FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la condition féminine
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 2 décembre 2004
Á | 1120 |
La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)) |
Mme Beverly Jacobs (présidente, Association des femmes autochtones du Canada) |
Mme Sheila Genaille (présidente, Conseil national des femmes métisses inc.) |
La présidente |
Mme Sheila Genaille |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
La présidente |
Mme Sheila Genaille |
La présidente |
Mme Beverly Jacobs |
Á | 1140 |
Á | 1145 |
La présidente |
Mme Jennifer Dickson (directrice exécutive, Pauktuutit Inuit Women's Association) |
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.) |
Mme Jennifer Dickson |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
La présidente |
Mme Jennifer Dickson |
La présidente |
Mlle Ellen Gabriel (présidente , Femmes autochtones du Québec Inc.) |
 | 1200 |
 | 1205 |
La présidente |
 | 1210 |
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC) |
La présidente |
Mme Sheila Genaille |
La présidente |
Mme Beverly Jacobs |
La présidente |
Mme Beverly Jacobs |
La présidente |
Mme Beverly Jacobs |
 | 1215 |
Mme Jennifer Dickson |
 | 1220 |
La présidente |
La présidente |
Mme Jennifer Dickson |
La présidente |
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ) |
 | 1225 |
La présidente |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
La présidente |
Mme Beth Phinney |
Mme Beverly Jacobs |
 | 1230 |
La présidente |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
Mme Sheila Genaille |
La présidente |
Mme Sheila Genaille |
La présidente |
Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.) |
Mme Beverly Jacobs |
 | 1235 |
Mme Susan Kadis |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Susan Kadis |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Susan Kadis |
Mlle Ellen Gabriel |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Jennifer Dickson |
 | 1240 |
Mme Sheila Genaille |
La présidente |
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD) |
Mme Beverly Jacobs |
La présidente |
Mme Sheila Genaille |
 | 1245 |
La présidente |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
Mme Jennifer Dickson |
 | 1250 |
La présidente |
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC) |
Mme Jennifer Dickson |
Mme Helena Guergis |
Mme Jennifer Dickson |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC) |
Mme Helena Guergis |
Mlle Ellen Gabriel |
Mme Lynne Yelich |
La présidente |
Mme Lynne Yelich |
La présidente |
Mme Lynne Yelich |
Mme Helena Guergis |
Mme Lynne Yelich |
La présidente |
Mme Jennifer Dickson |
 | 1255 |
La présidente |
Mme Beth Phinney |
Mme Jennifer Dickson |
Mme Beth Phinney |
Mme Jennifer Dickson |
Mme Beth Phinney |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Beth Phinney |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Beth Phinney |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Beth Phinney |
Mme Sheila Genaille |
Mme Beth Phinney |
Mme Sheila Genaille |
Mme Beverly Jacobs |
Mme Beth Phinney |
Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ) |
La présidente |
Mme Sheila Genaille |
Ms. France Bonsant |
Mme Beverly Jacobs |
· | 1300 |
Mme Jennifer Dickson |
Mlle Ellen Gabriel |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la condition féminine |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 2 décembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1120)
[Traduction]
La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)): Bonjour. Puisque nous avons du retard, j'aimerais qu'on commence tout de suite nos délibérations.
Je souhaite d'abord la bienvenue à tous les témoins. Comme vous le savez sans doute, le Comité permanent de la condition féminine est un nouveau comité établi par cette législature. En vue d'établir notre programme, nous rencontrons des groupes de femmes du Canada dans le cadre de séances générales ou de séances axées sur un sujet particulier. Nous sommes ravis de vous rencontrer ce matin et d'avoir la chance de vous entendre, de vous poser certaines questions, s'il y a lieu, et de faire des commentaires.
Madame Beverly Jacobs, aimeriez-vous commencer?
Mme Beverly Jacobs (présidente, Association des femmes autochtones du Canada): Je crois que nous...
Mme Sheila Genaille (présidente, Conseil national des femmes métisses inc.): Madame la présidente, n'y a-t-il pas un ordre du jour?
La présidente: Je vous prie de m'excuser, il y a en effet un ordre du jour, et je n'ai pas respecté l'ordre des témoins. D'ailleurs, je constate que vous êtes assises dans l'ordre. Sheila vous pouvez commencer.
Mme Sheila Genaille: Merci, madame la présidente.
Bonjour, chers membres du comité. Je m'appelle Sheila Genaille et je suis la présidente du Conseil national des femmes métisses.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Sheila Genaille et je suis la présidente du Conseil national des femmes métisses. Ma langue maternelle étant l'anglais, je vais donc continuer en anglais.
[Traduction]
J'ai remis un résumé de mon témoignage à la greffière pour qu'elle le fasse traduire, puis le distribue. Je ne le lirai pas; j'aborderai seulement certains points.
Puisque nous avons commencé en retard, madame la présidente, j'espère que vous ajouterez ces minutes à la fin de la séance car il est très important que les membres du comité entendent ce qu'ont à dire les femmes autochtones et, nous l'espérons, qu'ils prennent des mesures en ce sens.
La Commission royale sur les peuples autochtones et Condition féminine Canada reconnaissent que les femmes indiennes, inuites et métisses sont parmi les femmes les plus démunies au Canada et que les conditions défavorables aux femmes métisses, inuites et indiennes sont aussi distinctes et différentes que le sont leurs cultures.
La non-reconnaissance du Conseil national des femmes métisses par les gouvernements fédéraux qui se sont succédé a empêché les femmes métisses de devenir autonomes. Par ailleurs, même si les femmes métisses ont des origines et des besoins qui leur sont propres, elles doivent faire appel à d'autres organismes non gouvernementaux autochtones en tant que clientes, ce qui va à l'encontre de la recommandation de la Commission royale sur les peuples autochtones sur la participation à part égale de ces femmes à la tradition de longue date des Autochtones en matière d'autonomie gouvernementale.
Je vais d'abord parler de la situation défavorisée des femmes autochtones dans l'histoire. Malgré l'amendement de la Loi constitutionnelle de 1982 et l'article 35, qui reconnaissent et confirment les droits existants des peuples autochtones—c'est-à-dire des Indiens, des Inuits et des Métis—, les questions liées aux champs de compétences et à la structure gouvernementale des Métis n'ont pas encore été réglées.
Dans son allocution lors d'un atelier destiné aux femmes métisses, au printemps dernier, Teressa Nahanee, une avocate autochtone de la Colombie-Britannique, a dit:
L'autonomie gouvernementale représente, à la base, l'exercice de pouvoirs sur les gens, les terres et les ressources. L'identification des Métis est la première grande étape. La question de l'identification est d'ailleurs une cause pour laquelle se battent les Métis, les Inuits et les Indiens. Pourtant, les femmes autochtones sont celles qui ont souffert le plus d'avoir laissé le soin au Canada de définir qui elles sont. |
Elle a également dit ceci:
Un auteur a résumé le combat des peuples autochtones pour l'auto-détermination comme étant une lutte contre l'oppression et une façon d'affirmer que le groupe a «le droit d'avoir des droits». C'est également ce que revendiquent les femmes autochtones: «le droit d'avoir des droits». |
La participation aux secteurs politique et économique est importante; pourtant, les femmes autochtones en sont écartées. Le Conseil national des femmes métisses est d'avis que des valeurs comme l'inclusion, l'égalité, l'équité et l'acceptation sont des facteurs importants dans l'établissement et l'atteinte d'objectifs collectifs. Le gouvernement fédéral doit adopter des pratiques fondées sur le respect mutuel pour permettre aux femmes métisses de conserver leur identité sans être marginalisées et exclues en raison de leur différence.
En 1992, le Conseil national des femmes métisses a été constitué en personne morale pour s'assurer que les besoins des femmes métisses ne seraient pas oubliés par les organisations autochtones à prédominance masculine qui bénéficient de financement fédéral pour des projets et des programmes destinés aux Autochtones. Nous sommes la seule organisation indépendante de femmes métisses au Canada dont le but est d'assurer à ces femmes l'égalité et de représenter leurs intérêts.
Le Conseil national des femmes métisses estime que le gouvernement fédéral doit soutenir ces efforts nationaux en matière d'orientation stratégique et de soutien technique; de développement des capacités des institutions et des particuliers; de défense des droits, de communications et d'information du public; de facilitation des échanges et d'établissement d'un réseau de connaissances et de partage de pratiques exemplaires.
Á (1125)
Le Conseil national des femmes métisses représente les intérêts de particuliers et d'organisations membres qui sont déterminés, bien informés et efficaces. Le développement des capacités, l'inclusion sociale et l'égalité entre les sexes sont fondamentaux pour assurer la participation des femmes métisses à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques du gouvernement fédéral.
L'exclusion des femmes métisses et la discrimination à leur égard ont des effets cumulatifs. Malheureusement, dans le cadre des processus à long terme pour accroître le contrôle des fonds et des programmes fédéraux par les collectivités, on persiste à refuser au Conseil national des femmes métisses du financement de base stable et à l'empêcher de participer au nombre croissant de programmes de financement autochtone, ce qui a eu pour conséquence de ramener les femmes métisses à une situation plus défavorisée que celle dans laquelle elles étaient au début des années 1990, comparativement aux autres femmes canadiennes. Je vais vous en donner un bref exemple.
L'exclusion du Conseil national des femmes métisses dans les formules de calcul du financement destiné aux Autochtones de Développement des ressources humaines Canada est un exemple flagrant des effets cumulatifs de l'exclusion et de la discrimination.
Je pourrais vous citer d'autres exemples, mais je vous laisse le soin de lire notre document.
L'exclusion, au fil du temps, des femmes métisses du programme Les chemins de la réussite et des programmes subséquents ont exacerbé la situation des femmes métisses, et ce de nombreuses façons. Voici quelques exemples.
On a empêché les femmes et les collectivités métisses de prendre en charge localement la conception, la prestation et l'administration de programmes de même que l'allocation de financement fédéral par suite du retrait de DRHC de la prestation de programmes à ce niveau. Les femmes métisses n'ont pas accès au financement fédéral des services de garde réservé aux Indiens et aux Inuits. Elles n'ont pas été invitées à participer de façon appréciable au premier projet d'envergure du gouvernement fédéral concernant la transition des Autochtones à l'autonomie gouvernementale.
Il y a environ 10 ans, en 1996, voici ce que disait la Commission royale sur les peuples autochtones [traduction libre]:
Le fait que cette discrimination a pu s'accroître au cours de la dernière décennie est d'autant plus répréhensible qu'il est bien connu que l'accès à la formation en cours d'emploi et aux ressources visant le développement des capacités est probablement le facteur le plus important pour la transition des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale. |
Il ne fait aucun doute que les bureaucrates supérieurs du gouvernement fédéral participent au maintien de la perception négative des dirigeantes métisses, et en particulier du Conseil national des femmes métisses, pour justifier l'exclusion continue du Conseil national des femmes métisses des ententes de financement et de transfert des responsabilités, des négociations et des marchés et de tous les processus soutenus par le gouvernement fédéral concernant l'autonomie gouvernementale des Autochtones.
Nous exhortons le comité à examiner attentivement le document et à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette exclusion et à cette marginalisation.
Le Conseil national des femmes métisses vous souligne, notamment, que le programme de Condition féminine Canada—et je cite—«appuiera les initiatives qui ont pour but d'éliminer de tels obstacles et d'aider les femmes à atteindre les niveaux décisionnels de toutes les sphères d'activité de la société canadienne». Pourtant, les fonctionnaires supérieurs de cet organisme font le contraire. En voici un exemple.
Dans son projet sur la violence contre les femmes, Condition féminine Canada a ciblé certaines organisations de femmes indiennes et inuites, mais pas métisses, et les a invitées à participer. Ce sont mes collègues ici présents qui m'en ont avisée Ils soutiennent notre demande d'inclusion dans le projet, mais nous demeurons, jusqu'à ce jour, exclus du processus qui vise à aborder la violence contre les femmes.
Nous recommandons certains changements.
En refusant continuellement aux femmes métisses et à leurs organisations nationales indépendantes des fonds et la possibilité de participer à l'élaboration de politiques, le gouvernement empêche le Conseil national des femmes métisses d'intervenir, en tant qu'égal, aux processus critiques de développement des capacités et d'élaboration et de mise en oeuvre de politiques.
Á (1130)
Les peuples autochtones du Canada avaient un système social, des valeurs et une philosophie commune des droits de la personne bien avant l'arrivée des premiers colons européens. Le fait que les femmes autochtones ont été exclues de leur foyer et qu'elles ont dû vivre en marge de la société devrait vous faire prendre conscience de leur exclusion sociale. Le gouvernement fédéral devrait être conscient des facteurs qui perpétuent cette exclusion et prendre les mesures qui s'imposent pour remédier à cette situation.
Il est également important de tenir compte des conséquences sur le plan politique de la diversité qui existe au sein des collectivités autochtones, particulièrement lorsque les décideurs demandent aux peuples autochtones de se prononcer d'une seule voix. Nous ne demanderions pas à chacun des membres du comité qui représentent divers partis à la Chambre des communes de parler d'une seule voix. Vous seriez...
Á (1135)
La présidente: Je vous prie de m'excuser, mais vous devez conclure votre témoignage.
Merci.
Mme Sheila Genaille: D'accord. Je n'ai que quelques recommandations à vous faire.
Ce ne sont que des changements mineurs, mais il est nécessaire que le gouvernement fédéral accorde au Conseil national des femmes métisses l'égalité d'accès, qu'il lui assure l'inclusion et lui donne des occasions de participer. Le gouvernement doit aussi garantir au Conseil national des femmes métisses, à l'Association desfemmes inuites Pauktuutit et à l'Association des femmes autochtones du Canada du financement stable à long terme. Le gouvernement devrait permettre aux trois associations nationales de se faire pleinement entendre.
Le gouvernement du Canada doit apporter des changements pour remédier à l'exclusion systémique qui sévit au sein de l'appareil fédéral. Il doit immédiatement enlever les barrières qui font obstacle à des organisations comme la nôtre et enrayer la discrimination à notre égard. Le gouvernement du Canada doit immédiatement faire de Condition féminine Canada un ministère.
Je termine sur cette pensée. La promesse d'un avenir meilleur doit tenir compte de l'héritage du passé. Dans le cas des femmes métisses, il s'agit d'un héritage d'exclusion, de marginalisation et de racisme constants qui remonte dans le temps.
Le gouvernement du Canada doit respecter l'autonomie du Conseil national des femmes métisses. Avec du respect et une volonté politique, il sera possible de changer les choses et de libérer les femmes métisses de l'injustice sociale, de l'exclusion, de l'inégalité entre les sexes et du racisme.
Je vous remercie.
La présidente: Lorsque la greffière a appelé, elle a proposé un exposé de cinq minutes. J'ai été assez généreuse avec le temps imparti, mais vous comprendrez que cela réduira la durée des interactions.
Si c'est possible, veuillez présenter sommairement vos préoccupations ou vos recommandations. Je comprends que le contexte est important, mais si nous avons un mémoire, je crois que la plupart d'entre nous assurerons un suivi et ferons nos devoirs.
Beverly, je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite.
Mme Beverly Jacobs: Merci.
Ske:noh Swagwegoh, Nyigyasoh Gohwehgyusay. Je vous transmets mes souhaits de paix et de bien-être. Dans ma langue, mon nom est Gohweguysay, ce qui signifie «elle est en visite».
Je suis venue ici pour vous signaler les problèmes auxquels sont confrontées les femmes autochtones du Canada et vous donner des solutions.
Cette année, nous célébrons les 30 ans d'existence de l'organisation et n'avons jamais cessé de défendre les droits des femmes autochtones du Canada. Nous comprenons que le rôle de Condition féminine Canada est de promouvoir l'égalité entre les sexes et d'assurer la pleine participation des femmes à la vie économique, sociale, culturelle et politique du pays, de coordonner les politiques relatives à la situation des femmes et d'administrer les programmes pertinents.
Dans son rapport au Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui couvrait la période allant jusqu'en 1999, le Canada a fait mention de divers programmes destinés aux femmes autochtones. Nous avons encore besoin de ces programmes car les problèmes de fond n'ont pas été oubliés et nous continuons d'en subir les conséquences.
Les femmes autochtones sont aux prises avec de nombreux problèmes que nous devons aborder quotidiennement en tant qu'organisation nationale indépendante représentant les femmes autochtones. Je reçois des appels de femmes qui nous demandent du soutien car bon nombre d'entre elles se sentent seules dans leur lutte pour la justice en ce qui a trait à la violation des droits de la personne dans leurs propres collectivités. Certaines ne sont pas en mesure de faire connaître ces problèmes; elles ne peuvent pas s'exprimer car leur collectivité les en empêche. Il me revient donc de m'assurer que ces problèmes vous sont présentés afin que les femmes autochtones ne soient plus marginalisées et qu'elles puissent enfin se sentir en sécurité dans leur propre foyer et collectivité.
Voici certains des enjeux que nous abordons en tant qu'organisation. D'abord, la violence contre les femmes autochtones doit cesser maintenant. L'AFAC s'occupe de cette question, surtout par le biais de sa Campagne soeurs d'esprit et la coalition Aboriginal Women Against Violence Everywhere (AWAVE) et fournit du soutien à trois femmes mi'kmaq pour leur projet Aboriginal Women on the Move. En 2006, elles parcourront le pays à bicyclette pour sensibiliser les gens à la violence faite aux femmes autochtones.
Grâce à ma participation en tant que recherchiste principale et consultante pour le rapport d'Amnistie Internationale intitulé On a volé la vie de nos soeurs, j'ai eu la chance de rencontrer des familles et de leur parler de leurs proches, que ce soit leur mère, leur tante ou leur grand-mère, qui sont portées disparues ou ont été assassinées. J'ai pu constater moi-même l'ampleur de la violence et ses conséquences sur les familles et les amis. La violence sévit tous les jours.
Nous attendons—patiemment—d'avoir des nouvelles du gouvernement du Canada en ce qui a trait à notre demande de financement pour notre projet Campagne soeurs d'esprit. Nous avons reçu beaucoup de soutien de la population, tant autochtone que non-autochtone, et nous avons besoin d'une réponse le plus tôt possible. Comme le révèle le rapport On a volé la vie de nos soeurs, il est urgent que tous les pouvoirs publics du Canada travaillent en étroite collaboration avec les organisations autochtones, surtout avec les femmes autochtones, pour dresser des plans d'action visant à mettre un terme à la violence contre les femmes autochtones. C'est une question pressante car on viole tous les jours les droits des femmes.
L'AFAC travaille activement à s'assurer qu'on procède à une analyse des différences entre les sexes, pertinente sur le plan culturel, dans divers projets internationaux, comme le Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, le Groupe de travail sur les populations autochtones, l'Instance permanente sur les questions autochtones, l'Organisation des États américains, Beijing+10 et le Sommet des Peuples autochtones des Amériques.
Évidemment, en tant qu'organisation, nous avons besoin des fonds nécessaires pour permettre à nos spécialistes et assistants techniques de participer aux réunions de ces groupes. Dans son rapport au Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Canada mentionnait que son programme pour les femmes autochtones allouait du financement à l'AFAC pour son projet qui vise les femmes autochtones dans les réserves qui n'ont pas les mêmes droits que les femmes hors réserve en ce qui a trait au partage des biens matrimoniaux au moment de la dissolution d'une union. Même si du financement a été alloué à cette époque, le problème perdure.
Á (1140)
Les femmes des Premières nations et leurs enfants qui habitent dans les réserves ne peuvent toujours pas avoir recours aux mêmes lois que les femmes qui habitent hors des réserves; cette situation doit être corrigée. Nous devrons, encore une fois, recueillir les histoires des femmes autochtones de nos collectivités pour pouvoir déterminer les répercussions de cette situation sur elles.
Il y a beaucoup de femmes fortes au sein de nos collectivités, ainsi que de nombreuses jeunes femmes autochtones, qui souhaitent faire évoluer la société actuelle. Nous devons vivement encourager la jeunesse et lui fournir le leadership nécessaire. Nous avons besoin de fonds pour élaborer des programmes de mentorat en vue de créer des relations positives entre les modèles autochtones féminins et la jeunesse autochtone.
Il existe tant de questions dont nous aimerions discuter en détail, mais comme nous le savons, le temps est limité. Comme il est donc impossible d'examiner toutes les questions, nous allons nous restreindre aux suivantes: les questions de santé qui concernent précisément les femmes autochtones; les questions liées aux sages-femmes et aux soins de santé destinés aux mères; les questions de santé qui touchent les femmes autochtones comme le cancer du sein et celui du col de l'utérus; l'éducation; les services aux enfants et aux familles; la pauvreté; et l'incidence des pensionnats.
De nombreuses femmes autochtones se prévalent du processus de règlement extrajudiciaire des différends. Cependant, nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour leur offrir du soutien. Il existe des problèmes sur le plan du système juridique et des services correctionnels, comme le nombre excessif de femmes autochtones incarcérées et les mauvais rapports entre les collectivités autochtones et le système juridique, en particulier les forces policières. Le rapport publié par Amnistie Internationale en fait d'ailleurs mention.
Nous sommes toujours aux prises avec le racisme, la discrimination systémique ainsi que les stéréotypes et l'image négative projetés particulièrement par les médias au sujet des femmes autochtones.
Nous sommes encore également confrontés à la discrimination inhérente à la Loi sur les Indiens ainsi qu'au projet de loi C-31, qui était censé éliminer la discrimination sexuelle qui existe dans la Loi sur les Indiens.
Nous faisons aussi face à des problèmes au chapitre de l'emploi et de la formation, notamment en raison du manque de financement des programmes établis en vertu de l'Entente sur le développement des ressources humaines autochtones et de l'absence d'analyse selon le genre dans le cadre de l'élaboration de certains modèles.
Voilà quelques-uns des problèmes auxquels nous sommes confrontés, et voici certaines des solutions que nous souhaitons voir mises en oeuvre.
Comme je viens tout juste d'être nommée présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, je vois la nécessité de fixer une rencontre avec la ministre responsable de Condition féminine Canada pour discuter en profondeur des problèmes que je viens de citer.
L'Association des femmes autochtones du Canada doit être reconnue comme étant un organisme autochtone national et respecté en tant que tel. Nous existons depuis 30 ans. Nous devons être invités à toutes les rencontres pertinentes et être avisés de leur tenue suffisamment à l'avance pour nous permettre de nous préparer.
Il faut aussi tenir des consultations sérieuses entre notre association et d'autres organismes de femmes autochtones pour comprendre les questions qui touchent l'ensemble des femmes autochtones. Bien entendu, lorsque je parle des femmes autochtones, j'englobe celles des Premières nations ainsi que les femmes métisses et inuites.
Des politiques et des programmes destinés aux femmes autochtones doivent être mis en place immédiatement. Pour mettre un terme à la marginalisation des femmes indigènes au Canada, Amnistie Internationale préconise que tous les paliers de gouvernement adoptent des mesures visant à faire en sorte que les femmes indigènes soient consultées lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre de toute politique pouvant avoir une incidence sur leur bien-être et leur condition.
Chaque jour, des femmes autochtones sont portées disparues ou meurent en raison de la violence et de la pauvreté.
Condition féminine Canada doit faire en sorte que des femmes autochtones compétentes mènent des recherches sur les questions touchant les femmes autochtones, que les pressions exercées sur le Cabinet pour qu'il appuie les initiatives menées par des femmes autochtones s'intensifient et que le Canada ratifie la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence faite aux femmes.
Comme cela fait partie du mandat de Condition féminine Canada, nous exigeons qu'elle fasse en sorte que notre association nationale et nos associations affiliées provinciales obtiennent un financement équitable. Nous n'accepterons plus de travailler avec des ressources très limitées alors que nous effectuons le même travail que l'ensemble des organismes autochtones nationaux, qui eux bénéficient d'un financement élevé.
Á (1145)
Nous exigeons de recevoir le même niveau de financement que nos homologues masculins. L'idéal serait d'établir des ententes pluriannuelles en matière de financement pour que nous passions moins de temps à rédiger des rapports et des évaluations à l'intention de nos bailleurs de fonds.
Nous souhaitons que le dialogue avec les ministres et votre comité se poursuive. Nous sommes prêts, bien sûr, à répondre à vos questions à propos des points que nous soulevons dans notre mémoire.
Je vous remercie de nous avoir écoutés.
La présidente: Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Jennifer, je crois que c'est vous qui allez effectuer l'exposé au nom de votre organisme.
Mme Jennifer Dickson (directrice exécutive, Pauktuutit Inuit Women's Association): Bonjour. Je vous remercie, madame la présidente, de nous avoir invités à participer à vos importants travaux et je félicite le gouvernement du Canada d'avoir mis sur pied un comité permanent aussi pertinent. Il est très bien de voir qu'un homme en fait partie.
Des voix: Oh, oh!
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Aujourd'hui, c'est votre jour.
Mme Jennifer Dickson: Permettez-moi d'abord d'expliquer ce qu'est Pauktuutit à l'intention de ceux et celles qui se le demandent.
Au début des années 1980, des femmes inuites provenant de tous les coins du Nord se sont rassemblées pour voir ce qu'elles pourraient faire pour améliorer leurs conditions sociales déplorables, les réalités toujours plus dures auxquelles elles étaient confrontées ainsi que les problèmes de santé épouvantables qui les touchaient. Ce sont tous des sujets dont très peu de personnes voulaient discuter. Sachant instinctivement qu'elles devaient devenir leur propre agent de changement, elles ont réussi, en 1984, à constituer Pauktuutit, un organisme sans but lucratif doté d'une fiducie de bienfaisance qui représente l'ensemble des femmes inuites canadiennes et dont le mandat est de s'attaquer, à l'échelle nationale, aux questions relatives aux femmes.
Dirigé par un petit effectif établi à Ottawa et administré par un conseil d'administration formé de 13 femmes inuites très motivées, dont une représentante de la jeunesse, une représentante ne provenant pas du Nord et de femmes provenant de régions englobant les 52 collectivités du Nord, Pauktuutit s'est engagé à susciter des améliorations sur les plans politique et social, à sensibiliser les gens aux besoins des femmes inuites et à encourager leurs collectivités à participer, aux échelons régional et national, au développement social, culturel et économique du Canada.
L'équité entre les sexes, les nombreuses formes d'abus, la protection de la culture et du savoir traditionnel, les manifestations de sensibilité au milieu propres au Nord et l'autonomie économique figurent parmi nos dossiers prioritaires. Au chapitre de la santé, la défense de nos intérêts et la mise sur pied de programmes nous ont permis de réaliser des progrès dans les domaines de l'abus d'alcool et de drogues, du VIH et du sida, de l'hépatite C, du diabète, du tabagisme, de la prévention du suicide et des soins de relève, pour ne mentionner que quelques-unes de nos préoccupations.
Puisque ce sont les femmes qui s'occupent des membres les plus vulnérables de notre société, qui sont aussi l'espoir de demain, Pauktuutit a toujours mis l'accent sur le bien-être des enfants. Nos programmes axés sur les enfants visent notamment la prévention de la mort subite du nourrisson, la pratique traditionnelle du métier de sage-femme, les soins aux mères et aux nourrissons, le suivi prénatal, les enfants en famille d'accueil, la grossesse chez les adolescentes, le suicide chez les jeunes, le syndrome d'alcoolisation foetale ainsi que l'abus sexuel d'enfants.
Voilà un aperçu de notre travail. Au cours des quelques minutes qu'il me reste, permettez-moi de vous décrire brièvement le contexte dans lequel s'inscrivent certaines des conditions alarmantes que vivent les femmes inuites.
La majorité des Inuits du Canada habitent dans l'une des 52 collectivités éloignées réparties dans l'Arctique sur un territoire couvrant des milliers de kilomètres entre la frontière avec l'Alaska, à l'ouest, et les côtes du Labrador, à l'est. Ce vaste patrimoine culturel et géographique sera très bientôt entre les mains de notre précieuse jeunesse. Entre 1996 et 2001, la population inuite canadienne a progressé de 12 p. 100. Il s'agit d'une croissance importante, car elle est quatre fois plus élevée que celle de la population non autochtone, ce qui signifie que l'âge moyen des Inuits est de 20 ans, comparativement à 38 ans chez le reste de la population canadienne.
Toute discussion constructive à propos des besoins des femmes inuites doit être axée sur l'enfance et sur les besoins principalement des mères seules qui sont très jeunes et inexpérimentées. Je parle de jeunes filles de 14 ans, qui sont très jeunes.
Antérieurement, le fait que de très jeunes filles deviennent mères était une réalité normale et acceptable au sein de la culture inuite. Les jeunes mères bénéficiaient de l'aide d'un mari et de proches membres de la famille. Les rôles de chaque sexe étaient bien définis et les études n'existaient pas.
Aujourd'hui, la plupart de ces jeunes femmes n'ont pas le soutien d'un partenaire et les membres de leur famille habitent ailleurs ou sont préoccupés par leurs propres conditions économiques et sociales inadéquates et souvent destructrices—des conditions qui placent les Inuits aux derniers rangs de tous les classements établis par Statistique Canada. C'est chez les Inuits que le taux de chômage est le plus élevé, les revenus sont les plus bas, le coût de la vie est le plus cher, les conditions de logement sont les pires, le taux de maladies contagieuses est le plus haut et l'espérance de vie est de loin la plus courte.
Nous savons qu'en termes de quantité, de qualité et d'efficacité, les services destinés aux femmes inuites et le soutien à leurs enfants sont loin d'être comparables à ceux offerts à l'ensemble des Canadiens. Les effets négatifs de cette iniquité se voient partout, et la situation devient de plus en plus complexe et grave dans plusieurs domaines liés entre eux. Je vais en nommer quelques-uns.
Vous êtes peut-être au courant des séances sectorielles qui ont eu lieu à l'heure actuelle et auxquelles tout le monde participe à la grandeur du pays. Un point négatif de ces excellentes séances, car il y a deux ou trois points positifs—est très évident, c'est-à-dire qu'on étudie chaque sujet de façon distincte. C'est presque démoralisant. Il y a deux semaines, nous discutions du logement, et lorsque nous avons commencé à parler de l'incidence des mauvaises conditions de logement sur l'abus, l'emploi ou l'environnement, par exemple, on nous a dit qu'il s'agissait là d'un autre sujet, que nous devions continuer de parler du logement. C'est donc très difficile.
Á (1150)
Parlons justement du logement. Il existe une crise dans le domaine du logement social sur laquelle on ne se penche pas suffisamment. Cette crise fait en sorte que de plus en plus de femmes inuites continuent d'être considérablement désavantagées, et elles en vivent les conséquences toute leur vie.
Quant aux programmes concernant la petite enfance, Pauktuutit s'est engagé à mettre en oeuvre des initiatives en matière de services de garde et des programmes d'aide préscolaire. Bien que de telles mesures donnent de bons résultats dans certaines collectivités, de nombreux enfants n'en bénéficient pas encore. Un plus grand nombre de places subventionnées en milieu de garde aiderait les très jeunes mères à poursuivre leurs études. Cela constituerait, par conséquent, un investissement de premier choix dans l'avenir de nos collectivités, de notre société et de notre pays, car il a été prouvé que les jeunes mères instruites ont des bébés en meilleure santé. Il existe un lien direct entre le niveau d'études des jeunes mères et la santé de leurs enfants.
Passons maintenant à l'abus. Pauktuutit se préoccupe de la violence familiale depuis sa création en 1984. Nos partenariats avec les gouvernements visant à faire de la prévention une priorité et à fournir des services aux victimes donnent de plus en plus de bons résultats, mais les programmes demeurent, pour la plupart, marginaux. Il existe très peu de refuges sécuritaires destinés à protéger les femmes et les enfants dans les régions inuites. En outre, on se penche très peu sur les causes de la violence, essentiellement parce que les ressources dont nous disposons sont toujours incroyablement insuffisantes.
La plupart des femmes inuites sont témoins de violence dans leur foyer; et un trop grand nombre d'entre elles en sont victimes. Chacun ici est au courant des répercussions négatives de la violence sur le bien-être physique et émotionnel des enfants, leur capacité d'apprendre et leur capacité de devenir des adultes en santé, stables et productifs. Il est essentiel d'investir considérablement dans les programmes communautaires et les ressources humaines nécessaires à leur mise en oeuvre afin d'aider les femmes et les enfants à guérir et de les protéger contre tout abus futur.
Abordons maintenant la question des femmes qui vivent en ville. Les besoins des femmes inuites vivant en région urbaine nous préoccupent de plus en plus. Plus d'un Inuit sur dix habite maintenant dans le Sud. La proportion de la population inuite canadienne qui habite en région urbaine augmente rapidement pour diverses raisons, notamment le meilleur accès à l'éducation pour les enfants et les jeunes adultes, les occasions d'emploi et l'accès à des soins médicaux complets. Mais, malheureusement, de nombreuses femmes inuites vont s'installer dans le Sud pour échapper à la violence et à l'abus au sein de leur famille. Il existe des services fournis par des Inuits, pour les Inuits, à Ottawa, notamment des services aux enfants et aux familles très nécessaires. Bien que ces services offerts à Ottawa soient utiles et de plus en plus nombreux, dans d'autres centres urbains, ces services en sont à leur début ou ils n'existent pas, ce qui engendre une hausse exponentielle de l'itinérance chez les Inuits.
Un autre sujet qui constitue une priorité pour notre organisme est le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale. C'est l'un des dossiers dont j'ai choisi de vous parler un peu aujourd'hui. Ce problème touche trois générations d'Inuits, et nous nous approchons de l'épidémie. Dans le cadre de la sensibilisation et de la prévention que nous effectuons, nous constatons qu'il est urgent d'offrir des services aux personnes touchées par le TSAF. Dans la plupart des cas, ce problème ne peut même pas être diagnostiqué en raison d'un manque de spécialistes. Sans ces diagnostics, nous ne disposons pas des données nécessaires permettant de justifier au gouvernement la nécessité d'offrir prestement des services dans ce domaine. Pour que les citoyens touchés puissent atteindre leur plein potentiel, il faut mettre en place des programmes appropriés et offrir de la formation aux personnes soignantes.
Il serait difficile de surestimer l'incidence chez les femmes inuites du changement culturel qu'elles ont vécu. En moins de 50 ans, elles sont passées d'une époque où elles vivaient une vie isolée, centrée sur la famille et axée sur la chasse aux fins de subsistance et le déplacement selon les saisons à une autre époque caractérisée par l'éclatement des familles, dont les enfants se font instruire loin de leur milieu et dans une langue et une culture étrangères, et par le déplacement de la population vers des centres régionaux où l'on trouve des emplois salariés et où l'on habite dans des logements permanents. Dans tous ces domaines—le logement, les services sociaux, les soins de santé, la condition parentale et particulièrement les changements sociaux sans précédent—il fait mal au coeur de constater que les Inuits se retrouvent, comme je l'ai mentionné plus tôt, aux derniers rangs des classements établis par Statistique Canada.
Permettez-moi de souligner les liens qui existent entre les divers problèmes. On ne peut plus se pencher sur l'amélioration de la santé sans examiner le logement, on ne peut pas non plus étudier l'éducation en faisant abstraction de la culture, et il est impossible également de s'attaquer au développement économique sans prendre en considération la protection de l'environnement. Les femmes inuites sont des chefs de famille et des leaders dans leurs collectivités, des femmes, des filles, des grands-mères et des arrière-grands-mères, des professeures, des soignantes et des prestataires de soins de santé. Les femmes inuites possèdent la sagesse de leurs ancêtres, le savoir traditionnel et l'expérience pratique, toutes des choses qu'elles peuvent partager. Elles sont véritablement les agents du changement dans le Nord canadien.
Pour que Pauktuutit ait l'occasion de dire son mot à propos des politiques et des programmes publics, il faut que les femmes inuites figurent plus haut sur la liste des décideurs, des bailleurs de fonds et des groupes de défense.
Á (1155)
Il faut sensibiliser la population du Canada et du reste du monde aux conditions économiques et sociales peu connues et désormais inacceptables que vivent les gens du Nord. Nakurmiik. Merci.
J'ai apporté des lettres que nous avons envoyées au cours des trois dernières semaines—trois lettres à l'intention du premier ministre à propos de la rapidité avec laquelle il faut régler les problèmes auxquels sont confrontées les femmes inuites. J'en ai donné des copies à vos interprètes ainsi qu'à la greffière, alors vous pourriez peut-être les examiner. La plus récente provient de notre présidente, Mary Palliser, qui l'a fait parvenir cette semaine. Jusqu'à maintenant, nous n'avons reçu aucune réponse.
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Pour ce qui est des lettres, je ne sais pas si vous nous les avez transmises dans les deux langues, mais si ce n'est pas le cas, nous allons les faire traduire.
Mme Jennifer Dickson: Les langues que nous utilisons sont l'anglais et l'inuktitut.
La présidente: Nous ne travaillons pas dans cette langue. Nous allons donc les faire traduire et les distribuer ensuite aux membres.
Je sais que certains d'entre nous les ont reçues, mais nous les transmettrons à tous le membres.
Je vous souhaite la bienvenue, madame Gabriel. Je vous remercie d'être venue. Allez-y.
Mlle Ellen Gabriel (présidente , Femmes autochtones du Québec Inc.): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Je vous remercie de m'avoir invitée.
[Français]
Je vous remercie tous de m'avoir invitée. Je suis très heureuse d'être ici.
[Traduction]
Mon nom Mohawk est Katsi'tsakwas et je fais partie du Clan de la tortue au sein des Kanien'kehá:ka, le peuple du silex. Je suis de la communauté de Kanesatake.
Je viens d'être élue à la présidence de l'Association des femmes autochtones du Québec Inc. Cette organisation sans but lucratif a été créée en 1974 par Mary Two-Axe Early, une femme Mohawk, avec le concours de plusieurs autres femmes autochtones qui s'étaient donné pour objectif de rendre à leurs consoeurs le statut d'Indien inscrit qu'elles avaient perdu en épousant un homme qui ne l'était pas.
Ces femmes ont travaillé sans relâche pour atteindre leur objectif, tant et si bien que la Loi sur les Indiens a été modifiée par le projet de loi C-31 en 1985 pour redonner le statut d'Indien inscrit aux femmes qui avaient perdu leurs droits. Cependant, cette démarche a aussi entraîné la catégorisation des enfants de ces femmes qui n'ont obtenu qu'un statut partiel. Selon moi, cette catégorisation des enfants peut être assimilée à la façon dont on classe les animaux de race en fonction de la pureté de la lignée. C'est une insulte à notre peuple et une insulte à l'humanité dans son ensemble.
Le projet de loi C-31 a fait en sorte que bon nombre de femmes se sont vu refuser l'accès à leur terre et à leur domicile dans les réserves où elles ont grandi par des conseils de bande auxquels le ministère des Affaires indiennes a confié depuis quelques années la tâche de décider qui est membre de la communauté et qui a le droit d'y vivre. Malgré tout, AINC demeure responsable de cette question. Nos communautés sont donc aux prises avec d'importants conflits internes, une situation créée par AINC. Par exemple, lors de réunions avec des membres du conseil de bande, certaines femmes se sont fait dire qu'elles devaient, pour pouvoir vivre sur la réserve, soit divorcer de leur époux, soit l'assassiner, comme le disait en blague un des conseillers. C'est le genre d'insulte auquel nous avons droit et le genre d'attitude à laquelle, en tant que peuple colonisé et oppressé, nous nous heurtons encore aujourd'hui.
Nous devons également régler la question de la propriété matrimoniale, un problème que beaucoup de femmes ici doivent bien comprendre. Ainsi, des femmes autochtones encourent le risque de perdre leur terre, leur maison ou leurs biens lors d'un divorce parce que la législation sur la propriété matrimoniale relevant du ministère des Affaires indiennes favorise les hommes. Aucune autre femme canadienne n'est ainsi désavantagée. Je crois d'ailleurs qu'aucune autre femme de ce monde n'a été exposée à de telles manifestations de sexisme et de racisme en cette époque postcoloniale.
Il y a aussi le problème de la paternité des enfants qui peut être contestée si elle n'est pas reconnue. Je peux vous citer une disposition sur la protection des enfants que l'on retrouve dans la Convention relative aux droits de l'enfant, qui relève des Nations Unies:
Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d'origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d'avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d'employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe. |
On en revient encore là aux effets néfastes du colonialisme et de l'oppression sur le peuple autochtone. On parle beaucoup de la violence dans nos collectivités. Nous avons énormément à faire pour conscientiser nos gens, mais également pour sensibiliser le gouvernement et le public.
L'Association des femmes autochtones du Québec vient en aide à un très grand nombre de femmes qui ne reçoivent pas un tel appui de leur conseil de bande, mais nous n'avons tout de même pas droit à un financement comparable à ce que reçoit l'APNQL, l'Assemblée des Premières nations, ou tout autre groupe régional. Nous avons présenté de nombreux rapports sur des questions comme la propriété matrimoniale et les difficultés découlant du projet de loi C-31 et nous avons travaillé d'arrache-pied pour défendre les droits et assurer la sécurité et le mieux-être des femmes autochtones et de leurs enfants.
 (1200)
Le ministre de la Justice du Canada, Irwin Cotler, a indiqué dans un discours que sa fille lui avait dit de toujours penser d'abord aux enfants lorsqu'il était question de droits de la personne. Cette année, la sécurité et le bien-être des enfants n'ont toutefois pas été pris en compte lorsqu'on a interrompu les services de police chez moi, à Kanesatake. Rien n'a été fait pour assurer la sécurité des enfants vivant dans la communauté. Il semble donc que la justice soit véritablement aveugle sous bien des égards. Non seulement aveugle pour ce qui est de la race, des croyances et de la couleur, mais aussi de bien d'autres manières qui n'ont pas leur raison d'être.
Pour ce qui est de la violence conjugale, je crois que vous avez reçu copie du rapport tripartite auquel l'Association des femmes autochtones du Québec a contribué relativement aux services de police dans les réserves. C'est un rapport que j'estime très juste et équitable dans un effort pour aider à résoudre quelques-uns des problèmes de manière à ce que les femmes autochtones, du moins dans la province de Québec, mais probablement aussi ailleurs, puissent bénéficier de l'aide des services de police. À l'heure actuelle, des instances comme la GRC, la Sûreté du Québec et le ministre de la Justice du Québec semblent considérer que les forces policières autochtones ne sont pas de véritables forces de police. C'est ce que m'ont dit des responsables de la Sûreté du Québec lors d'une réunion. Il faut donc régler ce problème d'attitude des instances policières en plus d'offrir une meilleure formation et des ressources plus adéquates à nos agents de police.
Au Québec, comme dans les autres provinces d'ailleurs, les refuges pour femmes autochtones sont sous-financés. Ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour offrir les soins et les services à long terme dont les clientes ont besoin. Il faut donc non seulement assurer un meilleur financement aux refuges existants, mais en créer encore davantage, parallèlement à nos efforts pour lutter contre la violence au sein de nos communautés.
Quant au statut des enfants autochtones, j'ai également été appelé à discuter de la situation des enfants du peuple de la Maison longue, soit de la Confédération iroquoise, qui délivre ses propres certificats de naissance. La Confédération iroquoise regroupe six peuples : Mohawks, Senecas, Cayugas, Oneidas, Onondagas et Tuscaroras. Ces enfants bénéficient du statut de leurs parents, mais perdent tous leurs droits lorsqu'ils atteignent l'âge de 18 ans, en dépit du fait que leurs deux parents soient des Indiens inscrits. C'est un problème qui perdure depuis bien des années et qui doit absolument être réglé.
J'aimerais revenir sur le commentaire de Beverly Jacobs concernant la campagne Soeurs d'esprit et le rapport d'Amnistie Internationale qui indique que les femmes autochtones ont cinq fois plus de risques d'être victimes de violence que tout autre groupe de femmes au Canada.
Nous souhaitons appuyer la requête de l'Association des femmes autochtones du Canada en faveur de la création d'une base de données et de la réalisation de recherches relativement au problème de la violence contre les femmes autochtones. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour contrer l'attitude de certains responsables en place qui n'interviennent pas efficacement pour régler ce problème. Bien qu'il existe des exceptions à la règle, les femmes autochtones dans leur ensemble ne sont pas traitées équitablement. Elles ne bénéficient pas de la protection et du respect auxquels elles ont droit.
Les femmes autochtones canadiennes continuent de jouer un rôle clé au chapitre des soins et des services sociaux à dispenser au sein de nos communautés, que ce soit en éducation, en counselling, en travail social ou en santé, mais on s'assure bien de ne leur accorder aucun pouvoir décisionnel au sein de la collectivité. Comme l'a également fait valoir Beverly, les groupes de femmes autochtones ne reçoivent pas un financement équivalent à celui accordé aux groupes à prédominance masculine, comme l'Assemblée des Premières nations.
Il y a également l'idée préconçue qui veut que nous défendions uniquement les droits des femmes autochtones, ce qui n'est pas tout à fait vrai. Nous travaillons pour la défense des femmes et de leurs enfants, dont certains sont des garçons.
Pour bon nombre des problèmes que je vous ai exposés, nous pouvons apporter des solutions provisoires. Nous parvenons généralement à obtenir des fonds, ce que nous apprécions grandement, mais parfois c'est seulement à court terme. Comme Beverly l'a indiqué, nous devons pouvoir fournir un financement de base de manière à ce que les programmes ne soient pas interrompus parce qu'ils sont soumis à un échéancier. C'est une question qu'il faut absolument régler parce qu'il est essentiel que ce soit nos gens qui prennent en charge les recherches et les solutions à apporter aux problèmes de violence et de santé, et particulièrement de santé mentale au sein de nos collectivités, de manière à ce que nous puissions exercer un certain contrôle sur notre destinée.
 (1205)
Je ne sais pas comment cela peut s'exprimer dans votre langue, mais nous avons tenté à maintes reprises d'avoir recours à la diplomatie pour sensibiliser le gouvernement canadien et la population à la réalité de notre peuple. Nous ne voulons pas perdre notre langue, notre culture ou notre identité dans un monde fortement axé sur la consommation. C'est une menace que nous devons sans cesse combattre auprès de nos enfants. Nous devons discuter non seulement de nos droits en tant qu'êtres humains, mais aussi de nos droits sur notre territoire, une entité à laquelle notre identité est étroitement liée.
J'ose espérer que si votre comité permanent en vient à formuler des recommandations à ce sujet, il sera notamment question d'éducation. Il faut changer la façon dont l'histoire est enseignée dans les écoles canadiennes. Le point de vue des peuples autochtones et le récit véritable de ce qui s'est produit au Canada, et dans toute l'Amérique d'ailleurs, doit être présenté et enseigné aux enfants de tout le pays. Il suffit de voir les reportages des médias ou d'entendre les questions naïvement posées par les étudiants universitaires au sujet des Autochtones pour comprendre qu'ils ne savent rien à notre sujet.
C'est une situation également propice aux envolées racistes parce que les gens croient que nous sommes le groupe le plus privilégié au Canada étant donné que, supposément, nous avons droit à l'éducation gratuite et tout est gratuit pour nous. Il est important que l'on tienne davantage compte des différences culturelles et que l'on intensifie le dialogue non seulement avec les groupes représentant les femmes autochtones, mais avec les Autochtones en général.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup.
Permettez-moi d'expliquer à nos témoins le fonctionnement de notre comité permanent. À notre première réunion, nous avons établi l'ordre suivant lequel les membres du comité peuvent poser leurs questions ou formuler leurs observations aux témoins qui se présentent devant nous. Un temps limité est alloué à chacune. Ils disposent de sept minutes pour la première série d'interventions et de cinq minutes pour la suivante; ce temps comprend les questions et les réponses. Pour que nous puissions en faire le plus possible, je demande à mes collègues de s'en tenir à des questions concises et je vous prie de répondre directement à ces questions. Ainsi, nous pourrons entendre davantage d'intervenants et avoir un échange plus poussé.
Qui va débuter pour les conservateurs?
Madame Grewal, vous pouvez commencer.
 (1210)
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier nos témoins d'avoir pris le temps de venir nous visiter. Il ne fait aucun doute que vos exposés nous seront d'une grande utilité.
J'ai quelques questions pour vous. Les femmes autochtones ont certains points en commun, mais elles vivent aussi des situations très diverses liées à leur statut d'Autochtones, de Métisses ou d'Inuites. Pour la suite de ces travaux, de quelle manière le comité devrait-il intégrer les questions et besoins distincts des femmes autochtones dans ses prochaines études? Deux d'entre vous—je crois que c'est Beverley et Ellen—ont mentionné dans leur exposé que le projet de loi C-31 a modifié, en 1985, la Loi sur les indiens et redonné le statut d'Indien inscrit aux femmes des Premières nations qui s'étaient vues refuser ce droit à la suite d'un mariage à un homme n'ayant pas ce statut. Les femmes qui ont retrouvé le statut d'Indien inscrit grâce au projet de loi C-31 connaissent-elles des problèmes que le comité pourrait examiner? Quels sont-ils?
J'ai une troisième question. Le nombre de familles autochtones monoparentales est disproportionné. En outre, près de la moitié des enfants autochtones en milieu urbain vivent avec un seul parent, généralement la mère. Ces statistiques représentent près de trois fois la norme canadienne. Quels facteurs contribuent au grand nombre de familles monoparentales dirigées par une femme dans les collectivités autochtones? Quel soutien est offert aux mères chefs de famille monoparentale? Les mesures existantes sont-elles suffisantes?
La présidente: Vous avez plusieurs questions là-dedans. Qui aimerait répondre? Allez-y.
Mme Sheila Genaille: Je vais répondre à la première et je crois que je peux rester brève. Pour ce qui est de l'intégration de tous les groupes, je vais laisser à mes collègues le soin de répondre.
Je crois que l'une des premières mesures qui pourrait aider les femmes autochtones serait de nous inviter ici en tant que groupes distincts. Nous sommes toutes confrontées aux mêmes problèmes, mais la stratégie adoptée à cet égard par les femmes autochtones du Québec diffère grandement de la démarche retenue par les Inuites, par exemple. Je pense donc qu'il faudrait d'abord et avant tout que nous nous présentions ici individuellement, de telle sorte que vous ne vous intéressiez qu'à une situation à la fois, en connaissant tout le contexte qui s'y rattache.
J'estime que la sensibilisation est la chose la plus importante. On peut lire au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982: «Dans la présente Loi, « peuples autochtones du Canada » s'entend notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada.» En nous accueillant tous ensemble avec des délais très restreints, vous n'obtiendrez que des éléments épars d'information. C'était ma réponse à la première question.
Merci.
La présidente: Merci.
Mme Beverly Jacobs: Puis-je essayer de répondre à la deuxième question?
La présidente: Je vous en prie.
Mme Beverly Jacobs: Est-ce que j'ai droit à sept minutes?
La présidente: Malheureusement pas. Je suis désolée. C'est la façon dont le Parlement fonctionne. J'espère que nous aurons l'occasion de poursuivre le dialogue dans un cadre moins structuré, mais c'est une première étape. C'est notre manière de procéder.
D'ailleurs, je n'empiète pas sur votre temps—j'en ajouterai à la fin—et je m'efforce de me montrer le plus souple possible à cet égard.
Mme Beverly Jacobs: Il faudrait des heures pour discuter de tous les problèmes qui persistent à la suite de l'adoption du projet de loi C-31 il y a une vingtaine d'années déjà. En effet, ce projet de loi aura 20 ans en 2005.
Je pourrais notamment vous dire qu'il y a encore de la discrimination sexuelle résultant de ce changement législatif. Je vais vous donner un exemple. Supposons un frère et une soeur qui ont marié des personnes n'ayant pas le statut d'Indien inscrit. L'épouse du frère a droit au statut en vertu du paragraphe 6(1)... toujours issu du projet de loi C-31, parce que les deux conjoints étaient des Indiens inscrits avant 1985. Leurs enfants ont également droit à ce statut en vertu du paragraphe 6(1). À la base, c'est le projet de loi C-31 qui a créé ces niveaux de statut. La soeur avait perdu son statut en épousant un homme qui n'était pas un Indien inscrit. Elle recouvre son statut, mais uniquement en vertu de l'alinéa 6(1)c)—il y a les alinéas a), b), c), d), et e) dans le paragraphe 6(1). Les enfants de la soeur ont donc droit au statut en vertu du paragraphe 6(2). Si un Indien inscrit aux termes du paragraphe 6(2) épouse une personne qui n'est pas un Indien inscrit, leurs enfants n'ont pas droit à ce statut. Pour leur part, les enfants du frère conservent le statut que leur accorde le paragraphe 6(1), à moins bien sûr qu'ils n'épousent une personne ayant droit à ce statut en vertu du paragraphe 6(2) ou une personne qui n'est pas un Indien inscrit.
La situation a évolué, mais il y a encore discrimination à ce niveau-là. Il y a également la clause limitative à l'égard de la deuxième génération qui touche ces femmes ainsi que leurs enfants et leurs petits-enfants. C'est l'un des problèmes.
Il y a aussi la question de la paternité non déclarée. Pour enregistrer son enfant, une femme doit obtenir le consentement du père. Ainsi, une femme qui vit une situation de violence conjugale ou qui est tombée enceinte à la suite d'un viol doit quand même s'adresser au père pour obtenir sa signature afin d'inscrire l'enfant, de manière à ce qu'on puisse déterminer s'il a droit au statut d'Indien inscrit en vertu du paragraphe 6(1) ou du paragraphe 6(2). Et le processus est automatique. Si aucune indication n'est fournie quant à savoir si le père est un Indien inscrit ou non, on présume automatiquement qu'il ne l'est pas, ce qui fait que l'enfant tombe sous le coup du paragraphe 6(2).
Je pourrais poursuivre pendant encore longtemps, mais ce sont là les deux problèmes principaux.
 (1215)
Mme Jennifer Dickson: Je peux essayer de répondre à la troisième question si vous le voulez, sauf en ce qui concerne les statistiques.
Votre question porte sur les familles monoparentales du Sud, et surtout sur les familles monoparentales dirigées par des femmes. Pour les Inuits, c'est un très grave problème.
Comme je l'ai mentionné, au moins un Inuit sur dix vit dans le Sud. Il n'y a qu'un centre d'aide à ma connaissance. Il s'appelle le TI et se trouve à Ottawa. Les communautés inuites d'ailleurs au Canada ne sont pas toutes dans les centres urbains. Il y a très peu d'aide, bien que grâce à la générosité des centres d'amitié autochtones, les Inuit sont les bienvenus, mais ils se sentent souvent peu à l'aise dans les centres d'autres groupes.
Comme Sheila l'a dit, ce n'est pas évident pour les Autochtones d'être tous mis dans le même sac : acceptons tous les Autochtones, puis nous pourrons cocher cette case et nous occuper de notre vrai travail. Dans le cas des Inuit et des Premières nations, c'est comme si l'on mêlait les Japonais avec les Chinois en disant que nous allons nous occuper des Asiatiques, les mettre tous ensembles. Ce n'est pas qu'il y a des tensions entre les deux groupes. Nous collaborons à plusieurs dossiers, mais c'est très étrange.
 (1220)
La présidente: Je suis désolée de vous interrompre, mais il y a un problème technique à la console. Nous allons devoir nous interrompre une minute, parce que cela dérange l'interprétation.
La présidente: Nous sommes prêts à recommencer.
Je suis désolée de vous avoir interrompue au milieu de votre phrase, Jennifer.
Mme Jennifer Dickson: Je me suis éloignée de la question pendant une seconde, mais je voulais y répondre.
Encore une fois, je ne peux vraiment parler que pour les femmes inuites, mais les Inuites monoparentales qui vivent dans le Sud, et particulièrement dans les régions urbaines, ont de graves problèmes, qui s'expliquent en partie par le fait que beaucoup d'entre elles sont déjà des victimes. Elles sont ici parce que c'était leur seul moyen de se sortir d'une situation d'abus chez elles.
Je pourrais vous parler des situations d'abus dans le Nord, des raisons pour lesquelles ces femmes sont coincées dedans et de tout le cycle de la violence. Encore une fois, j'aurais besoin de beaucoup plus que sept minutes. Supposons que vous venez d'arriver dans le Sud et que vous vous trouvez dans une position très précaire ici, sans argent, probablement sans parler l'anglais ni le français (ou très peu), sans ce qu'on peut appeler de l'instruction et avec deux, trois, quatre, cinq ou six enfants. Vous essayez de savoir quoi faire, de comprendre comment procéder pour inscrire les enfants à l'école et d'obtenir de l'aide.
Comme je l'ai mentionné, il y a ce petit endroit à Ottawa qui offre de l'aide à court terme et qu'on appelle le TI. Il reçoit un peu de financement fédéral qui contribue aux efforts à court terme pour trouver un logement et des services sociaux. C'est un problème grave qui ne cesse de croître, parce qu'immédiatement, il y a abus d'alcool ou de drogues. Certains enfants, souvent des adolescents, sont vulnérables à tous les types d'abus imaginables dans la rue, pour des raisons de race, malheureusement, et aussi pour des raisons d'insensibilité culturelle. Par définition, les Inuits sont souvent très généreux, très chaleureux, et il est parfois facile de profiter d'eux d'une façon dont on ne pourrait profiter de personnes plus averties. Les femmes en particulier vivent une situation désespérée dans le Sud.
Nous avons une directrice à notre conseil, mais elle ne suffit pas à combler...
La présidente: Merci.
Madame Brunelle.
[Français]
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Il me fait plaisir de vous rencontrer.
Le récent rapport d'Amnistie Internationale m'a beaucoup troublée. Cela a été l'occasion pour moi, qui suis une nouvelle élue, de poser ma première question à la Chambre et de demander au ministre ce qu'il en était de cette situation.
Tout comme vous, je suis fière de ma langue et de mon identité. C'est pourquoi je parle français aujourd'hui et chaque fois que c'est possible.
Je parlais donc de ma première question à la Chambre. Le rapport d'Amnistie Internationale qui traite de la situation des femmes autochtones, de la violence et du grand nombre de morts violentes m'a beaucoup interpellée. À ce moment, j'avais demandé au ministre ce que le gouvernement entendait faire. On m'avait dit qu'on essayait d'y remédier. J'ai eu l'occasion d'en reparler par la suite et on a répété qu'on essayait d'y remédier. Je n'ai pas entendu dire qu'il s'était passé quelque chose à ce chapitre. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Avez-vous entendu dire qu'il se passe quelque chose visant à régler ce problème?
Lorsque j'ai étudié cette question, j'ai constaté que pour beaucoup de femmes autochtones il était difficile de faire confiance aux forces policières. Pourquoi n'avez-vous pas confiance en elles? Que peut-on faire pour vous aider? Si on ne dénonce pas des situations, comment peut-on arriver à les régler? J'ai constaté qu'il y avait des problèmes de fonctionnement. Par exemple, quand une femme mourait d'une mort violente, les policiers n'indiquaient pas si elle était une autochtone ou non. Il est difficile d'avoir des statistiques. Je ne sais pas si vous avez des réponses à cela.
J'aimerais poser rapidement une autre question. Vous avez parlé, madame Gabriel, de l'importance de votre langue, de votre histoire et de la faire connaître. Pourquoi est-ce important pour vous et pourquoi y tenez-vous tant?
 (1225)
[Traduction]
La présidente: Qui veut commencer?
Allez-y.
Mme Beverly Jacobs: Est-ce que je peux répondre aux deux premières questions?
Au sujet du rapport d'Amnistie Internationale, comme je l'ai déjà dit, j'ai suivi de près l'élaboration de ce rapport. Je vous remercie d'avoir demandé à la ministre ce que le Canada avait l'intention de faire.
Jusqu'à maintenant, l'AFAC a soumis une proposition au Conseil privé afin d'obtenir dix millions de dollars pour sa campagne. Nous n'en avons pas entendu parler depuis. Nous avons entendu entre les branches qu'un comité interministériel allait examiner la proposition et décider de ce qu'il allait faire, mais nous n'avons entendu rien de plus.
Nous aimerions avoir des nouvelles bientôt, sinon je vais encore une fois m'adresser publiquement aux médias pour savoir ce qui se passe.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Madame la présidente, à titre de précision, est-ce que ces dix millions de dollars sont pour la proposition Soeurs d'esprit?
La présidente: Oui.
Mme Beth Phinney: D'accord, je ne savais pas s'il s'agissait de la même proposition.
Mme Beverly Jacobs: Pour ce qui est des raisons pourquoi les femmes autochtones ne font pas confiance aux forces policières, c'est un problème systémique. Lorsque j'ai rencontré les familles de femmes disparues et assassinées, c'est ce que beaucoup d'entre elles ressentaient. Il y a une mère qui a appelé la police pour signaler la disparition de sa fille. Lorsque les policiers sont venus chez elle, ils l'ont interrogée. Ils n'ont pas vraiment porté attention à ce qu'elle essayait de leur dire en leur expliquant que sa fille était disparue depuis deux jours. Elle n'avait que seize ans.
Elle a raconté que les policiers ont frappé à sa porte à 2 heures du matin. Elle avait cinq autres enfants. Elle avait pourtant téléphoné pendant la journée, mais ils n'ont décidé de venir qu'à 2 heures du matin. Ce n'est qu'un exemple du degré de confiance.
C'est l'histoire d'une femme autochtone, mais elle se multiplie par cent dans les collectivités en raison du degré de confiance et de la relation entre les deux groupes. Il peut y avoir aussi beaucoup de relations abusives avec les forces policières. La police peut régir certaines choses dans la collectivité.
De plus, comme vous le savez, il y a eu la Commission royale sur les peuples autochtones, qui s'est penchée sur le système de justice pénale. Le système de justice pénale néglige les peuples autochtones. Il y a eu des rapports de groupes de travail dans toutes les provinces. Chaque commission a parlé du système de justice et presque chacun des rapports fait mention des forces policières et de leurs responsabilités dans la protection des collectivités autochtones. C'est de la théorie.
Dans mes voyages, je me suis rendue dans l'Est du centre-ville de Vancouver. J'ai rencontré certaines des intervenantes de première ligne, et nous avons parlé de l'horrible relation qu'elles entretiennent avec la police dans la collectivité, de la méfiance qu'elles ont parce que la police elle aussi viole leurs droits.
 (1230)
La présidente: Merci.
Madame Gabriel, pouvez-vous répondre brièvement à la seconde partie de la question de Mme Brunelle?
[Français]
Mlle Ellen Gabriel: Ma langue est importante parce qu'elle constitue mon identité. Notre histoire est intimement liée à notre langue. Notre langue nous indique comment nos ancêtres pensaient, ce qu'ils croyaient et quelles étaient leurs connaissances. C'est notre lien avec notre histoire et nos ancêtres. Je pense que notre langue a besoin de la même protection que la vôtre. On doit aussi faire plusieurs efforts pour protéger notre langue.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Mme Sheila Genaille: Madame la présidente, j'aimerais répondre moi aussi.
La présidente: Très brièvement, s'il vous plaît.
Mme Sheila Genaille: Vous avez demandé pourquoi les peuples autochtones ne faisaient pas confiance aux autorités. Il faut prendre conscience du cycle générationnel d'abus dans les collectivités, de la perspective de la collectivité métisse de même que de celle des autres peuples autochtones, à mon avis. Selon Statistique Canada, les femmes métisses étaient les plus pauvres du pays en 1992. À ce moment-là, la majorité d'entre elles avaient 10 000 $ ou moins par année pour vivre.
Il faut aussi tenir compte de tout l'impact que cela a sur nos enfants. Ils ont Internet. Ils ont la télévision. Devant les cycles de violence dans leur foyer, beaucoup se retrouvent dans la rue.
J'habite à Edmonton. Nous avons beaucoup de problèmes de gangs. Il y a des organisations qui se battent. Il y a une organisation qui travaille à garder les enfants autochtones à l'école. Beaucoup d'enfants arrivent des réserves vers la ville, où ils sont laissés pour compte. Beaucoup de nos enfants sont laissés pour compte.
Le facteur numéro un est donc la pauvreté de la population. Il faut y remédier et faire en sorte que les femmes soient davantage incluses pour apporter les changements nécessaires.
C'était très bref.
Merci.
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Madame Kadis.
Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.): Madame Jacobs, vous semblez décrire, dépeindre le gouvernement comme un complice. Il se dégage de vos propos que vous croyez fermement que les Affaires indiennes encouragent des solutions ou des réponses favorisant les hommes.
Vous semblez d'accord avec moi; vous hochez de la tête. Si c'est bien le cas, pourquoi avez-vous cette impression? Donnez-nous des exemples, si vous le pouvez, qui nous montrent pourquoi vous pensez que c'est le cas.
Mme Beverly Jacobs: Je pense d'abord que nous essayons d'établir des relations positives avec l'APN et de favoriser des analyses axées sur les femmes. Nous ne voulons pas créer de division. Les problèmes des femmes autochtones perdurent malgré le leadership actuel. Le fait est que la Loi sur les Indiens qui régit les collectivités des Premières nations est patriarcale, et j'ajouterais qu'il s'agit de l'une des lois les plus racistes. Il n'y a pas d'autre loi pour d'autres races de personnes. De plus, la majorité des dirigeants sont des hommes. Je ne veux pas généraliser et dire qu'ils sont tous violents, mais certains le sont. Nous l'entendons dire des femmes de ces collectivités, qui n'ont pas d'aide ni de mécanisme dans leur collectivité pour se sentir en sécurité chez elles.
C'est la différence entre notre perspective et celle de l'APN sur ces questions.
 (1235)
Mme Susan Kadis: Si je peux me permettre de poser une autre question, avez-vous l'impression que Condition féminine Canada (un autre organisme gouvernemental, évidemment) contribue à améliorer la situation? Dans l'affirmative, comment? Dans la négative, pourquoi?
Mme Beverly Jacobs: Est-ce qu'il contribue à améliorer la situation?
Mme Susan Kadis: Et bien, il y a des programmes. Bon nombre d'entre eux ne semblent pas entrer en jeu dans votre collectivité. N'avez-vous pas...
Mme Beverly Jacobs: Je ne vois rien de Condition féminine Canada qui touche directement nos collectivités.
Mme Susan Kadis: Je crois que quelqu'un d'autre a laissé entendre qu'elles avaient une certaine expérience.
Mlle Ellen Gabriel: Nous avons quelques programmes sur la violence qui viennent peut-être de Condition féminine Canada. Ils ont été très bénéfiques pour l'Association des femmes autochtones du Québec de toute façon et pour une partie du travail que nous entreprenons. C'est une toute nouvelle relation, mais je pense que c'est une grande nécessité dans le réseautage avec d'autres organisations du gouvernement qui s'occupent des enjeux des femmes ou dans le réseautage avec d'autres groupes de femmes.
Mme Beverly Jacobs: Je dois mentionner la coalition AWAVE, un partenariat entre les Pauktuutit, l'Association des femmes autochtones du Canada, l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, l'Association des femmes autochtones du Québec et les Métis.
Une voix: Les Métis n'en font pas encore partie.
Mme Beverly Jacobs: Nous essayons d'y travailler.
Mais cette coalition est financée par Condition féminine Canada.
Mme Jennifer Dickson: Madame la présidente, laissez moi souligner rapidement une chose. C'est important. Il s'agit du nouveau Comité de la condition féminine, qui est une idée absolument fantastique. Cependant, du point de vue des femmes inuites... Oui, nous recevons parfois un peu de fonds pour des programmes ponctuels. Même AWAVE, qui est un merveilleux effort—c'est la toute première fois que des organismes nationaux sérieux travaillent ensemble à essayer de faire quelque chose—est une nouvelle initiative de Condition féminine Canada. On nous a dit: «Pourquoi ne collaboreriez-vous pas toutes à un programme quinquennal beaucoup plus grand?» AWAVE est l'acronyme d'Aboriginal Women Against Violence Everywhere. C'est un bon concept, et nous devons lui donner tout le crédit qu'il mérite.
Sur le plan politique, lorsqu'on feuillette les pages bleues, on en arrive à Condition féminine Canada et on se dit: «C'est là que je vais téléphoner»—pour faire avancer certaines causes qui nous tiennent à coeur et qui sont vraiment importantes, pas seulement pour demander du financement limité à des petits programmes précis—, puis: «Ils pourraient défendre notre toute dernière cause»... On les appelle et on leur dit qu'il est bon de parler à leur analyste de programme et qu'on est telle ou telle personne, mais qu'on a tel problème.
C'est comme notre petit échange avec le premier ministre, par exemple. C'est extrêmement facile à comprendre. Nous demandons deux choses minuscules, peu significatives dans le temps et qui ne changent pas grand chose. Pourtant, lorsque nous avons demandé à Condition féminine Canada si elle voulait défendre notre cause, nous aider à la faire avancer ou y participer d'une façon ou d'une autre, elle a pour ainsi dire répondu non, nous ne voulons même pas entendre les détails de votre problème. C'est entre vous et nous ne savons pas qui, donc vous devriez plutôt écrire au premier ministre.
Si vous pensez que Condition féminine Canada peut mener les problèmes de la condition des femmes du Canada où que ce soit, vous vous trompez. Je ne sais pas où d'autre on peut aller, mais cela ne fonctionne pas.
 (1240)
Mme Sheila Genaille: J'aimerais moi aussi faire une observation sur AWAVE.
C'est l'une des questions que j'ai soulignées dans mon exposé. Si Jennifer est toute excitée à l'idée de cette coalition, les femmes métisses sont dégoûtées et insultées, parce que ce sont les bureaucrates de Condition féminine Canada qui ont décidé qui participerait. La personne qui a précédé Mary, Veronica Dewar des Pauktuutit, ainsi que celle qui a précédé Roberta, Terri Brown, ont porté la question à mon attention. Elles ont posé la question à la table: «Où sont les femmes métisses?»
La discrimination de Condition féminine Canada contre le Métis National Council of Women n'a de cesse. C'est arrivé un peu plus tôt cette année. Six mois plus tard, nous demandons toujours à être incluses.
Comme je l'ai dit, si vous êtes très enthousiaste, Jennifer, la définition de la violence comprend aussi l'oppression, et l'oppression de ces bureaucrates ainsi que leur autoritarisme lorsqu'ils laissent entendre qu'ils savent qui doit représenter les femmes métisses sont révoltants et insultants. J'espère que le comité va s'y pencher sérieusement, parce que nous ne sommes pas les sang-mêlés symboliques du XIXe siècle. Nous avons des droits.
La présidente: Merci.
Jean Crowder.
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): J'ai quelques observations à formuler. D'abord, bien que notre comité s'appelle le Comité de la condition féminine, nous ne sommes pas associés au ministère du Patrimoine canadien ni à Condition féminine Canada. Notre vision est beaucoup plus vaste, puisque nous examinons l'ensemble du gouvernement. Je voulais seulement vous le préciser.
Je vais faire quelques observations, puis poser une question générale. Je pense que la situation des femmes disparues dans la partie est de Vancouver indique l'étendue du racisme et de la discrimination au Canada. Les chiffres sont maintenant si élevés que les forces policières et les autres ordres de gouvernement ne peuvent plus fermer les yeux sur la situation. Je pense que cela décrit bien ce qui arrive aux femmes du Canada.
J'ai moi aussi parlé du rapport d'Amnistie à la ministre. J'ai fait une déclaration à la Chambre, puis lorsque nous avons examiné le budget, j'ai posé une question sur le rapport d'Amnistie Internationale et j'ai demandé pourquoi le financement de base avait été réduit pour les organismes de femmes autochtones. On m'a répondu qu'un million de dollars sur quatre ans était réservé pour s'attaquer au problème de la violence dans les collectivités autochtones. J'ai rappelé à la ministre que cela représentait 250 000 $ par année, ce qui est insignifiant pour aider les femmes d'un océan à l'autre.
Jusqu'ici, nous avons assez de rapports; nous savons quels sont les problèmes. Voici la question que je vous pose: comment pouvez-vous nous aider à faire de ces enjeux une priorité dans tous les ministères du gouvernement? Vous avez parlé d'analyses comparatives entre les sexes et d'analyses culturelles, mais je me demande s'il y a d'autres choses que vous pouvez nous proposer pour nous guider, parce que bon nombre d'entre nous sommes très frustrées devant le fait que l'information est pourtant là. Il faut faire quelque chose.
Mme Beverly Jacobs: Je vais essayer de vous répondre. Je sais que je le répète sans cesse: les peuples autochtones ont été étudiés «à mort». Littéralement. Il faut faire quelque chose au sujet des femmes disparues et assassinées.
Je pense qu'il faut seulement rassembler tous les documents, les recherches et les renseignements recueillis au cours des dernières années. Je ne sais même pas jusqu'à quand nous pouvons remonter. Chose certaine, il y a une lacune flagrante en matière de statistiques sur la violence faites aux femmes autochtones : il n'y a pas de statistiques. Il n'y a pas de statistiques qui expliquent pourquoi des femmes disparaissent ou sont assassinées ni même qui en déterminent le nombre, et c'est la véritable raison de cette campagne.
De même, diverses recherches ont déjà été faites sur les lacunes dans le service. À mon avis, cela signifie qu'il faut passer à l'acte; il faut appliquer le travail qui a déjà été fait. C'est ma recommandation.
La présidente: Merci.
Sheila.
Mme Sheila Genaille: À mon avis, le rapport de la Commission d'enquête sur les populations autochtones est celui qui décrit le mieux la situation des Métis. Il y aura bientôt dix ans qu'il a été publié. Si vous jetez un coup d'oeil au plan d'actionRassembler nos forces du gouvernement du Canada, vous allez constater que les femmes autochtones—je ne devrais pas dire autochtones, car les femmes métisses n'ont pas accès aux programmes de financement, par exemple... Les programmes d'inclusion, les formules de financement, l'aide accordée aux femmes sont tous des facteurs qu'il faudrait prendre en compte, car aujourd'hui, notre priorité première, c'est la survie des femmes. Plus de 50 p. 100 de la population, qu'elle soit métisse, amérindienne ou inuite, est composée de chefs de familles monoparentales âgés de moins de 25 ans. S'ils sont tenus à l'écart, si l'on ne fait rien pour régler leurs problèmes, la situation va perdurer.
Quelle est la réponse? La volonté politique. Les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas fait preuve de volonté politique, et c'est ce qui manque—la volonté politique de s'attaquer aux problèmes des femmes autochtones. Autrement, les rapports vont rester là à s'empoussiérer sur les tablettes.
 (1245)
La présidente: Merci.
Madame Gabriel.
Mlle Ellen Gabriel: Je pense qu'il est important de jeter un regard sur la colonisation et l'impact qu'elle a eu. La colonisation a fait l'objet d'études ponctuelles. Nous poursuivons nos recherches là-dessus, et comme l'a dit Beverly, il faut mettre en oeuvre les recommandations qui découlent de tous ces rapports et non les laisser sur les tablettes.
J'aimerais ajouter que les groupes de femmes qui ont parlé, entre autres, des problèmes de violence prônent un retour aux valeurs, à la culture traditionnelle, à l'apprentissage de la langue, aux formes d'expression artistiques comme la narration et l'art, pour que les jeunes disposent d'outils pour l'avenir. Ces groupes ont également fait état de la nécessité d'adopter des plans d'action plus détaillés qui ne sont pas assortis d'échéanciers, d'encourager la participation au sein des collectivités pour que tous aient la possibilité de s'exprimer également—les jeunes, les femmes, les hommes, les anciens—et d'analyser ce qui a été fait dans le passé pour qu'on puisse aller de l'avant.
Nous devons corriger les erreurs du passé, car c'est cette génération-ci qui porte sur ses épaules le fardeau des abus et des actes d'oppression commis sur plusieurs générations. Comment pouvons-nous prendre le temps de guérir nos plaies au sein des collectivités quand nous nous faisons dire constamment, «voici les délais que nous vous accordons, que nous avons fixés», sans qu'il soit possible de les négocier?
Il faut nous écouter, apprendre à nous connaître.
La présidente: Jennifer.
Mme Jennifer Dickson: Vous voulez savoir comment nous pouvons vous aider à convaincre vos collègues d'accorder une plus grande priorité à cette question. Comme nous le savons tous, seule l'obligation de rendre des comptes donne des résultats. On pourrait constituer un comité composé à parts égales d'hommes et de femmes ou de ministres influents du Cabinet qui se trouveraient sans emploi si le comité n'atteignait pas ses objectifs. Je rêve en couleur, mais à défaut de cela, on pourrait s'attaquer aux enjeux qui sont au centre du débat. Par exemple, j'ai entendu le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada dire à quelqu'un, l'autre jour, qu'ils consacraient beaucoup d'attention au dossier des femmes, et que toutes les femmes autochtones étaient satisfaites. Au moins maintenant, vous êtes outillés. Vous pouvez leur dire, «excusez-moi, mais nous les avons rencontrées». C'est une proposition, en tout cas, car nous ne sommes pas toutes satisfaites.
Le comité pourrait, par ailleurs, leur demander de répondre, à tout le moins, à leur courrier, parce que nous n'avons même pas reçu de réponse qui disait, «nous avons reçu votre lettre, nous nous penchons là-dessus et nous allons communiquer de nouveau avec vous», ou «laissez-nous tranquille, nous ne sommes pas intéressés». Nous n'avons même pas eu droit à une simple lettre, alors que c'est important, car lorsque vous organisez une assemblée générale annuelle, vous voulez être en mesure de faire rapport au conseil des progrès qui ont été réalisés.
Il est également question de revoir la formule de financement qui s'applique à des initiatives stratégiques et à des programmes précis. On se demande si chaque groupe devrait faire l'objet d'un examen. Bien entendu, les Inuits s'y opposent farouchement, parce que nous allons nous trouver exclus du processus. De plus, les besoins sont tellement plus pressants dans le Nord qu'on ne peut rien faire pour contrer les abus avec une aide de 25 000 $ ou même de 250 000 $. Nous espérons donc que les besoins vont être pris en compte dans les formules.
Ne serait-ce pas aussi une bonne idée d'intégrer la problématique homme-femme dans certaines de ces formules? Je ne peux parler au nom de l'APN, mais je sais que c'est vrai—en tout cas, je peux parler au nom de l'ITK. Cela fait 30 ans qu'ils disent que ces questions touchent les femmes et qu'elles n'ont pas à s'en occuper. Ce qui les intéresse, c'est le pouvoir, le contrôle qu'ils exercent sur le territoire et la région. Signons tous ces ententes, nous disent-ils. D'accord, mais entretemps, pouvons-nous prendre soin des enfants, retrouver les femmes qui manquent à l'appel? Chaque semaine, une femme se fait tuer. Si ces formules tenaient compte des femmes, alors peut-être, par définition, certaines...
 (1250)
La présidente: Je suis désolée, mais je vais devoir vous interrompre.
J'ai décidé, de façon arbitraire, d'accorder la parole aux membres du comité qui n'ont pas posé de questions. Je vais donc vous demander de poser une question, et nous allons devoir conclure après cela, car les députés ont d'autres engagements.
Je tiens toutefois à vous dire, Jennifer Dickson, que vous ne devriez pas sous-estimer le groupe qui est réuni autour de la table. Nous ne sommes peut-être pas des ministres influents du Cabinet, mais ne nous sous-estimez pas.
Nous allons entendre Mme Guergis, du Parti conservateur.
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci, madame la présidente. Je vais commencer, et ensuite, je vais céder la parole à Lynne, qui a une brève question à poser.
Merci d'être venues nous rencontrer. Je vais essayer d'être brève. Je suis heureuse de vous voir. Je sais que certaines d'entre vous viennent de loin.
Avant d'être députée, j'ai travaillé pendant sept ans et demi comme bénévole dans un centre d'aide aux victimes d'agressions sexuelles. Il y a presque 10 ans de cela. Nous cherchions à l'époque, et cela faisait partie des enjeux, de sensibiliser les femmes autochtones aux questions relatives à la violence. Nous voulions leur faire comprendre qu'elles pouvaient composer un numéro d'urgence, par exemple, que si elles étaient victimes de violence au foyer, elles pouvaient trouver refuge dans des maisons d'hébergement. Je constate que rien ne semble avoir changé au cours des 10 dernières années, et cela m'attriste beaucoup. En fait, cela me chose énormément. Je tenais tout simplement à vous le dire.
Pouvez-vous répondre à cette question? Est-ce que les femmes autochtones ont accès aux mêmes ressources que les femmes blanches? Ont-elles accès à un numéro d'urgence si elles sont victimes d'agression sexuelle? Peuvent-elles communiquer avec quelqu'un qui saura les écouter? Non?
Qu'en est-il des maisons d'hébergement? Peuvent-elles trouver refuge dans une maison d'hébergement si elles veulent fuir une relation de violence?
Mme Jennifer Dickson: Cela dépend de l'endroit où elles se trouvent. Il y a quelques maisons d'hébergement dans le Nord, mais les femmes autochtones ont peur de s'y rendre, car les collectivités sont petites et les stigmates...
Mme Helena Guergis: Tout le monde est au courant. Je comprends. Je le précise pour le compte rendu.
Rapidement, pour revenir à la question des droits relatifs aux biens matrimoniaux, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a recommandé qu'un financement adéquat soit accordé aux associations de femmes autochtones. Est-ce que la situation concernant les droits de propriété a changé depuis le dépôt du rapport provisoire du comité sénatorial? Est-ce que des progrès ont été réalisés?
Une voix: Non. Nous n'en avons jamais entendu parler.
Mme Jennifer Dickson: Jamais.
Une voix: C'était à quelle époque?
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Je pense qu'il serait très intéressant de connaître votre définition des droits de propriété.
Mme Helena Guergis: Vous pouvez la soumettre au comité.
Mlle Ellen Gabriel: Les femmes autochtones du Québec ont publié, ce printemps, un rapport sur les biens matrimoniaux. Nous pouvons vous le faire parvenir.
Mme Lynne Yelich: J'aimerais poser une question très brève.
Certaines ententes sur l'autonomie gouvernementale ont déjà été conclues. Il y a celle qui vise les Nisga'a, par exemple, et...je ne sais plus quel autre groupe. L'accord conclu avec les Tlicho fait présentement l'objet d'un débat. Je n'ai pas posé de questions précises à ce sujet au ministre, mais j'ai constaté qu'on ne fait aucunement mention des femmes dans cet accord.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce qu'elles risquent d'être victimes de discrimination en vertu de ces ententes?
Vous avez parlé de financement. Vous estimez que le financement accordé aux femmes laisse à désirer. Je vous suggère de demander à comparaître devant le comité des finances, parce que vous avez probablement des choses fort intéressantes à lui dire.
J'aimerais également aborder la question des réserves et des écoles, car nous savons tous que c'est le gouvernement fédéral qui finance ces deux secteurs. Or, très souvent, on ne s'intéresse qu'aux infrastructures, alors que celles-ci sont à l'origine de nombreux problèmes sociaux.
À cet égard, je me demande comment nous pouvons arriver à régler certains problèmes de compétence. Est-ce qu'ils sont nombreux, étant donné que vous transigez directement avec le gouvernement fédéral? Préféreriez-vous faire affaire avec les provinces?
Ce sont de brèves questions.
La présidente: Il y en a beaucoup.
Mme Lynne Yelich: Vous pourriez y répondre par écrit.
La présidente: Je pense qu'il est important que Mme Yelich...
Mme Lynne Yelich: Vous avez toutes quelque chose à dire à ce sujet, et je sais que nous manquons de temps.
Mme Helena Guergis: J'aimerais bien qu'on me réponde.
Mme Lynne Yelich: Si vous voulez envoyer...
La présidente: Vous pouvez, si vous voulez, soumettre vos réponses par écrit et les envoyer à la greffière, Mme Bonnie Charron. Nous nous chargerons ensuite de les distribuer aux membres du comité.
Nous sommes pressés par le temps, et je m'en excuse. Il y a peut-être quelqu'un qui souhaite répondre rapidement à l'une des questions de Mme Yelich. Il faut que la réponse soit très brève.
Mme Jennifer Dickson: J'allais tout simplement dire que nous avons été invités, pour la première fois, à comparaître devant le comité des finances et que l'expérience a été fort positive. Ils ont posé des questions brillantes et semblaient intrigués, étonnés et horrifiés, comme vous. Vous pourriez peut-être parler à vos collègues.
Je tiens également à apporter une précision, madame la présidente. Quand j'ai suggéré que le comité soit composé à parts égales d'hommes et de femmes, je ne proposais pas qu'on vous remplace parce qu'ils sont plus forts. Au contraire, je proposais qu'on les fasse venir de force et qu'on les empêche de se sauver. Voilà ce que je voulais dire.
 (1255)
La présidente: Madame Phinney.
Mme Beth Phinney: Quand avez-vous comparu devant le comité des finances? Nous pouvons demander à obtenir le compte rendu.
Mme Jennifer Dickson: Il y a exactement un mois aujourd'hui.
Mme Beth Phinney: J'ai une brève question. Encore une fois, vous pouvez soumettre votre réponse par écrit.
Nous avons parlé, et d'autres comités l'ont fait aussi, de l'analyse comparative entre les sexes. Il n'y a qu'un seul ministère, pour l'instant, qui effectue cette analyse. Nous essayons de convaincre tous les autres de s'y mettre, ou la ministre responsable de la Condition féminine essaie de les convaincre. Si tous les ministères fédéraux menaient une analyse comparative entre les sexes avant de rédiger quoi que ce soit, croyez-vous que cela aurait un impact sur vos collectivités?
Mme Jennifer Dickson: Oui.
Mme Beth Phinney: Quel serait-il?
Mme Beverly Jacobs: En fait, je songeais à une analyse comparative entre les sexes qui tient compte du volet culturel. Cette analyse est différente de...
Mme Beth Phinney: C'est ce que je veux savoir.
Mme Beverly Jacobs: ...de l'analyse comparative entre les sexes à caractère plus général. Nous essayons, en fait, d'amener les bureaux de l'AFAC à définir ce concept, parce que ce n'est pas la même chose...
Mme Beth Phinney: Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par cela?
Mme Beverly Jacobs: Oui.
Mme Beth Phinney: Vous voulez que l'analyse comporte un volet culturel. Cela ne fait pas partie de nos objectifs, pour l'instant.
Mme Sheila Genaille: C'est un objectif parmi d'autres. Cette analyse englobe les questions touchant le genre.
Mme Beth Phinney: L'analyse effectuée par Condition féminine Canada, ainsi de suite, et l'analyse que nous demandons aux ministères d'entreprendre ne comporte pas de volet culturel. Il s'agit uniquement d'une analyse entre les sexes.
Mme Sheila Genaille: Il faudrait alors qu'elle englobe le caractère culturel.
Mme Beverly Jacobs: Vous n'envisagez la chose que sous l'aspect homme-femme, alors que nous adoptons une approche intersectionnelle...
Mme Beth Phinney: C'est ce que je voulais savoir. Vous pouvez peut-être nous envoyer vos commentaires là-dessus.
[Français]
Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ): Je ne répéterai pas combien notre patrimoine est important compte tenu du fait que nous sommes pris dans une Amérique du Nord anglophone. Ma question est la suivante: l'éducation pourrait-elle aider vos communautés à se sortir du pétrin? Croyez-vous qu'on pourrait encourager une meilleure instruction dans les domaines du droit et du génie, par exemple?
[Traduction]
La présidente: Qui veut répondre en premier?
Mme Sheila Genaille: Je veux bien.
L'éducation compte pour beaucoup. Quand on jette un coup d'oeil à la situation des Autochtones qui vivent en milieu urbain, peu importe le groupe auquel ils appartiennent, on constate qu'il y a énormément de pauvreté. Il faut mettre des programmes en place.
Il y a, par exemple, à Edmonton, un groupe appelé le Aboriginal Youth and Family Well-Being Education Society. Il cible les enfants âgés entre 15 et 20 ans qui fréquentent les écoles du centre-ville d'Edmonton. Il cherche à les encourager à poursuivre leurs études et collabore avec les parents, les tuteurs et les écoles elles-mêmes. Il faut prévoir du financement pour les groupes de ce genre, les femmes qui cherchent à garder leurs enfants à l'école.
Le succès de ces initiatives... ces enfants ont un endroit où aller manger, le midi. La nourriture provient de divers fournisseurs d'Edmonton.
Toutefois, il faut du financement. Le gouvernement fédéral en accordait il y a quelques années, mais il a changé le groupe d'âge, de sorte que ce sont les 15 à 22 ans, et non plus les 15 à 21 ans, qui sont ciblés, même si on continue de les appeler de jeunes. Or, ce que nous avons constaté, à Edmonton, c'est qu'à 15 ans, les jeunes sont indécis. Ils peuvent décider de partir, ou de rester.
C'est une réponse très brève. Je vous donnerai plus de détails par écrit.
Ms. France Bonsant: D'accord.
Mme Beverly Jacobs: Pour ce qui est de l'éducation, nous avons deux régimes différents. Il y a d'abord l'éducation et l'apprentissage traditionnel assurés par nos ancêtres—les cérémonies, la langue que nous devons préserver. C'est le système que nous avons connu, Ellen et moi.
La langue est importante. Nous offrons des programmes d'immersion dans notre langue, sauf que ceux-ci doivent être conformes aux lignes directrices du ministère de l'Éducation. Nous devons combiner les deux systèmes et c'est une bonne chose, car c'est ce qui fait la force de nos enfants et de nos jeunes—leur identité et le fait qu'ils savent qui ils sont. Sinon.. c'est pour cette raison, à mon avis, qu'ils n'arrivent pas à franchir les étapes du système.
· (1300)
Mme Jennifer Dickson: Comme nous le savons, le système d'éducation, dans le Nord, est en état de crise. Il y a toutefois un point positif, et c'est que tout le monde suit des cours en inuktitut jusqu'à la troisième année. En passant, la présidente de l'association est un professeur de troisième année qui enseigne l'anglais aux élèves. Mais le système d'éducation, dans cette région, ne répond pas, de manière générale, aux besoins culturels de la population, de sorte qu'il est difficile de demander aux enfants de rester assis bien tranquilles et de faire quelque chose qui, pour eux, n'a rien à voir avec leur existence.
Il faut un système qui soit complètement indépendant.
Mlle Ellen Gabriel: Au Québec, bien qu'il y ait des écoles d'immersion, nous devons toujours nous conformer aux directives des ministères fédéraux et provinciaux de l'Éducation. Toutefois, dans certaines collectivités, celle des Mohawk par exemple, nous devons composer avec le trafic de cigarettes qui permet de gagner de l'argent rapidement. Les jeunes se disent, «pourquoi aller à l'école quand je peux gagner beaucoup d'argent rapidement à l'âge de 18 ans?»
La question est de savoir comment venir à bout de ce problème, comment encourager les jeunes à poursuivre leurs études postsecondaires et les inciter, en même temps, à se familiariser avec leur langue et leur culture. C'est un défi énorme, et cela fait près de 30 ans que les collectivités mohawk, à tout le moins, se trouvent dans cette situation.
La présidente: Je tiens à vous remercier d'être venues nous rencontrer. Ce fut une discussion... comment dire? Je ne veux pas établir de comparaisons, mais la discussion a été fort intéressante. Nous avons beaucoup de travail à abattre.
Notre temps est écoulé, et j'en suis désolée. Les membres du comité, comme vous le constatez, ont un échéancier très serré. Les réunions durent deux heures, et nous avons d'autres engagements à respecter. Mais je tiens à vous remercier. Je m'attends à ce que l'on communique de nouveau avec vous, que ce soit collectivement ou séparément, et si vous avez d'autres commentaires ou informations à nous transmettre, n'hésitez pas à nous les faire parvenir. Vous pouvez communiquer avec moi ou—encore mieux—la greffière, qui se chargera de distribuer les documents reçus. Toutefois, n'hésitez pas à communiquer avec nous si vous désirez discuter plus à fond de la question.
Nous espérons être en mesure de changer le cours des choses, de reconnaître les différences qui existent entre vos collectivités.
Encore une fois, merci d'être venues. Certaines d'entre vous sont venues de loin, malgré le bref préavis, et nous vous en sommes reconnaissants.
Nous espérons vous revoir bientôt.
La séance est levée.