Passer au contenu

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la condition féminine


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 novembre 2004




Á 1105
V         La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.))
V         Mme Joyce Hancock (présidente, Newfoundland and Labrador Provincial Advisory Council on the Status of Women)

Á 1110
V         La présidente
V         Mme Lise Martin (directrice exécutive, Institut canadien de recherches sur les femmes)

Á 1115
V         La présidente
V         Mme Barbara Crow (professeur associée et présidente antérieur, Association canadienne des études sur les femmes)

Á 1120
V         La présidente
V         Mme Sungee John (présidente par intérim, Comité canadien d'action sur le statut de la femme)

Á 1125

Á 1130
V         La présidente
V         Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC)
V         La présidente
V         Mme Lise Martin
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC)
V         Mme Nina Grewal
V         Mme Lise Martin
V         Mme Sungee John
V         Mme Joyce Hancock

Á 1135
V         Mme Lise Martin
V         Mme Barbara Crow
V         La présidente
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)

Á 1140
V         Mme Lise Martin
V         Mme Joyce Hancock
V         Mme Barbara Crow
V         Mme Sungee John

Á 1145
V         La présidente
V         M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.)
V         Mme Barbara Crow
V         Mme Joyce Hancock
V         M. Russ Powers
V         Mme Joyce Hancock
V         Mme Lise Martin
V         Mme Sungee John

Á 1150
V         La présidente
V         Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.)
V         Mme Joyce Hancock
V         Mme Susan Kadis
V         Mme Lise Martin
V         Mme Joyce Hancock
V         La présidente
V         Mme Sungee John
V         La présidente
V         Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD)

Á 1155
V         Mme Joyce Hancock
V         Mme Lise Martin
V         Mme Barbara Crow
V         Mme Sungee John

 1200
V         La présidente
V         Mme Barbara Crow
V         La présidente

 1205
V         La présidente

 1210
V         Mme Andrée Côté (directrice, Affaires juridiques, Association nationale de la femme et du droit)

 1215
V         La présidente
V         Mme Andrée Côté

 1220
V         La présidente
V         Mme Lori Harreman (membre du conseil, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes)

 1225

 1230
V         La présidente
V         Mme Lori Harreman
V         La présidente
V         Mme Anu Bose (directrice exécutive, Siège sociale, Organisation Nationale des Femmes Immigrantes et des Femmes Appartenant a une Minorité Visible au Canada)

 1235

 1240
V         La présidente
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC)
V         La présidente
V         Mme Andrée Côté

 1245
V         La présidente
V         Mme Lori Harreman
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Lori Harreman
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Lori Harreman

 1250
V         La présidente
V         Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ)
V         La présidente
V         Mme Anu Bose
V         La présidente
V         Mme Anu Bose
V         La présidente
V         Mme Anu Bose
V         La présidente
V         Mme Andrée Côté
V         La présidente

 1255
V         Mme Jean Crowder
V         La présidente
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Andrée Côté
V         La présidente
V         Mme Anu Bose
V         La présidente
V         Mme Lori Harreman

· 1300
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)): La séance est ouverte.

    Je vous souhaite la bienvenue. Je suis ravie de voir que vous ayez bien trouvé la salle de réunion, car certains ont mis du temps à arriver. Je suis heureuse de vous accueillir tous ce matin.

    Nous allons d'abord entendre le premier groupe de témoins. Ensuite, nous accueillerons le second.

    Dans la mesure du possible, nous vous demandons, et j'insiste sur le « dans la mesure du possible », pour que vous limitiez vos exposés à cinq minutes. Cela me coûte de vous le demander, parce que je sais que vous avez beaucoup travaillé en prévision de votre comparution. Toutefois, plus votre exposé sera concis, plus nous aurons de temps pour la période des questions. Nous disposons de 50 minutes pour le premier groupe de témoins, et nous entendrons ensuite le second.

    Nous allons procéder de gauche à droite. Je demande à Mme Joyce Hancock de prendre la parole en premier. Soyez la bienvenue. C'est un plaisir de vous accueillir.

+-

    Mme Joyce Hancock (présidente, Newfoundland and Labrador Provincial Advisory Council on the Status of Women): Merci.

    J'aimerais d'abord dire que, bien qu'on indique au début que nous soyons un conseil consultatif sur la condition féminine, on ne précise pas vraiment à mon sens l'optique que je présente ni la raison de ma présence ici.

    Je dois dire que je viens de passer une trentaine d'années à travailler à des questions de justice sociale, auprès de centres d'aide aux victimes de viol, et de centres pour femmes, dans l'Ouest de Terre-Neuve. J'ai été la représentante régionale du Comité canadien d'action sur le statut de la femme. Depuis 1996, le gouvernement, dans sa sagesse ou sa naïveté, m'a nommée présidente du Conseil consultatif de la condition féminine de Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai également coprésidé la coalition nationale des conseils consultatifs pendant quelques années.

    Pour ceux qui pensent qu'un conseil consultatif n'est qu'un simple porte-parole du gouvernement, je dois dire qu'à Terre-Neuve-et-Labrador nous faisons les choses différemment. Par exemple, je suis présidente à temps plein; chaque jour, j'examine à fond les décisions prises par les gouvernements provinciaux qui ont une incidence sur les femmes, les familles et les collectivités. Au jour le jour, soit nous participons à des manifestations avec des femmes dans notre province, soit nous nous réunissons avec des politiciens et des ministres pour soumettre une analyse de certaines de ces questions.

    Ce qui caractérise également le conseil consultatif pour lequel je travaille, ce sont ses liens étroits avec des organisations communautaires de femmes. Nous entretenons de très bonnes relations avec nos centres pour femmes, nos refuges, nos centres de ressources pour la famille, nos maisons de transition et nos coalitions contre la violence. Je dis toujours que ces femmes et ces organisations qui défendent le droit des femmes à l'égalité dans notre province sont les organismes dont le conseil consultatif s'inspire à Terre-Neuve-et-Labrador. Les femmes de Terre-Neuve-et-Labrador sont des stratèges averties.

    Les gens et de les ressources naturelles font la richesse de notre province, mais je m'en voudrais de ne pas affirmer aujourd'hui que l'une des raisons de notre inégalité, des iniquités et de l'exclusion dont souffrent les femmes, c'est justement l'inégalité et l'exclusion dont souffre notre province par la faute du gouvernement fédéral—qu'on pense à l'Accord atlantique, à la formule de péréquation et, pour les téléspectateurs, à la récente décision sur l'équité salariale qui a permis au gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador de faire preuve de discrimination contre les travailleurs des services de la santé en raison de la réalité financière de ma province. Quand nous faisons valoir ce point aux autorités de ma province, elles nous répondent que la situation de notre province pourrait changer du tout au tout si notre position vis-à-vis du gouvernement fédéral se modifiait. Je ne saurais comparaître ici sans le dire.

    Après avoir lu les transcriptions et l'information de la semaine dernière, je ne peux m'empêcher de dire que je partage l'avis de certaines femmes qui se sont exprimées au cours de ces rencontres, notamment les représentantes de l'ANFD et l'Alliance féministe. Ce sont-là des thèmes que nous abordons depuis longtemps.

    Je ne saurais trop insister sur le fait que la décision de Condition féminine Canada de parler désormais plutôt d'égalité entre les genres nous nuit. Nous préconisons quant à nous de l'égalité des femmes; il faut appeler les choses par leur nom. Quand nous parlons d'égalité entre les genres, j'ai l'impression de retourner 20 ans en arrière quand nous essayions d'atténuer nos propos, en parlant de violence familiale et de violence conjugale. Nous croyions alors que, si nous utilisions ces formules, nos détracteurs se rallieraient à notre cause et nous verrions hommes et femmes se joindre à des coalitions contre la violence et des hommes appuyer la cause de l'égalité. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Rien dans ce mouvement des femmes ni dans le travail d'affirmation de l'égalité des femmes ne vise à nuire aux hommes. Si des expressions comme « égalité entre les genres » et « intégration de la dimension de genres » avaient donné des résultats, nous n'aurions pas à nous préoccuper des ministères, car ils ne s'opposeraient alors à effectuer une analyse comparative entre les sexes. La décision de renoncer à parler d'égalité des femmes pour favoriser plutôt l'expression égalité entre les genres n'a pas été prise à la demande d'organisations communautaires qui visent l'égalité des femmes.

    À Terre-Neuve-et-Labrador, à l'instar de femmes dans l'ensemble du pays, nous nous sommes opposées à la décision de Condition féminine Canada de commencer à transformer en projets le travail effectué à nos centres pour femmes. Des sous pour des projets, c'est ainsi que nous avons appelé cette mesure. Je dois ajouter que, malgré la qualité de la recherche et des rapports qui nous viennent de Condition féminine Canada, mon conseil consultatif ne compte que trois membres pour toute la province, et il nous est bien difficile d'utiliser le moindre de ces documents.

    Au milieu des années 90, quand Condition féminine Canada a tenu des consultations régionales, les groupes de femmes ne leur ont pas dit que le modèle employé aujourd'hui était approprié.

    Pour faire avancer la cause de l'égalité des femmes, nous devons compter sur la présence constante d'organisations de femmes qui défendent la cause de leur égalité dans les collectivités et les régions. Nous devons pouvoir compter sur le respect que méritent l'expérience et l'analyse des femmes et des organisations communautaires; enfin, nous avons besoin de ressources pour faire notre travail.

    À la fin septembre, des femmes de Terre-Neuve et Labrador, de concert avec des organisations nationales de femmes, ont fait preuve d'inconduite quand les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux se sont réunis à St. John's. Sur les traces de deux femmes arborant leur prix du gouverneur général en commémoration de l'affaire personne, nous avons présenté un document—que vous avez vu, je le sais, et nous espérons pouvoir vous le fournir quand il aura été traduit en français—, document qui contenait cinq exigences relatives à l'égalité des femmes au Canada. Nous aurions pu le leur remettre poliment ou le leur poster, mais nous tenions à leur dire clairement : « Vous prenez des décisions et établissez des priorités en fonction d'un savoir politique et bureaucratique. » Certains gouvernements provinciaux n'ont même plus de conseils consultatifs indépendants, d'autres ont rendu les leurs inefficaces. Ils n'ont aucun lien qui les rapproche des organisations communautaires et des organisations de femmes.

    Je dois dire, en tant que présidente d'une coalition de huit conseils consultatifs provinciaux et territoriaux, qu'il nous a fallu quatre ans pour qu'ait lieu une réunion avec les ministres fédéraux responsables de la condition des femmes. Ils parlaient de partage des compétences, question qui n'intéresse pas les femmes.

    Personne ne nie l'urgence des questions comme la pauvreté des enfants et la violence contre les Autochtones, mais quand on en fait l'objet de campagnes distinctes sans la présence soutenue d'organisations de femmes sur le terrain, ces initiatives ne donnent rien.

    Merci.

Á  +-(1110)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Lise Martin, voulez-vous prendre la parole maintenant?

[Français]

+-

    Mme Lise Martin (directrice exécutive, Institut canadien de recherches sur les femmes): C'est un plaisir d'avoir l'occasion de partager nos idées avec vous une deuxième fois. Aujourd'hui, je représente spécifiquement l'Institut canadien de recherches sur les femmes, l'ICREF; CRIAW, en anglais.

    Notre objectif, à l'ICREF, est de faire le lien entre la recherche, l'action et le changement social. De façon plus concrète, nous produisons des feuillets d'information sur de multiples sujets tels que la pauvreté, la violence faite aux femmes, les femmes immigrantes et réfugiées, et la paix et la sécurité. Je crois que vous avez reçu notre dossier justement la semaine dernière.

    L'objectif de ces feuillets est de présenter cette information dans un langage simple et clair à un public large. Il ne suffit pas de présenter les faits aux femmes. L'égalité des femmes et la vision féministe de l'économie, de la politique, de la justice, de la santé, etc. doivent s'intégrer dans le discours plus mainstream, y inclus celui des députés.

    Pendant les quatre prochaines années, l'ICREF a choisi de concentrer ses efforts dans le domaine de la justice sociale et économique, plus spécifiquement: comment vaincre la pauvreté et l'exclusion des femmes.

    Notre travail repose sur une analyse féministe intégrée. L'analyse féministe intégrée tient compte de l'impact différent que les politiques et les pratiques peuvent avoir sur les différentes catégories de femmes en raison de leur race, de leur classe sociale, de leur handicap, de leur orientation sexuelle, de leur statut de réfugié ou d'immigrante et de leur âge.

    Au Canada, nous avons choisi de mettre l'accent sur la pauvreté des enfants, ce qui est un objectif beaucoup plus tangible pour la population en général et pour les décideurs politiques. Ce qui nous préoccupe, toutefois, est le fait que ce programme, qui vise à réduire la pauvreté chez les enfants, laisse dans l'ombre un certain nombre de faits et que, à cause de cela, les changements de politiques qu'il propose ne pourront répondre aux besoins des mères les plus pauvres, qui doivent s'occuper des enfants les plus pauvres aussi. Nous savons que les personnes que la pauvreté des enfants inquiète le plus sont leurs mères, également pauvres. Quand le débat sur la pauvreté se concentre sur les enfants, on a tendance à ne pas tenir compte des femmes. C'est pour cette raison que nous croyons qu'il est grand temps que la pauvreté des femmes soit reconnue comme véritable problème et que cela se traduise par une volonté politique.

[Traduction]

    La réduction de la pauvreté des femmes est au coeur même de la vision de l'ICREF et de l'objectif d'une véritable égalité des femmes au Canada. Pourquoi y a-t-il plus de femmes pauvres que d'hommes pauvres? Il y a des raisons structurelles évidentes et simples qui expliquent la faiblesse du revenu de femmes—les enfants, des emplois à temps partiel et mal rémunérés, les réductions de l'aide sociale et, bien sûr, de l'assurance-emploi ainsi que l'insuffisance des régimes de pension.

    La pauvreté n'est pas le fait du hasard, elle ne dépend pas que de la disponibilité d'emplois ni des niveaux d'aide sociale. Certains groupes au Canada risquent davantage que d'autres de connaître l'indigence.

    À nouveau, pourquoi ces femmes sont-elles pauvres? Il est important de réfléchir et de tenter de répondre à ces questions, parce que cette réflexion permettra d'établir une politique au profit de tous.

    La pauvreté et l'inégalité économique constante des femmes à tous les niveaux ne sont pas qu'une simple question de disponibilité d'emplois. Les statistiques montrent que les femmes, et plus particulièrement les mères monoparentales, les femmes âgées vivant seules, les femmes autochtones, les femmes handicapées, les  gens « racialisés », les nouveaux immigrants et les gens habitant des régions rurales, nordiques et éloignées sont plus susceptibles que d'autres de vivre en-deçà du seuil de faible revenu établi par Statistique Canada. Dans chacun de ces groupes, les femmes ont des revenus moyens inférieurs à celui des hommes.

    En avril 2000, le Centre canadien de politiques alternatives a publié un bulletin pour faire le point sur les femmes et la pauvreté. Monica Townson y indiquait qu'il fallait s'attaquer à la question de l'inégalité des femmes si l'on voulait réduire la pauvreté des femmes. À ce moment-là, ni l'une ni l'autre de ces questions ne semblait figurer dans les politiques gouvernementales.

    Hormis la création du présent comité parlementaire, la situation n'a pas vraiment progressé. En fait, on pourrait dire qu'elle s'est même détériorée, à tel point que le comité de l'ONU sur l'élimination de la discrimination à l'endroit des femmes, qui s'appuie sur la Convention de l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, (CEDAW), a fait savoir en janvier 2003 que le Canada ne respectait ses obligations envers les femmes aux termes du droit international en matière de droits de la personne. Selon le comité, les compressions imposées par le gouvernement aux programmes sociaux augmentaient la vulnérabilité socioéconomique des femmes, car elles avaient entraîné la disparition de bons emplois pour les femmes, avaient accru leur charge de travail non rémunéré et avaient enfoncé davantage les femmes dans des situations de violence. Enfin, le comité des Nations Unies a recommandé que le gouvernement fédéral rétablisse des normes afin de veiller à ce que les engagements pris en matière d'égalité des femmes soient respectés dans l'ensemble du pays.

    L'ICREF vient de terminer des consultations sur la sécurité économique des femmes à St. John's, Moncton, Montréal, North Bay et Vancouver. Il est clair pour les nombreuses femmes qui y ont assisté que leur vie s'est détériorée dans les dix dernières années et que l'on ne fait aucun cas de leurs voix dans les débats d'ordre politique.

    Les recommandations proposées aux politiques pour réduire la pauvreté ont souvent tendance à se concentrer sur la création d'emplois, l'éducation ou la formation. Cependant, l'un des problèmes des femmes, c'est le surcroît de travail et non pas le manque de travail. Les femmes sont souvent responsables du soin des enfants, des personnes âgées ou des gens gravement handicapés. Même si un emploi rémunéré leur était offert, un bon nombre d'entre elles seraient dans l'impossibilité d'accepter un travail rémunéré ou davantage de travail rémunéré, en ne disposant pas de services de garde ni d'un nombre adéquat d'heures pour les soins à domicile.

    L'autre problème que pose la prémisse selon laquelle la meilleure politique sociale consiste à offrir un emploi, c'est que la plupart des femmes et des hommes qui ont un faible revenu ont déjà un travail rémunéré. Les femmes et les jeunes constituent 80 p. 100 de la main-d'oeuvre touchant le salaire minimum. Le Canada est maintenant un employeur offrant de bas salaires, et un nombre croissant d'emplois ne permettent pas aux travailleurs d'en vivre. À ce chapitre, le Canada arrive au second rang après les États-Unis parmi les pays industrialisés.

    En 2002, 25,3 p. 100 des travailleurs canadiens faisaient partie des petits salariés, ce qui veut dire qu'ils gagnaient moins des deux tiers du salaire horaire médian. Par comparaison, seulement 5 p. 100 des travailleurs scandinaves sont considérés comme de petits salariés. La hausse des emplois atypiques et précaires accroît l'insécurité financière et la vulnérabilité face à la pauvreté, surtout dans le cas des femmes, qui représentent une part importante de ces travailleurs mal rémunérés. Il faut donc créer des emplois qui assureront un niveau de vie au-delà du seuil de la pauvreté. Un bon commencement consisterait à offrir une rémunération descente aux travailleurs des services de garde d'enfants.

    Je recommanderais au comité de rassembler l'information qu'il reçoit et de préconiser l'adoption des mécanismes institutionnels qui vous ont été présentés par la Coalition for Women's Equality. À titre personnel, je vous prierais instamment vous, députés des divers partis, de participer à tous les débats et à l'examen de tous les dossiers liés à ces politiques, et de bien faire valoir que les politiques ne sont pas applicables également aux hommes et aux femmes, et qu'elles ont effectivement une incidence sur la population canadienne, population qui est loin d'être homogène, et cela de multiple façons qui trop souvent ont un effet négatif sur les plus démunis.

    Merci.

Á  +-(1115)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Barbara Crow.

[Français]

+-

    Mme Barbara Crow (professeur associée et présidente antérieur, Association canadienne des études sur les femmes): Merci de votre invitation à me présenter ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Je suis présidente sortante active de l'Association canadienne des études sur les femmes. Nous représentons les étudiants de premier cycle et des cycles supérieurs en études sur les femmes, le corps professoral dans ce domaine et les personnes qui s'intéressent à cette question.

    Notre association a vu le jour en 1982, et comme de nombreuses organisations de femmes au Canada, elle a connu des moments de réelle vigueur et de participation ainsi que des moments où nous avons dû littéralement supplier une personne d'assumer la présidence de notre organisation au cours d'une année pour soutenir cette initiative.

    Au cours des quatre dernières années, dix d'entre nous avons travaillé d'arrache-pied pour modifier l'organisation. Au cours de la période accordé à notre groupe, je vous parlerai de certaines mesures que nous avons prises.

    En tant que porte-parole de notre association, j'aimerais vous parler de deux thèmes, et j'aimerais présenter un défi à relever et des façons dont, à mon avis, le gouvernement fédéral et les organisations de femmes pourraient améliorer leurs relations de travail. Je vais vous donner un exemple concret des initiatives prises par l'Association canadienne des études sur les femmes à cet égard.

    La première question, dont un grand nombre d'entre vous ont entendu parler, concerne les problèmes du sous-financement chronique des organisations de femmes et en particulier le passage ces dix dernières années à un financement ponctuel ainsi que les graves répercussions que cela a eu sur les organisations des femmes et le mouvement des femmes au Canada.

    Une question que j'aimerais soulever en tant que personne en contact avec de jeunes femmes, c'est le désengagement des jeunes vis-à-vis du gouvernement fédéral, ceux-ci ne considérant plus le gouvernement comme le moteur du changement social ou un organisme avec lequel travailler, de sorte que les jeunes femmes s'organisent sans tenir compte du gouvernement. Par exemple, je suis sûre que vous en verrez beaucoup aujourd'hui aux manifestations. Elles ne considèrent pas le gouvernement fédéral de la même façon que moi pendant que je grandissais; je peux maintenant dire, 20 ans plus tard, qu'il existait une forme très différente de participation sérieuse avec le gouvernement fédéral aux questions qui intéressent les femmes. La situation a changé. Ce genre de questions est devenu compartimenté, et je crois qu'il est vraiment dommage que les jeunes femmes n'envisagent plus de participer avec le gouvernement fédéral au changement social. C'est donc le premier point.

    Le deuxième point concerne le discours sur l'égalité et même le discours sur l'équité. Il est très difficile d'organiser le changement social lorsque le discours dit que les femmes ont obtenu l'égalité et lorsque le Canada est présenté comme modèle partout dans le monde. Effectivement, il y a beaucoup de choses dont nous devons être fiers, entre autres les changements que nous avons apportés. Par exemple, la violence contre les femmes est un problème dont la plupart des gens au Canada sont conscients, et c'est grâce au mouvement des femmes.

    La difficulté toutefois réside dans le discours sur l'égalité. Lorsque nous prenons des initiatives favorisant un changement social, on nous réplique constamment : « Mais regardez les progrès que nous avons réalisés. Regardez toutes les femmes médecins. Regardez toutes les femmes avocates. » Il s'agit de femmes extrêmement privilégiées. Je représente un groupe de femmes. Seulement 23 p. 100 des Canadiennes ont un diplôme universitaire ou collégiale. Là où je veux en venir, c'est que souvent nous mettons l'accent sur l'individu et les débouchés, pas sur les conditions ni sur les pratiques systémiques et systématiques qui persistent, des pratiques en fonction des sexes et des pratiques de racialisation dans la société canadienne où nous n'avons pas encore atteint la pleine égalité.

    Le défi que je vous présente concerne un projet de base de données sur le travail en fonction des sexes. Il s'agit à l'heure actuelle d'une alliance canadienne pour la recherche universitaire, qui a réuni Statistique Canada, l'Association des études sur les femmes, sous la présidence de Leah Vosko—titulaire de la chaire de recherche en science économique féministe—et le mouvement syndical. Nous avons travaillé très fort à réunir des données pour nous aider à comprendre l'évolution du travail rémunéré et non rémunéré au Canada. Pour ce faire, nous avons créé une base de données qui est accessible—il est très facile pour nous d'avoir accès au type de contenu dont nous avons besoin—et nous avons travaillé avec des institutions qui nous permettent, en tant qu'universitaires féministes, d'indiquer qu'il s'agit du type de questions et des données dont nous avons besoin pour pouvoir montrer les façons dont les changements dans les milieux de travail rémunéré et non rémunéré touchent les Canadiennes et les Canadiens.

    Je vous remercie.

Á  +-(1120)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Madame Sungee John, la parole est maintenant à vous.

+-

    Mme Sungee John (présidente par intérim, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Je vous remercie.

    Bonjour. Je m'appelle Sungee John, je suis la présidente par intérim du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, le CCAST.

    Le CCAST se réjouit de pouvoir être entendu aujourd'hui par le Comité permanent de la condition féminine. Je suis accompagnée par Mmes Kripa Sekhar et Anne Kettenbeil, toutes les deux vice-présidentes du conseil exécutif du CCAST.

    En tant que plus grand organisme féministe du Canada, le CCAST lutte pour obtenir l'égalité des femmes depuis plus de 30 ans. Engagé en faveur de l'égalité et de la justice sociale pour toutes les femmes, il s'occupe principalement de préconiser des changements susceptibles d'améliorer la condition féminine, tels que les services de garde, la répression de la violence faite aux femmes et de la pauvreté ainsi que la reconnaissance des droits des minorités. En plus de l'appui qu'il donne aux questions tant nationales que régionales et locales, le CCAST participe à des conférences et à des initiatives cherchant à renforcer la solidarité internationale entre les femmes, et il défend les droits de la femme à l'égalité de façon générale.

    Dans le passé, le CCAST a établi sa réputation sur trois points forts : sa défense d'une participation des femmes de la base à tous les aspects de la société canadienne et de l'élaboration des grandes orientations politiques par l'entremise d'initiatives démocratiques telles que les pressions annuelles exercées par le CCAST sur la Colline parlementaire; son leadership et son rôle de porte-parole lorsqu'il s'agit de tenir compte de causes féministes dans les grandes orientations politiques; enfin, son rôle d'organisme-cadre, dont l'élan et la raison d'être sont soutenus par l'énergie et l'engagement de nos groupes affiliés, qui travaillent partout au sein du mouvement féministe canadien, tant dans les grandes que les petites collectivités.

    Nous tenons d'emblée à préciser que le CCAST fait également partie de la Coalition for Women's Equality, dont votre comité a entendu le témoignage le 18 novembre dernier. Nous appuyons entièrement les arguments que l'organisme a fait valoir alors et n'avons pas l'intention de les répéter. Nous allons toutefois concentrer notre propre exposé sur un des sujets alors abordés, à savoir le rôle de Condition féminine Canada et le soutien financier des groupes de femmes indépendants, qui se consacrent à l'égalité de la femme par l'entremise du Programme de promotion de la femme.

    Depuis que le gouvernement fédéral a considérablement modifié les critères de financement des organisations de femmes à la fin des années 90, la situation des femmes n'est plus la même. Ces changements se sont soldés par l'élimination du programme ou du financement de base des organisations de femmes, tel que nous le connaissions, et ce au profit d'un financement ponctuel de projets, axés sur des résultats mesurables plutôt que sur le progrès de l'égalité des femmes et l'amélioration de leur qualité de vie. Interroger n'importe quel groupe féministe luttant pour l'égalité des femmes, et il pourra vous nommer plusieurs organisations de femmes qui ont dû fermer leurs portes à cause des nouveaux critères de financement.

    Les groupes de femmes qui s'investissent dans la recherche de l'égalité savent depuis quelque temps déjà que le système actuel de financement et de soutien ne fonctionne pas. Pour bon nombre d'entre eux, Condition féminine Canada a aggravé l'inégalité dont souffrent les femmes. Le système actuel de soutien financier des groupes de femmes ne fonctionne pas. L'élimination du financement de base a eu des conséquences dévastatrices sur bon nombre de femmes et de groupes de femmes. Cela a donné d'emblée un poids démesuré aux décisions de fonctionnaires, au détriment des besoins des femmes, à cause du nouveau système de demande et de proposition du Programme de promotion de la femme. Ce programme comporte en effet de nouveaux critères de financement tellement stricts et puisant à des fins tellement limitées que bon nombre de groupes de femmes ont de la difficulté à atteindre les objectifs fixés.

    On a présenté la proposition de financement postérieure à 1998 comme plus démocratique que la précédente, qui reposait sur le financement de base. Elle n'a cependant servi qu'à créer des obstacles aux groupes de femmes, compte tenu de ses exigences incohérentes et de ses attentes irréalistes. Le CCAST a discuté avec bon nombre de groupes de femmes communautaires, qui ont fait connaître leur mécontentement au sujet des règles actuelles et désespèrent d'obtenir un jour l'approbation des agents de financement du Programme de promotion de la femme. À titre d'exemple, les groupes affiliés au CCAST ont discuté avec Condition féminine Canada de la tenue d'une conférence canadienne sur le lesbianisme. Eh bien, après quatre ans de pourparlers entre Condition féminine Canada et le comité de bénévoles chargé de coordonner la conférence, le financement du projet n'a toujours pas été autorisé. L'un des principaux obstacles a été un processus d'évaluation que et les demandeurs et les agents de financement ont de la difficulté à comprendre.

    Créé pour « traiter des questions qui préoccupent les femmes », le ministère a opté pour l'exclusivité. Le Programme de promotion de la femme fonde de plus en plus ses critères de financement sur la recherche et est donc de plus en plus isolé des besoins des groupes de femmes qui travaillent sur le terrain. De plus, les services de financement ne reconnaissent pas tout le travail bénévole qui entre dans la préparation des propositions, travail effectué entièrement sans appui et tout à fait tenu pour acquis. Cela nous amène aux questions suivantes. Quel est le rôle de Condition féminine Canada dans le gouvernement? Sa raison d'être est-elle de fournir des renseignements aux ministères gouvernementaux? A-t-il été créé pour combler les besoins actuels du gouvernement en matière de recherche et de logistique ou pour répondre aux véritables besoins et appuyer le travail des femmes du Canada?

Á  +-(1125)  

    La certitude, c'est que Condition féminine Canada ne devrait pas s'arroger le rôle du mouvement féministe organisé et indépendant, qui comprend l'élaboration des politiques et d'un vrai programme de parité pour les femmes.

    Nous trouvons très encourageante la constitution d'un comité permanent de la condition féminine. Au fur et à mesure que son rôle sera mieux défini, les organismes féminins devront avoir l'assurance que son travail sera financé par un budget supplémentaire, qu'il ne sera pas alimenté par la source de financement actuelle des programmes féminins, source déjà insuffisante.

    Nous recommandons vivement au comité de rechercher un équilibre entre les points de vue en consultant de manière égale le personnel et les bénévoles des organismes féminins, entre autres les membres des conseils d'administration.

    De plus, il faudrait que votre comité mette en place un système d'organisation d'audiences plus équitable. Nous vous sommes reconnaissantes de nous avoir invitées, mais la procédure actuelle désavantage un grand nombre d'autres groupes féminins, vu la brièveté des avis de convocation et l'impossibilité pour les groupes féminins de s'organiser dans la précipitation pour préparer un exposé de leurs espoirs et de leurs problèmes. En outrer, assumer les frais de déplacement et de logement pour comparaître à ces audiences à Ottawa peut être rédhibitoire pour beaucoup de ces groupes, quels qu'ils soient, marginaux ou non.

    En guise de conclusion, nous estimons impératif que ce comité examine la procédure qui fait que seul un petit pourcentage d'organismes féminins est financé par le programme des femmes. À cette fin, nous vous demandons de favoriser la participation des femmes au processus démocratique en rétablissant le financement de base et en l'offrant aux organismes revendiquant l'égalité qui représentent les militantes communautaires, une composante essentielle de la politique ministérielle de Condition féminine Canada.

    Nous recommandons également que le budget du programme des femmes soit porté à un niveau permettant que le financement de base soit accordé à tous les organismes féminins revendiquant l'égalité—par exemple, l'équivalent de 2 $ par femme et par enfant de sexe féminin au Canada, soit 30 millions de dollars.

    Enfin, Condition féminine Canada devrait avoir pour rôle d'administrer le financement des organismes féminins revendiquant l'égalité, et ce selon une formule simple et facile, c'est-à-dire en utilisant une langue simple et en appliquant des pratiques et des critères constants.

    Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme est impatient de travailler avec le Comité permanent de la condition féminine pour faire avance la cause de l'égalité des droits des femmes canadiennes.

    Merci.

Á  +-(1130)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous avons habituellement des périodes de questions de sept minutes. Nous avons aussi la participation par parti.

    Je vais demander à mes collègues de se limiter à sept minutes. Je vous interromprai afin que tout le monde puisse avoir sa chance car nous avons un deuxième groupe de témoins qui suit.

    Je vous signale également qu'il y a un déjeuner léger à votre disposition dans le coin de la salle. N'hésitez pas à vous servir quand vous voudrez.

    Qui va commencer pour les conservateurs? Nina?

    Madame Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, madame la présidente. Je commencerais par remercier nos témoins.

    Ma question est la suivante. Bien que les Canadiennes aient fait beaucoup de progrès sur tous les fronts au cours de la dernière décennie, il reste encore de nombreux domaines dans lesquels elles continuent à être traitées de manière inégale par rapport aux hommes. Quels sont les principaux obstacles qui empêchent aujourd'hui l'égalité entre les hommes et les femmes?

    Les expériences et les besoins des femmes au Canada sont divers. Pourriez-vous citer certains problèmes qui, bien qu'ils ne soient pas prioritaires pour les femmes en général, ont peut-être une grande importance pour certains groupes de femmes?

    Quel rôle devrait jouer le gouvernement fédéral pour favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes?

+-

    La présidente: Qui aimerait commencer?

+-

    Mme Lise Martin: Cela fait beaucoup de questions. Vous avez parlé de la différence entre les hommes et les femmes et aussi de la différence entre certains groupes de femmes, si je vous ai bien compris, n'est-ce pas?

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): C'est une question liée à l'égalité.

+-

    Mme Nina Grewal: Oui, à l'égalité.

+-

    Mme Lise Martin: Oh oui, c'est une question liée à l'égalité. Toutes les femmes ne peuvent pas...

+-

    Mme Sungee John: Il s'agit certainement d'une question liée à l'égalité. Les organismes ont modes de fonctionnement interne distincts et sont aussi perçus différemment par le public. Ils entretiennent aussi divers types de relations avec le gouvernement.

    Pour les organismes qui défendent le droit des femmes à l'égalité, il s'agit certainement d'éliminer les inégalités et la discrimination systémiques. Il s'agit aussi d'examiner tous les aspects de l'élaboration et de l'application des politiques en fonction de leur impact sur les femmes, quelle que soit la race ou la classe sociale à laquelle elles appartiennent.

+-

    Mme Joyce Hancock: J'aimerais répondre à la dernière partie de cette question. Je travaille maintenant depuis trois décennies dans le mouvement de défense des droits des femmes et j'y ai occupé diverses fonctions. Lorsque les gouvernements établissent des priorités, je me demande toujours comment ils peuvent le faire, s'il n'existe pas de mécanismes qui permettent aux organismes communautaires revendiquant l'égalité de déterminer les domaines d'intervention prioritaires et d'obtenir les ressources pour agir en permanence—et qui permettent, vous savez, d'informer les ministres provinciales respectifs et le ministre fédéral.

    Pour ce qui est du suivi, peu importe que des recherches aient été faites pour établir les priorités, s'il n'existe pas d'organismes faisant la promotion de l'égalité dans les collectivités et les diverses régions du pays, comment le travail accompli peut-il avoir un impact?

    Les projets ont leur utilité, mais une fois qu'ils sont terminés, la question du suivi se pose toujours.

Á  +-(1135)  

+-

    Mme Lise Martin: Nous avons déjà donné des exemples par le passé de lois qui n'ont pas eu le même impact sur les deux sexes. Ainsi, les modifications apportées au programme d'assurance-emploi ont certainement eu un effet négatif plus marqué sur les femmes.

    Les exemples de ce genre abondent. On a publié il y a quelques mois des données portant sur la génération sandwich. La semaine dernière, Statistique Canada a publié de nouvelles données montrant que les femmes musulmanes sont défavorisées sur le marché du travail. L'étude a révélé qu'elles avaient du mal à trouver de l'emploi malgré leurs diplômes universitaires.

    Comme je le disais, les exemples abondent. Il s'agit souvent d'une question de volonté politique. Il s'agit aussi de vouloir tenir compte des données qui sont recueillies et qui montrent que les politiques n'ont pas le même impact sur toutes les personnes— il y a celles vivant en milieu rural et celles vivant en milieu urbain.

    Je crois aussi que la compartimentalisation des politiques a souvent tendance à défavoriser les femmes. Il faudrait adopter une approche globale. Les querelles de compétences fédérales-provinciales interviennent toujours, ce qui n'a rien pour favoriser l'égalité des femmes.

+-

    Mme Barbara Crow: Il ne manque pas d'organismes défendant la cause des femmes ni de chercheurs canadiens pour faire état des défis auxquels font face les femmes et pour faire ressortir la discrimination systémique et systématique fondée sur le sexe et l'orientation sexuelle.

    Ce qu'il faut faire remarquer au sujet du concept de l'égalité, c'est qu'on le définit souvent en fonction des droits dont jouissent les hommes blancs. Les femmes croient avoir réussi lorsqu'elles deviennent médecins, ingénieures ou députées. L'égalité n'est cependant pas perçue de la même façon dans la vie publique que dans la vie privée.

    On ne s'est pas encore beaucoup préoccupé de l'égalité dans la vie privée. Nous n'avons pas encore constaté de grands changements dans la façon de se comporter ou dans le mode relationnel des hommes dans la famille, et je crois que c'est un aspect de la question qui n'est pas pris en compte. Il n'est pas très facile de mettre le doigt sur ce problème ni même de l'évaluer, mais l'égalité, c'est aussi une affaire de qualité de vie et de justice sociale.

    Condition féminine Canada peut jouer un rôle important en proposant une définition de l'égalité qui tient compte de la justice sociale ainsi que de tous les rôles que jouent les femmes à différents niveaux, dont au niveau politique.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, mesdames. Je vous remercie pour votre présence. J'apprécie beaucoup votre courage de continuer à travailler à l'amélioration de la condition féminine.

    Madame Martin, j'ai lu vos documents, que j'ai trouvés particulièrement intéressants et qui, effectivement, peuvent être lus par la majorité des personnes. Par rapport à cela, je me demande si vous avez une façon de les diffuser. Qu'est-ce qu'on en fait une fois que c'est connu?

    J'ai une question qui s'adresse un peu à vous toutes. Vous nous faisiez part du fait que la situation des femmes s'est aggravée. Nous voyons qu'il y aurait nécessité de changer les mentalités. On s'aperçoit que plus on avance, plus on recule. Est-ce que vous croyez que c'est lié à ce faux sentiment de sécurité qu'ont beaucoup de femmes?

    On a davantage de femmes diplômées de l'université, qui ont davantage accès à l'éducation, mais on s'aperçoit que les salaires sont moindres. Donc, dans un premier temps, je me demande comment nous arriverons à changer les mentalités.

    Dans un deuxième temps, je me demande comment nous irons à l'encontre de ce faux sentiment de sécurité des femmes. Du côté des hommes, ces derniers nous disent qu'il n'y a pas de problème, que tout est réglé au niveau de la condition féminine.

Á  +-(1140)  

+-

    Mme Lise Martin: Je vais répondre à la première partie, qui est spécifique à nos feuillets. Ensuite, je vais laisser parler les autres.

    Au fait, dans la mesure du possible, on distribue les feuillets, et ce, gratuitement. On trouve que c'est très important parce que notre objectif est justement d'avoir une diffusion la plus large possible. Je peux vous dire qu'on les utilise dans différents milieux pour des raisons et dans des contextes très différents. Je sais, par exemple, que les policiers de Calgary ont utilisé celui qui traite de la violence faite aux femmes pour sensibiliser les policiers. Ils sont beaucoup utilisés dans un contexte d'éducation aussi.

    Je pense que cela pourrait être un problème de financement. En effet, le financement par projet fait en sorte que l'on doit, quand un projet est fini, passer rapidement au prochain. C'est très difficile par rapport à la diffusion.

    Je prends l'exemple de celui qu'on a fait sur la paix et la sécurité et qui a été publié il y a un mois. J'ai entendu différents trucs par rapport à la radio. Le caucus des femmes libérales au Québec parlait de cette question de sécurité, de divers projets, des missiles, etc. Je me suis donc dit qu'il fallait absolument que j'envoie ce feuillet d'information à toutes les femmes députées au Parlement, parce que je sais que c'est un sujet d'actualité et que vous allez en discuter. Mais le temps me manque; je ne l'ai pas encore fait. Je me suis dit que vous alliez l'avoir, au moins.

    On a reçu beaucoup de rétroaction très positive par rapport à cela, et je pense que cette information est souvent cachée. C'est un des problèmes relatifs à notre mode de financement par projet, car on a maintenant différentes échéances.

[Traduction]

+-

    Mme Joyce Hancock: Je voudrais parler du faux sentiment de sécurité qui semble exister. Ce sentiment n'est pas réel bien qu'il existe depuis longtemps. Il faut des hommes braves qui croient vraiment aux valeurs féministes pour s'opposer à cette situation. À moins qu'on ait connu soi-même la pauvreté, on se contente souvent de simplement faire des dons de nourriture à une banque alimentaire. À moins qu'on ait connu la violence soi-même, on se contente souvent de simplement donner de l'argent à une maison de transition.

    C'est vraiment comme si nous nous nous attendions à ce que ceux qui travaillent à améliorer la condition des femmes disent les choses telles qu'elles sont. Il ne faut pas se leurrer. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire.

    Le ministre de ma propre province m'a fait observer récemment qu'au sein de son propre caucus—et je ne pense pas qu'il en soit autrement dans la société canadienne dans son ensemble—, ses collègues sont d'avis que l'égalité des femmes n'est plus à faire et se demandent même pourquoi on continue d'en parler. Voilà qui montre bien l'importance du leadership : le leadership, c'est dire les choses telles qu'elles sont. Un comité parlementaire devrait faire preuve de leadership et ne pas craindre de s'attaquer aux mythes.

+-

    Mme Barbara Crow: Je voulais aussi parler du leadership. Condition féminine Canada a vraiment l'occasion de faire preuve de leadership. Les ressources sont abondantes au Canada. Il existe beaucoup de groupes et de chercheurs au Canada qui étudient la façon d'améliorer la condition des femmes. Le moment est venu que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et soit le fer de lance du changement social.

+-

    Mme Sungee John: Je souscris à tout ce qui vient d'être dit. S'il existe un faux sentiment de sécurité, c'est en raison de la réduction des fonds accordés aux organismes représentant les femmes. Ce fut presque le silence. Faute de moyens, ces organismes ne peuvent plus défendre la cause des femmes de la même façon qu'ils le faisaient ni poursuivre leurs efforts de sensibilisation du public, de façon à rappeler que les statistiques révèlent que l'égalité des femmes n'est pas un fait accompli. Les statistiques montrent plutôt que les hommes continuent de posséder de façon majoritaire les leviers du pouvoirs.

    Prenons simplement l'exemple du Parlement. Un peu plus de 20 p. 100 seulement des députés sont des femmes. Voilà bien qui nous renseigne sur la véritable place des femmes dans notre société.

    Si les groupes qui défendent la cause de l'égalité des femmes—et j'insiste sur ces groupes particuliers—étaient assujettis donc aux mêmes niveaux de financement et aux mêmes critères qu'en 1998, ils pourraient poursuivre leurs efforts de sensibilisation et de défense des droits, et l'ensemble de la population canadienne comprendrait quels sont les obstacles auxquels font toujours face les femmes.

Á  +-(1145)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Powers. C'est votre tour.

+-

    M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Je ne suis pas tenu de poser simplement des questions administratives, mais je le ferai. Nous voudrions simplement avoir une idée de la taille des organismes que vous représentez. Cela nous permet de nous faire une meilleure idée, étant donné que nous recevons des témoins appartenant à différents organismes.

    Pourriez-vous nous dire combien vous comptez de membres et de groupes, et à combien s'élève votre budget annuel?

+-

    Mme Barbara Crow: Ce sera avec plaisir. À l'Association canadienne des études sur les femmes, nous sommes très fiers de compter 250 membres. Nous avons travaillé fort pour en arriver là.

    Par contre, il y a plus de 5 000 étudiants, tout cycle confondu, inscrits à des programmes d'études des femmes au Canada. J'ajouterais même que la structure de ces programmes est représentative de celle de la population active. En effet, de nombreux professeurs travaillent à temps partiel et subventionnent les programmes d'études des femmes, dont très peu ont une véritable structure.

    Notre budget ne s'élève qu'à 8 000 $. Si notre organisation se porte bien, c'est parce que nous nous trouvons dans l'une des plus importantes universités qui, de surcroît, offre l'un des programmes d'études des femmes le plus exhaustif au Canada. J'ai pu profiter des ressources de cette université pour alimenter les programmes des cycles supérieurs.

    L'apparition des modes de communication numérique a également compliqué la tâche des organisations de défense des femmes qui doivent ainsi assumer des responsabilités accrues et s'assurer d'avoir les compétences nécessaires pour communiquer dans un environnement de plus en plus mondialisé.

    Voilà pour ce qui en est de notre organisation. Elle regroupe essentiellement des bénévoles. Même les administrateurs sont des bénévoles. Nous nous débrouillons avec très peu de moyens.

+-

    Mme Joyce Hancock: Je travaille pour le Newfoundland and Labrador Advisory Council on the Status of Women, dont le budget, de source provinciale, s'élève à presque 300 000 $. Le budget est resté stable depuis mon arrivée en 1996.

    Comme je l'ai dit dans mon introduction, ça fait maintenant huit ou neuf ans que j'essaye d'établir des liens entre d'une part les centres pour femmes, les foyers d'accueil et les maisons de transition, et d'autre part une organisation susceptible d'avoir l'oreille des gouvernements, sans doute parce qu'au départ j'étais dans un centre communautaire pour femmes.

    Nous travaillons comme des forcenées avec de maigres moyens, tout simplement pour que ces questions ne tombent pas dans l'oubli. Nous avons même établi un critère, qui a été accepté et selon lequel toutes les femmes siégeant au conseil consultatif doivent provenir d'organisations communautaires de défense des femmes qui sont féministes et qui revendiquent l'égalé. C'est une condition à la nomination au conseil de l'organisation.

+-

    M. Russ Powers: Je suis irlandais. Je sais que ça veut dire de travailler comme un forcené. Combien de membres comptez-vous?

+-

    Mme Joyce Hancock: Nous sommes nommées par le gouvernement. Dans notre province, il y a huit centres pour femmes et cinq maisons de transition ou foyers pour femmes. Il existe également un certain nombre de coalitions. Comme je l'ai déjà précisé, nous sommes un regroupement d'organismes de défense des femmes étroitement interrelié et capable de se mobiliser très rapidement. C'est d'ailleurs l'une des forces du mouvement féministe de notre province.

+-

    Mme Lise Martin: En gros, notre organisation regroupe des membres individuels, soit environ 600. Nous comptons également 10 institutions, qui sont en fait des universités. Certains de nos membres sont également des groupes de défense des femmes qui doivent payer des frais d'adhésion de 15 $. Il est clair que notre but est de sensibiliser le maximum de personnes.

    Notre budget annuel fluctue,. Cette année il est d'environ 350 000 $. Nous avons un effectif de trois personnes et notre conseil d'administration, constitué de 15 bénévoles, se réunit en général deux fois par année. À partir de ce budget, nous organisons également des consultations locales sur la sécurité financière des femmes, initiatives que nous allons reproduire au niveau national également.

+-

    Mme Sungee John: Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme a beaucoup souffert des compressions, tout le monde le sait. À notre apogée, nous représentions 700 groupes. Notre association ne représente que des groupes et non des membres individuels. Nous commençons maintenant le processus de renouvellement des adhésions, et les femmes adhèrent. Il faut également savoir qu'en raison des compressions budgétaires, certains de nos membres ont perdu leur financement et ont fermé leurs portes. Évidemment, le nombre de nos membres a diminué en raison de cela. Mais maintenant de plus en plus de femmes ressentent le besoin de s'organiser, et nous recevons plus de demandes d'adhésion. Nous recrutons actuellement et nous aurons des chiffres plus exacts dans le courant de l'année.

Á  +-(1150)  

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Kadis, vous avez deux minutes, cette fois-ci.

+-

    Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.): Je voudrais toutes vous remercier de votre présence et de votre franchise. Comment expliquez-vous le changement dans la formule de financement? J'ai cru entendre quelqu'un dire que c'était dans le but de la rendre plus démocratique. Le changement vous semble-t-il justifié et quelles en sont les raisons?

+-

    Mme Joyce Hancock: Je pense que c'était un changement global des rapports entre le gouvernement fédéral, les provinces et les organisations, changement qui se reflète dans d'autres ministères et qui a été très négatif. Quand j'ai accepté mon poste actuel et ai donc du quitter Stephenville dans l'ouest de Terre-Neuve, il n'y avait aucune banque alimentaire. Maintenant, ce sont les centres pour femmes qui font le travail du gouvernement. À l'époque, il existait des groupes puissants qui travaillaient pour qu'on soit représenté au conseil d'éducation et de santé mentale. Maintenant, nous consacrons notre temps à assurer les services qui sont nécessaires pour faire face à la pauvreté et à la violence, et dont étaient responsables les gouvernements par le passé. Pour ma part, le changement s'explique par une volonté d'alignement de tous les organismes de la bureaucratie fédérale.

+-

    Mme Susan Kadis: Il ne nous reste plus beaucoup de temps mais je voudrais que vous nous disiez comment le ministère gère votre frustration. De nombreux groupes se sont fait entendre, et leur message est toujours le même.

+-

    Mme Lise Martin: Il y a à peine trois semaines, nous nous sommes rencontrés, mais n'avons pas reçu de réponses claires à nos questions. J'ai mentionné dans mon exposé du 18 que les responsables de programmes sur les femmes avaient choisi d'adopter un modèle de gestion fondé sur les résultats. C'est une tendance, c'est vrai, et beaucoup de gouvernements ont choisi ce type de modèle pour l'attribution des fonds. Par contre, certains organismes comme l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, accordent toujours du financement de base. Dans certains ministères, on utilise un autre terme pour désigner ce type de financement. Dans le cadre de notre processus de planification stratégique, nous voulions dialoguer avec des instituts de recherche stratégique traditionnels s'apparentant à notre société. Nous avons donc rencontré le Conseil canadien de développement social, le Centre canadien de politiques alternatives, l'Institut Caledon et l'Institut Nord-Sud. Vous connaissez sans doute déjà ces organisations, qui sont puissantes. La nôtre devrait être tout aussi puissante. Mais les mécanismes qu'ils ont le privilège d'avoir sont fort différents des nôtres. Il faut comprendre aussi que la condition féminine n'est qu'une pièce du puzzle. Il faut qu'il y ait une volonté politique pour que l'égalité des femmes soit prise au sérieux et financée adéquatement.

+-

    Mme Joyce Hancock: C'était peut-être tout simplement une stratégie de survie, étant donné le sort que réservait le gouvernement au ministère. Donc même si les rapports avec les organisations communautaires étaient de plus en plus distants, l'organisme survivait au sein d'une bureaucratie qui avait, elle aussi, de plus en plus perdu contact avec la base.

+-

    La présidente: C'est la fin de cette série de questions.

    Vous avez 20 secondes, Sungee.

+-

    Mme Sungee John: J'aimerais parler brièvement du processus démocratique. Maintenant qu'on est passé du financement de base au financement par projet, les femmes ont moins de temps pour s'occuper de leurs clients et groupes cibles. Tous les ans, il faut élaborer un nouveau projet, et un projet accepté ne peut être répété. C'est ainsi que ça fonctionne, le financement par projet. À l'inverse, à l'époque du financement de base, il était possible de reconduire les projets. Avec le nouveau type de financement, ce n'est pas reconduisible. Tous les ans, les femmes doivent répéter le processus. Ça prend des heures de bénévolat pour rédiger les propositions et en assurer le suivi. Et ce travail énorme n'est pas pris en compte dans les budgets ou les structures de financement gouvernementaux.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Crowder.

+-

    Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Merci.

    Merci de vos exposés. Je vais rapidement poser une question à chacune d'entre vous, puis je vous donnerai l'occasion d'y répondre.

    Madame Hancock, la province de Terre-Neuve-et-Labrador a recommandé notamment le rétablissement d'un conseil consultatif canadien indépendant sur la condition féminine. J'aimerais que vous m'en disiez davantage.

    Madame Martin, nous savons entre autres qu'il existe un effet domino. C'est-à-dire que, comme les femmes gagnent de faibles revenus, elles n'ont droit qu'aux prestations d'assurance-emploi minimums, ce qui se traduira plus tard par de maigres pensions. Et pourtant, ce n'est que la partie visible de l'iceberg. S'est-on penché sur le sort des femmes dans les dix à quinze prochaines années?

    Je suis désolée si je parle un peu vite, mais je n'ai que sept minutes. Madame Crow, vous avez insisté sur la question du leadership. Je tiens à préciser que ce n'est pas parce que une femme est élue députée qu'on peut parler d'égalité. Je pourrais vous donner bien des exemples qui le prouvent. Pourriez-vous nous dire ce qui devrait être amélioré dans le domaine du leadership?

    Madame John, j'aimerais que vous nous parliez de mon sujet préféré, soit l'analyse comparative entre les sexes. Un mécanisme précis a été créé en la matière; en fait, il y a un très bon guide qui a été rédigé et qui s'intitule Analyse comparative entre les sexes : Guide d'élaboration des politiques. On y soulève de très intéressantes questions et observations. Que pensez-vous de ces analyses comparatives entre les sexes et des politiques gouvernementales?

Á  +-(1155)  

+-

    Mme Joyce Hancock: Je pense sans doute que ce serait bien de remettre en place un conseil consultatif canadien indépendant parce que je siège à un tel conseil; c'est nous qui décidons ce que nous voulons défendre et comment nous voulons exercer des pressions auprès du gouvernement provincial. La disparition de ce conseil consultatif est l'une des manifestations des pertes qu'ont subies les femmes depuis la Commission royale d'enquête. Le conseil n'était pas parfait; certaines femmes vous diraient sans doute qu'il n'était pas vraiment indépendant, mais il mettait à notre disposition des mécanismes qui ont maintenant disparus selon nous, et qui permettaient de défendre haut et fort notre cause.

    À Terre-Neuve-et-Labrador, nous avions de bons rapports avec le conseil consultatif. Quand on s'en est débarrassé, on a en même temps fait comprendre aux autres provinces qu'elles pouvaient suivre l'exemple. Voilà ce qui explique l'inefficacité de nos conseils consultatifs ou le fait, je dirais, que certaines femmes de la base les perçoivent comme des marionnettes du gouvernement.

+-

    Mme Lise Martin: Il y a en effet un effet domino. Pour répondre à votre question, je ne pense pas qu'on sache ce qui se passera dans les dix prochaines années. Je profite de cette occasion pour souligner l'importance du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, car il couvre beaucoup des sujets qui ont été soulevés. Nous pensons que le TCPS doit être examiné sérieusement et mérite autant d'attention que le Transfert canadien en matière de santé.

+-

    Mme Barbara Crow: Ma famille est originaire de Duncan, en Colombie-Britannique.

    En prévision de la réunion d'aujourd'hui, j'ai passé en revue le rapport de la Commission royale sur la condition féminine, qui date d'il y a plus de 40 ans. Au chapitre 10, le plan d'action énonça les activités proposées pour Condition féminine Canada. Même après 40 ans, ces recommandations sont toujours valables : l'organisme devrait relever directement du Parlement, il devrait avoir des pouvoirs d'enquête et d'application des lois sur les droits de la personne, il devrait inclure en son sein... Il y en a toute une série qui mérite d'être réexaminée. Nous devrions réexaminer ce que nous avons si bien fait il y a 40 ans, ce qui, qu'on souscrive ou non aux recommandations de la commission royale, a établi le mouvement féministe moderne canadien.

    Pour ce qui est du leadership, Condition féminine Canada est le seul organe officiel dont la désignation est condition féminine, n'est-ce pas?

    Une voix : Oui.

    Mme Barbara Crow : En ce qui a trait au leadership, c'est donc un bon point de départ. Que pourrions-nous faire pour renforcer le rôle de Condition féminine Canada au sein du gouvernement? Nous sommes riches en ressources et savons nous mobiliser. Notre budget n'est que de 10 000 $, mais vous seriez épatés de voir tout ce qu'on a pu faire.

    Nous avons les connaissances et les ressources nécessaires; il s'agit maintenant de se mobiliser pour faire évoluer la condition féminine au Canada. Il faut que la théorie se traduise par des mesures concrètes de justice sociale et de justice favorisant l'égalité.

+-

    Mme Sungee John: En signant le Programme d'action à la Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en 1995, le Canada s'est engagé à effectuer des analyses comparatives entre les sexes dans tous les ministères. Je sais que certains ministères, peut-être pas tous, ont des unités d'analyse comparative entre les sexes. Mais ces unités travaillent en général indépendamment des femmes sur le terrain. À bien des égards, ce sont des petits groupes élitistes. Une grande partie du travail est fait de façon hermétique, pour emprunter le terme employé par Lise. Chacun travaille de son côté sans consulter les femmes dans la collectivité.

    Du point de vue théorique, les analyses sont peut-être bonnes, mais il n'existe aucune application pratique. Souvent, les analyses sont faites, mais aucune mesure n'est mise en place par les ministères. Évidemment, Condition féminine Canada se sert de la thèse des analyses comparatives entre les sexes pour justifier l'accent mis sur la recherche au détriment des besoins exprimés par les groupes de défense des femmes.

  +-(1200)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Voilà qui clôt le débat. En fait, la réunion a duré plus longtemps que prévu.

    Je voudrais toutes vous remercier d'être venues aujourd'hui. Toutes vos propositions ont été instructives.

    Vous aurez sans doute des nouvelles des députés du comité ou bien du comité dans son ensemble. Grâce à vos interventions, nous en savons plus sur la condition féminine et pourrons mieux définir l'orientation du comité. Je vous en remercie.

+-

    Mme Barbara Crow: Ça renforce l'esprit de collaboration.

+-

    La présidente: Nous allons faire une pause de cinq minutes pour permettre au prochain panel de prendre place.

    Sachez qu'un déjeuner léger a été servi au fond de la salle. La séance est suspendue

  +-(1205)  

+-

    La présidente: La séance reprend.

    Nous sommes heureux d'accueillir le deuxième panel. Qui va commencer?

    Andrée.

  +-(1210)  

+-

    Mme Andrée Côté (directrice, Affaires juridiques, Association nationale de la femme et du droit): Bonjour. Merci.

    Mon exposé sera en français, mais n'hésitez pas à me poser des questions en anglais.

[Français]

    L'association est l'un des plus vieux groupes de femmes au Canada. Elle a été créée en 1974. Nous fêtons donc notre 30e anniversaire cette année. Notre mandat est de promouvoir l'égalité des femmes au moyen de l'éducation et de la réforme législative. Notre travail consiste vraiment à informer et à faire des pressions, sur le législateur fédéral principalement. Nous travaillons aussi beaucoup pour informer les groupes de femmes des développements en matière de politiques fédérales, dont celles qui concernent les femmes.

    Notre mandat est de promouvoir le droit à l'égalité de toutes les femmes, y compris les immigrantes, les autochtones, les femmes de couleur, les lesbiennes. Nous essayons, dans notre travail, de toujours penser à étudier et à proposer des réformes qui auront un impact avantageux sur la promotion de l'égalité des femmes des différentes communautés.

    Historiquement, nous avons fait beaucoup de travail dont je ne ferai pas mention aujourd'hui, mais l'ANFD a été très active au niveau du droit criminel, de tous les changements qui ont été apportés au Code criminel en matière de viol, d'agressions sexuelles, de violence conjugale. En outre, on a finalement éliminé l'immunité qui existait dans le Code criminel pour les hommes qui violaient leur épouse. Nous avons produit, en 1999, un mémoire important sur la défense de provocation qui, malheureusement, existe toujours dans notre Code criminel et qui est trop souvent utilisée pour excuser la violence patriarcale et les meurtres commis par les hommes contre leur épouse.

    Nous avons fait beaucoup de travail dans le domaine du droit de l'immigration. Je vous ai apporté une copie de notre mémoire sur le projet de loi C-11. C'est un travail que nous continuerons au cours des années à venir.

    Nous avons beaucoup travaillé sur les questions de droit de la famille. Je vous en parlerai tout à l'heure.

    Nous avons fait à chaque année des représentations sur le budget. Nous sommes un des groupes très actifs à recommander la mise en oeuvre d'un gender budgeting, parce qu'il est très clair que s'il n'y a pas de politique budgétaire qui tienne compte des besoins des femmes, nous n'irons pas très loin.

    Nous avons également toujours été très actives dans le domaine de la défense du droit des femmes à l'avortement.

    Je vais vous parler aujourd'hui des dossiers prioritaires de l'Association nationale des femmes et du droit en 2004-2005. Ce sont: l'équité salariale; l'amélioration du régime de prestations de maternité et de prestations parentales; l'amélioration de la Loi canadienne sur les droits de la personne; la réforme du droit de la famille, afin de mieux protéger le droit à l'égalité des femmes; et l'accès à l'aide juridique en droit de la famille.

    J'ai apporté cinq copies de nos bulletins Jurisfemme, que j'ai distribuées avec Mme Charron. Je pensais que cinq était le nombre requis. Nous pourrions peut-être vous en envoyer d'autres. Vous verrez dans ces bulletins que tous les thèmes que j'aborderai aujourd'hui sont l'objet de petits articles et vous pourrez obtenir plus d'information.

    J'aimerais vous rappeler qu'en 2000, l'Association nationale des femmes et du droit, en collaboration avec 24 organisations nationales, a créé le Comité canadien de la Marche des femmes, dans le cadre de la Marche mondiale des femmes de l'an 2000 contre la pauvreté et la violence faite aux femmes. Dans ce contexte, nous avons élaboré un cahier de revendications très détaillées contenant 68 recommandations pour le gouvernement fédéral. Ces revendications étaient vues vraiment comme un minimum pour s'attaquer adéquatement à la pauvreté et à la violence contre les femmes.

    Je vous ai aussi amené cinq copies en anglais et cinq copies en français du Cahier de la Marche mondiale des femmes. S'il en manque, Mme Charron pourra peut-être en faire d'autres copies. Vous y retrouverez toute une série de recommandations concernant la protection des droits sociaux et économiques des femmes, l'amélioration de la condition des femmes sur le marché du travail salarié, la défense des droits des femmes immigrantes, notamment les travailleuses domestiques, et la défense des droits des femmes autochtones et des lesbiennes.

  +-(1215)  

    Par ailleurs, l'Association nationale des femmes et du droit fait aussi partie de l'Alliance féministe pour l'action internationale, l'AFAI. À ce titre, nous avons été actives dans la rédaction du rapport alternatif au Comité de l'ONU sur l'élimination de la discrimination contre les femmes. Nous soutenons complètement les revendications de l'AFAI et d'autres groupes de femmes à l'effet que ce comité-ci devrait étudier les recommandations du comité de l'ONU. D'ailleurs, parmi les 24 recommandations, je crois, du comité sur les droits des femmes de l'ONU, on retrouve certaines de nos préoccupations actuelles, notamment l'équité salariale.

    Vous savez peut-être que l'équité salariale est le droit à un salaire égal pour un travail d'égale valeur, c'est-à-dire un travail comparable qui exige des efforts comparables, des qualifications et des responsabilités similaires. Malheureusement, bien que le principe de l'équité salariale soit établi dans la Loi canadienne sur les droits de la personne depuis 1977, très peu de progrès ont été faits. D'ailleurs, la ministre Frulla l'a souligné dans sa présentation à ce comité. Les femmes gagnent encore, en moyenne, 72 ¢ pour chaque dollar que les hommes gagnent. Cela vaut pour celles qui travaillent à temps plein. Il y a donc un très grand nombre de femmes qui gagnent encore moins que cela parce qu'elles travaillent à temps partiel, qu'elles ont un travail précaire ou à contrat.

    On a donc encore une situation où les femmes sont cantonnées dans des ghettos d'emplois féminins et où la valeur du travail accompli par les femmes est sous-évaluée. Cela résulte en des situations discriminatoires. Le mécanisme actuel pour établir l'équité salariale au Canada, à savoir l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, est vraiment insuffisant. Nous croyons que l'une des questions urgentes pour les femmes au Canada est l'amélioration des mécanismes de protection et de promotion de l'équité salariale.

    En 2000, l'équité salariale était l'une des revendications prioritaires de la Marche mondiale des femmes. En 2001, la ministre de la Justice de l'époque, Mme Anne McLellan, a, avec sa collègue Mme Bradshaw, ministre du Travail, établi un comité d'étude sur l'équité salariale qui a rendu ses recommandations au mois de mai 2004.

    Nous sommes très contentes du travail qui a été fait par ce groupe de travail et nous estimons qu'il serait très important de mettre en oeuvre ses recommandations. Il ne faudrait pas attendre que cela devienne un autre rapport qui amasse de la poussière sur les tablettes. Il faudrait mettre en oeuvre les recommandations du comité sur l'équité salariale.

    Je pourrai y revenir en détails mais ce qu'on recommande, grosso modo, c'est l'adoption d'une loi autonome sur l'équité salariale et l'extension de la protection de l'équité salariale non seulement aux femmes, mais aussi aux autres groupes victimes de discrimination et qui sont protégés par la législation fédérale en matière d'équité en emploi, notamment les autochtones, les personnes handicapées et les personnes des minorités raciales. C 'est là un des problèmes que l'on identifie.

[Traduction]

+-

    La présidente: Pourrais-je vous demander de conclure s'il vous plaît?

+-

    Mme Andrée Côté: Très bien.

[Français]

    Il y a un autre gros problème: l'insuffisance de la protection des bénéfices en matière de congés de maternité et de congés parentaux.

    Comme vous le savez peut-être, à l'heure actuelle, seulement 35 à 40 p. 100 des femmes sont admissibles à ces congés. Même lorsqu'on y est admissible, on touche seulement 55 p. 100 du salaire, ce qui fait en sorte que la majorité des travailleuses n'ont pas les moyens de prendre un congé de maternité ou qu'elles le prennent dans des conditions de très grande pauvreté.

    Nous croyons donc qu'il serait important d'examiner la question, surtout à la lumière du fait qu'une décision de la Cour d'appel du Québec amène la question devant la Cour suprême. La cour a déclaré que le régime actuel de prestations de maternité que l'on retrouve à l'intérieur de la Loi sur l'assurance-emploi est inconstitutionnel, qu'il n'est pas de juridiction fédérale. Cela va donc entraîner une crise très grave pour les femmes au Canada, si on perd ces acquis. Nous sommes en train d'essayer d'examiner comment on peut défendre le droit du Québec à ces programmes en matière de prestations de maternité tout en maintenant, à l'extérieur du Québec, des normes nationales pour que toutes les femmes puissent bénéficier des congés de maternité.

    En matière de droit de la famille, on a des problèmes majeurs: le manque d'attention accordée à la violence conjugale dans le contexte de garde d'enfants; le fait que, de plus en plus, on a une vision formelle de l'égalité qui amène à attribuer des gardes conjointes aux parents, mais qui très rapidement se dégradent et font en sorte que les femmes se retrouvent avec beaucoup trop de travail et sans ressources financières. C'est un problème criant.

    Il y a un autre problème criant. Il s'agit du développement des pratiques, comme on le voit en Ontario et au Québec, qui visent à utiliser des codes religieux, notamment la charia, pour régler des problèmes de droit de la famille dans le contexte de l'arbitrage ou de la médiation.

    Finalement, l'aide juridique est un problème brûlant pour les femmes partout au Canada. Nous avons fait des consultations sur le droit de la famille l'an dernier. Or, partout, dans toutes les villes et toutes les provinces, les femmes nous ont dit qu'elles n'avaient pas accès à des représentations légales et à l'aide juridique.

    Il y a donc beaucoup de questions brûlantes. Je pourrais continuer, mais je m'arrêterai là.

    Je vous remercie, madame la présidente, de m'avoir accordé ce temps. Ce sera un plaisir pour moi de répondre à vos questions.

  +-(1220)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Lori Harreman, voulez-vous prendre la parole?

+-

    Mme Lori Harreman (membre du conseil, Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes): Bonjour. Je m'appelle Lori Harreman et je suis ici aujourd'hui pour représenter le FAEJ. Je suis membre de leur conseil d'administration national et je préside le comité national d'éducation de ce fonds.

    Nous tenons à vous remercier de votre invitation. Comme vous le savez, le FAEJ est une organisation nationale sans but lucratif constituée en vertu d'une loi fédérale et fondée en avril 1985 pour assurer l'égalité des droits pour les Canadiennes aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés.

    À cette fin, le FAEJ engage des procédures pour défendre son droit à l'égalité, et elle fait de la recherche et de la sensibilisation publique. Depuis son travail dans l'affaire Andrews en Colombie-Britannique portée devant la Cour suprême du Canada en 1989, le Fonds a beaucoup favorisé le respect des droits à l'égalité, de la jurisprudence et la définition de l'égalité matérielle au Canada. Les femmes de partout dans le monde considère le FAEJ comme un chef de file en matière d'égalité.

    Le FAEJ prépare et présente des arguments sur les droits à l'égalité lorsque l'inégalité sexuelle se trouve aggravée par d'autres motifs de distinction illicites comme la race, la classe sociale, le statut autochtone, l'orientation sexuelle ou le handicap. Le FAEJ est intervenu dans plus de 150 décisions ayant trait aux droits à l'égalité dans les domaines notamment de la violence sexuelle, de la parité salariale, des droits économiques et sociaux, de la pension alimentaire pour les conjointes et les enfants, de la liberté de procréer et de l'accès à la justice.

    Le double objectif de l'article 15 de la Charte consiste à prévenir la discrimination et à promouvoir l'égalité. Il s'agit d'un objectif qu'a continuellement soutenu la Cour suprême du Canada. Depuis l'arrêt Andrews c. la Law Society de la Colombie-Britannique, la Cour a rejeté immanquablement toute approche abstraite et formaliste aux droits à l'égalité et s'est prononcée plutôt en faveur d'une approche contextuelle et matérielle. Elle a répété son engagement envers cette interprétation de l'article 15 dans les arrêts les plus récents qu'elle a rendus en matière de droits à l'égalité.

    L'approche axée sur l'égalité matérielle se fonde sur la reconnaissance que la différenciation en soi n'est pas une violation des droits à l'égalité. Une violation des droits à l'égalité est déterminée par des différenciations qui sont effectivement discriminatoires. Il s'agit de différenciations fondées sur des motifs qui reflètent, perpétuent, renforcent, exacerbent des tendances historiques d'oppression de groupes particuliers et de membres individuels de ces groupes, ou qui n'y remédient pas.

    Les motifs de distinction illicites sont ceux énumérés à l'article 15, des motifs analogues à ceux énumérés et des motifs multiples—par exemple la discrimination fondée sur le sexe et le handicap, la discrimination fondée sur la race et le sexe, et la discrimination fondée sur l'âge et le sexe.

    Pour prévenir la discrimination et promouvoir l'égalité, il faut transformer les normes établies des systèmes sociaux, politiques, économiques et juridiques. Les gouvernements se voient ainsi imposer des obligations positives afin de tenir compte, en matière d'égalité, des besoins des femmes et d'autres groupes opprimés.

    Les gouvernements ne peuvent pas justifier les violations des droits à l'égalité en invoquant de façon générale et abstraite le bien public ou le bien-être financier général. Agir ainsi laisse supposer que les droits à l'égalité sont un luxe et qu'ils sont distincts du bien démocratique plutôt que des droits qui définissent et améliorent effectivement le bien public.

    Les droits et libertés garantis par la Charte des droits et libertés ne peuvent être, pour citer la Charte, « restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

    Récemment, dans l'arrêt Terre-Neuve c. NAPE, la Cour suprême a reconnu que, pour évaluer ce qui constitue une société libre et démocratique, il faut tenir compte des valeurs d'une société libre et démocratique. Le FAEJ considère qu'une interprétation matérielle de la démocratie inclut une reconnaissance des valeurs et principes tels que l'égalité, l'inclusion, la justice sociale et la participation, et qu'elle ne se fonde pas uniquement sur la règle de la majorité.

    La définition de liberté énoncée dans la Charte doit tenir compte de l'égalité, et l'égalité est l'une des valeurs fondamentales d'une société démocratique. Une véritable démocratie refléterait donc des normes qui valorisent et favorisent la diversité, l'inclusion et l'appartenance.

  +-(1225)  

    Pour appuyer une telle approche, la Cour suprême a récemment affirmé de nouveau son engagement de longue date envers l'idée selon laquelle, bien qu'il incombe au gouvernement de gouverner, il dot le faire conformément aux droits et libertés garantis par la Charte. Les actions ou l'inertie du gouvernement qui vont à l'encontre d'un droit ou d'une liberté garantie par la Charte doivent être par conséquent évalués en fonction des principes et valeurs d'une véritable démocratie pour déterminer si les actions ou l'inertie du gouvernement sont constitutionnelles.

    Le FAEJ considère que, pour s'acquitter de ses engagements en vertu des articles 15 de la Charte, le gouvernement fédéral est obligé d'assurer à la fois une égalité matérielle et une véritable démocratie, telles qu'elles viennent d'être décrites. Il existe de nombreuses façons dont le gouvernement fédéral peut montrer la voie dans la réalisation de ces objectifs. En fait, le FAEJ considère que le gouvernement fédéral est obligé de montrer la voie.

    En ce qui concerne l'obligation d'assurer une égalité matérielle, le gouvernement fédéral doit s'assurer de remplir ses obligations de protéger et de promouvoir les droits à l'égalité aux termes de la Charte et des instruments internationaux de droits de la personne dont le Canada est signataire. L'année dernière, le Comité sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a exprimé ses préoccupations devant l'incapacité du gouvernement canadien d'atteindre ces objectifs et de mettre en pratique les principes de l'égalité envers lesquels il s'était engagé.

    En particulier, le gouvernement doit régler le désavantage socio-économique des femmes au Canada, une forme de discrimination qui aggrave l'oppression que connaissent les femmes dans d'autres aspects de leur vie. Par exemple, la pauvreté rend les femmes vulnérables à la violence, y compris la violence conjugale, et la pauvreté nuit directement à la santé des femmes.

    Le gouvernement pourrait faire preuve de leadership, de manière à contribuer à réduire la pauvreté des femmes, entre autres en modifiant la Loi sur l'assurance-emploi afin de modifier le nombre d'heures donnant droit à des prestations de maternité et à des prestations parentales, ainsi qu'en mettant en oeuvre les récentes recommandations du groupe de travail sur la parité salariale, notamment la présentation d'un nouveau projet de loi sur la parité salariale.

    La loi actuelle ne fonctionne tout simplement pas. Des femmes qui travaillent à temps plein continuent de gagner en moyenne 72 cents pour chaque dollar que gagne un homme. Les femmes de couleur, les femmes autochtones et les femmes handicapées font face à une discrimination encore plus grande sur le marché du travail, ce qui se traduit par un salaire et des conditions de travail inférieurs. Le processus actuel de parité salariale est trop long, trop coûteux et extrêmement frustrant. Il dépend des plaintes déposées par des particuliers à propos de l'inégalité salariale, et le règlement de ces plaintes prend des années. La situation est tellement grave que le Comité sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a demandé au gouvernement canadien d'intervenir et d'accélérer la mise en oeuvre de la parité salariale.

    Une autre mesure particulière qui permettrait de promouvoir l'égalité matérielle serait le versement d'un financement de base par Conditions féminine Canada aux groupes revendiquant l'égalité pour les femmes afin de leur permettre d'effectuer leur travail. La politique consistant à ne financer que des projets a décimé ces groupes dans l'ensemble du Canada. Sans un financement de base qui permet à ces groupes de faire leur travail de base, ceux-ci ne pourront pas aider efficacement le gouvernement à atteindre ses objectifs en matière d'égalité.

    Bien que les groupes apprécient l'aide que leur apporte le financement ponctuel, ils ont besoin d'un financement de base pour pourvoir maintenir les activités. Tout comme le système de santé doit fournir des services de base pour assurer aux citoyens canadiens un niveau de santé de base, Condition féminine Canada doit fournir un financement de base pour assurer le bien-être fondamental des groupes qui revendiquent l'égalité pour les femmes. Sans financement de base pour acheter notamment des systèmes informatiques fiables, ces organisations ne peuvent pas exécuter efficacement les projets que préfèrent financer pour l'instant Condition féminine Canada.

  +-(1230)  

+-

    La présidente: Je vous prierais de conclure.

+-

    Mme Lori Harreman: Pour ce qui est des mesures précises concernant la véritable démocratie, le FAEJ considère qu'il est tout à fait nécessaire que le gouvernement fédéral consulte les groupes de femmes à propos des questions qui se rattachent aux droits à l'égalité. La valeur et la légitimité du processus de consultation a été reconnue par la Cour suprême du Canada dans divers contextes. Le dialogue sur les droits à l'égalité ne doit pas se limiter à un dialogue bilatéral entre le gouvernement et les tribunaux. Cette conversation doit inclure les principales intéressées qui possèdent l'expérience de telles questions et les connaissances qui s'y rattachent. Pour que ces consultations soient efficaces, les groupes qui revendiquent l'égalité pour les femmes ont besoin de l'appui financier et du temps nécessaire pour consulter ses propres membres afin de s'assurer que sa contribution est représentative et exhaustive.

    Le FAEJ aimerait aider Condition féminine Canada à atteindre ses objectifs et espère pouvoir travailler en collaboration avec vous en ce sens.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Mme Bose.

+-

    Mme Anu Bose (directrice exécutive, Siège sociale, Organisation Nationale des Femmes Immigrantes et des Femmes Appartenant a une Minorité Visible au Canada): Je vous remercie, madame Neville.

    Vous devez commencer à en avoir assez de me voir, mais je suis la femme à tout faire de l'Organisation.

    En quoi consiste l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada? Il s'agit d'une organisation à but non lucratif, non partisane et non sectaire. L'objectif de notre organisation est d'assurer l'égalité des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible au sein d'un Canada bilingue.

    Je crois qu'on a commencé à s'intéresser aux femmes immigrantes dans le rapport de la Commission Bird, dans lequel on nous a accordé sept paragraphes. Il ne faut surtout pas oublier que les points qu'elle a soulevés demeurent toujours valables aujourd'hui en 2004.

    Notre organisation a été fondée en 1986, cinq ans après que le gouvernement fédéral eut lancé la première Conférence nationale sur les femmes immigrantes. Notre organisation a été créée à Winnipeg lors de la pire tempête de neige qu'a connue Winnipeg—ce qui n'est pas peu dire.

    En 1985, après que l'on eut donné suite à quelques-unes des recommandations, des pressions persistantes de la part de la collectivité ont incité le ministre du Multiculturalisme de l'époque à tenir une consultation à l'échelle nationale. Cette consultation a permis de déterminer 25 secteurs auxquels il fallait remédier, notamment les aptitudes linguistiques, la formation, l'équité en matière d'emploi, la santé, les services sociaux, les politiques d'immigration et le financement de base. Malheureusement, ces préoccupations demeurent toujours aussi présentes.

    Si on demandait à l'Organisation d'indiquer ses principales préoccupations, elle répondrait qu'elles sont légion : être considérées comme des citoyennes de deuxième ordre dès leur arrivée et jusqu'à la fin; l'appauvrissement des nouvelles immigrantes, c'est-à-dire celles qui sont arrivées depuis cinq ans et moins; l'absence de progrès au niveau de l'équité en matière d'emploi, surtout au gouvernement; l'absence de protection contre le harcèlement racial et sexuel dans le projet de loi sur les dénonciateurs; le plafond de verre—le nombre de femmes appartenant à une minorité visible d'immigrantes lors des nominations par décret; l'absence de services appropriés à la culture et suffisamment financés ainsi que de services d'établissement, surtout au niveau des organismes qui s'occupent de violence familiale; enfin, comme vous l'avez entendu à maintes reprises, l'absence de financement de base, qui donne lieu à des projets précaires, incertains et mal financés dans le secteur bénévole.

    Qui sont les membres de notre organisation? Nous servons divers groupes : de nouvelles immigrantes, des citoyennes nées au Canada d'origines autres que les peuples fondateurs ou des Autochtones, différentes races et ethnicités, ainsi que des groupes confessionnels et non confessionnels. Donc, nous tâchons de nous faire le porte-parole d'une population très hétérogène.

    Nous travaillons en collaboration avec des groupes expressément féministes qui revendiquent l'égalité, comme la Coalition pour l'égalité des femmes, et nous jouons le rôle d'un choeur grec dans le partenariat canadien pour l'égalité des chances, en répétant : « Et n'oubliez pas les femmes immigrantes et celles qui appartiennent à une minorité visible s'il vous plaît ».

    En quoi consistent nos activités? Elles consistent principalement à défendre, auprès de comités comme le vôtre, les intérêts des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible ainsi qu'à développer les capacités de défense des intérêts. Il s'agit d'utiliser les fonds de l'ACDI pour mettre sur pied la formation des formateurs afin que ces femmes analysent le caractère précaire de leurs moyens d'existence et puissent acquérir les aptitudes pour défendre leurs intérêts et influer sur la politique gouvernementale. Nous vous tiendrons au courant du déroulement de cette formation au cours de l'année à venir.

    Nous avons aussi travaillé très activement au programme de la sécurité nationale. Nous avons comparu sur la Colline il y a trois ans pour exprimer les graves réserves que nous inspire le projet de loi C-36. J'ai participé à la séance d'information à huis clos donnée par le ministre sur la politique en matière de sécurité nationale, et hier j'ai participé à la table ronde sur les groupes ethniques et confessionnels avec le ministre Cotler.

    Le principal sujet dont nous voulons parler aujourd'hui concerne l'appauvrissement des femmes immigrantes et de celles appartenant à une minorité visible, surtout celles qui sont ici depuis cinq ans et moins. Nous avons commandé une étude pour défendre les moyens d'existence des femmes immigrantes. Qu'est-ce qui empêche les femmes immigrantes de réaliser leur potentiel? Après tout, les immigrants, hommes et femmes, ont traditionnellement été la clé de la prospérité du Canada. Ils ont fait partie de l'initiative de recrutement de cerveaux au Canada.

  +-(1235)  

    Pourtant, en 2004 les immigrantes ont fait face à une extrême inégalité, pas uniquement au cours de la période initiale d'adaptation mais aussi année après année tout au long de leur vie. Elles font désormais partie du phénomène que l'on qualifie de gaspillage des cerveaux au Canada.

    À l'occasion de ma dernière présentation en tant que représentante de la Coalition pour l'égalité des femmes, j'ai cité des faits et des chiffres. J'aimerais simplement faire une observation supplémentaire à ce sujet. Il existe un écart béant entre le revenu des femmes nées au Canada, qui est en moyenne de 50 000 $, et celui des immigrantes, qui est en moyenne de 34 700 $.

    En 1980, 15 p. 100 des immigrantes employées à temps plein et toute l'année détenaient des diplômes universitaires. En 2000, ce nombre est passé à 38 p. 100. Le gaspillage des cerveaux est attribuable au fait que les critères de sélection pour les immigrants ne tiennent pas compte de la réalité sur le terrain. Cela est attribuable à l'absence de reconnaissance des titres de compétence des hommes et des femmes professionnels immigrants, qu'ils ont acquis soit dans leur pays d'origine ou dans un pays tiers, sans compter l'éternel refrain de l'absence d'expérience au Canada.

    Le processus est long et compliqué. Nous sommes conscientes que la politique gouvernementale en matière d'accréditation se trouve sur le terrain miné de ce que l'on appelle les compétences fédérales-provinciales. Mais nous tenons à ce que vous sachiez qu'aujourd'hui, il existe très peu de données sur les immigrantes qui exercent une activité professionnelle. Il existe également très peu de programmes de mentorat et d'accréditation destinés précisément aux femmes qui exercent une activité professionnelle. Vous comptez sur votre comité pour présenter dans une perspective de genre et une perspective raciale et ethnique les questions des titres de compétence, de l'immigration, de l'établissement et de la pauvreté. Cela contribuerait notamment à dissiper le mythe selon lequel les immigrantes sont serviles, impuissantes, sans instruction et un fardeau pour le contribuable canadien.

    Les immigrants sont un phénomène urbain, et une tendance dangereuse qui se dessine est la création d'une sous-catégorie urbaine d'immigrantes appartenant à une minorité visible dans les grandes villes. Je crois qu'un grand nombre d'entre vous pouvez le constater dans vos propres circonscriptions. À Toronto, les immigrants sont plus susceptibles que les non-immigrants de vivre dans des quartiers où le taux de pauvreté est élevé. La pauvreté est un obstacle à l'intégration socio-économique des nouveaux immigrants et de leurs enfants. Vivre dans la pauvreté a des effets nuisibles sur toute une gamme d'expériences de vie, donne lieu à des conflits au sein des familles, à une absence d'estime de soi et à un sentiment de désespoir à propos des perspectives d'avenir. Les agences d'établissement sont débordées et n'ont pas suffisamment de ressources pour s'occuper des divers aspects de la pauvreté chez les immigrants.

    Nous demandons au Comité permanent de la condition féminine d'analyser le programme fédéral des villes dans une perspective de genre et de veiller à ce que des fonds soient affectés à cette question. Bref, nous vous demandons d'intégrer les préoccupations des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible dans les portefeuilles qui préoccupent le plus nos membres.

    Nous voulons également que vous vous penchiez sur le programme de l'inclusion sociale. De nombreux documents de politique du gouvernement fédéral parlent maintenant d'inclusion sociale, mais il est impossible de distinguer le programme d'inclusion sociale du Canada de sa politique officielle en matière de multiculturalisme. Henry et Tator, qui ont écrit un ouvrage en l'an 2000, indiquent qu'il existe une tension entre ces deux systèmes de valeurs qui se livrent concurrence : la réalité de la discrimination répandue et du racisme et du libéralisme démocratique. Un cadre d'inclusion sociale proposé par Saloojee, dans un document qu'il a rédigé en l'an 2004, indique que nous devons incorporer une perspective anti-raciste et reconnaître les limites du multiculturalisme et les réalités de la discrimination généralisée qui existent au Canada aujourd'hui.

    On débat très peu à l'heure actuelle au Canada anglais des valeurs de la citoyenneté et des répercussions de l'établissement de nouveaux arrivants, comme cela a été le cas au Québec. Cependant, tout le débat sur l'inclusion sociale n'accorde aucune attention à ces préoccupations ni à la perspective des immigrantes et des femmes qui appartiennent à une minorité visible.

    Nous espérons que votre comité redressera la situation.

    Je vous remercie.

  +-(1240)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Je m'excuse auprès de chacune d'entre vous de vous avoir pressées, mais notre temps est limité.

    Je propose que nous fassions des tours de cinq minutes plutôt que de sept, mais ce seront des tours généreux de cinq minutes, s'il le faut.

    Je commencerai par Mme Yelich.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente et je remercie nos témoins de cet après-midi d'avoir bien voulu comparaître devant le comité.

    Comme nous allons débattre bientôt d'une motion portant sur la drogue qu'on appelle la pilule du viol, j'aimerais connaître votre avis sur le sujet. Vous pourriez nous transmettre cette information par écrit. La pilule du viol est utilisée comme une arme contre les femmes, évidemment, plutôt que contre les hommes. Nous vous serions reconnaissants de nous fournir toute l'information que vous pourriez avoir sur cette question.

    J'aimerais aussi que nous parlions un peu de la charia. J'aimerais savoir comment la charia pourrait s'appliquer. Si je ne m'abuse, la sharia s'applique déjà en Ontario, mais j'aimerais savoir comment elle pourrait s'appliquer au niveau fédéral?

    J'aimerais aussi connaître vos priorités. Vous avez parlé de la Commission des personnes handicapées, de la discrimination fondée sur l'âge et la race, des Autochtones, des minorités visibles et de l'intégration des immigrants. Ce sont certes toutes des questions importantes. S'il nous faut établir des priorités, que pourrions-nous faire pour aider le mieux les femmes dans tous ces domaines?

    J'aimerais aussi que vous nous donniez un exemple de programmes ou de politiques qui devraient faire l'objet de l'analyse sexospécifique. J'aimerais simplement savoir si l'on tient compte de l'impact des lois sur les deux sexes ou si l'on aurait dû le faire pour certaines d'entre elles? J'aimerais connaître votre avis sur ces questions.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Je vous prierais d'être aussi brève et pertinente que possible.

    Allez-y.

+-

    Mme Andrée Côté: Pour ce qui est du Rohypnol, la pilule du viol, je pense qu'il importe de savoir que la majorité des agressions sexuelles sont commises par des personnes qui connaissent leurs victimes, à savoir des pères, des époux, des petits amis, des connaissances ou des collègues de travail. Il faut tenir compte de ce fait dans la planification des interventions. Si vous voulez plus de précisions sur le sujet, je vous conseille d'inviter Lee Lakeman, de l'Association canadienne des centres contre le viol. Elle serait certainement en mesure de vous fournir beaucoup de renseignements utiles.

    Pour ce qui est des programmes et des politiques qui pourraient bénéficier d'une analyse sexospécifique, je songe d'abord au processus budgétaire étant donné qu'on accorde actuellement des sommes d'argent énormes aux institutions financières internationales au titre du remboursement de la dette alors qu'il existe un grave déficit en matière d'égalité dans ce pays. Nous devrions vraiment nous assurer que l'excédent dont nous disposons... Je crois qu'au moins 50 p. 100 de cet excédent devrait être investi dans des programmes destinés aux femmes.

    Nous savons que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés stipule que l'impact de la loi doit faire l'objet d'une analyse sexospécifique. Je ne crois pas qu'elle ait déjà été faite. Nous nous réjouissons de voir cette analyse, mais nous sommes quelque peu déçues qu'on ne nous consulte pas sur l'impact de la loi.

    Enfin, pour ce qui est de la charia et de son application, l'ANFD consulte actuellement des organismes avec lesquels nous collaborons, et en particulier l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada et le Conseil canadien des femmes musulmanes. Nous menons aussi des recherches plus poussées sur la question. Il s'agit d'une question difficile, mais nous voulons étudier son impact sur les femmes et veiller à ce que les mesures que nous prenons dans le but de respecter la culture et le multiculturalisme ne portent pas atteinte aux droits des femmes. Voilà dans quelle perspective nous abordons la question. La privatisation ainsi que l'introduction de la religion dans le droit nous préoccupent grandement. Le fait qu'on mélange la religion et le droit, que ce soit la charia ou tout autre religion, est très inquiétant.

    Mes collègues ont peut-être autre chose à ajouter à ce sujet.

  +-(1245)  

+-

    La présidente: Quelqu'un d'autre voudrait-il commenter?

+-

    Mme Lori Harreman: Notre fonds d'action s'est également penché sur la question de la charia.

    Nous avons d'ailleurs présenté notre argument à Marian Boyd, qui sera la représentante du procureur général de l'Ontario et qui s'occupera de la question dans la province. Bon nombre des personnes siégeant au sous-comité font également partie de l'Association nationale de la femme et du droit et d'autres organisations féminines, ce qui permet d'avoir un certain chevauchement et une certaine continuité dans le message. Je suis d'accord avec Andrée : la loi traditionnelle, la charia, n'est pas le seul contexte religieux donnant lieu à des préoccupations chez-nous; ne laissons pas non plus les craintes et inquiétudes qu'ont suscité chez-nous les événements de 11 septembre teinter la façon dont nous percevons des enjeux comme la charia.

    Si vous me permettez de revenir aux politiques qui pourraient tirer profit d'une analyse comparative entre les sexes, vous avez entendu Andrée Côté et moi-même vous faire part de nos préoccupations au sujet des prestations de maternité et des congés parentaux. Nous vous exhortons à considérer le régime des prestations de maternité comme un régime de prestations conférant la dignité—autrement dit, comme un régime de prestations conçu pour éliminer de façon vigoureuse la discrimination à laquelle font face les femmes enceintes sur le marché du travail. En considérant la question sous cet angle-là, vous devrez également faire en sorte que les prestations tiennent compte de la réalité au travail des femmes, puisque la réalité masculine du monde du travail n'est pas nécessairement sensible aux critères d'admissibilité ni aux façons dont les prestations sont accordées aux bénéficiaires.

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous proposez comme solution d'avoir un cadre d'admissibilité ou de compétence différent.

+-

    Mme Lori Harreman: L'admissibilité est essentielle, mais...

+-

    Mme Lynne Yelich: Dans l'idéal, qu'est-ce que vous...

+-

    Mme Lori Harreman: ... il faut tenir compte de plusieurs aspects. Cela fait partie d'un tout. La femme qui a un petit salaire n'a droit qu'à de petites prestations qui, à leur tour, se traduisent plus tard en de petites pensions.

    C'est un spectre continu pour la femme. Bien sûr, les prestations de maternité et l'admissibilité à celles-ci constituent des éléments importants du casse-tête, mais il ne faut pas oublier ces autres parties du casse-tête, c'est-à-dire ces autres mesures qui incluent une loi concrète sur l'équité salariale et l'application du principe « à travail égal, salaire égal ».

  +-(1250)  

+-

    La présidente: Merci.

    Je passe maintenant à Mme Bonsant.

[Français]

+-

    Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ): Merci.

    Croyez-vous qu'on devrait sortir le congé de maternité du régime actuel? Devrait-il être à part? Devrait-on, comme le font certaines compagnies, avoir une compensation monétaire pour défrayer la moitié ou une partie des coûts? On voit cela dans certaines conventions collectives.

    Ma deuxième question portera sur les femmes immigrantes. J'ai de la difficulté à accepter que le Canada ou le Québec ne reconnaisse pas les talents ou les diplômes obtenus à l'étranger. Qu'est-ce qu'on peut faire pour aider ces femmes qui ont des diplômes, qui sont très compétentes? Devrait-il y avoir une loi, ou autre chose, à cet effet?

    Je pense que Mme Bose aurait une bonne réponse.

[Traduction]

+-

    La présidente: Madame Bose.

[Français]

+-

    Mme Anu Bose: Malheureusement, madame Bonsant, je n'ai aucune réponse. Je vais demander à Mme Neville, étant donné qu'elle est une députée du parti au pouvoir, si elle peut nous suggérer un moyen d'y arriver.

[Traduction]

+-

    La présidente: Je n'ai évidemment pas de réponse facile à vous donner. Par contre, je sais que Mme Fry est en pourparler avec les provinces et que certaines de leurs associations professionnelles sont en train de permettre certains accommodements en ce qui concerne les critères régissant l'autorisation d'exercer. C'est un effort collectif, déployé par le gouvernement fédéral et au nom de celui-ci par les gouvernements provinciaux et certainement par les organisations délivrant les permis d'exercer qui doivent oublier leur mentalité de guilde. Je sais que ce dossier est entre les mains de Mme Fry, mais celle-ci ne m'en a pas parlé récemment.

+-

    Mme Anu Bose: Mme Fry est-elle secrétaire parlementaire?

+-

    La présidente: En effet.

+-

    Mme Anu Bose: Elle aura besoin de ressources financières, puisque malheureusement, toute proposition devra être appuyée par des fonds considérables. Les organes de réglementation pratiquent une sorte de gestion de l'offre, et exercent une fonction de contrôleur d'accès. Pour pourvoir les mettre au pas—excusez l'expression—il faudra plus que des pressions politiques. Il faudrait quelque chose de beaucoup plus musclé.

    Nous avions déjà recommandé à l'ancien comité permanent de l'immigration de regarder sérieusement du côté du modèle australien, dont je pourrait vous envoyer une analyse, si cela vous intéresse.

+-

    La présidente: Je serais heureuses de la recevoir, merci.

    Allez-y.

[Français]

+-

    Mme Andrée Côté: En ce qui concerne les congés de maternité, on explore présentement des options pour améliorer le régime. Selon moi, les féministes, dans le reste du Canada, veulent un programme national de congés de maternité. Doit-on améliorer le programme d'assurance-emploi? Cela est une option. Des recommandations générales ont été mises de l'avant par le Congrès du travail du Canada, par exemple.

    Est-ce qu'on devrait adopter une mesure législative autonome sur les congés de maternité et parentaux basée sur le modèle québécois? C'est une autre option. Cependant, il faudra peut-être attendre la décision de la Cour suprême afin de savoir s'il s'agit d'une juridiction fédérale ou provinciale.

    Dans un cas comme dans l'autre, on veut des normes nationales à l'extérieur du Québec et on veut reconnaître au Québec le droit d'avoir son propre programme. On encourage fortement le gouvernement fédéral à négocier et à donner les montants requis au gouvernement québécois.

    Dans tous les cas, il faudrait explorer une sorte de programme universel qui pourrait bénéficier aux femmes qui ne sont pas sur le marché du travail salarié, parce qu'à l'heure actuelle, trop de femmes n'ont aucune protection. Si elles ne sont pas salariées ou si elles ont déjà été salariées mais qu'elles ont un deuxième enfant, elles ne sont plus admissibles à l'assurance-emploi. Alors, nous sommes en train d'explorer cette question.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Crowder.

  +-(1255)  

+-

    Mme Jean Crowder: D'abord, sachez que même si plusieurs d'entre nous ont du quitter le comité, cela n'est certes pas par manque d'intérêt, mais parce que nous avons des engagements à 13 h. Or, étant donné la sécurité qui sévit sur la colline aujourd'hui, c'est tout un défi pour nous de circuler.

+-

    La présidente: Oui, c'est en effet très difficile aujourd'hui.

+-

    Mme Jean Crowder: J'ai deux petites questions à poser, bien que l'une soit plutôt un commentaire.

    Plusieurs d'entre vous ont parlé de la mentalité de cloisonnement qui sévissait au gouvernement. L'immigration en est un exemple frappant : d'une part, nous encourageons les immigrants à venir s'installer au Canada, alors que d'autre part, nous ne les traitons pas de façon coordonnée. Si vous aviez des recommandations à nous faire sur la façon dont le gouvernement fédéral pourrait innover, nous vous en serions très reconnaissantes.

    En second lieu, plusieurs personnes ont parlé des façons dont les organisations féminines du Canada pourraient aider notre comité. Nous vous serions très reconnaissantes de nous faire des suggestions ou des recommandations précises en ce sens.

+-

    Mme Andrée Côté: Pour ce qui est de l'immigration, il y a deux volets à cette question qui préoccupent énormément l'Association nationale de la femme et du droit : ce sont d'abord la situation des travailleuses domestiques, puis les conditions consternantes dans lesquelles certaines femmes sont obligées de travailler, et je pense particulièrement à l'obligation pour la domestique d'habiter chez son employeur. Toutes les études ont démontré, les unes après les autres, à quel point cela rend les femmes vulnérables. Il incombe donc que ce programme soit éliminé ou radicalement transformé.

    L'autre grand problème, c'est la question du parrainage des membres de la famille. Le week-end dernier, j'ai lu un grand article là-dessus dans le National Post—un journal que je ne lis pas d'habitude mais qui m'avait été distribué à l'hôtel—dans lequel on expliquait que l'Ontario allait se mettre à réprimer les gens qui avaient parrainé des membres de leur famille qui vivaient, ensuite, du bien-être. Ils ont l'intention d'entamer des poursuites pour pouvoir récupérer les fonds versés en assistance sociale.

    Il s'agit d'une forme de discrimination parmi les plus insidieuses contre les familles d'immigrants. Aucun autre Canadien n'a à rembourser quoi que ce soit s'il vit avec des membres de sa famille. C'est scandaleux, et je crains que les provinces n'aient recours à cette stratégie pour se faire rembourser par certains des citoyens les plus pauvres du Canada. L'engagement de parrainage vaut toujours même si celui qui a été parrainé est devenu un immigrant. C'est une honte de vouloir créer ainsi des citoyens de seconde zone au Canada.

+-

    La présidente: Madame Bose.

+-

    Mme Anu Bose: Merci, madame Neville.

    Les femmes immigrantes arrivent parfois au Canada comme citoyennes de seconde zone. Le parrainage peut devenir extrêmement dégradant pour les femmes, surtout dans les cas de rupture du mariage qui s'accompagnent de violence. La femme ne sait jamais si elle doit signaler aux autorités de l'immigration que son mari l'a agressée physiquement, risquer ainsi qu'il soit déporté et qu'elle s'appauvrisse, ou si elle devrait faire appel à la police et en assumer les conséquences. À cela vient s'ajouter la question de l'ostracisme, presque toujours assuré, et du déshonneur. Or, ce sont des phénomènes que ni le gouvernement ni l'Agence des services frontaliers ne semble bien comprendre.

    Il faut absolument revoir les lois sur l'immigration non seulement à la lumière des différences entre les hommes et les femmes mais aussi à la lumière des coutumes raciales et ethniques; or, votre comité est le mieux placé pour entreprendre cette étude, puisque votre mandat couvre ces deux domaines.

+-

    La présidente: Madame Harreman.

+-

    Mme Lori Harreman: Pour répondre à votre seconde question, je crois que ce que nous aimerions que vous fassiez, c'est de nous faire participer de façon importante à vos décisions. Toutefois, ainsi que nous avons tenté de vous l'expliquer aujourd'hui, notre participation repose dans une certaine mesure sur le financement de base comme soutien de notre travail.

    L'organisme LEAF s'occupe de litiges. Or, les litiges qui se rapportent à la Charte coûtent de plus en plus chers. Nous avons accès à des ressources lorsque les actions en justice relatives à l'égalité sont liées aux lois fédérales ou peuvent avoir des répercussions sur elles. Toutefois, des causes telles que NAPE ou Auton, qui ont fait l'objet de jugements très importants en fonction de l'article 15, relèvent des provinces, et ces dernières n'offrent aucun appui financier.

    Le manque de financement empêche aussi les autres organisations de recourir aux tribunaux pour faire exécuter leurs droits à l'égalité, leurs mandats et leurs stratégies. Elles ont besoin de collaborer avec nous, et nous devons être en mesure de leur rendre la pareille. De plus en plus, cela se fait surtout par le truchement de l'Internet et des technologies de l'information. Il faut donc que les organisations de femmes disposent de l'argent nécessaire pour se coordonner entre elles et avec le gouvernement, surtout compte tenu de cette nouvelle tendance à passer au gouvernement en direct, à la communication électronique.

·  -(1300)  

-

    La présidente: Je vous remercie.

    Je tiens à vous remercier toutes les trois d'être venues parmi nous aujourd'hui. Je m'excuse si on semble avoir bousculé les choses aujourd'hui, mais ce n'est pas une journée normale sur la Colline. Ainsi que vous l'avez sans doute observé, bon nombre de nos collègues ont déjà dû se rendre à d'autres activités.

    Je vous remercie vivement. Vous nous avez présenté des propositions réfléchies et de très bonne qualité. Il se peut que nous vous relancions, soit chacun d'entre vous ou votre comité.

    Je vous remercie. La séance est levée.