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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la condition féminine


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 24 février 2005




¹ 1520
V         La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.))
V         Mme Pauline Rankin (professeur, Pauline Jewett Institute of Women's Studies)

¹ 1525
V         La présidente
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC)
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Pauline Rankin

¹ 1530
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC)
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Joy Smith
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Joy Smith
V         Mme Pauline Rankin

¹ 1535
V         Mme Joy Smith
V         La présidente
V         Mme Joy Smith
V         La présidente
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         Mme Paule Brunelle
V         Mme Pauline Rankin

¹ 1540
V         La présidente
V         M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.)
V         Mme Pauline Rankin

¹ 1545
V         M. Russ Powers
V         Mme Pauline Rankin
V         M. Russ Powers
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD)

¹ 1550
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         Mme Joy Smith
V         Mme Pauline Rankin

¹ 1555
V         Mme Joy Smith
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.)
V         Mme Pauline Rankin

º 1600
V         M. Michael Savage
V         La présidente
V         Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ)
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme France Bonsant
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme France Bonsant
V         La présidente
V         Mme France Bonsant
V         La présidente
V         Mme Paule Brunelle
V         Mme Pauline Rankin

º 1605
V         La présidente
V         Mme Jean Crowder
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Jean Crowder

º 1610
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.)

º 1615
V         Mme Pauline Rankin
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         Mme Lynne Yelich
V         L'hon. Paddy Torsney

º 1620
V         Mme Lynne Yelich
V         L'hon. Paddy Torsney
V         La présidente
V         Mme Lynne Yelich
V         La présidente
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         Mme Pauline Rankin
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente
V         Mme Jean Crowder
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Jean Crowder
V         L'hon. Paddy Torsney
V         Mme Jean Crowder
V         L'hon. Paddy Torsney
V         La présidente
V         Mme Pauline Rankin
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 021 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1520)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)): S'il vous plaît, je voudrais que nous commencions la séance.

    Je souhaite la bienvenue à Pauline Rankin. Vous êtes là pour nous aider à poursuivre notre étude de l'analyse comparative entre les sexes. Nous sommes heureux que vous ayez pu vous dégager pour comparaître et nous avons hâte d'entendre votre point de vue.

+-

    Mme Pauline Rankin (professeur, Pauline Jewett Institute of Women's Studies): Madame la présidente, c'est un honneur de pouvoir adresser la parole au comité permanent cet après-midi. Je suis particulièrement heureuse de pouvoir vous parler de l'approche canadienne de l'analyse comparative entre les sexes.

    Un universitaire a dit de cette analyse que c'était une notion trompeusement simple qu'il est extrême difficile d'appliquer dans les faits. C'est probablement ce que, au gré de vos consultations, vous êtes en train de constater.

    Comme j'ai passé en revue les témoignages présentés au cours de séances antérieures, je sais que vous connaissez maintenant fort bien les pratiques et méthodes appliquées dans plusieurs ministères. Je voudrais aujourd'hui contribuer à votre étude en vous proposant un point de vue critique sur l'analyse comparative entre les sexes.

    Mes observations liminaires découlent de ma double expérience en recherche universitaire et comme consultante en matière d'égalité entre les sexes dans plusieurs projets de l'ACDI. Mon rôle précis consistait à faciliter l'intégration de l'analyse comparative dans des pays autrefois soviétiques qui opèrent de profondes réformes dans leur secteur public.

    J'ai structuré mes propos autour de quatre thèmes.

    D'abord, le Canada jouit d'une réputation enviable à l'étranger comme chef de file dans l'intégration des préoccupations des femmes dans le courant dominant. Malheureusement, un écart est en train de se creuser entre notre présence internationale dans ce domaine et le travail d'analyse comparative qui se fait réellement dans l'élaboration des politiques au Canada. Nos efforts en vue d'exporter l'égalité entre les sexes comme valeur canadienne centrale ont été fructueux grâce à l'excellent leadership de l'ACDI, par exemple, et au travail de Statistique Canada, reconnu mondialement, surtout pour la collecte de données sur le travail non rémunéré.

    Il reste beaucoup à faire chez nous. L'intégration d'une stratégie complète d'intégration de ces préoccupations est entravée notamment par la confusion sur la nature même de cette intégration et une compréhension insuffisante des enjeux de l'égalité des sexes dans toutes les composantes du gouvernement.

    J'estime qu'il est urgent d'adopter une définition plus large de la notion d'égalité qui engloberait l'égalité de condition de tous les hommes et femmes, non une compréhension qui s'appuie sur l'idée de l'égalité aux yeux de la loi.

    Comme la Charte garantit l'égalité des sexes, on a l'impression que les Canadiennes sont bien assez égales et qu'on peut écarter l'analyse comparative entre les sexes, surtout dans les ministères qui ne semblent pas chargés de questions qui intéressent directement les femmes, comme une étape inutile dans l'élaboration des politiques, une étape qui ralentit, complique et peut même alourdir les coûts d'un processus déjà lourd.

    Deuxièmement, l'adoption de cette analyse a certes créé des occasions nouvelles et importantes d'intégrer l'égalité des sexes à l'élaboration des politiques, mais elle a sapé la position des organisations non gouvernementales féminines comme intervenants légitimes dans l'élaboration des politiques. L'analyse comparative n'a donc pas pu donner son plein potentiel comme outil efficace de la politique, faute d'une participation suffisante des acteurs de la société civile.

    Certains gouvernements modernes déclarent qu'il faut surmonter le déficit démocratique, convenant que la société civile doit jouer un rôle dans les choix de politique, en dehors de la participation aux élections, mais, étant donné le contexte dans lequel se faisait l'analyse comparative, qui comprenait l'examen des programmes et un accent sur la participation citoyenne et l'octroi de la priorité aux services plutôt qu'à la promotion, les groupes de femmes ont eu de plus en plus l'impression, dans les années 90, que les gouvernements étaient fermés aux mesures visant à assurer l'égalité des femmes.

    Ajoutons à cette évolution la contraction des mécanismes de la politique sur les femmes, dont la fermeture du Conseil consultatif canadien de la situation de la femme, le transfert du programme de la condition féminine d'abord à DRHC puis à Condition féminine Canada et les compressions dont vous avez déjà parlé et les questions de reddition des comptes et de transparence.

    Cette évolution est importante pour nos discussions d'aujourd'hui parce qu'elle a entraîné de lourdes pertes dans le bagage de précieux conseils que nous recevions des groupes intéressés au sujet de la discrimination et de l'inégalité, de sorte que le gouvernement était moins contraint de répondre aux besoins des Canadiennes en matière d'égalité. Aujourd'hui, des groupes de femmes optent de plus en plus pour des stratégies « boomerang », c'est-à-dire qu'elles mettent l'accent sur l'action internationale dans l'espoir que les programmes politiques au Canada seront indirectement influencés.

    Troisièmement, il est certain que l'analyse comparative a beaucoup à offrir : élaboration améliorée des politiques, prévisibilité accrue des résultats, dénonciation de préjugés dans des politiques censément neutres, capacité de prévoir les conséquences non recherchées de politiques. En même temps, l'analyse comparative, comme instrument de la politique, peut mener à une approche très technocratique et étroite de l'élaboration des politiques, ce qui risque d'occulter la perspective plus large sur l'égalité qui est nécessaire pour protéger les droits des femmes de façon concrète et sérieuse.

    Chose certaine, comme elle promet une conception plus efficace et des résultats en matière de politique, l'analyse comparative est attrayante, vu les ressources limitées des ministères et la nécessité de garantir une politique rentable et efficace, mais cette évolution vers l'analyse comparative s'est accompagnée de son recadrage comme analyse rationnelle, scientifique et objective de la politique.

    Nous avons vu apparaître des « experts » de la question à l'intérieur du gouvernement, des gens qui connaissent bien les données, la terminologie, les outils et les indicateurs, mais qui n'envisagent peut-être l'égalité que d'un étroit point de vue méthodologique et non en fonction d'une discrimination aux origines très complexes.

    Le danger, c'est que l'analyse comparative soit centrée uniquement sur le processus—outils, formation, pôles d'attraction—et non sur les résultats. Il est important que cette analyse soit acceptée comme une compétence centrale dans l'élaboration des politiques, mais nous ne pouvons perdre de vue les clientèles que ces outils et processus doivent permettre d'aider.

    La professionnalisation de l'analyse comparative a aussi contribué à réduire la participation des groupes de femmes à cette analyse au Canada parce qu'il fallait un personnel très professionnel capable de produire des recherches et documents conformes aux attentes et que la plupart des groupes de la base, avec leurs maigres ressources financières, n'ont pas les moyens de répondre à ces attentes.

    Enfin, le passage de la notion d'égalité des femmes à celle d'égalité entre les sexes est plus qu'un simple changement de terminologie, car au lieu de discuter des femmes, on discute des deux sexes, et l'accent est mis sur la comparaison des différences dans la condition des hommes et des femmes dans notre société et la façon dont on en est arrivé à ces rôles. Cette démarche est très utile dans certains domaines de la politique, mais elle risque aussi d'homogénéiser les expériences des femmes et de masquer les différences entre les femmes et les hommes.

    Donc, même si son principe prévoit expressément l'intégration des facteurs de la diversité à l'élaboration des politiques, l'analyse comparative est souvent critiquée parce qu'elle encouragerait la neutralité par rapport à la différence et qu'elle présente la volonté de la majorité des femmes comme celle de toutes les femmes.

    Étant donné qu'elle privilégie l'expertise bureaucratique interne, comme on l'a vu plus haut, il faut se demander si l'analyse comparative ainsi qu'elle se pratique au Canada ne risque pas de renforcer l'impression que les perceptions des femmes instruites, surtout blanches, sont interprétées comme celles de toutes les femmes. On risque d'en arriver à des politiques qui, même si elles ont fait l'objet d'une analyse comparative, ne répondent pas aux besoins des populations visées.

    En guise de conclusion, même si l'analyse comparative peut être très bénéfique pour les femmes et les hommes au Canada et même si elle ne doit pas être remise en question, je crois qu'il faut définir clairement ses aspects les plus problématiques.

    Merci.

¹  +-(1525)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Madame Yelich.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Merci.

    Sous votre troisième point, vous avez dit qu'on ne faisait pas place aux personnes de la base. Voudriez-vous expliquer davantage ce que vous entendez par là.

+-

    Mme Pauline Rankin: Je ne veux pas me lancer dans un leçon d'histoire, mais pendant plus d'un siècle, il y a eu des interactions plutôt enviables entre le gouvernement fédéral et des groupes de femmes au Canada. Parfois, cette capacité des groupes de femmes de faire un lobbying efficace auprès des gouvernements a été un temps fort de la démocratie canadienne et a facilité des progrès à l'égard des droits des femmes de bien des façons significatives. Ce qui m'inquiète, cependant, c'est que, avec l'évolution vers l'analyse comparative et l'internalisation de l'examen des questions d'égalité, les clientèles qui étaient très importantes pour produire des recherches et de l'information sur la condition des Canadiennes ont l'impression d'être écartées de plus en plus du processus.

    Lorsque je parle des groupes de la base, je songe aux groupes locaux et aux organisations féminines qui se créent autour de divers enjeux. D'après mes recherches, ils ont de plus en plus l'impression que l'analyse comparative est un processus trop compliqué pour qu'ils puissent y participer.

+-

    Mme Lynne Yelich: Il est certain que les fermetures de bureaux de poste dans tout le pays touchent beaucoup les femmes. Est-ce un dossier dans lequel on peut appliquer l'analyse comparative? Le problème commence à être troublant et des groupes de femmes m'écrivent à ce sujet. Je pense que je vais beaucoup vous parler de la base. Ces femmes s'inquiètent. Elles sont avant tout dispensatrices de soins, elles envoient des cartes, elles utilisent beaucoup les services postaux pour toutes sortes de raisons.

    Est-ce un dossier dans lequel l'analyse comparative pourrait être très efficace et aider les législateurs à adopter de meilleures politiques.

+-

    Mme Pauline Rankin: Je le crois. J'ai grandi dans une localité rurale. Je sais ce que cela signifie pouvoir aller poster le courrier ou aller au bureau de poste. Il est certain que la disparition de ces services touchent différemment les hommes et les femmes.

    Selon mon expérience, l'analyse comparative peut nous aider pour une foule de politiques. Le problème que je perçois maintenant, c'est qu'il faut être prudent si on dit que l'analyse comparative n'est qu'une nouvelle manière d'aborder les questions qui ont toujours été considérées comme des questions de femmes. Ce que nous souhaitons, c'est un élargissement de l'usage de l'analyse comparative pour la défense, la sécurité, les processus budgétaires, et même les conséquences différentielles de la fermeture de bureaux de poste et de la diminution des services.

    Il me semble essentiel que les groupes de femmes puissent participer à ce processus. Le lobbying auprès des députés est certainement un moyen important, mais si nous sommes tellement pris par l'élaboration d'outils perfectionnés et souvent complexes dans les ministères pour mesurer, pour étudier et pour mettre au point les indicateurs de l'analyse comparative, les groupes locaux de femmes s'estiment mal équipés pour participer au processus. L'analyse comparative devient alors presque une science en soi qui finit en fait par exclure celles dont le gouvernement doit entendre la voix.

¹  +-(1530)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Dans ce cas, que commenceriez-vous par faire?

+-

    Mme Pauline Rankin: Je dis toujours que la première chose à faire ne concerne pas le gouvernement. Il serait très utile que les organisations de femmes suivent un cours intensif sur l'administration publique et l'élaboration des politiques. C'est ce que je dis aussi bien au Canada que lorsque je vais à l'étranger pour faire ce travail.

    Il me semble que les mécanismes gouvernementaux rebutent les groupes de femmes. On s'occupe tellement de la préparation des moyens de formation à l'analyse comparative au sein du gouvernement que, à dire vrai, le secteur non gouvernemental se sent exclu. Les groupes de femmes ne comprennent pas vraiment ce qui se passe, ils ont l'impression que le processus leur échappe, que les portes se ferment, de plus en plus, alors que, auparavant, ils pouvaient au moins compter sur la possibilité de faire du lobbying auprès des ministères qui s'intéressaient à ces questions. Ils avaient toujours le moyen de participer.

+-

    La présidente: Madame Smith.

+-

    Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC): Merci. C'est une excellente réponse. C'est une façon très intéressante d'aborder cette question.

    Sauf erreur, la Russie et l'Ukraine ont adopté l'analyse comparative. A-t-on étudié les effets de son application? C'est une chose de mettre en place les outils ou le processus, mais quels effets l'adoption de ce processus a-t-elle eus concrètement? Est-ce que l'application de ce type d'analyse a aidé les femmes à se faire mieux entendre dans certaines de ces initiatives?

+-

    Mme Pauline Rankin: Je vais essayer d'être brève. Je pourrais parler très longtemps de la question. Je suis rentrée d'Ukraine il y a environ 72 heures. En Russie et en Ukraine, j'ai travaillé avec les écoles d'administration publique, qui sont en train de préparer dans les programmes d'études des cours sur l'intégration des questions d'égalité des sexes. Ces cours sont offerts à tous les fonctionnaires de tous les échelons en Ukraine. En Russie, j'ai travaillé avec le ministère du Travail au moment où il adoptait cette intégration dans ses processus d'élaboration des politiques.

    La réponse brève, c'est qu'il encore trop tôt pour connaître l'impact, mais il a été très intéressant de voir à quelle vitesse les gouvernements des pays en transition adoptent cette intégration pour des raisons diverses, mais surtout parce qu'ils y voient de plus en plus un moyen de s'assurer que les politiques seront mieux ciblées, que les conseils reçus seront plus exacts et que les résultats des politiques viendront de façon plus efficace.

    L'une des choses qui m'ont frappée, lorsque j'ai travaillé en Russie avec le ministère fédéral du Travail, c'est qu'il avait un mécanisme de consultation qui permettait de consulter tous les mois les organisations féminines. Elles sont conviées à des discussions à diverses étapes de l'élaboration des politiques. Elles sont au fond rattachées, d'une certaine façon, au ministère du Travail et peuvent donner directement leur avis sur la préparation des politiques.

    C'est une idée que nous exportons, mais je crains que nous ne l'appliquions pas chez nous.

+-

    Mme Joy Smith: Depuis combien de temps avez-vous des contacts avec l'Ukraine et la Russie?

+-

    Mme Pauline Rankin: Depuis six ans.

+-

    Mme Joy Smith: Il y a eu récemment en Ukraine des élections qui ont eu des conséquences sur bien des plans. C'est une femme qui dirigeait la campagne de Youchenko, et elle pourrait être le prochain premier ministre.

    Sa participation a-t-elle eu des effets bénéfiques? Avez-vous vu une différence?

+-

    Mme Pauline Rankin: Elle n'a pas la réputation d'être une militante convaincue des droits de la femme.

    Chose intéressante, l'une des premières mesures du gouvernement a été d'abolir les mécanismes nationaux chargés des questions féminines. Je crois que les Ukrainiennes s'en inquiètent.

    Je travaille simultanément sur un projet en République de Géorgie. Lorsque la révolution des roses a eu lieu, en novembre 2003, le nouveau gouvernement Saakashvili a fait exactement la même chose: abolir les mécanismes nationaux chargés des questions féminines. Au plan international, je crois que cela a suscité beaucoup d'inquiétudes, mais, en novembre dernier, le gouvernement géorgien a annoncé une nouvelle série de mécanismes de consultation.

    Je crois que, en Ukraine, on verra probablement un nouveau modèle, mais il n'a pas encore émergé de cette nouvelle administration.

¹  +-(1535)  

+-

    Mme Joy Smith: Pourriez-vous préciser ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet de notre action internationale et des moyens mis en place à l'étranger, tandis que rien ne se passe chez nous?

+-

    La présidente: Pourriez-vous attendre à la prochaine série de questions? Nous avons largement dépassé la limite. Vous pourrez y revenir.

+-

    Mme Joy Smith: Tout à fait d'accord.

+-

    La présidente: Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, madame.

    Vous nous avez dit que la société civile ne participe pas assez. Je sais ce qu'est la société civile pour nous, au Québec. Pour vous, est-ce que ce sont les organismes à but non lucratif, les organismes non gouvernementaux? Dans quel sens la société civile ne participe-t-elle pas assez? De quelle façon pourrions-nous en arriver à ce que la société civile ait un rôle optimal dans l'analyse comparative entre les sexes?

    Nous n'avons pas eu la chance de recevoir à ce comité beaucoup de gens de l'extérieur, comme vous. J'aimerais donc profiter de votre expertise à cet égard.

[Traduction]

+-

    Mme Pauline Rankin: J'emploie l'expression « société civile » de façon très générale pour désigner les organisations sans but lucratif et non gouvernementales. Elle peut englober aussi les Églises. C'est un large éventail de protagonistes.

    J'estime que nous avons besoin de nouveaux mécanismes de consultation et qu'il faut prendre conscience que l'information sur l'intégration des questions féminines et l'analyse comparative comme outil d'intégration ne s'est pas bien répandue dans la collectivité. Voici un exemple.

    Il y a trois ans, une délégation russe est venue à Carleton. J'ai alors invité des représentants de l'unité de la politique des femmes au gouvernement du Canada à l'époque. On a demandé au cours du colloque comment les groupes de femmes au Canada étaient consultés pour l'intégration des perspectives féminines. La représentante de l'unité en question a dit très franchement que, maintenant qu'on fait l'analyse comparative, on est tellement préoccupés par la formation et l'élaboration des moyens, à l'intérieur du gouvernement, qu'on n'a plus vraiment le temps de consulter les groupes de femmes.

    C'était une réflexion très honnête, mais très troublante. Il me semble qu'un des principes de l'analyse comparative consiste à recueillir le plus de résultats de recherche possible auprès des acteurs touchés directement par les politiques. Toutefois, je ne suis pas sûre que cela se fasse et j'estime que ce devrait être une priorité de diffuser plus d'information sur ce qui se passe au sein du gouvernement et de songer à de nouveaux types de mécanismes de consultation.

    Cela dit, quelqu'un m'a fait cette réflexion avant le début des délibérations: « J'espère que vous n'êtes pas là pour demander plus d'argent. » Je ne crois pas qu'il faille plus de ressources pour mieux utiliser l'analyse comparative. Ce n'est pas une question de ressources, mais d'information et de communication. Il faut un type de volonté politique qui ne se manifeste pas dans tout le gouvernement. À certains endroits oui, mais pas partout.

+-

    La présidente: Madame Brunelle, vous avez encore deux minutes.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Il est certain que des associations de femmes nous ont dit que le fait que les budgets de fonctionnement ne sont plus là au niveau des comités pose quand même une difficulté.

    N'est-il pas un peu lourd de demander à ces groupes de femmes de faire de l'analyse comparative entre les sexes alors qu'ils ont seulement un financement par projet? Cela n'est-il pas un élément qui les empêche de faire une telle analyse?

[Traduction]

+-

    Mme Pauline Rankin: Voilà exactement ce que je veux dire. Je crois que les coupes pratiquées dans le financement de base des organisations de femmes à la fin des années 80 et au début des années 90 ont sérieusement compromis, selon moi, la capacité des groupes de femmes de produire le type de recherches et de mémoires nécessaires pour leur garantir une voix dans l'élaboration des politiques au Canada.

    Je peux vous dire que le premier rapport du comité permanent et ses recommandations sur l'accroissement du financement des groupes féminins ont suscité un vif intérêt. Je crois qu'ils ont fait naître beaucoup d'enthousiasme et d'espoir dans les milieux que je connais.

    Vous avez raison de dire que, pour répondre sur le plan technique aux exigences de l'analyse comparative, qui est un outil hautement spécialisé, il faut le type de compétence et de ressources que, depuis quelques années, la plupart des groupes de femmes au Canada ne possèdent pas.

¹  +-(1540)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Powers.

+-

    M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Merci beaucoup d'être là, madame Rankin.

    Existe-t-il une analyse comparative qui convient à toutes les situations? J'ignore à quoi vous voulez en venir, mais il est possible qu'il y ait une façon de s'y prendre avec les bureaucraties et les entreprises, et une autre avec les ONG.

    Pourriez-vous expliquer davantage? J'ai eu l'impression qu'il y avait un discours sous-jacent dans vos observations, et je voudrais que vous précisiez.

+-

    Mme Pauline Rankin: Vous avez raison, chez les universitaires, il y a toujours un sous-texte, n'est-ce pas?

    Je ferais cinq recommandations. J'ignore si c'est le bon moment, mais si vous le voulez, je me ferai un plaisir de les présenter.

    Pour réussir, l'analyse comparative a besoin de champions solides au niveau politique et dans la haute bureaucratie. De ces champions dépend la réussite de l'analyse comparative.

    Ce que j'observe dans certains pays de l'ex-Union soviétique, c'est que, à des échelons assez élevés, au niveau ministériel, des ministres très en vue sont prêts à prendre au sérieux l'analyse comparative et à s'en faire les champions. Cela est sans doute attribuable en partie aux pressions des pays donateurs ou aux attentes de la Banque mondiale à l'égard de ces pays, mais le fait que des hommes et des femmes soient prêts à se faire les champions de cette cause est essentiel.

    Nous avons besoin de structures et de mécanismes stables et bien positionnés à l'intérieur de la bureaucratie. Les pays où l'analyse comparative est la plus efficace sont habituellement ceux où le mécanisme national est lié à un lieu de prise de décisions central au sein du gouvernement. Il peut s'agir de l'équivalent du BCP ou du cabinet du premier ministre. Ce mécanisme se situe quelque part au centre de la prise de décisions. Je crois qu'il s'agit là d'un défi à relever pour le Canada.

    J'ai signalé qu'il fallait accorder une attention renouvelée aux moyens de faire participer de nouveau la société civile au processus. Au Canada, il faut élargir la portée des ministères qui prennent l'analyse comparative au sérieux. Il n'est pas étonnant que, au plan institutionnel, les ministères qui y accordent de l'attention soient ceux qui sont chargés de secteurs de la politique qui ont toujours été associés aux « questions féminines », mais il faut institutionnaliser l'analyse comparative de façon sérieuse dans la politique fiscale, la politique commerciale, la défense.

    Le Canada doit être là aussi un chef de file. Par exemple, il y a déjà 40 pays qui mettent sérieusement à l'essai une sorte de budgétisation qui tient compte de l'effet des mesures sur les deux sexes. Je ne peux honnêtement pas dire que le Canada est l'un de ces pays.

    Enfin, et d'autres témoins vous en ont certainement déjà parlé, il faut établir et appliquer des mécanismes de reddition des comptes, par exemple des vérifications ministérielles pour mesurer les progrès. Il est essentiel d'attribuer la responsabilité ultime à l'égard des résultats et de pouvoir mesurer les progrès systématiquement.

    En Norvège, par exemple, la récente Loi sur l'égalité entre les sexes exige que les ministères rendent compte chaque année des mesures prises pour promouvoir l'égalité entre les sexes.

    Pour en revenir à votre question, il n'y a pas de solution passe-partout. Il y a des différences marquées dans la façon dont les divers pays intègrent les questions d'égalité et appliquent l'analyse comparative. Selon moi, un principe fondamental est que l'analyse comparative doit tenir compte du contexte. Par exemple, elle doit tenir compte des contraintes d'ordre culturel.

    Nous tenons ici une bonne occasion. En 1998, le Conseil de l'Europe a publié une liste de ce qu'il considère comme important au sujet des questions d'égalité entre les sexes. Il a énuméré six facteurs. Je crois que le Canada n'en avait au fond que deux : la volonté politique au plus haut niveau du gouvernement et des mécanismes de reddition des comptes. Je crois que, si nous pouvions concrétiser plus efficacement ces deux facteurs, l'intégration des questions d'égalité aurait de meilleure chance de donner son plein potentiel.

    Je dois dire que mon attitude est assez ambivalente. Lorsque je suis au Canada, je critique ce qui se fait ici et lorsque je suis à l'étranger, j'en fais l'éloge.

    Je crois que le potentiel est énorme, mais c'est un travail qui n'est jamais complètement achevé.

¹  +-(1545)  

+-

    M. Russ Powers: Dans le même ordre d'idées, il n'y a pas longtemps que nous invitons des témoins tels que vous, mais nous avons trouvé que la démarche n'est pas facile. On nous a donné une très brève présentation dans le cadre de la formation. Pour participer, il faut avoir la bonne attitude. Le processus est très intense.

    Cela convient peut-être lorsqu'il s'agit de ministères, mais, au premier abord, il me semble très difficile d'aborder la question. Ce qui me préoccupe, qu'il s'agisse de groupes confessionnels ou d'ONG, par exemple, qui devraient aborder les choses de cette manière, c'est que ce qui est proposé est beaucoup trop difficile. Y a-t-il des façons de... par exemple une initiation, une formation intermédiaire, avancée, etc.?

    Je suis peut-être par trop simpliste, mais c'est une vraie difficulté.

+-

    Mme Pauline Rankin: Non, je crois que vous avez mis le doigt sur un problème central. On se méprend de façon fondamentale sur ce dont il s'agit. Ce qui m'inquiète, c'est que nous donnons trop de place à la terminologie, aux outils, à la formation, aux indicateurs, aux techniques d'évaluation, alors que, à un certain niveau, nous n'avons toujours pas une compréhension commune de ce dont nous parlons ici.

    Je vous propose une brève anecdote, si je puis. Cela m'est arrivé en Russie. Je venais de donner une séance d'information sur l'analyse comparative à un fonctionnaire de rang assez élevé, et je croyais que nous avions bien fait passer l'idée. De retour à l'hôtel, nous avons allumé le téléviseur. On interviewait ce monsieur. Le terme « gender » avait été confondu avec « tender ». Il avait donc compris qu'il fallait être très agréable et gentil avec les femmes. Problème de traduction, si on veut, mais il me semble que ce genre de méprise se retrouve ici aussi.

    Pour répondre à votre question, il s'agit d'un problème très compliqué et à plusieurs niveaux, c'est certain. Il ne suffit pas de former ceux qui travaillent à l'intérieur des ministères. Le seul fait que vous ayez cette discussion et l'existence même de ce comité permanent sont un net progrès, mais nous devons lancer des messages positifs sur la nécessité d'intégrer les questions d'égalité entre les sexes et il faut que les enjeux soient compris aux plus hauts échelons du gouvernement.

+-

    M. Russ Powers: Madame Rankin, si vous pouviez remettre votre exposé au greffier pour qu'il puisse le faire traduire et nous le remettre ensuite, nous vous en serions reconnaissants.

+-

    Mme Pauline Rankin: Bien sûr.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Crowder.

+-

    Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Merci, madame la présidente.

    Merci de votre exposé.

    À propos de l'analyse comparative, bien des gens sont tellement consternés par la multiplicité des défis que beaucoup de femmes doivent relever qu'ils ont tout misé sur cette analyse, y voyant la solution magique qui donnerait une vraie égalité aux femmes. Depuis plusieurs semaines, des groupes ont abordé la question en disant entre autres qu'il manquait de consultations sérieuses. Nous avons entendu le point de vue de différents ministères comme CIC, RHDCC et Développement social. Ils ont l'impression de mener des consultations sérieuses. Après la comparution de CIC, je me suis adressée à l'un des groupes nationaux d'immigrantes : il n'avait jamais été appelé et encore moins consulté.

    Quant au dernier budget, on a dit qu'il serait tenu compte de la perspective de l'égalité entre les sexes. J'ai signalé que nous avions fait un relevé rapide de certains termes dans le discours du budget. Je ne prétends pas que ce genre de relevé permet de dire s'il y a égalité ou non, mais il reste que, dans le discours, il est question des femmes deux fois, qu'il n'est jamais question de différence entre les sexes et qu'on parle une fois d'égalité et deux fois d'emploi.

    Si nous voulons un processus sérieux pour qu'il soit tenu compte de cette perspective dans l'élaboration du budget, quelle serait la solution, si vous aviez une baguette magique? Si nous avions vraiment un budget qui reflète le... Je ne veux pas parler du contenu, mais du processus d'élaboration.

    Je ne vous demande pas de refaire le budget du gouvernement. Même s'il est vrai que je souhaiterais que vous le fassiez.

¹  +-(1550)  

+-

    Mme Pauline Rankin: Je ne crois pas que cela vous plairait.

    Il existe bien des modèles sur le plan international. Le Secrétariat du Commonwealth a produit une série de documents sur la façon d'élaborer un budget en faisant une analyse comparative. Les consultations peuvent prendre des formes diverses, mais ce qui me paraît intéressant, c'est que le processus budgétaire s'accompagne d'un processus parallèle, c'est-à-dire qu'une analyse comparative se fait en même temps qu'on fait les choix budgétaires.

    En Afrique du Sud, par exemple, on a l'initiative budgétaire des femmes; à chaque étape du processus budgétaire, ces analyses se font. Elles sont publiées. Elles sont discutées au Parlement. On fait toujours attention aux effets différents des mesures fiscales et des dépenses sur les femmes et les hommes.

+-

    Mme Jean Crowder: L'Afrique du Sud fait déjà cela?

+-

    Mme Pauline Rankin: Plus de 40 pays le font.

+-

    Mme Jean Crowder: Vraiment?

+-

    Mme Pauline Rankin: Oui.

+-

    Mme Jean Crowder: C'est donc un processus double.

+-

    Mme Pauline Rankin: Parfois, c'est un processus parallèle.

+-

    Mme Jean Crowder: Mais l'apport est sérieux, on en tient compte et il est intégré?

+-

    Mme Pauline Rankin: Oui. Paradoxalement, certains des processus d'élaboration de budget dans l'optique de l'égalité des sexes se trouvent en ce moment dans des pays d'Afrique comme la Tanzanie et l'Ouganda, et l'Afrique du Sud est certainement un chef de file.

    La notion même de ce type de budget remonte au milieu des années 80. Tout a débuté en Australie par la présentation d'un budget des femmes. Il y a donc à l'étranger beaucoup de documentation et de recherche dont nous pouvons nous inspirer.

    J'ai lu les témoignages déjà présentés au comité et je sais qu'on y a parlé de l'analyse que l'AFAI a faite de budgets passés. Cette information est certainement disponible dans le contexte canadien également.

+-

    Mme Jean Crowder: Vous avez dit que la volonté politique et les mécanismes de reddition des comptes étaient deux éléments essentiels. Quels sont les obstacles?

    Bien des membres du comité sont profondément exaspérés parce qu'ils constatent le manque de... Il semblerait que nous n'arrivons pas à passer à l'étape suivante.

+-

    Mme Pauline Rankin: C'est paradoxal, peut-être, mais je crois que c'est parce que l'égalité entre les sexes est déjà largement acceptée comme un valeur essentielle du Canada. On présume que cette égalité existe déjà au Canada.

    Il semble qu'un malaise d'après Charte règne depuis une vingtaine d'années. Nous avons supposé que la question était déjà réglée. Revenir maintenant sur la question et reconnaître l'existence d'inégalités flagrantes au Canada...

    Je donne peut-être un peu dans la philosophie, mais je dirais que le problème tient au fait que, au Canada, nous présumons que l'égalité est déjà acquise. Nous avons donc du mal à nous dire qu'il reste encore un bout de chemin à parcourir.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Smith.

+-

    Mme Joy Smith: Je vais revenir à la question que j'allais poser plus tôt.

    Je ne souviens pas au juste de votre formulation, mais vous avez parlé par inadvertance de... et vous avez répondu en partie. Vous avez laissé entendre que, à l'étranger, vous faisiez la promotion de l'analyse comparative entre les sexes et des idées de cette nature, mais que vous étiez déçue du fait que, au Canada, la mise en oeuvre n'est pas aussi avancée que vous l'auriez voulu.

    Pourriez-vous préciser un peu?

+-

    Mme Pauline Rankin: À dire vrai, il est parfois embarrassant de donner des colloques à l'étranger sur la façon d'intégrer à l'élaboration des politiques les questions d'égalité entre les sexes et de se faire demander par des collègues étrangers d'expliquer comment on tient compte de cette perspective dans l'élaboration des budgets au Canada. On ne peut donner à peu près aucune réponse.

    Nous avons aussi vu des ministères qui ont depuis longtemps un service qui s'occupe des questions féminines—je songe à DRHC, dans sa version antérieure—et travaillent depuis longtemps sur l'intégration des préoccupations féminines et qui en sont toujours à élaborer des outils au lieu de les utiliser.

    L'ACDI est depuis longtemps un chef de file. Depuis les années 70, elle intègre les femmes aux processus de développement. Le travail que l'ACDI peut promouvoir et soutenir à l'étranger, appliquant l'égalité entre les sexes à l'ensemble des dossiers et l'intégrant de manières intéressantes aux projets de développement, n'est pas égalé par ce qui se fait chez nous. C'est seulement lorsqu'on est mis dans ce genre de situation que le contraste devient encore plus saisissant.

¹  +-(1555)  

+-

    Mme Joy Smith: Je vous félicite de certaines de vos observations. Ce que vous dites paraît très clair.

    Vous avez également dit quelque chose d'intéressant sur les cours intensifs d'administration que les groupes de femmes devraient suivre pour pouvoir donner leur point de vue sur des initiatives liées à l'emploi, par exemple, et sur la prise de conscience de cette question dans ces groupes. Je crois que vous avez dit qu'il était très bien d'avoir les outils, mais que nous devons passer à la mise en application rapidement pour imposer la question à l'avant-plan.

    Que recommanderiez-vous pour que cette évolution se fasse dans les groupes de femmes? Que pouvons-nous faire? Vous allez à l'étranger et vous dépensez de l'argent pour faire connaître ces outils, mais que pouvons-nous faire ici pour servir cette cause?

+-

    Mme Pauline Rankin: Je voudrais que les ministères mettent en commun avec leur clientèle leurs outils, leurs méthodes, leurs réflexions et leur recherche sur l'intégration des préoccupations d'égalité des sexes. J'ai l'impression que nous sommes tellement pris à l'interne par les processus des ministères que nous perdons de vue les clientèles et la capacité de mettre en commun avec elles ce qui se passe au gouvernement.

    Je voudrais donc que le travail sur l'intégration s'ouvre davantage aux clientèles plus larges de façon que les ONG des femmes... Nombre d'entre elles ne savent pas ce qu'est l'analyse comparative et ne comprennent pas les outils d'évaluation qui sont élaborés. Elles ne comprennent pas comment la formation se fait. Il est donc indispensable de donner cette information à ces clientèles, qui pourront ensuite être très utiles dans le processus.

    Il y a également une lacune dans notre système d'éducation. Nous voulons être sûrs que...

    Je crois savoir que le nouvel institut canadien de la fonction publique s'intéresse à l'intégration de l'analyse comparative à son programme d'études. C'est très important, mais il demeure qu'on n'y accorde à peu près aucune attention dans la très grande majorité des écoles d'administration publique. Ceux qui étudient en politique publique et en administration publique peuvent décrocher des diplômes supérieurs sans avoir la moindre idée de ce qu'est l'intégration des préoccupations en matière d'égalité des sexes.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Savage.

+-

    M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

    Bienvenue, madame Rankin. Je ne fais pas partie de ce comité, normalement, mais j'ai sauté sur l'occasion qui m'a été donnée aujourd'hui pour me renseigner un peu plus sur l'analyse comparative.

    J'ai trois questions à poser. Je les pose toutes et je vous laisse répondre. Ce peut être très rapide.

    Y a-t-il des provinces qui ont intégré l'analyse comparative à leur prise de décisions ou à leur processus d'élaboration des politiques?

    Deuxièmement, y a-t-il dans le monde ou au Canada des sociétés qui ont fait un effort pour pratiquer cette analyse dans l'élaboration de leur politique, comme de banques, des services publics, etc.?

    Ma dernière question a peut-être déjà reçu une réponse. Quel est le meilleur modèle au monde? Vous avez parlé de la Tanzanie, je crois, d'autres pays africains et de l'Australie.

    Merci.

+-

    Mme Pauline Rankin: Parmi les provinces, il faut songer au Québec. Le comité a entendu parler du fait que le Québec avait parrainé des projets pilotes dans divers secteurs pour voir comment, non pas dans l'ensemble du gouvernement, mais dans des secteurs particuliers, il était possible d'appliquer l'analyse comparative. Je crois qu'il se fait au Québec un travail important.

    Si la chose intéresse le comité, je peux proposer des témoins qui pourraient en parler mieux que moi. Chose certaine, le Québec est un chef de file.

    Je crois que des sociétés intègrent depuis longtemps à leurs processus les questions d'égalité entre les sexes. Je donne toujours l'exemple des fabricants de voitures. Lorsqu'ils se sont aperçus que les femmes achetaient des voitures, les annonces ont changé et on a commencé à voir des vendeuses chez les concessionnaires. Le secteur privé sait que la question est importante. Il l'a compris il y a longtemps. Quand on veut faire des bénéfices, on cherche à connaître la clientèle et à la cibler correctement.

    J'ignore ce qui se passe dans les banques, mais je crois que les détaillants ont probablement quelque chose à nous dire sur l'application de l'analyse comparative dans la prise de décisions.

    Les meilleurs exemples? Cela dépend de ce qu'on cherche. Si je devais donner des pays où il y a des exemples d'intégration des questions d'égalité des sexes dans l'ensemble de l'administration, je crois que je me tournerais vers les pays nordiques, notamment la Suède et la Norvège. J'ai donné la Tanzanie en exemple pour le processus budgétaire.

    Tout dépend de ce qu'on cherche. Quelqu'un m'a recommandé récemment de me laisser tomber les « pratiques exemplaires » pour m'intéresser aux pratiques qui sont « meilleures » que d'autres. Je ne pense pas, comme votre collègue l'a dit, qu'il existe une solution passe-partout ni que nous puissions dire que, si seulement nous importions le modèle norvégien, nous nous en tirerions bien. Le Canada est compliqué, tout comme sa population et son système politique le sont. Nous devons trouver des exemples aux quatre coins du monde.

º  +-(1600)  

+-

    M. Michael Savage: Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup

    Madame Bonsant.

[Français]

+-

    Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ): Bonjour.

    La semaine prochaine aura lieu à New York la conférence Beijing +10. La première conférence de ce genre avait eu lieu il y a 10 ans, en 1995.

    Je voudrais que vous nous disiez, vous qui avez visité plusieurs pays, quelle est la position du Canada dans le monde, compte tenu de la façon dont l'ACS se déroule. Sommes-nous en retard, en avance, au milieu? L'une de ces réponses est-elle la bonne?

[Traduction]

+-

    Mme Pauline Rankin: Lorsqu'il s'agit d'en parler nous avons certainement une longueur d'avance. Je ne veux pas être aussi facétieuse que cela peut le sembler. Nous avons accomplis des progrès considérables dans l'élaboration des outils d'analyse. Nous sommes reconnus à l'étranger comme des chefs de file dans la formation et l'élaboration de programmes efficaces de formation. Dans le domaine budgétaire, nous accusons un sérieux retard. Si nous demandions quel est l'enjeu central, au plan international, dans l'intégration de l'égalité des sexes, je dirais que c'est l'élaboration des budgets en fonction des effets sur les deux sexes. Je ne crois pas que le Canada ait fait des progrès réels sur ce plan.

    Là encore, il y a un écart par rapport à l'excellente réputation internationale du Canada comme défenseur et promoteur de l'égalité entre les sexes. C'est bien différent de ce que nous faisons au niveau de la politique. C'est ce que je veux dire par « écart ».

[Français]

+-

    Mme France Bonsant: Cela veut-il dire que nous ne sommes pas si mal, qu'il y en a de pires et de meilleurs? Les meilleurs sont-ils les pays de l'Europe?

[Traduction]

+-

    Mme Pauline Rankin: Oui, bien sûr.

[Français]

+-

    Mme France Bonsant: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci.

[Français]

+-

    Mme France Bonsant: Nous reste-t-il un peu de temps?

[Traduction]

+-

    La présidente: Il vous reste encore un peu de temps.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Nous pouvons voir que nous avons une égalité de droit, mais certainement pas une égalité de fait. Or, il est vraiment difficile d'en arriver à une égalité de fait, et je pense que c'est le propos de ce comité.

    Il reste que vous nous dites que nous devons impliquer des champions de haut niveau pour réussir à intégrer cette analyse comparative entre les sexes et, surtout, pour réussir à l'intégrer à des budgets là où ça compte.

    Comment peut-on s'y prendre pour intégrer des champions de haut niveau? Avez-vous vu des exemples dans d'autres pays?

[Traduction]

+-

    Mme Pauline Rankin: Si j'avais trouvé la solution, je serais une consultante prospère.

    Certains ne seront peut-être pas d'accord, mais je crois qu'un des champions a été le président de la Banque mondiale. Pendant son mandat, James Wolfensohn a assuré un excellent leadership sur le plan de l'intégration de l'égalité des sexes. Il semble que cela s'explique en partie par le fait qu'il a assisté à la conférence de Beijing, en 1995. Il a pris conscience de l'importance de la question pour le développement international.

    Cela dit, la Banque mondiale réclame des progrès sur ce plan pour une série de raisons bien différentes de celles que je ferais valoir. Elle cherche à faire en sorte que des économies de marché s'établissent efficacement. Sa position repose sur le souci de l'efficience et de l'efficacité, alors que j'attribue de l'importance à cette intégration par souci de justice sociale.

    Quoi qu'il en soit, M. Wolfensohn, au sein d'une institution internationale incroyablement importante, a fait en sorte qu'on accorde plus d'importance à l'intégration de l'égalité des sexes dans processus de décision.

    Quant à la façon de nous y prendre chez nous, je pourrais sans doute dire que ceux d'entre vous qui sont actifs au sein de leur parti politique sont des acteurs importants, si nous voulons attirer l'attention des hauts fonctionnaires, qui doivent devenir un élément de la solution.

º  +-(1605)  

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Crowder.

+-

    Mme Jean Crowder: J'ignore si vous êtes au courant du travail que la Fédération canadienne des municipalités accomplit. Depuis un ou deux ans, elle a fait un travail important pour essayer d'accroître la participation des femmes aux processus politiques. Il ne s'agit pas seulement de les faire élire, mais aussi de les faire participer à la prise des décisions. Elle a repéré toute une série d'obstacles à cette participation. Il y a des problèmes de choix du moment opportun, d'incompréhension du processus administratif, de manque de convivialité de processus très rigides.

    Je me demande si vous avez remarqué d'autres modèles qui visent à faire participer réellement les femmes à la prise des décisions. Vous avez fait allusion à des cours intensifs et à des processus parallèles, mais je me demande s'il y a d'autres éléments concrets qui ont vraiment ouvert les portes à la participation des femmes.

+-

    Mme Pauline Rankin: Il y a un groupe, dont je n'ai pas le nom, qui est actif à Ottawa au niveau de l'administration municipale. Il fait un travail intéressant en préparant des guides qui facilitent la participation des femmes au processus et qui ont traité par exemple du processus budgétaire de la ville. Le groupe a eu un succès notable. Il a réussi à mobiliser des femmes et au moins à les intéresser à ce qui se passe à la ville d'Ottawa et à les aider à commencer à y faire leur place.

    J'ai reçu récemment un excellent guide de l'animateur comprenant une série d'exercices, de jeux de rôle, etc., pour aider les femmes à acquérir les compétences et la confiance pour participer à ces types de processus. Mais vous avez raison, il ne s'agit pas seulement...

    Bien sûr, il est important que les femmes participent au processus de prise de décisions, mais je dois dire que mon expérience à l'étranger m'a appris que la participation d'hommes qui se font les champions de cette cause est également indispensable. Si l'idée de l'intégration des questions d'égalité a été adoptée avec tant d'enthousiasme dans les pays autrefois soviétiques, c'est notamment parce qu'on a pris conscience que l'analyse comparative pouvait être bénéfique pour les hommes aussi. Au Canada, nous avons tendance à confondre analyse comparative et intégration des questions d'égalité et à les résumer à la recherche de moyens d'établir les droits des femmes. Ce n'est pas nécessairement le modèle employé partout. Dans le contexte postsoviétique, la question peut tourner autour d'enjeux comme l'espérance de vie des hommes, les questions de pension, la santé et la sécurité au travail, par exemple, car l'impact de la transition a été encore plus terrible sur les hommes.

    L'idée que l'intégration des questions d'égalité aux processus de décision pourrait améliorer leur vie suscite beaucoup d'enthousiasme et d'intérêt. C'est sans doute une question d'adhésion à l'idée. Si aussi bien les hommes que les femmes ont l'impression qu'une meilleure élaboration des politiques peut améliorer leur condition, il est beaucoup plus facile d'apporter des changements.

+-

    Mme Jean Crowder: Il y a quelqu'un de ma circonscription qui travaille avec un groupe appelé Safer Futures, financé par la Justice, je crois. Le programme est excellent. Ce groupe dit que, si nous pouvons rendre nos quartiers plus sûrs pour les femmes et les enfants, ils seront plus sûrs pour tout le monde. Prenons l'exemple de l'assurance-emploi. Il n'y a pas que les femmes qui soient désavantagées par les conditions concernant le travail saisonnier à temps partiel; les hommes qui ont le même type de travail sont également désavantagés.

º  +-(1610)  

+-

    Mme Pauline Rankin: Voilà un autre exemple de divergence entre le travail que le Canada fait à l'étranger et ce qui se passe chez lui. Chose certaine, l'ACDI a visé à soutenir des projets dans lesquels l'égalité entre les sexes est comprise comme un effort pour améliorer la vie des hommes et des femmes et à examiner la façon dont le pouvoir est divisé entre les hommes et les femmes et dont les rôles sociaux se construisent.

    Je me retrouve souvent à devoir expliquer comment l'intégration de l'égalité pourra améliorer la vie des hommes dans d'autres pays, et à me faire demander : Comment cela s'applique-t-il aux hommes au Canada? Pourquoi appelez-vous toujours votre mécanisme national Condition féminine, et non Condition des hommes et des femmes?

    Ce qui complique aussi tout le processus, c'est le fait que la terminologie n'est pas partout utilisée de la même façon.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Torsney.

+-

    L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): À titre de secrétaire parlementaire pour l'ACDI, je me réjouis d'entendre toutes ces louanges.

    Le défi dont vous parlez... Vous avez parlé de pays d'Afrique dont l'économie est en train d'émerger. Il leur est beaucoup plus facile d'assurer l'égalité en créant du neuf. La constitution de l'Afrique du Sud prévoit une représentation égale des hommes et des femmes. Ici, nous avons encore du mal à amener les partis politiques à exiger dans leur programme un certain nombre de candidates.

    Vous dites que le milieu des affaires fait du bon travail, mais je soutiens le contraire. Prenez les pages des affaires dans le National Post de lundi. Il y a une belle jeune femme sur la première page, c'est vrai, et une autre dans une photo de groupe, mais elles sont les deux seules parmi les 25 personnes qui sont sur les photos. Je crois qu'on parle des marchés financiers.

    Dans bien des secteurs du monde des affaires, les femmes ne se hissent pas aux plus hauts échelons. Ce qui s'est passé dans le monde de l'automobile est extra. Il y a eu deux femmes à la présidence de sociétés canadiennes, Ford et GM. Mais vous savez quoi? L'analyse comparative et toutes les nouvelles méthodes modernes ont été adoptées parce qu'on a jugé qu'on en avait besoin pour vendre des voitures aux femmes. Les hommes se sont dit que ce serait bien qu'elles conduisent leurs voitures.

    Vous avez parlé de la Banque mondiale. Wolfensohn a fait du bon travail. Cela s'est fait parce qu'on a établi un lien avec l'investissement. Vous voulez plus d'entrepreneurs qui réussissent? Vous faites mieux d'avoir des femmes parmi eux.

    Je ne les ai pas vus récemment, mais les documents canadiens portant sur notre appui à la Banque mondiale parlent beaucoup du rôle des femmes parce que c'est une formule qui marche. Il y a eu probablement une forte influence de l'ACDI. Le défi est peut-être aussi...

    Ne me comprenez pas mal. Je suis en faveur d'une augmentation du nombre d'analyses comparatives. Nous pourrions faire quelque chose d'étonnant en recommandant que, dans tous les cours de maîtrise en administration publique au Canada, l'un des sujets principaux soit l'analyse comparative. Nous commencerions à avoir des jeunes qui arrivent avec cette formation sur le marché du travail et dans les services publics aux niveaux provincial et fédéral. Quant à savoir si le processus est en place et si les résultats sont au rendez-vous, il y a là aussi des difficultés.

    La mesure budgétaire concernant les personnes âgées n'est pas présentée comme une initiative en faveur des femmes, mais il y a plus de femmes que d'hommes qui bénéficieront d'une hausse accélérée du SRG. Les femmes seront plus nombreuses parmi les 240 000 Canadiens âgés qui ne paieront plus d'impôt. Elles sont les plus pauvres des personnes âgées et ce sont elles qui vivent le plus longtemps. Ce n'est pas considéré comme une mesure en faveur des femmes, mais c'en est une.

    Comment réussir à nous encourager et à accepter le crédit des améliorations qui se font et continuer à susciter des champions? Peut-être faut-il changer un peu le discours pour que les hommes y adhèrent.

    Je vais finir par une anecdote. J'étais vice-présidente du Comité des finances et nous allions prévoir une séance le soir de l'Halloween. Je suis intervenue: « Non, les gars, vous avez de jeunes enfants. Ne voulez-vous pas rentrer chez vous? » Ils ont tous répondu que c'était une excellente idée, qu'ils n'y avaient pas pensé. Je n'ai pas d'enfants et je ne vais nulle part le soir de l'Halloween. Ces pauvres gars, il ne savent même pas comment améliorer leur propre vie.

    Nous devons peut-être essayer de rendre les divers milieux plus favorables à la famille, et cela donnera peut-être des résultats.

º  +-(1615)  

+-

    Mme Pauline Rankin: Vous avez abordé là beaucoup de choses.

    Je voudrais préciser ce que j'ai dit du secteur privé. Je ne présente pas le secteur privé comme un chef de file en matière d'égalité entre les sexes. J'ai dit qu'il y avait des exemples intéressants dans lesquels les sociétés voient l'intérêt d'un marketing ciblé en fonction des deux sexes.

    Autre précision, il me semble intéressant que le secteur privé comprenne qu'on peut améliorer les résultats financiers en tenant compte des différences entre les sexes. Malheureusement, le gouvernement a du mal à comprendre qu'il peut aussi, de cette façon, améliorer ses résultats.

    Je suis d'accord avec vous sur toute la ligne. Il est important de voir comment l'analyse comparative peut améliorer non seulement le pays, mais aussi la vie personnelle des gens. Il est très important de faire le lien entre l'amélioration de la situation des familles et celle de la situation du pays tout entier.

    Nous n'avons pas beaucoup parlé de résultats, mais, comme je l'ai dit dans mon exposé du début, que j'ai lu à toute vitesse parce que je voulais tout dire, nous devons nous intéresser davantage aux résultats. Lorsqu'il arrive que des politiques sont soumises à une analyse comparative... nous verrons ce qu'il adviendra des initiatives de Citoyenneté. Lorsqu'il y a des résultats, il faut en parler. Nous voulons faire en sorte qu'on comprenne que c'est ce qui a fait une différence.

    Le guide de la Nouvelle-Zélande sur l'analyse comparative donne un exemple précis de ce qui arrive si on a un régime de pension qui tient compte ou non de la différence entre les deux sexes. Il passe en revue toutes les étapes de l'élaboration de la politique pour montrer aux décideurs ce que cette analyse apporte, et les lacunes auxquelles on s'expose si on la laisse de côté.

    Je ne crois pas que, dans les guides conçus ici, lorsque les gouvernements ont commencé à adopter l'analyse comparative, nous avions ce genre de bonnes études de cas concrets pour montrer ce qu'on obtient par cette analyse et ce qu'on rate quand on ne l'applique pas. Cela peut être précieux pour montrer concrètement aux gens ce que cela signifie, ajouter l'analyse comparative au processus d'élaboration des politiques.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: J'ai un fait peut-être anecdotique à faire valoir au sujet des résultats. Apparemment, l'Australie a adopté l'analyse comparative. Des jeunes femmes ingénieurs m'ont dit qu'aucune femme ne voudrait aller travailler là-bas comme ingénieur, car ce milieu de travail est incroyablement sexiste. Pourtant, je ne crois pas que ce genre de problème se présente généralement ici dans les sociétés d'ingénierie, par exemple.

    Les Australiens ont le processus, mais ils n'obtiennent pas de résultats.

+-

    Mme Pauline Rankin: Oui. Le cas de l'Australie est intéressant. Comme je l'ai dit, elle a fait oeuvre de pionnier au milieu des années 80 dans l'élaboration des budgets, mais, lorsque les gouvernements ont changé et qu'un vent de néolibéralisme a soufflé sur la politique australienne, on a cessé de tenir compte de l'égalité des sexes dans l'élaboration des budgets. On vient aussi d'y abolir les services de la bureaucratie qui s'occupaient des femmes.

    À un moment donné, les mécanismes nationaux australiens de la condition féminine étaient considérés dans le monde entier comme les plus solides. Ils étaient rattachés au cabinet du premier ministre et ils étaient incroyablement efficaces. Mais encore une fois, les gouvernements ont changé, et les mécanismes ont été abolis.

    Cela revient à une chose que j'ai déjà dite : il est vraiment important, si on veut que l'intégration des questions d'égalité se fasse effectivement partout, d'avoir un mécanisme gouvernemental pour les femmes qui ait un certain poids, et pas seulement un rôle consultatif.

+-

    La présidente: Merci.

    D'autres questions? Je crois que tous ont eu au moins un tour.

    D'autres questions, madame Yelich?

+-

    Mme Lynne Yelich: Juste un mot au sujet de la Citoyenneté, puisque vous avez soulevé la question. Nous avons eu un exposé sur l'analyse comparative. J'ai constaté que nous n'avions pas tardé à parler de profilage racial. Je ne sais pas...

    Comme vous l'avez dit, il est très difficile de définir l'analyse comparative. Je me demande si nous n'en demandons pas trop, dans un pays comme le Canada, si grand et si divers. Nous commençons à faire des analyses par région et par race. En immigration aussi, nous avons commencé à parler de profilage racial.

    Comment appeler cela une analyse comparative entre les sexes? Comment maintenir le cap de cette analyse? Cela s'est passé lorsque Condition féminine est venu faire un exposé.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Une précision. Ce n'était pas... c'était le projet de loi sur la sécurité.

º  -(1620)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Exact.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: La loi portait sur la sécurité. Dans le contexte actuel de la sécurité, on disait qu'on avait l'impression que certaines races étaient visées plus que d'autres. Mais je ne crois pas que l'immigration...

+-

    La présidente: Je vais demander à Mme Rankin ce qu'elle en pense...

+-

    Mme Lynne Yelich: L'exposé portait tout de même sur l'analyse comparative.

+-

    La présidente: C'était l'analyse comparative appliquée à la Loi sur la sécurité. C'était un atelier.

    J'ignore si vous avez lu la transcription ou non, madame Rankin.

+-

    Mme Pauline Rankin: Non.

+-

    La présidente: Je suis désolée, c'était une séance à huis clos.

+-

    L'hon. Paddy Torsney: Dans ce cas, espérons que vous ne l'avez pas lu.

+-

    Mme Pauline Rankin: D'accord.

+-

    La présidente: Pouvez-vous donner votre point de vue?

+-

    Mme Pauline Rankin: Vous posez une question qui n'est pas l'apanage de ce comité. Elle est chaudement débattue par les organisations féminines : l'analyse comparative entre les sexes est-elle la bonne forme d'analyse ou devrions-nous adopter une analyse intégrée qui tient compte du sexe, de la race, de l'âge, de l'orientation sexuelle.

+-

    Mme Lynne Yelich: [Note de la rédaction: Inaudible]... quand vous dites « famille ». Vous avez parlé de la famille, du fait que les hommes, s'ils perdent leur emploi, sont incapables de faire vivre leur famille. Parfois, nous essayons probablement de simplifier outre mesure en parlant d'analyse comparative entre les sexes. Au fond, nous devrions étudier les lois en nous interrogeant sur leurs conséquences pour les citoyens.

+-

    Mme Pauline Rankin: Ma seule inquiétude, c'est que nous avons vu...

    Prenons la Grande-Bretagne, par exemple. Elle avait un service chargé de l'égalité des femmes et elle aura maintenant un service chargé de l'égalité en général. On essaiera de confier à une seule entité toutes les questions de différences entre divers groupes.

    Je ne veux pas cependant que la voix des femmes soit ainsi noyée. Je crains que, si nous commençons à mettre ensemble toutes les différences et à les traiter de façon monolithique, la réalité de la vie des femmes ne soit perdue de vue. Je crains que si, dans le processus politique, nous considérons ensemble toutes les différences—âge, région, sexe, race—chaque fois, nous allons perdre des nuances et obtenir moins d'attention pour la réalité de la vie des gens.

    Certains diront que l'analyse comparative entre les sexes a été un facteur d'homogénéisation: hommes et femmes, les femmes ne constituant qu'un seul groupe homogène. Je crains que, si nous regroupons toutes les différences dans une seule démarche, nous ne perdions beaucoup de la précision dans les politiques que permet la séparation de toutes ces différences.

    Cela est facile à dire pour moi qui suis une universitaire. Il est beaucoup plus difficile pour les décideurs de traduire cela dans les faits. Je crois quand même qu'il est important que le fait que les Canadiennes sont toujours en butte à la discrimination de diverses manières ne se perde pas dans les discussions sur la façon d'élaborer des moyens plus perfectionnés d'intégrer les questions d'égalité.

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    La présidente: Madame Crowder.

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    Mme Jean Crowder: Ce n'est pas une question. Je veux préciser quelque chose.

    Lorsque j'ai dit que le budget parle deux fois des femmes, l'une d'elles concerne le SRG. C'est une mesure qui vise expressément les femmes. Voilà une des mentions. L'autre se rapportait à la petite entreprise.

    Ce sont les deux fois où on a parlé des femmes.

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    L'hon. Paddy Torsney: [Note de la rédaction: Inaudible]

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    Mme Jean Crowder: Oui, le budget a d'autres conséquences pour la vie des femmes. Je crois simplement qu'il n'y a pas eu d'analyse comparative entre les sexes.

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    L'hon. Paddy Torsney: Je sais. On n'en a pas parlé.

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    Mme Jean Crowder: On ne trouve dans le budget aucune trace de la demande de notre comité, qui souhaitait un accroissement des ressources pour Condition féminine et ses programmes destinés aux femmes. Patrimoine canadien a reçu des ressources accrues, mais pas pour les femmes.

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    L'hon. Paddy Torsney: Nous allons continuer à travailler là-dessus.

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    La présidente: Madame Rankin, je vous dis merci. Je crois que vous avez résumé aujourd'hui bien des jours de témoignages sur cette question, des témoignages que nous avons entendus même avant que nous n'entamions l'étude de l'analyse comparative. Des groupes qui ont témoigné avaient déjà abordé certains points, mais vous avez su faire la synthèse de tout d'une façon très claire et lucide.

    Je ne saurais assez vous remercier. Nous ferons peut-être appel à vous de nouveau.

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    Mme Pauline Rankin: Merci. Ce fut un plaisir.

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    La présidente: La séance est levée.