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Merci beaucoup, monsieur le président. Merci de m'avoir invité. Je suis heureux de comparaître avec un aussi bon groupe pour parler de cette question.
J'ai déjà rencontré un grand nombre d'entre vous auparavant, et j'ai discuté du dossier avec beaucoup de membres du comité, soit à la Chambre, soit en privé. Je suis honoré que le ministre m'ait chargé de faire avancer le dossier du développement économique dans la région des cinq comtés du sud de l'Ontario qui produisent du tabac.
J'ai discuté de la question au niveau municipal, avec les maires des cinq comtés et des localités de ces comtés, avec les agents de développement économique de la même région, les organisations de Développement des collectivités, les chambres de commerce et des particuliers. Nous avons agi très rapidement.
Pour appuyer mes propos, je voudrais citer quelques observations rapides de deux maires. Je ne vais pas prendre tout le temps qui m'est attribué, puisque nous avons beaucoup de questions à poser aux témoins. Je suis toujours aussi encouragé que lorsque j'ai quitté la réunion d'Ottawa. Selon le maire Acre, de Bayham, les représentants fédéraux, les provinces et les municipalités sont sur la même longueur d'onde. Et le maire Molnar, de Tillsonburg s'est dit impressionné par la vitesse avec laquelle la réunion a été organisée après l'engagement pris par le gouvernement fédéral.
Nos réunions se poursuivent. Il est très opportun que je comparaisse aujourd'hui, car la prochaine réunion du groupe de travail aura lieu demain matin, à Tillsonburg. Nous continuons de réunir les municipalités. Elles viennent de signer un protocole d'entente sur le développement économique afin faire converger les efforts des cinq comtés et des représentants municipaux de ces cinq comtés. Certains d'entre vous ont déjà oeuvré au niveau municipal, et vous savez que ce n'est pas facile d'y arriver. Pour l'instant, nous y parvenons toujours. À leur avis, la situation sur le terrain est très importante, et ils sont prêts à collaborer pour apporter des correctifs. Nous continuerons à travailler dans le même sens.
Je reconnais que d'autres questions seront abordées ici aujourd'hui, comme la situation des producteurs, la contrebande et les mesures à prendre à cet égard. La réponse, bien entendu, c'est qu'il nous faut une démarche globale et que le développement économique est un élément de réponse. Nous aurons à l'avenir des problèmes de développement économique sur le terrain si nous ne nous en occupons pas en même temps. La même chose vaut pour le problème de la contrebande et la situation des producteurs.
Je vais m'arrêter là. J'ai hâte d'entendre vos questions.
Il est très agréable d'être ici et c'est une belle expérience pour moi. J'habite au beau milieu de la région productrice de tabac. J'y ai été président de l'Union nationale des fermiers et j'ai participé aux travaux d'un comité pour aider certains de nos membres à faire face au problème de la production du tabac.
Au fil des ans, la position de l'Union nationale des fermiers a été claire: elle appuie les petites exploitations familiales. C'est la meilleure façon de produire des aliments et, par extension, du tabac.
Devant ce problème, nous avons toujours soutenu que l'organisation méthodique du marché était la bonne solution, parce que tous reçoivent leur juste part. Mais nous n'en sommes plus là, croyons-nous. Dans le cas du tabac, le régime s'effondre à cause de l'importance des importations et de la contrebande.
En ce moment, le syndicat essaie d'encourager les gouvernements à racheter les contingents des producteurs de tabac. Nous croyons savoir quel devrait être le prix. Il a été annoncé il y a quelque temps: 3,30 $ la livre. Nous avons des comptables qui ont fait les calculs, et le résultat nous semble raisonnable.
Voici quelques éléments d'information. L'office de commercialisation a été mis sur pied en 1957. Ce fut une bonne chose à la fois pour les agriculteurs et pour l'industrie du tabac, mais, en 1990, la loi a été modifiée et le TAC est apparu. Je crois que ce comité a eu de bonnes idées et en a présenté de nouvelles, mais ce fut le début de la fin pour le système de commercialisation ordonnée. À cause du poids de ce comité, les agriculteurs ont perdu à peu près toute influence. Il y a beaucoup plus de représentants du gouvernement et de l'industrie du tabac et, en réalité, c'est le TAC qui dirige maintenant l'industrie du tabac.
Aux environs de 2000, le TAC a apporté des changements dans le secteur du tabac. Les deux gouvernements ont incité les producteurs à investir lourdement dans du nouveau matériel et une nouvelle technologie pour garantir l'avenir de leur production.
De 2001 à 2003, des exploitations familiales qui cultivaient le tabac depuis trois ou quatre générations ont investi les épargnes de toute une vie pour modifier leur système de production. Dès l'année suivante — après qu'on leur eut dit que cet investissement garantirait l'avenir de leur secteur, qu'ils auraient de grandes possibilités d'exportation, etc. —, le marché s'est effondré. Les producteurs ne peuvent plus rembourser les dettes énormes qu'ils ont contractées. Aucune autre culture n'a un rendement semblable à celui du tabac.
Un grand nombre d'exploitations familiales sont donc prises au piège. Aucun moyen de récupérer leur avoir ni de vendre leurs actifs à un prix convenable, et aucune production. La production de cette année est estimée à 7 p. 100. Ce n'est pas rentable.
Notre conclusion, c'est que, à cause des modifications législatives et de l'augmentation de l'offre de tabac illicite... Un agriculteur a acheté ce sac de tabac à un type qui le vendait depuis son camion, à l'entrée de son exploitation. Imaginez: il proposait à un producteur de tabac de lui vendre du tabac illicite à l'entrée même de son exploitation. Des gens circulent sur la route pour vendre du tabac. C'est fou.
Le problème est énorme. Il tient en partie au fait que les producteurs, des gens honnêtes, sont contraints, pour essayer de payer leurs actifs et de rembourser leur dette, à vendre leur production illégalement. Il y a bien des façons de s'y prendre.
Selon nous, plus tôt vous proposerez un programme de rachat pour faire disparaître une partie de la production et ainsi éviter que les producteurs n'aient à vendre leur tabac illégalement, mieux ce sera. Pour les forces d'application de la loi, ce sera une chance de mieux dominer le problème. Il y aura moins de producteurs. Les superficies de culture seront moindres. Pour les forces de l'ordre, la situation sera gérable.
La politique de l'UNF à ce sujet est que, à long terme, la production de tabac n'est pas une entreprise rentable ni souhaitable pour les exploitations familiales du sud de l'Ontario. L'opinion publique est contre. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas une culture limitée du tabac. Il est probable qu'il y en aura une, mais le gros de la production se fera à l'étranger. À cause du déclin du tabac et de la demande de tabac canadien, nous estimons que le rachat des contingents de production aidera à faire respecter la loi et aidera les producteurs à se réorienter.
J'ai hâte d'entendre vos questions.
Bonjour. Je m'appelle Linda Vandendriessche et je suis présidente de l'Ontario Flue-Cured Tobacco Growers' Marketing Board. Fred Neukamm, vice-président de l'office, est avec moi. Je précise que tous les administrateurs sont des producteurs de tabac.
Au nom de notre office, je tiens à vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, de nous donner l’occasion de comparaître pour vous expliquer à quel point les producteurs de tabac sont découragés. Je transmets également au comité les sincères remerciements de l'office et de nos membres, qui lui sont reconnaissants d'avoir reconnu que la mise en œuvre immédiate d’une stratégie de sortie s’impose et d’avoir appuyé une motion dans ce sens. Merci beaucoup.
L’Ontario Flue-Cured Tobacco Growers' Marketing Board est le seul organisme élu qui représente tous les producteurs de tabac jaune ontariens. Les pouvoirs que nous détenons nous sont délégués par la Commission de commercialisation des produits agricoles de l’Ontario et nous sommes responsables de l’ensemble des questions de production et de commercialisation du tabac, et de la défense des droits des producteurs de tabac de l’Ontario. L’office est le porte-parole des tabaculteurs, dont beaucoup ont actuellement des problèmes de santé mentale ou physique et sont acculés à la faillite. De nombreux producteurs de tabac sont confrontés aux répercussions difficiles des lois et politiques antitabac sévères et subissent les conséquences non voulues de ces politiques.
La contrebande qui monte en flèche est l’une des conséquences non voulues de la politique de taxation des produits du tabac. La GRC confirme que le réseau de contrebande est florissant au Canada. Ce trafic illégal nous touche tous. Nous entendons souvent parler des milliards de dollars de perte du fisc et de la diminution de la part de marché des fabricants de tabac, mais rarement des conséquences directes et indirectes pour les exploitations familiales qui cultivent le tabac.
J’aimerais vous en parler un peu. En 1998, nous avions pour objectif de récolter 151 millions de livres de tabac. Selon les premières indications, cet objectif, en 2008, se situera entre 16,5 et 20 millions de livres. La baisse aura été de 85 à 89 p. 100 en 10 ans seulement.
La baisse vertigineuse de la demande pour le tabac que nous produisons tient notamment au fait que le produit de contrebande qui est largement distribué aujourd’hui n’est pas fabriqué avec le tabac jaune de haute qualité et très réglementé que nous produisons en Ontario. Il est important de souligner également que des fabricants de tabac, légaux et illégaux, font entrer au Canada par pleins camions et par pleins conteneurs des tonnes et des tonnes de feuilles de tabac produites ailleurs, moins chères et qui n’ont fait l’objet d’aucun contrôle. Les cigarettes fabriquées au Canada contenaient autrefois environ 95 p. 100 de tabac canadien. Aujourd’hui, c’est moins de 50 p. 100.
Selon le système actuel, tout le tabac jaune cultivé en Ontario doit être vendu par l’entremise de notre office. Malheureusement, des criminels vont voir nos agriculteurs qui sont mal pris et ils leur offrent la possibilité de vendre leurs feuilles de tabac au noir: aucune taxe à payer, pas de frais et paiement effectué en liquide au moment de la livraison. Même si, par le passé, nos membres ont toujours été des citoyens qui travaillent fort et respectent les lois, le contexte actuel les a rendus vulnérables. Ils n’arrivent plus à payer leurs factures ni l’intérêt sur leur dette. Ils sont acculés au mur et nous craignons que l’attrait de l’argent « facile » ne s’intensifie si nous ne trouvons pas de solution.
Le crime organisé est à nos portes. Dans le coffre des voitures des contrebandiers, il y a des cigarettes, de l’alcool, de la drogue et Dieu sait quoi d’autre encore. Des fourgonnettes blanches banalisées circulent dans nos campagnes pour vendre des cigarettes et d’autres produits de porte à porte à des jeunes aussi bien qu'à des adultes. Le paquet de 200 cigarettes sans nom, vendu dans un sac ziplock, est devenu la norme. Au prix de 12 $ les 200 cigarettes, comparativement à 80 $ pour des cigarettes légales, elles sont faciles à vendre.
Les vols augmentent également. Des ballots de tabac disparaissent de nos granges. Nous avons entendu parler d’au moins un cas où un agriculteur qui a refusé de vendre son tabac à des fournisseurs illégaux s’est fait vider sa grange la nuit suivante. Nous craignons pour la sécurité de nos familles. Nous avons peur de ce qui pourrait arriver si nous tenons tête à ces criminels. La contrebande nous échappe complètement.
Le gouvernement s’est engagé à lutter contre la contrebande et cela nous encourage. Comme je l’ai dit, la cigarette illégale nous prive de notre marché et compte pour beaucoup dans les difficultés financières de nos agriculteurs.
Nous exhortons instamment le à trouver des solutions globales pour éliminer le fléau de la contrebande de cigarettes et à associer les tabaculteurs à ces solutions. Nous avons hâte que des discussions aient lieu avec les intervenants de l’industrie, car tous profiteront de l'élimination du marché noir.
Outre les aléas du marché qu'il faut affronter, les tabaculteurs se font saisir leurs biens ou sont obligés de déclarer faillite. Ils sont piégés, comme l'a dit le dernier témoin. Ils ont tout investi dans de l’équipement spécialisé pour le tabac. À cause de leurs lourdes dettes, ils ne peuvent obtenir du financement pour passer à d’autres types de culture. Il faut de l’argent pour faire cette transition – et les banques rappellent des prêts au lieu d’en consentir de nouveaux.
En décembre 2005, comme vous le savez, nous avons présenté au gouvernement une proposition pour étude qui permettrait d’éliminer graduellement la culture du tabac d’une manière équitable et ordonnée d’ici à ce que l’industrie du tabac disparaisse complètement. Quand on nous a répondu qu'elle coûterait trop cher, nous avons apporté des modifications. Nous demandons que les agriculteurs qui abandonnent aujourd’hui la culture du tabac reçoivent l’équivalent de ce qu’ont reçu ceux qui l’ont fait dans le cadre du Programme d'aide à l'adaptation des producteurs de tabac, le PAAPT. Ce programme a versé aux tabaculteurs 1,74 $ la livre pour leur contingent de production de base. Cela a permis d’éliminer un contingent de 51 millions de livres de notre production de base. Il s’agissait d’un premier pas vers l’élimination de la culture du tabac. Cela a aidé les producteurs les plus vulnérables sur le plan financier à ce moment-là. Malheureusement, les fonds consacrés au PAAPT n’ont pas été suffisants pour venir en aide à tous les tabaculteurs; 700 d’entre eux ont présenté une demande, mais seulement 200 ont réussi à abandonner l’exploitation du tabac. Évidemment, il aurait fallu un programme beaucoup plus vaste.
Au cours des 30 derniers mois, nous avons discuté à d’innombrables reprises avec des représentants du gouvernement. Les ministres actuellement en place ont pris de nombreux engagements et envoyé des signaux selon lesquels le gouvernement était prêt à régler le problème, mais nous attendons encore un engagement ferme de la part du gouvernement et la mise en œuvre d’un programme.
Le 31 mars, le nous a dit qu’il n’y avait pas d’argent actuellement pour ce programme. Il a laissé entendre qu’un bricolage des programmes existants pourrait permettre d’apporter une certaine aide aux tabaculteurs à court terme. Nous avons fait d’abondantes recherches sur les programmes existants et nous avons informé le gouvernement de nos préoccupations relativement à l’accessibilité et à l’efficacité de ces programmes. Beaucoup de ces programmes sont à frais partagés et, comme je l’ai indiqué précédemment, les tabaculteurs n’ont pas accès au financement nécessaire pour participer à un programme à frais partagés.
Par ailleurs, sur le plan des ressources humaines, les tabaculteurs ne sont pas admissibles à ces programmes, car ce sont des agriculteurs qui travaillent à leur propre compte. Nous avons proposé certaines modifications au Programme canadien de stabilisation du revenu agricole et nous croyons qu’elles pourraient permettre de répondre à certains besoins à court terme, mais nous n’avons pas encore reçu de réponse à nos propositions.
Tout s’écroule autour de nous. Les négociations sur la récolte de 2008 ont été extrêmement difficiles et ne sont pas encore terminées. Comme je l’ai déjà dit, les intentions d’achat sont très faibles. Le prix offert est de 1,99 $ la livre — c’est le prix que nous obtenions il y a vingt ans — et c’est 0,62 $ de moins la livre que ce que nous avons obtenu l’an dernier. Ajoutez à tout cela le fait que l’industrie remet en question notre système de commercialisation et vous avez tous les éléments d'une situation impossible. Nous n’avons plus de capitaux propres. Notre pouvoir d’emprunt disparaît. Notre dette est lourde. Il n’y a pas d’argent pour faire la transition vers un autre type de culture. Et quand on a 60 ans, il n'est pas facile de trouver un emploi à l'extérieur de l'exploitation agricole.
Nous sommes d’avis que tous les intervenants, c’est-à-dire les représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, de l’industrie du tabac et de l’office doivent se réunir pour discuter des solutions. Nous croyons savoir que les initiatives proposées par le pour lutter contre la contrebande ont été biens accueillies par les membres de l’industrie. Si la contrebande peut être freinée et si la part du marché légal peut s'accroître, l’industrie pourra songer à participer à un programme. Il faut étudier tout de suite toutes les possibilités. Nous sommes prêts à collaborer entièrement à la recherche de la solution dont nous avons grandement besoin.
Merci. Fred et moi sommes prêts à répondre aux questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être là. Certains d'entre vous qui ont comparu il y a près d'un an et demi doivent se dire que nous en sommes toujours au même point. Je songe surtout à vous, Fred et Linda, et aux deux autres témoins.
Je ne serai sans doute contredit par aucun de vous si je dis que les tabaculteurs sont dans une situation unique qui dépend de trois facteurs.
D'abord, le tabac de contrebande occupe maintenant environ 40 p. 100 ou près de 40 p. 100 du marché en Ontario et au Québec. Ce n'est le cas d'aucun autre produit.
Deuxièmement, aucun autre produit que le tabac ne rapporte des milliards en taxes aux gouvernements. Le seul gouvernement fédéral tire environ 2 milliards de dollars de la vente de tabac.
Troisièmement, je ne crois pas qu'il y ait un autre secteur de production auquel on a conseillé il y a cinq ou six ans de se réoutiller, d'investir dans du nouveau matériel pour se maintenir sur le marché et qui a vu la demande des fabricants diminuer radicalement parce qu'ils importent beaucoup plus.
Y a-t-il donc consensus pour dire que les producteurs de tabac sont dans une situation tout à fait exceptionnelle? Quelqu'un est en désaccord?
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Comme vous l'avez dit, le Programme d'aide à l'adaptation des producteurs de tabac dans son ensemble n'a pas suffi. C'était une bonne mesure, et elle a eu quelques résultats, mais ce n'était pas la solution complète. Il faudra une mesure beaucoup plus importante et il faudra la participation de plus qu'une des parties. Il faut que nous travaillions tous ensemble. Comme M. Neukamm l'a dit dans sa dernière réponse, le développement économique n'est pas la seule réponse, et je conviens que ce n'est pas le seul élément de solution. Il faut beaucoup plus, mais nous ne pouvons pas laisser de côté un élément. Il nous les faut tous.
Dans notre région du sud de l'Ontario, c'est comme si nous avions une industrie unique. Des producteurs au Québec ont été dans cette situation également, et il y en a d'autres un peu partout au Canada. L'industrie étant là où elle se trouve aujourd'hui, il n'y a pas de raison de penser qu'elle ne va pas perdre encore du terrain. Si nous voulons régler le problème, nous devons tenir compte de toute la situation et faire converger tous les efforts. La question du développement économique se pose comme dans beaucoup de localités monoindustrielles qui dépendent de la forêt ou même, parfois, d'une industrie manufacturière. Voilà où nous en sommes dans les cinq comtés du sud de l'Ontario qui ont fait de la production de tabac leur moyen de subsistance, leur moteur économique. Cette production est en train de disparaître.
Il y a les producteurs, bien sûr, mais il y a aussi, le type du salon de coiffure, le concessionnaire de voitures, le petit restaurateur, les maires de la région, les municipalités dont l'assiette fiscale se contracte. Ce qu'il y a de bien, chez les gens de cette partie du sud de l'Ontario, c'est qu'ils ont un esprit d'entreprise fantastique. Ils vont s'en tirer et se refaire une vie.
L'activité économique que le tabac a donnée à cette région était tout ce qu'ils avaient et maintenant, il faut chercher une solution globale. Voilà de quoi il s'agit.
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Merci de votre présence.
Je vais tâcher d'être bref. Vous avez dit que, en 2000, le gouvernement et l'industrie ont incité les producteurs à faire de lourds investissements et beaucoup ont misé toutes leurs épargnes. Puis, le marché s'est effondré. Et nous disons ensuite que tous les intervenants doivent contribuer. Je suis d'accord, et c'est une approche complexe.
Première question. Convenez-vous que, même si tous les intervenants doivent assumer une responsabilité, c'est l'ordre supérieur de gouvernement qui doit prendre l'initiative, étant donné qu'il a encouragé les investissements? Autrement dit, il est vrai que tous doivent faire leur part, mais il faut que quelqu'un prenne le taureau par les cornes — surtout si c'est votre gouvernement qui a encouragé les investissements — et prenne l'initiative de réunir tout ce monde. C'est la première question.
La deuxième porte sur la stratégie de sortie et la contrebande. Idéalement, nous réglerions le problème de la contrebande et passerions ensuite à la stratégie de sortie. Certains continueraient à produire et d'autres pourraient se retirer. Même si nos ministres, et je les en remercie, ont pris l'initiative de lutter contre la contrebande, nous sommes en crise, et il faut établir des priorités.
Convenez-vous que nous devrions amener le gouvernement fédéral à prendre l'initiative? La réponse que le ministre a donnée le 31 mars, soit qu'il n'y a pas d'argent, est inacceptable. Il est inacceptable que vous ne receviez pas de réponse à vos propositions.
Devrions-nous exiger que le gouvernement prenne l'initiative de réunir les gens, qu'il agisse et assume une partie de la responsabilité, qu'il applique une stratégie de sortie tandis que nous tentons de réprimer la contrebande? Je m'arrête là.
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Oui, c'est une bonne réponse.
D'abord, vous avez raison. Si nous nous sommes adressés au gouvernement fédéral, c'est parce qu'il s'agit d'un problème national, puisque le tabac se vend dans tout le pays. Et c'est normal. Le gouvernement fédéral est l'ordre supérieur de gouvernement. On s'adresse d'abord à lui. Pour ma part, et je crois que l'office partage cet avis, j'estime qu'il appartient au gouvernement fédéral de tous nous réunir. Et il le fait, je ne le nie pas. J'ai eu des entretiens avec le et nous poursuivons les échanges avec son ministère. Ça se passe bien. Nous essayons d'arriver à quelque chose. Mais la situation est urgente. Il nous faut presser le pas.
Quant à la répression de la contrebande, il faut dire qu'il y a de la contrebande pour tous les produits manufacturés. Vous n'avez pas réglé ces problèmes et vous n'allez pas les régler du jour au lendemain non plus. Mais étant donné la situation désespérée des agriculteurs, il nous faut une solution dès maintenant. Il faut participer à un programme qui donnera de l'argent à ces producteurs, à tous ceux qui sont en mauvaise posture, car cela n'aidera pas que nous, mais aussi les fabricants et les fournisseurs.
Nous paierons nos impôts. J'ai longtemps siégé à l'administration municipale. Je sais pertinemment que, lorsqu'un agriculteur est sans le sou, il paie d'abord ses impôts. C'est une question de fierté et de respect. Mais au bout du compte, il n'est pas facile de dire à ses enfants: pas d'université cette année, nous n'avons pas l'argent.
Ce programme doit venir, et tout de suite. Il nous faut l'aide de toutes les parties pour concocter quelque chose. Je vous supplie. Je vous supplie de comprendre qu'il faut nous aider. J'admets que le ministère de M. Ritz nous aide, et nous avons des entretiens avec ses représentants et j'espère qu'ils se poursuivront jusqu'à ce que nous ayons une solution.
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À cette heure-ci, on peut sans doute encore vous souhaiter une bonne matinée.
Je m'appelle Jon Lechowicz et je suis membre fondateur de Tobacco Farmers in Crisis. Les TFIC sont une organisation agricole issue de la base qui regroupe des agriculteurs des trois dernières provinces productrices de tabac: Ontario, Québec et Île-du-Prince-Édouard. Nous représentons plus de 500 exploitations et plus de 70 p. 100 des contingents de tabac en Ontario.
Je remercie le comité de son appui et de la motion qu'il a adoptée récemment à la majorité. Merci aux députés qui ont appuyé la motion.
Depuis que les TFIC ont été présentés au comité pour la première fois, il y a deux ans, le gouvernement du Canada — je devrais employer le pluriel —a perçu pour 18 milliards de dollars de taxes. Et depuis 2004, année ou les TFIC ont entrepris leur campagne afin d'obtenir une indemnisation pour la perte de contingents occasionnée par les politiques gouvernementales, les gouvernements au Canada ont recueilli plus de 36 milliards de dollars en taxes.
Les multinationales du tabac qui sont actives au Canada ont accumulé des revenus de plus de 8 milliards de dollars. Cette année, Rothmans a enregistré un profit record, en grande partie grâce à une plus grande utilisation de tabac bon marché importé de pays en développement. Apparemment, la contrebande n'a pas nui aux résultats financiers de ces deux grands partenaires du tabac: gouvernement et multinationales.
Les États-Unis, l'Union européenne et l'Australie ont versé à leurs tabaculteurs une indemnisation correcte pour la perte de leurs moyens de subsistance.
Un marché de contrebande lucratif a continué de prospérer sans trop d'ennuis de la part d'un gouvernement qui a refusé une juste indemnisation aux agriculteurs.
Des localités canadiennes qui vivaient de la production de tabac meurent les unes après les autres. Les producteurs croulent sous les dettes ou font faillite et leurs familles sont déchirées par le stress, la dépression, la crainte constante d'un sombre avenir. Comme M. St. Amand l'a dit ce matin, cela peut aller jusqu'au suicide.
Nous connaissons ces gens. Il n'y a pas longtemps, un homme s'est immolé par le feu dans sa grange à tabac. Je suis aussi agent immobilier. C'est ainsi que, mardi, j'ai reçu un appel d'une travailleuse sociale qui avait dans son bureau une famille qui, depuis trois générations, cultivait le tabac. On me demandait comment s'exerçait un pouvoir de vente. La famille venait d'être prévenue qu'elle devait quitter sa maison, qu'elle occupe depuis trois générations, au plus tard le 13 juin, c'est-à-dire demain.
Ces gens attendaient de l'aide de leur gouvernement. Ils ont perdu leur contingent et leur exploitation. Ce que vous ferez maintenant ne va pas les aider. Ils sont partis. Il y en a bien d'autres dans la même situation. Ils seront partis avant que le gouvernement lève le petit doigt, semble-t-il. C'est ce que je constate.
Le prétend qu'il n'y a pas d'argent pour appliquer une stratégie de sortie. Or, le gouvernement a accordé des réductions sans précédent de TPS et d'autres impôts tout en engrangeant de plus en plus de revenus grâce à la taxe sur la vente des produits du tabac légaux.
Depuis 36 mois, les fabricants ont augmenté de plus de 3 $ le prix de la cartouche de cigarettes. C'est plus que ce que nous avons jamais demandé. Ils ont déjà prélevé cela sur le commerce du tabac.
C'est injuste, malhonnête et hypocrite. Nous soutenons que les familles canadiennes qui produisaient du tabac se sont fait voler leurs moyens légitimes de subsistance par le gouvernement du Canada, de collusion avec les multinationales du tabac. Ils engrangent le produit des taxes ou les bénéfices alors que les agriculteurs font faillite. Cela ne serait toléré dans aucun autre secteur. Si le gouvernement se comportait de la sorte avec une entreprise étrangère, il serait traîné devant les tribunaux en vertu des traités internationaux sur le commerce et l'investissement auxquels le Canada a adhéré et il accorderait une indemnisation ou reviendrait sur ses mesures.
Ce que nous demandons est simple: une juste indemnisation pour toutes ces années de travail et l'investissement que nous avons fait dans un moyen de subsistance dont nous prive un gouvernement qui persiste à croire que les malheurs des familles et collectivités du milieu agricole sont un dommage collatéral acceptable.
Nous rappelons respectueusement au comité qu'il ne s'agit pas d'une question agricole. Les tabaculteurs sont les seules victimes de la mauvaise politique canadienne contre le tabac, qui taxe un produit pour en contrôler la consommation légale. C'est une politique sur la santé, pas sur l'agriculture.
Le même gouvernement a pour ainsi dire fermé les yeux sur la croissance du marché au noir, qui représente maintenant entre 30 et 40 p. 100 des cigarettes consommées au Canada. Grâce à ce marché, il est facile et peu coûteux de fumer au Canada. C'est une question de justice, et non d'agriculture.
L'an dernier, nous avons produit 37 millions de livres de tabac. C'est le total de notre production. Or, toute cette production de l'an dernier n'aurait pas suffi à fournir le marché de la contrebande, même si elle était allée intégralement sur ce marché. Ne cherchez donc pas la solution au problème de la contrebande du côté des agriculteurs. Nous n'avons rien à y voir, pas plus aujourd'hui que par le passé ou à l'avenir.
Ce même gouvernement n'a pas tenu compte du fait que cette conjugaison de produit légal lourdement taxé et de produit bon marché et facile à trouver éliminerait des exploitations familiales et leurs collectivités en anéantissant la valeur économique du contingent de tabac et des autres investissements connexes. Ce sont des décisions financières et économiques, pas des décisions du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.
Le tabac est encore une grande industrie au Canada. Nous le savons, les gouvernements et les fabricants des produits du tabac engrangent des milliards de dollars chaque année. Les tabaculteurs sont les seules victimes sur le plan économique. Des revenus produits, le gouvernement reçoit 68 p. 100, les multinationales 23 p. 100 et les agriculteurs moins de 1 p. 100. C'est purement et simplement une monstrueuse injustice.
Aujourd'hui, nous allons expliquer ce que les TFIC vont faire désormais, après quatre d'efforts intenses de lobbying et de sensibilisation au problème, et dire pourquoi nous faisons ce choix. Dans notre stratégie, nous sommes contraints de suivre deux axes. Nous continuerons de réclamer réparation au gouvernement par la discussion et le lobbying — ce qui a toujours été notre avenue de prédilection jusqu'à maintenant. Et nous appuierons les poursuites des agriculteurs. Tout en espérant que la question sera renvoyée aux ministères de la Santé, des Finances et de la Justice, nous reconnaissons que les agriculteurs doivent être prêts, en cas d'échec, à faire le nécessaire pour protéger les actifs de leurs familles. En ce moment, ce recours est exclu.
D'abord, concernant les mesures directes du gouvernement, nous continuons d'exiger que les ministères responsables du dossier du tabac, soit la Santé, les Finances et la Justice, s'occupent immédiatement de l'indemnisation au titre des contingents. Nous sommes conscients de l'astucieuse stratégie du gouvernement conservateur, qui continue de renvoyer la question du tabac au ministère de l'Agriculture, qui n'a pas les fonds pour appliquer une stratégie de sortie. Mais, comme nous l'avons souligné à répétition, ce n'est pas un problème agricole. La crise de la production du tabac ne découle pas d'une mauvaise politique agricole ni de problèmes de production. Ce n'est pas la conséquence d'une catastrophe naturelle. C'est la politique antitabagiste du Canada et les mesures connexes qui ont anéanti la valeur économique des contingents et il faut indemniser les détenteurs de ces contingents pour cette perte. Voilà de quoi il s'agit, purement et simplement. C'est une question commerciale, une question d'élémentaire justice que de nous indemniser pour une dévaluation délibérée de nos actifs et la perte de nos moyens légaux de subsistance. Nous demandons simplement au Canada de faire ce que d'autres pays ont fait.
Pour guider cette discussion, nous avons élaboré un plan d'action que les TFIC ont présenté pour la première fois aux gouvernements fédéral et ontarien en juillet 2005. Nous l'avons aussi présenté au comité en 2006, comme fondement d'une stratégie complète de sortie. Nous en avons apporté des exemplaires, au cas où certains ne l'auraient pas vu.
Nous demandons au comité de continuer à nous soutenir afin que l'indemnisation des tabaculteurs pour la perte de leurs moyens de subsistance soit inscrite au programme immédiat du gouvernement. Notre choix premier est que le gouvernement règle le problème, mais tant que la question ne sera pas à l'ordre du jour, rien ne se fera. Nous demandons par conséquent un débat immédiat à la Chambre et nous voulons qu'on souligne que ce sont les ministères de la Santé, des Finances et de la Justice qui devraient se charger de la question,
Nous reconnaissons que la motion adoptée récemment par le comité est une bonne première mesure, mais le niveau de financement est insuffisant. Par conséquent, nous demandons aussi au comité d'appuyer et de recommander au Parlement notre plan d'action comme fondement d'une stratégie de sortie complète, juste et ordonnée.
Compte tenu de l'intransigeance et de la négligence du gouvernement à ce jour, nous craignons vivement que l'enjeu de la production du tabac n'atteigne pas la Chambre à temps pour un grand nombre de nos membres. Nous n'avons donc d'autre choix que d'appuyer nos membres et d'autres agriculteurs qui voudraient intenter des poursuites. Nous estimons ne pas avoir d'autres recours.
Merci d'avoir pris le temps de m'écouter. Je suis prêt à répondre à une foule de questions.
Merci beaucoup.
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Membres du comité, dans un premier temps, permettez-moi de vous remercier pour l'invitation de comparaître devant vous.
L'Association des producteurs de tabac jaune du Québec que je représente compte 49 membres. Ce sont exclusivement des producteurs ou d'ex-producteurs qui ont quitté la production lors de la mise en œuvre du PAAPT, le Programme d'aide à l'adaptation des producteurs de tabac, du gouvernement fédéral.
L'an passé, des membres de notre association, dont M. Christian Boisjoly était le porte-parole, vous ont transmis un mémoire qui relatait les différentes étapes de la crise du tabac au Québec ainsi que nos revendications.
J'ai siégé en tant que coprésident de la table ronde mise en place par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada. La position des producteurs du Québec a été très bien saisie par les membres de la table ronde. Au terme de nos discussions, le PAAPT a été annoncé par le ministre de l'époque, l'honorable Bob Speller, le 4 mai 2004. Malheureusement, le niveau d'aide de 67 millions de dollars était nettement insuffisant et ne reconnaissait pas la spécificité du système de contingent du Québec.
Après une année de discussion, il était impératif de mettre en œuvre le PAAPT, tout en ayant l'assurance que le ministre de l'époque enclencherait un processus d'élaboration d'un programme à long terme. Bien que différentes rencontres aient eu lieu avec les représentants du ministre, dont M. Donald Boucher, aucun programme ne semble être en préparation.
Les quatre producteurs du Québec qui ont préféré continuer la culture du tabac doivent y mettre fin cette année. En effet, leur acheteur n'a pas renouvelé les contrats d'approvisionnement et même les inventaires de 2007 ne sont pas encore écoulés.
Il devient de plus en plus difficile pour les producteurs du Québec de maintenir leur exploitation en production. Les coûts de conversion sont énormes et l'année 2007 à été catastrophique au chapitre des exportations.
Nous avons cru sincèrement que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire de l'époque, l'honorable Chuck Strahl, mettrait en place un programme pour les producteurs de tabac, comme il le mentionnait dans une lettre qui m'a été adressée le 26 septembre 2006.
La présentation d'aujourd'hui est pour vous informer que le dossier du tabac au Québec n'est pas réglé et que nous attendons toujours une invitation du gouvernement fédéral de participer à l'examen de solutions possibles à long terme.
Veuillez accepter, messieurs, l'expression de mes sentiments distingués. Je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser. Merci.