FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la condition féminine
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 3 mai 2005
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)) |
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD) |
La présidente |
¹ | 1540 |
Mme Debra Critchley (coordonnatrice, Vernon and District Women's Centre Society, B.C. Rural Women's Network) |
La présidente |
Mme Lise Girard (secrétaire générale, Association féminine d'éducation et d'action sociale) |
¹ | 1545 |
La présidente |
Mme Lise Girard |
La présidente |
La présidente |
Mme Beverley Jacobs (présidente, Association des femmes autochtones du Canada) |
¹ | 1550 |
La présidente |
Mme Kathy Marshall (directrice générale, Womenspace, Coalition pour l'égalité des femmes) |
La présidente |
Mme Laurie Ann McCardle (directrice générale, Women's Network of P.E.I., Women's Network Office) |
La présidente |
Mme Doreen Parsons (directrice générale, Women's Economic Equality (WEE) Society) |
¹ | 1555 |
La présidente |
Mme Susan Prentice (membre, Comité directeur, Child Care Coalition of Manitoba) |
La présidente |
Mme Cecilia Diocson-Sayo (directrice générale, Philippine Women's Centre of B.C.) |
º | 1600 |
La présidente |
Mme Bev Suek (directrice générale, Centre d'entreprise des femmes) |
La présidente |
Mme Sharon Taylor (directrice générale, Wolseley Family Place) |
º | 1605 |
La présidente |
º | 1610 |
Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC) |
Mme Bev Suek |
Mme Joy Smith |
Mme Bev Suek |
Mme Joy Smith |
Mme Susan Prentice |
º | 1615 |
La présidente |
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ) |
La présidente |
Mme Joyce Hancock |
La présidente |
Mme Debra Critchley |
º | 1620 |
La présidente |
Mme Beverley Jacobs |
La présidente |
Mme Lise Girard |
La présidente |
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
Mme Susan Prentice |
º | 1625 |
L'hon. Paddy Torsney |
Mme Debra Critchley |
La présidente |
Mme Bev Suek |
Mme Cecilia Diocson-Sayo |
º | 1630 |
La présidente |
Mme Jean Crowder |
Mme Joyce Hancock |
La présidente |
Mme Laurie Ann McCardle |
Mme Debra Critchley |
º | 1635 |
L'hon. Paddy Torsney |
Mme Debra Critchley |
L'hon. Paddy Torsney |
La présidente |
L'hon. Paddy Torsney |
Mme Jean Crowder |
La présidente |
Mme Debra Critchley |
La présidente |
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.) |
Mme Susan Prentice |
Mme Sharon Taylor |
Mme Joyce Hancock |
M. Russ Powers |
Mme Joyce Hancock |
La présidente |
Mme Sharon Taylor |
La présidente |
º | 1640 |
Mme Lise Girard |
La présidente |
Mme Joy Smith |
Mme Sharon Taylor |
º | 1645 |
Mme Joy Smith |
Mme Sharon Taylor |
Mme Joy Smith |
La présidente |
Mme Doreen Parsons |
La présidente |
Mme Beverley Jacobs |
La présidente |
Mme Cecilia Diocson-Sayo |
º | 1650 |
La présidente |
Mme Kathy Marshall |
La présidente |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC) |
Mme Debra Critchley |
Mme Lynne Yelich |
Mme Debra Critchley |
Mme Lynne Yelich |
º | 1655 |
Mme Debra Critchley |
La présidente |
Mme Lynne Yelich |
Mme Joyce Hancock |
» | 1700 |
Mme Lynne Yelich |
Mme Joyce Hancock |
La présidente |
Mme Susan Prentice |
Mme Lynne Yelich |
Mme Susan Prentice |
Mme Lynne Yelich |
Mme Susan Prentice |
La présidente |
Mme Susan Prentice |
Mme Sharon Taylor |
La présidente |
Mme Lise Girard |
» | 1705 |
La présidente |
Mme Jean Crowder |
Mme Bev Suek |
La présidente |
Mme Debra Critchley |
» | 1710 |
La présidente |
Mme Sharon Taylor |
La présidente |
Mme Susan Prentice |
La présidente |
Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ) |
Mme Cecilia Diocson-Sayo |
» | 1715 |
La présidente |
Mme Joyce Hancock |
» | 1720 |
La présidente |
Mme Lynne Yelich |
La présidente |
Mme Susan Prentice |
La présidente |
Mme Beverley Jacobs |
La présidente |
Mme France Bonsant |
» | 1725 |
La présidente |
Mme Debra Critchley |
Mme Sharon Taylor |
» | 1730 |
La présidente |
Mme Lise Girard |
La présidente |
L'hon. Paddy Torsney |
» | 1735 |
M. Russ Powers |
L'hon. Paddy Torsney |
La présidente |
Mme Debra Critchley |
» | 1740 |
La présidente |
Mme Susan Prentice |
Mme Bev Suek |
» | 1745 |
Mme Joyce Hancock |
La présidente |
M. Russ Powers |
Mme Bev Suek |
M. Russ Powers |
M. Russ Powers |
» | 1750 |
Mme Debra Critchley |
» | 1755 |
La présidente |
Mme Cecilia Diocson-Sayo |
La présidente |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
¼ | 1800 |
Mme Joyce Hancock |
La présidente |
Mme Debra Critchley |
¼ | 1805 |
La présidente |
Mme Beverley Jacobs |
La présidente |
Mme Bev Suek |
La présidente |
Mme Paule Brunelle |
¼ | 1810 |
La présidente |
Mme Sharon Taylor |
Mme Bev Suek |
¼ | 1815 |
La présidente |
Mme Cecilia Diocson-Sayo |
La présidente |
Mme Susan Prentice |
La présidente |
Mme Doreen Parsons |
La présidente |
Mme Laurie Ann McCardle |
¼ | 1820 |
La présidente |
Mme Kathy Marshall |
Mme Beverley Jacobs |
Mme Joyce Hancock |
Mme Lise Girard |
¼ | 1825 |
Mme Debra Critchley |
La présidente |
Mme Lynne Yelich |
La présidente |
Mme Jean Crowder |
¼ | 1830 |
La présidente |
L'hon. Paddy Torsney |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la condition féminine |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)): Bonjour tout le monde et bienvenue.
Je suis ravie de souhaiter la bienvenue ici à des personnes venues de tout le Canada pour aider le nouveau Comité permanent de la condition féminine dans ses discussions.
Laissez-moi pour commencer faire un petit historique de ce qui a mené à notre réunion d'aujourd'hui. Certaines d'entre vous ont comparu devant le comité au tout début, pour l'aider à établir certaines de ses priorités et à repérer certains problèmes. À l'époque, à la fin des réunions—nous avons eu environ six semaines de réunions, où nous avons entendu le témoignage d'une cinquantaine de groupes provenant des quatre coins du pays—, nous avons identifié et établi des priorités découlant des témoignages entendus.
L'un des problèmes signalés haut et clair a été toute la question du financement de base. Vous savez peut-être que nous avons remis un rapport au Parlement—nous en avons des exemplaires ici—demandant à ce que des fonds supplémentaires soient alloués au programme de la condition féminine. Mais nous n'avons pas abordé la question du financement de base ou financement à long terme, si bien que le comité s'est entendu pour tenir deux discussions, deux tables rondes, pour traiter de ces questions de financement, avec les groupes de femmes et les organismes de revendication de l'égalité des femmes.
Il y a autour de la table toute une gamme de groupes et d'organismes de revendication de l'égalité, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, littéralement. Un autre groupe se joindra à nous mardi prochain. Je ne sais pas si toutes les régions du pays sont représentées ici aujourd'hui, mais nous avons fait notre possible pour nous adapter aux obligations des groupes qui devaient comparaître devant le comité.
Je voulais vous remercier d'être venues avec si peu de préavis, vous remercier aussi d'avoir fait vos devoirs. Le comité et moi apprécions pleinement les efforts que vous avez déployés pour nous soumettre un mémoire de deux pages. Ces documents sont essentiels si nous voulons comprendre quels sont les problèmes.
Si vous vous demandez selon quel ordre vous êtes assises autour de la table, le greffier m'indique qu'il a juste adopté un ordre alphabétique, tout bonnement.
Bien. Nous allons entamer notre tour de table. Je suggérerais que nous procédions ainsi. Nous vous avons demandé de faire chacune une déclaration d'une minute sur les questions qui vous intéressent. C'est une approche inhabituelle pour un comité parlementaire, mais nous l'avons adoptée délibérément, pour essayer de susciter une discussion interactive, sans que les gens s'éternisent, sauf votre respect, sur d'épais mémoires. Nous voulons une interaction entre les membres du comité et vous, qui êtes venues ici aujourd'hui.
Je vais faire mon possible pour que la séance soit interactive. Nous avons généralement un ordre pour les questions, mais, après la présentation des mémoires, je vais demander à l'opposition officielle d'entamer les questions, puis assurer un déroulement aussi interactif que possible, afin de permettre à chacun de dire son mot. Je ferai de mon mieux, avec l'aide du greffier et du personnel de recherche, pour maintenir une liste des personnes souhaitant parler, afin que chacun ait la possibilité de participer à la discussion et de réagir.
Après la discussion, je demanderai à chacune d'entre vous de faire à nouveau une déclaration d'une minute, afin de résumer ce qui, à votre sens, est le point le plus important. Beaucoup d'entre nous ont participé à ce type de discussion dans leur propre collectivité et en ont retiré certaines idées, mais je pense qu'il est important que nous entendions tous quels sont vos problèmes.
Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être jointes à nous. Je crois que nous allons commencer dans l'ordre où vous êtes assises, alphabétiquement.
Mme Crowder.
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): J'ai une petite précision à demander. Je croyais que nous comptions nous concentrer surtout sur les solutions, pas sur les problèmes.
La présidente: Merci. Oui, c'est bien notre intention et je voulais le mentionner. Nous attendons de vous des idées concrètes, des recommandations à faire au gouvernement sur la façon dont on peut faire progresser la question, si c'est possible, des solutions concrètes pour faire des progrès.
Merci.
Debra Critchey, voulez-vous commencer?
¹ (1540)
Mme Debra Critchley (coordonnatrice, Vernon and District Women's Centre Society, B.C. Rural Women's Network): Merci beaucoup de m'avoir donné la chance de comparaître aujourd'hui.
Je m'appelle Debra Critchley et je travaille au centre pour femmes de Vernon, en Colombie-Britannique. Ce centre est membre de la BC Coalition of Women's Centres, qui représente environ 31 des 35 centres pour femmes qui existent encore en Colombie-Britannique. Notre centre pour femmes gère les initiatives du B.C. Rural Women's Network.
Les indications que j'ai reçues quant à notre déclaration d'une minute n'étaient pas très claires. Je ne sais pas si je présente des solutions, mais j'espère que c'est le cas et je vais faire ma déclaration.
La Colombie-Britannique constitue l'un des exemples les plus récents de ce qui se produit quand un gouvernement provincial supprime son soutien aux organismes de revendication de l'égalité des femmes. Tous les centres pour femmes disposaient autrefois d'un financement de base provincial, et ce depuis 1998, je crois. La promotion de l'égalité des femmes ne devrait pas être laissée au bon vouloir des provinces, surtout pas en l'absence de mécanismes pour que le gouvernement fédéral s'en occupe. Je vous rappelle que les Nations Unies ont critiqué la Colombie-Britannique spécifiquement pour les changements de politique récents affectant les femmes.
Le Canada a de nombreuses obligations en ce qui concerne les femmes, notamment dans le cadre de l'ACDI. Le rétablissement du financement de base est la première étape pour que se maintiennent les organismes de revendication de l'égalité des femmes au Canada et que soit ainsi illustré l'engagement du Canada envers l'égalité des femmes. Le rétablissement de ce financement de base est possible, c'est la chose juste à faire pour soutenir les organismes de revendication de l'égalité des femmes.
La présidente: Merci.
Lise Girard, voulez-vous enchaîner?
Allez-y.
[Français]
Mme Lise Girard (secrétaire générale, Association féminine d'éducation et d'action sociale): Je tenterai d'être brève. J'avoue avoir suivi le plan qu'on nous avait fait parvenir concernant les questions qui seraient abordées. J'ai donc repris les questions une à une.
Tout d'abord, je suis de l'AFEAS, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. C'est un organisme du Québec qui regroupe 15 000 femmes réparties dans 350 localités. L'AFEAS est un organisme d'éducation et d'action sociale qui travaille surtout à la défense des droits des femmes.
On nous avait demandé de brosser un tableau du financement actuel de l'organisation. Le budget annuel du siège social de l'AFEAS est de l'ordre de 662 000 $. Si l'on ajoute à cela les budgets des 12 entités administratives, on arrive à un total d'environ 1 million de dollars par année. Pour ce qui est de la façon dont ces fonds sont répartis, précisons que 53 p. 100 de ces derniers proviennent du financement interne, c'est-à-dire des cotisations et des activités de financement; 36 p. 100 de l'aide gouvernementale, dont 105 000 $ du gouvernement du Québec et environ 125 000 $ du Programme de promotion de la femme; et 11 p. 100 d'ententes que l'AFEAS négocie avec des partenaires du secteur privé en échange de visibilité lors de ses activités et dans ses publications. Parmi les principaux partenaires, on peut noter des compagnies pharmaceutiques comme Lilly et Merck Frosst, des partenaires du secteur financier comme le Fonds de sécurité Desjardins et Visa Desjardins et des partenaires du secteur des biens et services comme GREICHE & SCAFF et Bétonel.
L'autre question concernait le fonctionnement de l'actuel modèle de financement par projet du Programme de promotion de la femme. Au cours des dernières décennies, l'AFEAS a choisi, de façon volontaire, de stabiliser son financement de base en diversifiant ses sources de revenu. Il y a plusieurs années, l'AFEAS a fait le choix de ne pas dépendre entièrement d'une seule source de revenu et d'augmenter son fonds de roulement, de façon à ne pas devoir interrompre temporairement ses activités au cours de l'année, advenant le cas où les entrées de fonds accuseraient du retard. C'est précisément après avoir été confrontés à des problèmes de liquidité et de projets mis sur pied que nous avons pris cette décision.
On nous demandait si l'AFEAS était avantagée par le financement par projet. C'est probablement le cas, parce que son fonctionnement de base est stable. Son personnel permanent et ses installations lui permettent de développer plus facilement des projets, et ce, sans interrompre son fonctionnement de base.
On nous demandait également d'aborder la forme que devrait prendre le financement de base. Nous admettons volontiers que l'identification des groupes pouvant avoir accès à un financement de base de Condition féminine Canada n'est pas une question simple à résoudre. Au Québec, ce même dilemme s'est posé il y a quelques années lorsque le gouvernement du Québec a décidé de réviser tous ses programmes d'aide aux organismes d'action communautaire. Dans le cadre de ce processus de révision, il a été clairement précisé que dorénavant, même si l'on réservait des sommes pour des projets spécifiques, les organismes dont les activités avaient été jugées directement liées à leur mission auraient droit à du soutien en matière de fonctionnement de base. Toutefois, la classification des organismes, il faut l'avouer, a donné lieu à de nombreux tiraillements.
Toutes les questions qui entourent l'autofinancement sont aussi à considérer. Les ressources financières gouvernementales étant nettement insuffisantes pour assurer le financement de base des organismes oeuvrant pour l'égalité, comment choisir, sur une base équitable, ceux qui auront droit à un tel financement? Comment octroyer un financement de base tout en favorisant la recherche d'autres sources de financement?
Pour les organismes du Québec, il existe une problématique particulière. En effet, un grand nombre d'organismes du Québec, pour des raisons de culture et de langue, concentrent leurs activités dans une seule province. De plus, toujours pour ces mêmes raisons, les organismes d'autres provinces...
¹ (1545)
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi, pouvez-vous conclure? Nous voulons vraiment que ces déclarations soient très brèves, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Lise Girard: Je conclurai donc avec le dernier paragraphe, qui traite davantage des solutions.
Pour ce qui est de l'examen du financement de base, nous croyons que Condition féminine Canada devrait avant tout obtenir une augmentation substantielle de ses budgets. Les budgets du Programme de promotion de la femme sont beaucoup trop minces pour soutenir efficacement les initiatives réalisées dans l'ensemble du Canada. On parle d'un budget totalisant 10 millions de dollars.
Par la suite, il pourrait s'établir un processus qui permettrait d'identifier, dans un premier temps, les organismes oeuvrant pour l'égalité, soit l'examen de leur mission et de leurs activités et, dans un deuxième temps, les critères pour établir leur niveau de financement. Les organismes eux-mêmes devraient être invités à participer activement à l'établissement d'un tel processus.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Je vous demande spécifiquement de limiter vos déclarations à une minute, pour que nous puissions avoir plus de temps pour la discussion et le dialogue.
Mme Hancock.
Mme Joyce Hancock (présidente, Conseil consultative sur le statut de la femme de la Terre-Neuve et du Labrador, Coalition des conseils consultatifs provinciaux et territoriaux sur le statut de la femme): Je vais poursuivre dans la même veine.
À Terre-Neuve et Labrador, au début des années 1990, quand nous sommes passés du financement garanti au financement de projet, j'ai véritablement constaté une diminution du travail de soutien et de la présence des organismes de revendication de l'égalité dans nos collectivités et nos régions. Je crois que la nécessité d'un retour à un financement de base n'est plus à prouver, si nous entendons véritablement aller de l'avant et faire progresser l'égalité des femmes dans nos territoires, nos provinces et notre pays.
Quand les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux se sont réunis à Terre-Neuve et Labrador, à l'automne, nous avons présenté cinq revendications pour l'égalité des femmes. Parmi ces revendications figurait le rétablissement du financement de base pour les organismes de revendication de l'égalité des femmes et de lutte contre la violence faite aux femmes. Ce que nous avons dit alors reste vrai. Nous ne ferons pas progresser la cause des femmes si nous passons d'un projet à un autre.
Dans notre province, en ce moment, le financement est de 65 000 $ par an pour huit conseils de la condition féminine ou centres pour femmes. Plus cela va, cependant, plus nous nous demandons qui contrôle le programme de revendication de l'égalité : les bailleurs de fonds ou les contrats de prestation de services. C'est un dilemme auquel il faut mettre fin, si nous voulons véritablement faire progresser l'égalité des femmes. Je serai heureuse de participer à une discussion défendant ce point de vue.
La présidente: Merci.
Mme Jacobs.
Mme Beverley Jacobs (présidente, Association des femmes autochtones du Canada): Bonjour. Je suis présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, et nous représentons les femmes autochtones de toutes les régions du pays. Nous regroupons des associations membres des provinces et territoires de l'ensemble du pays, et chacune d'entre elles a aussi des liens avec les bureaux régionaux de Condition féminine Canada.
En tant qu'organisation nationale, notre capacité de poursuivre toutes nos activités est compromise par l'absence d'un financement de base ou l'insuffisance d'un tel financement. Nous préférerions prendre les devants plutôt que de toujours réagir aux situations. Pour le faire, cependant, il faut que nous puissions représenter toutes les femmes de nos associations en permanence de manière dynamique.
Vous nous avez fait parvenir ce questionnaire, mais nous avions peu de temps pour y répondre à l'échelle nationale. Pour vous donner une idée générale de ce qui se passe dans les régions et afin de bien préparer les communications sur les questions qui nous préoccupent, nous aimerions pouvoir tenir des séances de remue-méninges, soit dans les régions, soit à l'échelle nationale. Dans certaines régions, le travail effectué est différent et les relations avec les membres aussi.
Le budget annuel de l'Association des femmes autochtones du Canada atteint à peine 2,6 millions $, et de cela, 1,9 million $ nous vient du programme relevant de l'Entente sur le développement des ressources humaines autochtones, et les sommes en sont réparties entre toutes les régions. Notre financement de base correspond donc, au maximum, à quelque 300 000 $. C'est donc tout ce dont nous disposons pour couvrir les activités nationales. Nous représentons pourtant les femmes de partout au pays et sommes reconnus comme organisme autochtone national, mais nous devons fournir autant d'efforts que tous les autres organismes autochtones nationaux avec moins d'argent.
Je vous remercie.
¹ (1550)
La présidente: Je vous remercie, madame Jacobs.
Madame Marshall, la parole est à vous.
Mme Kathy Marshall (directrice générale, Womenspace, Coalition pour l'égalité des femmes): Bonjour. Je m'appelle Kathy Marshall et je suis directrice administrative de Womenspace. Je suis parmi vous aujourd'hui afin de représenter la Coalition pour l'égalité des femmes.
La Coalition pour l'égalité des femmes regroupe plus d'une dizaine de groupes pour femmes qui revendiquent l'égalité et qui se sont réunis pour renforcer les mécanismes susceptibles de créer l'égalité des femmes au Canada, dont le financement de base.
Si l'on veut discuter de financement de base, il faut garder à l'esprit que par rapport aux groupes qui revendiquent l'égalité des femmes, un tel financement doit assurer un soutien financier continu, stable et assez prévisible.
Une nouvelle proposition de financement doit conjuguer à la fois le financement de base et de projet, soit le soutien aux activités des organisations et l'appui aux projets ponctuels. Un tel régime doit reconnaître que les projets ne se déroulent pas nécessairement de façon compartimentée, et que les organisations pour femmes ont besoin d'infrastructures d'appui avant, durant et après les projets qui reçoivent un soutien ponctuel.
Lorsqu'on se penche sur le financement de base, il faut voir dans quelles circonstances il y a lieu de l'accorder en priorité aux groupes pour femmes qui revendiquent l'égalité. Il faut aussi concevoir un cadre de reddition de comptes quelconque, et ce dernier doit absolument être élaboré par les gens du programme des femmes et les membres des organisations de femmes de partout au pays. Pour que cela se réalise, il faut qu'on discute à l'échelle nationale du niveau de soutien financier que reçoivent présentement les groupes pour femmes qui revendiquent l'égalité. Si l'on veut maintenir l'égalité des femmes dans notre pays, il faut que l'on rétablisse le financement de base.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, madame Marshall.
Madame McCardle, la parole est à vous.
Mme Laurie Ann McCardle (directrice générale, Women's Network of P.E.I., Women's Network Office): Je vous remercie, madame la présidente.
Je m'appelle Laurie Ann McCardle et je suis directrice exécutive du Women's Network of P.E.I. Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous ainsi que de l'intérêt que vous portez à la question du financement de base.
Je représente un organisme qui revendique l'égalité des femmes et, qui, en 1998, en raison de la suppression de son financement de base, a connu le remplacement complet de ses effectifs et une quasi-faillite. Avec beaucoup de travail, nous sommes revenus à une situation plus stable, mais néanmoins toujours précaire, car nous passons d'un projet à l'autre. Sous un régime de financement de projet, nous sommes en mesure de faire des progrès réels vers l'égalité des femmes, du fait que nous nous concentrons davantage et que nous tenons davantage compte des résultats obtenus grâce au cadre de reddition des comptes. Toutefois, ce même régime peut nous faire facilement perdre de vue le fait que nous sommes une organisation, que nous représentons beaucoup plus que la somme de nos projets. Nous avons donc besoin d'un financement de base pour soutenir le développement de notre capacité.
Nous sommes un organisme sans but lucratif, mais aussi un employeur, et à cet égard, nous devons être tout à fait exemplaires pour conserver notre réputation. Toutes nos employées sont des femmes, très instruites et formées, et en dépit de cela, nous obtenons une rémunération plus faible et moins d'avantages sociaux que les autres. Fait paradoxal, nous travaillons à obtenir des prestations parentales pour les autres, mais nous ne sommes pas en mesure d'offrir nous-mêmes un supplément à nos propres effectifs. Nous cherchons à obtenir la sécurité économique pour tous les Canadiens, et malgré cela, notre propre sécurité économique est fort précaire. Le financement de base est donc essentiel au maintien des activités de revendication de l'égalité des femmes au Canada.
Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Je vous remercie, madame McCardle.
Madame Parsons, la parole est à vous.
Mme Doreen Parsons (directrice générale, Women's Economic Equality (WEE) Society): Je vous remercie, madame la présidente.
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole au sujet de l'importante question du financement de base. Je m'appelle Doreen Parsons, et je représente la Women's Economic Equality Society en Nouvelle-Écosse.
Cela fait près de 10 ans que la Women's Economic Equality Society ne peut compter que sur le financement de projet. Pendant ce temps, nous avons travaillé avec plus de 5 000 femmes de tous les milieux, surtout avec celles qui sont dans le besoin ou qui vivent dans les milieux ruraux.
Par définition, le financement de base absorbe les coûts inhérents à l'existence d'un organisme. Il constitue une fondation sur laquelle construire quelque chose. Il couvre aussi les coûts liés au développement de la capacité, à la survie à long terme et à l'obtention d'autres appuis financiers, susceptibles à leur tour de favoriser l'égalité des femmes. Il fait en sorte que les organismes de femmes poursuivent leur mission, offrent des programmes et des services de qualité et gardent leur personnel qualifié et dévoué. Le financement de base montre que le travail des organisations de femmes a de la valeur.
Sans financement de base, les personnes qui travaillent avec nous occupent des postes à court terme, régis par aucune norme, précaires et qui sont rarement assortis d'avantages sociaux et de cotisations à des fonds de pension. Le processus complexe d'élaboration des propositions de projet est assuré par des gens qui ne reçoivent aucune rémunération. Les femmes avec lesquelles nous travaillons reçoivent un appui à court terme leur permettant d'assurer leur sécurité économique, et il leur faudrait une programmation cohérente et à long terme. Le travail sur les questions systémiques et institutionnelles est ardu, il entraîne l'élaboration de stratégies d'équité complexes et il est pourtant sous-payé.
Sans financement de base, nous ne pouvons être aussi visionnaires et novatrices. Les femmes avec qui je travaille sont créatives, enthousiastes et dévouées à la cause d'un organisme holistique et durable pour les femmes. Nous avons donc besoin de financement de base afin qu'à long terme, notre action ait un effet déterminant sur la situation économique des femmes.
¹ (1555)
La présidente: Je vous remercie beaucoup, madame Parsons.
Madame Prentice, la parole est à vous.
Mme Susan Prentice (membre, Comité directeur, Child Care Coalition of Manitoba): Merci.
Je représente ici la Child Care Coalition of Manitoba et nous sommes ravis d'avoir l'occasion de nous exprimer au sujet du financement de base.
Je voudrais d'abord dire que tous nos groupes de défense des droits constatent bien une certaine hostilité dans l'air. Quand on effectue un travail ouvertement politique visant le changement et quand on se refuse à le dissimuler sous une subvention à une fondation ou à quelque chose de ce genre, le financement accordé par Condition féminine est particulièrement apprécié. C'est pourquoi je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous parler de cette question.
Dans notre organisme, nous souhaiterions vous voir maintenir le financement de projet et le combiner avec l'introduction du financement de base. Je suppose que les choses seraient facilitées si vous autorisiez des projets plus longs, sur plusieurs années, et si vous élargissiez la définition de ce qu'est un projet. Cela nous permettrait, je crois, de mieux travailler. Mais nous aimerions que le financement de base ou à plus long terme ou financement de capacité—quel que soit le terme que vous choisissiez—soit octroyé en priorité à des groupes fédéraux, régionaux ou provinciaux travaillant à un changement systémique et à l'égalité entre les sexes. Nous voudrions que les fonds soient octroyés à des organismes ayant des structures de gouvernance démocratiques et responsables, ainsi que des liens approuvés avec des organismes travaillant à un autre niveau, sur le terrain, à des organismes ayant fait leurs preuves et faisant des propositions de qualité.
J'ai deux observations. Tout d'abord la mesure des résultats—qui détermine de plus en plus l'octroi des subventions de Condition féminine—est problématique pour des organisations axées sur le changement comme la nôtre. Si l'on ne met pas sur pied un système de garde d'enfants universel, cela ne veut pas dire pour autant que notre projet a été un échec ou que notre groupe n'a pas fait du bon travail. Je suggère donc que vous revoyiez la mesure des résultats de façon à refléter le travail qu'effectuent effectivement les groupes concernés. J'ai une autre observation : que certaines de nos lignes directrices en matière de dépenses, notamment en ce qui concerne les salaires et les indemnités quotidiennes, doivent être mises à jour. En effet, elles acculent les groupes à des difficultés, les femmes étant contraintes de subventionner leur propre travail.
Je suggérerais aussi le transfert—et c'est là un peu un anathème pour une spécialiste de la recherche—du fonds de recherche sur les politiques au programme pour les femmes, afin que plus d'organismes travaillant sur le terrain puissent en profiter et faire du bon travail.
Je voudrais mentionner, d'autre part, le débat auquel on assiste partout au Canada, Condition féminine se demandant si financer la garde d'enfants reste légitime. Les bailleurs de fonds de la région de l'Atlantique et de celle des Prairies ont indiqué, dans les deux cas, que Condition féminine n'a plus besoin de financer la garde d'enfants, vu l'existence du financement des partenariats en développement social. J'estime, quant à moi, que Condition féminine doit encore subventionner la défense du droit à la garde d'enfants axée sur l'égalité et les politiques, même si d'autres bailleurs de fonds financent l'établissement de garderies.
Je vous remercie.
La présidente: Au tour de Mme Sayo.
Mme Cecilia Diocson-Sayo (directrice générale, Philippine Women's Centre of B.C.): Bonjour.
Je suis vraiment heureuse d'être parmi vous. J'ai assisté à plusieurs audiences de CIC et de RHDC. CIC m'a d'autre part consultée quant à la situation des femmes des Philippines au Canada aujourd'hui. Je voudrais faire miennes les remarques des intervenantes qui m'ont précédée en matière de financement de base; nous aussi avons besoin d'un financement de base.
Nous en avions un depuis dix ans provenant du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique. Il y a deux ans, il a pris fin. Nous en sentons les répercussions sur le travail que nous étions en mesure de réaliser sur le terrain.
Des femmes des Philippines sont venues au Canada il y a plus de 30 ans et constituent à présent le quatrième groupe d'immigration au Canada, le troisième en Colombie-Britannique. La plupart sont des femmes venues pour travailler comme main-d'oeuvre à long terme au Canada. L'existence d'un financement de base est très important pour nous. Notre travail en faveur d'une plus grande égalité des femmes au Canada est à peine entamé. Les femmes des Philippines venues au Canada ont de l'instruction, des qualifications; mais beaucoup les ont perdues en vivant ici. Je pense qu'il est essentiel de continuer le travail effectué auprès des femmes des Philippines, non seulement en Colombie-Britannique mais dans tout le Canada.
L'obtention d'un financement de base du gouvernement fédéral est vitale pour nous. Nous allons aussi nous battre pour obtenir également un financement de base du gouvernement provincial. J'espère ainsi que, à l'avenir, nous serons perçues non comme des employées de maison ou des soignantes, mais comme des femmes vivant au Canada et disposant des mêmes droits et avantages que tous les autres Canadiens.
Je vous remercie.
º (1600)
La présidente: Merci.
Mme Suek.
Mme Bev Suek (directrice générale, Centre d'entreprise des femmes): Je m'appelle Beverley Suek. Je suis PDG du Centre d'entreprise des femmes du Manitoba et je représente les centres de tout l'ouest du Canada. Je partage les préoccupations exprimées par les membres des organismes de revendication de l'égalité des femmes. J'ai consacré 30 années de ma vie à ce type d'effort et je comprends la frustration qui existe, notamment en ce qui concerne le financement par projet. Quelqu'un a dit que la personne qui payait la facture était celle qui déterminait ce qui se faisait. C'est pourquoi je pense que le financement par projet est un handicap véritable pour les organisations de femmes, qui sont contraintes de danser à la musique des bailleurs de fonds.
Il y a dix ans, quand on m'a demandé de présider le Centre d'entreprise des femmes du Manitoba, nous avons toutes été transportées au septième ciel devant l'accord de financement de base sur cinq ans proposé par Diversification de l'économie de l'Ouest. Nous avons travaillé en collaboration avec le ministère à l'élaboration de mesures qui semblaient sensées aux deux parties. Nous pouvions obtenir un financement par projet et l'obtenons effectivement. Qui plus est, nous avons des prestations, des pensions, des congés de maternité et des congés parentaux, toutes des choses que nous trouvons absolument formidables. Nous négocions actuellement notre troisième accord de cinq ans, ce qui s'avère un peu difficile—mais c'est une autre histoire. Cela reste une façon raisonnable de procéder et si cela a déjà marché, je ne vois pas pourquoi cela ne marcherait pas à nouveau.
Vous vouliez qu'on propose des solutions. Je pense qu'il y a trois options : premièrement, le financement à long terme, sur trois ou cinq ans—personnellement cinq ans me va très bien; deuxièmement, un financement octroyé systématiquement par le gouvernement à tout organisme susceptible de réunir plus de cinq bénévoles, vu qu'on retire de gros avantages d'un investissement très minime—subventionner une personne susceptible d'organiser cinq autres personnes travaillant pour rien me semble une telle aubaine que je m'étonne toujours que le gouvernement n'en profite pas; troisièmement, enfin, l'établissement d'une fondation. Chaque fois qu'il était question de construire une aréna, j'ai défendu l'idée de consacrer ces millions de dollars à une fondation pour les femmes, à la place; mais les arénas semblent avoir la cote. N'empêche que, si nous disons clairement accorder une priorité aux femmes victimes de violence, aux femmes et aux enfants dont les vies sont en danger, c'est à ces priorités que l'argent devrait aller.
C'est tout ce que j'avais à dire.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Taylor, à vous.
Mme Sharon Taylor (directrice générale, Wolseley Family Place): Bonjour, je m'appelle Sharon Taylor et je suis directrice générale de Wolseley Family Place, qui se trouve dans le centre-ville de Winnipeg. Notre clientèle est constituée de familles monoparentales, de femmes entre 18 et 34 ans ayant des enfants entre 0 et 12 ans. Moins d'un cinquième de mon budget est constitué d'un financement de base, accordé en vertu du mandat visant les enfants et non du mandat visant la revendication de l'égalité entre les genres. La majorité de mon financement est donc un financement de projets, fourni par le gouvernement fédéral, la province, des donateurs privés, des fondations et des entreprises.
Je voudrais illustrer pour vous aujourd'hui l'incroyable complexité, les défis et les exigences du financement de projet par opposition au financement de base. La meilleure façon pour moi de décrire cette complexité et ces défis est de brosser le profil d'une femme qui utilise les services et les programmes de Wolseley Family Place, qui est une organisation du secteur privé. Wolseley Family Place est un centre de ressources pour les familles. Voici le profil en question.
J'ai deux profils de femmes qui utilisent nos services actuellement.
L'une des femmes est née dans une réserve dans le nord du Manitoba. Quand elle se rendait à l'école, elle devait traverser deux rivières. Un jour, sur le chemin de l'école, au passage des rivières, ses soeurs ont tenté de la noyer. Elles n'avaient pas besoin d'autres soeurs. Cela l'a marquée profondément. Souvent, quand elle était enfant, elle en était réduite à trouver sa propre nourriture et, fréquemment, à avoir faim. Adolescente, elle se repliait sur l'aspiromanie. Elle a été placée en famille d'accueil. Elle a été emmenée en ville et a presque fini sa douzième année. Il lui manquait seulement un crédit de mathématique. À seize ans, elle est tombée enceinte, puis a eu trois enfants. Tous trois sont devenus des pupilles des services à l'Enfance et à la famille et ont été donnés en adoption. Accusée de voies de fait, elle est allée en prison. C'était une jeune femme pleine de colère. Elle a ensuite rencontré son partenaire actuel, elle est devenue enceinte et a donné naissance à une fille, en 1997. Leurs rapports sont étroits, avec des périodes de conflit et de violence.
C'est à ce moment-là que nous avons rencontré Susan. Elle est venue suivre des cours sur comment être bon parent et réduire son isolement. Elle voulait de l'aide, car elle était désordonnée par la responsabilité de son nouveau bébé, mais elle était déterminée à garder cet enfant. Susan a maintenant deux autres enfants, nés au cours des six dernières années, et elle entend bien garder ses enfants et créer une famille. Cependant, le père des enfants est violent et lui fait subir de mauvais traitements. Il est incarcéré environ tous les six mois pour voies de fait et, quand il sort de prison, il cherche à retrouver Susan, défonce les portes et les murs de son nouveau chez elle. Elle a été expulsée de dix appartements au cours des six dernières années et, du fait du comportement destructif de cet homme, est sur le point de devenir sans abri, car il lui est de plus en plus difficile de trouver un logement abordable et adéquat. Elle lutte, de plus, avec une dépendance au jeu et une dépression clinique. N'empêche que c'est une battante, une bonne mère. C'est une femme qui a survécu à des systèmes qui n'ont pas su répondre à ses besoins.
En tant qu'ONG au service de Susan, nous nous efforçons de colmater les brèches du système. Nous visons un changement de politiques. Nous plantons les gens et les systèmes devant les inégalités structurelles. C'est un travail à long terme, pas un travail de projet.
Je pourrais passer à une autre expérience de vie, mais je vais juste résumer la situation.
Comme vous pouvez le constater, d'après l'exemple que je vous ai donné, les familles vivent tout un ensemble de facteurs et de conditions. L'exemple montre l'échec de nos politiques sociales envers les femmes et les enfants. Il illustre la nécessité d'avoir des programmes holistiques et stables. Wolseley Family Place s'efforce de répondre à des besoins hautement complexes, tout en luttant pour sensibiliser les institutions afin que politiques et programmes répondent aux besoins des femmes. Nous nous préoccupons de logements sûrs et abordables, et de centres de traitement de la dépendance spécifiques aux genres. Nous luttons contre la violence. Tous, nous avons la responsabilité de créer un environnement sûr et accueillant où les femmes ne craignent pas d'être jugées, où elles sont traitées avec respect et dignité. Nous nous en prenons aux causes sous-jacentes, pas aux symptômes.
º (1605)
Pour tisser des liens de confiance avec les personnes qui utilisent nos services et nos programmes, nous devons maintenir une infrastructure et un personnel de base fiable et bien formé. Pour y parvenir, il nous faut un financement de base, un financement à long terme qui permette de changer les choses.
Je vous remercie.
La présidente: Merci beaucoup.
Merci à toutes pour vos exposés.
Je vais suggérer, pour être équitable—c'est une nouvelle formule pour nous—, que nous suivions l'ordre d'intervention des quatre partis représentés ici. Lors du premier tour de questions, je suggère que cet ordre soit respecté, soit le parti conservateur, le bloc, les libéraux, puis les néo-démocrates. Je vais demander à ce que ces échanges de questions et de réponses ne durent pas plus de cinq minutes, au maximum.
Je vous demanderais d'indiquer à qui vous posez la question. Après le premier tour de questions et de réponses, j'ouvrirai la discussion à tous, en établissant une liste d'intervenants au fur et à mesure que les mains se lèvent.
Madame Smith, vous avez la parole.
º (1610)
Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC): Merci beaucoup.
Je voudrais remercier toutes les personnes présentes de leurs exposés, qui se sont révélés à la fois passionnants et précieux.
Comme vous le savez, nous espérions en vous invitant ici aujourd'hui entendre l'opinion des organisations travaillant sur le terrain et sachant de quoi elles parlent en matière de financement de base. Certains des renseignements que vous nous avez fournis s'avéreront très utiles pour choisir l'orientation que nous voulons adopter.
J'ai écouté avec un vif intérêt ce que disais Bev Suek. Certaines de vos affirmations m'ont semblé pleine de bon sens; vous avez parlé de l'établissement d'une fondation pour les femmes et dit que ce serait beaucoup plus utile que les approches actuelles. Vous vous prononcez en faveur d'un financement à long terme, ce qui se comprend très bien, vu qu'il vous permettrait de planifier.
Pourriez-vous expliquer pourquoi une fondation serait si utile? Je sais que le Centre d'entreprise des femmes a été d'une grande utilité aux habitantes de Winnipeg. D'ailleurs, ma propre fille s'y est rendue un jour pour y obtenir des renseignements pour constater que le personnel ne demandait pas mieux que de l'aider. Pouvez-vous me dire ce que vous entendiez par cela?
Mme Bev Suek: Bref, j'aimerais tenir les rênes. Voilà l'essentiel. Je pense que nous aimerions toutes pouvoir contrôler ce qui se fait.
Mme Joy Smith: Vous avez donc la manie du contrôle?
Mme Bev Suek: Oui, je le reconnais. Je veille aussi à ce que mon personnel traite correctement notre clientèle.
La beauté d'une fondation pour les femmes serait qu'elle est établie à perpétuité. On lui allouerait au départ toute une somme d'argent, qui serait ensuite recyclée, comme l'est le fonds de prêt dont dispose le Centre d'entreprise des femmes. Cet argent serait là à perpétuité et on pourrait le recycler.
D'autre part, il est parfois plus facile de se battre pour obtenir de l'argent un fois plutôt que d'essayer à maintenir un financement de base. Tout dépend des gens qui prennent les décisions. J'aimerais que ce soit les personnes travaillant sur le terrain qui prennent les décisions, qui choisissent à qui octroyer des fonds, plutôt que de dépendre d'un roulement de bureaucrates au sein d'organismes.
L'une des difficultés que nous rencontrons en négociant nos accords est le dialogue avec des personnes qui ne savent ce que nous faisons. D'où ma préférence pour une fondation qui attribuerait un financement de base à tous les organismes en ayant besoin.
Mme Joy Smith: Merci beaucoup. Je pense que c'est quelque chose qu'on pourrait discuter pendant une demi-heure ou plus, si on voulait entrer dans les détails.
J'ai une question pour Susan Prentice. J'ai bien aimé vos propos, Susan, et il y a une chose qui m'a semblé particulière perspicace et importante à garder à l'esprit : votre remarque sur les résultats, la nécessité de repenser ce qui importe et de mettre les personnes travaillant sur le terrain en position de prendre des décisions. Pourriez-vous clarifier un peu ce que vous vouliez dire? J'estime que c'est là quelque chose de particulièrement important.
Mme Susan Prentice: Merci.
Outre le passage à un financement de projets par trimestre, Condition féminine a également adopté, au cours des deux dernières années, des mesures axées sur les résultats. Comme la plupart des organismes pour femmes, nous sommes tout à fait en faveur de mesures de responsabilisation. Nous aimons démontrer notre efficacité et le grand bien que nous faisons avec peu de moyens. Mais la mesure des résultats tend à désavantager les groupes. On peut ainsi juger comme un échec un projet qui ne se traduit pas par l'égalité des genres, l'élimination de la violence ou, dans notre cas, l'établissement d'un système de garde d'enfants universel.
Dans le cadre d'un projet de renforcement des capacités, nous sommes d'ailleurs en train de négocier ce que devrait être des résultats adéquats; nous discutons de la question avec notre agent de projet.
Je voudrais aussi appuyer la suggestion d'un forum consultatif, faite par d'autres; cela permettrait sans doute d'établir des mesures de résultat qui satisferaient les bailleurs de fonds en assurant une reddition de comptes, tout en restant logique pour les organisations de femmes, comme mesures véritables du type de résultats qu'elles s'efforcent de produire. On aboutirait sans doute à une notion des résultats différente de celle traditionnellement adoptée dans d'autres domaines; mais ce serait une façon meilleure et plus efficace de rendre des comptes.
º (1615)
La présidente: Je vous remercie. Je pense que cela clôt cet échange.
Mme Brunelle.
[Français]
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, mesdames. C'est un plaisir de vous rencontrer aujourd'hui.
Ce comité est très préoccupé par le financement des groupes. Nous savons toutes que c'est le nerf de la guerre. Avec un peu plus de 10 millions de dollars, Condition féminine Canada a certainement un petit budget, à l'échelle du Canada, pour tous ces groupes. Vous savez que ce comité a demandé une augmentation de 25 p. 100 de son budget. Cela n'a pas encore été fait, mais les femmes sont tenaces. Nous reviendrons donc à la charge.
Question de financement, j'ai lu avec attention vos recommandations et j'ai vu que le financement de base est important pour plusieurs d'entre vous. Néanmoins, il semble aussi qu'un financement par projet présente des atouts pour d'autres. La question qui suit interpelle tout le monde. Est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir deux formes de financement, en fonction du groupe?
Par exemple, je lisais qu'il est difficile pour les groupes de défense de droits d'organiser une collecte de fonds, parce qu'ils ne peuvent émettre de reçus de charité. Est-ce que ces groupes devraient plutôt avoir du financement de base, tandis que le fonctionnement par projet pourrait être intéressant pour d'autres groupes?
J'aimerais aussi entendre vos commentaires sur le financement à long terme. On sait qu'il n'y a rien de plus dommageable que des projets pour un an lorsque, l'année suivante, avant même qu'on ait eu le temps de le réaliser, il faut trouver une autre bonne idée pour présenter un nouveau projet. Cela devient très laborieux et on risque de décevoir de nombreuses femmes qu'on a voulu aider.
J'aimerais aussi vous entendre sur le financement à l'échelon provincial. On sait qu'au Québec, la province s'implique. Dans les provinces riches, que se passe-t-il? Est-ce qu'on aide les groupes de femmes?
[Traduction]
La présidente: Qui voudrait répondre à cette question?
Madame Hancock.
Mme Joyce Hancock: Je pense qu'il convient de conserver les deux. Je pense là aux organismes de revendication de l'égalité des femmes à Terre-Neuve et Labrador, ainsi qu'au centre pour femmes en activité depuis le plus longtemps au pays : celui de St. John's, à Terre-Neuve, qui fonctionne depuis 35 ou 36 ans.
N'empêche que si le mouvement des femme doit aller de l'avant et continuer à changer de monde, il faut que d'autres organismes de revendication de l'égalité des femmes puissent avoir accès à un financement de projets, afin d'entamer leur travail, avant de passer plus tard à un financement de base. Il faut une approche qui permette d'aller toujours de l'avant, plutôt que d'affecter aujourd'hui des fonds à certains groupes et ensuite de ne plus rien leur donner.
Je ne suis pas partisane d'une approche purement provinciale, car j'ai conscience du soutien constant assuré sur le terrain par les organismes de revendication de l'égalité des femmes. J'ai travaillé pour un de ces organismes pendant une douzaine d'années, dans l'ouest de Terre-Neuve. Nous avions accès à quelques rares dollars constants, mais aussi à du financement de projets. Les deux sont essentiels. Il est bon d'être responsable et redevable, mais il importe de ne pas être si littéral que l'on accorde seulement un financement de projets ou seulement un financement de base. Nous avons besoin des deux.
La présidente: Quelqu'un veut-il répondre à cette déclaration?
Madame Critchley.
Mme Debra Critchley: Je suis d'accord avec Joyce. Je pense qu'il faut mettre en place un processus et un mécanisme pour un financement de base et un financement axé sur les projets. Je voulais aussi revenir sur la partie de votre question qui avait trait aux gouvernements provinciaux.
En Colombie-Britannique, quand le secrétariat d'État est passé d'un financement de base à un financement axé sur les projets, le seul financement de base dont disposaient nos centres pour femmes—37 au total—provenait de notre gouvernement provincial. Or, le 1eer avril 2005, ce gouvernement a éliminé 100 p. 100 de ce financement de base, sans le remplacer par quoi que ce soit, ce qui a mis dans une position extrêmement difficile les centres pour femmes. Un certain nombre ont dû fermer; quant à ceux qui restent, dans bien des cas, leurs jours sont comptés.
Je ne sais pas ce qu'il en est dans d'autres régions du Canada, mais je voulais insister sur le fait que, en Colombie-Britannique, les centres pour femmes comptent parmi les plus ardents défenseurs de l'égalité des femmes; ils sont traditionnellement en première ligne, ce qui reste vrai aujourd'hui. Il y a donc eu d'énormes répercussions sur la situation en Colombie-Britannique.
º (1620)
La présidente: Je vous remercie.
Nous allons avoir une brève réponse de Mme Jacobs.
Mme Beverley Jacobs: Ce qui arrive, je pense, c'est que nous avons des bénévoles qui travaillent pour notre organisation nationale. Tous nos conseils, dans l'ensemble du pays, sont composés de bénévoles, ce qui aide à notre financement de base. Pour ce qui est des associations provinciales-territoriales membres, qui se chargent de la prestation de services à notre collectivité... je sais qu'un financement par projet les aiderait beaucoup. Encore une fois, elles souhaitent un financement pluriannuel, sans quoi elles sont obligées sans cesse d'arrêter et de reprendre leurs activités, ce qui cause des perturbations.
La présidente: Merci.
Il ne vous reste plus de temps, alors vous allez devoir être très rapide.
[Français]
Mme Lise Girard: Je voudrais simplement renchérir sur les commentaires de mes deux camarades. Je crois qu'il faut effectivement maintenir un financement de base et un financement par projet.
Pour mon organisation, le financement par projet permet de déterminer de façon beaucoup plus précise des résultats à moyen ou à long terme. Par ailleurs, on a aussi besoin d'un financement de base, car le travail de défense des droits des femmes demande une surveillance continuelle de ce qui se passe en politique et dans l'actualité. On a besoin de cette flexibilité, de cette marge de manoeuvre en dehors des projets, pour être en mesure d'intervenir efficacement.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Mme Torsney.
L'hon. Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.
Je suis certes contente que nous ayons cette table ronde. Avant Noël, lorsque nous écoutions et que nous nous préparions à entreprendre notre travail, la question du financement de base était la plus importante. De temps en temps, les gouvernements fournissent un financement de base à certaines organisations. La demande est certainement très grande. Il me semble qu'il faut trouver la bonne formule. Comment faut-il s'y prendre? Est-ce en fonction de la population? Est-ce qu'il faudrait qu'il y ait un centre pour femmes pour chaque 5 000 personnes et qui aurait besoin de 1 000 $ par année pour fonctionner? Est-ce que ce doit être en fonction des programmes? Est-ce que les très bons programmes—comme celui que vous nous avez décrit, madame Taylor—devraient servir de norme pour toutes les collectivités? Faut-il copier ce qui fonctionne déjà ailleurs? Est-ce que nous donnons de l'argent en fonction de certains objectifs, comme Mme Prentice, je pense, le mentionnait?
Comment est-ce que cela fonctionnerait?
Les besoins sont énormes. Nous pourrions dire qu'il y aura un centre pour femmes pour tant de Canadiens et que ces centres devront atteindre certains objectifs sur le plan de l'égalité. Cependant, le sens de cette égalité variera selon les collectivités. Ceux qui remplissent cette fonction pourraient défendre des positions que certains d'entre nous n'aiment pas. Je pense, par exemple, à Mme Critchley. Il arrive parfois qu'un nouveau parti prenne le pouvoir et qu'il n'aime pas les organisations qui préconisent le changement, et cela peut également créer des difficultés.
Je me demande comment nous pouvons prendre ces décisions, car il ne s'agit pas seulement d'organisations pour femmes; il y a aussi des organisations de revendication de l'égalité des femmes. C'est là que la question du financement peut devenir difficile. Comment décider? Si nous proposions une formule quelconque, quels seraient les objectifs à atteindre en contrepartie de cet argent; comment mesurer les résultats que ces organisations essaient d'obtenir?
Mme Susan Prentice: Vous posez, bien sûr, la question la plus difficile. Je pense que vous constateriez un vaste consensus dans l'ensemble du pays si vous reconnaissiez que votre première priorité en matière de financement de base ou de création de capacités est d'aider les organisations nationales ou régionales qui visent à assurer l'égalité entre les sexes et des changements systémiques au niveau des politiques.
Je pense que pour les organismes de prestation de services et pour les petits groupes, un financement par projet peut convenir mieux et il y a peut-être des fonds provinciaux disponibles pour eux. Mais il me semble absolument essentiel que dans un pays comme le Canada, les organisations nationales, pancanadiennes, qui tentent d'infléchir les politiques aient une capacité soutenue.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'au cours des six dernières années, l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance a été sur le point de fermer ses portes deux fois à cause d'un manque de fonds. Cela aurait été un désastre. Les organisations comme celle-là qui n'ont pas d'infrastructure devraient, à mon avis, avoir la priorité.
º (1625)
L'hon. Paddy Torsney: Très bien. Vous avez nommé une organisation. Lorsque les autres répondent, pouvez-vous nommer des organisations? Appelons-les par leur nom, pour que nous sachions de quoi nous parlons.
Mme Debra Critchley: Je pense que ce que Susan dit est important; toutefois, je pense qu'elle oublie un aspect très important du travail populaire qui se fait sur le terrain. Lorsque nous parlons d'organismes de revendication de l'égalité des femmes, nous parlons, pour notre part, du travail populaire qui se fait dans des îlots ruraux dans tout le pays. Je pense que c'est vraiment essentiel et si vous décidez de fournir un financement de base uniquement aux organisations nationales régionales, il y aura une épreuve de force pour déterminer qui contrôle le terrain. Ce ne seront pas les femmes des collectivités rurales; ce ne seront pas les femmes autochtones. Dans ma province, ce seront les femmes de la vallée du bas Fraser et de Vancouver.
Ce serait négliger un élément très important. Nous avons eu cette même discussion de nombreuses fois en Colombie-Britannique, vous pouvez me croire, particulièrement lorsque nous avons perdu le financement de base que nous fournissait la province.
Je pense qu'il est essentiel que le financement de base soit fourni par Condition féminine Canada uniquement aux organisations qui travaillent pour l'égalité des femmes. Je ne crois pas que cette enveloppe devrait être utilisée pour la prestation de services, car il y a d'autres sources de financement pour ces activités. L'un des obstacles à la défense et à la promotion des droits est que les gouvernements tant fédéral que provinciaux ont exercé des pressions sur les organisations de femmes pour que celles-ci fournissent des services alors que pour de nombreuses organisations qui revendiquent l'égalité, premièrement, nous n'excellons pas dans ce travail et, deuxièmement, celui-ci ne produira pas le genre de résultats qui peuvent avoir un impact sur l'égalité des femmes.
Il y a d'autres sources d'argent pour la prestation de services. Lorsque nous parlons de questions comme la violence contre les femmes, etc., je pense que si l'argent est affecté à des activités de promotion de l'égalité menées par les organisations qui revendiquent l'égalité, on a plus de chances de s'attaquer aux causes profondes de ces problèmes.
Si une organisation est occupée à fournir des services de première ligne, où seront les ressources ou la capacité financières pour travailler sur le plan des politiques, ce qui, nous le savons, sera un véritable facteur de changement?
La présidente: Vous avez soulevé de nombreuses questions, alors je vous accorderai une minute de plus, mais je vous demanderais de fournir des réponses concises.
Mme Suek et Mme Sayo, puis nous passerons au prochain questionneur.
Mme Bev Suek: Je pense que la dualité des rôles de prestation de services et de revendication des droits a toujours été un problème pour les organisations de femmes. Une organisation comme celle dont parlait Sharon ne peut pas ne pas défendre les droits des femmes. C'est très difficile de séparer les deux choses, mais je pense que c'est ce qu'il faut faire lorsqu'il s'agit de les financer : les groupes de revendication des droits qui travaillent à infléchir les politiques et les groupes qui fournissent des services directs qui transforment la vie des gens. Ce sont deux choses différentes, et dès qu'on essaie de les assimiler l'une après l'autre, cela suscite beaucoup d'opposition, car on oublie les services. Les gens perdent cela de vue.
Je pense qu'il est très important de séparer ces deux choses.
Mme Cecilia Diocson-Sayo: Je pense que le financement de base est très important, car nous sommes capables de faire autre chose. En fait, nous pouvons faire de la recherche sur le terrain, en utilisant le modèle de recherche participative, car s'il n'y a plus assez d'argent pour mettre en oeuvre un plan d'action, par exemple, qu'allons-nous faire? La recherche se couvrirait de poussière sur une tablette. Je pense qu'il est très important que le financement de base permette également le travail sur le terrain, que nous puissions présenter les résultats à la collectivité, aux femmes, que nous puissions leur dire ce que nous avons fait, même s'il n'y a plus d'argent pour les projets.
Je pense que c'est absolument essentiel, et je ne pense pas que ce soit quelque chose d'isolé. Le financement de base peut également être utilisé pour le soutien et les services. Dans notre collectivité, nous avons grand besoin de soutien des services, car nous sommes tellement défavorisés et marginalisés.
C'est pourquoi, dans la mesure du possible, nous faisons ce qui doit être fait. En fait, je suis directrice générale, et je ne suis pas payée pour travailler à l'égalité des femmes, il n'y a pas de financement de base pour moi, et c'est vraiment dommage. Je suis obligée de continuer à travailler comme infirmière et, en même temps, faire du travail communautaire. C'est vraiment frustrant.
º (1630)
La présidente: Merci beaucoup.
Mme Crowder.
Mme Jean Crowder: Merci.
Merci à tous pour vos exposés.
Je vais faire un court préambule. Je ne sais pas d'où cela vient mais d'après les recherches faites et d'après les groupes féminins, à défaut d'organisations féminines solides et dynamiques, ce ne sont pas seulement ces mêmes organisations et les Canadiennes qui souffrent mais la démocratie également.
On entend sans cesse parler du financement de base. Il me semble qu'en fait, nous sommes saisis d'un faux problème. Il me semble que nous ne devrions pas discuter des éléments que nous incluons dans le financement de base parce que ces éléments sont en constante évolution. Il va falloir tenir compte de la conjoncture au Canada, du contexte social, etc. Il me semble que nous devrions plutôt discuter du processus. Comment expliquer que nous discutions du financement de base avec les ministères et les politiciens? Qui doit participer à la discussion? Comment réaliser cela?
Dans le cas qui nous occupe, je dois reconnaître que même si nous avons fait tous les efforts possibles pour susciter la collaboration et tenir compte de tous les intéressés, le processus, selon moi, n'est pas très propice à une solution. Est-ce que l'une d'entre vous serait prête à nous expliquer comment le processus devrait se dérouler?
Joyce.
Mme Joyce Hancock: Le processus doit comporter plusieurs volets. Une des choses qui m'a toujours préoccupée... Il y a 30 ans que je m'occupe de ces dossiers, à commencer par des centres pour femmes, ensuite dans une perspective plus provinciale, pour finir, avec la Coalition nationale des conseils consultatifs, qui examine la situation d'un point de vue national. Je pense qu'il nous faut un processus collaboratif.
Il y a une différence entre la consultation et la collaboration. Nous accusons sans cesse notre gouvernement provincial qui aurait troqué un processus un peu collaboratif pendant quelques années pour un processus consultatif plutôt précaire : on nous demande ce que nous voulons pour ensuite nous donner ce que l'on estime être ce qu'il y a de mieux pour nous. Mais je pense qu'il faut intervenir à ce niveau-là.
Une des erreurs de Condition féminine Canada a été de commencer à discuter de l'égalité des sexes. Cette évolution s'est produite au moment où nous étions encore loin de l'égalité des femmes et par la bande, des gens ont commencé à dire qu'ils travaillaient pour l'égalité des sexes. Ils voulaient leur part du gâteau. Ainsi, on a délaissé les groupes nationaux et provinciaux de base qui défendent l'égalité des femmes.
Il nous faut revenir à un processus qui pourrait avoir un aspect différent dans ma province, dans un territoire ou dans une province plus peuplée. Mais quel serait le processus sur le plan du déploiement des fonds?
Actuellement, dans notre province, un agent de programme travaille sur le terrain avec les groupes concernés pour essayer de nous guider dans cette panoplie de projets, et dans la région, nous commençons à discuter de la façon de maintenir le processus en place. Si nous voulons atteindre l'objectif que vous avez fixé, il nous faut tâcher de voir comment il pourrait se concrétiser dans nos provinces, mais il faut l'assortir de critères. Qui a-t-il de mal à parler de féminisme et de groupes féminins qui réclament l'égalité?
Je passe le plus clair de mon temps à demander aux organisations de nous apprendre comment revenir au discours que nous avions il y a 10 ans à propos du féminisme et de notre quête d'égalité afin que nous cessions d'avoir peur de ces notions.
La présidente: D'autres remarques?
Mme McCardle.
Mme Laurie Ann McCardle: Je pense qu'il est important de collaborer, de s'entretenir sur le terrain avec les femmes, aux niveaux national, régional et provincial. Il nous faut être en contact avec les groupes qui revendiquent l'égalité afin de leur donner l'occasion d'apporter une contribution vraiment utile pour que notre voix se fasse entendre. Ce serait un point de départ.
Mme Debra Critchley: Demain soir, quand je vais arriver en Colombie-Britannique, j'aurai passé 26 heures à voyager, et cela aura coûté 1 200 $. Si les consultations continuent de se dérouler à Ottawa, cela signifiera pour les femmes de l'Ouest que ce qu'elles ont à dire n'a pas grande importance. Vous excluez les organisations de base qui n'ont pas d'argent. Le gouvernement n'a pas financé cette consultation.
º (1635)
L'hon. Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. Nous avons payé votre déplacement, n'est-ce pas?
Mme Debra Critchley: Non, ce n'est pas le cas. La Coalition des centres pour femmes de Colombie-Britannique a payé mon voyage pour venir ici.
L'hon. Paddy Torsney: Pouvez-vous vous expliquer? C'est très important.
La présidente: Quiconque demande de l'aide financière pour venir ici, l'obtiendra.
L'hon. Paddy Torsney: Il y a des formulaires qui vont être distribués.
Mme Jean Crowder: J'invoque le Règlement. Je me demande comment on renseigne les organisations. Même les gens qui sont venus à cette réunion-ci ne savaient pas très bien comment les choses se dérouleraient et si leurs frais de déplacement allaient être remboursés. Il faut se demander pourquoi c'est le cas.
La présidente: Je ne sais pas si nous devrions discuter de cela maintenant. Nous pourrons en parler plus tard. Maintenons la discussion sur le financement de base.
Mme Debra Critchley: Pour instaurer le processus, il faut que nous constituions un cadre pour la discussion. Toutefois, auparavant, il faut créer un cadre qui fixe la responsabilité quant aux coûts et la configuration du processus. Il faut inclure tous les intéressés. Nous devons veiller à ce que les organisations féministes de base qui sont dans une situation précaire ne soient exclues de cette discussion. Il faut régler cet aspect crucial avant de cerner la discussion.
La présidente: Monsieur Powers.
M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Nous vous remercions de répondre à nos questions. Au cours de la première partie de la séance, il y a eu deux questions sur le financement actuel. Vos partenaires procèdent-ils à des récupérations de fonds? Mon expérience dans l'administration municipale m'a appris qu'il y a très souvent de la récupération de fonds. On vous donne 10 $ et on récupère 8 $. Gardez-vous la totalité des fonds qui vous sont accordés?
Oui? D'accord.
Je voudrais savoir maintenant si vous préconisez que l'on abandonne la pratique actuelle pour revenir au financement de base?
Mme Susan Prentice: Je souhaiterais que l'on finance encore des projets tout en restaurant le financement de base. Je pense que nous sommes unanimes là-dessus. Personne n'a rejeté cette idée aujourd'hui.
Mme Sharon Taylor: Il nous faut un financement de base pour l'infrastructure mais le financement axé sur les projets attire de nouvelles idées et de nouveaux partenaires. L'un n'exclut pas l'autre. Il nous faut pouvoir compter sur un financement de base pour pouvoir utiliser l'argent des projets.
Mme Joyce Hancock: Cette solution donnerait aux nouvelles organisations la possibilité de prendre de l'expansion. Au moment où j'essayais d'expliquer à notre nouvelle ministre la situation de la condition féminine, je lui ai dit : « Vous n'êtes pas la ministre du mouvement féministe et je n'en suis pas la présidente. Nous sommes tous les deux chargées de consolider le mouvement des femmes à Terre-Neuve et Labrador. » Cela ne peut pas être réalisé avec seulement quelques dollars distribués à quelques organisations. Il faut que les choses continuent de prendre de l'expansion.
M. Russ Powers: Permettez-moi de reformuler ma question alors. Vous avez répondu oui à ma première question et ensuite, il y a eu un long silence. Souhaitez-vous un financement de base ciblé avec la possibilité d'y ajouter le financement de projets?
Mme Joyce Hancock: C'est cela, oui.
La présidente: Mme Taylor, et ensuite nous passerons à l'intervenant suivant.
Mme Sharon Taylor: Je voudrais ajouter que le financement de base nous donne la possibilité d'obtenir des fonds d'autres sources. C'est un fait. Il nous permet de jouir d'une certaine latitude.
La présidente: Mme Girard.
º (1640)
[Français]
Mme Lise Girard: Il est évident que, si on réintroduit le financement de base, il y a une question primordiale, soit le financement du Programme de promotion de la femme qui, depuis 20 ans, a diminué de 2 millions de dollars. Il n'est maintenant que de 10 millions de dollars. Si on est incapable d'augmenter de façon substantielle ce budget, il est totalement illusoire de penser qu'on va pouvoir obtenir du financement de base de façon efficace.
Je crois que c'est la première question. On ne voudrait pas travailler encore pour rien. Cela fait des années qu'on demande une augmentation des budgets. Au contraire, ces derniers diminuent.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Y a-t-il d'autres commentaires?
Mme Smith.
Mme Joy Smith: Merci.
Ma question s'adresse à Sharon Taylor. J'ai été très émue par ce que vous avez dit, par l'exemple concret du travail merveilleux qu'effectue votre organisation pour des gens qui en ont véritablement besoin. Quand vous avez parlé de la complexité liée à un financement de base, il m'a semblé, d'après vos commentaires, que l'argent était le bienvenu mais qu'il vous fallait vous mettre en quatre pour obtenir ce dont vous aviez besoin.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, Sharon?
Mme Sharon Taylor: Cela fait 25 ans que je travaille dans des organisations à but non lucratif. C'était intéressant, jusqu'à ce que j'accepte ce poste-ci, en 1998... D'un coup, on constate un changement radical vers un financement de projets.
L'une des difficultés auxquelles se heurtent les organisations non gouvernementales tient je pense au fait que nous formons du personnel au bénéfice du gouvernement ou du secteur privé qui en hérite après. Personnellement, je suis contrainte d'embaucher toujours de nouvelles personnes, de les former pendant une période limitée, puis de les voir s'en aller. C'est éprouvant.
La recherche constante de financement est un autre aspect de nos contraintes. Les besoins, quant à eux, restent. Si je mène à bien un projet, je crée une demande. Après cela, le projet disparaît et la personne qui s'en occupait, aussi. J'en suis maintenant au stade où j'embauche des généralistes. Quand j'étudie un curriculum vitae, je m'assure que la personne a les habiletés pour faire un peu n'importe quoi, afin que je puisse la garder d'un projet à un autre.
J'ai remarqué autre chose, en matière de financement de projets : la tendance que nous avons à faire une demande de fonds d'un certain type à une certaine personne qui a des fonds à allouer cette année-là.
Parfois, j'obtiens un financement de diverses sources pendant trois ou quatre ans, puis ce financement disparaît. Or, s'occuper de personnes ayant des vies très complexes n'est pas une entreprise à court terme; leurs problèmes sont à long terme; ils sont systémiques; essayer de les régler projet par projet est impossible. Je me remets même en question en tant que personne recherchant le changement. Est-ce mon rôle ou la vie est-elle un processus? Et comment soutenir les gens au stade où ils en sont?
Je ne sais pas si je réponds à votre question.
º (1645)
Mme Joy Smith: Oui, vous y répondez.
Mme Sharon Taylor: Les questions d'administration sont sempiternelles. Des fois, j'ai l'impression que mon travail est contraire à tout souci d'éthique.
Je suis allée à une fête de Noël, récemment. J'ai constaté la présence d'un homme qui était PDG d'une grosse entreprise. Et la seule chose que j'avais à l'esprit était la nécessité de lui parler, pas parce que je voulais faire sa connaissance, mais parce qu'il pouvait me permettre d'avoir accès à un financement.
À quoi bon faire ce travail? Plus cela va, à mon sens, plus on voit des femmes aux postes de directeur général dans les organismes à but non lucratif. Nous sommes censées gérer le projet, trouver des fonds, effectuer le travail en première ligne, etc., etc. N'y a-t-il pas de limites? Quand prendra-t-on conscience de la valeur du travail du secteur à but non lucratif?
Nous constituons le troisième secteur, en importance. Nous ne sommes pas une charge pour la société. Nous apportons notre part à l'économie. Et nous nous efforçons d'amener un monde meilleur. Toute une tirade, je sais, mais le financement de projets est particulièrement frustrant. Chaque année, j'avise quelqu'un et je me dis : « Ah, Jean, là-bas, je me demande comment elle... Il faudrait que je parle à Anita, cette semaine. »
Nous entendre réclamer un financement de base et chercher continuellement une autre source de financement doit finir par soûler notre personnel, la clientèle que nous servons et les bailleurs de fonds. J'estime qu'on nous met à la même enseigne que les personnes auxquelles nous venons en aide; comme elles, nous tendons la main, en espérant que quelqu'un nous prennent en pitié.
Mme Joy Smith: Merci. Vous l'avez très bien expliqué et je l'apprécie.
La présidente: Madame Parsons, vous vouliez ajouter quelque chose.
Mme Doreen Parsons: Oui, je pense que c'est une question de valeurs. À mesure que les gouvernements adoptent des modèles d'entreprise, nous entendons parler de concurrence et d'innovation et de création de partenariats et de diversification et, bien entendu, de résultats financiers, et il faut une somme incroyable de compétences, de temps et d'efforts pour travailler dans ce cadre. Or, c'est la partie qui n'est pas financée, le temps que l'on prend pour travailler à l'intérieur de ce cadre et pour créer des partenariats et diversifier nos activités. Ces questions sont très graves pour ceux d'entre nous qui survivent grâce au financement axé sur les projets.
Comme vous le disiez, il faut former nos employés. On recrute des femmes qui sont très compétentes et on les forme et, non seulement cela, mais elles aiment leur travail et le font merveilleusement bien. Puis, elles sont terrifiées à l'idée d'être mises à pied avant la fin de la période de 12 mois, s'il n'y a pas de fonds intérimaire pour les réembaucher dans l'éventualité où on obtiendrait un nouveau financement.
Nous passons nos fins de semaine et nos soirées à préparer des propositions parce que nous sommes financés en fonction de nos projets et que c'est un financement cyclique. Le fardeau que cela impose au personnel est assez lourd et il est difficile de gérer et d'administrer une organisation sans ces soutiens. Il est pratiquement impossible de faire une planification à long terme, car la préparation d'importantes propositions est une activité cyclique.
Je pense qu'il est important de savoir qu'il faut des compétences très poussées pour préparer une proposition et il est donc très important de retenir les employés qualifiés pour faire ce travail.
Maintenant, les organismes sans but lucratif fonctionnent par cycles. On passe une année à élaborer et à rédiger des tas de propositions, puis l'année suivante, lorsqu'on a des fonds, on recrute, et ensuite il faut mettre à pied. Dans ces circonstances, il est assez difficile d'exécuter un programme durable.
La présidente: J'ai une longue liste de questionneurs, et j'ai également une longue liste de personnes qui souhaitent faire des observations, c'est pourquoi je vous demande d'être assez brefs.
Mme Jacobs, suivie de Mme Sayo.
Mme Beverley Jacobs: Premièrement, je tiens à remercier Sharon de nous avoir raconté cette histoire humaine, car elle illustre les questions complexes dont nous parlons, particulièrement en ce qui concerne les femmes autochtones. Nous parlons d'une histoire de colonisation et nous parlons également de la compétence qu'il faut avoir pour préparer une proposition. C'est une compétence et il faut une formation pour l'acquérir; afin de pouvoir élaborer des propositions, il faut avoir des gens qui en sont capables.
Je sais que la Fondation autochtone de guérison a fourni de l'argent pour former des personnes en vue de l'élaboration de ces propositions. Je pense que c'est une bonne idée d'utiliser une partie de ce financement pour aider nos organisations à acquérir cette compétence qui est nécessaire.
Je voulais simplement faire cette observation.
La présidente: Merci.
J'ai sur ma liste Mme Sayo et Mme Marshall, puis je passerai au prochain questionneur.
Mme Cecilia Diocson-Sayo: Je suis très contente d'entendre cette discussion, car il y a certaines de ces choses que nous ne faisons pas dans notre centre. Nous concentrons nos efforts sur les moyens de survivre, de pouvoir continuer, et nous défendons les droits des femmes les plus marginalisées de ce pays, les femmes migrantes.
Je pense que nous devons également nous examiner nous-mêmes et ce que nous faisons. Le financement de base est une question politique, et je pense que nous aimerions vous entendre, vous les parlementaires, prendre un engagement. Nous allons parler de cette question dans nos collectivités, et nous allons raconter notre expérience au Canada, la façon dont nous sommes traitées et marginalisées. Chaque jour, nous faisons face à un racisme systémique.
Nous avons tellement de femmes professionnelles dans notre collectivité, pensez-vous que nous ne savons pas comment rédiger des propositions? Nous passons notre temps à en rédiger, et on nous félicite pour notre travail et on nous dit que nos propositions sont très bonnes. Mais où est l'argent? Nous n'obtenons pas d'argent, parce que nous ne sommes pas assez riches. Certaines fondations doivent avoir au moins 200 000 $ pour en obtenir 10 000 $. N'est-ce pas ridicule? C'est ridicule.
J'ai consacré toute l'année passée à la rédaction d'une proposition. Elle était très bonne, mais je l'ai présentée et on me l'a retournée en un va-et-vient incessant pendant plus d'un an. Nous n'avons toujours rien obtenu. Voilà où nous en sommes maintenant On va nous retourner notre proposition avec une liste d'exigences.
Vous parlez de processus. Ça prend des années pour obtenir ne serait-ce que 30 000 $. C'est vraiment ridicule. Voilà ce qui se passe dans notre collectivité d'immigrantes, la collectivité la plus mal financée au Canada, malgré qu'il y ait près d'un demi-million de Philippins ici au Canada.
La majorité sont des femmes. Les femmes qui mènent la lutte de la collectivité philippine au Canada et qu'on doit encourager. Ce sont elles qui prennent l'initiative, qui organisent notre collectivité afin que la prochaine génération ne souffre pas de la même situation déshumanisante qui existe à l'heure actuelle.
Je tenais à vous faire entendre cela afin que vous sachiez ce que nous avons à dire en tant que collectivité, car le financement de base est une question politique.
Merci.
º (1650)
La présidente: Merci.
Mme Marshall, puis je vais permettre à Mme Yelich de poser ses questions.
Mme Kathy Marshall: Je voudrais me faire l'écho de ce que Cecilia disait, soit que le financement de base est une question très politique. Lorsqu'on l'examine, il faut absolument qu'il y ait des dialogues dans l'ensemble du pays avec les organisations populaires et il faut faire en sorte que les organisations féminines soient au courant des lignes directrices pour le financement en fonction des initiatives et qu'elles les appuient.
À l'heure actuelle, les lignes directrices sur ce qui peut être financé varient d'une organisation à l'autre. L'intervalle entre le financement d'un projet qui se termine et celui du prochain projet est absolument atroce. Womenspace est membre d'une coalition et nous négocions notre proposition depuis des mois déjà et nous n'avons reçu aucun fonds depuis septembre dernier. Il y a d'énormes problèmes et je voudrais simplement être sûre qu'on ne les oubliera pas.
La présidente: Merci.
Mme Yelich.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): En effet, cela semble plutôt difficile.
Je veux simplement revenir à ce que disait...c'est bien Laurie Ann, de la Colombie-Britannique, qui a pris la parole?
J'aimerais savoir—peut-être que vous pourriez toutes répondre—ce qui, d'après vous... Comme l'a dit Joyce, revenons 10 ans en arrière. Est-ce que la plupart d'entre vous ont une expérience aussi longue du financement de base? C'est le cas pour vous toutes? Très bien.
Revenons donc 10 ans en arrière. Qu'est-ce qui serait idéal? Je me demande où est l'apport de la province. Quel devrait être le groupe de coordination au niveau fédéral? J'essaie de revenir en quelque sorte à ce que disait Paddy. Qui représentez-vous—des organismes provinciaux ou des organismes régionaux? À quel ministère espérez-vous avoir accès? Quelle serait votre infrastructure idéale? Quelle image avez-vous de la façon dont vous devriez fonctionner? Devrait-il y avoir un organisme provincial auquel vous pourriez vous adresser qui serait peut-être soumis au droit de regard du gouvernement fédéral pour veiller à ce que le financement soit bien en place et qui aurait la responsabilité de la prestation? S'agit-il de l'élaboration de politiques? Dans votre conception des choses, que demandez-vous au juste?
Il y a le financement par projet et il y a aussi le financement de base. Je peux comprendre cela. Je crois que l'un ne peut pas exister sans l'autre. Si vous avez un bon projet, le financement par projet pourrait être converti en financement de base, pour assurer le long terme. Mais j'en suis toujours à me demander comment nous devrions procéder. Les provinces devraient-elles avoir un rôle plus important à jouer?
Vous avez indiqué que le gouvernement de la Colombie-Britannique a réduit votre financement, mais que c'est le gouvernement fédéral qui a été le premier à vous couper les vivres. Voilà ce que vous avez dit au sujet de votre financement.
Mme Debra Critchley: Ce qui est arrivé, c'est...je veux dire qu'on ne nous a pas coupé les vivres, mais qu'on a déplacé le financement.
Mme Lynne Yelich: Le financement a été déplacé. Bon, très bien.
Mme Debra Critchley: Avant qu'il ne relève de Condition féminine Canada, le financement relevait du Secrétariat d'État. C'était un financement de base au début, puis on est passé à un financement par projet. Dans l'intervalle, le gouvernement provincial a assuré un certain financement de base aux centres pour femmes de la Colombie-Britannique, puis il a continué à assurer ce financement et il a continué à l'augmenter au fil des ans jusqu'à ce qu'il atteigne 47 000 $ pour chacun des centres pour femmes, et c'est à ce moment-là qu'il a été réduit.
J'ai du mal à me concentrer à cause de la lumière et des députés qui sont en train de se demander s'ils ne devraient pas être quelque part.
Mme Lynne Yelich: Ah, il y a un vote?
º (1655)
Mme Debra Critchley: Je crois qu'il serait risqué que Condition féminine Canada confie l'administration du financement de base fédéral aux provinces. Ce qu'il nous faut, c'est quelque chose de fédéral, quelque chose de constant. Nous avons toutes des bureaux de Condition féminine Canada dans nos régions, et certaines d'entre nous entretiennent des rapports avec ces bureaux. Mais je suis d'avis qu'il ne serait pas du tout acceptable que l'argent soit confié aux provinces.
L'autre élément qui manque à mon avis... Je suis venue ici en octobre 2003—c'est à ce moment-là que j'ai en fait rencontré Anita Neville pour la première fois—et nous étions tout un groupe de la Colombie-Britannique et nous avons discuté avec des députés et des ministres de l'élimination du financement de base provincial en Colombie-Britannique, parce que nous croyions que le Canada avait signé la CEDAW. Il l'avait d'ailleurs signée, mais nous pensions qu'en signant la CEDAW, le Canada s'était engagé à avoir en place un mécanisme fédéral pour empêcher que les provinces ne se retirent, auquel cas tout aurait été bien. Nous sommes venues à Ottawa dans l'espoir qu'on nous dise quelque chose, que le gouvernement fédéral s'engage à discuter avec la province de son action passée en ce qui concerne les questions touchant les femmes, mais nous avons alors constaté qu'il n'existait pas de mécanisme en fait et qu'on ne pouvait rien faire.
Cela ne veut pas dire que notre visite à Ottawa n'a pas porté fruits. La démarche s'est avérée utile à bien des égards. Condition féminine Canada a accordé un financement d'urgence aux centres pour femmes pendant la crise initiale. Mais pour tout vous dire, nous avons été abasourdies de constater qu'une province pouvait dire aux organismes de promotion de l'égalité des femmes de son territoire : « En fin de compte, nous trouvons que vous faites trop de bruit. Vous êtes casse-pieds. Vous contestez nos politiques. Nous aurions bien moins de difficultés si nous cessions tout simplement de vous financer. Peut-être que la majeure partie de vos groupes finirait alors par disparaître. »
Nous avons été choquées de constater que le gouvernement fédéral n'est pas du tout intervenu quand cela s'est produit. C'était comme s'il assistait en témoin silencieux à la disparition des centres pour femmes de la Colombie-Britannique. Cela n'était pas acceptable. Ce n'est pas acceptable qu'il n'y ait pas de mécanismes de contrôle en place, et ce n'est pas acceptable que le gouvernement fédéral n'ait pas joué un rôle de chef de file.
La présidente: Madame Hancock.
Mme Lynne Yelich: L'une de vous a dit que vous avez des partenariats avec des entreprises ou des compagnies. J'aimerais savoir si vous avez effectivement de ces partenariats et s'il arrive que cela vous nuise, parce que le gouvernement chercherait à se défiler sous prétexte que vous recevez déjà tant d'argent. J'aimerais savoir si vous avez effectivement des ententes avec le secteur privé.
Mme Joyce Hancock: C'est le cas de certains de nos organismes en Colombie-Britannique, et il arrive souvent que la province se décharge alors de sa responsabilité. J'abonde dans le sens de ce que vous dites, car quand on pense aux pertes, même en l'espace de 10 ans... J'ai déjà travaillé dans un centre pour femmes et je préside maintenant le conseil consultatif de ma province. Nous avons une relation tout à fait spéciale; bien souvent, nous jouons le rôle d'organisme de coordination auprès de nos centres pour femmes. Après que Condition féminine Canada a cessé de nous accorder un financement soutenu, nous avons pu obtenir des fonds du gouvernement provincial pour certains de nos centres pour femmes. Les critères de financement deviennent de plus en plus exigeants. Les centres se trouvent maintenant à faire du travail qui devrait normalement être fait par le ministère, et leur rôle au niveau de la sensibilisation et de la promotion de l'égalité commence à en prendre pour son rhume. Il n'y a qu'à lire les bulletins de nouvelles pour constater ce glissement, alors je ne souhaite aucunement que les provinces se voient confier ce genre de responsabilité. Nous n'avons aucune garantie. Il suffit qu'on change de gouvernement et...
» (1700)
Mme Lynne Yelich: Mais vous avez votre ministère provincial de la condition féminine qui fait du très bon travail et avec qui vous avez une excellente collaboration si je ne m'abuse. Ce ministère n'a pas vraiment de lien avec nous, n'est-ce pas?
Mme Joyce Hancock: Non, ce sont en fait deux entités distinctes. Nous sommes en train de constater que plus les organismes deviennent militants, plus leur financement semble en péril, si bien qu'ils mettent la pédale douce. Dans le dernier discours du budget, il n'était plus du tout question de travail de sensibilisation mais uniquement d'apporter un soutien moral aux femmes de la province. On joue avec les mots.
La présidente: Madame Prentice et madame Taylor, allez-y.
Mme Susan Prentice: Je voudrais revenir à ce qu'on disait au sujet du travail de sensibilisation. Certains groupes arrivent effectivement à se trouver des partenaires, et il est parfois possible d'établir des partenariats avec le secteur privé. C'est ce que nous avons essayé de faire à la Child Care Coalition, et je suis heureuse de pouvoir dire, s'agissant du projet que nous avons entrepris l'an dernier en collaboration avec Condition féminine sur la garde d'enfants à Winnipeg, projet auquel Anita Neville a participé, que nous avons réussi à nous trouver des partenaires.
Dans l'ensemble, les groupes qui cherchent à obtenir des changements politiques et à promouvoir l'égalité ne trouvent guère d'appui dans le milieu des affaires, et beaucoup de fondations ne s'intéressent pas à ce genre de groupes. Rares sont les bailleurs de fonds qui sont prêts à soutenir les groupes qui militent pour le changement. Je crois que nous serions toutes d'accord pour dire qu'il est difficile de trouver de l'argent pour financer le travail qui se fait au niveau politique, de sorte qu'il y a peu de sources de financement et que le milieu des affaires est peu susceptible de devenir un jour un ardent défenseur du mouvement féminin.
Mme Lynne Yelich: J'ai une question à vous poser étant donné que vous êtes toutes les deux du Manitoba. Que signifie pour vous le programme national de garde d'enfants qui a été annoncé dans votre province? Cela signifie-t-il que vous allez perdre votre emploi?
Mme Susan Prentice: Est-ce que je vais perdre mon emploi?
Mme Lynne Yelich: Je me demandais ce qu'il en était, étant donné que c'est bien là ce que vous voulez, un programme national de garde d'enfants? C'est ce qui a été annoncé dans votre province, et dans la mienne.
Mme Susan Prentice: Ce que je voudrais, c'est un programme national de garde d'enfants pour l'ensemble du Canada, pour toutes les femmes et tous les enfants du Canada. Tant que cet objectif n'aura pas été réalisé, le travail de celles qui militent pour la garde d'enfants ne sera pas terminé.
La présidente: Madame Taylor, je vous en prie.
Mme Susan Prentice: Félicitations toutefois pour avoir signé certaines de ces ententes bilatérales.
Mme Sharon Taylor: Lynne, je suis l'une de celles qui ont parlé de partenariats avec le milieu des affaires. Ce qui m'inquiète dans cela, c'est de savoir s'il est conforme à notre éthique—il faut tenir compte de l'éthique—de recevoir des fonds de telle ou telle entreprise ou d'être financé selon telle ou telle modalité. Le plus souvent, quand j'ai reçu des fonds du secteur privé, il s'agissait de petites subventions à court terme, qui n'étaient pas assez importantes pour nous permettre de continuer bien longtemps. Par ailleurs, comme nous sommes une petite province, nous ne semblons pas avoir beaucoup de pouvoir. Les sociétés et les entreprises ne veulent pas financer un organisme communautaire comme le nôtre—nous ne sommes pas un organisme national—, car elles veulent se donner plus de visibilité. Pour cela, elles préfèrent un programme national. Il est parfois très difficile d'obtenir des fonds du milieu des affaires. Nous recevons de très petites contributions, mais qui ne suffisent pas à assurer notre subsistance d'une année à l'autre.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Girard, vous avez la parole. J'accorderai ensuite la parole à Mme Crowder.
[Français]
Mme Lise Girard: J'ai également parlé, dans ma présentation, du secteur que nous avons développé depuis quelques années: les partenariats avec les entreprises privées. Il s'agit d'un secteur en plein développement chez nous. Il nous a fallu quatre ou cinq ans pour le développer suffisamment pour avoir des fonds qui soient quand même appréciables. Cette année, je crois que ce sera de l'ordre de 80 000 $. Dans notre budget, ce sont quand même des sommes importantes.
Évidemment, les ententes que nous avons avec ces partenaires sont donnant, donnant. Ils adoptent notre cause, mais, en même temps, ce sont des compagnies qui veulent avoir de la visibilité et être connues auprès de notre clientèle. Ce sont des entreprises du secteur privé. Elles sont là pour faire des profits, et les sommes qu'elles nous consentent font partie des relations publiques, en quelque sorte.
Je pense qu'il est possible de développer ce type de partenariat tout en conservant des balises acceptables. Nous avons établi certains critères. Je crois qu'à l'heure actuelle, nous sommes en train de développer cela de façon efficace. Par contre, je ne pense pas que le développement des partenariats avec le secteur privé doive libérer le gouvernement de sa responsabilité de faire progresser l'égalité des femmes au Canada. À mon avis, la question de l'égalité est du ressort politique. Les partenariats avec l'entreprise privée ne devraient à aucun moment prendre la place de ces engagements.
» (1705)
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Crowder.
Mme Jean Crowder: Je vous remercie.
J'aimerais dire quelques mots sur la reddition de comptes. J'aimerais revenir à la viabilité du financement.
La question de la reddition de comptes à l'égard des fonds fédéraux accordés aux provinces s'est toujours posée. La méthode utilisée en Colombie-Britannique est un bon exemple du type de méthode à ne pas utiliser. L'initiative sur le développement de la petite enfance devait permettre d'accroître le nombre de places en Colombie-Britannique. En Colombie-Britannique, les subventions pour les services de garde et les places en garderie ont en fait diminué. On ne peut donc pas dire qu'il y a eu reddition de comptes à l'égard des fonds accordés par le gouvernement fédéral. Voilà ce que j'avais à dire à ce sujet.
Mme Diocson-Sayo demandait aux politiciens de s'engager à assurer la viabilité du financement de base. Je veux préciser publiquement que je suis résolue à continuer à militer en faveur du financement de base, mais j'ai une demande à formuler. Je veux que les organismes qui réclament l'égalité pour les femmes collaborent avec Condition féminine à l'élaboration d'un programme ainsi que des lignes directrices relatives à sa mise en oeuvre. Il arrive trop fréquemment que les organismes de femmes viennent quémander des fonds sans avoir un mot à dire sur la répartition de ces fonds. Je ne veux pas que le financement de base soit assuré aux organismes de femmes s'ils n'ont pas un mot à dire dans l'attribution des fonds.
Je reviens à la question de la viabilité du financement. Lorsque j'étais en Colombie-Britannique la semaine dernière, j'ai rencontré des représentantes d'un centre de transition pour les femmes. Elles sont dans la position peu enviable d'avoir obtenu des fonds pendant deux ou trois ans pour mettre sur pied un programme de logement très innovateur pour les femmes et elles doivent maintenant trouver un moyen d'assurer le fonctionnement de ce programme à long terme. Elles ont investi tout ce temps et toute cette énergie dans ce programme et elles sont maintenant censées trouver une source de financement viable. J'aimerais connaître votre avis sur cette question étant donné que ces femmes sont censées trouver des partenaires privés prêts à aider d'anciennes toxicomanes. Or, il faut bien admettre que ce genre d'initiative n'intéresse pas beaucoup les entreprises.
J'aimerais connaître votre avis sur la question de la viabilité du financement.
Mme Bev Suek: Il y a plusieurs années, nous avons mené une étude portant sur les fonds consentis par les entreprises. C'était à l'époque où le Secrétariat d'État existait toujours. Les entreprises font des dons à des organismes sportifs et à des organismes artistiques. Comme il s'agit pour elles d'un outil de marketing, elles ne veulent pas qu'on les associe à des refuges pour femmes maltraitées ou pour toxicomanes. Comme leurs dons sont intéressés, elles ne veulent pas être associées à quelque chose qui n'est pas positif.
On obtient des fonds pour mettre en oeuvre un projet pendant un ou deux ans. On propose quelque chose d'innovateur qui suscite beaucoup d'espoir. Il s'agit souvent d'argent provenant du gouvernement fédéral et tout d'un coup le financement cesse. La province a l'impression qu'elle doit prendre la relève. Comme elle n'avait pas prévu devoir le faire, tout le projet tombe à l'eau. Je pense que presque tous les organismes se sont déjà retrouvés dans cette situation. Une initiative louable est mise en oeuvre et tout tombe à l'eau parce que ce n'est censé être qu'un projet temporaire.
La présidente: J'accorde maintenant la parole à Mme Critchley et ensuite à Mme Taylor.
Mme Debra Critchley: Je crois que toute la question du financement de base est directement liée à celle de la viabilité du financement. Peu de temps après que le gouvernement provincial en Colombie-Britannique eut mis fin à notre financement de base, nous avons entamé des discussions avec RHDCC en vue de créer un programme de 18 mois à notre centre et c'est la viabilité du financement qui a posé problème. Si un organisme n'a plus de financement de base, comment sait-il s'il pourra poursuivre ses activités dans 11 mois? Pourquoi le gouvernement voudrait-il lui donner de l'argent s'il n'existera plus dans 18 mois? Nous ne pouvions pas faire état d'investissements en infrastructure. Nous ne pouvions pas leur montrer d'investissements dans l'administration du projet. Nous arrivions à payer notre loyer par pure chance et nous espérions que la levée de fonds que nous prévoyions tenir dans six mois rapporterait suffisamment pour nous permettre de continuer à payer notre loyer.
L'autre reproche qu'on peut aussi formuler—et je sais qu'il s'agit d'une question très politique et que ce que je vais dire va en offenser certains—, c'est que lorsqu'il est question de rétablir le financement de base d'une maison de transition, par exemple, sans exiger que cet organisme oeuvre à prévenir la violence, fasse du travail d'approche communautaire pour sensibiliser la population aux causes premières de la violence ou mène des activités de défense des intérêts, cet argent ne sert pas à grand-chose. Si aucune exigence de ce genre n'accompagne le financement de base, on peut dire qu'il s'agit simplement de fonds pour la prestation de services et nous ne pensons pas que Condition féminine Canada devrait financer de cette façon la prestation de services.
Il faudrait que les organismes qui reçoivent un financement de base travaillent vraiment à promouvoir l'égalité des femmes. Il y a aussi une autre difficulté. Tous les organismes de femmes ne se composent pas exclusivement de femmes. Tous les organismes de femmes ne souscrivent pas nécessairement aux principes féministes. Il faut qu'il y ait une franche discussion sur la question. Il y a de nombreux organismes de femmes au pays qui ne comptent plus seulement des femmes et les dirigeants de ces organismes sont surtout des hommes. Ces organismes ne sont plus axés sur les besoins des femmes. Le simple fait que le mot « femme » figure dans le nom de ces organismes ne signifie pas nécessairement qu'ils font la promotion de l'égalité des femmes.
Il nous faut donc discuter de toutes ces questions, et c'est ce qui m'apparaît le plus difficile.
» (1710)
La présidente: Je vous remercie.
J'accorde maintenant la parole à Mme Taylor et ensuite à Mme Prentice.
Mme Sharon Taylor: Je pense, Jean, qu'il ne faut pas confondre viabilité du financement et auto-financement. À mon avis, voilà la difficulté. Il faut redéfinir ce qu'on entend par viabilité. Qu'est-ce que la viabilité? La viabilité, ce n'est pas toujours une question de locaux. La viabilité est liée à la façon dont un programme a amélioré la qualité de vie des gens. Voilà ce qu'est la viabilité.
Il s'agit donc de redéfinir la viabilité, ce qui revient à s'interroger sur les résultats. Examinons les résultats et demandons-nous ce que sont des résultats réalistes. La viabilité, ce n'est pas pour un programme de s'auto-financer l'an prochain ou dans deux ans puisque les problèmes qui se posent existent depuis longtemps et qu'il faudra sans doute assurer un suivi pendant une période assez longue.
La présidente: Je vous remercie, Sharon.
Madame Prentice.
Mme Susan Prentice: Pour revenir à la question que posait Jean Crowder, je pense qu'il faut que le dialogue entrepris aujourd'hui se poursuive dans nos... Je fais des recherches dans ce domaine et je serais heureuse de vous transmettre ainsi qu'à votre personnel de recherche certains documents. Je viens de terminer un livre fantastique qui s'intitule Nonprofits for Hire: The Welfare State in the Age of Contracting. J'espère que vous le lirez. Il existe aussi une étude très importante portant sur le secteur bénévole qui s'intitule Funding Matters et dont l'auteur est Katherine Scott. J'espère que vous lirez également cette étude. Nous pourrions aussi vous fournir de bons conseils qui pourraient vous être utiles dans vos délibérations.
La présidente: Je vous remercie.
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir sur ce point?
Dans ce cas, j'accorde maintenant la parole à Mme Bonsant.
[Français]
Mme France Bonsant (Compton—Stanstead, BQ): Bonjour, mesdames.
C'est une question monétaire, mais je ne voudrais pas que vous me lanciez des tomates. Depuis le début, vous essayez de survivre vous-mêmes pour garder vos unités ouvertes. Comment suivez-vous le progrès de tous les gens qui sont passés chez vous? Faites-vous un suivi concernant ces femmes, ou bien n'en avez-vous pas les moyens? Où sont-elles rendues? Avec tous les efforts que vous avez fournis, voyez-vous un changement? Cela m'intrigue beaucoup de savoir ce qui arrive aux gens qui sont passés chez vous.
[Traduction]
Mme Cecilia Diocson-Sayo: Permettez-moi de vous donner un exemple concret qui vous montrera la façon dont fonctionne notre centre. Le centre est ouvert sept jours par semaine. Il est ouvert tard en soirée pour aider les femmes.
Au cours des 10 dernières années, nous avons pris la défense des infirmières philippines qui viennent au Canada comme domestiques. Nous avons besoin d'infirmières dans ce pays; nous savons très bien qu'il y a pénurie d'infirmières au Canada. Or, il y a des milliers d'infirmières philippines au Canada qui font du travail domestique et qui offrent des soins à domicile 24 heures par jour.
Condition féminine a appuyé notre travail à l'échelon régional. Nous avons mené une étude sur la situation et nous avons formulé des recommandations quant aux mesures devant être prises pour permettre à ces infirmières d'exercer leur profession.
Voilà donc un exemple du type de travail que nous avons accompli à la base pendant 10 ans. La Colombie-Britannique a déjà profité du travail que nous avons fait. Nous n'avons reçu aucuns fonds après cette étude.
Nous sommes fières du travail que nous avons fait comme femmes philippines parce que nous pensons que notre libération est inextricablement liée à la libération des femmes au Canada. Si nous continuons d'être marginalisées et reléguées au bas de l'échelle dans ce pays, il ne peut y avoir de libération ni d'émancipation pour l'ensemble des femmes au Canada. Voilà pourquoi je pense que nos efforts sont très importants. Nous avons aidé plus de 160 infirmières à réintégrer leur profession.
Voilà ce que nous entendons par la promotion de l'égalité à l'échelon local. C'est notre contribution au Canada. C'est notre contribution au mouvement des femmes au Canada et à la cause des femmes au Canada. Nous avons soutenu beaucoup de femmes qui sont venues au Canada comme domestiques ainsi que leurs familles. Notre centre aide aussi ces femmes à s'installer au Canada et à s'intégrer à la société canadienne.
Pour ce qui est de l'évaluation des résultats, les outils que vous utilisez ne conviennent pas toujours pour évaluer les résultats de nos actions sur le terrain. C'est tellement difficile. On voudrait tout pouvoir mesurer, mais certaines choses ne sont pas mesurables. Il faut aussi voir quelles sont les pratiques exemplaires. On nous dit continuellement que ce que nous faisons n'est pas une pratique exemplaire. Qu'est-ce qu'une pratique exemplaire pour les femmes? Nous devons tenir compte de notre contexte et de notre histoire qui explique pourquoi nous luttons pour l'égalité et le respect des droits de ces femmes.
Je pourrais vous donner toutes sortes d'exemples. Nous sommes ici parce que nous avons des histoires à raconter et que nous avons des problèmes à vous soumettre. Je ne sais pas quelle autre preuve de notre utilité nous devons fournir pour qu'on nous accorde les fonds dont nous avons besoin pour faire notre travail.
Je vous remercie.
» (1715)
La présidente: J'ai une liste d'intervenants, madame Yelich. Je vous permettrai de donner votre avis sur cette liste dans une minute.
Madame Hancock.
Mme Joyce Hancock: En réponse à votre première question, je crois qu'il existe de nombreux exemples de réussite. Dans notre province, nous avons mis en oeuvre des projets en vue de favoriser la participation des femmes au secteur axé sur les ressources. Il s'agit de programmes de transition. À l'heure actuelle, 300 femmes sont inscrites à ce genre de cours de formation.
Pour revenir à ce que vous disiez, la question de l'égalité évolue continuellement tout comme le climat politique. Lorsque j'ai quitté l'ouest de Terre-Neuve pour m'installer en ville parce que j'avais accepté un poste au niveau provincial, il n'existait pas de banques alimentaires. Nous nous sommes élevés contre cela et nous avons voulu susciter un débat sur la raison pour laquelle une province si riche en ressources naturelles avait besoin de banques alimentaires. Les groupes qui font la promotion de l'égalité essaient maintenant d'aider les femmes à avoir accès aux banques alimentaires et aux tribunaux.
Nos systèmes se détériorent. À Terre-Neuve-et-Labrador, les gens migrent vers les villes pour obtenir de meilleurs services de santé. Les groupes de femmes ont commencé à s'intéresser à cette question. Le financement de base aide les femmes... Nous ne pouvons pas consacrer tous nos efforts à chercher à obtenir ce financement, mais il faut à la fois accorder le soutien et faire de la prévention et on ne peut pas le faire si l'on n'existe pas. Nous sommes parfois le seul recours des femmes parce que les priorités politiques changent souvent. Que ce soit dans le domaine des pêches... Les parties rurales et éloignées de Terre-Neuve-et-Labrador se vident et tout ce qui reste parfois aux femmes c'est le centre pour femmes.
Leur présence est importante.
» (1720)
La présidente: Merci.
Madame Yelich, vous vouliez faire une observation.
Mme Lynne Yelich: Ma question aurait été, alors elle a une mesure? C'est ce que je veux savoir—celles qui sont devenues infirmières, ont-elle réussi? Elle dit qu'il y en a 160 qui ont fait le cours. Lorsqu'elle remplit la demande de financement, est-ce qu'on lui accorde des points pour cela? On ne peut pas dire qu'elle ait échoué, sous prétexte que certaines d'entre elles ne sont pas devenues infirmières.
Je pense que nous avons une mesure, mais je ne sais pas ce qu'elle est. Est-ce qu'elle pense qu'elle ne pourra plus obtenir de financement pour son projet à moins que ces femmes réussissent à devenir infirmières? J'aimerais qu'elle m'en dise plus long à ce sujet.
La présidente: On va continuer avec les questions.
Y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaite répondre à Mme Bonsant?
Je suis désolée, Susan, je ne vous avais pas vue.
Mme Susan Prentice: Merci.
Parfois leur travail s'adresse à des femmes en particulier et nous pouvons suivre leurs progrès. Mon organisation s'occupe de politiques. En mai dernier, nous avons publié un rapport sur les services de garde d'enfants à Winnipeg. Nous avons fait valoir que les services de garde d'enfants à Winnipeg sont en situation de crise. Il faut le comprendre. Il faut comprendre les impacts sociaux et économiques. Il faut reconnaître les disparités et faire quelque chose pour les éliminer. Onze mois et demi plus tard, la ville n'a encore rien fait. Selon certains critères, vous pourriez dire que nous avons échoué.
Par contre, nous avons tenu des consultations, nous avons fait de la recherche, nous avons un conseil consultatif, nous avons suscité de l'intérêt et nous avons commencé à sensibiliser la ville au problème de la garde d'enfants. À strictement parler, avons-nous fait changer la politique de Winnipeg en matière de garderies? Nous avons échoué, n'est-ce pas? Onze mois plus tard, la politique n'a toujours pas changé.
Cela dépend beaucoup de la manière de déterminer ce qui est un bon résultat. C'est ce que je voulais dire au sujet des mesures.
La présidente: Mme Jacobs, puis ce sera le tour de Mme Torsney.
Mme Beverley Jacobs: Lorsqu'il s'agit de déterminer si nous avons contribué à changer la vie d'une femme, il y a des résultats précis qu'on peut mesurer. Si une femme qui était dans une relation violente s'en est libérée et qu'elle vit une vie saine, c'est un résultat. C'est une mesure. Si une femme qui était sans abri n'est plus dans la rue parce qu'elle a participé à un programme ARDA ou à un programme d'acquisition de compétences qui lui a permis d'améliorer son employabilité, c'est un résultat. Sa vie a changé pour le mieux pour elle-même, pour sa famille et pour sa collectivité.
Voilà ce que nous faisons à l'échelle nationale, provinciale, urbaine et rurale. Si nous avons les fonds pour faire de la recherche afin de déterminer les chiffres, si c'est ce qu'il faut, car c'est ce que nous faisons dans le cadre de notre campagne Soeurs d'esprit... Une partie de ce que nous faisons depuis que nous avons commencé la proposition... Seulement depuis que nous avons commencé la proposition, il y a eu 40 femmes portées disparues ou tuées au cours de la dernière année. Est-ce un résultat? Est-ce quelque chose que nous voulons mesurer? C'est ce que nous voulons changer.
La présidente: Allez-y.
[Français]
Mme France Bonsant: Je ne voulais pas connaître la mesure. Je voulais savoir si, après avoir déployé tant d'efforts auprès de ces femmes, vous arriviez à les suivre pour ne pas qu'elles retombent dans cette ornière. Moi aussi, j'étais d'accord pour que votre budget soit augmenté. J'ai même suggéré 40 millions de dollars, et on m'a regardée avec des yeux ronds. Mais c'était peu: j'aurais dû demander 60 millions de dollars, pour avoir un bon équilibre. On sait que les femmes battues ont tendance à retomber dans le même pattern. Assurez-vous un suivi — psychologique, social ou autre — pour que cela ne se produise pas? Veillez-vous à ce que les femmes qui s'en sont sorties restent bien dans leur peau? Des mesures! Les sortir du pétrin une fois, c'est un bon pas, mais il s'agit de savoir si elles continuent leur vie.
» (1725)
[Traduction]
La présidente: Madame Critchley.
Mme Debra Critchley: C'est une question intéressante. Je peux y répondre uniquement du point de vue d'un centre pour femmes, notamment le mien.
Non, nous ne faisons probablement pas de suivi, parce qu'une partie de nos fonctions consiste à intervenir en cas de crise et à orienter les femmes vers les services appropriés. Par exemple, nous adresserions une femme qui souhaite quitter une relation violente à une maison de transition. Là, elle serait hébergée et aurait accès aux services de counselling dont elle a besoin.
Pour ce qui est de faire en sorte que dans trois ou quatre ans elle ne se retrouve pas dans la même situation, eh bien c'est pour cela que nous avons à coeur de lutter pour des changements systémiques. Nous croyons que la solution ultime est d'assurer l'égalité économique des femmes, de mettre fin à la discrimination contre les femmes, de contester les taux de prestation d'aide sociale qui affament les femmes et leurs enfants, de changer le système actuel. Nous oeuvrons pour créer un Canada plus sûr pour elles, pour nous tous.
C'est pourquoi le financement de Condition féminine Canada est si essentiel. C'est la seule source de financement que je connaisse—et il y a longtemps que je fais ce métier—qui nous permet d'aborder les questions de changement systémique, de justice sociale et de discrimination contre les femmes. Nous n'avons aucune autre source de financement, nous n'en avons jamais eu d'autre, et notre organisation existe à Vernon depuis 35 ans.
La B.C. Coalition of Women's Centres travaille à l'heure actuelle avec Condition féminine Canada pour encourager le dialogue public sur la violence contre les femmes en Colombie-Britannique. C'est le parfait exemple d'un engagement à long terme. Nous savons que cela va aider les femmes.
Mme Sharon Taylor: Lorsque nous parlons de résultats, surtout dans le cas de femmes dont la vie est très complexe, nous devons faire attention à ce que nous appelons un résultat. Si le seul résultat que je vise est qu'une femme quitte une relation de violence, je vais échouer. Peut-être qu'elle reconnaît pour la première fois qu'elle est victime de violence, ou peut-être qu'elle fait face à bien d'autres problèmes, comme le logement.
Ceux qui établissent les critères pour mesurer les résultats doivent consulter ceux d'entre nous qui travaillent en première ligne. Je me méfie des chiffres. Qu'avons-nous accompli si nous avons aidé 50 personnes à se passer de l'assistance sociale si le mois suivant elles doivent y retourner? Ce n'est pas réaliste.
Dans tous les cas, nous devons nous réunir en groupe pour déterminer ce que nous pouvons accomplir, ce que la femme peut accomplir. Elle est maîtresse de son propre destin. À l'heure actuelle, nous sommes axés sur le marché, mais si nous sommes obligés d'obtenir des résultats impossibles, nous allons tous échoué. C'est pourquoi j'insiste sur le fait qu'il faut faire preuve de prudence lorsque nous examinons les résultats.
» (1730)
La présidente: Mme Girard, suivie de Mme Torsney.
[Français]
Mme Lise Girard: On parle des femmes individuellement, mais il est important aussi de tenir compte de l'évolution collective des femmes.
Il est parfois difficile de mesurer les résultats à court terme du mouvement des femmes au Canada et au Québec en particulier, qui est celui que je connais le plus. Je sais pertinemment que les femmes au Québec n'avaient pas droit à l'autorité parentale avant la révision du Code civil en 1970. Elles n'étaient pas considérées comme des personnes légales. On n'accordait aucune reconnaissance aux femmes collaboratrices des maris dans les entreprises familiales.
À la suite des discussions plus récentes à propos d'un régime d'assurance parentale et de la conciliation famille-travail, je pense qu'on est en mesure de voir l'évolution des femmes à travers ces changements. C'est un travail de longue haleine. Cela ne se mesure pas en jours ou en années, mais en décennies.
À l'heure actuelle, une des questions qui nous préoccupent beaucoup est celle du travail invisible des femmes. Ce sont les femmes qui mettent les enfants au monde, ce sont les femmes qui créent cette société, ce sont les femmes qui aident les personnes en perte d'autonomie, et elles le font souvent tout à fait gratuitement.
On connaît l'importance du système économique dans lequel on vit, où l'on attribue une valeur économique aux choses. Le mouvement des femmes est fort important pour continuer à faire évoluer les mentalités à cet égard. On perçoit ces changements de mentalité.
Tout récemment, nous participions à une émission de télévision au sujet du travail des femmes qui éduquent les enfants. Il y a seulement cinq ans, quand on participait à ce type d'émission à tribune téléphonique, les commentaires qu'on entendait étaient à l'effet que ce travail relevait strictement du secteur privé. On disait que c'étaient des ententes entre des partenaires qui décidaient d'éduquer les enfants.
Aujourd'hui, le discours a totalement changé. Toutes les personnes qui sont intervenues disaient clairement qu'il s'agit d'une contribution sociale importante qui devrait être reconnue. Le changement de mentalité se perçoit de cette façon aussi.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Je passe maintenant la parole à Mme Torsney, qui attend patiemment.
L'hon. Paddy Torsney: Je crois que nous avons entendu beaucoup d'idées formidables qui nous ont été présentées de façon très emballante. J'espère que vous avez senti que nous sommes tous, ou presque tous, bien déterminés à faire avancer ce dossier.
Le défi qui se pose est de savoir comment nous pouvons nous y prendre pour demander au ministre des Finances de prévoir un financement pour les organismes de revendication de l'égalité et l'obtention des résultats que nous attendons et pour l'encourager à s'engager dans cette voie. Il me semble que les propositions feraient intervenir une multitude de programmes différents, des programmes permettant aux femmes d'acquérir des compétences professionnelles, d'autres visant à les aider à s'établir, d'autres visant à prévenir la violence contre les femmes, d'autres encore ciblant les femmes qui quittent un établissement carcéral et, enfin, des programmes à l'intention des femmes entrepreneures. Ce sont là des domaines qui relèvent de divers secteurs du gouvernement.
Ce que nous espérons, d'après moi, c'est que Condition féminine finance les groupes qui favorisent le dialogue afin de doter nos collectivités de l'infrastructure sociale dont elles ont besoin, pour que tout le monde comprenne l'importance de l'égalité des femmes, pour que mon conseil municipal comprenne cela, pour que le club Rotary de ma région y soit sensibilisé, pour que les responsables de l'élaboration des politiques gouvernementales, quel que soit le ministère, comprennent cela.
Nous pourrions, il me semble, encourager Condition féminine à financer les efforts en ce sens, et nous pourrions encourager le ministre des Finances à accorder à Condition féminine les fonds nécessaires pour qu'elle puisse financer ces groupes.
Je suis toujours en train de me demander à quoi pourraient ressembler les modalités de ce financement. C'est Mme Critchley, je crois, qui disait que tous les groupes qui obtiennent des fonds pour venir en aide aux femmes victimes de violence devraient faire du travail de sensibilisation. C'est peut-être cet aspect-là que nous devrions financer, puisque ce serait en fait aux provinces qu'il appartiendrait de financer certaines des activités qui ont été proposées. Il ne s'agit pas là d'activités qui relèvent du financement fédéral, et nous n'allons pas nous en charger.
Même si je souhaiterais que, dans plusieurs domaines, l'argent que nous accordons aux provinces soit assorti de modalités contraignantes—mes propos vont sûrement faire bondir mes collègues d'en face, car je ne suis pas sûre que nous ayons toujours les mêmes objectifs—, nous n'avons pas besoin de nous engager dans ce débat-là. Mais nous pourrions certainement dire que, dans le cas d'une maison de transition pour femmes, ce groupe pourrait demander des fonds en vertu d'un de nos programmes et c'est peut-être à ce groupe que nous pourrions accorder des fonds fédéraux pour son travail de sensibilisation.
Il nous faudra peut-être nous fixer comme objectif en matière d'infrastructure sociale au Canada, pour lancer le débat au sein de notre société, de prévoir tant par tranche de 1 000 ou de 50 000 Canadiens afin de sensibiliser la population, après quoi nous pourrions inviter les divers groupes à présenter des demandes. Ainsi, Mme Critchley présenterait une demande pour sa collectivité, et Mme Hancock en présenterait une pour sa région de Terre-Neuve. Nous pourrions peut-être exiger des groupes qu'ils aient élaboré des politiques ou qu'ils puissent montrer qu'ils ont présenté des demandes à leur administration municipale ou encore qu'ils sont allés dans les écoles pour parler des questions qui se posent ou qu'ils sont allés à tant de réunions du club Rotary ou quelque chose de ce genre. Ce serait peut-être là une façon de stimuler le débat.
Le débat pourrait aussi porter sur l'opportunité de prévoir un rôle semblable à celui du Bureau du vérificateur général. On peut certainement dire que c'est là une dimension qui pose parfois des problèmes à Ottawa, si bien que certains se plaisent à dire : le vérificateur général a conclu que vous vous êtes vraiment fourvoyés dans tel secteur d'activité. Mais c'est le genre de chose auquel il faut s'attendre, car cela entre dans le rôle du vérificateur général—de demander constamment des améliorations. Peut-être qu'il nous faut demander aux femmes responsables de ces organismes de revendication de l'égalité de demander constamment des améliorations aux politiques canadiennes. Il se peut qu'il ne soit pas toujours aisé de discuter de ces choses et il se peut aussi que nous nous trouvions en situation d'antagonisme et que vous nous mettiez dans l'embarras. Mais cela ne sera peut-être pas mauvais. Il se peut que nous ayons besoin d'élargir le dialogue.
À propos justement de ce dialogue, sans doute que je discours trop longtemps.
J'étais là au tout début quand nous sommes arrivés au pouvoir en 1993. J'étais présidente du caucus des femmes à l'époque où le Comité canadien d'action sur le statut de la femme venait nous rencontrer et se mettait parfois à nous invectiver; cela n'était pas très utile. Les gars venaient ensuite me dire : « Pourquoi voudrais-je rencontrer de nouveau ces personnes? C'était horrible. Elles sont tombées à bras raccourcis sur le gouvernement. »
Il s'agit de jouer un rôle semblable à celui du vérificateur général. Nous cherchons à approfondir le dialogue au lieu que chaque partie cherche à damer le pion à l'autre : vous dites qu'il faut plus de places en garderie et nous répondons que nous avons du mal à faire des progrès à cet égard à cause des contraintes financières que nous vivons, et vous insistez pour dire que vous avez besoin de plus de places en garderie, ou bien vous dites qu'il vous faut plus de places dans les maisons de transition pour femmes ou encore plus de fonds pour lutter contre la violence et que certaines lois doivent être modifiées, et nous répondons que nous travaillons en ce sens ou bien que nous ne sommes pas d'accord sur la façon d'y arriver...
» (1735)
Je ne vois pas de mal à ce que nous ayons ce genre de dialogue. Le problème vient de ce que les gens—pas seulement les gars—nous demandent parfois pourquoi nous accepterions de financer ces groupes qui s'en prennent à nous. Voilà pourquoi nous devons susciter un dialogue. Peut-être que nous pourrions travailler là-dessus ensemble afin que, lorsque vous obtenez les fonds que vous demandez, vous reconnaissiez l'utilité d'avoir ce dialogue.
Mais je ne sais toujours pas ce que nous devrions établir comme modalités de financement. Nous avons créé les programmes Nouveaux horizons afin de rendre nos collectivités plus accessibles aux aînés, nous avons prévu un certain montant par habitant, et nous constatons que les groupes sont en concurrence les uns avec les autres pour savoir qui va assurer les services en question. Devons-nous nous fonder sur le critère de la représentation régionale, sur le fait que les services seront différents dans les différentes régions?
Dans ma collectivité, il y a la maison Halton Women's Place qui s'occupe des femmes victimes de violence. Il s'agit d'une maison qui est soutenue financièrement par le milieu des affaires local. On organise de splendides activités de levée de fonds qui sont très courues. Le club Rotary offre son soutien financier, et la formule est si intéressante que chacun se précipite pour assurer plus de services.
Alors, que devrions-nous faire au juste pour ce qui est de la prestation des services?
M. Russ Powers: On m'a dit de voter oui.
L'hon. Paddy Torsney: Vous voyez comme nous travaillons en collaboration?
La présidente: Mme Critchley, suivie de Mme Hancock. Vous avez la parole.
Mme Debra Critchley: Merci.
Je crois connaître assez bien la bureaucratie pour savoir que cela présente un défi. Mais je sais aussi que tout peut se faire de façon assez simple. Il faut revenir à cette idée d'établir des critères de base, s'agissant des organismes de revendication de l'égalité des femmes, des critères exigeant que les groupes puissent faire la preuve qu'ils exercent leur activité de façon démocratique.
Les critères n'ont pas besoin d'être très généraux, mais assez pour que de nouveaux groupes puissent être admissibles. Puis, Condition féminine Canada pourrait faire un appel de propositions en disant qu'elle dispose de tant au total pour le financement de base—et si vous vouliez en discuter avec nous plus tard, nous pourrions vous donner une idée de ce que devrait être cette somme—et inviter les groupes à présenter des demandes de financement. Une fois qu'un groupe réussirait à obtenir des fonds au titre du financement de base, il s'agirait alors de négocier une entente permanente avec le gouvernement fédéral, qui obligerait le groupe à faire rapport tous les six mois ou tous les ans. Comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, je ne connais aucun groupe féminin qui ne soit pas acquis à l'idée de devoir rendre des comptes. Nous savons ce que c'est que la reddition de comptes et nous sommes parfaitement capables de nous plier à cette obligation, un point c'est tout.
À ce financement de base viendrait s'ajouter le financement par projet qui existe à l'heure actuelle, les groupes ainsi financés pouvant être appelés à faire état des résultats obtenus en reprenant les termes utilisés dans leurs demandes de financement.
Je crois qu'il faudrait aussi—et je ne veux pas allonger la liste de desiderata—, mais je songe tout particulièrement aux femmes des localités rurales isolées, prévoir une certaine aide financière pour la rédaction de propositions. Certains pensent qu'il y a là sujet à moquerie, mais il faut savoir que les organismes, notamment ceux qui présentent une proposition pour la première fois, peuvent mettre jusqu'à trois, quatre, cinq mois pour bien comprendre le langage qui est utilisé, pour comprendre aussi le processus à suivre et être en mesure de formuler leur idée de projet ou de présenter l'organisme dans des termes qui concordent avec ce que souhaite le bailleur de fonds. Il faudrait réserver des fonds pour le développement. Les responsables d'un organisme qui n'a jamais traité avec Condition féminine, qui n'a jamais présenté de demande de financement—croyez-moi, quand on remplit un formulaire de demande pour la première fois—, vont s'imaginer qu'il leur faut toute une équipe de juristes et une foule d'experts-conseils pour les aider à comprendre ce qu'il faut. D'où l'importance de prévoir des fonds pour le développement afin d'éviter que le financement ne soit réservé à une espèce d'élite, les groupes féministes de longue date étant les seuls à pouvoir y accéder. Il faudrait incorporer au cadre de financement des moyens d'assurer l'accès à ce financement pour les groupes émergents et les nouveaux groupes.
En Colombie-Britannique, sous un gouvernement précédent, nous avions accès au financement de base en vertu d'une entente permanente, et cela marchait très bien.
» (1740)
La présidente: Mme Prentice, suivie de Mme Suek.
Mme Susan Prentice: J'ai deux observations très différentes à faire. Premièrement, vous nous demandez de relever le défi de faire du monitoring social au nom du gouvernement. Personne ne peut contester qu'il s'agit là d'une fonction très exigeante qui requiert des compétences très spécialisées et qu'on ne voudrait pas imposer à des bénévoles sans qu'ils puissent compter sur un financement de base. C'est là ma première observation.
La seconde se situe davantage au niveau des principes. Je crois beaucoup au rôle du gouvernement. J'estime que le gouvernement a la capacité de faire des choses qu'aucun de nous ne peut faire tout seul. Il y a la question des économies d'échelle. Je suis en faveur d'une action gouvernementale accrue et mieux dirigée. Je ne veux pas que le gouvernement se décharge de ses responsabilités dans tout cela. Mon organisme tente d'amener le gouvernement à prendre la barre en matière de politique sociale, à se charger des responsabilités qui lui appartiennent en propre. J'aimerais bien rendre mon tablier en tant que militante pour la garde d'enfants pour pouvoir m'attaquer à d'autres dossiers.
Il s'agit donc en quelque sorte d'une démarche à deux volets, et je ne voudrais pas qu'un volet l'emporte sur l'autre.
Mme Bev Suek: Je suis sans doute rendue trop vieille. Toute ma vie, j'ai eu l'impression d'être celle qu'on a laissé dehors et qui frappe à la porte pour qu'on la fasse entrer. Je suppose que, quand il s'agit de faire du travail de sensibilisation ou quoi que ce soit d'autre, j'ai toujours l'impression d'être celle qu'on a laissé dehors.
Je ne sais pas quelle est la solution, si ce n'est de faire en sorte qu'il y ait plus de femmes en politique et qui président je ne sais trop quoi. Ce ne semble pas être la solution. Nous voulons toutes être appréciées, et je ne pense pas qu'on apprécie à sa juste valeur ce que nous faisons et à quel point ce que nous faisons est important pour l'économie canadienne. Nous voulons être respectées. Nous voulons prendre part à la prise de décisions, au lieu de faire du travail de sensibilisation auprès d'autres personnes qui prendront les décisions à notre place. Voilà ce qui est frustrant pour les groupes de sensibilisation. Nous ne sommes pas parmi les décideurs, et c'est cela qui est frustrant.
Il y a aussi là une question de priorités. J'ai présidé la Société des loteries du Manitoba, qui générait 5 milliards de dollars par an et qui versait 425 millions de dollars par an au gouvernement. Beaucoup de cet argent allait au sport professionnel. On versait 100 millions de dollars par an aux Blue Bombers. Il s'agit de savoir où nous allons mettre notre argent. Et j'en ai tout simplement assez de me battre dehors. Je veux qu'on me laisse entrer.
» (1745)
Mme Joyce Hancock: Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit, mais pendant que je vous écoutais, j'ai jeté un coup d'oeil aux hommes dans ce tableau. Je crois que cela s'appelle la démocratie. Vous êtes si peu nombreuses à être à l'intérieur pour réclamer des objectifs liés à la promotion de l'égalité des femmes. Nous avons besoin que cette voix précieuse, cette voix de la base, cette voix nationale, cette voix raisonnée qui est celle du point de vue féminin se fasse entendre pour sensibiliser les milieux influents à nos préoccupations.
Accroître le nombre de femmes parmi les décideurs n'est qu'un élément de la solution. Il nous faut constamment accroître la capacité des femmes qui militent dans le mouvement féminin à voir le monde avec leurs yeux de femme, avec leur vision de femme et avec leur expérience de femme afin qu'elles trouvent le moyen d'influencer la prise de décisions à tous les niveaux. Il faut toujours tenir compte du financement et de la collecte de fonds. Quand je travaillais à un refuge pour femmes, nous n'avions aucun mal à obtenir des fonds pour le refuge, pour les femmes battues. Les entreprises étaient prêtes à nous aider. Mais si on leur demande des fonds pour un groupe féminin qui milite pour l'égalité et qui cherche à s'assurer que les femmes puissent participer à la prise de décisions, les entreprises nous disent: « Ça ne va pas, non? »
Ce n'est pas juste de nous obliger à faire concurrence avec les refuges pour femmes battues. C'est peut-être ce qui intéresse les médias, mais ce n'est pas juste.
La présidente: Merci.
Monsieur Powers.
M. Russ Powers: Voici ce que je vous réponds, madame Suek : rappelez-vous que, pour ce qui est de vieillir, l'autre parti possible n'est pas très intéressant.
Mme Bev Suek: Vous voulez dire rajeunir?
M. Russ Powers: Ce n'est pas là l'autre parti possible.
Ce que je constate, et j'ai déjà eu cette impression auparavant et je crois que vous l'avez dit de façon indirecte, c'est que vous en avez tout simplement trop à faire. Nous et les provinces, les territoires, le milieu des affaires—nous voudrions chacun vous faire faire tellement de choses différentes que vous n'arrivez tout simplement pas à faire ce que vous voulez vraiment faire.
Je n'ai pas de solution définitive, mais peut-être que dans cette discussion qui se poursuit sur le financement de base—et je suis de ceux qui croient fermement que vous devez absolument avoir une part plus juste du financement de base pour poursuivre vos activités—, la question qu'il convient de se poser est la suivante : que faut-il faire? Peut-être que ce qu'il faut faire à Terre-Neuve-et-Labrador n'est pas la même chose que ce qu'il faut faire au Manitoba, en Ontario ou ailleurs. Peut-être qu'une définition générale permettrait de résoudre ce problème; et peut-être qu'il faudrait ensuite se demander qui va faire les autres choses.
Madame Prentice, vous avez parlé de questions de principe. Peut-être que le processus qui se déroulerait en parallèle viserait à déterminer qui va s'occuper de ces autres choses pour continuer à répondre, comme vous l'avez dit, Joyce, à ces besoins qui dépassent les limites de votre collectivité et de votre province, etc.
Je n'ai pas de solution à vous proposer et je ne vous en demande pas. Je ne pensais pas non plus que nous arriverions à une solution à cette table ronde ni même à la suivante. Je ne crois pas que nous puissions limiter notre champ de réflexion, mais peut-être pourrions-nous, si possible, le diviser en composantes plus petites et plus faciles à gérer. D'après ce que j'ai pu constater, quand on aborde une question d'intérêt national, cela prend un temps fou pour en arriver à faire le moindre progrès, mais si l'on essaie de diviser cela en des éléments plus faciles à gérer, peut-être qu'on peut arriver à quelque chose. Peut-être qu'il faut essayer de voir comment nous pourrions avoir un impact considérable qui puisse vous aider collectivement, dans les plus brefs délais pour que nous puissions—j'utilise ici le « nous » dans son sens large—montrer le bien-fondé de ce que nous proposons ou le justifier.
En demandant d'accroître l'enveloppe financière de 25 p. 100, nous n'avons fait que demander une augmentation de 25 p. 100. Nous étions d'avis que c'était l'augmentation nécessaire, mais nous n'étions pas en mesure de fournir des détails et de dire que nous avions besoin de 10 000 $ pour ceci, de 50 000 $ pour cela, etc.
Voilà peut-être ce qu'il nous faut faire : diviser le tout en des morceaux plus faciles à gérer. Comme l'a indiqué Mme Critchley, vous pourriez sans doute vous réunir dans un coin de la salle et nous dire combien il faudrait de plus pour que votre action fasse la différence à Vancouver—ou Beverley, du point de vue national.
Peut-être que je rate complètement la marque. Y a-t-il quelque part quelque chose que nous pourrions peut-être...
Une voix: Oui, vraiment.
M. Russ Powers: Je patauge—contrairement à Paddy qui ne perd pas de vue son message.
Y a-t-il des remarques?
» (1750)
Mme Debra Critchley: Les femmes qui sont assises ici vont savoir exactement ce que ma réponse signifie car nous ne cessons de dire la même chose depuis dix ans : nous faisons le travail, donnez-nous l'argent nécessaire.
Vous dites qu'il faudrait définir le travail. Ce n'est pas facile à faire. Cela varie d'une région à l'autre. Cela varie d'une organisation à l'autre. Le travail est défini au niveau local, provincial, régional et national. Certaines organisations mettent intensément l'accent sur les orientations. D'autres s'intéressent aux femmes dans leur collectivité, à la prestation de services à l'intention des femmes. Mais c'est la nature du changement. Il faut que le travail se fasse de diverses façons, à divers niveaux, pour qu'il ait l'impact dont nous avons besoin.
L'un des problèmes avec le financement d'une initiative, c'est qu'on nous demandait souvent de définir quelque chose qui n'est pas facile à définir dans les collectivités. On nous pose des questions. On suppose que nous sommes sur la même longueur d'onde. Nous ne le sommes pas toujours car cela dépend de l'organisation à qui vous vous adressez, du niveau de gouvernement à qui vous vous adressez. En bout de ligne, nous savons à quoi ressemble la situation dans nos collectivités. Nous savons à quoi nous en tenir pour le travail à accomplir. Nous nous en occupons depuis assez longtemps pour pouvoir le définir d'une façon acceptable aux yeux du gouvernement fédéral pour poursuivre notre tâche et obtenir le financement nécessaire aux organisations.
Je vais vous donner un exemple très personnel. Je travaille 35 heures par semaine. Dix de ces heures sont financées grâce à une initiative de Condition féminine Canada, la BC Coalition of Women's Centres, où je joue un rôle clé de coordination, mais qui est une organisation provinciale. Ressources humaines et Développement des compétences Canada financent 6,5 de mes heures. Je travaille 6,5 heures à un programme de halte-service bonifié à l'intention des femmes où nous coordonnons à l'échelle de la collectivité les besoins des itinérantes en leur offrant gratuitement la possibilité de venir prendre des douches et faire leur lessive. Quant au reste de mes heures, 16 heures et demi par semaine, c'est Condition féminine Canada qui officiellement les finance. Nous entamons notre troisième année de financement—le financement est pluriannuel—pour un projet sur la pauvreté des femmes visant à sensibiliser la collectivité et la région à l'égard de la situation et nous faisons une analyse des lois provinciales en ce qui concerne l'admissibilité à l'aide sociale et tous les éléments afférents. Les manifestations-bénéfices comme Vagina Monologues dans notre collectivité permettent de financer les six heures restantes. Quotidiennement, il se peut que je prodigue un service direct aux femmes, mais le contraire peut être vrai et il arrive parfois que je consacre trois jours à des services directs aux femmes. Définir le travail est très très difficile.
» (1755)
La présidente: Merci.
Brièvement, madame Diocson-Sayo. Deux autres membres du comité veulent poser des questions et ensuite la discussion sera close.
Mme Cecilia Diocson-Sayo: J'ai écouté toutes ces conversations et je me dis qu'il y a bien des dangers. Je crains qu'on crée de la discorde entre nous car on n'est pas très sûr de ce que nous faisons ici et de ce qu'il va se passer. Nous pensions qu'on nous invitait à discuter du financement de base, qui est crucial pour bien des femmes. Il faut également tenir compte des femmes moins nanties au Canada et appuyer leur lutte pour l'égalité. Mais il faudrait éviter de semer la discorde entre nous car dans notre travail, dans notre démarche, nous sommes constamment isolées et on ne nous prend pas tout à fait au sérieux. En tant que femmes, nous avons besoin d'aide, surtout celles qui sont marginalisées.
J'espère que vous tiendrez compte de ce critère dans la planification de votre financement de base.
La présidente: Merci beaucoup.
Mme Karetak-Lindell veut poser une question. Allez-y, Nancy.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.
Bonjour, je m'appelle Nancy. Je représente la circonscription de Nunavut, la circonscription la plus vaste du Canada et la plus isolée et je m'intéresse donc beaucoup à ce que vous dites toutes.
Ce qui me frappe, c'est que vous compensez pour les échecs du système. Les systèmes qui ont échoué bénéficient tous d'un financement de base, qu'il provienne du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Quand les systèmes échouent, ne répondent pas aux besoins de tout un groupe de gens, vous intervenez. Je n'arrive pas à comprendre que vous ne puissiez obtenir un financement de base alors que ces organismes et ministères qui ne fonctionnent pas en ont, mais j'essaie d'en faire abstraction.
Ensuite j'essaie de comprendre comment on pourrait éviter que dans un monde où des fonds sont accordés, comme on l'a dit, des gens ou des groupes soient en concurrence. Tout ce que vous faites est très louable. Il faut vous récompenser puisque vous êtes le filet de sécurité pour les programmes qui déçoivent les attentes des gens.
Là d'où je viens, on l'a vu dans bien des cas. Divers systèmes nous sont imposés sans répondre à nos besoins ou sans s'adapter aux nouvelles réalités. Notre transition ne s'est pas bien faite. Il y a toutes sortes de raisons pour les échecs des systèmes. Je me penche constamment sur des programmes. Nous essayons de former des adultes parce que le système d'enseignement n'a pas fonctionné comme il aurait dû pour notre peuple. Vous le savez, c'est le cas pour beaucoup d'Autochtones et je représente surtout les Inuits de ma région. Les raisons sont parfois culturelles ou linguistiques. Les causes sont nombreuses et variées.
Quoi qu'il en soit, je veux revenir au fait qu'à mon avis, il faut commencer à songer à donner un financement de base à des groupes comme les vôtres et y voir un investissement. Il ne s'agit pas de rédiger un rapport qui semblera positif étant donné la cause que vous défendez. Je pense qu'il faut changer notre façon de dépenser de l'argent et y voir un investissement dans les personnes, plutôt qu'un organisme à but non lucratif qui comble les lacunes dans la collectivité. Je pense qu'il faut changer les choses ici, à Ottawa, chez ceux qui écrivent les chèques, par exemple, et changer l'attitude de la bureaucratie quant à la façon dont on dépense l'argent.
J'ai été très intéressée par les résultats. Mais revenons à ce que je disais : comment changer les mentalités? Où faut-il aller? Comment changer la façon dont les gens voient un projet? Changer les mentalités, pour qu'on y voie un investissement dans les personnes, plutôt qu'un palliatif? Vous le savez comme moi, au bout du compte, plus on investit dans des systèmes de soutien pour les personnes qui sont passées entre les mailles de nos filets de sécurité, moins il y a de criminalité et moins il y a d'incarcération. Les enfants peuvent commencer leur vie plus sainement. Ce sont des résultats incommensurables. Dans vos relations avec les divers groupes, je suis convaincue que vous avez traité avec toutes les sources d'argent possibles et je me demande comment on peut commencer à changer les mentalités afin qu'elles soient plus positives et de manière qu'on voit dans ces dépenses des investissements plutôt que des charges pour le système.
¼ (1800)
Mme Joyce Hancock: Je pense particulièrement aux groupes du Labrador avec lesquels nous avons travaillé au sujet des femmes inuites et innues. Depuis que je suis au comité consultatif, j'ai passé du temps dans ces collectivités et constaté que les femmes ont appris à dire : qu'est-ce qui fait qu'on peut avoir confiance dans le système, qu'il s'agisse de la Labrador Inuit Association ou tout autre système dominé par les hommes, pourquoi croire en ces systèmes qui ont été créés mais qui n'ont pas été conçus par des femmes? Ils ne fonctionnent pas pour les femmes. C'est comme essayer d'avoir une influence. Même nos soeurs inuites diront qu'au bout du compte, étant donné le résultat pour les femmes, les discussions sur les revendications territoriales sans analyse ne sont pas la place des femmes.
On a commencé à parler d'une analyse des coûts pour montrer les avantages d'un centre pour femmes en termes de dollars économisés par le gouvernement. Cette discussion a été efficace mais désavantageuse pour nous. Il y a maintenant un financement de base pour les centres pour femmes qui font ce travail, mais les systèmes plus démunis n'ont pas pu réagir. Ils n'ont pu que tout déléguer aux femmes qui souvent travaillent comme bénévoles, quand il ne s'agit pas d'organisations bénévoles.
Je pense qu'il faut revenir à la valeur du travail de défense des droits des femmes, parce que c'est le meilleur travail qu'on puisse faire. Je me souviens d'avoir trié des vêtements pour notre banque de vêtements, en discutant de la participation des femmes dans notre association, quand nous avons créé des banques alimentaires, en souhaitant qu'elles soient traitées correctement et qu'elles n'aient pas à faire la queue devant toute la ville. En faisant du travail de lutte contre la pauvreté, nous faisons aussi un travail de sensibilisation et donnons une voix aux femmes quand elles se sentent marginalisées et impuissantes. Ce travail a de nombreux effets. Je ne pense pas toutefois que nous ayons réussi à convaincre le gouvernement de notre valeur.
La présidente: Merci.
Oui, madame Critchley?
Mme Debra Critchley: Je pense que c'est une question politique à laquelle je donnerai une réponse politique. Il faut que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership. Le gouvernement fédéral doit prendre position et mettre l'égalité des femmes à son programme. Le gouvernement fédéral doit cesser de se payer de mots en utilisant des termes comme intégration des questions relatives aux femmes, puisque chaque fois que le gouvernement y a recours, il permet aux gouvernements provinciaux et municipaux de nos communautés de nous dénigrer.
Cela ressemble à une initiative de Condition féminine, lorsqu'on parle d'intensifier les communications sur l'égalité des femmes au Canada, mais ce ne doit être rien de nouveau pour les membres du comité. Le mouvement des femmes au Canada demande au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership depuis très longtemps. Des questions politiques très controversées ont été traitées de cette façon. En effet, quand on parle de la marginalisation, de l'oppression et de la discrimination dont souffrent les femmes de divers milieux au Canada, on ne peut pas s'attendre à pouvoir facilement changer les mentalités. Il faut que cela vienne du gouvernement fédéral. Il faut que le gouvernement fédéral nous valorise avant que nos communautés le fassent.
¼ (1805)
La présidente: Merci.
Je donne la parole à Mme Jacobs puis à Mme Suek. Nous passerons ensuite à la dernière question, accordée à Mme Brunelle.
Mme Beverley Jacobs: Je tiens à répondre à vos commentaires et à vos questions parce que c'est si important. Nous parlons de changer les attitudes et la mentalité des gens. Nous parlons de racisme et de discrimination inhérents dans l'esprit des gens. Peut-être que nous n'arriverons jamais à changer cela.
Je pense que nous devons continuer notre travail en tant qu'organisation de femmes autochtones. Nous continuerons de faire notre travail parce que pour nous, pour les femmes, il doit être fait.
Notre relation avec le gouvernement fédéral sera maintenu, mais nous parlons là d'une grave et grande question. Nous parlons de systèmes d'enseignement, de régime politique et de toutes les institutions qui ont été fondées sur des valeurs patriarcales et occidentales, tout ce qui fait toujours obstacle pour nous Autochtones et femmes autochtones. Nous sommes victimes d'une double discrimination et nous parlons toujours du fait que les problèmes doivent être vus à la fois comme des questions de condition féminine et des questions culturelles.
Il y a des problèmes qui n'ont pas été réglés pour notre communauté, et qui devraient l'être, y compris des questions territoriales, celles des pensionnats et des systèmes d'enseignement. Tout cela doit changer, mais comment? Nous devons continuer notre travail. Si nous avons l'aide du gouvernement fédéral, alors nous aurons l'engagement politique qui doit être pris.
C'est ce que nous demandons, comme organisation nationale de femmes : l'engagement du gouvernement fédéral pour la campagne Soeurs d'esprit. C'est ce que nous avons demandé. Quelqu'un l'a déjà dit, nous avons l'impression de toujours quémander. Nous sommes devenues des quémandeurs et il faut que cela cesse et que cela cesse tout de suite.
La présidente: Madame Suek, vous avez la parole, puis ce sera la fin de cette ronde de questions, avec les dernières questions de Mme Brunelle.
Mme Bev Suek: Je pense qu'il est très important de changer le cadre de travail. Le terme « financement de base » n'est peut-être pas le meilleur à employer. Il faut recourir aux mots « femmes » et « féministes » de nouveau et parler « d'investissement dans les femmes ». Au plan international, nous savons que vous investissez dans les femmes, dans les collectivités, dans les pays. Au Canada, c'est la même chose. On investit dans les femmes et dans ce qu'elles font. On investit dans les familles. Il faut changer le cadre de référence.
Je ne veux plus être celle qui demande. Divers ministères gouvernementaux nous ont si souvent dit... Voilà pourquoi je veux mettre sur pied une fondation : il faut convaincre tant de gens de la valeur de ce que font les femmes et je suis fatiguée de m'y efforcer.
Ce que nous faisons est important mais on me dit toujours que c'est lourd pour l'économie, que ce que nous faisons est un fardeau pour l'économie, sauf dans le cas du Centre de services pour les femmes entrepreneures.
Des voix: Oh, oh!
Mme Bev Suek: Mais ça c'est l'autre partie de ma vie.
Quoi qu'il en soit, je ne sais pas comment on fera reconnaître que ce n'est pas un fardeau pour l'économie, que c'est en fait un investissement. On le dit dans le cadre international, mais pas ici, au Canada.
Nous ne voulons pas être perçues comme des quémandeurs, mais comment changer cette perception. Je pense qu'il est important de tous commencer à penser différemment.
La présidente: Merci. Merci, Nancy.
Nous allons terminer cette ronde de questions, mais avant de donner la parole à Mme Brunelle, je vous signale que je ferai un tour de table pour demander à chaque groupe un très bref commentaire, ou une recommandation, un mot d'encouragement ou ce que vous voudrez dire au comité. Pensez-y pendant que nous terminons cette ronde.
Madame Brunelle.
[Français]
Mme Paule Brunelle: J'aimerais réagir aux propos de M. Powers. Il me fait souvent réagir, mais d'habitude, c'est à cause de sa bonne humeur.
Les groupes de femmes n'ont pas à justifier le fait qu'ils existent. Je pense qu'aucune d'entre vous ne s'est levée un matin en se disant qu'elle allait former un groupe de femmes pour contrer la violence et la pauvreté. Ces problèmes de violence, de pauvreté, d'itinérance et de prostitution, de même que les problèmes des communautés culturelles existent. C'est pourquoi il y a des groupes de femmes. Je pense qu'elles sont les mieux habilitées à régler les difficultés, et elles le font à moindre coût. On connaît les petits salaires versés au sein des groupes de femmes. On sait qu'il se fait énormément d'efforts et qu'on dépense beaucoup d'argent en santé pour sauver un enfant. La vie humaine a-t-elle moins de valeur lorsqu'une femme devient adulte? J'ai un peu de difficulté à comprendre cela.
En ce qui a trait au financement, il faudrait peut-être poser la question autrement et se demander ce que ces groupes font épargner à l'État. Ainsi, les mentalités évolueraient peut-être. En parlant du changement des mentalités, je pense que c'est la responsabilité de chacune d'entre nous de continuer malgré tout. Il faut recommencer chaque jour, prendre le bâton du pèlerin et expliquer la situation.
Aujourd'hui, j'ai été surprise d'entendre que le financement de base serait la solution. Je vois qu'il y a également la nécessité d'un équilibre. Il faut qu'une portion soit consacrée au financement par projet. Ce type de financement est porteur de dynamisme, parce qu'il laisse la place à des idées et des initiatives nouvelles. Malheureusement, il y a aussi des problèmes qui émergent; on en retrouve tout le temps et de plus en plus. Il me semble, en tout cas, qu'il est possible de voir comment on peut, techniquement, articuler le financement. Il s'agit de voir le nombre de personnes touchées, de même que la nature et la qualité du projet. Il y a sûrement moyen de le faire à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. J'ai bien compris qu'il nous faut d'abord augmenter les budgets. C'est ce qu'on s'applique à faire. Augmentons les budgets consentis aux groupes de femmes. Par la suite, on pourra voir comment répartir ce financement.
¼ (1810)
[Traduction]
La présidente: Merci. Plutôt que de demander une réponse à cette intervention, je vais demander à chacun de vous de nous dire, et je suis désolée de vous limiter à une minute, mais nous avons déjà beaucoup parlé ce soir, de nous dire donc en une minute ce que vous recommandez ou ce que vous voulez que nous fassions. Nous aurons une autre table ronde mardi prochain, avec un autre groupe de représentants de partout au pays. Je ne sais pas si leurs messages seront les mêmes que les vôtres, mais nous voulons maintenant vous écouter.
Je vais inverser l'ordre et donner la parole à Sharon Taylor. Je connais Sharon qui est d'une grande sagesse.
Mme Sharon Taylor: Je pense qu'il faut un financement de base. Il faut aussi des niveaux multiples afin qu'un groupe puisse changer ses politiques ou se concentrer sur certaines politiques. Il faut donner aussi au secteur des services, à la base, la souplesse nécessaire puisque lorsque les politiques changent, cela s'applique à tout le monde.
C'est ainsi que je résumerais les choses.
Mme Bev Suek: Je pense qu'il important de comprendre que la politique de revendication et la prestation de services sont deux éléments différents mais interreliés. Certaines organisations font surtout de la promotion des droits, d'autres offrent des services, mais l'offre de services est aussi associée à la promotion des droits. On ne peut pas toujours séparer les deux.
À la Condition féminine, il faut de l'argent pour les politiques de revendication, mais il faut aussi un mécanisme pour l'offre de services et pour l'investissement dans les collectivités, comme cela se fait. Il faut aussi permettre que soit demandé de l'argent pour la promotion des droits, d'une manière qui soit intégrée à la prestation des services.
Il faut donc les deux, tout en les distinguant, étant donné l'effet de douche froide dont parlait Susan. C'est ma conclusion.
¼ (1815)
La présidente: Merci.
Madame Diocson-Sayo.
Mme Cecilia Diocson-Sayo: Je suis d'accord avec vous. Nous avons présenté nos réponses à Condition féminine. On y trouvait beaucoup de nos problèmes mais aussi des critères de financement. J'aimerais toutefois vous présenter des éléments positifs, puisque c'est aussi un produit de nos difficultés et la raison pour laquelle je suis venue ici présenter un mémoire, en plus de vous présenter la situation de notre communauté.
Parfois, je m'émeus. Quand je serai aux Philippines, le combat pour moi sera bien différent, mais ici, c'est un combat de chaque jour. En fait, le racisme systémique est tel qu'il nous empêche parfois de faire notre travail. Mais je crois que c'est tout de même très positif, puisque nous avons eu un effet positif sur beaucoup de Philippines au Canada en parlant de nos problèmes. Notre combat et la libération sont très importants, parce que nous sommes des femmes et parce que nous sommes des femmes du Canada.
Merci.
La présidente: Merci.
Madame Prentice.
Mme Susan Prentice: Merci.
J'ai cinq choses à dire, soit moins de douze secondes pour chacune.
Il faut à la fois du financement de base et du financement par projet, et vous pouvez appeler financement de base tout ce que vous voudrez, si c'est plus facile pour vous, y compris l'investissement dans l'infrastructure.
Deuxièmement, peu importe le nom que vous donnez au financement de base, il doit être accordé en priorité aux groupes qui travaillent aux changements systémiques et pour l'égalité des femmes. Je répète que la priorité, au début, devra être accordée aux groupes de coordination aux niveaux fédéral, régional ou provincial et territorial.
Troisièmement, vous pourriez réaffecter les fonds des politiques dans les programmes pour les femmes et, de grâce, mettre à jour les postes budgétaires de manière à tenir compte des coûts et des dépenses actuels et réels.
Quatrièmement, si vous mettez sur pied un processus de consultation permanent, je ne me trompe certainement pas en disant que nous collaborerons avec vous à l'élaboration des critères, des priorités et des mesures significatives qui seront utiles pour vous comme pour nous.
Enfin, veuillez confirmer que Condition féminine Canada financera les garderies, même si les régions de l'Atlantique et des Prairies ont demandé que cela soit plutôt confié à Partenariat en développement social.
La présidente: Merci.
Madame Parsons.
Mme Doreen Parsons: Je crois profondément que c'est un investissement dans les femmes et dans les communautés et que cela va bien au-delà d'une question de politique sociale. Je pense que manifestement, cela s'insère dans un programme de politiques économiques. Dans ce cadre-là, nous sommes invisibles, et pourtant, je crois que nous devrions être aussi très présentes.
Le financement de base aide vraiment les organisations à produire davantage et à obtenir davantage et je pense que c'est ainsi qu'il faut voir les choses : sans le financement de base, nous sommes incapables d'obtenir des fonds d'ailleurs. L'investissement nous aide à susciter d'autres contributions et à croître.
Il faut à la fois du financement de base et du financement de programmes. Je pense que nous l'avons dit aussi. Le financement doit être accordé à des organismes qui veulent un changement généralisé et l'égalité pour les femmes. Je pense aussi qu'il faut aller au-delà des niveaux fédéral et provincial et penser aux organisations locales.
Pour ce qui est d'une réaffectation de programmes de politiques vers des programmes pour les femmes, je pense en fait que cela doit passer d'un cadre économique à Condition féminine Canada. Je pense qu'il y a beaucoup d'organisations féminines fortes, très compétentes dans ce domaine, qui devraient collaborer avec vous à l'orientation de ce processus. Je pense que c'est très important.
Merci.
La présidente: Merci.
Madame McCardle.
Mme Laurie Ann McCardle: Merci.
Je voudrais dire les mêmes choses que les témoins qui m'ont précédée et ajouter, au sujet du financement de base, que je ne voudrais surtout pas que nous soyons en concurrence pour des ressources limitées. Nous faisons toutes un travail extrêmement utile même si nos méthodes sont différentes. Il est très important que nous ayons toutes un soutien.
L'un des problèmes, dans nos relations avec le milieu des affaires, c'est que pour la plupart des organismes qui font beaucoup de militantisme, il n'y a pas d'admissibilité au statut d'organisme de bienfaisance. Notre capacité de travailler avec le milieu des affaires est très limitée quand on ne peut pas avoir d'allégement fiscal. Dans le travail visant l'égalité des femmes, on n'a pas non plus la possibilité d'obtenir de la publicité, ce qui nuit encore une fois à nos relations avec le milieu des affaires.
Comme Debra l'a dit plus tôt, au sujet de la fin du financement de son projet, je suis directrice exécutive et je travaille de 30 à 35 heures par semaine grâce au financement de sept projets différents. Vous pouvez vous imaginer combien de travail je peux faire pour chacun des projets. Les résultats de tous ces projets ont un effet aussi sur mon salaire, ce qui explique que j'aie les yeux cernés. Même quand vous travaillez à ce point, il est très difficile de trouver le temps d'être simplement directrice exécutive.
Voilà pourquoi le financement de base de notre organisation serait si précieux : cela nous permettrait de trouver un peu de temps pour faire le travail pour lequel nous sommes vraiment embauchées, plutôt que de nous consacrer à des projets.
Merci.
¼ (1820)
La présidente: Merci.
Madame Marshall.
Mme Kathy Marshall: À la Coalition pour l'égalité des femmes, nous pensons que le financement de base doit être limité aux organismes visant l'égalité des femmes et croyons aussi fermement qu'il doit y avoir une collaboration d'un océan à l'autre pour y arriver.
Je vous rappelle, dans ce contexte, qu'il sera très difficile d'arriver à ce résultat à moins d'augmenter les budgets pour le programme destiné aux femmes. Actuellement, le budget revient à 0,51 $ pour chaque femme et fillette du pays. Si on pouvait porter cette somme à 2 $, on pourrait voir des améliorations assez remarquables.
Je tiens aussi à dire que je suis d'accord avec mes collègues qui ont parlé avec tant d'éloquence.
Mme Beverley Jacobs: Je tiens à dire que les femmes autochtones ont la pire des qualités de vie. Là-dessus, nombre de statistiques, de chiffres et de rapports ont été publiés, tout le monde le sait. Cela touche nos enfants, nos familles, nos communautés, notre nation. D'après ce que nous constatons du financement fédéral actuel des organisations féminines, on en voit encore les conséquences dans le travail de notre organisation, et cela continue de toucher nos communautés.
Nous vous demandons de changer les choses de manière positive, de manière à toucher positivement les femmes. Cela aura un effet positif pour les familles, les communautés et les nations autochtones.
Parce que nous sommes une organisation politique, nous ne sommes pas admissibles au statut d'organisme de bienfaisance de l'Agence du revenu du Canada. Nous ne pouvons donc faire que peu de levées de fonds, et nous ne sommes pas admissibles à des subventions de la part des diverses fondations.
Je tiens à remercier le comité permanent d'avoir étudié cette question, de l'avoir soulevée et de m'avoir permis de venir vous en parler. J'espère vraiment que nous pourrons faire changer les choses, que nous investirons dans notre travail, dans nous-mêmes, notre travail ne connaissant pas de fin.
Mme Joyce Hancock: Je n'ai certainement aucune objection à soulever par rapport à tout ce qui a été dit, mais je n'accepte certainement pas l'idée qu'à partir de cela, nous recommandions des réaffectations de fonds. Je pense qu'il faut plutôt augmenter substantiellement les fonds existants.
Ce que je tiens à dire à la présidente, madame Neville, c'est que beaucoup d'entre nous ont perdu confiance dans tout ce que fait Condition féminine Canada et le ministère. Nous avons perçu le changement au milieu des années 90 et nous avons compris que nous étions traités comme tout autre élément d'un programme gouvernemental axé sur ses budgets, que cela allait nuire aux femmes, aux organisations féminines et certainement aux communautés rurales et éloignées.
Je pense que ce comité parlementaire nous a redonné confiance et j'espère que quelque chose changera. Cette discussion a vraiment fait avancer les choses, de même que le rapport sur l'analyse sexospécifique. Je pense qu'on a fait du progrès et qu'il ne faut pas gaspiller ces efforts. Il ne faut pas perdre de temps. Nous sommes à un moment critique, du point de vue politique, et je crois que c'est le moment de bouger et de demander que des décisions soient prises.
[Français]
Mme Lise Girard: Je pense que je vais répéter en partie ce que j'ai déjà dit et ce que j'ai entendu.
Je considère que le Programme de promotion de la femme devrait maintenir le financement de base et le financement par projet. À mon avis, des fonds doivent être accordés à tous les organismes qui oeuvrent pour l'égalité, que ce soit en matière de services, de défense des droits ou de sensibilisation. Il faut également que ces organismes soient profondément ancrés dans la communauté et reconnus par leurs pairs. Ce que j'ai entendu ici me le prouve.
Je pense qu'en finançant ces groupes, le gouvernement devrait en même temps reconnaître l'expertise des femmes qui oeuvrent sur le terrain. Je travaille dans des organisations de femmes depuis plus de 30 ans et j'ai pu constater que celles-ci avaient l'expertise nécessaire, qu'elles connaissaient les besoins et étaient en mesure d'intervenir. En outre, leur participation est, la plupart du temps, bénévole. Elles ont droit à l'appui de leur gouvernement.
Je pense aussi, surtout en ce qui a trait au financement par projet, qu'on devrait s'employer à donner aux organismes la marge de manoeuvre leur permettant de travailler sur le terrain plutôt que de privilégier l'actuel encadrement, qui est beaucoup trop serré. De plus, nous travaillons avec des agents de programme qui, bien que très efficaces, ne sont pas toujours présents du début à la fin d'un projet. En effet, il est souvent nécessaire de changer d'agent de programme en cours de projet, ce qui désorganise le travail. Nous sommes actuellement dans cette situation: nous sommes à la fin du projet, et nous n'avons pas d'agent désigné. Cette situation perdure depuis de nombreuses années.
Je ne connais pas la solution à ce problème, mais quelqu'un autour de cette table la connaît peut-être.
¼ (1825)
[Traduction]
Mme Debra Critchley: En gros, je suis d'accord avec toutes les témoins qui ont parlé. Je voudrais toutefois me concentrer sur deux choses.
Nous sommes tout à fait pour le soutien aux organisations féminines et participerons à tous les travaux de consultation nécessaires à la restauration du financement de base pour les organismes faisant la promotion de l'égalité des femmes et dont la principale fonction serait le changement systémique.
Dans le cadre de cette discussion, comme le disait Beverly, il faut reconnaître que nos soeurs autochtones vivent dans la pire des pauvreté du pays, meurent sous les coups de leurs partenaires masculins huit fois plus souvent, je pense, que les femmes blanches du Canada et que nous avons l'occasion idéale pour fixer des priorités. L'une de ces priorités, sinon la priorité, c'est le financement des organisations de femmes autochtones au Canada. Je ne saurais imaginer que des groupes de femmes comme nous, qui tiennent aux changements dans le système et aux progrès, omettent ce problème.
Merci encore de nous offrir l'occasion de venir vous en parler.
La présidente: Merci.
Avant de terminer, permettez-moi de vous remercier. Notre comité est nouveau et avance vraiment à tâtons. Souvent, je dis que j'ai l'impression que nous nageons à contre-courant, c'est le cas la plupart du temps. Nous avons besoin de votre aide pour faire avancer les choses. Nous avons entendu des points de vue contradictoires et il continuera d'y en avoir autour de cette table, mais je pense que nous avançons tous dans la même direction. Veuillez collaborer avec nous.
Merci d'être venues aujourd'hui. Nous rencontrerons un autre groupe mardi prochain. Je pense que cette rencontre était précieuse pour la discussion que nous voulons encourager.
Avant de terminer, puis-je parler un moment aux membres du comité? On a envoyé un avis pour une séance jeudi de 16 heures à 16 h 45 au sujet de nos travaux futurs. Je sais que certaines d'entre nous, du moins trois de ce côté-ci, ont un conflit d'horaire. J'aimerais savoir si tous les membres du comité seraient disponibles à un autre moment. J'ai besoin de vos lumières.
Mme Lynne Yelich: Je tiens à remercier nos témoins. Je pense que vous représentez très bien les femmes qui travaillent beaucoup.
Pour l'heure de la réunion, peu m'importe.
La présidente: Nous essaierons de trouver. Ce sera une brève séance.
Mme Jean Crowder: Je ne pourrai pas être là parce que le comité de la santé siège de 11 heures à 13 heures.
¼ (1830)
La présidente: Que pensez-vous de 13 heures, pour une séance de 30 à 45 minutes?
Bien. C'est ce que nous envisagerons.
Pour les personnes qui en veulent, il y a ici quelques copies du rapport sur l'analyse sexospécifique. C'est aussi disponible sur notre site Web, si vous ne tenez pas à le transporter dans votre porte-documents. Merci.
Paddy.
L'hon. Paddy Torsney: Puis-je préciser que les formules de remboursement seront données à tous les témoins?
La présidente: Nous nous assurerons que toutes celles qui en veulent en recevront une.
Merci à toutes, encore une fois.
La séance est levée.