:
Merci, monsieur le président et membres du Comité.
Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir donné aujourd'hui l'occasion de comparaître devant le Comité. À titre de juge-avocat général, j'exerce mes responsabilités législatives sur tout ce qui touche à l'administration de la justice militaire. Ma comparution me donne aussi l'occasion d'expliquer le contenu du projet de loi et son fonctionnement prévu.
À titre de juge-avocat général, je ne suis pas uniquement préoccupé par la bonne organisation et l'efficacité du système de justice militaire; ma responsabilité est également de veiller à l'équité du système. Cette responsabilité s'étend aux impacts que les affaires en particulier ont sur le système de justice militaire dans son entier. Comme le regretté juge en chef Lamer l'a noté dans son rapport d'examen de 2003 portant sur la justice militaire: « Le Canada s'est doté d'un système très solide et équitable de justice militaire dans lequel les Canadiens peuvent avoir confiance ». Ce projet de loi est conçu pour renforcer le cadre législatif de la justice militaire.
[Français]
Monsieur le président, la nature distincte du système de justice militaire a été reconnue par la Cour suprême du Canada, et l'existence d'un système de tribunaux militaires ayant compétence sur des affaires qui sont régies par le droit militaire a été reconnue constitutionnellement par la Charte canadienne des droits et libertés.
La Loi sur la défense nationale a établi le code de discipline militaire qui prévoit un système de tribunaux militaires à deux niveaux: les procès sommaires et les cours martiales. Les procès sommaires sont présidés par des officiers de la chaîne de commandement, et leur compétence de juger du type d'infraction et leur pouvoir d'infliger des peines sont limités. Les procès sommaires, comme leur nom l'indique, sont de nature sommaire. Les avocats ne sont normalement pas présents aux procès, et ceux-ci traitent d'incidents disciplinaires moins sérieux. Ces incidents se rapportent le plus souvent à la formation militaire, à la tenue et au maintien, mais peuvent aussi inclure des voies de fait, des infractions impliquant les drogues et d'autres infractions reliées à la discipline au niveau de l'unité.
[Traduction]
Alors que la plupart des infractions d'ordre militaire sont jugées sommairement, il est clair que quelques infractions doivent être jugées par le système plus formel de cour martiale. Les infractions d'ordre militaire de nature grave peuvent être renvoyées directement à une cour martiale, qui est semblable à un procès criminel civil.
Il existe présentement quatre types de cour martiale. Cependant, le projet de loi simplifiera la structure des cours martiales et réduira leur nombre à deux. Les juges militaires président dans les causes présentées en cour martiale. Une cour martiale peut être constituée d'un juge militaire siégeant seul, d'un juge militaire siégeant avec un comité de membres similaire au procès devant jury civil. Au cours de tels procès, il y a un procureur de la poursuite indépendant et l'accusé est représenté par un avocat de la défense, lequel peut être militaire ou civil.
La cour martiale remplit une autre fonction indispensable dans notre système de justice. Pour la plupart des infractions d'ordre militaire, on doit offrir à l'accusé le choix d'être jugé devant la cour martiale. Cette mesure de protection cruciale permet à un militaire de choisir un procès devant un juge militaire et d'être représenté par des avocats entièrement qualifiés. En même temps, si un commandant débute un procès sommaire et détermine ultérieurement que l'affaire devrait être renvoyée en cour martiale, il peut le faire. Le choix de procéder par cour martiale fournit donc un mécanisme essentiel qui vise à garantir que l'accusé est traité avec équité et à protéger les intérêts plus étendus des militaires et de la société canadienne.
Les décision des cours martiales peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour d'appel de la cour martiale, laquelle est composée de juges civils de la Cour fédérale et de juges de cours supérieures ayant compétence en matière criminelle. On peut interjeter appel des décisions de la Cour d'appel de la cour martiale devant la Cour suprême du Canada.
Un attribut essentiel du système de justice militaire est l'équité. Encore une fois, citant le regretté juge en chef Lamer, nous devrions nous efforcer « d'offrir un meilleur système et non simplement un système dont la constitutionnalité ne peut être contestée. »
Afin de veiller à ce que les membres des Forces canadiennes puissent continuer d'être traités avec équité, il est nécessaire d'apporter de temps à autre des ajustements au système de justice militaire pour répondre aux jugements rendus par les cours d'appel.
[Français]
Monsieur le président, le 24 avril 2008, dans l'affaire R. c. Trépanier, la Cour d'appel de la cour martiale du Canada a déclaré que le pouvoir exclusif du directeur des poursuites militaires de déterminer le type de cour martiale viole les droits constitutionnels de l'accusé prévus à la Charte. La cour a aussi déclaré inopérante la disposition qui permet à l'administrateur de la cour martiale de convoquer les cours martiales. La convocation d'une cour martiale est une étape indispensable en vue de mener une affaire à un procès. De façon plus significative, la cour a déclaré ces dispositions de la Loi sur la défense nationale inopérantes. La cour n'était pas disposée à suspendre les effets de sa décision.
Par conséquent, ce projet de loi est présenté de façon prioritaire et il a été conçu pour répondre à l'urgence de la situation créée par l'annulation des effets de ces dispositions de la Loi sur la défense nationale.
[Traduction]
Bien que des efforts aient été faits pour continuer en cour martiale les affaires qui ont déjà été convoquées, aucune nouvelle cour n'a été convoquée au cours des sept dernières semaines. L'absence de réponse à l'incapacité de pouvoir mener des procès en cour martiale aura pour effet de nuire à l'administration du système de justice militaire et au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral, éléments sur lesquels dépend l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes.
De plus, des intérêts sociétaux importants sont en jeu puisque les accusés ne bénéficieront pas du droit d'être jugés dans un délai raisonnable, droit qui leur est reconnu par la Constitution. Par conséquent, des infractions de nature grave pourraient ne pas être punies et dans ces cas, les victimes et la société ne pourront pas constater que justice a été rendue.
Une demande d'autorisation pour porter en appel l'affaire Trépanier a été présentée à la Cour suprême du Canada, de même qu'une requête en sursis d'exécution de la décision. Les cours sont les instances par lesquelles on peut répondre aux questions constitutionnelles importantes. Cependant, il faut noter qu'il est improbable qu'un appel apporte une réponse en temps opportun à plusieurs questions soulevées par l'affaire Trépanier. La réponse législative donnera la certitude requise dans les meilleurs délais.
[Français]
Monsieur le président, j'aimerais répondre directement à la question qui peut préoccuper les membres du comité. C'est la raison pour laquelle la demande d'adoption du projet de loi est présentée de façon prioritaire au Parlement alors qu'en même temps, une demande d'autorisation d'en appeler a été faite devant la Cour suprême du Canada. Il est important de comprendre que même si le projet de loi et l'appel proviennent du même jugement, ils demeurent deux questions séparées et distinctes. Si la Cour suprême du Canada accueille la demande de permission d'en appeler, elle traitera des questions constitutionnelles soulevées par l'affaire Trépanier.
D'un autre côté, le projet de loi fait en sorte que le système de justice militaire puisse fonctionner le plus tôt possible et pour l'avenir. Il veille à ce qu'on réponde aux effets de la décision et aux questions de politique reliées et plus larges. En deux mots, le projet de loi ajoutera clarté, certitude et stabilité au processus de convocation des cours martiales.
[Traduction]
Je voudrais vous donner un bref aperçu du contenu et des effets de ce projet de loi.
Ce projet de loi simplifie la structure de la cour martiale, établit un cadre détaillé pour le choix du type de cour martiale devant juger un accusé et renforce l'efficacité et la fiabilité du processus de décision. De façon plus particulière, le projet de loi, comme on l'a signalé, réduira le nombre des types de cour martiale de quatre à deux; il élargira la compétence de la cour martiale permanente pour inclure toutes les personnes qui sont justiciables du code de discipline militaire; il augmentera les pouvoirs de la cour martiale permanente d'infliger des peines allant de l'emprisonnement de moins de deux ans à l'emprisonnement à perpétuité; et limitera les pouvoirs de punition d'une cour martiale qui juge un civil à l'emprisonnement et à l'amende, ou à l'une de ces deux peines.
[Français]
En ce qui a trait au type de cour martiale devant juger un accusé, le projet de loi prévoira les infractions de nature grave qui doivent être jugées par la cour martiale générale et prescrira les cas où les infractions relativement mineures doivent être jugées par la cour martiale permanente. Dans tous les autres cas, il permettra à l'accusé de choisir entre un procès devant juge seul ou devant un comité de la cour martiale.
En ce qui concerne le processus décisionnel de la cour martiale, le projet de loi accordera aux juges militaires le pouvoir de décider des questions préliminaires au procès à un stade qui survient plus tôt que le processus et renforcera la sûreté des verdicts en exigeant du comité de la cour martiale générale l'unanimité des verdicts tels que ceux de culpabilité et d'acquittement.
[Traduction]
Monsieur le président, les modifications proposées ont pour but de répondre clairement et de façon décisive aux préoccupations de la Cour d'appel de la cour martiale. Le projet de loi répond directement aux questions soulevées dans la décision Trépanier, mais il n'est pas limité aux questions plus étroites qui découlent des faits de cette affaire.
Par exemple, la décision dans l'affaire Trépanier porte sur une infraction d'ordre militaire prévue à l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, lequel incorpore des infractions criminelles civiles. La capacité de juger les infractions d'ordre militaire prévues à l'article 130, comme le trafic de drogue, est indispensable au maintien de la discipline. Cependant, le droit militaire ne fait pas de distinction entre les infractions qui sont incorporées et celles qui sont spécifiquement énumérées, comme la désobéissance à un ordre légitimement donné, qui peut donner lieu à une peine d'emprisonnement à perpétuité. Ce projet de loi ne se limite pas, par conséquent, aux infractions incorporées, mais assure plutôt les mêmes droits élargis à tous les accusés, qu'ils soient accusés d'infractions incorporées ou d'infractions spécifiquement énumérées dans la Loi sur la défense nationale.
Conformément à l'objectif de clarifier le système, le projet de loi donne également l'occasion de clarifier certains dispositions de la Loi sur la défense nationale par suite du jugement rendu par la Cour d'appel de la cour martiale dans l'affaire R. c. Grant. Contrairement à la décision rendue dans l'affaire Trépanier, la cour n'a pas conclu à une violation des droits prévus par la Charte, mais elle a déclaré qu'en raison du temps écoulé, la question qui devait être jugée par une cour martiale conformément à la loi devait être jugée à nouveau par voie sommaire. La cour a noté qu'elle offrait une solution qui répondait aux faits et aux circonstances de cette affaire.
À titre de responsable du système de justice militaire, je me dois non seulement de considérer les résultats de procès spécifiques, mais aussi de me préoccuper de leurs effets sur le système de justice militaire plus vaste. Par exemple, la décision dans l'affaire Grant qui forçait la tenue d'un procès sommaire au lieu d'une cour martiale a créé beaucoup d'incertitude concernant le droit des accusés de choisir le type de procès qu'ils veulent subir et concernant la capacité du commandant de renvoyer une affaire devant la cour martiale avant ou durant le procès sommaire. L'importance de ces mécanismes pour assurer l'équité envers l'accusé et protéger les intérêts plus vastes des forces militaires et de la société canadienne a été soulignée plus tôt dans mon exposé.
Le projet de loi indiquera clairement que le pouvoir de la Cour d'appel de la cour martiale est d'ordonner la tenue d'un nouveau procès devant une cour martiale; que le devoir d'agir avec célérité sous le régime du code de discipline militaire s'applique dès que l'accusation est portée et que la période de prescription d'un an est une disposition juridictionnelle qui renforce la nature sommaire de ces procédures.
Monsieur le président, le processus de la cour martiale au sein du système de justice militaire constitue un outil indispensable par lequel les objectifs fondamentaux du système peuvent être accomplis. À titre de juge-avocat général, j'estime que modifier la Loi sur la défense nationale de façon prioritaire est nécessaire pour apporter la clarté, la certitude et la stabilité nécessaires à cette question. Ce projet de loi augmentera l'équité au sein du système de justice militaire, tant du point de vue des accusés que du public canadien. En prévoyant une disposition législative qui permet la convocation d'une cour martiale, il garantira que justice puisse continuer d'être rendue aussi bien pour les accusés que pour les victimes.
Monsieur le président, afin laisser suffisamment de temps pour répondre à vos préoccupations, je mets fin à mon exposé. Deux membres de mon personnel, le colonel Pat Gleeson et le lieutenant-colonel Michael Gibson, m'accompagnent aujourd'hui pour vous aider dans l'étude du projet de loi .
[Français]
Je vous remercie. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
[Traduction]
Il me fera plaisir de répondre à toutes vos questions
:
Je serai heureux de le faire, et je vous remercie de l'occasion de clarifier cette question.
Je fais référence à l'examen indépendant du juge en chef Lamer réalisé en 2003 et qui était exigé par la loi, suite au projet de loi C-25 adopté en 1999.
Premièrement, je pense qu'il est important de souligner que le système de justice militaire a fait l'objet d'un examen très poussé au cours de la dernière décennie. Dans l'après-Somalie, nous avons eu l'enquête sur la Somalie et ses recommandations. Nous avons fait l'objet de deux rapports par le juge en chef Dickson. Ces rapports ont donné lieu à un certain nombre de recommandations, dont la grande majorité ont été acceptées par le gouvernement. Le projet de loi C-25 a été adopté et est entré en vigueur en 1999.
Fait intéressant, une des recommandations du second rapport Dickson portait sur la définition du rôle de la nouvelle convocation des cours et du rôle du DPM. Elle laissait entendre que le DPM recommande... à l'époque le rapport parlait du juge militaire en chef, mais lorsque le projet de loi a été rédigé, c'est devenu l'administrateur de la cour martiale, le type de procès. Évidemment, c'est un des articles qui ont été supprimés.
En 2003, nous avons eu l'examen par le regretté juge en chef Lamer. Pour mettre cet examen en contexte — évidemment, un examen complet et détaillé —, il a conclu, comme je l'ai dit dans mon exposé, que « le Canada s'est doté d'un système très solide et équitable de justice militaire dans lequel les Canadiens peuvent avoir confiance ». Il a noté qu'il y avait quelques domaines qui pourraient être améliorés et a parlé de « quelques changements ».
Il n'y avait rien dans son rapport qui indiquait que ces recommandations étaient de nature constitutionnelle — en d'autres mots, des progrès touchant le système de justice et des recommandations. Les recommandations présentées dans le rapport Lamer ont fait l'objet d'un examen poussé. Il y avait 57 recommandations qui traitaient de la cour martiale et du système de discipline en soi, et 52 d'entre elles ont été acceptées en totalité ou en partie. Deux des recommandations qui n'ont pas été acceptées étaient les recommandations 23 et 25, qui ont été incorporées dans le présent projet de loi .
La raison pour laquelle elles n'ont pas été acceptées, c'est qu'on croyait que le système fondé sur quatre types de cour fonctionnait bien. Il assurait la souplesse qui permettait de mieux répondre aux besoins de discipline des différents types de cour et de pouvoirs d'infliger des peines — le nombre de membres du Comité, par exemple. Une cour martiale disciplinaire comptait trois membres alors qu'il y en avait cinq dans le cas d'une cour martiale générale.
La décision Nystrom rendue en 2005 par la Cour d'appel de la cour martiale était une décision non exécutoire. Elle n'a pas réglé la question dans son examen de certains des défis que posait le fait d'offrir à l'accusé le type de cour qu'il voulait. Plus spécifiquement, la cour a indiqué qu'elle ne traitait pas du caractère constitutionnel, mais elle a exprimé une vive préoccupation à l'égard de cette question et de la disposition en cause, et elle a indiqué sa préférence dans sa décision pour ce type de processus, qui est semblable à ce que l'on retrouve dans le rapport Lamer. Toutefois, à ce moment-là, il y avait une décision antérieure unanime et exécutoire de la Cour d'appel de la cour martiale. Elle a confirmé, au milieu des années 1990, que la chaîne de commandement — en d'autres mots, quelqu'un qui n'était pas aussi indépendant que le directeur des poursuites militaires — pouvait choisir le type de cour, et que cela ne violait pas la Charte. Alors, nous avions une décision non exécutoire dans l'affaire Nystrom et une cause antérieure exécutoire.
De plus, peu de temps après cette affaire, il y a eu une autre affaire dans laquelle la Cour d'appel de la cour martiale a indiqué qu'il y avait de bonnes raisons, du point de vue administratif, qui expliquent pourquoi il pourrait y avoir un problème d'avoir une cour martiale générale comptant cinq membres dans une région éloignée. Lorsque cette question a été débattue pendant le procès — lorsque l'affaire Trépanier est arrivée et que le juge qui présidait le procès a accepté l'affaire exécutoire des années 1990 et non la décision non exécutoire rendue dans l'affaire Nystrom —, cette décision a fait l'objet d'un appel devant la Cour d'appel de la cour martiale, et c'est là que nous avons eu la décision.
:
Merci, monsieur Casson.
Permettez-moi de remercier les membres du Comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour présenter mon analyse du .
[Français]
Permettez-moi aussi de vous présenter Zorica Guzina qui, comme moi, s'intéresse au droit militaire canadien tant dans sa pratique journalière que dans le cadre de son enseignement à l'Université d'Ottawa.
[Traduction]
En raison du très court préavis pour réaliser cette analyse et du peu de temps de parole dont je dispose aujourd'hui, j'ai cru bon de présenter les résultats de mon analyse sous la forme d'un livret, que vous avez sous les yeux.
[Français]
À la page 1 de ce livret se trouve un tableau sommaire qui décrit la structure et l'organisation actuelles des cours martiales. Il y a quatre sortes de cours martiales. Je vous donne une description de leurs pouvoirs et des droits de l'accusé, entre autres choses.
À la page 2, je vous dresse un sommaire très bref de la décision par la Cour d'appel de la cour martiale dans Trépanier c. Sa Majesté la Reine rendue le 24 avril 2008 et qui a donné vie au .
J'attire votre attention sur le fait que dans sa décision, la Cour d'appel de la cour martiale a aussi fait allusion aux recommandations faites par feu le juge en chef Antonio Lamer à la suite de son examen de la Loi sur la défense nationale, en 2003. Ces recommandations, pressantes à l'époque, visaient à simplifier la structure des cours martiales de façon à créer une cour militaire permanente et font écho, du moins en partie, aux modifications proposées dans le .
À la page 3, je vous présente un tableau sur l'essence du .
[Traduction]
Le donne suite à la récente décision de la CACM qui a déclaré inconstitutionnelle une disposition autorisant le directeur des poursuites militaires, et non l'accusé, à choisir le type de procès — devant un juge militaire siégeant avec un comité ou devant un juge militaire siégeant seul. En plus d'abroger cette disposition, le projet de loi C-60 simplifie le système actuel en réduisant le nombre de types de cour martiale — une cour martiale générale, une cour martiale disciplinaire, une cour martiale permanente et une cour martiale spéciale — de quatre à deux. C'est l'une des recommandations qu'avait faites le regretté juge en chef Lamer dans son rapport de 2003 au terme de son examen de la Loi sur la défense nationale de l'époque.
Le apporte ensuite un assez bon nombre d'autres modifications mineures, dont la plupart sont déjà incluses dans le qui, je suppose, fera l'objet d'une discussion plus détaillée en temps voulu parce que cela n'a pas encore eu lieu.
Pour ce qui est de mon évaluation générale, je n'ai aucun problème majeur avec le . Outre le fait qu'il accorde à un accusé le droit de choisir le type de procès, il simplifie également la structure de la cour martiale, comme l'avait d'abord recommandé le regretté juge en chef Lamer, et c'est une bonne chose. Les autres modifications mineures visent, elles aussi, à améliorer le système de justice militaire et, dans l'ensemble, elles arrivent à point nommé.
Il y a deux aspects de cette question qui me préoccupent — et c'est indiqué dans les documents que vous avez sous les yeux. On en a parlé, du moins en partie, durant la première heure de la réunion lorsque le général Watkin a témoigné.
Mon premier sujet de préoccupation, c'est le fait que le dépôt de ce projet de loi coïncide avec une demande de permission d'en appeler de la décision Trépanier devant la Cour suprême du Canada. Dans un des documents de la Cour suprême du Canada que je vous ai remis, il est indiqué qu'en fait une requête en sursis d'exécution de la décision Trépanier a été présentée devant la Cour, de même qu'une demande d'autorisation d'appel. Aucun de ces appels n'a été entendu pour l'instant.
Ma deuxième préoccupation concerne la disposition transitoire à l'article 28 du projet de loi. En vertu de cet article, tout procès devant une cour martiale commencé mais non achevé avant la date d'entrée en vigueur du se poursuivra aux termes de l'ancienne loi. J'ai entendu certaines des explications à cet égard, mais il reste un peu de doute dans mon esprit quant à l'impact réel de l'application de cet article particulier. Que voulez-vous dire? Vous avez peut-être la réponse, mais pas moi.
Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire dans ma déclaration préliminaire. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Oui, mais il y a deux facteurs qui entrent en jeu ici.
Tout d'abord, le ministère de la Justice s'est adressé à la Cour suprême pour demander une autorisation d'appel. Nous ignorons ce que la Cour suprême fera dans l'un ou l'autre cas.
D'après cette recommandation, cette loi pourrait, en fait, être édictée en un rien de temps.
Quant au nombre de procès de ce genre et à quelle étape ils se trouvent, je n'en sais rien. Ce que nous savons de la décision Trépanier, c'est que, tout au plus, si nous regardons les quatre ou cinq dernières années, il y a eu un total de 200 procès. Nous ne parlons pas d'un grand nombre; 200 procès, c'est, en moyenne, 60 procès par année.
Pour ce qui est du nombre de procès en suspens à l'heure actuelle, c'est-à-dire les procès qui ont commencé et que nous mènerons à bien, je ne sais même pas de quel type de procès il s'agit. Est-ce une cour martiale générale, une cour martiale spéciale? Je ne dispose pas de ce genre de détails. Mais dire qu'ils se poursuivront en vertu de l'ancienne loi alors que la Cour d'appel de la cour martiale a déclaré — sauf si la décision est renversée — que l'ancienne loi, ou du moins cette disposition particulière, n'est pas constitutionnelle, il y a bien lieu de se poser des questions sur le fait de continuer quelque chose qui est non seulement injuste, mais inconstitutionnel à ce stade-ci.
C'est ainsi que je l'interprète.
:
J'hésite à vous fournir un commentaire, parce qu'il y a un vide. Je ne comprends tout simplement pas la logique.
Il faut une logique; ce n'est pas que je sois injuste, mais c'est tout simplement parce que je ne comprends pas. Peut-être que le libellé n'est pas aussi rigoureux qu'il devrait l'être ou peut-être que je l'interprète différemment de vous. Mais pour moi, le , jusqu'à ce que j'ai lu ce...
Il y a certaines choses que je préfère ne pas aborder parce que nous introduisons des dispositions qui dépassent largement le jugement Trépanier, mais à bien y penser, qu'est-ce que ça signifie? C'est presque un jeu de bingo où je dois constamment anticiper ce qui va se passer. Je n'obtiens pas de réponse satisfaisante. En fait, on embrouille la question plus qu'on ne la clarifie. Le but d'une disposition transitoire, c'est de clarifier la situation pour que vous sachiez où vous en êtes pendant la transition d'un régime à l'autre.
Maintenant, ce qui est dit dans cet article, c'est que lorsque nous passerons d'un régime à l'autre, vous serez assujettis à l'ancien régime. Oui, mais nous avons déclaré l'ancien régime inconstitutionnel. Que voulez-vous dire?
Mais ce n'est pas tout. Je sais que vous êtes en train de contester la décision en cour, mais la cour pourrait fort bien l'accepter. Le cas échéant, c'est-à-dire si la cour rejette l'appel, alors si vous adoptez ce projet de loi, cela signifie — si je comprends bien — que l'ancienne loi s'appliquera.
Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord.
:
Avant de pouvoir vous en décrire l'impact, si possible, j'aimerais remettre en question l'utilité ou la sagesse même d'inclure une disposition de temporisation dans le projet de loi . Je dois me poser la question, pourquoi voudrions-nous en ajouter une? Ce projet de loi n'est pas une disposition transitoire; ce n'est pas une mesure que nous allons essayer pendant un certain temps pour voir comment elle fonctionne. C'est le résultat d'une contestation judiciaire fondée sur la Constitution, dans laquelle le tribunal a statué à l'unanimité que c'était nécessaire.
Je ne mettrais donc certainement pas de disposition de temporisation dans le projet de loi , qui est d'une portée assez restreinte, mais qui revêtira une grande importance si une personne est accusée ou se retrouve devant une cour martiale. Le juge en chef Lamer a déjà proposé ces modifications et elles auraient dû prendre forme dans le projet de loi .
La dernière chose que je voudrais serait donc de recommander l'adoption d'une disposition de temporisation. Plutôt que d'inclure une telle disposition dans le projet de loi , je vous recommanderais de relire le projet de loi , parce que la Loi sur la défense nationale prévoit un mécanisme pour retarder un peu le processus, afin que le projet de loi soit révisé de A à Z. Nous parlons ici du Code de discipline militaire prescrit par la Loi sur la défense nationale. Ce n'est pas tout le projet de loi, mais c'en est une bonne partie. Il faut tenir compte des modifications apportées au système de droit pénal et des leçons que nous en tirons, puisque nous sommes en déploiement pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, du moins de cette envergure. Nous tirons sûrement des leçons de l'application de notre Code de discipline militaire dans un théâtre d'opération à l'étranger. N'y aura-t-il donc pas de changements qui en résulteront?
Ce mécanisme doit être enchâssé dans la loi. Qu'il y ait une révision tous les trois ans ou tous les cinq ans, quelle soit faite par un organisme indépendant du MDN ou non, ce mécanisme doit être étudié, et il faut proposer des modifications au Parlement. Nous ne pouvons pas nous contenter de rafistoler la loi en y ajoutant par exemple la création d'une cour permanente. Pourrait-on en créer une? Peut-être, et certainement par le projet de loi , parce que je connais bien certains aspects...
J'aimerais peut-être dire ceci pour terminer, j'aimerais que nous tenions compte des changements que tous nos alliés apportent à leurs systèmes de justice militaires. Par exemple, quand il y a un procès militaire sommaire, comme nous l'avons entendu récemment, on n'a pas le droit à un avocat; on n'a pas le droit d'accéder aux dossiers; on n'a pas le droit de faire appel. Pourtant, l'accusé peut être mis en détention pendant longtemps, et le jugement Trépanier nous montre à quel point la détention peut être difficile et inconfortable. Dans d'autres pays, dont certains qui sont nos proches alliés, comme la Grande-Bretagne, les codes prévoient un mécanisme de révision de ces décisions, et les tribunaux administratifs peuvent...
Je pense qu'un tel mécanisme dans notre loi nous permettrait de réviser avantageusement et en profondeur la loi et de proposer non seulement ce que l'armée veut, mais aussi ce que nous, en tant que société, et vous, en tant que législateurs, voulons absolument pour rester au diapason — non pas en arrière, mais au diapason — du système civil de droit pénal et de la société, parce qu'en ce moment, je pense que nous sommes en train de nous rattraper.
:
Monsieur le président, c'est avec plaisir que je vais m'exprimer sur l'article 28 et bien sûr, mon collègue pourra intervenir s'il sent le besoin d'ajouter quelque chose.
L'article 28 porte sur les procès déjà commencés. Selon les notes annexées à notre Règlement, les procès en cour martiale commencent quand l'accusé plaide coupable ou qu'il plaide sa cause. Essentiellement, il se trouve alors en danger.
C'est le commencement dont il s'agit ici. Cet article vise à ce que si le projet de loi est adopté, les procès qui sont déjà commencés, qui sont en cours, puissent se poursuivre jusqu'au bout. C'est l'objectif. Il ne s'applique pas aux affaires où l'accusé est cité devant un tribunal, mais où le tribunal n'a pas encore commencé à l'entendre. Il ne s'applique pas aux affaires qui sont dans le système, mais qui ne sont pas encore devant les tribunaux. Il ne s'applique qu'au petit nombre d'affaires qui seront en cours au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Nous révoquons deux types de cours martiales. Par exemple, la cour martiale disciplinaire est révoquée. Cet article prescrit qu'une cour martiale disciplinaire, si elle est en train de mener un procès au moment de l'entrée en vigueur de la loi, pourra mener ses activités à bien, sans avoir à s'arrêter et à tout recommencer. Le fait de recommencer un procès quand une personne est en danger soulève divers problèmes juridiques, dont la question de savoir si l'on peut la juger de nouveau. Pour reprendre les termes du JAG, il offre la certitude que le projet de loi dans son ensemble vise à créer. Cet article est une tentative pour conférer une certaine certitude que les procès en cours pourront se poursuivre.
Sur le plan de la procédure, l'accusé qui comparaît devant une cour martiale doit, avant de plaider, dire s'il s'oppose à la cour qui le juge. Depuis le jugement Trépanier, il y a des accusés qui affirment ne pas vouloir être jugés par telle cour. D'où les quatre ou cinq affaires qu'a mentionnées le JAG et qui ont recommencé de zéro.
Dans les circonstances qui nous occupent, si le tribunal a déjà commencé à siéger, la personne a déjà, selon toute probabilité, indiqué au juge qu'elle était satisfaite d'être jugée par la cour qui l'a sommée à comparaître, et cet article laissera la cour terminer son travail. C'est tout.
:
Je suis toujours d'accord avec Me Drapeau, malgré votre explication. Il est vrai qu'il n'y aura peut-être que quelques cas isolés, aussi peu que quatre, mais le nombre de cas va augmenter au fur et à mesure que ce projet de loi suit son cours, à supposer qu'il soit adopté rapidement au Sénat, mais s'il ne l'est pas, ce sera encore pire.
Dans les faits, on nie les droits d'un groupe de personnes, une toute petite liste qui pourrait peut-être s'allonger quand les gens prendront connaissance de l'affaire Trépanier et qu'ils diront: « Oui, je veux exercer mes droits; je ne pensais pas les avoir avant, » parce que la jurisprudence allait dans les deux sens. En fait, selon le dernier jugement faisant jurisprudence avant le jugement Trépanier, ils n'en avaient pas le droit. Trépanier le leur a donné. De plus, la loi du pays, qui s'en vient sous la forme du projet de loi , va donner ce droit à toutes les autres personnes, sauf à elles. Ce n'est pas logique. Ce n'est pas ainsi que les lois devraient être écrites.
Ensuite, je m'inquiète beaucoup de la façon dont la Cour suprême interprétera le message qui se dégagera de cette loi si l'on y laisse l'article 28. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre, mais voici la situation.
Il y a la décision Trépanier, qui dicte que tel est le modèle à suivre pour déterminer la procédure d'une cour martiale et que l'accusé a un droit de regard. Nous venons ensuite dire au Parlement que nous reconnaissons ce droit et que nous sommes d'accord avec la Cour d'appel fédérale, mais si un juge de la Cour suprême examinait l'article 28, il pourrait nous dire: « Très bien, vous avez fait tout cela, vous avez reconnu la décision de la Cour d'appel, vous vous êtes acquittés de votre responsabilité de prendre des mesures concrètes par le projet de loi , mais vous refusez ce droit à ce petit groupe de gens. »
Je ne voudrais pas être l'avocat qui va plaider devant la Cour suprême, pour essayer de justifier cet article en notre nom, au nom de la législature du pays.
:
Oui, je serai heureux d'apporter des éclaircissements là-dessus.
Je précise que la décision Trépanier a été rendue le 24 avril. Les individus accusés en cour martiale sont représentés par un avocat et sont certainement au courant, par l'intermédiaire de ce dernier, de leurs droits et du sens que la décision Trépanier revêt pour leurs droits depuis le 24 avril.
Ce dont il est question ici, ou ce qui a été annulé dans la décision Trépanier, c'est le droit du procureur de choisir le type de cour. Ce droit a été annulé. Lorsque cela a eu lieu, un certain nombre de cours avaient déjà été convoquées, de sorte que le procureur avait déjà déterminé quel type de cour jugerait l'accusé. Dans certains cas, ces cours avaient déjà été convoquées et les procédures avaient commencé.
Dans ces cas où les procédures sont déjà ouvertes, les accusés connaissent leurs droits et se font offrir la possibilité de s'opposer à subir un procès selon le type de cour choisie par le procureur. Dans les cas où ils se sont objectés, les procédures se sont arrêtées et les accusés n'ont pas subi de procès. Mais dans ces cas où ils n'ont pas opposé d'objection — autrement dit, ils ont expressément ou implicitement renoncé à leurs droits constitutionnels, tout comme on peut le faire lorsqu'on comparaît devant la police pour un interrogatoire, et se sont trouvés satisfaits du type de cour convoquée — le procès s'est poursuivi. Ainsi, l'accusé a affirmé qu'il était satisfait d'être jugé par ce tribunal, et qu'il voulait qu'on en finisse. Ces procédures ont suivi leur cours pour aboutir à une décision.
Alors, en ce qui a trait à cette disposition — qui est là pour empêcher que nous nous retrouvions dans une position où il y a de l'incertitude ou un manque de clarté —, lorsque le projet de loi entrera en vigueur, il pourrait bien y avoir des affaires en cours où les accusés se sont essentiellement déclarés satisfaits du type de cour qui les jugerait. Cette cour pourrait alors mener le procès jusqu'au bout, plutôt que de devoir s'arrêter et créer davantage d'incertitude quant à savoir s'il est possible de le reprendre. Faute d'une reprise du procès, il est évident que l'accusé pourrait ne pas être tenu responsable, ni avoir l'occasion de faire valoir sa position relativement aux accusations. Le tribunal pourrait ne jamais être en mesure de reprendre les procédures à nouveau. Si la cour était reconvoquée, et pouvait légalement le faire — et je crois que ce serait discutable — on retarderait l'aboutissement du procès d'un accusé qui souhaite en voir la conclusion en empêchant ce procès de suivre son cours.
Voilà donc les choses qui se produisent si on empêche le procès de se poursuivre. Mais si on le laisse aller de l'avant, l'accusé, comme je l'ai dit, a la possibilité, par l'entremise de son conseil, de s'opposer à la cour. Jusqu'à maintenant, les juges qui entendent ces objections arrêtent les procédures; elles cessent