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Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à me présenter devant votre comité pour parler des défis de santé consécutifs au déploiement.
Je suis le major-général Walter Semianiw, chef du personnel militaire des Forces canadiennes. Aujourd'hui, je suis accompagné du brigadier-général Hilary Jaeger, commandant du Groupe des services de santé des Forces canadiennes, médecin-chef des Forces canadiennes et directrice générale des Services de santé.
[Traduction]
Ma mission, à titre de chef du personnel militaire des Forces canadiennes, est de recruter, entraîner, préparer, appuyer et admettre le personnel militaire et leurs familles au service du Canada. Je suis donc chargé de la mise en oeuvre de programmes et de services qui assurent le bien-être médical, mental et spirituel du personnel militaire.
Depuis le début de la mission du Canada en Afghanistan, il est devenu absolument clair que le public canadien exige que l'on fournisse à nos hommes et femmes en uniforme tout l'éventail des services de santé de la plus grande qualité, notamment ceux dont la santé a souffert à la suite des opérations militaires. En conséquence, nous avons fait des soins aux victimes, aux blessés et à leurs familles une priorité absolue de notre organisation. À l'heure actuelle, il est absolument essentiel que nos militaires soient en santé, en bonne condition physique et prêts à être déployés afin d'honorer les engagements militaires du Canada au pays et à l'étranger.
Les soldats, les marins, les aviateurs sont les systèmes les plus complexes, perfectionnés et précieux que nous ayons dans les Forces canadiennes. Il faut un système également complexe pour s'assurer que le personnel militaire est dans une condition irréprochable et pour aider les militaires à recouvrer la santé quand ils sont blessés.
Les services de soins de santé aux militaires des Forces canadiennes sont fournis par des fournisseurs de santé militaires et civils qui travaillent au sein du Groupe des Services de santé des Forces canadiennes placé sous le commandement du brigadier-général Jaeger.
Le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes est une organisation multiforme comportant environ 120 unités différentes de tailles diverses dans différentes régions du monde. Les unités peuvent avoir quelque 300 employés chargés des services de santé dans des bases comme Valcartier ou Petawawa, ou seulement deux employés qui fournissent un soutien en soins de santé à bord de l'un des navires de Sa Majesté ou dans la station militaire la plus septentrionale du Canada à Alert.
Le personnel militaire des Forces canadiennes peut compter sur un éventail complet de soins de santé, depuis la promotion de la santé et la prévention des maladies jusqu'au traitement et à la réadaptation. Si la clinique de soins de santé dans une base donnée ne peut pas offrir un certain service nécessaire, on se procure alors ce service en s'adressant aux fournisseurs de soins de santé dans le secteur civil. Des arrangements ont été pris un peu partout au pays pour s'assurer que les soins régionaux sont fournis tout près de la famille immédiate du militaire ou de son réseau de soutien, ce qui est à la base même du schéma conceptuel que nous avons mis en place.
Les militaires acceptent avec altruisme de déménager et de s'éloigner de leurs réseaux d'amis et de famille élargie. Cela crée des difficultés en cas de maladie ou après une blessure. Un solide réseau de soutien social est un ingrédient essentiel au rétablissement à la suite d'une maladie ou blessure importante. En conséquence, les Forces canadiennes ont établi un certain nombre de programmes et de services, comme le réseau de soutien social aux victimes de stress opérationnel, le programme de retour au travail, ainsi qu'une capacité renforcée et croissante de soutien local aux blessés.
Je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion pour mentionner également les services disponibles à nos familles. Bien que les Forces canadiennes n'aient pas le mandat de fournir directement des services cliniques aux membres de la famille, on peut donner des exemples de ce type d'aide que nous fournissons, notamment les travailleurs sociaux des Forces canadiennes et d'autres professionnels de la santé mentale qui fournissent du counselling à l'ensemble de la famille, au besoin, dans le cadre du processus de rétablissement du militaire qui souffre d'une maladie mentale. Il y a aussi le programme d'aide aux membres des Forces canadiennes, un service confidentiel accessible au moyen d'une ligne téléphonique gratuite 24 heures sur 24 et 365 jours par année. Il est offert aux membres de la famille qui ont besoin d'aide psychologique, financière, juridique ou spirituelle. Sur un plan personnel, je peux dire que j'ai moi-même utilisé ce système et je peux attester qu'il m'a fourni une réponse en 24 heures. Le réseau de soutien social aux victimes de stress opérationnel a également mis en place un programme de soutien familial. Et enfin, des centres de ressources pour les familles militaires sont en place dans toutes les bases d'un bout à l'autre du Canada et offrent une foule de services divers aux membres de la famille.
Pour certains patients qui ont besoin de soins continus pendant de longues périodes, il peut être difficile de s'y retrouver dans un fouillis de fournisseurs civils de soins de santé et de services cliniques des Forces canadiennes. C'est un fait.
Les militaires sont aussi confrontés à des incertitudes lorsqu'ils sont libérés des Forces canadiennes pour raisons médicales et qu'ils doivent se tourner vers le ministère des Anciens combattants ou vers le réseau provincial pour obtenir des soins de santé et des prestations. Pour coordonner et simplifier ce processus pour chacun, les Forces canadiennes ont mis en place un solide programme de gestion de soins.
Les gestionnaires de cas sont un principal point de contact pour les militaires, afin de les aider à s'y retrouver dans les réseaux de soins de santé militaires et civils. En outre, des cliniques de services de santé des Forces canadiennes existent dans les grandes villes où se fait une bonne part de la gestion et du traitement initiaux des blessés graves ou des malades, dans des établissements civils. Pour garder un lien étroit avec les établissements civils et faire le suivi des militaires qui y sont admis, le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes emploie des infirmières de liaison, soit des infirmières qui font le lien entre les réseaux de santé militaires et civils.
J'aimerais maintenant parler des services de santé mentale qui ont connu récemment une réforme dynamique visant à augmenter leur capacité de traiter les patients atteints de troubles mentaux post-déploiement, une question qui sera certainement étudiée par votre comité.
À la fin des années 90, des cas de syndrome de stress post-traumatique et d'autres problèmes psychologiques ont été constatés chez des militaires après un déploiement en ex-Yougoslavie ou dans le cadre de missions de soutien à la paix en Afrique. Pour gérer efficacement la demande de soins de santé mentale spécialisés, les Forces canadiennes ont créé cinq centres de soutien pour trauma et stress opérationnels, que nous appelons aussi CSTSO, qui ont ouvert en septembre 1999.
Les intervenants en santé mentale qui travaillent dans les CSTSO offrent des services complets d'évaluation et de traitement pour les problèmes liés au stress opérationnel comme le syndrome de stress post-traumatique au moyen d'un modèle de soins uniformisé et interdisciplinaire. Dans son rapport de novembre 2007 sur les services de santé des Forces canadiennes, la vérificatrice générale a déclaré que les Forces canadiennes recourent à des méthodes exemplaires dans le domaine des soins de santé mentale, soit des pratiques fondées sur l'expérience clinique. Ces professionnels qualifiés en travail social, en counselling pour toxicomanes et en traitement des maladies mentales reçoivent une formation et un accès à des renseignements sur le traitement des maladies mentales, pour se garder à jour professionnellement.
Les militaires reçoivent aussi une formation sur l'équilibre mental, tout le long de leur carrière, et dès leur recrutement. Cette formation leur donne les outils nécessaires pour assurer leur propre équilibre psychologique et les compétences nécessaires pour aider leurs camarades. C'est ainsi que les leaders apprennent à reconnaître les conditions liées au stress chez leurs subordonnés, et à intervenir. Le personnel médical reçoit une formation clinique en reconnaissance et traitement de la maladie mentale et les professionnels de la santé mentale reçoivent une formation spécialisée approfondie.
Pour la mission actuelle en Afghanistan, des intervenants en santé mentale, soit un psychiatre, un travailleur social et une infirmière en santé mentale, sont affectés à chaque rotation. Ces professionnels participent à la formation avant le déploiement et font partie de l'équipe de soins de santé de la base aérienne de Kandahar. Le déploiement de professionnels en santé mentale est un outil précieux pour prévenir les traumatismes liés au stress opérationnel et pour assurer des interventions précoces.
Nous sommes préoccupés de constater que les soldats sont réticents à déclarer qu'ils souffrent de certains symptômes. On a réagi par un effort de sensibilisation visant à changer les mentalités au sein des Forces canadiennes par rapport à ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale. Le réseau d'entraide sociale pour ceux qui ont des problèmes liés au stress opérationnel a aussi fait des progrès marquants pour éliminer les obstacles à l'obtention des soins et réduire la stigmatisation associée à la maladie mentale.
Pour la détection précoce et l'élimination de la stigmatisation, nous avons un outil important, soit l'évaluation post-déploiement des effectifs qui reviennent d'Afghanistan. Cette évaluation est censée avoir lieu au quatrième mois et au sixième mois après le retour, mais rien n'empêche un militaire qui se fait du souci de demander de l'aide, à quelque moment que ce soit. Les commandants d'unités sont tenus de veiller à ce que leurs subordonnés soient évalués. En outre, s'ils s'aperçoivent qu'un soldat a des problèmes, ils savent quelles ressources peuvent le soutenir et sont encouragés à agir dès que possible, quand le cas se présente, pour que le soutien soit donné.
Depuis 2003, lorsque les Forces canadiennes ont reçu les résultats de l'étude de Statistique Canada sur la santé mentale au sein des Forces canadiennes, des changements importants ont été apportés en rapport avec la santé mentale. Une stratégie nationale sur la santé mentale, la réforme Rx2000 pour la santé mentale, a été élaborée. Elle est prêt d'être bientôt, enfin, mise en oeuvre.
D'ici 2009, les Forces canadiennes auront presque doublé leurs ressources humaines en santé mentale, les faisant passer de 229 à 447 intervenants, ce qui devrait coûter 98 millions de dollars.
En terminant, je rappelle que le réseau de soins de santé des Forces canadiennes est le 14e du Canada et doit en tous points donner aux militaires ce que leur offrirait le réseau de soins de santé provincial. Il doit en outre prendre soin de ceux qui sont blessés lors d'opérations, ce que n'ont pas à faire les réseaux provinciaux.
J'insiste sur le fait que les soins de santé mentale sont offerts à tout membre des Forces canadiennes qui en fait la demande. Un système robuste et capable de s'adapter veille à ce que ceux qui sont atteints du syndrome de stress post-traumatique ou de tout problème de santé lié au déploiement soient rapidement détectés, soutenus et traités efficacement.
Les hommes et les femmes des Forces canadiennes reçoivent les soins et le soutien dont ils ont besoin. C'est ce que corroborait en mai 2006 le rapport du sénateur Kirby intitulé De l'ombre à la lumière, où l'on peut lire :
Le comité se réjouit de constater que le ministère de la Défense nationale offre un aussi large éventail de services aux membres des Forces canadiennes qui ont des problèmes de santé mentale. La prestation de services de soutien familial en plus des services médicaux et du soutien aux blessés est digne l'éloges.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de cette occasion de vous parler et je répondrai volontiers à vos questions.
C'est réparti, comme je le disais, en
[Traduction]
des blessures non liées au combat.
[Français]
Donc, vous avez raison.
[Traduction]
Si je tombais de ma chaise, que je me blessais et qu'on devait me renvoyer chez moi, je serais compris dans ce chiffre de 749.
[Français]
Cependant, de l'autre côté de la médaille, il y a les blessures au combat.
[Traduction]
Cela va donc d'une extrême à l'autre, c'est pourquoi je souligne l'importance de prendre en compte toutes les catégories, pour se faire une idée exacte de ce qui s'est effectivement passé.
Quand on se penche sur la question — et vous allez le voir, je vais vous en dire un peu plus maintenant. Prenez ce chiffre : blessés au combat, 280. Là, on commence à se faire une idée un peu plus nette des chiffres : 280 personnes blessées au combat sur un total de 749.
Il y a eu 395 blessures non liées au combat. Je voulais le mentionner quand on m'a posé la question au départ, mais on m'a demandé de passer tout de suite à la conclusion. Toujours est-il que le chiffre pour les blessures non liées au combat est de 395.
[Français]
Comme vous le disiez, c'est comme si je tombais de ma chaise soudainement.
[Traduction]
Puis vous avez les blessures au combat, les décès non liés au combat; c'est un autre problème. Je pourrais vous dire, moi qui ai séjourné six mois en Afghanistan, que, pour répondre à votre question, le chiffre le plus important, c'est celui-là : les blessures non liées au combat.
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Dans le but de prévenir la maladie et de préparer les gens, la chose la plus importante pour un soldat est d'être bien formé dans son domaine, d'avoir confiance en ses capacités comme fantassin, membre d'une unité blindée, officier d'artillerie, et d'être formé d'une façon très réaliste à faire preuve de leadership, le même leadership qui va l'accompagner en mission. C'est ce genre de travail d'équipe qui peut vraiment aider à gérer les situations.
C'est le travail des chefs, après qu'un événement étonnant s'est produit, après un choc — bien que ça ne soit pas formel —, de s'asseoir avec les soldats et de parler de ce qui s'est passé, de ce qu'on a bien fait, de ce qu'on n'a pas bien fait, de voir comment va tout le monde et de déterminer si c'est correct.
Ce processus, le simple fait d'être en équipe et de parler ensemble, est très important. C'est beaucoup plus efficace que d'avoir un psychologue de l'extérieur du groupe: ils ne fonctionnent pas très bien.
Après un choc comme cela, la chose qui peut aider le plus un individu à ne pas développer le syndrome de stress post-traumatique, c'est de sentir qu'il a un bon soutien social, que ce soit de sa famille militaire ou de sa famille propre. C'est de soutien social qu'il a besoin après un tel choc.
Je veux préciser, si je le peux, monsieur le président, qu'on n'entraîne pas les chefs à faire le diagnostic du syndrome post-traumatique. Ils sont formés pour détecter que quelque chose ne va pas bien, que quelque chose n'est pas normal, mais ils ne font pas de diagnostic, parce qu'il ne s'agit pas toujours du syndrome de stress post-traumatique.
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Merci de votre question.
Je sais exactement de quoi vous parlez. J'ai été médecin-chef à Petawawa de 1996 à 1999 et je connais donc assez bien la Vallée de l'Outaouais.
Les CSTSO font partie d'un programme précis. Il y a deux ou trois choses qu'il faut savoir à leur sujet. Ils ont été conçus en 1998 et créés en 1999, et sont donc antérieurs à la mission en Afghanistan. Les moyens dont nous disposions ne nous ont permis d'en créer qu'un certain nombre; il fallait aussi offrir le service dans les deux langues et essayer de couvrir du mieux possible le territoire national. C'est la raison pour laquelle il n'y a qu'une seule clinique en Ontario.
Il y en a beaucoup dans la province: Petawawa, Ottawa, Kingston, Trenton, Borden et Toronto. À l'époque, il nous a semblé que le meilleur endroit était Ottawa. Aujourd'hui, vu la cadence des opérations et la mission en cours, le besoin est beaucoup plus grand à la base de Petawawa.
L'idée initiale, c'est qu'il ne s'agit pas des seuls endroits où obtenir des soins de santé mentale. Dans chaque base, il y a un service de santé mentale de tailles variables; dans le cas de Gander, il peut ne s'agir que d'un seul travailleur social ou d'une dizaine dans une base plus grande.
À Petawawa, le problème est double. Il s'agit d'une grosse base très animée mais située dans une partie du monde — magnifique, je le sais, parce que j'adore la pêche et la chasse — où peu de psychiatres veulent s'établir. Je ne sais pas pourquoi. Peu de psychologues cliniciens veulent s'y installer non plus.
Si cette initiative en matière de santé mentale est menée à terme, il y aura plus de fournisseurs de soins de santé mentale à Petawawa que dans certains des autres CSTSO et il y aura la même combinaison de fournisseurs qui emploieront les mêmes méthodes.
Mais je dois reconnaître que nous avons beaucoup de difficultés à attirer des fournisseurs de soins de santé mentale à Petawawa.
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Non, ce n'est pas très clair.
En fait, c'est l'équipe médicale, le soldat, ou les deux. La personne en question s'en rendra peut-être compte. Ses pairs ou son commandant de section ou son commandant de peloton constateront qu'il y a peut-être quelque chose qui cloche. Normalement vous enverrez le soldat voir le technicien médical ou l'AM à la base d'opération avancée et ces derniers sauront peut-être ce qui cloche ou pas. S'ils le jugent nécessaire, ils enverront le soldat au terrain d'aviation de Kandahar.
À ce moment-là, vous n'avez probablement pas décidé qu'il s'agit d'un TSO. À ce moment-là vous parleriez probablement de réaction de stress au combat ou de trouble de stress aigu, tout dépendant du dernier livre que vous avez lu avant votre déploiement.
En fait ces deux choses ne sont pas tout à fait identiques — vous savez pendant la Deuxième Guerre mondiale, George Patton envoyait le soldat dans ces circonstances à l'hôpital. Dans la plupart des cas, si vous offrez au soldat une période de repos et de récupération, il retournera rejoindre ses compagnons plus tard.
En fait, il est très important de ne pas parler à ce moment-là de problèmes de santé mentale parce que cela nuit énormément à l'estime de soi lorsqu'on dit que vous n'êtes plus à la hauteur, que vous avez un problème. Il faut éviter de le faire. Dans la plupart des cas, les traumatismes liés au stress opérationnel se manifestent... et c'est pourquoi nous avons parlé de quatre à six mois. Environ trois mois après la fin de la mission, vous pouvez identifier des nouveaux cas et en fait jusqu'à un an après la mission il est possible d'identifier certains cas.
Vous devrez m'excuser mais la voix me manque aujourd'hui. J'espère que c'est seulement ma voix qui ne vas pas très très bien.
Je voulais revenir à la question de la prévention dont ont parlé certains de mes collègues. M. Bachand a parlé de la préparation psychologique pour la prévention. M. Comartin a parlé de formation.
Dans les documents que vous nous avez fournis ou dans votre exposé je n'ai rien vu qui décrive ce type de façon de faire les choses, mais je me demande si on a songé à offrir une aide en matière de nutrition aux soldats qui seront déployés. Le reste d'entre nous, ou un bon nombre de Canadiens... il y a les vitamines pour le stress, par exemple, les vitamines de la famille B, B1, B6, B3 —
Une voix: L'acide folique.
M. James Lunney: L'acide folique c'est pour le coeur cher collègue, et les vitamines B sont pour le stress. Les amino-acides... je m'excuse, madame Jaeger, vous êtes un médecin donc nous avons un médecin dans la salle. L'acétyl-L-carnitine et le phosphatidylsérine, cela a été démontré, ont un impact sur la fonction cognitive.
Est-ce qu'il a donc un soutien nutritionnel? Dans cette équipe que vous avez décrite — les psychologues, psychiatres, travailleurs sociaux et j'en passe — a-t-on songé à inviter des spécialistes du domaine orthomoléculaire et qui savent comment aider au point de vue nutritionnel les gens qui vivent avec ce genre de problème, avec la dépression? Nombre de ces conditions peuvent être traitées de façon relativement efficace grâce à des additifs nutritionnels.
Dans vos discussions ou dans les modèles qui existent dans le reste du monde, a-t-on songé au soutien nutritionnel?
Rapidement, et en anglais, pour que je puisse parler plus vite, au sujet de la proportion de 5 p. 100 de soldats atteints de SSPT, je dois dire que le même nombre environ ont un grave problème de dépression. Pour les troubles mentaux au retour d'une mission, la plus forte proportion est celle de la consommation d'alcool à risque, dans environ 17 p. 100 des cas, si je ne m'abuse. Il y a aussi les idées de suicide, c'est-à-dire songer au suicide sans pour autant passer à l'acte, pour 2,5 à 3 p. 100 du nombre, si je me souviens bien. Pour le reste, ce sont des diagnostics moins graves. Voilà les chiffres dont nous disposons.
Est-ce qu'on prescrit toujours des médicaments? Non. Avec une démarche multidisciplinaire, nous pouvons recourir aux pratiques exemplaires quel que soit le problème. Très souvent, la psychothérapie est indiquée, souvent assortie de médicaments. Dans le cas de SSPT et de troubles anxieux, il faut calmer un peu l'anxiété pour que la réflexion puisse se faire, il faut calmer le tumulte dans le cerveau, mais on n'y arrive pas à 100 p. 100 du temps, loin de là.
Certains patients refusent, de toute façon. Beaucoup de personnes n'aiment pas les psychotropes et préfèrent s'en abstenir. Il recourt donc à diverses méthodes.
Par ailleurs, il faut compter sur le soutien de la famille. Nous avons trouvé un joli terme, soit “les soins de santé mentale axés sur les militaires et leurs familles“, ou quelque chose comme ça, pour décrire le fait que lorsqu'un militaire a des problèmes, nous offrons des services phychoéducatifs à la famille pour lui apprendre à vivre avec une personne atteinte de troubles mentaux et la faire participer à la thérapie familiale.
Nous ne pouvons pas traiter la famille isolément. Nous ne pouvons pas traiter que la conjointe. Quand quelqu'un perd une jambe en Afghanistan, mais que tout va bien par ailleurs, qu'il n'y a pas de problème de santé mentale pour lui, mais si cela fait que sa femme souffre de dépression, nous ne pouvons pas la traiter avec nos ressources. Il faut trouver d'autres ressources, par l'intermédiaire du PAMFC et du centre de ressources familiales, pour qu'elle obtienne les soins dont elle a besoin du réseau provincial.
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Merci, monsieur le président.
Je vais également vous poser trois questions. J'aimerais que vous les notiez pour ne pas les oublier.
D'abord, vous avez parlé de votre équipe au sein de laquelle beaucoup de gens interviennent. Je suis déjà allé dans un théâtre d'opérations et j'ai remarqué que l'aumônier y avait une tâche très importante. Je me suis rendu compte que les aumôniers sont un peu le confessionnal où les soldats se confient souvent. Mais je crois que cela ne relève pas des services de santé. On pourra éventuellement approfondir le rôle des aumôniers.
Deuxièmement, on a parlé des cinq Centres de soutien pour trauma et stress opérationnels. J'ai lu votre rapport et le sondage, général Jaeger. Selon le sondage, il existe une certaine stigmatisation qui ferait en sorte que certains soldats n'osent pas le dire. Je sais que plusieurs centres de soutien sont situés sur des bases militaires. L'ombudsman des Forces canadiennes a déjà suggéré que ces centres ne soient pas situés sur des bases militaires parce que quand les individus entrent au centre, beaucoup de gens le savent. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
Finalement, il est important d'avoir une vie sociale. Je sais, pour être allé dans un théâtre d'opérations, que les gens sont souvent stressés. À chacun sa façon de décompresser. Il nous arrive d'aller dans un bar et de prendre une bière ou deux. Or, je sais que vous avez une politique anti-alcool.
Je suis allé en Bosnie, où on permettait aux soldats de prendre deux bières le soir. Je suis allé en Afghanistan, où on ne leur permet plus de le faire. Je suis aussi allé dans un théâtre d'opérations d'Allemands et de Hollandais. Si on avait dit aux Allemands et aux Hollandais qu'ils ne pouvaient plus boire de bière, ils auraient fait une révolution et il y aurait probablement eu des morts.
Est-ce vous qui instaurez la politique anti-alcool en Afghanistan? Sur quoi est-elle basée? Ne pourrait-on pas permettre aux soldats d'avoir une plus grande vie sociale et de parler ensemble autour d'une bière, comme cela nous arrive de le faire?
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Vous avez posé une série de questions intéressantes et, encore une fois, vous me pardonnez de répondre en anglais, mais ce sera mieux ainsi.
Les aumôniers font en effet partie de l'équipe multidisciplinaire de nos CSTSO. C'est d'ailleurs l'une de nos pratiques avant-gardistes que d'employer un conseiller en pastorale à temps plein dans nos centres. Même à l'extérieur de ce cadre, sur le terrain, les aumôniers représentent la première ligne de détection, leur rôle est très important car ils prennent le pouls des troupes et écoutent ceux qui éprouvent peut-être des difficultés, surtout ceux qui ont des croyances spirituelles. Il est vrai que les athées ne s'adressent probablement pas à l'aumônier, mais ils ont d'autres recours.
Votre question sur la stigmatisation est intéressante, mais n'est pas facile à régler. Ce n'est d'ailleurs pas l'apanage de l'armée, car ce genre de stigmatisation se manifeste ailleurs dans le monde civil. Selon moi, l'idéal serait d'avoir un seul centre sur la base militaire, un endroit où vous pourriez aller sans hésiter car personne ne se soucierait de savoir ce qui vous y amène. Peut-être y allez-vous pour une maladie transmise sexuellement, ce qui entraîne une stigmatisation aussi, pour un cancer du sein, un sujet très délicat pour certaines femmes, pour une colonoscopie, un autre sujet délicat, ou pour une consultation en santé mentale. Nous sommes tous là pour dispenser des soins de santé.
En matière de santé mentale, peu importe qu'il s'agisse d'un traumatisme lié au stress opérationnel ou de SSPT ou d'un autre problème — ces autres problèmes étant plus répandus au sein des Forces canadiennes que les traumatismes liés au stress opérationnel, car nous voyons beaucoup plus de problèmes courants de santé mentale qu'autre chose. Obliger les militaires à quitter la base pour se faire soigner perpétue la stigmatisation, d'une certaine façon. Ça peut marcher dans une grande ville, où l'anonymat est assuré, mais cela peut aussi empêcher le malade de faire face à certaines difficultés. Dans une petite ville comme Petawawa, où irez-vous? Tout le monde sait que la clinique de santé mentale se trouve dans un logement résidentiel et on reconnaîtra votre voiture si elle est stationnée devant.
Pour ce qui est de la politique limitant la consommation de bière à deux par jour, cette politique relève de la chaîne de commandement et non pas de moi. Mon opinion personnelle, c'est que l'abstinence est l'approche la plus sûre. Si on adopte une politique limitant la consommation de bière à deux par jour, il faut que la chaîne de commandement soit sûre de pouvoir la faire appliquer de façon très stricte, sinon, on se retrouve dans une situation dangereuse. On doit être prêts à renvoyer tout membre de la mission qui viole la politique, qu'il s'agisse du sergent-major de la force opérationnelle, du commandant adjoint ou du commandant, sinon, la politique n'a aucune valeur et ne donnera rien. Ce n'est pas là l'opinion du médecin chef mais bien d'un officier chevronné des Forces canadiennes.