16 ans a disparu sur le chemin de l'école à sa maison à Winnipeg. Cet été , des parties de son corps ont été retrouvées. À ce jour, le crime n'a pas été résolu.

    Presque 10 ans après le conflit de 1992-1995 en Bosnie Herzogovine, seulement quelques personnes responsables de viol et de violence sexuelle fréquents à l'encontre des femmes ont été traduits en justice.

    Ce ne sont que deux exemples du manque de justice que les femmes victimes de violence rencontrent en temps de paix et de guerre.

    Le recours à la justice est le seul moyen dont disposent une femme et ses proches pour reconstruire une vie qui a été détruite. La justice n'est pas seulement ce qui se passe dans l'enceinte d'un tribunal, elle fait également partie du sentiment de sécurité permettant de parler de la violence commise afin que le crime soit publiquement dénoncé, afin d'identifier ses causes, afin que le ou les auteurs du crime soient punis et que la victime soit en mesure de reconstruire sa vie, celle de sa famille et de sa collectivité.

    L'impunité pour les auteurs d'acte de violence contre les femmes est répandue partout dans le monde. En conséquence, la violence contre les femmes est souvent perçue comme étant normale et acceptable dans la société au lieu d'être considéré comme un acte criminel.

    Je parlerai de la justice en temps de paix. Lorsque les femmes entament des poursuites judiciaires, elles font souvent face un système de justice pénale hostile et violent où il y a des opinions bien arrêtées qui dénigrent les femmes, qui leur refusent les mêmes droits et les trahissent au plan des droits à la propriété inclus dans de nombreux codes criminels et codes de la famille, des enquêtes criminelles, des règles de preuve et des systèmes judiciaires fondés sur le droit coutumier. Les attitudes discriminatoires, au sein de la justice pénale, peuvent saper les réformes du droit et donner des résultats iniques qui, au lieu d'améliorer les droits de la femmes les diminuent encore plus. Les femmes sont insuffisamment protégées et trop poursuivies.

    Les femmes des collectivités marginales peuvent particulièrement hésiter à engager des poursuites judiciaires ou à témoigner, car elles craignent les répercussions de leur interaction avec la police et la justice pénale.

    Les lacunes des systèmes judiciaires de certains pays contribuent à l'impunité. Par exemple, même si des dispositions de la Constitution stipulent que les femmes ont le droit d'avoir une vie dénuée de violence, la définition peut ne pas couvrir toutes les formes de violence contre les femmes. Dans certains pays, même si la loi ne tolère pas la violence directement, elle est discriminatoire. Les lois ne traitent pas les femmes de la même façon que les hommes et leur accordent moins de droits.

    Je passe maintenant à la justice dans des situations après un conflit. Ce que je vais dire ne concerne pas seulement le Canada, mais aussi les autres pays du monde. D'autres témoins parleront de la situation au Canada.

    Le viol et les autres violences à l'encontre les femmes en temps de guerre ont depuis longtemps été interdits, au Canada et à l'étranger, mais ces crimes sont souvent ignorés et font rarement l'objet de poursuites judiciaires. Les raisons sont un peu les mêmes que celles permettant l'impunité en temps de paix pour la violence familiale et la violence sexuelle contre les femmes.

    Peut-être même plus qu'en temps de paix, les victimes qui ont survécu à des actes de violence criminelle commis en temps de guerre ont beaucoup de difficulté à obtenir justice. Par conséquent, les auteurs commettent généralement leur crime avec toute impunité. Certaines de ces difficultés sont les mêmes que celles des poursuites intentées pour des crimes contre les femmes dans n'importe quel contexte, en particulier les crimes sexuels. De crainte d'être mises à l'écart ou de subir d'autres attaques, les femmes ne porteront pas plainte et ne témoigneront pas. Les preuves médicales sont difficiles à obtenir ou bien elles coûtent cher. Les responsables des poursuites judiciaires sont indifférents à la violence et le système de justice pénale a des préjugés contre les femmes.

    Au cours des dernières années, les militantes des droits de la personne ont remis en question l'idée que la justice n'était pas un objectif réaliste en temps de guerre. Elles ont fait connaître au grand public les histoires de certaines femmes et ont analysé les lois pour élaborer des méthodes pour traduire en justice ceux qui commettent des crimes. Grâce à leur détermination, les cours pénales internationales ont pu entamer des poursuites contre les auteurs de crimes de violence contre les femmes en utilisant des définitions du crime qui tiennent compte de la spécificité des sexes. Des auteurs de crime de violence contre les femmes ont été jugés.

    Certaines difficultés juridiques et pratiques communes à l'engagement de poursuites judiciaires pour des crimes sexuels commis contre des femmes en temps de paix et de guerre ont été surmontées. Toutefois, ces progrès importants au niveau international ont eu peu d'effet dans la grande majorité des cas de violence contre les femmes en temps de guerre. L'impunité reste la norme.

    Le système pénal international ne peut traiter qu'un petit nombre d'affaires. Il faut donc que les États impliqués dans des conflits armés fassent de gros efforts pour étudier les cas, aider les victimes et les témoins et faire en sorte que les procès soient équitables.

Á  +-(1115)  

    Il faut faire davantage pour s'assurer que toutes les femmes victimes obtiennent réparation et soient indemnisées de manière adéquate, y compris des soins de santé; la possibilité de raconter ce qui leur est arrivé dans un endroit très digne; des compensations; la restitution des maisons perdues, des moyens de subsistance, des biens; des garanties que les crimes dont elles ont été victimes ne se répètent plus; des formes de satisfaction comme le rétablissement de leur dignité et de leur réputation; et une reconnaissance publique des dommages qu'elles ont subi.

    Que peut faire le gouvernement du Canada? La liste est extrêmement longue. J'aimerais parler en particulier des femmes autochtones disparues ou assassinées dans des zones urbaines et des recommandations du rapport d'Amnistie. J'ai apporté des copies de ce rapport en français et en anglais.

    Les questions principales proviennent du fait qu'il y a un problème fondamental dû au manque de financement de base accordé aux organisations de première ligne en ce qui concerne l'assistance aux femmes -- cela empêche les femmes d'avoir des endroits sûrs où elles peuvent trouver de l'aide et la sécurité -- et à une préoccupation générale liée au fait que le gouvernement délaisse les problèmes des droits des femmes. En clair, il est nécessaire de reconnaître la gravité du problème de la violence contre les femmes autochtones. Il faut soutenir la recherche sur l'étendue et les causes de la violence contre les femmes autochtones.

    Des mesures immédiates peuvent et doivent être prises pour protéger les femmes les plus menacées. Il faut assurer une formation de la police et des autres services du système de justice pénale et leur donner des ressources afin de mettre véritablement en priorité la prévention de la violence contre les femmes. Une autre demande plus forte, mais essentielle, est la fin de la marginalisation des femmes autochtones au Canada.

    Sur le plan international, le gouvernement du Canada peut aussi faire beaucoup.

+-

    La présidente: Pourriez-vous conclure?

+-

    Mme Cheryl Hotchkiss: Oui.

    Très rapidement, le gouvernement du Canada peut jouer un rôle en demandant à la Cour pénale internationale que l'une de ses premières affaires soit un cas de violence sexuelle. Nous pouvons jouer un rôle en demandant l'abolition de toutes les lois discriminatoires à l'égard des femmes. Nous devons assurer une formation à nos policiers, nos casques bleus et d'autres personnes qui vont à l'étranger après un conflit afin de s'assurer qu'ils aideront les femmes victimes de violence et qu'ils ne contribuent pas à la violence.

    J'arrête ici.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Gina Simon, voulez-vous commencer?

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon (directrice exécutive, National Aboriginal Circle Against Family Violence): Bonjour.

    Je m'appelle Gina Gasongi Simon. (Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone).

    Meegwetch de la nation algonquine.

    Merci, mesdames, de m'avoir invitée pour témoigner au nom de National Aboriginal Circle Against Family Violence. J'occupe le poste de directrice exécutive.

    National Aboriginal Circle Against Family Violence a vu le jour suite à une conférence, tenue en 1999, qui a rassemblé les responsables des refuges et les gestionnaires des refuges autochtones de tout le Canada. C'était la première fois qu'ils se réunissaient. Ils ont découvert que l'isolement dans lequel ils travaillaient, l'éloignement, les mettait à part. Cette conférence a déterminé qu'il fallait absolument se faire entendre d'une seule voix à Ottawa pour défendre la cause des refuges autochtones, pour coordonner leurs efforts visant à réduire la violence dans les collectivités autochtones et pour promouvoir la paix pour nos femmes et nos enfants.

    Notre mission est de réduire la violence familiale dans les collectivités autochtones. Je voudrais juste souligner certains de nos objectifs: chercher à promouvoir une réponse coordonnée des organismes d'assistance dans le système judiciaire, réclamer l'égalité d'accès au financement et au renforcement des capacités, promouvoir des politiques et des stratégies proactives visant à réduire la violence du conjoint et la violence contre les femmes autochtones, créer une sensibilisation à la question de la violence et développer un enseignement et des informations culturellement adaptés et qui tiennent en compte de tous les besoins des femmes autochtones.

    Nous entendons parlé de “services adaptés aux différences culturelles“, pourtant même Statistique Canada n'a pas défini ce que sont ces services adaptés aux différences culturelles. Nous aimerions participer à l'élaboration de la définition des services adaptés aux différences culturelles.

    Il y a 47 refuges dans nos réserves à travers le Canada. Nous avons ouvert récemment nos portes à des refuges situés à l'extérieur des réserves, mais qui enregistrent, au plan de l'utilisation de leurs services, un nombre très élevé de nos femmes et de nos enfants. Notre organisation est dirigée par un conseil d'administration dont les membres sont originaires de toutes les régions du Canada. Nous déclarons que le problème de la violence est présent dans toutes les sociétés et ne se limite pas seulement aux collectivités autochtones. Toutefois, la nature du problème varie en fonction de la structure sociale, des institutions de la société ainsi que de la sensibilisation du public et de la réponse à la violence familiale.

    Nous avons constaté que les femmes canadiennes qui vivent dans la pauvreté risquent davantage d'être victimes de violence et d'abus. L'inégalité structurelle à laquelle les femmes sont confrontées dans la société canadienne a un effet particulièrement rude sur la santé et le bien-être des femmes autochtones. Les Autochtones risquent plus d'être mal nourris, d'avoir des logements et des installations sanitaires inadéquates; d'être pauvres; d'être victimes de discrimination, de racisme, de violence; d'enregistrer des taux élevés de dommages corporels, moraux ainsi que l'exclusion sociale; d'être atteints d'incapacités et de mourir prématurément. Les statistiques concernant les Autochtones augmentent à tous ces niveaux.

    Pourquoi y a-t-il un besoin? Le cadre juridique et judiciaire qui s'applique aux femmes autochtones rend plus difficile le combat contre la violence. Les femmes autochtones sont victimes des limites de juridiction à tous les paliers de gouvernement. La crainte constitue le facteur numéro un -- la crainte que notre intimité ne soit pas respectée, la crainte de briser l'unité au sein de la collectivité, la crainte que les plaintes déposées auprès des policiers ne soient pas considérées sérieusement et la crainte de ne pas avoir de refuge ou d'aide. Cela contribue au maintien du tabou attaché à la violence familiale et le silence devient la norme.

    Selon les statistiques faites en 2001 et en 2000 par Statistique Canada, des 482 refuges au Canada -- je parle essentiellement de refuges non-autochtones -- 28 p. 100 accueillent des femmes autochtones des réserves. De ces 482 refuges, 12 p. 100 pouvaient fournir des services en cri -- c'est-à-dire un membre du personnel -- 9 p. 100 en Otchipwe, et 4 p. 100 en Inuktitut.

Á  +-(1120)  

    Six p. cent des refuges actuels appartiennent à des conseils de bande, 5 p. 100 sont gérés par des conseils de bande et 7 p. 100 sont situés dans des réserves.

    Voici quelques faits: en 2001 et 2002, un quart des femmes et des enfants admis dans les refuges l'ont été dans des refuges desservant des réserves, 59 p. 100 des admissions annuelles dans des refuges desservant des réserves étaient des enfants autochtones, le 5 avril 2002, 2 400 femmes habitaient dans des refuges au Canada pour échapper à la violence. De ces 2 400, plus de 500 étaient des femmes autochtones dans des refuges desservant des réserves. En outre, la majorité des installations offrant des services d'hébergement étaient des maisons de transition et des maisons de seconde étape. Dans les maisons de transition, 50 p. 100 étaient des femmes autochtones dans les refuges desservant les réserves, 54 p. 100 dans tous les refuges. Dans les centres d'urgence pour les femmes, 15 p. 100 de ces refuges aidaient des femmes venant des réserves et 11 p. 100 de tous les refuges. Dans les refuges d'urgence, 9 p. 100 aidaient des femmes autochtones et 9 p. 100 de tous les refuges. Pour les refuges desservant des réserves, en 1997-1998, 29 p. 100; 1999-2000, 34 p. 100; 2001-2002, 28 p. 100.

    Nous avons des problèmes du fait qu'il n'y a pas de normes nationales pour le financement de nos politiques. Les problèmes sont alambiqués par les politiques des provinces. Par exemple, en Ontario -- au prorata de la population -- la province fournit environ 34 450 $, l'AINC fournit environ 10 050 $, seulement en Ontario la différence est de 10 570 $. Et je parle de ce qui est versé aux refuges autochtones et non-autochtones. Au Manitoba, la différence est de presque 8 000 $, en Alberta, elle est de presque 9 000 $.

Á  +-(1125)  

+-

    La présidente: Pouvez-vous conclure?

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: D'accord.

    Nous disons que nous avons besoin d'un financement équitable. Nous devons élaborer des normes nationales. Nous avons besoin d'un financement à long terme pour assurer de meilleures possibilités d'élaboration de meilleures stratégies plutôt que la gestion des crises que nous connaissons aujourd'hui. Nous devons faire de l'analyse des coûts une réalité pour les collectivités, les femmes et les enfants autochtones. Nous devons assurer le suivi et améliorer la prévention car six semaines ne suffisent pas. Et lorsque nous parlons de la violence contre les femmes autochtones, nous n'accusons pas nos hommes. Nous disons que la population canadienne doit changer son attitude envers les femmes autochtones. Les femmes autochtones doivent être reconnues pour leur contribution à la société et on ne peut pas continuellement leur refuser leurs droits et leurs avantages par des lois et des politiques. Les femmes autochtones doivent être encouragées à occuper la place matriarcale qui leur revient au sein de nos collectivités et au sein du Canada.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    En suivant l'ordre de priorité de l'ordre du jour, je donne la parole à Kim Pate de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.

    Bienvenue.

+-

    Mme Kim Pate (directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry): Merci.

    Notre organisation travaille surtout auprès des femmes et des jeunes filles qui ont des démêlés avec la justice; des femmes qui ont été oppressées, marginalisées, criminalisées et, dans bien des cas, incarcérées. De fait, c'est une tendance que nous observons, pas uniquement au Canada, mais à l'échelle planétaire : les femmes constituent la population carcérale en plus forte croissance, surtout dans le cas, comme ma consoeur vient d'en parler, des femmes autochtones. Nous constatons une augmentation marquée de la criminalisation des femmes autochtones et des femmes de couleur, ainsi que des femmes membres de groupes raciaux.

    Nous notons également un lien direct, comme Cheryl, pour Amnistie internationale, et Gina en ont déjà parlé, entre les compressions fédérales de 1996 et la quasi-élimination des normes nationales, laquelle s'est traduite, selon nous, par la suppression des dispositions obligeant les provinces à utiliser leurs recettes fiscales pour financer les services sociaux, les services de santé et les services d'éducation. Avec la quasi-disparition de ces normes nationales, les provinces se voyaient, à toutes fins utiles, donner carte blanche pour mettre la hache dans ces services. En sachant que les femmes ont toujours compté sur ces services, et que la majorité des familles monoparentales vivant dans la pauvreté sont dirigées par une femme, nous comprenons très bien les répercussions de telles mesures, non seulement sur les femmes, mais également sur nos enfants dans tout le pays.

    Nous constatons donc un lien très direct avec les prestations sociales insuffisantes, en fait, insuffisantes à un point tel que nous irions jusqu'à dire que c'est criminel... Il est à toutes fins utiles impossible pour une personne de survivre avec de telles prestations. Nous voyons toutes ces femmes qui essaient de joindre les deux bouts, de nourrir leurs enfants, de mettre de la nourriture sur la table, de payer le loyer, qui vendent leur corps, qui transportent des colis d'une région à l'autre, d'un quartier à l'autre ou en traversant les frontières. Nous voyons ces femmes qui sont interpellées pour des délits comme la fraude ou la sollicitation. Nous assistons non seulement à la féminisation de la pauvreté, mais aussi à sa criminalisation.

    En outre, les réductions des services de santé sont à l'origine d'une tendance déjà documentée par Human Rights Watch à l'échelle internationale, particulièrement aux États-Unis, qui voient un plus grand nombre de personnes ayant des problèmes de santé mentale se retrouver dans des prisons, plutôt que dans des établissements spécialisés ou des hôpitaux psychiatriques. Nous pouvons constater une tendance semblable dans les prisons canadiennes. Encore là, les femmes, qui ont toujours été plus susceptibles de recevoir un tel diagnostic et d'être placées dans des établissements de santé mentale, sont celles qui aboutissent en plus grand nombre dans nos prisons.

    Nous constatons également que les contrecoups de la violence faite aux femmes ainsi que la quasi-disparition des questions liées à l'égalité fondamentale des femmes dans le programme des grands enjeux nationaux ont un impact direct sur les phénomènes que nous observons dans le contexte de la criminalisation des femmes.

    Nous avons donc un certain nombre de recommandations à formuler à cet égard. Nous aimerions pouvoir compter sur le soutien des membres de ce comité et, bien évidemment, d'autres députés, en faveur du rétablissement des normes nationales. Bon nombre d'entre nous étions d'avis que les normes en place avant 1996 étaient insuffisantes. Nous avons besoin, comme strict minimum, de ressources suffisantes pour que les gens puissent vraiment vivre, et pas seulement vivoter ou survivre, souvent dans les rues ou en prison, quand ils ne meurent pas tout simplement, comme c'est malheureusement le cas pour certains. Nous avons besoin de ressources suffisantes pour permettre aux gens de vraiment participer à la vie de leur collectivité.

    Nous constatons les impacts de ces compressions qui affectent tout particulièrement les personnes qui sont déjà les plus démunies au départ, les femmes notamment. Il faut aussi que l'on comprenne bien que si l'on cesse de prendre au sérieux les problèmes qui touchent les femmes, nous continuerons de voir leur situation se détériorer, pas seulement sur la liste des grands enjeux nationaux, mais vraiment au point de se retrouver dans des positions encore plus précaires. Je crois que certaines intervenantes en ont déjà parlé et que certaines de celles qui prendront la parole après moi vous entretiendront plus à fond de ces questions.

    Nous recommandons donc non seulement le rétablissement des normes nationales, mais aussi une certaine forme de responsabilisation, particulièrement dans le domaine des services correctionnels pour les femmes. Bon nombre d'entre vous savez probablement déjà que la Commission canadienne des droits de la personne a rendu public cette année un rapport qui arrive environ huit ans après celui présenté par la juge Arbour relativement aux violations des droits de la personne dans nos prisons fédérales. Qui plus est, beaucoup de gens reconnaissent que la situation est bien meilleure dans nos prisons fédérales que dans nos prisons provinciales et nos établissements de détention locaux. Il apparaît évident que nous avons besoin d'un genre de bureau d'inspection pour les prisons des femmes. Il y a un besoin manifeste de responsabilisation. Les dispositions législatives régissant les services correctionnels permettent déjà, en vertu de l'article 77, la création d'un organe administratif qui pourrait appuyer un tel bureau d'inspection. Nous avons également besoin de ressources qui permettraient aux gens de remettre en question le système une fois qu'ils en font partie.

Á  +-(1130)  

    Les compressions au chapitre de l'aide juridique pour le droit criminel affectent les femmes; il en va de même des réductions touchant le droit de la famille. En effet, nous voyons de plus en plus de femmes plaider coupable dans des situations où l'avocat a refusé de donner suite à la demande et d'accepter la cause, affirmant plutôt qu'il n'intenterait pas de poursuite avec cette cliente parce qu'elle insiste pour plaider coupable. Dans des provinces comme l'Alberta, où une situation de tutelle provisoire se transforme maintenant automatiquement en situation de tutelle permanente au bout de six mois, des femmes s'efforcent désespérément de faire tout ce qu'elles peuvent pour se reprendre en main et avoir de nouveau accès à leurs enfants. Ces efforts sont souvent futiles parce que les arriérés des tribunaux sont si importants que le temps qu'elles sortent, même si elles plaident coupable, le temps qu'elles passent devant le tribunal, qu'elles plaident coupable et qu'elles reçoivent leur sentence, leur enfant est déjà en tutelle permanente. Il y a donc plusieurs problèmes interreliés.

    Nous avons là aussi un certain nombre de recommandations. Nous n'avons eu droit qu'à un bref préavis pour rassembler le tout, mais nous nous réjouissons de pouvoir vous les présenter. Nous vous avons envoyé un document et vous pourrez en avoir des exemplaires; il y a également de la documentation sur notre site Internet.

    Je pourrais conclure en vous disant que nous souhaitons que l'on mette un frein au glissement incessant de la victimisation vers la criminalisation pour les femmes de ce pays. Les prisons ne sont pas la solution au problème national de l'itinérance. Elles ne sont pas non plus la solution à la féminisation de la pauvreté et à la criminalisation des femmes. Elles ne sont pas les refuges dont les femmes battues ont besoin, pas plus que l'endroit où on peut présumer pouvoir offrir des services de santé mentale à celles qui ont été laissées pour compte à cause d'un programme national de santé surchargé.

    Nous vous encourageons donc à veiller à ce que les prisons cessent d'être considérées comme des solutions de rechange acceptables face à l'éviscération de nos services sociaux et de santé, particulièrement pour les femmes. C'est exactement pour cette raison que les femmes constituent la population carcérale connaissant la plus forte croissance. Cette situation est directement reliée aux compressions effectuées dans d'autres secteurs ainsi qu'à la quasi-disparition des questions relatives à l'égalité fondamentale des femmes sur la liste des grands enjeux nationaux.

    Je vous remercie beaucoup et j'ai grand hâte de discuter de ces questions avec vous.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    La parole est maintenant à Tina Schoen, de l'Organisme Cowichan Women Against Violence. Vous êtes la bienvenue.

+-

    Mme Tina Schoen (surveillante de programme, Somenos Transition House, Cowichan Women Against Violence): Merci. Je me réjouis de pouvoir être des vôtres.

    Comme partout au Canada, la violence à l'égard des femmes demeure un problème criant en Colombie-Britannique. Je travaille dans un refuge pour femmes, Somenos Transition House, à Duncan, dans le cadre d'un programme de l'organisme Cowichan Women Against Violence. Nous offrons également d'autres programmes afin d'aider les femmes à cheminer vers une vie où elles seront, nous l'espérons, à l'abri du danger.

    Nous offrons un programme de préparation à l'emploi pour lequel le financement de projet n'est pas la solution. Nous avons absolument besoin d'un financement de base pour offrir des services aux femmes. Le cycle continu du financement de projets ne permet pas aux responsables des programmes de se tourner vers l'avenir afin d'offrir un soutien cohérent et permanent aux femmes. Nous nous retrouvons constamment dans l'obligation de revoir nos programmes en fonction des changements qui surviennent dans le cadre du cycle annuel ou semestriel qui semble être notre lot.

    Pour ce qui est du refuge pour femmes, la situation ne s'améliore pas. En Colombie-Britannique, il y a eu de nombreuses compressions au chapitre de l'aide juridique et de l'aide sociale notamment. De plus en plus de femmes se présentent dans nos refuges avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Il est très difficile pour elles de vivre dans un milieu coopératif comme celui d'un refuge.

    Comme d'autres intervenantes l'ont mentionné, les femmes passent entre les mailles du filet. Elles se retrouvent en prison. Elles sont confrontées à ses conditions de vie inacceptables. Nous voyons de plus en plus de femmes qui sont laissées pour compte et sont coincées dans un cycle d'itinérance au moment où leur capacité de trouver un emploi intéressant est compromise en raison de leur âge. Elles en viennent à partager des logements dans des conditions non sécuritaires. Elles poursuivent une relation de violence en sachant très bien que leur départ serait synonyme de pauvreté pour elles. Nous constatons que de plus en plus de femmes décident de ne pas signaler à la GRC les voies de fait dont elles sont victimes.

    Les réductions au chapitre de l'aide sociale privent le femmes d'une représentation juridique adéquate; la seule perspective d'avoir à traiter elles-mêmes avec la complexité du système juridique suffit à rebuter les femmes en crise qui se présentent dans nos refuges. Donc, de plus en plus de femmes qui utilisent les refuges choisissent de ne pas signaler les crimes dont elles ont été victimes et de retourner dans leur relation de violence en raison du manque de soutien.

    Les compressions au chapitre de l'aide au revenu en Colombie-Britannique ont créé une situation plutôt dangereuse pour bien des femmes. Avec 535 $ par mois, il est difficile pour une femme de trouver un logement sûr et abordable. En Colombie-Britannique, une femme de dix-neuf ans doit être indépendante pendant deux ans pour pouvoir avoir accès à l'aide sociale. Ces jeunes femmes se retrouvent donc souvent dans des situations dangereuses. Dans bien des cas, le domicile familial n'est pas une option possible. Certaines peuvent transiter d'un endroit à un autre pendant que d'autres s'engagent dans des relations à risque simplement pour avoir un toit au-dessus de leur tête.

    Le nombre de femmes qui sont laissées pour compte en raison de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie est absolument aberrant. Étant donné la nature des programmes que nous offrons, il faut que les femmes soient en mesure de fonctionner de façon relativement stable. Pour leur offrir le soutien dont elles ont besoin dans les maisons de transition, nous avons besoin de personnel spécialisé. Il nous faut de la formation supplémentaire. Nous devons pouvoir offrir aux femmes un soutien ciblé pour les aider à apporter les changements nécessaires dans leur vie.

Á  +-(1135)  

    Je crois que toutes les questions liées aux maisons de transition, aux refuges de deuxième étape et aux logements abordables sont extrêmement importantes pour les femmes. Il s'agit de répondre à nos besoins primaires : l'alimentation et le logement.

    L'éducation est également cruciale. Beaucoup de femmes sont piégées dans le cercle vicieux de la pauvreté parce qu'elles ne peuvent pas trouver un emploi décent. Nous avons besoin de programmes pour permettre aux femmes d'avoir accès à l'éducation et au perfectionnement des compétences de façon à ce qu'elles soient mieux en mesure de dénicher un emploi qui leur permettra de mettre un toit au-dessus de leur tête et de la nourriture sur leur table. Les programmes de formation des apprentis dans les métiers revêtent aussi une grande importance. Les femmes doivent avoir accès à ces programmes.

    En conclusion, je voudrais encourager le comité à continuer à s'intéresser au problème très concret de l'itinérance au Canada, un problème qui touche un trop grand nombre de personnes vulnérables. Je vous invite également à vous pencher sur les problèmes que vivent les femmes en matière d'itinérance ainsi qu'au chapitre de l'accès à la formation et de l'aide juridique.

    Merci.

Á  +-(1140)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Écoutons maintenant Mme Lee Lakeman, de l'Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel. Bienvenue à vous.

+-

    Mme Lee Lakeman (représentante régionale pour la Colombie-Britannique et le Yukon, Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel): Madame la présidente, je suis heureuse que vous m'ayez invitée et je me réjouis de l'existence de votre comité.

    Si je n'avais qu'un message à vous transmettre aujourd'hui, ce serait certes un signal d'alerte.

    Il est évident que nous sommes confrontés à la disparition des structures mêmes qui nous ont permis de réaliser des progrès dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes au Canada. Je milite activement depuis 1973. C'est l'année où les premières maisons de transition et les premiers centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle ont ouvert leurs portes au Canada et j'estime que nous assistons actuellement au démantèlement de ces services.

    Le déclin de l'aide sociale en tant que soutien de base accessible dans tout le pays en témoigne. La criminalisation accrue des pauvres en témoigne également. Mais j'aimerais vous entretenir plus particulièrement des réalisations du mouvement pour l'autonomie des femmes au Canada qui a été à l'origine de toutes les réformes importantes en matière de violence à l'égard des femmes au cours des 30 dernières années. Je ne peux pas me souvenir d'une seule réforme qui aurait été orchestrée par le gouvernement ou par tout intervenant autre que le mouvement pour l'autonomie des femmes. Et voilà qu'il n'y a aucun financement national pour permettre à ce mouvement de poursuivre les réformes amorcées au Canada.

    Il est bien certain que je suis d'accord avec tout ce que nous ont dit les témoins qui ont parlé avant moi concernant la situation actuelle des femmes. Vous trouverez plus de détails à ce sujet dans notre rapport. J'ose espérer que les membres du comité pourront prendre le temps de le lire. À la fin, vous trouverez des recommandations précises concernant notre système de justice criminelle et la gouvernance canadienne en général. Ce rapport a été mis à la disposition du comité dans les deux langues officielles et je me ferai un plaisir de vous en fournir des exemplaires supplémentaires.

    Comme je n'ai droit qu'à quatre ou cinq minutes, j'aimerais vous transmettre certains éléments d'information bien précis. Je veux d'abord souligner qu'aucun groupe de défense des femmes n'a actuellement droit à un financement de base à l'échelle nationale et qu'aucun groupe national se consacrant à la lutte contre la violence à l'égard des femmes n'obtient actuellement un financement national.

    L'ACCAS n'a droit à aucun financement national. Aucun regroupement de maisons de transition n'a jamais été financé à l'échelle nationale et la situation perdure. Il n'y a aucun financement pour les différents types de consultations que ce comité semble vouloir remettre de l'avant. Pendant une période de cinq ans, des consultations annuelles avec le ministère de la Justice ont permis à une soixantaine de groupes de femmes de toutes les régions du pays de discuter de leurs problèmes à ce chapitre. Ces consultations ont été interrompues. Rien n'a été fait pour les remplacer. Les problèmes alors examinés sont toujours présents. Il demeure tout aussi pressant d'apporter des réformes à notre système de justice; la situation est même plus urgente que jamais.

    Je tiens à souligner que des sous-comités parlementaires se sont déjà penchés sur la question. Le dernier rapport important présenté par un sous-comité parlementaire s'intitulait La guerre contre les femmes. Notre rapport prend appui sur ces travaux et essaie d'établir le lien avec le passé. Il est révélateur, je dirais, que nous ayons eu droit au cafouillage du groupe d'experts sur la violence contre les femmes, mais à aucune aide véritable du gouvernement pour s'attaquer à ce problème depuis.

    En fait, nous sommes exposés à des politiques gouvernementales plutôt manipulatrices qui minent le travail du mouvement pour l'autonomie des femmes, plutôt que de l'appuyer. Je sais que je parle en termes très généraux. Je le fais intentionnellement.

    Notre rapport part du principe que nous avons adopté une Charte canadienne des droits et libertés au coeur de laquelle on promet que les femmes auront droit à un accès égal à la justice et à la primauté du droit. Cet engagement devrait bien sûr s'appliquer dans les cas de violence contre les femmes, laquelle est l'un des principaux instruments utilisés pour oppresser les femmes et les empêcher d'accéder à l'égalité.

    Mais où est donc la charte lorsqu'une femme appelle la police? Où est la charte lorsqu'une femme essaie d'appeler la police? Où est la charte lorsqu'une femme se défend elle-même? Où est la charte lorsque nous essayons d'intervenir devant les tribunaux? Où est la charte lorsqu'une femme a besoin d'aide juridique pour avoir accès à ses enfants ou les protéger contre l'inceste? Où est la charte lorsque des femmes autochtones essaient d'empêcher l'application de politiques racistes?

    Depuis 1995, non seulement sommes-nous témoins d'une incapacité à appliquer la charte de façon progressiste et positive, mais nous assistons à l'érosion des structures mêmes sur lesquelles cette charte a été fondée. Le renouvellement des structures canadiennes depuis 1995 a en effet totalement sapé les bases du système de gouvernance sur lequel nous comptions.

Á  +-(1145)  

    Nous avons maintenant un système social fragmenté, un système de soins de santé fragmenté et une politique d'immigration fragmentée partout au pays, et personne ne se soucie de l'égalité des femmes dans les dossiers de gouvernance, de politique ou de finance.

    À quoi sert une maison de transition si une femme ne peut avoir accès à une aide sociale adéquate pour pouvoir subsister; à quoi ça sert si elle ne peut obtenir l'aide juridique dont elle a besoin pour protéger ses enfants de l'homme qui la battait? À quoi ça sert si je dois me rendre à Prince George et me battre contre un juge qui engage les jeunes femmes autochtones qui comparaissent devant lui et les utilise comme prostituées dans la rue? Personne n'a encore levé le voile sur le rôle que la GRC a joué pour cacher la culpabilité de ce juge. À quoi ça sert?

    Nous sommes dans une situation d'extrême urgence. Les choses sont pires aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a dix ans; la situation s'est considérablement aggravée et je suis inquiète. Je suis inquiète des absences autour cette table. Je suis inquiète de n'avoir que trois à cinq minutes pour décrire cette situation. Je suis inquiète du manque de maisons de transition et de centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle. Je suis inquiète de ce que devient le mouvement féministe national. Et je suis outrée que ces questions n'attirent pas plus d'attention. Nous sommes en situation de crise, de crise grave.

    Sur la scène internationale, le mouvement féministe canadien a pris les devants non pas parce que les femmes étaient brillantes, mais parce que la situation économique était favorable après la Seconde Guerre mondiale. Nous étions des chefs de file et, de ce leadership, nous avons réussi à créer plusieurs petites structures, dont des centres pour les femmes, des maisons de transition et des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle. Ces établissements commencent à peine à servir de bases pour les femmes qui se mobilisent afin de revendiquer leurs droits humains et économiques partout au pays. Ils ne sont pas pleinement accessibles aux personnes handicapées, et encore moins aux femmes autochtones ou aux femmes allophones.

    Nous n'avons même pas déployé toutes ces tactiques qu'elles disparaissent déjà. Elles disparaissent, et il n'y a aucune contre-stratégie, aucune nouvelle stratégie en vue qui permettrait aux femmes d'accéder à l'égalité et de vivre sans être battues et sans que leurs enfants ne deviennent victimes d'inceste.

+-

    La présidente: Merci.

    Pour les personnes qui n'ont jamais comparu devant le comité par le passé, j'aimerais simplement expliquer comment nous procédons. Nous avons certaines contraintes, mais nous essayons d'être aussi souples que possible. Nous avons un ordre d'intervention. Au cours de la première ronde, les membres ont sept minutes pour poser une question et la réponse donnée à cette question est incluse dans ces sept minutes.

    J'ai tendance à être plutôt laxiste dans mon chronométrage, mais je crois que je suis généreuse, ce qui m'a joué quelques tours. Je vais essayer de respecter davantage l'horaire. Nous avons plusieurs tours de table et nous devons suivre l'ordre prescrit.

    Je demande donc à mes collègues de poser des questions aussi directes que possible et de les adresser à la personne de qui elles souhaitent une réponse. Nous nous réunissons ici aujourd'hui, mais nous aurons d'autres occasions de faire un suivi et de répondre à vos préoccupations, parce que nous avons entendu des commentaires très convaincants aujourd'hui.

    Nous commencerons avec notre collègue du Parti conservateur, Lynne Yelich.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Oui, nous avons entendu des déclarations très fortes ici.

    Je vais poser une question différente. La ville de Saskatoon a été traumatisée cette semaine par la mort d'une fillette de 11 ans qui n'avait nulle part où aller. Elle consommait des drogues et de l'alcool—à 11 ans. Il n'y avait pas de parents à la maison au moment du drame, alors nous ne savons pas s'ils étaient...

    C'est terrible, c'est une tragédie; où faisons-nous erreur? À qui devrions-nous poser des questions—aux enseignants, à la communauté, aux parents? Qui est responsable? Est-ce que ce n'est qu'une question de financement?

    Aujourd'hui, la plupart ont fait des liens avec le manque de financement—et je ne réfuterai pas ces arguments—, mais y a-t-il autre chose? Il y a quelque chose qui cloche quand une fillette de 11 ans n'a nulle part où aller et meurt. Ce n'est pas parce que c'était une fille, ou parce que c'était une Autochtone, si c'est le cas, d'ailleurs. Je suis encore ébranlée par cette histoire, parce que c'est très triste, surtout à Saskatoon, une ville où une chose comme celle-là ne devrait jamais se produire.

    Si vous étiez les législateurs maintenant—si vous étiez à notre place—, j'aimerais savoir qui, selon chacune de vous, serait responsable de cette mort.

Á  +-(1150)  

+-

    La présidente: Qui veut commencer?

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: Je vais essayer.

+-

    La présidente: Nous allons commencer avec Gina, puis ce sera au tour de Lee.

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: Permettez-moi de ne pas partager votre opinion. Je dirais que c'est justement parce que c'était une Autochtone et que c'était une fille. Contrairement à vous, je dis que ce sont là des facteurs déterminants.

    Je crois que dès le début, depuis la colonisation, qui a entraîné toutes les conséquences systémiques du racisme, de la discrimination... Vous parlez d'une enfant; or, ses parents se trouvent probablement dans la même situation, dans la situation d'un enfant de 11 ans, quand on pense à leur niveau d'éducation et à tout ce qu'ils n'ont jamais eu. Ça nous ramène aux causes profondes auxquelles on ne sait jamais attaqué dans ce pays.

+-

    La présidente: Merci,

    Lee Lakeman.

+-

    Mme Lee Lakeman: Je suis ici pour vous tenir responsables. Je suis ici pour vous exhorter à utiliser le pouvoir qui se trouve entre vos mains maintenant pour faire en sorte qu'aucune mère ne se trouve dans l'impossibilité de nourrir et de protéger sa fillette de 11 ans. Personne ne le fera mieux que cette mère.

    Or, il faut des normes nationales partout au pays pour que cette mère ait accès à une somme d'argent qui lui permette de vivre décemment et de protéger son enfant. C'est très simple. C'est une énorme responsabilité gouvernementale et une responsabilité gouvernementale nationale.

+-

    La présidente: Quelqu'un d'autre veut répondre?

+-

    Mme Lynne Yelich: Y a-t-il une tendance, à votre avis? Sommes-nous plus exposés parce qu'il y a plus de désespoir? Pourquoi cette situation se répand-elle?

+-

    Mme Lee Lakeman: Oui, il y a une tendance. C'est évident. La situation s'aggrave. Il y a de moins en moins d'endroits où aller, de moins en moins de moyens de survivre.

    Au début, notre rapport devait porter sur le système de justice pénale. Nous nous sommes rendu compte qu'il était impossible de parler de la violence faite aux femmes au cours des cinq années que visait le rapport sans parler de l'absence d'aide sociale, des changements apportés au chapitre de l'immigration et des changements dans la façon de traiter les gens, qui entraînent les femmes dans des situations de plus en plus dangereuses. Les femmes les plus démunies sont poussées dans des situations de plus en plus dangereuses. Soit dit en passant, les personnes démunies sont de plus en plus nombreuses. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que la famille dont vous nous avez parlé, cette femme et cette fillette, avait plus d'options il y a quelques années qu'aujourd'hui.

    C'est certainement le rôle de la politique gouvernementale. C'est certainement le rôle de l'économie internationale également. Il y a des choses que la politique gouvernementale peut faire pour donner à ces personnes plus de paix, d'aisance et de sécurité ainsi que la “capacité de se battre pour elles-mêmes.

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: J'aimerais ajouter que nous en avons assez de l'économie de la douleur pour notre peuple, l'économie de la douleur dans tous les domaines, que ce soit en matière de santé, d'éducation ou de mesures sociales. Les statistiques nous montrent qu'il y a une économie de la douleur.

    On a enlevé à notre peuple son régime matriarcal traditionnel, dans lequel les femmes et les enfants étaient respectés et tenus en estime. Aujourd'hui, après les discussions sur le logement auxquelles nous avons participé, nos dirigeants nationaux ne mentionnent même pas, dans le rapport qu'ils ont remis à leurs chefs, les points que nous avons soulevés sur les droits en matière de biens matrimoniaux, et passent sous silence le fait que la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique même pas dans les réserves.

+-

    Mme Lynne Yelich: Comment la situation s'est-elle détériorée? Vous dites qu'on est arrivé au point où les femmes et les enfants ne sont plus respectés. Comment expliquer ce retour en arrière?

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: Cette situation découle directement du colonialisme, lorsque les gens arrivent et bannissent les religions, les croyances et le régime de gouvernance des peuples—on condamne, on brûle et on rend illégales toutes ces pratiques.

    Aujourd'hui, les personnes les plus vulnérables, les enfants de 12 ans, garçons et filles—selon nos traditions, nous disons que leurs esprits mental et physique se livrent bataille à cet âge. Aujourd'hui, la société permet bien souvent que l'esprit physique l'emporte sur l'esprit spirituel. Jadis, ces garçons et ces filles étaient intégrés à nos cérémonies pour qu'ils comprennent le sacré de la vie et le sacré de leurs attaches. On n'en fait même plus la promotion. Il n'y a même plus de place pour cela.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente: Kim.

+-

    Mme Kim Pate: Vous demandez comment ces choses sont arrivées. Au cours de l'histoire, l'arrivée du patriarcat et du colonialisme a fait en sorte que les cultures matrilinéaires et matriarcales n'étaient plus reconnues. Le leadership des femmes a été pratiquement rayé dès le début du processus qui se perpétue encore aujourd'hui.

    Vous demandez comment ces choses se produisent. Or, c'est à Saskatoon même que nous avons eu, il y a quelques années, des réunions concernant la justice pour les jeunes, au cours desquelles des policiers disaient qu'ils n'allaient plus porter des accusations contre les jeunes filles qui se prostituaient, mais qu'ils allaient s'occuper seulement des proxénètes.

    C'est le jeu habituel qui se joue lorsque nous avons ces discussions. En moins d'un an, nous avons vu des jeunes filles de 12, 13 et 14 ans accusées de proxénétisme et de vivre des produits de la prostitution en Saskatoon. Nous venons d'avoir l'enquête sur l'affaire Stonechild. On ne peut être plus clair. La situation est alarmante quand on voit des enfants littéralement jetés à la rue.

    Ce qui nous est arrivé est semblable à ce qui s'est produit lorsque Lee a commencé son rapport, lorsque Gina a mentionné certains des travaux réalisés—des travaux que nous faisons tous, tout le monde autour de cette table. Lorsque nous avons commencé à examiner toute la question des droits des femmes dans les prisons, nous avons dû élargir notre étude. La Commission des droits de la personne s'est concentré sur les services correctionnels. Nous avons dit que le contexte global dans lequel les femmes vivent à l'heure actuelle contribue directement à une criminalisation accrue et au fait qu'on a davantage recours aux moyens d'intervention sociale les plus punitifs, les plus coûteux—« coûteux » non seulement au sens économique, mais aussi sur le plan humain—et les moins efficaces.

    Il ne faut pas s'étonner qu'une fillette de 11 ans se rende insensible à la réalité, lorsque sa réalité est telle qu'elle n'est pas certaine d'avoir un foyer, qu'elle n'est pas certaine que sa mère a les moyens de la nourrir, qu'elle ne sait pas comment elle ira à l'école—si elle peut même s'en approcher. Ce sont les réalités auxquelles nous devons faire face.

    À mon avis, il devient de plus en plus évident que les personnes en situation de pouvoir, celles qui ont les ressources et l'autorité nécessaires pour prendre des décisions, sont si éloignées de la réalité que vivent tant de personnes au Canada... Je ne sais pas comment ces questions peuvent être posées sans qu'on accuse les personnes qui ont l'autorité et le pouvoir et qui ne les utilisent pas pour corriger la situation.

    Je gagne ma vie sur le dos des femmes en prison. Or, je ne mérite pas mon chèque de paie si je n'essaie pas tous les jours d'atténuer les conditions qui contribuent à ce malheur.

    C'est la réalité à laquelle nous devons faire face. De plus en plus, les groupes comme les nôtres se voient refuser du financement. Nous craignons que... comme Lee l'a mentionné, le mouvement féministe indépendant s'effrite. Les gens sont littéralement en quête de financement, projet après projet. L'essence même de notre travail, de ce que vous attendez de nous—pour avoir l'analyse critique qui alimente des rapports comme La guerre contre les femmes et Canada's Promises to Keep et assurer la poursuite de cette analyse—, est pratiquement éliminée. Nous sommes rayés de la carte.

    Si vous pouvez imaginer que ceci nous arrive, imaginez ce qui arrive aux femmes qui vivent vraiment ces expériences.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, mesdames.

    Au Québec, nous comprenons bien ce qu'est le colonialisme. Nous avons vécu le colonialisme britannique et nous avons dû nous défendre. Cependant, nous avons eu la chance d'avoir une population francophone suffisamment nombreuse qui a pu défendre ses droits, dans un milieu fermé. Selon ce que je comprends, chez les autochtones, il y a un éclatement puisqu'ils sont un peu partout au Canada.

    Je suis très sympathique à votre cause. Si j'étais à votre place, comme femme et comme autochtone, je serais complètement révoltée. Je trouve inadmissible cette situation qui fait que le gouvernement fédéral a abandonné complètement les autochtones et a créé un système où il est difficile de résister. À un moment où le gouvernement fédéral engrange les surplus, je vous enjoins de continuer à revendiquer et de continuer à le dire.

    Est-ce que l'une de vous peut me dire quelle est la situation des femmes autochtones au Québec? Leur situation est-elle aussi dramatique? Certains le savent. Je sais qu'il y a au Québec 85 maisons d'hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale. Hier, le gouvernement du Québec a annoncé 72 engagements pour contrer la violence faite aux femmes, et 65 millions de dollars sur cinq ans seront donnés. Pensez-vous que ces engagements des gouvernements provinciaux, engagements financiers et engagements sur le plan de la sensibilisation, peuvent constituer un début de solution? Pensez-vous que l'établissement d'un plan d'action concerté de toutes les autorités policières et politiques peut être utile?

  +-(1200)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Lee.

+-

    Mme Lee Lakeman: Nous pouvons certainement tirer de nombreuses leçons du système de justice pénale au Québec. Quiconque s'y connaît pourrait dire que certains progrès y ont été réalisés dans plusieurs domaines. Toutefois,vous ne devez pas croire que les centres d'hébergement et les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle sont en meilleure santé au Québec. Les centres CALACS sont membres de mon association également. Dans les cas récents d'agressions sexuelles contre des enfants et d'agressions sexuelles impliquant M. Rozon, par exemple, on peut se demander ce qui se passe au Québec lorsqu'une personne peut être accusée d'agression sexuelle et se voir ensuite acquitter. On dirait que certains hommes d'influence au Québec n'ont pas à rendre des comptes publiquement alors qu'ils commettent non seulement des agressions sexuelles, mais des agressions sexuelles contre des enfants. Je ne parlerai pas de la situation particulière des femmes autochtones—Gina est mieux placée que moi pour en parler—, mais je ne crois pas que la situation soit bien meilleure.

    Pourquoi faut-il que ce soit l'un ou l'autre? La Charte canadienne des droits et libertés doit s'appliquer à toutes les femmes partout au pays et doit être un atout pour toutes les femmes au pays.

    Les programmes sociaux qui sont produits et financés au niveau national doivent être disponibles aux femmes du Québec également, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Les groupes de femmes au Québec n'ont pas le financement nécessaire pour tenir des réunions, par exemple, avec d'autres femmes du reste du Canada, et pouvoir ainsi échanger de l'information. Le droit criminel ne commence pas à Québec; il commence à Ottawa. Les services de police ne sont pas seulement contrôlés à Québec, mais aussi à Ottawa. Nous avons besoin de cette alliance à l'échelle nationale pour renforcer notre travail de part et d'autre.

+-

    La présidente: Gina.

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: J'aimerais vous remercier de reconnaître la disparité qui existe et, comme Kim l'a mentionné, d'attendre le cri d'alarme sur ce qui se passe dans les communautés autochtones.

    En ce qui concerne le financement dont vous parlez, rien n'est accordé aux centres d'hébergement autochtones. On a appliqué ici la tactique « diviser pour régner ». Vous pouvez repérer les gens tant que vous les séparez. Je dirais qu'il semble y avoir plus d'unité au Québec que dans les autres provinces. Le français, qui est leur langue seconde, les rapproche peut-être d'une certaine façon. À part l'anglais, ils peuvent aussi parler en français. La plupart des femmes qui parlent dans leur langue maternelle parlent aussi français.

    Je dirais que c'est aussi à cause des efforts de lobbying des femmes autochtones au Québec. Le groupe Femmes autochtones est l'un des plus actifs au Canada. Au fil des années, son leadership s'est affirmé, et j'espère que ça va continuer.

    Je voulais dire qu'à l'intérieur des centres d'hébergement—je vais prendre l'exemple d'un centre d'hébergement au Québec, Listuguj... La directrice et le personnel du centre sont à leur poste depuis quinze à dix-huit ans, et le même noyau existe depuis la création du centre. Il est important de mentionner le travail que font ces femmes et le fait qu'elles ont duré aussi longtemps. Il reste à savoir, à mon avis, combien de temps encore elles vont continuer. Elles ont besoin d'aide. Elles font du mieux qu'elles peuvent, et il faut que les hommes de ce pays se lèvent et se sentent interpellés par ce qui arrive aux femmes.

+-

    La présidente: Merci.

    Je vais maintenant donner la parole à Susan Kadis.

+-

    Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.): Je vous suis reconnaissante de votre franchise. Bien sûr, nous ne pouvons pas avancer si nous ne savons pas exactement ce qui se passe.

    J'ai beaucoup de questions—trop, j'en suis sûre.

    Premièrement, l'absence apparente de soutien, d'obligation de la part du gouvernement fédéral a été amplement condamnée. C'est maintenant le tour du Québec. J'aimerais bien savoir ce qu'il en est des autres provinces. À votre avis, est-ce seulement le gouvernement fédéral qui n'a pas fourni le financement de base, ou est-ce aussi le cas des provinces? Ou comptez-vous sur le gouvernement fédéral pour instaurer des normes nationales afin d'encourager les provinces? J'aimerais comprendre cela un peu mieux. C'est ma première question.

    Aussi, qui aimeriez-vous voir participer à la discussion? Il me semble que Lee a dit qu'il manque des intervenants dont la présence est nécessaire.

    Je pense aussi que Cheryl a dit, au début, que le système de justice pénale avait un préjugé à l'encontre des femmes.

    Ce sont là mes questions pour l'instant.

  +-(1205)  

+-

    La présidente: Qui veut répondre en premier? Lee.

+-

    Mme Lee Lakeman: Je pourrais parler pendant 15 minutes de ce que le gouvernement fédéral a réalisé au chapitre de la violence contre les femmes, mais je n'en ai que cinq et je vais me concentrer sur ce que j'aimerais que vous fassiez.

    Ce qui importe à propos des relations fédérales-provinciales, c'est qu'elles ont beaucoup changé en 1995. Depuis 1995, nous pouvons citer les changements qui ont compromis ce que nous avions réalisé en matière de violence contre les femmes. Les changements apportés en 1995—l'élimination du RAPC, le mode de financement de la santé et de l'aide sociale—ont eu un effet direct sur chaque maison de transition du pays; ils ont entraîné l'élimination de centres pour les femmes dans la plus grande partie du pays; ils ont eu un effet indubitable sur les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle; ils ont fait en sorte que les femmes ne sont plus certaines d'obtenir l'aide sociale et de nourrir leurs enfants. Je crois que la plupart d'entre vous ne savez pas que c'est le cas. Elles n'ont plus cette certitude.

    Toute ma vie, j'ai su que mon enfant ne mourrait pas de faim au Canada. Cette certitude n'existe plus.

+-

    Mme Susan Kadis: Ce que nous avons besoin de savoir clairement, c'est s'il s'agit du rôle des gouvernements provinciaux.

+-

    Mme Lee Lakeman: Non.

+-

    Mme Susan Kadis: Les deux paliers sont-ils en cause? D'où cela vient-il?

+-

    Mme Lee Lakeman: Des deux paliers, bien sûr. C'est la modification des accords fiscaux entre le fédéral et les provinces, la disparition des normes nationales en la matière, qui n'avaient jamais été entièrement appliquées de toute façon, mais qui étaient bien meilleures que ce que nous avons maintenant pour le financement de la santé et de l'aide sociale. Vous en entendrez beaucoup parler. Il y a une coalition de groupes de femmes qui ont porté nos plaintes à ce sujet à l'attention des Nations Unies, en vertu de la CEDAW. Vous avez fait l'objet de critiques de la part des Nations Unies à cet égard. Je m'attendais à ce que ce soit déjà compris avant que je comparaisse, mais cela fait partie de ce dossier, bien sûr, des répercussions de ces décisions.

    Qui plus est, je crois qu'il existe des attentes distinctes qui sont liées à la Charte. Après son entrée en vigueur, nous nous attendions à ce qu'il y ait un processus permanent pour que la promesse contenue dans la Charte permette d'améliorer la gestion et les grandes orientations sociales. Cette promesse a été oubliée et les attentes déçues.

    Il y aussi un troisième aspect, à savoir une attaque directe contre le féminisme par le truchement des politiques sociales et gouvernementales. Il n'y a pas d'autre façon de décrire ce phénomène. À une époque, les consultations et le financement étaient possibles, bien qu'imprévisibles. C'est exactement le contraire qui se passe à l'heure actuelle. Il est très difficile d'attirer l'attention du gouvernement ou d'obtenir des fonds si nous clamons que notre but est d'obtenir l'égalité des femmes. Il est plus difficile maintenant d'obtenir l'attention du gouvernement et des fonds si nous sommes associées à la défense des droits de la personne au nom des femmes.

+-

    La présidente: Tina.

+-

    Mme Tina Schoen: Merci.

    Je crois fermement qu'il incombe à la fois aux provinces et au fédéral de corriger le sous-financement des services aux femmes. Nous devons appliquer une norme nationale à toutes les provinces. Les réductions infligées aux services aux femmes et le fait que le financement n'augmente pas dans les maisons de transition de la Colombie-Britannique, par exemple, où il n'y a pas eu de réduction, mais pas d'augmentation non plus pour soutenir la hausse des coûts de fonctionnement... C'est essentiel, et les gains à court terme ne réduiront aucunement les coûts à long terme que nous devrons absorber.

+-

    La présidente: Merci.

    Gina.

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: J'aimerais ajouter, à propos des refuges dans les réserves, parce qu'ils relèvent du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, que ce ministère est devenu un monstre. Personne ne sait comment fonctionne cette bureaucratie. Et à mesure qu'il délègue ses responsabilités fiduciaires—les responsabilités sont confiées aux provinces, et l'argent des refuges vient d'AINC, passe par les régions, puis va aux chefs et aux conseils—les refuges doivent produire tant de rapports, tant de statistiques; finalement, nous essayons de recueillir ces statistiques. En fait, les femmes le font parce que le gouvernement dit qu'il faut le faire et, pour obtenir plus de financement, il faut fournir les statistiques. Mais, quand nous essayons d'étudier ces statistiques et de nous en servir pour brosser un tableau de la situation nationale, il est impossible de les trouver ou de les résumer. L'administration centrale ne sait donc pas ce que font les régions. Quand nous essayons de parler de l'amélioration du financement, par exemple, nous ne savons même pas à qui nous adresser.

  +-(1210)  

+-

    La présidente: Kim.

+-

    Mme Kim Pate: Quant à la discrimination au sein du système de justice pénale, dans le contexte du rapport Stolen Sisters, nous nous sommes rendu compte—et les femmes qui sont ici le savent mieux que moi—que dans les instituts de police et les programmes de formation, la formation sur les collectivités autochtones—leur expérience, leur histoire, et l'influence de ces facteurs sur le travail policier—ne fait pas partie du programme de base. Quand c'est inclus dans le programme, on y consacre une heure ou deux, après le reste.

    Nous savons que c'est ainsi dans les instituts de police. Nous croyons aussi que les juges et tous les intervenants du système de justice pénale doivent recevoir le même genre de formation et de sensibilisation. Quand nous parlons nous-mêmes aux organismes de première ligne, dans le contexte de la campagne visant à faire cesser la violence contre les femmes, nous voyons clairement que même pour les femmes qui demandent l'aide de la police à Ottawa, le protocole n'est pas appliqué en cas d'agression sexuelle. Ce protocole a été conçu pour éviter que les femmes qui demandent de l'aide et du soutien, et qui veulent obtenir justice, se heurtent à des difficultés sans fin. Quand il y a des mécanismes, ils ne sont même pas appliqués, car il y a du roulement chez les policiers, et ces mécanismes ne représentent pas un élément fondamental du travail policier.

+-

    La présidente: Brièvement, je vous prie.

  +-(1215)  

+-

    Mme Cheryl Hotchkiss: Si j'ai bien compris, vous voulez savoir si le système judiciaire est discriminatoire. Je pourrais peut-être vous donner quelques exemples de la façon dont nous voyons les choses. Vous en avez entendu un : souvent, les policiers ne viennent pas quand on les appelle. Il y a quelques années, après une déclaration en ce sens que j'ai faite à ce qui était alors un réseau national de télévision pour les femmes à Winnipeg, le surintendant de police, qui m'accompagnait, a reconnu que c'était vrai, qu'il y avait des cas où les policiers ne répondaient pas aux appels, mais c'étaient des situations délicates. Je lui ai répondu que ça aurait eu beaucoup plus d'effet si c'était lui qui l'avait dit sur les ondes plutôt que moi.

    Nous parlions de certains incidents et un gardien de prison a cité un cas où il avait appelé la police parce qu'il avait entendu qu'on battait une femme dans l'immeuble où il vivait. Quand les policiers sont arrivés, ils ont déclaré que s'ils avaient su que c'était cet immeuble, ils ne seraient pas venus si vite. À lui aussi j'ai demandé pourquoi il ne parlait pas ouvertement de ces questions.

    Nous savons donc que ce n'est pas seulement une question d'éducation. Trop souvent, ces questions sont connues de ceux... Mais les enjeux sont gros, et je crois qu'il faut se demander qui profite du fait que l'on continue de cacher la vraie nature ou la portée de la discrimination que subissent les femmes. Qui profite de l'inégalité des femmes? La réponse s'impose d'elle-même.

    Nous savons qu'il y a de plus en plus de femmes qui font l'objet d'accusations dans des situations où elles ont elles-mêmes appelé la police parce qu'elles avaient besoin d'aide. Les policiers nous disent qu'ils appliquent des directives de mise en accusation obligatoire, une démarche non sexiste. Nous n'avons jamais demandé de démarche non-sexiste. Nous voulons que les enjeux qui préoccupent les femmes soient pris au sérieux. Quand les policiers arrivent et voient des égratignures sur l'homme, il dit que c'est la femme qui l'a agressé. En fait, dans certains cas, les policiers ne portent aucune accusation contre l'homme, même si la maison est saccagée, même s'ils ont écouté les appels aux services d'urgence—qui ont tenu la femme en ligne, qui ont entendu le remue-ménage dans la maison, qui ont demandé si l'homme détenait les enfants ou s'il avait encore frappé la femme. Puis, quand les policiers arrivent, ils accusent parfois l'homme de méfait et la femme d'agression, parce que l'homme présente des égratignures que la femme lui a infligées en se défendant.

    Puis, finalement, comme je l'ai dit plus tôt, la femme plaide coupable pour éviter d'être incarcérée dans l'attente de son procès, parce que le financement de l'aide juridique est limité. Elle ne peut même pas avoir accès à ses enfants si ces derniers ont été incarcérés, et je dis « incarcérés » parce que c'est le raccourci que suivent beaucoup de ces jeunes vers le système judiciaire pour les enfants. Quand les enfants sont pris en charge par les services d'aide à l'enfance, les femmes n'ont pas accès à l'aide juridique pour les questions de droit familial, même si souvent, elles disent qu'il leur est beaucoup plus difficile d'être séparées de leurs enfants que de purger leur peine.

    Ensuite, quand elles sont libérées, à la suite d'une détention préventive ou après avoir purgé leur peine, elles n'ont aucun moyen de subsistance, mais on leur dit d'être autonomes.

    Nous sortons à peine de ce processus lié aux droits de la personne, et même après que madame la juge Arbour ait relevé des cas de violation des droits de la personne et de la Charte dans les prisons pour femmes, après que la Commission canadienne des droits de la personne l'ait constaté, nous nous retrouvions, il y a à peine un mois, dans une situation où le Service correctionnel du Canada niait encore qu'il y avait de la discrimination contre les femmes et que leurs droits étaient violés.

    Pendant ce mois, depuis la tenue de ces réunions avec le Service correctionnel, il y a eu deux incidents où nous avons dû avertir ce service que des femmes avaient été privées de leur droit à un avocat dans les prisons et qu'il y avait eu d'autres cas de violation des droits de la personne. C'est la réalité à laquelle nous faisons face.

    Bien sûr, souvent, les militantes sont perçues comme étant elles-mêmes dans cette situation, ce qui revient presque automatiquement à les discréditer car, au lieu de se demander qui bénéficie de ces politiques et pratiques, on considère que les femmes qui essaient d'obtenir du soutien le font de manière intéressée. Vous vouliez savoir comment se manifestait la discrimination? Eh bien, en résumé, c'est de cette manière.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Crowder, avant que vous ne commenciez, j'aimerais faire une intervention entre parenthèses.

    Il y a un déjeuner léger pour tous. Je vous en prie, servez-vous.

    Jean.

+-

    Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Premièrement, j'aimerais vous remercier toutes d'être venues. Je crois qu'il est de circonstance que beaucoup des commentaires que nous avons entendus aujourd'hui aient été livrés avec passion, avec une énergie qui, à mon avis, doit être entendue.

    Quand il est question de violence, beaucoup de gens présument qu'il s'agit de violence physique, mais il y a aussi de la violence verbale, psychologique, économique et sociale. C'est endémique et systémique.

    En Grande-Bretagne, cette semaine, The Guardian a publié un rapport. Le sous-titre se lisait ainsi : « Intimidation, condescendance et injustice—les femmes députées disent la vérité à propos de la vie à Westminster. » C'est de députés qu'il s'agit. Je ne dis pas que les choses se passent comme ça ici, mais c'est systémique. Il y a des gens qui prennent des décisions à propos des femmes, des enfants, des familles et de la violence, et qui n'ont aucune idée, aucune notion de ce qui se passe.

    À quelques reprises, il a été question de consultations. J'aimerais que vous décriviez des moyens concrets de passer à l'action. Lee en a parlé. Je suppose que l'information ne manque pas. Nous avons des piles de rapports. Nous pourrions probablement remplir un camion avec les rapports que nous avons. Comment allons-nous passer à l'action?

    Je suis frustrée de voir que nous avons toute cette information, mais que nous ne voyons aucune amélioration tangible dans la vie des femmes et des enfants.

+-

    La présidente: Qui veut répondre la première? Lee.

+-

    Mme Lee Lakeman: Je suis probablement l'aînée à la table.

    Je pense qu'il y a eu des améliorations. Dans le contexte canadien, il y a eu des victoires auxquelles nous devons nous accrocher. Une partie de mon inquiétude vient de ce que nous régressons.

    Au Canada, ce qui a permis de sauver des vies, de promouvoir des réformes et d'améliorer la situation, c'est un mouvement féministe vigoureux et indépendant qui doit son existence au soutien de l'État.

+-

    Mme Jean Crowder: Pouvez-vous nous dire comment nous pouvons surmonter l'inertie? Nous savons que nous devons financer les organismes de femmes. Il y a suffisamment de rapports qui le confirment. Pourtant, nous ne faisons rien à ce sujet.

+-

    Mme Lee Lakeman: Oui.

+-

    Mme Jean Crowder: Je sais que c'est une question difficile.

+-

    Mme Lee Lakeman: Je suis venue ici parce que je pense que ce comité représente un bon point de départ. Je crois que ce sous-comité est très important. Il doit faire beaucoup de bruit, et je compte sur vous pour en faire. Depuis 30 ans, il sert de catalyseur et de point de ralliement qui permet aux femmes de se faire entendre. Cela fait certainement partie des mesures que nous devons prendre.

    Nous avons besoin d'une tribune. Nous avons besoin de tribunes nationales qui nous permettent de nous adresser au public et au Parlement. Il serait sûrement utile de tenir plus d'audiences, que vous alliez rencontrer les femmes du pays. Il serait utile que vous nous accordiez davantage de temps pour nous exprimer. Je pourrais vous présenter des femmes qui veulent s'exprimer. Je pourrais vous présenter des femmes des refuges et des centres d'hébergement de tout le pays. Elles veulent vous parler, mais il faut du temps, et les gens doivent pouvoir vous exposer la situation.

    Nous allons perdre la seule arme dont nous disposons dans cette lutte, c'est-à-dire les groupes de femmes de première ligne. Les provinces leur retirent leur financement. Le gouvernement fédéral a envers eux une responsabilité fiscale, laquelle, à mon avis, pourrait défendue en invoquant la Charte. Je ne sais pas pourquoi vous ne le faites pas. La Charte promet une progression vers l'égalité des femmes. Elle exige du gouvernement fédéral le financement direct des programmes d'égalité menés par les groupes de femmes. C'est incontournable.

    Bien sûr, nous appuyons la demande des groupes de surveillance à l'échelon national. Bien sûr, nous participons aux coalitions, à celles qui se réclament de la CEDAW, et à toutes les autres coalitions.

    Ce qui a amélioré la situation au Canada, c'est que les femmes peuvent faire appel à un centre local pour les femmes, à une maison de transition, à un centre d'hébergement pour les victimes d'agression sexuelle, et qu'elles le savent. Le comportement des hommes a changé, parce qu'ils savent que les femmes peuvent obtenir de l'aide et partir. Les centres qui sont fonctionnels sauvent des vies—celles des enfants, des femmes et des hommes.

  +-(1220)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

+-

    Mme Lee Lakeman: J'ignore comment vous allez vous y prendre, mais il faut que vous le fassiez. Moi, je garde les centres ouverts.

+-

    La présidente: D'accord. J'aimerais que tous puissent réagir à ce qui vient d'être dit.

    Je vais commencer par Cheryl, puis nous passerons aux autres dans l'ordre où elles se trouvent à la table.

+-

    Mme Cheryl Hotchkiss: Oui. Malheureusement, la question de la violence faite aux femmes ne figure pas au calendrier des gouvernements. La question n'est pas vue comme étant névralgique. Elle n'est pas considérée comme étant centrale pour faire en sorte que la société soit saine et productive pour tous.

    Dans l'ensemble, le problème est énorme. Il est si difficile d'avoir l'oreille d'hommes occupant des postes de leadership pour leur parler de la réalité des femmes et des enfants au Canada et à l'étranger. Jusqu'à ce qu'ils comprennent que l'enjeu est essentiel pour que le Canada soit un lieu sûr et productif, rien ne changera. Il y a beaucoup de gens ici, mais ces hommes ne sont pas présents. Ce ne sont pas eux qui entendent ce que nous avons à dire.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Gina.

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: J'aimerais dire que quand un enfant pleure, il réclame sa mère et, s'il ne peut pas l'avoir, alors il veut quelqu'un qui lui est tout aussi proche, quelqu'un qu'il connaît bien et qu'il reconnaît comme jouant le rôle maternel. Voilà ce que nous disons: permettez-nous de vivre avec nos enfants et laissez nos enfants venir à nous, parce que le racisme systémique continu pratiqué au Canada à l'encontre de nos femmes et de nos enfants...

    Je vous cite en exemple une collectivité de l'Alberta. Quand nous avons demandé à ses membres quel impact le refuge avait sur la collectivité, les femmes ont répondu: « Le fait que nous soyons ici ». Et quand nous leur avons demandé de préciser davantage leur pensée, elles nous ont répondu que la simple présence matérielle d'un refuge fait une différence parce qu'auparavant, il fallait marcher le long de la route jusqu'à la plage, dans la broussaille, et se construire un appentis sous une embarcation. C'était l'endroit secret où elles allaient se cacher et elles n'en ont jamais révélé l'existence. C'était juste un endroit où aller pleurer, parler avec d'autres et faire un feu pour se réchauffer si elles devaient y passer la nuit. Il n'y avait pas de nourriture, rien. Il y a encore beaucoup de collectivités comme celle-là. Le Canada compte 647 collectivités autochtones, et seulement 47 d'entre elles ont des refuges.

    Sur le plan de la violence, le nombre de femmes violentes s'accroît; même nos femmes deviennent violentes. Bien des détenues entre autres se trouvent là parce qu'elles sont si frustrées et si lourdement opprimées. C'est le dernier endroit où elles souhaitent se trouver, mais la douleur est trop difficile à supporter.

    Nous savons que nous ne pouvons pas nous en sortir seules, nous savons que nous avons besoin de toutes nos soeurs canadiennes, mais pour l'instant, nous agissons, par exemple en créant des organisations nationales de représentation des femmes autochtones et AWAVE, pour Aboriginal Women Against Violence Everywhere, dont le National Aboriginal Circle est le secrétariat.

    Il faut vraiment former des équipes, parce que nous sommes tellement disséminées un peu partout au pays. C'est que ce que nous tentons de faire, de bâtir des équipes qui peuvent se rendre dans les collectivités et commencer à travailler avec les refuges, les aider à élaborer un exposé modèle qu'ils peuvent faire à leur chef et à leur conseil, pour qu'ils aient l'impression d'avoir des appuis à l'extérieur. Il faut que la force et les origines viennent de l'intérieur, toutefois, mais jusqu'à ce que les refuges soient suffisamment solides, il faut pouvoir se rendre jusqu'à eux et les aider.

  +-(1225)  

+-

    La présidente: Je vous remercie beaucoup, Gina.

    Tina.

+-

    Mme Tina Schoen: Je dirais que la réponse à votre question se trouve dans votre mot d'ouverture et qu'aussi longtemps que nos institutions abuseront de leur pouvoir, on continuera d'avoir besoin de refuges, de maisons de transition et de programmes de counselling pour les femmes. Que ces institutions soient le Parlement, les assemblées législatives, la GRC, l'appareil judiciaire, peu importe. Il faut que l'appui vienne de l'intérieur même de ces institutions pour que les abus de pouvoir soient dénoncés et qu'ils cessent. Tant que ce ne sera pas le cas, il n'y aura pas de véritable changement.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Kim.

+-

    Mme Kim Pate: Je suis d'accord avec ce que chacune a dit. L'idée de créer plus de tribunes, plus de possibilités de diffuser l'information, est importante, mais je ne crois pas que ce soit parce que les gens ne comprennent pas. En fait, quand je vois le ressac, les prétendues études de recherche publiées qui disent que les femmes sont aussi violentes que les hommes, je le constate. Je peux le voir de mes propres yeux.

    Les deux femmes qualifiées des plus dangereuses au pays sont actuellement détenues dans des prisons fédérales. Ce sont deux jeunes Autochtones qu'on a laissées dans des circonstances si désespérées qu'elles luttaient littéralement pour leur survie—et une d'entre elle luttait pour son enfant. Elles ont commencé par des peines très courtes; l'une a été condamnée à 18 mois de prison la première fois et elle est en train de purger une peine de 18 ans, tout cela en raison de ce qui s'est passé dans le milieu carcéral. Elle assume l'entière responsabilité de la part qu'elle a jouée dans la violence, mais je crois qu'il est faux de dire qu'en fait, nous n'en savons rien.

    Nous commençons à voir des attaques selon lesquelles les femmes deviennent plus violentes, mais nous savons qu'il n'y a pas de différence appréciable dans les femmes incarcérées. Elles sont plus jeunes; elles sont plus désespérées et de plus en plus racialisées. Nous voyons des femmes dont les options, lorsqu'elles retournent dans la collectivité, sont de plus en plus limitées. Les gens ignorent peut-être une partie de cette réalité, et il faut peut-être faire en sorte de les mieux faire connaître.

    Mais pour en revenir à votre question, c'est-à-dire de savoir ce que peut faire votre comité pour améliorer la condition des femmes, je comprends qu'il s'agit d'un comité complet, parce que j'ai vu Paddy dire qu'il ne s'agit pas d'un sous-comité, mais bien d'un comité au complet. Je me réjouis de son existence, mais faisons en sorte maintenant que la condition des femmes est fermement inscrite au calendrier du gouvernement, pour tous les aspects de son travail—certes au calendrier fiscal et au programme social.

    Si en fait vous parvenez à faire cela, vous aurez alors beaucoup fait pour influencer ce qui se passe dans les provinces également, pour en revenir à votre question. On laisse les provinces vider les programmes sociaux de l'essentiel, dilapider notre legs canadien ou ce dont nous tirons notre fierté sur le plan international. Résultat, bon nombre d'entre nous se tournent de plus en plus vers les tribunes internationales pour parler de cette question, parce qu'il n'y a pas de tribune ici au Canada—et bon nombre d'entre nous espèrent que votre comité en sera peut-être une. Donc, il nous faut nous tourner vers l'extérieur du Canada. La dernière chose que nous souhaitons, c'est d'essayer de trouver des moyens d'embarrasser le Canada de manière à l'inciter à bien faire pour les femmes, mais c'est tout ce qu'il nous reste, pour être franche.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

+-

    Mme Kim Pate: Et ce moyen occupe de plus en plus de place.

+-

    La présidente: Je cède maintenant la parole à Mme Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, madame la présidente, et j'aimerais remercier aussi les témoins d'avoir pris la peine de venir jusqu'ici pour comparaître.

    Notre comité a invité de nombreux organismes comme le vôtre dans le passé à cerner les principaux enjeux qui préoccupent les femmes, mais quelles seraient selon vous les trois principales sources de préoccupation pour les femmes au Canada et quel rôle notre comité pourrait-il jouer en vue de les éliminer?

+-

    La présidente: Nous ne disposons pas d'autant de temps pour ce tour de table, de sorte que je vais être un peu moins généreuse, pour que le plus grand nombre de députés puissent poser leurs questions. Je vous demanderais donc d'être le plus bref possible.

    Qui souhaiterait parler en premier?

  +-(1230)  

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: J'aimerais répondre en ce qui concerne le point de vue des refuges. Les refuges sont coincés dans un cercle vicieux puisqu'on leur demande de fournir des données statistiques pour obtenir des fonds, mais que s'ils faisaient cela, il n'y aurait personne dans les refuges. Donc, les questions de prévention, d'intervention et d'éducation ont toutes besoin d'être réglées avant que nous ne soyons en crise.

    Pour nous, dans les refuges, six semaines, ce n'est pas assez pour aider une femme et ses enfants. Après le refuge, il n'y a pas de suivi, pas d'autres soins assurés par de nombreux refuges autochtones. On leur montre en quelque sorte la porte et on les accompagne de nos meilleurs voeux. C'est une véritable honte.

+-

    La présidente: Une autre souhaite-t-elle prendre la parole? Lee.

+-

    Mme Lee Lakeman: À la fin de notre rapport, il y a une liste de recommandations. J'aimerais vous en mentionner quelques-unes plus particulièrement. Les recommandations relatives à la justice pénale s'y trouvent. Je vous exhorte à en prendre connaissance.

    Durant notre étude de cinq ans, nous avons décidé, en plus des problèmes posées par la justice pénale qui sont énormes—je ne cherche pas du tout à en minimiser la portée—, qu'il est très difficile d'obtenir une condamnation dans une cause de violence faite aux femmes au Canada. C'est extrêmement difficile. En fait, on est moins sûr d'obtenir une condamnation pour des actes de violence commis contre des femmes que pour tout autre crime grave. C'est un problème de taille.

    J'aimerais aussi souligner que, lorsqu'on fait face à la justice pénale, c'est que la violence a déjà été commise. Or, notre préoccupation première est de trouver une façon de prévenir la violence au départ. Pour l'instant, il y a trois grands problèmes. Un est la perte d'accès à de l'assistance sociale ou à une autre forme de revenu de subsistance garanti. Sachez que les Canadiennes recommencent à parler de revenu de subsistance garanti. Des réunions se tiennent un peu partout au pays. Des initiatives sont en train d'être prises. Vous accusez beaucoup de retard dans l'examen de la forme qu'il devrait prendre pour être le plus utile aux femmes et de la manière dont nous pourrions exercer un contrôle national à cet égard.

    Le deuxième point que j'aimerais faire valoir, c'est qu'il ne fait aucun doute que la prostitution est une question chaude actuellement. Il importe de savoir comment elle joue dans la question de la liberté des femmes et de leur égalité, et il faut qu'elle soit examinée par votre comité. Le sujet est vraiment embêtant, je vous en avertis, mais il faut en parler plus sérieusement, voir comment on peut protéger les femmes victimes de commerce international et interrégional du sexe contre la criminalisation tout en les protégeant des forces économiques qui les mettent en prison pour prostitution. C'est un problème très grave qui ne fait qu'empirer. Je ne l'ai jamais vu aussi grave, et la situation se détériore très rapidement, tant sur la scène intérieure que sur la scène internationale.

    Troisième point dont je vous parlais au début, c'est que ce qui a permis de sauver la vie de femmes au Canada est en train de se détériorer—c'est-à-dire l'existence de groupes de femmes indépendantes. Votre comité ne s'est pas encore attaqué à la question. Si vous laissez aux provinces le soin de faire vivre les maisons de transition, les centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles et les centres de femmes, vous forcez ces organismes à exiger des frais pour leurs services, à devenir des solutions symboliques.

    En fait, ils ont toujours été conçus pour être des organismes politiques de représentation des femmes, capables de militer activement en vue de réaliser la promesse d'égalité qui se trouve dans la Charte. C'est là une responsabilité fédérale, non pas simplement provinciale. À mon avis, nul ne devrait échapper à cette responsabilité, mais le fédéral a certes un rôle à cet égard.

    Chaque maison de transition qui cherche à faire reconnaître dans les faits l'égalité des femmes devrait avoir directement accès au gouvernement fédéral et à une forme quelconque de financement—peut-être pas pour tous les services qu'elle assure, mais certainement pour la composante relative à l'égalité. C'est là le travail qui change la collectivité, qui modifie les attitudes, qui organise les femmes en groupes, qui crée un organe de vote qui peut appuyer les réformes. Voilà ce qu'il en est, et c'est ce que nous sommes en train de perdre.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Nous allons passer à la question suivante. Monsieur Powers.

+-

    M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Vous n'aurez pas le temps de répondre à cette question, mais pouvons-nous présumer que je suis un homme? Qu'est-ce que je fais de mal et comment puis-je aider à améliorer votre sort?

+-

    La présidente: Tina.

+-

    Mme Tina Schoen: Je crois qu'il est essentiel que les hommes prennent part au débat. Les actes de violence commis contre les femmes n'intéressent pas que les femmes. Ils nous intéressent tous. Il n'y aura du changement que lorsque les hommes commenceront à exiger des comptes d'autres hommes pour leurs comportements et leurs actes.

  +-(1235)  

+-

    La présidente: Kim.

+-

    Mme Kim Pate: Je répéterai ce qui vient de se dire. Si on peut faire comprendre au groupe d'hommes dirigeant le gouvernement les enjeux dont il a déjà été question ici et, plus particulièrement, certaines des priorités dont ont parlé Lee et les autres—le besoin de faire en sorte qu'il existe des normes nationales, d'offrir un revenu garanti dont tous peuvent vivre—, cela aura un impact direct sur l'égalité des femmes et des enfants au Canada. On contribuera ainsi directement à soulager la pauvreté et l'itinérance. On répondra directement à bon nombre des problèmes dont nous avons déjà parlé. Si nous avons ces normes nationales en place, nous verrons des changements fondamentaux selon moi.

    Comme Lee et d'autres l'ont déjà dit, il nous faut également un mouvement de femmes indépendant puisqu'il comporte de nombreuses facettes, dont a parlé Gina. Ainsi, il permet aux leaders de se regrouper de manière à ce que les groupes de femmes autochtones pancanadiens puissent se concerter avec des femmes travaillant à la féminisation et à la criminalisation de la pauvreté, avec des groupes antiviolence et que le travail se fasse collectivement. Il faut aussi du financement pour que le regroupement se fasse et que l'examen de questions comme la prostitution soit vu à travers le prisme de l'égalité.

    Enfin, il faut faire en sorte qu'il y a une surveillance. Vous êtes peut-être le comité qui pourrait le mieux voir à ce qu'il y ait une surveillance de toutes ces questions dont nous avons parlé.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Quelqu'un a-t-il autre chose à ajouter?

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: J'aimerais ajouter à l'intention de l'homme qui a posé cette question qu'il faut qu'il la pose à d'autres hommes.

    De plus, on m'a appris, quand j'étais jeune, que j'ai peut-être l'air d'une femme à l'extérieur, mais qu'à l'intérieur, je suis une descendante de mon père et de ma mère. Je suis donc un peu des deux à la fois. Donc, quand vous battez l'une, vous battez aussi l'autre. Nous sommes comme des aigles : nous avons deux ailes, l'une mâle et l'autre femelle. Nous n'accomplirons jamais rien si une aile est brisée. Nous n'aurons pas la vue perçante de l'aigle; nous serons cloués au sol, myopes. Jusqu'à ce que nous puissions nous envoler également, en tant qu'homme et en tant que femme, et voler comme un aigle symboliquement, il sera impossible de régler le problème de la violence.

+-

    La présidente: Quelqu'un d'autre? Lee.

+-

    Mme Lee Lakeman: Je vous suis reconnaissante d'avoir posé la question. J'estime à sa juste valeur votre présence au sein du comité. Ce que vous pouvez faire, c'est d'appuyer le leadership offert par les groupes de femmes indépendants et ce qu'il faut faire ici. Prenez nos recommandations au sérieux, au sein de votre parti en particulier, au sein du comité définitivement et sur le parquet de la Chambre. Nous sommes incontestablement dépendantes de vos actes.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Avez-vous autre chose à ajouter, monsieur Powers?

+-

    M. Russ Powers: Non, c'est tout. Merci.

+-

    La présidente: Madame Torsney, il nous reste quelques minutes. Souhaitez-vous...?

+-

    L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): J'aurais quelques questions à poser, mais il n'est pas nécessaire de répondre à chacune d'entre elles.

    Il me semble également qu'il faut que nous ayons un système d'éducation qui fait vraiment en sorte que les personnes sont traitées sur un pied d'égalité. Madame Simon, votre exemple de l'aigle illustre vraiment bien comment le Canada pourrait y arriver, si tous disposent de chances égales. C'est dans notre intérêt à tous. Certaines de nos collectivités font vraiment de bonnes choses au niveau local, mais il faut s'assurer que l'action est pancanadienne, comme vous dites.

    Personne n'a parlé des problèmes créés par la consommation et la surconsommation de substances, des phénomènes courants quand on souffre, mais ils font courir également un plus grand risque. Je suppose que le fait qu'il n'y ait eu aucun commentaire à ce sujet m'étonne. C'est peut-être qu'il y a tant de sujets à aborder. Toutefois, de toute évidence, un appui qui permettrait d'offrir des milieux de vie plus sains aiderait beaucoup de femmes à risque.

    L'une d'entre vous avait-elle des observations à ce sujet? Un comité spécial s'est penché sur la question.

+-

    La présidente: Kim.

+-

    Mme Kim Pate: Oui, j'ai un commentaire à faire. Vous ne deviez pas être dans la salle...

+-

    L'hon. Paddy Torsney: J'ai manqué ça, je vous prie de m'excuser.

+-

    Mme Kim Pate: ... lorsque nous en avons parlé.

    Il va sans dire que le problème de la consommation et de l'abus de drogues est une préoccupation. On met beaucoup l'accent maintenant sur le SAF et les troubles neurologiques liés à l'alcool... On constate que l'analyse est faite en fonction de la race, du sexe et de la classe sociale. Ce que je veux dire, c'est qu'on met principalement l'accent sur le diagnostic d'enfants et de mères autochtones que l'on tient responsables de ces problèmes. Je tiens à ce que vous soyez conscients de cet aspect.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: D'accord.

+-

    Mme Kim Pate: Nous n'avons pas le temps d'examiner en profondeur la question, mais il y a une analyse critique très importante qui en est faite.

    L'autre réalité dont il faut tenir compte, c'est le niveau de désespoir des gens; lorsqu'on devient de plus en plus désespéré et qu'il n'y a aucune autre option, on choisit d'endormir la douleur. Nous savons que deux choses peuvent se produire lorsqu'on commence à consommer des drogues. Évidemment, quand on parle de dépendance, certaines réalités s'installent : la difficulté de se libérer de la dépendance, les conséquences financières de la consommation et autres problèmes, ainsi que les conséquences à long terme de l'utilisation de certaines drogues sur la capacité de la personne de contribuer à la société, particulièrement en ce qui a trait à sa capacité de poursuivre des études ou de saisir d'autres occasions.

    Je pense qu'il faut revenir sur les enjeux que nous avons soulevés. Il y a un lien direct entre l'état de désespoir d'une personne et sa consommation ou son abus de drogues. La mise en place d'une stratégie sur la toxicomanie qui n'aborde pas réellement les facteurs qui conduisent les gens à la consommation de drogues n'est qu'un pansement sur une plaie qui s'infecte. On ne s'attaque certainement pas au coeur du problème.

    Il y a des gens qui désirent se faire soigner, mais qui ne peuvent pas être admis dans un centre de désintoxication, situation qui s'apparente à celle vécue de plus en plus fréquemment dans les refuges et ailleurs en raison de la nécessité de payer pour obtenir des services. Les gens ont droit à deux semaines de désintoxication, après quoi, tant pis pour eux, ou si la personne recommence à consommer dans le mois qui suit car elle est de retour dans la rue et n'a pas d'autres options, elle n'a plus accès au centre de désintoxication pour un certain temps. Voilà la réalité avec laquelle doivent composer de plus en plus les gens.

    Je reviens donc au besoin de permettre aux gens de gagner un salaire adéquat et d'avoir accès à de l'aide et à des ressources. Comme nous l'avons vu à de nombreuses reprises, lorsque les gens ont enfin des options, la santé mentale s'améliore soudainement—je ne veux pas paraître simpliste—, et nous voyons que les choix qui s'offrent aux gens, pour devenir des membres actifs de la communauté, changent. Toutes ces réalités changent aussi. Ce n'est pas une panacée, mais c'est tout de même un pas important dans la bonne direction.

  +-(1240)  

+-

    La présidente: Merci.

    C'est maintenant au tour de Mme Bonsant. Nous pourrons obtenir des réponses dans le cadre d'autres questions.

[Français]

+-

    Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ): Bonjour, mesdames.

    Depuis que je siège au Comité de la condition féminine, je me rends compte qu'il y a toujours un manque d'argent. En tant que parti d'opposition, nous appelons cela un déséquilibre fiscal. Nous avons réussi à faire inscrire cela dans le discours du Trône et nous allons y travailler.

    Je n'ai pas de questions à vous poser. Je veux tout simplement vous dire que si vous avez des messages à faire passer, c'est le moment de le faire. Madame Lakeman, vous avez bien des choses à dire. C'est le moment de les dire: faites-le.

[Traduction]

+-

    Mme Lee Lakeman: Merci.

    J'aimerais revenir sur un concept en voie de disparition pour illustrer le danger auquel nous faisons face.

    Vous conviendrez que Mme Torsney n'est pas une force conservatrice au pays dans le domaine des questions féminines. Elle a parlé de « ces femmes à risque ou certaines femmes susceptibles d'être victimes de violence ». C'était une phrase bien intentionnée, mais j'aimerais vous signaler que la violence faite aux femmes concerne toutes les femmes du pays, et que toutes les femmes sont à risque. Les politiques gouvernementales donnent l'impression qu'il n'existe qu'un petit nombre de femmes quelque part—peut-être non instruites, intoxiquées, se promenant dehors la nuit, portant les mauvais vêtements ou mariées à la mauvaise personne—qui font partie d'un très petit groupe de femmes victimes de violence.

    Si l'on se fie à ce que l'on a vu au cours des trente dernières années, je peux vous assurer qu'il s'agit de vous et de moi. Il n'y a pas une seule femme dans cette salle qui ne fait pas l'objet de gestes de violence et dont la vie n'est pas teintée par la peur de se faire frapper, violer et laisser sur le bord du chemin. Tant que ce concept ne sera pas pris au sérieux et que nous ne traiterons pas les femmes dignement, qu'elles n'auront pas le même accès aux programmes sociaux, au droit à la vie privée, à la confidentialité et à la confiance...

    Je vous prie de m'excuser car mon intention n'est pas d'attaquer vos propos. Je crois seulement que c'était un bon exemple pour illustrer que nous commençons à parler de ce problème comme s'il ne nous concernait pas.

    Les femmes canadiennes n'ont plus accès à des services adéquats, et le gouvernement ne consacre plus autant d'énergie à changer cette situation.

+-

    La présidente: Merci.

    Cheryl.

+-

    Mme Cheryl Hotchkiss: Les commentaires sur les politiques intérieures sont extrêmement importants. Il s'agit d'éléments critiques, et il incombe au comité de faire entendre ce message au reste du gouvernement. Je crois toutefois que le Canada a aussi un rôle à jouer sur le plan international.

    Nos politiques économiques, commerciales, etc. influent considérablement sur la vie des femmes d'autres pays. Elles ont des conséquences sur le trafic des femmes vers le Canada. Elles permettent aussi aux femmes de trouver la sécurité au Canada et de répondre aux besoins de leurs familles. Mais il y a un problème car notre système d'immigration est attaqué. L'Entente sur les tiers pays sûrs illustre les difficultés qu'auront les femmes à venir au Canada pour fuir la violence extrême qui prévaut dans leur pays d'origine et trouver une certaine sécurité ici.

    Donc, comme je le disais, le Canada a un rôle à jouer internationalement. Nous paraissons bien devant les Nations Unies et disons beaucoup de bonnes choses, mais il faut que les droits des femmes soient au coeur de nos politiques économiques, de notre politique étrangère, de notre politique commerciale ainsi que des accords commerciaux que nous signons.

  +-(1245)  

+-

    La présidente: Merci.

    Tina.

+-

    Mme Tina Schoen: Nous devons nous demander pourquoi le terme féminisme est devenu si péjoratif, alors que nous devrions apprécier l'histoire du mouvement féministe, grâce auquel nous pouvons nous réunir dans cette salle aujourd'hui. Cela m'inquiète de voir une organisation comme la mienne—qui existe depuis 20 ans—envisager la possibilité de changer son nom, de Cowichan Women Against Violence à quelque chose de plus général, afin d'avoir accès à du financement.

    J'aimerais être certaine que ce comité soutiendra fermement les programmes destinés aux femmes ainsi que les organisations de femmes qui ont, par le passé, fait une grande différence dans nos communautés.

+-

    La présidente: Gina, vous pouvez faire un bref commentaire.

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: Nous n'avons pas parlé de tous les degrés de violence—il y en a tellement— mais l'augmentation du nombre de cas de VIH/sida est un facteur qui est tout juste sous le nez du gouvernement canadien. Chez les femmes autochtones, le nombre de cas est démesuré. En ce qui a trait à la consommation de drogues, la situation s'est tellement détériorée dans les communautés autochtones que l'Assemblée des Premières Nations se réunit actuellement à l'hôtel Crown Plaza pour adopter une résolution visant à déployer des efforts mixtes pour empêcher l'infiltration de drogues dans les réserves.

    Quand on parle de drogues, de dépendances et d'autres problèmes connexes, la première chose qui est touché, c'est l'esprit. L'esprit de notre peuple est dans un tel désarroi. Puis, il y a l'aspect physique. Ce que vous voyez, c'est l'aspect physique, mais personne ne s'attarde aux blessures de l'esprit.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Crowder, c'est votre tour.

    Madame Torsney, avez-vous un bref commentaire à faire?

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Oui.

    Je vous prie de m'excuser si mes propos ont été mal interprétés. Je pensais à des gens en particulier; ça pourrait être des femmes qui vivent avec quelqu'un qui consomme de la drogue. Elles sont beaucoup plus à risque. Il peut s'agir de femmes qui vivent dans des quartiers huppés ou très pauvres, des communautés autochtones, des quartiers à forte population immigrante, c'est-à-dire dans n'importe quel foyer. Ça n'a pas d'importance.

    Je voulais simplement clarifier cela. Voilà qui étaient ces femmes les plus à risque pour moi.

+-

    Mme Jean Crowder: Je vous invite à conclure par des propos percutants.

    Tina vient de ma communauté et je constate, avec tristesse, que l'organisme Cowichan Women Against Violence éprouve des difficultés depuis les deux dernières années à obtenir des fonds; il doit organiser toutes sortes d'activités de financement, ce qui réduit le temps qu'il peut consacrer à aider les femmes, les enfants et les familles de la communauté.

    Un des grands enjeux est la survie permanente des organismes. Bon nombre d'organismes de femmes font de l'excellent travail, mais dès qu'ils n'ont plus de financement, ils ne peuvent plus poursuivre leurs projets. C'est vraiment dommage que ces organisations consacrent autant d'énergie à l'élaboration de services et de produits sans obtenir de financement permanent.

    Auriez-vous des commentaires à nous faire pour que nous puissions orienter nos travaux?

+-

    La présidente: Allez-y.

+-

    Mme Lee Lakeman: J'aimerais soulever un point que je n'ai pas abordé dans le cadre des exposés.

    J'aimerais attirer votre attention sur les problèmes de toxicomanie et de prostitution puisqu'ils révèlent une vaste économie informelle, pour ne pas dire illégale, créée en raison de l'inaccessibilité à l'aide sociale et à un revenu garanti. Il ne s'agit pas d'aspects séparés car l'un est la cause de l'autre.

    Nous voyons un grand nombre de jeunes, en particulier, et certainement de femmes qui n'ont pas accès aux programmes sociaux. Ils vivent maintenant selon des règles informelles qui échappent au contrôle du gouvernement. C'est une affreuse réalité qui diffère de celle d'il y a 30 ans et dont il faut tenir compte dans tout effort de planification. Pour moi, cela veut dire que la question de la prostitution, par exemple, est beaucoup plus complexe qu'il y a 30 ans.

    Je veux assurément renforcer le point qui a été soulevé au sujet du financement de base. Si vous n'obtenez rien... Si vous obtenez un gros montant pour les groupes de première ligne de lutte contre la violence en fonction de leur engagement dans la promotion de l'égalité des sexes, et pas les services—on ne peut pas séparer ça des services...

    Je sais que j'ai l'air de prêcher pour ma paroisse en demandant que les groupes de femmes nationaux obtiennent du financement, mais je crois que le fait que l'Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel n'a pas de financement national en dit long sur la question. Malgré les décisions de notre groupe, je ne peux pas aller par avion à Ottawa pour intervenir auprès de vous. Je ne suis pas en position de le faire. Je ne peux pas mener des efforts de lobbying auprès du gouvernement fédéral. La situation est la même pour quiconque oeuvre dans le domaine de la violence contre les femmes. Si nous ne pouvons pas faire cela, vous ne disposez que de l'information fournie par les services policiers qui, croyez-moi, n'ont pas la même perception des choses que nous, ainsi que de celle communiquée par des groupes de droite qui réclament un programme d'ordre public au lieu d'un programme visant à promouvoir l'égalité des femmes. Ils deviennent votre seule source d'information.

    Nous sommes donc dans un trou noir. Des sommes considérables sont investies dans ce domaine, sans que ça soit fait efficacement ou sagement.

    Voilà ce que j'avais à dire.

  +-(1250)  

+-

    La présidente: Merci.

    Gina prendra la parole, suivie de Tina.

+-

    Mme Gasongi (Gina) Simon: Je tiens à dire au nom des femmes autochtones du pays que nous sommes très fortes. C'est cette force et nos convictions qui nous ont permis de survivre jusqu'à maintenant. Nous devenons de plus en plus scolarisées et nous apprenons votre langue ainsi que la façon dont vous fonctionnez. Tout cela pour que nous puissions dialoguer avec vous et trouver ensemble les stratégies et les solutions les plus efficaces pour notre peuple.

    Nous n'avons toutefois pas besoin qu'on nous impose des spécialistes car nos femmes sont les véritables spécialistes. Tout ce que je demande, c'est que vous entendiez notre voix, que vous nous permettiez de donner notre opinion et que vous nous donniez la chance de parler en notre propre nom aux tables de discussion.

+-

    La présidente: Merci.

    Tina.

+-

    Mme Tina Schoen: J'aimerais donner suite à certains commentaires soulevés autour de la table—en passant, merci Jean d'avoir mentionné les difficultés de notre organisation—afin que vous reconnaissiez notre réalité financière.

    Je travaille dans un refuge qui peut accueillir jusqu'à 12 femmes et enfants en situation de crise et qui dispose d'un seul employé de première ligne pour leur donner du soutien. Nous avons du personnel 24 heures sur 24. Il n'y a qu'un employé de première ligne pour répondre aux besoins des femmes et des enfants, ce qui est énorme. Le travail ne finit jamais. Il y a une liste d'attente de trois mois pour nos programmes de counselling. Des femmes doivent attendre trois semaines pour suivre un traitement de désintoxication; comme tout le monde le sait, si vous ne pouvez pas subir un traitement au moment où vous en avez besoin, vous risquez de ne plus jamais en avoir la volonté.

    Il est essentiel que nous obtenions du financement de base adéquat.

+-

    La présidente: Kim, veuillez être brève.

+-

    Mme Kim Pate: Je veux revenir sur le point qu'a soulevé Lee au sujet de l'incapacité des groupes de femmes d'avoir réellement accès à bon nombre d'entre vous.

    Le fait de ne pas avoir accès à ceux qui détiennent le pouvoir, qui ont les ressources et qui consacrent beaucoup de temps à influer sur les politiques touchant la justice pénale et la justice sociale est une grande préoccupation pour bon nombre de groupes. Par conséquent, lorsqu'on voit jusqu'à trois policiers par député qui viennent faire des pressions à l'égard de l'exercice de leur autorité conférée par l'État, et ce au moyen de fonds publics, c'est évident que le but n'est pas d'examiner la question de l'égalité des femmes.

    Je veux vous dire que nous existons et que nous sommes très préoccupées. Évidemment, la plupart d'entre nous préféreraient que nos organisations ne soient nécessaires que pour contribuer sur le plan de l'organisation politique, mais ce n'est pas le cas.

    On voit de plus en plus de gens, particulièrement des femmes et des enfants, jetés carrément dans la rue. À moins que nous attaquions certains des enjeux soulevés, le seul endroit ou système qui ne pourra pas les rejeter sera notre système de justice pénale. Le seul endroit où on ne refuse personne par manque de lits, c'est la prison. Et c'est une situation qui prend de l'ampleur.

    On voit certains changements très progressifs pour atténuer cette situation, comme la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Nous vous encourageons à jeter un coup d'oeil à certaines de ces mesures lorsque vous examinerez les enjeux liés à la justice. Mais fondamentalement, même cette loi... Nous reconnaissons tous, y compris les bureaucrates et bon nombre d'entre vous autour de cette table, que si des normes nationales ne sont pas mises en place et si des ressources ne sont pas allouées à des groupes indépendants organisés qui s'intéressent à l'égalité véritable, comme le mouvement des femmes indépendantes, pour leur permettre d'avoir leur mot à dire, la réussite de ces mesures progressives ne continuera pas.

  -(1255)  

+-

    La présidente: Merci.

    Cheryl, veuillez être très brève, s'il vous plaît.

+-

    Mme Cheryl Hotchkiss: Je voulais simplement dire que nous savons qu'il y a des milliers et des milliers de Canadiens et de Canadiennes qui sont préoccupés par ce sujet. Ils répondent aux appels d'Amnistie internationale. Ils envoient des milliers et des milliers de lettres à Anne McLellan au sujet du projet « On a volé la vie à nos soeurs ». La population s'en soucie, nous le savons.

-

    La présidente: Merci.

    Je vais devoir mettre fin à la séance. Je crois que nous aurions probablement aimé continuer pendant un moment.

    Je dois vous rappeler que ce comité n'existe que depuis deux mois. Nous procédons actuellement à la collecte d'informations pour tenter d'établir les priorités de notre programme que nous entamerons au retour du congé parlementaire. Je sais que votre contribution aujourd'hui sera essentielle à nos discussions.

    Je ne crois pas que c'est la dernière fois que nous nous parlerons. Je soupçonne que certains d'entre nous continueront de chercher des solutions, que ce soit au sein d'un comité ou d'un sous-comité ou en tant que particulier. J'aimerais vous remercier encore d'avoir pris le temps de venir exposer vos vues devant le comité, malgré le peu de préavis. Notre greffière et notre personnel ont travaillé très fort pour organiser ces séances; nous n'avions pas de listes ni de contacts étant donné que nous sommes un nouveau comité.

    Merci encore. Cette séance a été extraordinairement utile. Nous espérons vous revoir bientôt.

    La séance est levée.