FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la condition féminine
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 10 mars 2005
¹ | 1520 |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC)) |
Mme Mary Gusella (présidente, Commission canadienne des droits de la personne) |
¹ | 1525 |
¹ | 1530 |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Kathryn Hamilton (directrice générale par intérim, Direction générale de l'équité en matière d'emploi, des politiques et des liaisons externes, Commission canadienne des droits de la personne) |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC) |
Mme Mary Gusella |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Gusella |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Gusella |
M. Rhys Phillips (directeur, Direction générale de l'équité en matière d'emploi, des politiques et des liasons externes, Commission canadienne des droits de la personne) |
¹ | 1535 |
Mme Lynne Yelich |
M. Rhys Phillips |
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC) |
Mme Mary Gusella |
Mme Lynne Yelich |
¹ | 1540 |
Mme Mary Gusella |
Mme Lynne Yelich |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Helena Guergis |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ) |
Mme Mary Gusella |
Mme Paule Brunelle |
Mme Mary Gusella |
¹ | 1545 |
Mme Paule Brunelle |
Mme Mary Gusella |
M. Rhys Phillips |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
Mme Mary Gusella |
L'hon. Sarmite Bulte |
¹ | 1550 |
Mme Mary Gusella |
M. Rhys Phillips |
L'hon. Sarmite Bulte |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD) |
¹ | 1555 |
M. Rhys Phillips |
Mme Jean Crowder |
M. Rhys Phillips |
Mme Jean Crowder |
M. Rhys Phillips |
Mme Jean Crowder |
M. Rhys Phillips |
Mme Jean Crowder |
M. Rhys Phillips |
Mme Jean Crowder |
Mme Mary Gusella |
º | 1600 |
Mme Nina Grewal |
Mme Helena Guergis |
Mme Mary Gusella |
Mme Helena Guergis |
Mme Mary Gusella |
Mme Helena Guergis |
Mme Mary Gusella |
Mme Helena Guergis |
º | 1605 |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Gusella |
M. Rhys Phillips |
Mme Lynne Yelich |
M. Rhys Phillips |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.) |
Mme Mary Gusella |
Mme Susan Kadis |
º | 1610 |
Mme Mary Gusella |
M. Rhys Phillips |
Mme Susan Kadis |
Mme Mary Gusella |
Mme Lynne Yelich |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ) |
Mme Mary Gusella |
Mme France Bonsant |
º | 1615 |
Mme Mary Gusella |
Mme France Bonsant |
Mme Mary Gusella |
Mme France Bonsant |
Mme Mary Gusella |
Mme France Bonsant |
Mme Mary Gusella |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Jean Crowder |
Mme Mary Gusella |
º | 1620 |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.) |
Mme Mary Gusella |
º | 1625 |
M. Russ Powers |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Gusella |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Gusella |
º | 1630 |
Mme Lynne Yelich |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
M. Russ Powers |
Mme Mary Gusella |
M. Russ Powers |
Mme Mary Gusella |
M. Russ Powers |
Mme Mary Gusella |
M. Russ Powers |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
º | 1635 |
Mme Paule Brunelle |
Mme Mary Gusella |
Mme Paule Brunelle |
Mme Mary Gusella |
º | 1640 |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Jean Crowder |
Mme Mary Gusella |
Mme Jean Crowder |
Mme Mary Gusella |
M. Rhys Phillips |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Susan Kadis |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
Mme Lynne Yelich |
º | 1645 |
Mme Mary Gusella |
M. Rhys Phillips |
Mme Lynne Yelich |
La vice-présidente (Mme Nina Grewal) |
CANADA
Comité permanent de la condition féminine |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 10 mars 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1520)
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC)): Je déclare la séance ouverte.
Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins de la Commission canadienne des droits de la personne. Madame Gusella, je vous cède tout de suite la parole pour faire vos remarques liminaires.
Mme Mary Gusella (présidente, Commission canadienne des droits de la personne): Merci beaucoup, madame la présidente.
Avant de commencer, j'aimerais vous présenter mes collègues qui m'accompagnent aujourd'hui : Kathryn Hamilton, directrice générale par intérim de l'Équité en matière d'emploi, des politiques et des liaisons externes; Rhys Phillips, directeur des politiques et de la législation pour le Programme de la vérification de la conformité à l'équité en matière d'emploi; et Christine Watson-Sontere, directrice par intérim du Programme de vérification de la conformité à l'équité en matière d'emploi.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui devant le comité.
[Traduction]
Comme vous le savez sans doute, les femmes correspondent à l'un des quatre groupes désignés aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. L'objet de la Loi consiste, évidemment, à garantir que l'effectif des employeurs assujettis à la législation fédérale est représentatif de la population active, et à éliminer les barrières auxquelles se heurtent les femmes, les Autochtones, les minorités visibles et les personnes handicapées.
Aux termes de cette loi, la Commission des droits de la personne a le pouvoir de vérifier la performance des employeurs afin de s'assurer que ces derniers se conforment aux exigences législatives. Cette loi vise environ 500 employeurs des secteurs des banques, des transports et des communications, ainsi que les ministères et organismes fédéraux, bien entendu.
[Français]
De plus, le paragraphe 11(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne stipule ce qui suit:
11.(1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes. |
L'une des réalisations les plus remarquables de la Commission canadienne des droits de la personne il y a quelques années a donné lieu à un règlement de 3,6 milliards de dollars applicable à quelque 230 000 employés et ex-employés du gouvernement fédéral affectés à des emplois à prédominance féminine tels que les secrétaires, les commis, les travailleurs d'hôpital et les bibliothécaires.
[Traduction]
Afin de vous situer le travail de la Commission en ce qui concerne la promotion de la condition féminine, peut-être me permettrez-vous de décrire brièvement certaines des réformes que nous avons instaurées à la Commission au cours des deux dernières années et qui ont radicalement changé ce que j'appellerais notre modèle opérationnel.
À cet égard, je peux vous dire qu'un régime qui précédemment s'appuyait beaucoup sur les poursuites judiciaires a maintenant été remplacé par une démarche plus réactive axée sur le règlement extrajudiciaire des conflits. De plus, nous avons réorienté notre procédure d'enquête afin de créer un milieu de travail favorable où prime le travail d'équipe et de pouvoir assurer des services plus efficacement et plus rapidement. Nous avons également mis sur pied une Direction générale de la prévention pour aider les défendeurs à établir une culture axée sur la protection des droits de la personne chez eux. De plus, nous avons créé une Direction générale des liaisons externes afin de maintenir un dialogue permanent avec les intervenants clés. Une Direction générale de l'apprentissage et du perfectionnement a aussi été mise sur pied pour favoriser une culture d'apprentissage permanent qui soit adaptée aux besoins spécialisés de nos employés.
Bien entendu, tout cela s'est fait en respectant les contraintes budgétaires actuelles, mais ce train de mesures nous a permis d'éliminer presque tout notre arriéré de dossiers. Il y a eu une baisse de 85 p. 100 du nombre de plaintes remontant à deux ans et plus, et une augmentation de 70 p. 100 du nombre de décisions finales.
[Français]
Surtout, la mise en oeuvre de notre nouveau modèle opérationnel, les améliorations apportées au processus dans tous les secteurs d'activité et une saine gérance des ressources ont résulté en des épargnes de près d'un million de dollars. Ce sont ces fonds qui peuvent maintenant être consacrés aux priorités nouvelles telles que les initiatives proactives axées sur le règlement des enjeux systémiques.
[Traduction]
Je vous indiquais il y a quelques instants qu'aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, la Commission effectue des vérifications chez les employeurs régis par le gouvernement fédéral, afin de déterminer si ces derniers se conforment aux exigences de la Loi. Il s'agit donc de s'assurer que les quatre groupes désignés sont représentés au sein de l'effectif en fonction de leur présence sur le marché du travail approprié. À la fin d'une vérification, un employeur, entre autres, aura examiné ses pratiques d'emploi, aura établi des pratiques exemplaires et pris des mesures spéciales pour corriger un problème de discrimination structurelle, et se sera fixé des objectifs en matière de recrutement permettant de réaliser progressivement la représentation intégrale de tous les groupes. En fait, chaque employeur est tenu—et c'est un minimum—d'avoir une politique sur le harcèlement, une politique sur les mesures d'adaptation à l'intention des personnes handicapées, et une politique sur l'équité en matière d'emploi. Mais l'élément le plus important—et j'insiste là-dessus—c'est que la haute direction doit répondre des objectifs fixés pour le plan et les résultats qu'il a permis d'obtenir, de même que des mesures inscrites dans le plan d'équité en emploi de l'employeur. Ainsi la Commission a la certitude que, une fois qu'elle a en main ces informations et ces objectifs, que la compagnie ou l'organisme concerné fera des progrès raisonnables en vue d'atteindre la pleine représentation des groupes.
¹ (1525)
[Français]
La vérification de la conformité ne s'arrête pas là. La commission exerce un suivi des résultats, et les employeurs mènent une nouvelle vérification si l'organisation omet de faire des progrès raisonnables.
[Traduction]
Donc, si des progrès raisonnables ne sont pas réalisés, nous avons la possibilité de rouvrir la vérification.
Jusqu'à présent, la Commission a effectué 282 vérifications préliminaires, qui ont permis de déterminer que 191 employeurs respectent les dispositions de la Loi. Dans presque tous les cas, ils ont été jugés être en conformité après l'enclenchement d'un processus coopératif entre la Commission et l'employeur concerné. Ce résultat concerne 48 p. 100 des employeurs et 77 p. 100 des employés qui sont visés par la Loi. Bien que la Commission soit habilitée à faire respecter la Loi en émettant des directives ou en renvoyant des dossiers au Tribunal de l'équité en matière d'emploi, de telles mesures ont rarement été nécessaires. En fait, aucun tribunal de l'équité en matière d'emploi n'a encore été convoqué pour examiner un dossier.
[Français]
Une conséquence importante de la loi est que la plupart des employeurs fédéraux disposent désormais de bases de données aptes à fournir des renseignements élaborés et détaillés sur l'expérience des femmes en milieu de travail.
[Traduction]
Cela comprend non seulement la représentation des femmes au sein des principaux groupes professionnels, mais aussi une vaste gamme d'informations sur les femmes qui travaillent pour l'organisme concerné, sur les plans du recrutement, de la promotion, et du maintien en emploi et, évidemment, dans quelle mesure il y a concentration des femmes à des niveaux de classification inférieurs. De plus, les employeurs les plus sophistiqués, y compris la fonction publique fédérale, disposent souvent de données sur des questions telles que la formation, les affectations de perfectionnement, l'accès à l'encadrement, et d'autres éléments clés d'un bon système de gestion des ressources humaines. Des données de ce genre permettent aux employeurs de faire une analyse comparative entre les sexes plus approfondie, en vue de connaître les effets potentiellement différents de leurs politiques et pratiques sur les femmes et d'éliminer les obstacles lorsqu'ils constatent qu'il existe de tels effets. De plus, les employeurs peuvent évidemment suivre la performance de leurs plans d'équité en matière d'emploi et y apporter les changements et les améliorations qui s'imposent.
[Français]
Depuis que la commission a entrepris, il y a huit ans, de mener des vérifications, les femmes ont réalisé des progrès considérables dans les secteurs public et privé sous régie fédérale.
[Traduction]
Dans le secteur public, les femmes représentent à présent 53 p. 100 des fonctionnaires, par rapport à 50 p. 100 en 1997, lorsque la Commission a commencé à effectuer des vérifications des ministères fédéraux et d'autres employeurs. Mais si je veux insister sur une donnée encore plus importante, du point de vue des statistiques, c'est que les femmes occupent à présent 35 p. 100 des emplois du groupe Direction, comparativement à 25 p. 100 en 1997, et elles représentent 39 p. 100 de tous les nouveaux cadres recrutés. Leur part des emplois dans la catégorie scientifique et professionnelle est passé de 32 p. 100 en 1997 à 35 p. 100 en 2004.
Les données indiquent également qu'il existe maintenant un bassin de femmes qualifiées pour faciliter la planification de la relève dans la fonction publique fédérale. Il reste que les femmes continuent d'être concentrées dans la catégorie du soutien administratif, mais moins qu'auparavant. Par exemple, en tout 30 p. 100 des femmes occupent de tels emplois dans la fonction publique à l'heure actuelle, comparativement à 44 p. 100 en 1997.
Dans le secteur privé, les femmes occupaient 44 p. 100 de tous les emplois en 2003, soit environ la même proportion qu'en 1997. Par contre, il y a beaucoup plus de femmes occupant des postes de cadres supérieurs dans le secteur privé qu'en 1997. En fait, en 2003, 20 p. 100 des femmes occupaient de tels postes, soit une augmentation de 15 p. 100 par rapport à 1997. Ce pourcentage est néanmoins inférieur à la moyenne canadienne de 25 p. 100, selon le recensement de 2001.
Dans le secteur bancaire, les femmes occupent actuellement 25 p. 100 des postes de haute direction, ce qui représente une progression par rapport aux 19 p. 100 enregistrés en 1997. Dans un autre secteur, celui des communications, les femmes occupaient 21 p. 100 des postes de haute direction en 2003, par rapport à 15 p. 100 en 1997. Par contre, les femmes étaient moins présentes dans le secteur des transports, où elles occupaient seulement 15 p. 100 des postes de haute direction en 2003.
De récentes statistiques indiquent que 23 p. 100 des femmes oeuvrant dans le secteur privé, comparativement à 10 p. 100 des hommes, avaient des emplois temporaires ou à temps partiel. La tendance est la même chez les femmes membres de minorités visibles et les femmes handicapées, et on la remarque encore plus chez les femmes autochtones, puisque 25 p. 100 de cette population sont touchées. Même lorsqu'elles travaillent à plein temps, les femmes ne gagnent que 81 p. 100 de ce que touchent les hommes.
Permettez-moi donc de conclure, madame la présidente, en remerciant le comité de son invitation. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
¹ (1530)
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Merci, madame Gusella.
Madame Hamilton, vous avez la parole.
Mme Kathryn Hamilton (directrice générale par intérim, Direction générale de l'équité en matière d'emploi, des politiques et des liaisons externes, Commission canadienne des droits de la personne): En fait, je n'ai rien préparé. Je suis prête à répondre à vos questions.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Nous allons donc immédiatement ouvrir la période des questions. Ce sera d'abord le tour de la représentante du Parti conservateur.
Madame Yelich, vous avez la parole.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Je suis très heureuse que vous soyez là aujourdhui, parce qu'à mon avis vous pouvez nous apprendre bien des choses à propos de l'équité en matière d'emploi. Votre rôle consiste non seulement à surveiller la situation, mais aussi à vous assurer qu'il y a conformité.
Vous dites que la Loi vise plus de 300 organismes privés et de sociétés d'État qui sont régis par le gouvernement fédéral. Mais de quels organismes privés et sociétés d'État s'agit-il? Cette loi vise-t-elle l'ensemble des sociétés d'État? Voilà une information précise que j'aimerais obtenir. Je regarde cette statistique, c'est-à-dire que 900 000 travailleurs sont visés par la Loi mais que, même si le nombre d'employeurs varie, la Loi vise actuellement plus de 300 employeurs du secteur privé qui sont régis par le gouvernement fédéral.
J'aimerais donc savoir qui sont ces organismes privés et sociétés d'État qui sont régis par le gouvernement fédéral.
Mme Mary Gusella: Peut-être pourrais-je vous les présenter secteur par secteur, en donnant à chaque fois quelques exemples.
Mme Lynne Yelich: Oui, ce serait bien utile.
Mme Mary Gusella: Dans le secteur privé régi par le gouvernement fédéral, nous pourrions tout d'abord parler des banques. Cette loi vise l'ensemble des banques fédérales, comme le Groupe financier BMO, la Banque canadienne impériale de commerce, la Banque canadienne de l'Ouest, la Citibank, et d'autres encore, y compris le Groupe financier de la Banque Toronto-Dominion. En fait, toutes les banques sont visées, y compris celles auxquelles on ne songe pas normalement, comme les Services Symcor, etc. Tous ces établissements font partie du secteur bancaire. À l'heure actuelle, il y en a 16 qui appartiennent à ce groupe qui font actuellement l'objet d'une vérification.
Dans le secteur des communications, il y en a 51 que nous avons déjà vérifiés ou qui font actuellement l'objet d'une vérification. Cela comprend les services interurbains AT&T, Bell Canada, Bell Mobilité—c'est-à-dire l'ensemble du service cellulaire de Bell—les Entreprises CallNet, la Société canadienne des postes, la Société Radio-Canada, CANPAR Transport LP, et CHUM Limited. Ce secteur comporte en réalité un grand nombre de compagnies.
Je vais rapidement vous donner une idée des autres secteurs concernés. Dans le secteur des transports, nous en avons 105 qui ont déjà été vérifiés ou font actuellement l'objet d'une vérification. Cela comprend beaucoup de compagnies de services d'autocar, l'ensemble des compagnies aériennes, bon nombre de compagnies de services aériens, la British Columbia Maritime Employers Association—étant donné que les membres de cette dernière fournissent des services—et Canadien National, bien entendu.
Cela vous donne donc une idée. C'est une secteur très important. Et il est problématique à bien des égards en ce qui concerne les femmes. Si je mets ma casquette de présidente de la Commission des droits de la personne, je peux vous affirmer que nous recevons énormément de plaintes concernant ce secteur.
Mme Lynne Yelich: Quelle est votre formule en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi? Comment faites-vous pour effectuer vos vérifications? Est-ce facile ou non?
Mme Mary Gusella: Notre collègue Rhys Phillips nous accompagne aujourd'hui, et je pense qu'il pourrait vous donner un aperçu général de notre méthodologie à cet égard.
M. Rhys Phillips (directeur, Direction générale de l'équité en matière d'emploi, des politiques et des liasons externes, Commission canadienne des droits de la personne): Oui, très rapidement. Après l'adoption de la Loi, nous avons établi les 12 exigences législatives à propos desquelles le Parlement nous avait demandé de vérifier le degré de conformité des organismes concernés. Nous avons ensuite défini 46 facteurs d'évaluation, de manière à employer une méthode uniforme au moment d'évaluer le degré de conformité des employeurs.
Je précise, d'ailleurs, que le terme « conformité » ne signifie pas que l'employeur a réussi à garantir la pleine représentation des quatre groupes désignés, mais plutôt que l'agent de conformité estime que ce dernier respecte les 12 exigences législatives et a mis en place un plan qui, si on déploie des efforts raisonnables pour y donner suite, permettra de réaliser des progrès raisonnables conduisant à la représentation intégrale des quatre groupes.
C'est nous qui déposons la plainte. Nous nous mettons en rapport avec l'employeur par l'entremise du secrétaire général, et nous affectons ensuite un agent de vérification de la conformité. Cet agent évalue ensuite le degré de conformité de la compagnie concernée aux 12 exigences législatives. Il faut que les employeurs aient préalablement mené une enquête pour déterminer combien de leurs employés font partie des quatre groupes désignés. Ils doivent ensuite mener une analyse de leur effectif en comparant leurs résultats avec ce qu'indique le recensement en matière de représentation, et ce selon le type d'emplois, la localité, etc. Là où on constate qu'il existe des lacunes pour certains groupes désignés, l'employeur doit examiner ses systèmes d'emploi pour déterminer quels facteurs peuvent raisonnablement expliquer les écarts observés.
Il y a essentiellement une procédure qui doit permettre de déterminer la nature du problème et une autre qui doit permettre de le régler—c'est-à-dire d'éliminer les barrières, de définir des mesures spéciales, et d'établir des objectifs et des échéanciers. Ils doivent ensuite consulter leurs employés, communiquer avec eux et tenir de bons dossiers.
Donc, nous effectuons une vérification. Si nous déterminons que la compagnie n'est pas en conformité—et je dois admettre qu'environ 90 p. 100 du temps l'employeur n'est pas en conformité—l'agent de vérification de la conformité négocie une série d'engagements qui sont signés par le sous-ministre ou le PDG de l'organisme concerné, qui doit ensuite prendre des mesures lui permettant de respecter ses engagements. Nous revenons ensuite pour faire une vérification de suivi, et dans 80 p. 100 des cas—en fait, c'est plutôt 90 p. 100 maintenant—nous constatons que l'employeur se conforme aux exigences de la Loi.
Par la suite, nous faisons un suivi pour nous assurer que l'employeur atteint les objectifs fixés. Si nous constatons que ce dernier ne réalise pas des progrès raisonnables par rapport aux objectifs fixés, nous pourrions décider—nous avons établi cette procédure l'an dernier seulement—de faire une vérification de mise en oeuvre, pour nous assurer que la compagnie en question exécute bien le plan qui, d'après notre évaluation, devait lui permettre de se conformer à la Loi, au moment de la vérification initiale.
Voilà essentiellement en quoi consiste notre travail.
¹ (1535)
Mme Lynne Yelich: Avez-vous une copie des 12 lois que vous devez suivre?
M. Rhys Phillips: Vous parlez des exigences législatives? Oui, nous avons un document que nous appelons le document-cadre, qui est en fait très intéressant. Il explique comment nous effectuons une vérification, en quoi consistent les 12 exigences législatives, et quelles sont les différents facteurs d'évaluation. Nous employons la même méthode pour tout le monde. Nous évaluons tous les employeurs de la même façon en fonction de ces facteurs. Il s'agit de ce document-ci. Vous pouvez le trouver sur notre site Web.
Je suis heureux de vous annoncer que nous avons eu à apporter très peu de changements à ce document au cours des huit dernières années. Mais si vous souhaitez en avoir des copies, nous pourrions certainement vous en fournir.
Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci beaucoup de votre présence.
Par rapport aux quatre grandes catégories de la Loi sur l'équité en matière d'emploi—c'est-à-dire les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées, et les minorités visibles—selon votre expérience, quels sont les groupes désignés qui sont les plus problématiques du point de vue de l'incapacité des employeurs de se conformer aux exigences de la Loi? Étant donné notre population vieillissante, y a-t-il un problème en ce qui concerne les personnes âgées? Est-ce que l'un d'entre vous souhaite aborder la question de la retraite obligatoire pour les femmes aînées?
Mme Mary Gusella: Vous avez posé plusieurs questions. Je veux bien y répondre étant donné que nous observons effectivement certaines tendances. Dans la fonction publique fédérale, les objectifs sont atteints à l'égard de trois groupes, mais non pas à l'égard du quatrième. Les trois groupes où les objectifs sont atteints sont les suivants : les femmes, les Autochtones, et les personnes handicapées. Mais les objectifs de recrutement relatifs aux membres des minorités visibles ne sont toujours pas atteints.
Ceci dit, il faut vous faire remarquer que la situation s'est tout de même améliorée en ce qui concerne la représentation des membres des minorités visibles dans les deux secteurs. Il reste que dans la fonction publique fédérale, la représentation de ce groupe n'est pas aussi élevée.
Si vous me permettez, j'aimerais vous donner quelques statistiques, parce que les améliorations observées varient selon le groupe et le secteur dont il s'agit. Le secteur des transports, notamment, a été particulièrement problématique pour les femmes. En 2003, les femmes qui sont membres de minorités visibles occupaient 12,5 p. 100 des emplois dans le secteur bancaire, par exemple. Il s'agit d'une augmentation, puisque la proportion était de 10,4 p. 100 en 1997. Dans le secteur des communications, leur part des emplois est passé de 3,7 p. 100 à 4,7 p. 100. Dans le secteur des transports, la représentation des femmes est passée de 1,7 p. 100 à 2,8 p. 100 entre 1997 et 2003.
Les femmes autochtones étaient mieux représentées dans le secteur des transports, mais pas dans le secteur bancaire.
Mme Lynne Yelich: Permettez-moi de vous interrompre. Quand vous parlez de membres de « minorités visibles », parlez-vous des immigrants? Vous avez fait mention des Autochtones, des « femmes », et des « personnes handicapées »; donc, pour vous, le terme « minorités visibles » vise-t-il les femmes immigrantes ou de couleur?
¹ (1540)
Mme Mary Gusella: Si vous voulez parlez des définitions…
Mme Lynne Yelich: Et dans votre réponse, puisque Helena a une autre question à poser, j'aimerais…
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Pourriez-vous nous faire une réponse très courte, s'il vous plaît? Nous commençons à manquer de temps.
Mme Helena Guergis: Nous allons attendre la prochain tour.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Madame Brunelle, vous avez la parole.
[Français]
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour. Madame Gusella, vous dites dans votre présentation que le pourcentage de femmes dans la haute fonction publique est de 53 p. 100. Elles occuperaient 35 p. 100 des postes supérieurs, c'est-à-dire à des postes de direction. Est-ce que vous pensez qu'il est possible d'atteindre la parité?
Ceci m'amène à une autre observation. Lorsque je regarde votre processus de vérification, je trouve rassurant de voir que 90 p. 100 des employeurs respectent la loi. L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de l'Office québécois de la langue française, qui fait des vérifications dans les entreprises et qui a beaucoup de difficultés à faire appliquer ses règles parce qu'il ne semble pas y avoir de processus coercitif, pas d'obligation légale pour l'employeur de respecter l'égalité.
Comment peut-on arriver à la parité souhaitée homme-femme dans des fonctions supérieures, dans un système où—sauf erreur de ma part—il n'y a pas d'obligation légale en la matière?
Mme Mary Gusella: Je vous remercie de votre question. En effet, lorsque la Loi sur l'équité en matière d'emploi a été conçue et que le Parlement l'a mise en vigueur en 1986, il n'y avait pas de processus de vérification. Le Parlement a cru bon, dans les années 1990, de faire en sorte qu'une organisation comme la nôtre ait l'obligation de faire une vérification. D'après moi, c'est un élément clé, parce qu'il y avait peu de progrès lorsqu'il n'y avait pas de vérification possible. Depuis que les vérifications sont faites d'une façon régulière, nous constatons des progrès dès que nous entrons dans une organisation pour y commencer une vérification.
Dans la première évaluation de la législation, qui a été faite après cinq ans, il était très clair que le processus de vérification avait apporté des progrès. Nous travaillons en collaboration étroite avec ces organisations, et c'est ce que la loi prescrit. Il y a une façon de procéder qui est différente d'une vérification financière. Il s'agit davantage d'une collaboration.
À mon avis, c'est une bonne façon de faire. On constate des progrès. Ce n'est pas aussi rapide qu'on le voudrait, mais il s'agit d'organisations où les changements ne sont pas rapides. On voit cependant que cela peut changer. J'ai bon espoir qu'on observera de plus en plus de progrès.
Mme Paule Brunelle: Bien sûr, il est difficile de prévoir l'avenir: nous n'avons pas de boule de cristal. Au moment où on établit des processus d'équité, les résultats sont peut-être assez rapides, étant donné qu'il y a beaucoup à faire. Maintenant, il semble que ce soit plus lent. Il paraît plus difficile d'atteindre les nouveaux jalons de la tâche qu'il nous reste à accomplir.
Est-ce que vous constatez cela?
Mme Mary Gusella: En effet, on observe cela en matière de changement culturel. On peut faire des progrès en mettant en place de nouvelles structures. Dès qu'une organisation commence à mettre en place des processus uniformes au niveau des ressources humaines, on constate des progrès.
Parfois, ce sont des façons de faire informelles qui empêchent les femmes d'accéder à certains postes. Plus les mesures sont uniformes et plus elles sont prévues pour l'organisation toute entière, plus on observe des progrès. Sur le plan culturel, le changement n'est pas aussi rapide. Dès que la direction commence à mener une action pour encourager l'équité au sein de l'organisation et qu'elle constate que la diversité contribue au succès de l'organisation, on remarque des progrès très rapides au niveau culturel.
¹ (1545)
Mme Paule Brunelle: Avez-vous constaté des différences culturelles entre les régions du Canada?
Mme Mary Gusella: C'est une très bonne question. Je crois que Rhys voit cela de plus près.
[Traduction]
M. Rhys Phillips: J'ai l'avantage de travailler dans ce domaine depuis 27 ans, et il arrive souvent que des jeunes appartenant à l'un ou l'autre des groupes désignés me disent : Vous savez, il n'y a jamais rien qui change. Or, je peux vous dire, pour m'être fait claquer la porte au nez par des employeurs depuis 27 ans, que dans les compagnies les plus sophistiquées, on considère que c'est un avantage économique que d'avoir un effectif diversifié, et surtout un effectif où les femmes sont bien intégrées.
Il n'y a jamais de solution magique. Je crois fermement en cet adage voulant que pour chaque problème complexe, il existe une solution simple, mais que celle-ci n'est pas bonne. L'équité en matière d'emploi repose sur une démarche à plus long terme, et nous commençons à observer beaucoup de changements, notamment chez les femmes; c'est sans doute dans ce groupe que les changements ont été les plus considérables. Dans le secteur public, ce programme a eu des effets très positifs sur les femmes handicapées, les femmes qui sont membres de minorités visibles, et les femmes autochtones. C'est un peu moins vrai pour le secteur privé, mais là aussi, nous constatons que la situation évolue. Je vous dirais par conséquent que nous avons assisté à des changements culturels notables au cours des 15 dernières années.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Madame Bulte, vous avez la parole.
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup, et merci de votre présence.
Il est probable que je connaisse déjà la réponse à cette question avant même de vous la poser, mais je vais la poser quand même. En vertu du Programme d'équité en matière d'emploi, l'employeur doit préparer des plans et parler de la situation des employés. Exige-t-on qu'il aborde également la situation des cadres? Par exemple, cherchez-vous à savoir si des femmes font partie du conseil d'administration de ces compagnies? Cherchez-vous à déterminer qui sont les femmes qui siègent aux conseils d'administration de nos sociétés d'État? Cherchez-vous à savoir si elles sont membres de minorités visibles? Pour moi, une compagnie est gérée par son conseil d'administration. Surtout à la Société Radio-Canada, c'est le conseil qui est chargé de diriger les opérations quotidiennes. Ce dernier prend les décisions concernant non seulement la programmation mais des questions relatives au personnel.
Plus que toute autre chose, c'est l'absence des femmes au sein des conseils d'administration des sociétés qui me préoccupe. Encore une fois, je vais me concentrer sur le secteur public; bien que nous soyons plus présentes dans le secteur privé, le nombre de femmes est toujours relativement faible, et dans le secteur bancaire, c'est encore plus faible. Par exemple, nous nous demandons toujours, par rapport à la Société pour l'expansion des exportations, comment il se fait que seulement 7 p. 100 des femmes qui sont propriétaires d'entreprises font de l'exportation. Quant au conseil d'administration de la SEE, sur 15 administrateurs, il n'y a qu'une seule femme. C'est très révélateur, et si c'est le conseil qui dirige les opérations quotidiennes…
Serait-il possible, quitte à modifier quelque peu la Loi, de faire en sorte que les sociétés soient tenues de présenter des rapports concernant la composition de leurs conseils d'administration?
Mme Mary Gusella: Comme vous l'avez dit vous-même, vous connaissez sans doute déjà la réponse à cette question. La Loi sur l'équité en matière d'emploi ne vise pas les conseils d'administration des entreprises régies par le gouvernement fédéral, des sociétés d'État ou des ministères fédéraux. Je suppose qu'on pourrait dire que cette dernière vise les échelons supérieurs de la fonction publique, en ce sens qu'elle s'applique aux sous-ministres, mais qu'on parle de sociétés d'État ou des entreprises privées régies par le gouvernement fédéral, la Loi sur l'équité en matière d'emploi ne s'applique pas à leurs conseils d'administration. Vous avez évoqué une solution possible, qui consisterait à modifier la Loi, je suppose, mais en l'absence d'une modification législative, il semble que nous n'ayons pas le droit de faire ce que vous proposez.
L'hon. Sarmite Bulte: Très bien.
J'ai remarqué, quand vous parliez des femmes qui travaillent dans le secteur des sciences et des technologies—cela m'intéresse, étant donné que ma fille est ingénieure—que d'après vos chiffres, le nombre de femmes aurait augmenté. Par contre, quand j'ai présidé le Groupe de travail sur les femmes entrepreneures mis sur pied par l'ancien premier ministre, nous avions… Ils ont vraiment une pratique exemplaire dans la fonction publique, puisqu'ils ont une porte-parole qui fait la promotion des sciences et de la technologie auprès des femmes. On nous a dit que même si certaines femmes entraient dans la fonction publique pour occuper un poste d'ordre scientifique ou technologique, le taux de maintien en fonctions de ces employées était très faible.
Donc, même si je trouve formidable qu'il y ait eu une augmentation, nous intéressons-nous également à la question du maintien en fonctions? Vous avez dit que vous recueillez de l'information sur les taux de maintien en poste, mais le fait est que, même s'il y en a davantage, elles ne restent pas très longtemps. Cela me semble inquiétant. Il faut examiner de plus près ce problème, et s'il est d'ordre structurel, nous devons envisager des mesures pour le corriger. Y a-t-il d'autres ministères qui emploient ce modèle consistant à nommer un défenseur ou porte-parole qui fait la promotion des sciences et des technologies auprès des femmes, modèle que je trouve formidable, étant donné tout le système d'encadrement qui accompagne de programme? À mon avis, c'est une pratique exemplaire qui pourrait même intéresser le secteur privé.
¹ (1550)
Mme Mary Gusella: Oui. Ce système de défenseur ou de champion est formidable, et il existe effectivement des pratiques exemplaires qui sont généralement tout à fait adaptées à la demande qui existe dans ce secteur.
Rhys connaît peut-être mieux la situation précise des ministères. Que pouvez-vous nous dire au sujet des pratiques exemplaires?
M. Rhys Phillips: Eh bien, si je peux d'abord faire un commentaire au sujet du maintien en fonctions, c'est une question intéressante que vous soulevez par rapport à la Loi, parce que la Loi met surtout l'accent sur le recrutement. Les employeurs doivent fixer des objectifs en matière de recrutement et de promotion. Mais nous ne pouvons exiger qu'ils se fixent des objectifs liés au maintien en fonctions.
Par conséquent, quand nous évaluons s'il y a eu ou non des progrès raisonnables, nous cherchons à déterminer si l'employeur a atteint ou non ses objectifs de recrutement et de promotion, bien que notre interprétation soit assez souple, en ce sens que nous regardons également les chiffres touchant la représentation des différents groupes désignés, pour voir s'ils augmentent. Il serait sans doute préférable que la Loi exige l'établissement d'objectifs relatifs au maintien en fonctions que les employeurs seraient ensuite tenus de surveiller. Mais j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de contingents. En fait, la Loi exclut explicitement la notion de contingent. Il s'agit plutôt d'outils de gestion, même si ce sont des outils de gestion très importants.
Nous avons donc dû faire preuve de créativité afin de pouvoir examiner l'ensemble des résultats. Mais à mon sens, ce serait une amélioration que de rendre la Loi plus explicite à cet égard.
S'agissant de pratiques exemplaires, il est vrai que dans le secteur bancaire, les femmes ne sont pas très présentes dans les conseils d'administration, mais elles ont tout de même réalisé des progrès considérables en ce qui concerne leur accès aux postes de niveaux supérieurs grâce à une très bonne planification de la relève, des programmes d'encadrement spéciaux à l'intention des femmes, afin de déterminer celles qui devraient bénéficier d'un processus de promotion accélérée, et la présence de championnes très dynamiques au sein des banques.
Quand j'ai commencé à travailler avec les banques—et je précise tout de suite que je ne m'attribue pas le mérite de leur succès ultérieur—entre 2 et 4 p. 100 des femmes occupaient des postes de cadres, c'est-à-dire 200 femmes occupant les postes les plus haut placés au sein d'une organisation qui compte 40 000 employés. Eh bien, dans l'une des banques en question, les femmes représentent à présent plus de 30 p. 100 des cadres, alors que c'était entre 2 p. 100 et 4 p. 100 il y a 15 ans seulement. Donc, ce type de programmation favorable… Beaucoup de femmes s'en vont. Dans le secteur du génie, par exemple, les femmes arrivent toujours à obtenir un premier emploi; c'est le deuxième et le troisième… C'est donc une question de planification de la relève.
Le changement le plus important est celui qui s'opère le plus régulièrement à la suite d'une vérification et l'élaboration de pratiques plus structurées relatives aux ressources humaines. C'est-à-dire que les politiques doivent à ce moment-là se transformer en véritables pratiques. Ainsi les employeurs commencent à apprendre à leurs directeurs du recrutement d'établir une procédure de sélection tout à fait impartiale. Ensuite, en deuxième lieu, les aspects qui sont probablement les plus importants pour garder en poste les femmes qui travaillent dans les sciences ou dans les secteurs non traditionnels sont une bonne planification de la relève, des mesures de promotion, et des occasions d'avancement. Et, bien sûr, le dernier élément est l'accent accru qui est maintenant mis sur des programmes favorisant l'équilibre travail-vie personnelle, qui ont un impact important sur les femmes.
L'hon. Sarmite Bulte: J'apprécie le travail que vous faites. Il est clair que ce travail donne lieu à de changements positifs. Mais j'estime qu'il y a encore beaucoup à faire. Je ne peux pas m'empêcher de tirer cette conclusion. À mon avis, la gestion d'une société relève forcément du conseil d'administration. Or nous ne tenons pas compte de cette composante-là. S'il y avait moyen…même si l'on avait que des rapports de base, fondés sur les mêmes critères, ce serait déjà un début.
Merci.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Merci.
Madame Crowder, s'il vous plaît.
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Moi, aussi, je voudrais vous remercier pour votre exposé liminaire.
J'aimerais simplement vérifier un certain nombre de statistiques. Dans vos remarques, vous avez dit que vous avez effectué 282 vérifications préliminaires et que, par rapport à ce nombre, 191 respectent la Loi. J'aimerais donc savoir à quel pourcentage du nombre potentiel de vérifications que vous pourriez effectuer ce chiffre de 282 correspond—c'est-à-dire par rapport à l'ensemble des organismes chez qui vous pourriez effectuer éventuellement une vérification?
¹ (1555)
M. Rhys Phillips: Cela correspond à 44 p. 100 des employeurs, mais à 77 p. 100 des employés. Nous avons mis l'accent sur les grands employeurs.
Mme Jean Crowder: Donc, vous pourriez encore faire une vérification chez 56 p. 100 des employeurs visés.
M. Rhys Phillips: C'est exact, mais comme je viens de vous le dire, cela ne représente que 24 p. 100 des employés. Pour le moment, nous effectuons de nouvelles vérifications auprès des grands employeurs, qui sont environ 50. Quand ces vérifications seront terminées, le pourcentage d'employeurs non vérifiés ne sera que de 4 p. 100. Même s'il y a en tout 160 employeurs, il s'agit de petits employeurs ayant entre 100 et 120 employés.
Mme Jean Crowder: Donc, vous cherchez à englober autant d'employés que possible?
M. Rhys Phillips: C'est exact.
Mme Jean Crowder: J'aimerais revenir sur la question du maintien en poste, parce que c'est une question intéressante. Du point de vue des pratiques relatives aux ressources humaines, cela coûte beaucoup plus cher de faire sans arrêt du recrutement et de la formation que de s'assurer du maintien en fonction de son effectif. Je sais que les taux de maintien en fonctions chez les Autochtones sont très faibles.
Vous dites que bon nombre de ces ministères possèdent maintenant des bases de données. Même si votre vérification n'inclut pas le maintien en fonctions, avez-vous une idée de la situation actuelle à cet égard? Il est évident que les ministères font la collecte de données.
M. Rhys Phillips: En fait, nous recevons des données sur les taux de maintien en fonctions d'organismes tant publics que privés. L'employeur est tenu de soumettre un rapport annuel à Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Ce rapport inclut des données à la fois sur la promotion et sur le maintien en poste, parce que quand l'employeur fait son analyse de l'effectif, en essayant de voir ce qu'il a dans chaque catégorie par rapport à ce qu'il devrait avoir, il doit également déterminer quel pourcentage de membres de chaque groupe il recrute, à quel pourcentage il donne des promotions, combien de personnes restent en poste, etc.; par exemple, si j'ai une compagnie à Winnipeg et 10 p. 100 de mes employés sont Autochtones, je dois savoir si ces 10 p. 100 correspondent également aux 10 p. 100 ou éventuellement aux 20 p. 100 qui quittent la compagnie. Vous avez raison; c'est un gros problème chez les Autochtones. Le secteur bancaire, qui a tout de même connu un certain succès pour ce qui est d'améliorer sa représentativité, en est maintenant au point où le maintien en fonctions des employés pose vraiment problème.
Par contre, la fonction publique a réussi à augmenter de façon substantielle ses taux de maintien en fonctions. C'est l'une des raisons pour lesquelles ce groupe est très bien représenté dans toute la fonction publique. Même si vous enlevez les Affaires indiennes, ce taux dépasse de loin la disponibilité.
Mme Jean Crowder: Je crois avoir lu que cette représentation est concentrée dans cinq ministères. Les Autochtones sont surreprésentés dans certains ministères—c'est-à-dire, non pas surreprésentés, mais vous savez ce que je veux dire; leur représentation n'est pas égale dans tous les ministères.
Je ne me rappelle pas si le rapport sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale…est-ce que ce rapport présente les taux de maintien en fonctions? Je ne me rappelle pas de les avoir vus.
M. Rhys Phillips: Je n'en suis pas sûr, puisqu'il s'agit du rapport de l'Agence. Ce n'est pas notre rapport.
Mme Jean Crowder: Ah, bon; c'est le rapport de l'Agence. Je suppose que vous n'êtes donc pas en mesure de commenter ce rapport.
Par contre, il est question dans le rapport du fait que—et je pense que cela ferait probablement partie de la vérification—l'équité en matière d'emploi devient une composante de plus en plus importante de la gestion et de la planification des ressources humaines, même si cette notion n'est pas encore pleinement intégrée. Je pense que Mme Brunelle en a un peu parlé dans ses remarques. Que faut-il faire pour passer à l'étape suivante? Vous avez parlé un peu de changements culturels, mais existe-t-il des outils ou mécanismes spécifiques ou…?
Mme Mary Gusella: Pour moi, l'élément clé dans tout cela est le leadership. C'est l'un des aspects importants de ce que j'appelle une stratégie axée sur la responsabilisation. J'essaie justement de faire la promotion de ce genre de stratégie.
Quand je suis arrivée à la Commission, l'une des premières choses que j'ai faites en assumant mes fonctions était de rencontrer le greffier du Conseil privé. Je sais que le greffier avait conclu des accords de responsabilisation avec tous les sous-ministres. Ensemble nous avons convenu qu'il devrait incorporer l'équité en matière d'emploi dans ces accords.
Nous avons donc signé un protocole d'entente qui me permet, chaque année à cette époque, de lui fournir des données indépendantes et les résultats pour l'année en question afin qu'il puisse s'en servir auprès des sous-ministres pour favoriser la responsabilisation. C'est un fait nouveau important, parce que jusqu'alors, ses informations émanaient principalement des ministères. Donc, nous sommes à même de lui offrir une source de données indépendantes qu'il peut ensuite employer pour forcer les responsables ministériels à répondre de leurs résultats.
Donc, le leadership est critique, à mon avis. Et c'est également cela qui va permettre de donner une impulsion favorable au changement culturel. Je vous fais également remarquer qu'aux termes de la nouvelle Loi sur la modernisation de la fonction publique, les responsables ministériels ont une plus grande marge de manoeuvre pour établir des critères liés au mérite, qui tienne compte de leurs besoins en matière de planification de la relève et de compétences précises qui peuvent être évaluées.
Pour moi, cela va permettre de favoriser des pratiques de recrutement et de promotion qui reposent sur des critères plus larges, de telle sorte que l'équilibre dans les équipes de gestion et ce genre de facteur sera pris en compte par les comités de recrutement et de promotion du personnel.
º (1600)
Mme Nina Grewal: Madame Guergis, vous avez la parole.
Mme Helena Guergis: Pourriez-vous répondre à ma dernière question, qui concernait la retraite obligatoire et la situation des aînés? Observez-vous des changements au niveau de notre population vieillissante?
Mme Mary Gusella: Aux termes de la Loi sur les droits de la personne, l'âge est un motif de distinction illicite, si bien que nous recevons justement des plaintes à ce sujet. La Loi précise justement que le fait d'obliger des employés à prendre leur retraite à un certain âge constitue un acte de discrimination qui enfreint la Loi, à moins que l'employeur concerné ne puisse le justifier. Cette pratique est évaluée sur une base sectorielle, et nous avons observé au cours des dernières années, notamment au cours des deux dernières années, une augmentation du nombre de dossiers où une personne prétend avoir fait l'objet de discrimination parce qu'on l'a forcée à prendre sa retraite.
Nous examinons le bien-fondé de chaque plainte, en tenant compte du secteur particulier d'où elle émane. Nous avons un certain nombre de dossiers qui font actuellement l'objet d'une enquête ou qui ont été renvoyés au Tribunal. Heureusement, bon nombre d'entre eux ont pu être réglés par voie de procédures extrajudiciaires.
Donc, nous examinons chacun individuellement, mais je peux vous affirmer qu'il s'agit d'un motif de distinction illicite.
Mme Helena Guergis: Je comprends ce que vous dites. Si je me fonde sur mon expérience, dans la province de l'Ontario, le directeur de la Commission ontarienne des droits de la personne a vivement recommandé au gouvernement provincial d'éliminer la retraite obligatoire dans la province. Je crois savoir que le gouvernement donne suite à cette recommandation. Est-ce quelque chose que vous envisageriez de recommander?
Mme Mary Gusella: Il n'y a pas d'âge de départ obligatoire à la retraite dans la fonction publique fédérale.
Mme Helena Guergis: Je ne parle pas uniquement de la fonction publique.
Mme Mary Gusella: Oui, je vois. Dans les entreprises privées régies par le gouvernement fédéral, il ne devrait pas y avoir d'âge de départ obligatoire à la retraite, à moins que l'entreprise ne puisse le justifier en raison des compétences qui sont requises. Si quelqu'un nous signale qu'on l'a obligé à prendre sa retraite, nous menons une enquête pour déterminer s'il existe des exigences professionnelles pouvant justifier une telle condition. En l'absence de véritables exigences professionnelles, nous allons déclarer qu'il s'agit d'une pratique discriminatoire et renvoyer le dossier…
Mme Helena Guergis: C'est ce qui a été fait en Ontario, mais ils ont tout de même fait une recommandation au gouvernement provincial.
Pendant le temps qui me reste, peut-être pourrions-nous entendre la question de Mme Yelich sur les minorités visibles.
º (1605)
Mme Lynne Yelich: J'aimerais que vous définissiez le terme « minorité visible » par rapport aux quatre groupes. J'ai aussi quelques autres petites questions à vous poser.
J'ai eu l'occasion d'écouter les propos de Mme la juge Abella, qui a préparé un rapport. Peut-être pourriez-vous nous fournir ce rapport. J'aimerais en obtenir une copie, parce que je crois savoir qu'il est très bon. Elle a prononcé un discours lors d'un déjeuner, et je l'ai trouvée excellente. J'aimerais pouvoir prendre connaissance des recommandations qu'elle fait dans ce rapport.
J'ai quelques petites questions à vous poser. Vous dites que dans les banques autochtones, la situation correspondait tout à fait à ce que vous souhaitez en ce qui concerne la représentation des Autochtones. Est-ce parce qu'il y a plus de banques autochtones? Ce facteur a-t-il favorisé ce résultat? Je sais qu'il y a davantage de banques qui sont dirigées par les Premières nations et je me demande donc si c'est un facteur.
Vous avez aussi parlé de leadership. Y a-t-il des mesures proactives que vous pourriez prendre pour encourager les compagnies dans ce sens? Dans ma province, nous avons des sociétés minières qui font du très bon travail pour ce qui est de favoriser le recrutement des Autochtones. Je vous parle là de Cameco et de Cogema, qui sont des compagnies très prospères. De plus, elles encouragent le recrutement des femmes. Je pense que M. Phillips a parlé du fait que les banques essaient d'encourager les femmes à viser des postes de cadres supérieurs.
Mais, pour que les gens soient moins paranoïaques en ce qui concerne les droits de la personne et les affaires touchant des violations de droits, j'aimerais qu'on nous parle davantage des succès—c'est-à-dire de gens qui ont eux-mêmes pris l'initiative de se conformer, qui n'ont pas eu à se faire du mauvais sang pour les vérifications ou qui ne font pas l'objet d'une vérification, justement parce qu'on sait qu'ils favorisent l'équité en matière d'emploi et qu'ils ont fait leur possible pour respecter ce principe.
Dans ma propre circonscription électorale, il y a une mine de potasse. J'ai reçu le rapport de fin d'année de la compagnie en question, et je suis étonnée de voir comment ils ont pu tenir compte de tous ces éléments. Mais, en l'absence d'une définition vraiment claire des quatre groupes désignés, je me demande dans quelle mesure on peut facilement se conformer aux exigences, surtout si on doit viser ou vérifier quatre groupes différents.
Mme Mary Gusella: Je vais demander à Rhys de vous apporter des éclaircissements en ce qui concerne la définition et notre façon de faire.
M. Rhys Phillips: Malheureusement, je n'ai pas amené avec moi la définition précise qui figure dans le règlement d'application, mais la Loi donne effectivement une définition.
Je tiens à préciser, cependant, que les membres des minorités visibles ne sont pas forcément des immigrants. Beaucoup de membres de minorités visibles sont établis au Canada depuis plusieurs siècles de plus que ma propre famille, par exemple.
Mme Lynne Yelich: C'est surtout le terme « visible » qui m'intéresse. Comment définissez-vous ce terme?
M. Rhys Phillips: Selon la formulation qu'on retrouve dans la Loi, il s'agit de personnes qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche, et le règlement d'application énumère les groupes qui sont considérés comme correspondant à des minorités visibles, et ceux qui ne correspondent pas. Par exemple, le fait que des personnes d'ascendance juive ne sont pas comprises a suscité beaucoup de débat dans certains milieux, alors que des personnes d'ascendance arabe sont comprises. Mais l'élément clé est le fait de ne pas être de race blanche ou de n'avoir pas la peau blanche.
La Loi prévoit un mécanisme d'auto-identification pour les sondages, en ce sens que l'employé doit lui-même indiquer s'il se considère comme étant membre d'une minorité visible. La Loi sur l'équité en matière d'emploi précise que les membres de minorités visibles sont des « personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche ».
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Madame Kadis, c'est à vous.
Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.): Merci, madame la présidente.
Vous avez parlé des plaintes que vous avez à traiter. Je pense que vous avez mentionné la compagnie des Chemins de fer nationaux du Canada, plus précisément. J'aimerais que vous nous donniez d'autres détails—sans évidemment divulguer des renseignements personnels et confidentiels—au sujet de ces plaintes et des mesures que vous avez prises pour y donner suite.
Mme Mary Gusella: Je parlais généralement du secteur des transports. Les emplois disponibles dans ce secteur correspondent généralement à des emplois non traditionnels pour les femmes. Parmi les aspects de ce genre de travail non traditionnel qui se révèlent particulièrement problématiques, mentionnons la nécessité d'obtenir des recommandations de bouche à oreille afin de décrocher un emploi, vu l'existence de réseaux où les employés disponibles ne sont pas annoncés publiquement. Cette façon de faire peut constituer un obstacle pour les femmes qui cherchent un emploi. Si le recrutement passe par le bouche à oreille, les femmes n'ont évidemment pas accès à ces emplois lorsqu'ils deviennent disponibles.
Une fois qu'elles ont un emploi, des facteurs tels que le harcèlement, la non-acceptation par les collègues, ou même des épreuves évaluant la force physique et ce genre de choses peuvent vraiment poser problème en ce qui concerne l'accès aux emplois et aux promotions. Il y a le problème des attitudes et celui du harcèlement. Voilà pourquoi nous exigeons, lorsque l'organisme définit son plan d'équité en matière d'emploi, qu'il adopte une politique anti-harcèlement.
En quoi consistent les solutions? Eh bien, nous avons observé des progrès notables grâce à des mesures telles que des cours de formation obligatoires sur la diversité, qui forcent l'organisme à vraiment examiner dans quelle mesure les critères liés à la force physique constituent de véritables exigences professionnelles. Ce genre d'initiative permet de contrer ces éléments négatifs, éléments qui empêchent toujours les femmes de décrocher certains emplois—et de vouloir les garder au fond—si le milieu dans lequel elles doivent travailler est très peu accueillant.
Mme Susan Kadis: Il a été question des membres de minorités visibles à plusieurs reprises. Je me demande si cela touche davantage les femmes ou les hommes. Autrement dit, y a-t-il un double préjudice pour l'un de deux sexes? Les chiffres ne sont pas très élevés—c'est-à-dire, certainement pas aussi élevés qu'ils devraient l'être. Les hommes et les femmes sont-ils touchés de la même façon, ou est-ce pire pour les femmes?
º (1610)
Mme Mary Gusella: Normalement les difficultés sont multipliées pour une personne qui appartient à deux groupes visés par l'équité en matière d'emploi. Dans le domaine des droits de la personne, on parle d'intersectionnalité—autrement dit, lorsqu'il y a « intersection » de deux motifs de distinction illicites, une personne visée par ces deux motifs peut subir un double préjudice. Et c'est certainement le cas.
S'agissant d'équité en matière d'emploi, Rhys, peut-être pourriez-vous nous parler des statistiques?
M. Rhys Phillips: Il est intéressant de noter à cet égard que le secteur public s'est beaucoup mieux débrouillé pour ce qui est de garantir que la situation des femmes qui sont membres de minorités visibles ou Autochtones s'améliore. À part chez les femmes souffrant d'une déficience, où les progrès du secteur privé ont été faibles, la situation des femmes appartenant aux deux autres groupes s'est améliorée jusqu'à un certain point, bien que les progrès accomplis ne soient pas aussi notables que dans le secteur public.
Je dois préciser que la Loi ne nous donne pas vraiment beaucoup de pouvoir dans ce domaine. Nous essayons d'encourager ce genre de choses, mais la Loi n'exige pas explicitement que les employeurs prennent d'autres mesures à part celles qui découlent directement de la problématique homme-femme.
Mme Susan Kadis: Merci.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit l'honorable députée Bulte, qui n'est pas dans la salle pour le moment, concernant les progrès que nous avons réalisés et notre appréciation du travail que vous faites. Il est clair que vous travaillez très fort et que nous avons fait des progrès considérables, mais en même temps, il faut faire mieux. Et le travail du comité vise justement cet objectif-là, qui suppose l'élaboration de recommandations. Par conséquent, nous avons besoin des meilleurs conseils possible sur les autres mécanismes auxquels nous pourrions éventuellement recourir pour favoriser une hausse du nombre de femmes, de membres de minorités visibles, etc., qui sont recrutées dans certains secteurs. Quels sont les obstacles, et que peut-on faire de façon générale pour les contourner?
Mme Mary Gusella: Si ces questions vous intéressent, ce que j'aimerais faire, c'est revenir devant le comité pour vous présenter quelque chose de structuré au sujet des enseignements que nous avons tirés de nos expériences des dernières années en ce qui concerne le fonctionnement de la Loi. Je sais que la Loi va être réexaminée sous peu, et cette discussion tombe donc tout à fait à point nommé. J'aimerais avoir l'occasion de vous parler des leçons que nous avons tirées de la Loi et de nos analyses statistiques, afin de pouvoir vous donner les meilleurs conseils possible.
Mme Lynne Yelich: Pour le moment, il est difficile de dire si vous auriez ou non la note de passage. Comme vous avez actuellement deux femmes et un homme, je ne sais pas dans quelle mesure vous auriez une évaluation positive à la Commission des droits de la personne.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Merci.
Madame Bonsant, vous avez la parole.
[Français]
Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ): Bonjour. Vous avez parlé beaucoup de plaintes et de pourcentage de règlement des plaintes. Cette semaine, on a vu que les femmes dans l'armée ont déposé beaucoup de plaintes liées à la discrimination. Vous n'avez pas parlé non plus des postes additionnels dans les organisations liées à la sécurité: la GRC, les douanes et l'armée. Je voudrais savoir si vous connaissez le pourcentage de femmes qui occupent des postes clés dans ces organisations.
Je poserai mon autre question ensuite. Commençons par celle-ci.
Mme Mary Gusella: Je n'ai pas les chiffres relatifs à ces organisations en main.
En ce qui a trait aux plaintes en général, il s'agit, selon la loi, du deuxième motif. La déficience vient au premier rang, suivie des questions liées au sexe. Nous effectuons maintenant des vérifications auprès des Forces canadiennes et de la GRC.
En 2003, il y a eu 204 plaintes à cet égard, ce qui représentait 16 p. 100 de toutes les plaintes. En 2004, il y en a eu 165, ce qui représentait 17 p. 100 de toutes les plaintes qui ont été acceptées par la commission. Je ne parle pas seulement des organisations liées à la sécurité, mais du total de plaintes.
Mme France Bonsant: Voulez-vous dire que les femmes ou les minorités visibles déposent des plaintes portant surtout sur la déficience et sur des questions liées au sexe? Combien de temps faut-il pour régler ces plaintes? Combien de temps s'écoule-t-il entre le moment où elles sont déposées et le moment où elles sont réglées? D'après ce que j'ai vu, cela peut prendre trois, quatre ou cinq ans. Cette année, est-ce encore aussi long?
º (1615)
Mme Mary Gusella: Je suis contente que vous me posiez cette question, parce que nous travaillons là-dessus de façon acharnée. Quand j'ai été nommée à la Commission canadienne des droits de lapersonne, il fallait de 26 à 30 mois pour régler une plainte. En 2003, il fallait 15 mois, et en 2004, il fallait 12 mois. Nous avons fait cela surtout par règlement, et non en transférant davantage de plaintes à des tribunaux. On a réglé beaucoup plus de plaintes que par le passé. Nous travaillons très fort pour régler les plaintes et pour que cela se fasse plus rapidement. Je vous remercie de votre question.
Mme France Bonsant: J'aimerais savoir si cela est plus fréquent chez les personnes de 35 ans et plus ou chez celles de 35 ans et moins?
Mme Mary Gusella: Parlez-vous des plaintes?
Mme France Bonsant: Oui, je parle des femmes qui déposent des plaintes. Avez-vous des statistiques par groupe d'âge? Madame dit que non.
Mme Mary Gusella: Je ne le crois pas, mais je vais vérifier. Je ne crois pas que nous posions de questions sur l'âge.
Mme France Bonsant: J'ai vu des plaintes contre des gens qui ne voulaient pas engager de jeunes filles parce qu'elles étaient en âge de procréer.
Mme Mary Gusella: C'est interdit par la loi parce qu'il s'agit d'une pratique discriminatoire. On a déjà vu des personnes qui ont perdu leur emploi déposer des plaintes. Cela n'est pas permis et cela a été envoyé devant un tribunal pour qu'un jugement soit rendu.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Merci.
Madame Crowder, s'il vous plaît.
Mme Jean Crowder: Merci.
Mme Yelich a fait allusion au rapport de la juge Abella, soit le rapport de la Commission royale sur l'équité en matière d'emploi. Dans son rapport, elle a affirmé entre autres, que le principe de l'égalité de rémunération pour fonctions équivalentes devrait faire partie intégrante de tous les programmes d'équité en matière d'emploi.
J'aimerais savoir comment on traite ce concept dans la Loi actuellement en vigueur.
Mme Mary Gusella: Encore une fois, merci pour cette question. Il y a environ trois ans, la Commission des droits de la personne a déposé un rapport spécial devant le Parlement en raison de ses préoccupations à cet égard.
À l'heure actuelle, l'équité en matière d'emploi n'englobe pas la parité salariale. La parité salariale est traitée à l'article 11 de la Loi sur les droits de la personne, si je ne m'abuse, qui interdit la pratique consistant à prévoir une échelle salariale différente pour des fonctions équivalentes. Dans notre rapport au Parlement, nous avons indiqué qu'à notre avis, un régime axé sur les plaintes pour traiter les problèmes de parité salariale comporte de nombreux défauts graves, et nous avons donc exprimé notre préférence pour la démarche des vérifications proactives que prévoit la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Une telle démarche nous semble préférable si l'on souhaite protéger les personnes visées par la Loi.
Après le dépôt de notre rapport devant le Parlement, un groupe de travail sur la parité salariale a également été mis sur pied, et ce dernier a, lui aussi, recommandé l'adoption d'un modèle proactif afin de favoriser la réalisation de la parité salariale. Jusqu'ici, il n'y a pas eu de réponse au rapport du groupe de travail sur la parité salariale, que je sache, qui remonte à environ un an.
En ce qui nous concerne, l'équité en matière d'emploi est évidemment un enjeu important, tout comme la parité salariale. Mais ces deux questions sont traitées de façons très différentes dans les lois actuelles. De notre côté, nous nous efforçons, dans le cadre de notre propre processus de changement, de combler un peu cet écart en créant ce que nous appelons notre programme de prévention. Dans le cadre de ce programme, nous travaillons avec les employeurs individuels—pour l'instant, les gros employeurs—après signature d'un protocole d'entente. Cette initiative a pour objet d'encourager l'adoption de mesures autres que celles qui sont strictement exigées par la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Donc, nous essayons de combler les écarts qui existent en travaillant avec les employeurs pour les encourager à prendre d'autres mesures, qui peuvent comprendre à la fois des programmes d'anti-harcèlement et de parité salariale.
De plus, nous estimons que l'une des embûches d'un régime axé sur les plaintes concerne le fait que les personnes qui négocient les conventions collectives peuvent négocier des articles qui sont contraires à la parité salariale; à notre avis, ils doivent, eux aussi, assumer leurs responsabilités. Donc, quand il y a négociation des salaires, ils sont, eux aussi, responsables de la parité salariale. Autrement dit, ce n'est pas la responsabilité d'une seule partie. Le syndicat, comme l'employeur, doit lui aussi assumer ses responsabilités, puisqu'ils négocient ensemble une convention collective.
º (1620)
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Merci, madame Gusella.
Monsieur Powers.
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): À mon avis, votre visite tombe à point nommé, en ce qui nous concerne, et on peut espérer que vous êtes du même avis, étant donné que le réexamen de la Loi va se faire sous peu. Vous avez dû constater que le comité voudrait éventuellement participer à cet examen et recevoir les recommandations provisoires des uns et des autres, au fur et à mesure qu'évolue la situation. Vous avez déjà énoncé certaines préoccupations, et je suis convaincu que dans le contexte d'un réexamen, nous aurions, nous aussi, à en exprimer.
Quant à moi, le comité devrait y participer, et je serais tout à fait favorable à l'idée que vous reveniez devant le comité au moment où ce processus va s'enclencher.
J'ai quelques autres questions à vous poser. Je suppose que je n'ai le temps que de vous en poser une. Peut-être aurai-je un autre tour.
Pourriez-vous m'expliquer un peu la structure de la Commission canadienne des droits de la personne—c'est-à-dire, comment la Commission a été créée, et devant qui vous êtes responsables, en tant que dirigeants de la Commission? Peut-être pourriez-vous, dans un premier temps, passer rapidement en revue avec nous la structure de la Commission.
Mme Mary Gusella: Je serais très heureuse de le faire. La Commission a été mise sur pied par voie législative en 1978, même si la Commission proprement dite n'a lancé ses activités qu'en 1979 environ. Aucune modification fondamentale n'a été apportée à la Loi depuis. On y a ajouté de nouveaux motifs de distinction illicite, mais dans l'ensemble, il s'agit toujours de la même Loi.
En fait, la Commission canadienne a été l'une des premières commissions des droits de la personne à être créées dans le monde. Par conséquent, un grand nombre de pays s'intéressent beaucoup à ce que fait le Canada dans ce domaine, et dans d'autres aussi.
S'agissant de la structure, il y a un président qui est nommé par le Parlement et relève de ce dernier par l'entremise du ministre de la Justice. Ainsi le modèle de gouvernance n'est pas celui du mandataire du Parlement, puisque la Commission est indépendante. En tant que présidente de la Commission, je ne peux être destituée que si les deux Chambres du Parlement adoptent une résolution conjointe à cette fin. Voilà donc qui protège l'indépendance de la Commission.
Si je ne m'abuse, la Loi prévoit un maximum de six commissaires à temps partiel, qui sont nommés par le gouverneur en conseil. Nous avons différents commissaires à temps partiel représentant les diverses régions du pays. Nous les faisons participer aux aspects de notre travail qui concerne les droits de la personne, et plus récemment, nous les avons inclus dans nos efforts de responsabilisation des employeurs en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi. Par conséquent, les vérifications de l'équité en matière d'emploi sont maintenant examinées par la Commission, qui siège à titre de commission.
Voilà donc en quoi consiste l'actuel modèle de gouvernance. Nous avons un secrétaire général qui est le haut fonctionnaire de l'organisme. Nous sommes moins de 200 en tout. Comme je crois vous l'avoir indiqué tout à l'heure en répondant à certaines questions, s'agissant de nos calendriers, nous avons été tout à fait dépassés récemment par le grand nombre de plaintes déposées, à un point tel qu'un arriéré s'est créé. Nous avons donc opéré des changements majeurs au sein de l'organisme au cours des deux dernières années afin de réduire l'arriéré et de mettre en place un modèle de fonctionnement qui ne permettra plus qu'un arriéré se crée.
Nous avons donc réussi à réduire nos délais d'exécution. À un moment donné, ils atteignaient 30 mois, alors qu'en 2002, ils n'étaient que de 26 mois; de plus, le vérificateur général a fait état de graves difficultés au moment de déposer son rapport de 1998. Par conséquent, nous avons depuis réduit nos délais d'exécution à moins de… Le délai est actuellement d'environ 12 mois, ce qui nous met sur un pied d'égalité avec les commissions des droits de la personne au Canada appliquant les normes les plus élevées.
Voilà donc essentiellement notre mode de fonctionnement. Nous acceptons des plaintes à condition que ces dernières relèvent de notre responsabilité. Aux termes de la Loi, le dernier acte de discrimination doit avoir été commis moins d'un an auparavant, alors c'est en fonction de ce délai que nous pouvons accepter des plaintes.
º (1625)
M. Russ Powers: Quand nous en serons au deuxième tour de questions, je voudrais poser une question sur la politique touchant l'équité en matière d'emploi.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Je pense que nous avons suffisamment de temps pour un deuxième tour de questions. Madame Yelich, vous avez la parole.
Mme Lynne Yelich: Oui. Je me demandais… J'ai appris quelque chose aujourd'hui : ces termes ne sont pas interchangeables. Je pensais que l'équité en matière d'emploi et l'équité salariale était la même chose.
Je m'imagine difficilement la charge de travail que représentent les dossiers qui sont actuellement en cours d'instruction. Je vais donc vous poser la question directement : y a-t-il beaucoup de poursuites judiciaires, et y en a-t-il beaucoup qui sont en instance?
Peut-être pourriez-vous me donner un exemple du genre de plaintes que vous recevez. À part pour des motifs comme le harcèlement sexuel en matière de pratiques de recrutement, recevez-vous beaucoup de plaintes de la part de personnes qui viennent d'être recrutées? Par exemple, si je fais une annonce, vais-je finir par comprendre que si…? En fait, c'est justement ça qui m'est arrivé : quelqu'un m'a dit : « Vous ne m'engagerez pas, parce que je suis trop vieille », tout simplement parce qu'une jeune personne venait de passer la porte. Et je me suis dit : non, jamais… J'était très contrariée, parce qu'elle aurait même pu décrocher l'emploi si elle n'avait pas dit ça. Alors, je me pose la question : quand ce genre de chose se produit, et qu'on vous dépose une plainte, qu'est-ce que vous en faites? Ça doit être difficile pour votre personnel.
Je me demande ce que vous faites à propos des plaintes frivoles, par rapport à celles qui sont sérieuses—ça doit être assez difficile d'examiner objectivement les deux types de plaintes—et quel est votre délai d'exécution; je pense qu'il en a été question tout à l'heure. J'aimerais que vous me donniez des exemples de plaintes que vous avez reçues, à part celles qui concernent le harcèlement sexuel, si possible.
Je voudrais aussi que vous me parliez un petit peu de la procédure que vous suivez, un peu comme ce que vous demandait M. Powers qui s'intéressait au cadre. Par exemple, une dame vient vous voir en disant qu'elle n'a pas été recrutée parce que, à son avis, elle était vieille. C'est peut-être pour cela que nous discutons aujourd'hui des aînés. Le fait est que nous avons reçu beaucoup de plaintes à propos de la retraite obligatoire.
Mme Mary Gusella: Il existe 11 motifs de distinction illicite. Aux termes de la loi, en plus du sexe, soit l'état civil, l'orientation sexuelle, la déficience—et les tribunaux ont déterminé que cela comprend une déficience perçue—la religion, la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique… J'en ai probablement oublié un certain nombre, mais il y a aussi le motif de distinction relatif à une infraction commise par une personne qui a été réhabilitée. Ça c'est un motif inhabituel. Mais voilà la gamme…
Mme Lynne Yelich: Et qui a la charge de la preuve?
Mme Mary Gusella: Le domaine des droits de la personne représente à cet égard un domaine intéressant. C'est au plaignant de produire des preuves relatives aux pratiques discriminatoires. Dans chaque cas, la situation est un peu différente. La discrimination peut être difficile à repérer, et une enquête est parfois nécessaire pour avoir une vue d'ensemble. Mais je peux vous donner un exemple qui a trait au recrutement en vous expliquant la décision des tribunaux à ce sujet.
Les tribunaux ont statué, par exemple—et c'est ce sur quoi nous appuyons nos enquêtes—que si plusieurs personnes posent leur candidature à un poste et que le candidat retenu a les mêmes qualifications que celui dont la candidature n'a pas été retenue, en dehors de ce qu'on appelle le fondement de l'action—c'est-à-dire ce qui permet de conclure ou non à la présence d'un motif de discrimination illicite—cela constitue une preuve prima facie permettant de faire passer l'affaire à l'étape suivante. Autrement dit, il s'agit d'un cas apparemment fondé sur la discrimination. Même s'il n'y a pas de preuve directe, on peut tirer certaines conclusions.
La législation relative aux droits de la personne a évolué au fil des ans, pour chacun des différents motifs, relativement à ce qui constitue une preuve suffisante dans chaque cas. Permettez-moi de vous expliquer le processus. Cela va peut-être vous intéresser, surtout que nous essayons de concentrer nos efforts sur les premières étapes du processus, si vous voulez.
Vous avez employé le terme « poursuite ». La Commission avait l'habitude—et là je parle de son mode de fonctionnement au fil des années, en partie, à mon avis, à cause de l'arriéré qui s'est créé—d'opter pour la judiciarisation et une approche plutôt accusatoire. Il fallait aller jusqu'au bout avant d'en arriver à la question essentielle. Il se trouve que c'est également cette partie-là de la démarche qui est la plus coûteuse et, bien entendu, tout cela prend du temps, puisqu'il faut en arriver là pour pouvoir avancer.
S'agissant donc de notre modèle de fonctionnement, nous avons décidé que cette démarche accusatoire ne convenait à personne. Elle ne convient pas aux particuliers puisque ces derniers n'ont aucune possibilité de guérison avant la fin des procédures. Et même s'ils ont gain de cause devant le tribunal, soit l'arbitre indépendant des faits en litige, le plus souvent une solution imposée ne les satisfait guère. Dans ce contexte, il y a forcément un gagnant et un perdant.
Nous avons donc mis au point un modèle de fonctionnement permettant de réorienter nos ressources de façon à les concentrer au début du processus plutôt qu'à la fin, si bien que nous consacrons plus de temps à présent à l'évaluation initiale de la plainte qui est déposée. Nous avons mis sur pied des équipes qui se chargent de cette évaluation initiale, et dont les membres comprennent les avocats, dont certains étaient autrefois plaideurs. De concert avec les décideurs politiques, ils examinent la plainte au tout début du processus. Il s'agit d'une équipe interfonctionnelle et interdisciplinaire qui évalue la plainte en vue de déterminer, en fonction des faits qui sont allégués, quelle est la meilleure procédure à suivre pour la régler.
Il pouvait s'agir d'une plainte individuelle. Cela pouvait également dénoter la présence d'un problème lié aux politiques de l'organisme en question, puisque la discrimination peut être en rapport avec l'emploi ou le travail qu'il offre. Donc l'équipe cherche à déterminer par quelle filière il convient de passer pour l'instruction et le règlement de la plainte.
Même là, nous essayons de recourir à la procédure extrajudiciaire de règlement des conflits. Nous proposons la médiation dès le départ. En fait, l'option de la médiation est toujours disponible durant le processus, et de plus en plus…en réalité, le nombre de plaintes réglées grâce à la médiation a presque doublé. Voilà qui permet à l'intéressé de clore convenablement le processus et de se concentrer sur la guérison, et à l'organisme concerné de prendre des mesures pour prévenir de telles difficultés à l'avenir. Peut-être ce dernier doit-il élaborer une nouvelle politique, ou encore faire de la formation auprès de ses employés. Les initiatives peuvent prendre diverses formes, selon les besoins.
º (1630)
Mme Lynne Yelich: Avez-vous des statistiques ou des critères en vertu desquels vous pouvez démontrer votre succès? Avez-vous un taux de succès élevé?
J'aurais une autre observation à faire avant de partir.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Monsieur Powers, s'il vous plaît.
M. Russ Powers: Si vous voulez d'abord répondre à cette question, je vous invite à le faire, et ensuite vous pourrez répondre à la mienne.
Mme Mary Gusella: D'accord. La réponse est oui. Je vous invite à examiner le rapport que nous avons déposé devant le Parlement l'an dernier, où nous avons commencé à expliquer notre démarche de changement. Nous sommes en train de mettre la dernière main au rapport de cette année, que nous déposerons le 31 mars et qui présente les activités menées pendant la deuxième année de notre démarche de changement.
M. Russ Powers: Bon. Je me lance, alors.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi vise les employeurs qui sont soutenus par le gouvernement fédéral. C'est bien ça?
Mme Mary Gusella: Ceux qui sont régis par le gouvernement fédéral.
M. Russ Powers: Oui, régis et soutenus par le gouvernement fédéral. D'accord.
La politique sur l'équité n'est qu'un énoncé. Peut-être pourriez-vous nous apporter des éclaircissements à ce sujet. C'est un énoncé émis par le Secrétariat du Conseil du Trésor, mais qui vise quoi au juste?
Mme Mary Gusella: La Loi sur l'équité en matière d'emploi vise l'ensemble des ministères et organismes fédéraux dont le Conseil du Trésor est l'employeur ou agit comme tel, de même que les entreprises privées régies par le gouvernement fédéral, comme Bell Canada, Air Canada, etc. Comme le Conseil du Trésor est l'employeur fédéral pour tous ces ministères—et là je ne parle pas des sociétés d'État, qui sont également visées par la Loi mais dont le Conseil du Trésor n'est pas l'employeur—le Conseil du Trésor établit des politiques relatives à l'équité en matière d'emploi.
Notre rôle est précisé dans la Loi proprement dite, et consiste à effectuer des vérifications pour déterminer le degré de conformité avec la loi des ministères et organismes fédéraux, de même que les entreprises privées régies par le gouvernement fédéral.
M. Russ Powers: Ces éclaircissements sont très utiles. Merci.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Madame Brunelle, vous avez la parole.
º (1635)
[Français]
Mme Paule Brunelle: Si je comprends bien, vous avez parlé de discrimination systémique. J'espère qu'on n'en retrouve plus au Canada. Il reste qu'on doit tout de même attendre que les mentalités évoluent pour faire progresser l'égalité et la cause des femmes. Le travail que vous faites est intéressant et semble bien fonctionner.
Avez-vous des défis? Quels seront les défis à relever au cours des prochaines années pour atteindre cette équité?
Mme Mary Gusella: Le principal défi est la charge de travail, puisque nous travaillons avec les ressources prévues et que nous ne voulons pas en demander d'autres. Nous nous sentons très responsables face à nos ressources et nous voulons travailler avec celles que nous avons. Mais le nombre de plaintes augmente tous les ans. C'est pour cette raison que nous travaillons de plus en plus à la prévention. Nous voudrions en arriver à ce qu'il n'y ait plus de plaintes. Ce serait l'idéal. Nous consacrons maintenant des ressources à la prévention. Nous voulons aussi travailler d'une façon proactive, encore pour prévenir les plaintes, parce qu'il y a des problèmes systémiques et que nous voulons faire les recherches nécessaires.
L'un des problèmes systémiques vient de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dans laquelle il y a un article qui dit que les aborigènes vivant dans les réserves n'ont pas le droit de déposer de plaintes. C'est injuste et inacceptable en 2005. On a proposé que cette section soit éliminée.
De plus, on a entrepris une étude sur l'accessibilité pour les sourds. Ils ne pouvaient pas utiliser nos lignes, et les plaintes étaient nombreuses. C'est aussi un problème systémique et on enquête actuellement là-dessus. Plusieurs personnes souffrent si les choses ne fonctionnent pas bien, et nous voulons avoir un impact au niveau des droits de la personne. C'est de cette façon que nous souhaitons travailler, car cela a un impact majeur.
Mme Paule Brunelle: Le système québécois est très contraignant pour les employeurs et leur donne des responsabilités au niveau du harcèlement sexuel et du tabagisme. L'employeur devrait presque avoir vu les cas de harcèlement psychologique ou sexuel que subissent leurs employés. Ils ont le fardeau de la preuve, si on veut.
Croyez-vous qu'une responsabilisation accrue des employeurs soit une voie d'avenir, ou est-ce utopique et impossible?
Mme Mary Gusella: Notre but, en faisant de la prévention, est de faire en sorte que les employeurs et tous les gestionnaires soient responsables d'avoir une culture des droits de la personne dans chaque milieu de travail. C'est donc un idéal pour moi. En ce qui a trait aux politiques et aux problèmes systémiques, je ne crois pas que la discrimination soit volontaire. Je crois qu'elle est plutôt due au fait qu'on implante des politiques sans avoir fait suffisamment d'études. On constate parfois très rapidement, ou alors quelques années plus tard, que cela a eu un effet négatif sur un groupe spécifique. Ces questions sont très complexes; il vaut la peine de biens les étudier de façon systématique, afin d'arriver à les éliminer.
º (1640)
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Merci.
Madame Crowder, s'il vous plaît.
Mme Jean Crowder: Je voudrais très rapidement revenir sur ce que vous venez de dire à propos de l'insuffisance des analyses portant sur les politiques. Je présume que vous allez élargir un peu votre rayon d'action, mais quant à nous, nous avons évidemment consacré pas mal de temps aux analyses comparatives entre les sexes.
En vous fondant sur votre expérience, pourriez-vous nous dire s'il y a certaines éléments ou techniques comme l'analyse comparative entre les sexes sur lesquels il convient d'attirer notre attention pour nous aider à analyser les politiques qui sous-tendent les lois?
Mme Mary Gusella: C'est une question très large que vous me posez là.
En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, ce que je peux vous dire, c'est que notre travail nous a permis de constater que lorsque les employeurs établissent de bonnes structures et de bonnes bases de données relatives à leurs ressources humaines, ils disposent de bien meilleurs outils pour comprendre les effets potentiellement négatifs de leurs actions, comme ceux que l'analyse comparative entre les sexes doit permettre de dégager.
La contribution qu'apporte justement l'équité en matière d'emploi consiste souvent en une série d'outils permettant de faire de bonnes analyses. Il s'agit d'avoir des banques de données, de comprendre les tendances, et de comprendre également les effets d'une politique sur des groupes particuliers. Ce n'est pas quelque chose qu'on puisse faire de manière théorique. Il vous faut absolument les données qui vous permettront de comprendre la réalité d'un groupe particulier qui fait partie de votre effectif.
Mme Jean Crowder: Par curiosité, pourriez-vous me dire si certains ministères fédéraux vous ont déjà demandé conseil à propos de l'analyse comparative entre les sexes? Je suppose que c'est le genre de chose qui arrive vers la fin du processus de traitement des plaintes, lorsqu'on constate que des politiques ou des lois ont nui à la situation de certaines personnes. Y a-t-il des ministères qui vous ont demandé de faire cela dès le départ?
Mme Mary Gusella: Non, on ne nous l'a jamais demandé. Je ne crois pas que le groupe de l'équité en matière d'emploi…
Mais dans ce domaine, vous travaillez tout de même sur une base interministérielle, n'est-ce pas?
M. Rhys Phillips: Nous disons toujours aux employeurs que nous sommes là pour effectuer une vérification, et non pour leur donner des conseils. Ensuite nous tenons des consultations avec eux, étant donné le rôle très particulier que nous confie la Loi. Nous avons fait beaucoup de travail. Par exemple, nous entamons une vérification très bientôt—ce moi-ci—chez les Forces canadiennes. J'espère que nous pourrons constater assez rapidement que ces dernières sont en conformité avec la Loi, car au cours des deux dernières années, nous avons travaillé en étroite collaboration avec leurs responsables pour les aider à faire leurs analyses.
Souvent je rencontre les représentants des ministères chargés de l'équipe en matière d'emploi pour leur expliquer comment procéder à une analyse comparative non seulement entre les sexes, mais entre les races, et entre les personnes valides et invalides. Pour qu'on considère qu'un employeur respecte les dispositions de la Loi, il faut que ce dernier ait une procédure en place permettant de garantir que des analyses comparatives entre les sexes, entre les races, et entre les personnes valides et invalides seront effectuées par rapport à l'ensemble des éléments de leurs systèmes de RH au fur et à mesure qu'ils se développent. Autrement dit, ce n'est pas uniquement ce qu'ils avaient par le passé ou ce qu'ils emploient maintenant qui compte; il faut que l'employeur ait mis en place une procédure en bonne et due forme qui indique qu'il compte continuer à faire de telles analyses à l'avenir.
Donc, la réponse à votre question est non; par contre, même si cela ne fait pas partie de notre mandat, il nous arrive de le faire assez fréquemment.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Merci.
Madame Kadis, s'il vous plaît.
Mme Susan Kadis: Je n'ai pas de question.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): Y en a-t-il d'autres qui ont des questions à poser?
Madame Yelich.
Mme Lynne Yelich: Je suis vraiment contente que vous voyez parmi nous aujourd'hui. J'ai trouvé cette séance bien utile. Je pense que nous souhaiterions tous passer beaucoup plus de temps avec vous, vu l'ampleur de vos activités.
Lors d'une future réunion avec vous, j'aimerais que vous nous parliez de vos homologues provinciaux. Il y a des organismes comme le vôtre dans toutes les régions du pays. Je vous invite donc à vous évaluer comme si vous deviez vous attribuer une note. Vous avez dit que vous êtes 200 en tout. Mais je ne vois aucun membre d'une minorité visible devant moi aujourd'hui, alors que vous êtes trois.
J'essaie d'être aussi dure envers vous que vous le serez envers les employeurs. Si vous l'êtes, je vous inciterais à aller même plus loin. Que feriez-vous si l'on vous disait qu'il existe de la discrimination axée sur le code postal? Nous avons déjà attaqué le gouvernement pour avoir annoncé des emplois uniquement dans la région de la Capitale nationale. Vous, vous essayez d'assurer la représentativité des quatre groupes. À qui pourriez-vous vous adresser? Vous adresseriez-vous au gouvernement fédéral, ou plutôt au ministère qui a fait l'annonce? Et que feriez-vous à l'égard de cette annonce invitant des personnes ayant seulement certains codes postaux à poser leur candidature? Pour moi, il s'agit d'une autre forme de discrimination.
Je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui. Vous avez beaucoup de connaissances, et vous êtes évidemment très compétentes.
º (1645)
Mme Mary Gusella: Pour répondre à ce que vous avez dit au sujet de la Commission elle-même, je précise que nous avons décidé de nous soumettre à une vérification externe indépendante, qui a conclu que nous étions en conformité avec la Loi. Mais il s'agissait d'une vérification indépendante.
M. Rhys Phillips: Pour vous dire la vérité, nous avons demandé au secrétaire général de l'époque de signer des engagements, car la Commission n'était pas en conformité avec la Loi à l'époque, mais elle a pris les mesures qui s'imposaient en temps opportun pour rectifier la situation.
Mme Lynne Yelich: J'aillais vous demander qui prépare les évaluations de votre rendement et dans quelle mesure vous êtes en conformité avec la Loi. Mais vous venez de répondre à ma question. Merci.
La vice-présidente (Mme Nina Grewal): J'invite Mme Gusella à remettre une copie de son exposé au greffier.
Je vous remercie tous d'avoir pris le temps d'assister à la réunion d'aujourd'hui. Vous nous avez appris beaucoup de choses.
La séance est levée.