NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 8 mai 2008
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Le comité vous souhaite la bienvenue à sa 26e séance portant sur son étude des services de santé offerts au personnel des Forces canadiennes, en particulier dans le cas des troubles de stress post-traumatique.
Nous avons aujourd'hui deux groupes de témoins. Le premier est composé de Joyce Belliveau, Robin Geneau, Robert Ferrie et Jonathan Shay.
Nous allons permettre à chaque témoin de faire sa déclaration préliminaire, puis nous passerons à la période de questions. Nous disposons d'un peu plus d'une heure, et j'espère que nous pourrons respecter le temps qui nous est alloué et obtenir réponse à nos questions.
Nous allons commencer par Mme Belliveau.
La parole est à vous.
Merci. J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invitée à venir témoigner.
Je m'appelle Joyce Belliveau, psychologue clinicienne, et j'exerce dans un cabinet privé à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Je suis spécialisée dans le traitement des troubles liés aux traumatismes psychologiques.
Depuis plus de 12 ans, les membres actifs et les anciens combattants des Forces canadiennes représentent une partie importante de ma clientèle. Quatre-vingt-quinze pour cent de mes patients souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel et de troubles de stress post-traumatique.
J'ai travaillé avec des hommes et des femmes de toutes les missions de maintien de la paix, d'aide humanitaire ou de combat qui ont eu lieu après la guerre de Corée. J'ai aussi reçu des membres des FC ayant participé à des interventions durant la crise d'Oka, l'incident de Gander, la tragédie de Swiss Air, la tempête de verglas, et même un tremblement de terre en Italie, dans les années 1970. Je traite également des policiers, des pompiers et des civils touchés par diverses expériences traumatiques.
Les troubles de stress post-traumatique liés aux combat et les traumatismes liés au stress opérationnel dont souffrent mes clients militaires sont très différents des traumatismes que subissent les civils, voire les policiers et les pompiers. À la fin de la journée, même s'ils ont vécu une expérience très traumatisante, les policiers et les pompiers peuvent retourner chez eux. Les soldats en mission doivent rester là-bas pour toute la durée de leur affectation. Ils ne reviennent pas à la maison avant des mois, et on ne leur offre aucun répit durant leur déploiement. Ils doivent maintenir une hyper-vigilance constante durant des mois et peuvent souffrir de troubles traumatiques par la suite.
Les personnes en position d'autorité peuvent être davantage éprouvées par les événements traumatiques. En plus d'être personnellement touchées, elles se sentent aussi responsables de leurs troupes.
J'ai lu le compte rendu de vos délibérations en la matière. Sans aucun doute, la façon dont le ministère de la Défense nationale a répondu aux besoins des personnes souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel s'est améliorée au fil des ans, en particulier en ce qui concerne la mission en Afghanistan. La décompression dans un tiers lieu, le suivi postdéploiement, l'évaluation médicale et psychologique aux deux ans, plutôt qu'aux cinq ans, sont tous des pas dans la bonne direction.
La stigmatisation vécue par ceux qui demandent des traitements pour les traumatismes liés au stress opérationnel diminue, mais elle est encore présente. Plusieurs de mes clients n'auraient pas consulté s'ils avaient su qu'ils devaient être traités sur la base ou à la clinique de santé mentale, même si elle est maintenant située à l'extérieur de la base. La crainte de perdre leur emploi ou de nuire à l'avancement de leur carrière s'estompe, mais c'est encore un problème qui retarde la demande de traitement.
Je vais maintenant vous parler de problèmes rattachés à mes expériences avec les services de santé mentale de la BFC Gagetown qui, jusqu'en mars 2006, étaient très positives.
La clinique de la BFC Gagetown était auparavant une clinique satellite relevant du Dr Rakesh Jetly, du CSTSO d'Halifax. Les membres étaient évalués et traités rapidement. Les professionnels de la santé participant au traitement d'un patient étaient en communication constante à son sujet, grâce notamment aux conférences de cas, au partage des notes d'évolution et aux communications téléphoniques directes avec les médecins militaires dans les situations d'urgence.
Les prestateurs de services de la communauté, comme moi, rencontraient régulièrement l'équipe de santé mentale de la BFC Gagetown pour participer à des séminaires d'information, ainsi que pour promouvoir la cohésion de cette équipe unique. L'obligation de rendre compte faisait partie intégrante du système, de sorte qu'on pouvait facilement suivre le cheminement des clients.
Une personne s'occupait de l'aiguillage de tous les clients. L'accent était mis sur la pratique fondée sur l'expérience clinique, conformément au protocole de thérapie cognitivo-comportementale multiphase et multimodale accepté comme pratique courante pour les traitements dans les CSTSO du Canada. Cette pratique consiste en trois phases: la stabilisation, le travail sur l'expérience traumatique et la phase finale, qui comprend le soutien, la prévention des rechutes et la fin du traitement.
Il y a de nombreuses techniques et compétences auxquelles les cliniciens devraient et peuvent être formés afin d'offrir des traitements efficaces pour les traumatismes liés au stress opérationnel. Il n'y a pas qu'une seule technique qui règle tous les problèmes.
Jusqu'à il y a quelques années, mon expérience comme prestateur de services de la communauté pour les services de santé mentale de la BFC Gagetown avait été tout à fait positive, à une exception près — lorsque l'un des anciens médecins militaires de la base, qui ne croyait pas aux TSPT, m'avait qualifiée, avec mépris, de « l'une de ces poulettes en ville ».
Lorsque la clinique satellite a cessé ses activités en 2006, pour des raisons que nous ignorons, la dynamique a changé. En mai 2007, j'ai fait parvenir une lettre au bureau de l'ombudsman militaire après une série de tentatives infructueuses en vue de communiquer avec le personnel des services de santé mentale de la base de Gagetown à propos de problèmes qui compromettaient la prestation des soins au personnel des Forces canadiennes. Je vais vous parler de mes préoccupations et vous présenter quelques-uns des nombreux exemples qui alimentent ces inquiétudes.
La confidentialité des renseignements personnels des clients me préoccupe. Auparavant, l'agent de liaison commençait par me contacter pour savoir si j'étais disponible. Dans la négative, il me demandait quel était le délai d'attente, si je pouvais bloquer des périodes de consultation pour ces clients et quand je serais en mesure de prendre de nouveaux clients.
À ce stade, pour protéger la confidentialité, on ne me donnait pas de renseignements à propos du client, sauf pour m'indiquer le problème à traiter. Je recevais les documents nécessaires et apprenais l'identité du client uniquement si je pouvais prendre un nouveau patient.
Le système actuel porte constamment atteinte à la confidentialité des renseignements personnels du client. Par exemple, malgré le fait que j'avais indiqué au directeur de la clinique et à la personne responsable de l'aiguillage à la clinique de santé mentale de la base de Gagetown que je pouvais prendre uniquement deux clients dirigés, on m'a envoyé par courrier, au début de février, cinq dossiers venant de trois sources différentes au sein de la clinique. Ils contenaient tous des renseignements personnels. J'ai pu prendre trois des cinq patients, et on m'a demandé de retourner les deux autres dossiers, même si je savais que ma collègue pouvait les prendre immédiatement en charge.
J'ai retourné les dossiers. Depuis, j'ai reçu des appels de deux personnes de la clinique de santé mentale souhaitant faire le suivi de l'un des clients dont j'avais retourné le dossier. L'une de ces personnes téléphonait pour savoir, environ deux semaines plus tard, pourquoi je n'avais pas communiqué avec le client. À peu près dix jours plus tard, j'ai reçu un appel d'un autre membre du personnel qui voulait savoir pourquoi je n'avais pas encore rencontré son client, car celui-ci était très mécontent d'attendre ainsi.
J'ignore ce qui est advenu de ce client, mais je sais que j'ai parlé avec cinq personnes différentes de la clinique de santé mentale à propos d'un client que je n'avais jamais vu et à qui je n'avais jamais parlé. Je n'aurais même jamais dû connaître son identité.
Voilà qui est inquiétant non seulement au sujet de la confidentialité, mais aussi à propos de ce qui semble être un manque total d'organisation sur le plan administratif. Le système actuel ne semble pas comporter de mécanisme efficace d'aiguillage et de suivi des progrès.
Le printemps dernier, j'ai reçu un message téléphonique de l'un des membres du personnel des services de santé mentale qui désirait s'entretenir avec moi des progrès de l'un de mes clients. Ce dernier avait été libéré des Forces canadiennes environ un an auparavant, et j'avais envoyé mon rapport final quelques semaines après. Le client avait été transféré au service des Anciens combattants pour ses dernières séances de thérapie. Son dossier était fermé depuis des mois.
Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai reçu un message vocal de la personne, si j'ai bien compris, responsable de l'aiguillage. Elle indiquait qu'elle retournait mon appel de la veille concernant mon client, qu'elle a identifié par son nom. Elle a ensuite commencé à discuter du dossier.
Ici, le problème est double. Je ne l'avais pas appelée, et la personne nommée n'était pas mon client. Lorsque j'ai rappelé l'employée pour le lui dire, elle m'a répondu : « Je me demande bien qui s'occupe de cette personne, dans ce cas. »
Nos clients nous parlent constamment de leurs difficultés à s'y retrouver dans ce système pour être évalués et traités, et de leurs amis et collègues qui sont laissés pour compte.
Je crains également que les clients ne soient pas traités rapidement. En janvier 2008, on a refusé à l'un de mes anciens clients souffrant d'un traumatisme lié au stress opérationnel la permission de revenir me voir. Lorsqu'il m'a appelée, il était affolé. Il ne pouvait pas croire qu'il devrait se soumettre à une autre évaluation et rencontrer un conseiller à la clinique de la santé mentale, alors que je connaissais déjà son dossier et que la relation thérapeutique était déjà établie. Il peut être très difficile et très long d'avoir à raconter de nouveau son histoire à un nouveau thérapeute et à lui faire confiance. J'ai vu ce client deux fois, bénévolement, et son problème était résolu. Il aurait fallu des semaines pour reprendre du début.
En août 2007, j'ai fait une demande de conférence de cas. Elle devait être tenue en octobre, mais on l'a annulée, et je n'en ai pas été informée. J'ai demandé qu'elle ait lieu le plus tôt possible, car cela pouvait influencer le traitement du patient. Elle s'est finalement tenue en mars dernier, soit sept mois plus tard. Sous l'ancien système, ces conférences étaient généralement organisées pas plus de deux semaines après la requête.
J'ai des réserves concernant le mandat de la clinique de santé mentale qui consiste à mettre l'accent uniquement sur les problèmes qui ont été identifiés au départ. Je n'ai pas vraiment compris cette directive, mais je sais que c'est la philosophie dont s'inspire le modèle de thérapie brève, qui n'est d'aucune efficacité fondée sur l'expérience clinique pour les TSPT complexes. Dans la pratique, on refuse une prolongation du traitement si le thérapeute identifie un problème qui n'est pas lié, selon l'agent approbateur, à celui qui avait été décelé à l'origine et qui avait mené à l'aiguillage.
Le trouble de stress post-traumatique et les traumatismes liés au stress opérationnel ont des répercussions sur toutes les dimensions de la personne, de sa vie familiale et de sa vie professionnelle. Tout cela représente le problème connu. Les traumatismes antérieurs au traumatisme militaire doivent être pris en compte afin de traiter efficacement le TSPT.
La vie continue pour ces gens durant leur traitement. Certains ont perdu des proches, d'autres ont appris que leur partenaire de vie souffrait d'un cancer ou d'une autre maladie grave. Certains de mes clients souffrant d'un traumatisme lié au stress opérationnel sont également aux prises avec des douleurs chroniques. J'ai de l'expérience sur le plan de la douleur chronique, du deuil et d'autres problèmes qui ont une influence sur leur rétablissement.
Je ne vais pas dire à mes clients que je ne peux me pencher sur ces problèmes parce qu'ils n'étaient pas identifiés au départ. Nous devons traiter la personne dans son intégralité, et non en pièces détachées.
Comme la situation se détériorait entre la base et les fournisseurs de service de la communauté, je suis devenue de plus en plus préoccupée par l'efficacité de la formation et de la supervision de certains membres du personnel chargés de fournir des services de santé mentale.
Les psychologues cliniciens sont formés selon le modèle du scientifique-praticien. Nous souscrivons à une pratique fondée sur l'expérience clinique, non seulement dans notre formation, mais aussi dans notre code d'éthique.
Tant aux États-Unis qu'au Canada, les Anciens Combattants ont une directive claire: les benzodiazépines sont contre-indiquées dans le traitement du TSPT, particulièrement à cause du fait qu'elles exacerbent les symptômes. Malgré cette directive, des doses excessives de benzodiazépines étaient prescrites à plusieurs de mes clients. Un de mes clients prenait cinq de ces médicaments, et leur dosage était deux fois supérieur à la norme. Nous ne recevions plus de notes cliniques de la part du psychiatre sur la base à l'époque, le Dr Hanley, et nous n'avions aucun moyen de faire le suivi des protocoles concernant l'administration des médicaments. C'est important, parce que les médicaments peuvent influer sur l'efficacité du traitement. Les clients s'y connaissent rarement en médicaments, et ils ne remettent pas en question les dires des experts. Je me suis heurtée à un mur dans mes tentatives pour corriger cette situation et d'autres situations semblables.
Veuillez noter que depuis l'arrivée du nouveau psychiatre sur la base après que le Dr Hanley a perdu son permis, les benzodiazépines ne posent plus problème. Toutefois, je ne reçois toujours pas de rapports d'évaluation ni de notes du psychiatre.
Un de mes clients actuels, qui souffre d'un TSPT complexe, était suivi par deux différents conseillers de l'équipe psychosociale à la clinique de santé mentale pendant plus d'un an avant qu'il me soit renvoyé et ce, même si on avait déterminé qu'il souffrait de TSPT. Sa réaction, après notre deuxième séance, c'était qu'il en savait plus sur le TSPT après deux séances avec moi que ce qu'il avait appris pendant plus d'un an de consultation sur la base. Il n'avait reçu aucune information sur le TSPT, ni n'avait appris de stratégies pour maîtriser ou réduire les symptômes.
Je m'inquiète du délai pour le traitement. J'ai été alarmée de lire, dans la déclaration du brigadier-général Jaeger, prononcée le 7 février, que le maximum est de 20 séances ou, au mieux, entre sept et dix séances. Parmi les clients que je traite, le personnel militaire qui revient de l'Afghanistan a déjà connu de nombreuses missions et de nombreux traumatismes. L'Afghanistan n'est que le catalyseur pour chercher de l'aide.
Pendant toutes les années où j'ai fourni des services aux clients du MDN, j'ai traité un seul client qui n'avait vécu qu'un événement traumatique. Le reste de mes clients ont connu de multiples traumatismes liés à de multiples affectations. Pour certains, 20 séances ne permettent que d'établir un lien de confiance avec le thérapeute et la démarche avant de pouvoir commencer à nous intéresser aux événements traumatiques, particulièrement si le client vit une blessure secondaire parce qu'il doit se faire traiter. D'après mon expérience, un traitement de sept à vingt séances fonctionne dans les cas d'un traumatisme causé par un seul incident, mais même ces cas peuvent dépasser 20 séances, selon le client. Plus vite une personne souffrant de TSO entre en thérapie, mieux c'est. Toutefois, chaque traitement doit être adapté au client dans un cadre fondé sur l'expérience clinique.
En tant que « l'une de ces poulettes en ville », ayant une vaste expérience et une formation dans le domaine de l'évaluation et du traitement du TSO et du TSPT, j'ai quelques recommandations pour le comité.
Tout d'abord, je recommande que le service de santé mentale sur la BFC Gagetown reprenne le modèle des CSTSO qui fonctionnait de façon si efficace et efficiente dans l'établissement, le repérage et la prestation de services de thérapie. Le modèle des CSTSO repose sur la responsabilité, la pratique fondée sur l'expérience clinique et une approche d'équipe coordonnée.
Deuxièmement, je recommande une communication et une collaboration accrues avec les fournisseurs de services communautaires. Nous ne sommes pas l'ennemi. Je ne traite pas les clients du MDN parce que j'ai besoin d'argent. Mon volume de travail ne diminuera pas si la base ne m'adresse plus de cas. Pour les nouveaux clients, ma liste d'attente est habituellement de deux à quatre mois. Je travaille avec des clients qui souffrent de problèmes traumatiques parce que c'est le travail le plus gratifiant que je fais en tant que psychologue clinicienne. Dans des régions comme la BFC Gagetown, à cause des rares professionnels en santé mentale qui se spécialisent en TSO et en TSPT, le fait de s'aliéner les fournisseurs de services communautaires dotés de l'expérience et du savoir-faire semble aller à l'encontre de tout mandat visant à fournir des services appropriés.
Troisièmement, je recommande que la clinique de santé mentale embauche un clinicien ayant une formation et une expérience dans des méthodes fondées sur l'expérience clinique pour le traitement du TSO et du TSPT et qu'il soit chargé de prendre des décisions liées au traitement.
Enfin, je recommande une évaluation externe de l'aspect administratif de la clinique et la mise en oeuvre d'un système organisé pour l'aiguillage et le suivi des progrès des clients.
On peut soigner le traumatisme lié au stress opérationnel et le trouble de stress post-traumatique. Ce ne sont pas toutes les personnes qui seront en rémission complète, mais leur qualité de vie peut être améliorée considérablement grâce à un traitement approprié, fondé sur l'expérience clinique, offert par des professionnels en santé mentale adéquatement formés et qualifiés dans un système qui traite chaque personne avec la dignité et le respect qu'elle mérite.
Merci.
Je m'appelle Robin Geneau et je suis psychologue autorisée. Joyce Belliveau est une de mes collègues. Nous faisons ce travail depuis longtemps.
Je traite le TSPT lié au combat depuis environ 10 ans maintenant. Ma formation spécialisée dans ce domaine est vaste. J'ai suivi une formation spécialisée en thérapie cognitivo-comportementale. J'ai également beaucoup de formation spécialisée en EMDR. C'est l'une des approches de traitement que j'utilise assez fréquemment.
Je vais répéter ce que Joyce a dit au sujet de ce qui est arrivé au programme à Gagetown. Nous avons travaillé pendant plusieurs années avec la clinique satellite des CSTSO à Gagetown avant que celle-ci soit fermée. Quand la clinique a fermé ses portes, le traitement du TSO est passé à la clinique de santé mentale.
Tout ce que le comité a entendu dire au sujet des CSTSO ne s'applique pas à Gagetown. Il n'y a aucun CSTSO à Gagetown. Les normes et les qualifications dont dispose le personnel des CSTSO ne sont pas applicables à Gagetown. Le service de santé mentale a été intégré à un programme de travail social à Gagetown qui le dirige depuis mars 2005.
Comme Joyce l'a dit, avant la fermeture de la clinique satellite, nous avions une relation de travail formidable avec le CSTSO. Nous suivions, tous ensemble, des séances de formation — le personnel de Gagetown, le personnel de Halifax, les praticiens privés. Nous avions des conférences de cas cliniques gratuites. C'est avec grand succès que nous traitions les militaires souffrant d'un TSPT lié au combat et que nous les aidions à retourner au travail — à poursuivre leur carrière. Tout fonctionnait à merveille.
Lorsque la clinique satellite a fermé ses portes, et c'était en mars 2005, le programme a commencé à se détériorer. Mais le printemps suivant — c'est-à-dire vers avril 2006 —, il y a eu une nouvelle direction à la clinique de santé mentale de Gagetown. La nouvelle direction n'a pas caché son hostilité à l'égard des thérapeutes civils. Nous avions l'impression que son intention, c'était de s'occuper, à elle seule, de tout le traitement et de couper les ponts avec nous.
À la suite de ce changement d'attitude, des problèmes ont commencé à surgir pour nos clients. Pour vous donner quelques exemples, des clients ont vu leur traitement être interrompu en plein milieu, sans aucune justification clinique. J'ai fini par traiter des clients — des soldats actifs — gratuitement: un soldat pendant trois mois, quelques soldats pour quelques séances ainsi qu'une séance de groupe. J'ai fait tout cela gratuitement à cause des difficultés liées aux processus d'autorisation sur la base de Gagetown.
Dans le cas du client dont le traitement a été interrompu, cela revient à ce que Mme Belliveau a expliqué. Nous avions l'habitude de recevoir des aiguillages pour le traitement du TSPT; toutefois, avec le nouveau modèle de la clinique de santé mentale, il fallait traiter un client selon le problème. Le client en question m'avait été adressé pour traiter son traumatisme lié à une affectation. Nous parlions des problèmes liés à son milieu de travail en Afghanistan. Essentiellement, la clinique a décidé que j'avais changé de sujet et qu'elle n'allait plus financer le traitement. C'est ainsi que j'ai fini par le traiter gratuitement pendant environ trois mois.
Ils ont changé les règles sur toutes sortes de choses, sur la façon dont les rapports devaient être soumis. Au fond, la communication a vraiment cessé d'exister. Étant donné que j'ai défendu mes clients, on m'a punie en rayant mon nom de la liste des fournisseurs pour l'équipe psychosociale. Je m'attends à d'autres punitions à cause de ma présence ici aujourd'hui, et je suis prête à y faire face si c'est le cas. Mais une chose est sûre: aucune de nos tentatives pour régler les problèmes des clients avec la clinique n'a porté fruit.
Il y a d'autres problèmes liés à ce nouveau système de santé mentale à Gagetown. J'avais envoyé une demande pour qu'un de mes clients consulte le psychiatre, mais on me l'a refusée. On m'a dit que le client voyait déjà un psychiatre, ce qui était faux. Le client ne voyait pas le psychiatre et il aurait dû, mais la clinique ne semblait pas être en mesure de confirmer que le psychiatre ne le traitait pas. J'ai dû déployer des efforts accrus pour pouvoir obtenir un rendez-vous avec le psychiatre.
J'avais demandé qu'un de mes clients consulte le gestionnaire de cas parce qu'il était préoccupé par sa libération pour raisons médicales, mais ma demande a été rejetée.
Dans la lettre qu'il m'a adressée, le gestionnaire clinique m'a dit qu'il n'y avait pas de TSO ni de programme de TSO. Le TSO, disait-il, est un ancien terme médical qui n'est plus utilisé; c'est un terme inapproprié qui ne devrait pas être utilisé par les fournisseurs de services externes.
L'autre problème, à mesure que les choses s'effondraient, c'est que personne ne vérifiait les cas. On était censé avoir un système de rappel par lequel on vérifierait les clients à plusieurs mois d'intervalles afin de voir le progrès de leur traitement. Cela ne se fait tout simplement plus. C'est tombé à l'eau.
J'ai demandé des conférences de cas, et on m'a dit non. On m'a refusé des conférences de cas destinées à régler des questions de traitement. J'ai demandé des rapports cliniques sur les clients que je traitais, et je ne les ai pas reçus. Je me suis enquis des normes de soins de la clinique de santé mentale. Le comité vient d'entendre parler de la pratique fondée sur l'expérience clinique; en tant que psychologue, j'adhère à ce principe. J'ai donc essayé d'amener la clinique à clarifier ses normes de soins. Je n'ai reçu aucune réponse à ce sujet. À ma connaissance, la clinique n'a aucune norme pour le traitement du TSPT.
En février dernier, j'ai reçu un avis d'aiguillage par la poste. Je l'ai reçu par la poste sans que je m'y attende. Quand j'ai appelé le client ce jour-là pour fixer un rendez-vous, il m'a dit qu'il attendait mon appel depuis décembre. Il était en congé de maladie, à la maison, en train d'attendre mon appel. La seule raison de ce délai, c'est que cet avis m'avait été acheminé par la poste. Il leur avait fallu deux mois pour me l'envoyer pour que je puisse fixer un rendez-vous. J'aurais facilement pu commencer le traitement en décembre.
Par ailleurs, j'aimerais parler un peu des conjoints, parce que je les soigne aussi. Je crois que le comité a déjà entendu parler un peu de l'expérience des conjoints de militaires souffrant de TSPT. C'est très frustrant pour eux. Je suis allée au groupe de soutien du PSSVSO afin de donner des exposés aux conjoints; j'ai entendu des histoires d'horreur sur la façon dont les militaires sont privés de traitement. Apparemment, ils étaient censés recevoir un traitement à l'interne, mais en réalité, ils consultent des infirmières et infirmiers en santé mentale ou des travailleurs sociaux ayant un baccalauréat; ils ne reçoivent donc pas de traitement proprement dit.
Dans ce système, les clients consultent des professionnels qui ne sont pas spécialisés en santé mentale, et ils ne reçoivent pas de traitement. Ce qui finit par se produire, c'est que le client est examiné « ad infinitum », sans réellement obtenir de traitement. C'est ce dont se plaignent les conjoints. C'est en cela que consiste leur expérience, à savoir que les militaires actifs ne reçoivent pas de traitement.
À la suite de ces problèmes, Mme Belliveau et moi-même avons décidé de communiquer avec l'ombudsman. Pendant plus d'un an, nous avions essayé de résoudre les questions avec la clinique de santé mentale, mais nous n'avions obtenu rien d'autre que de l'hostilité; nous avons donc communiqué avec l'ombudsman. Il faut dire qu'à l'époque, nous nous sentions assez désespérées. Une des choses qui nous préoccupaient, et que Mme Belliveau a mentionné, c'était la prescription excessive des benzodiazépines, qui ne sont pas censées être prescrites pour le TSPT. Il y avait également tous ces problèmes concernant les clients qui ne recevaient pas de thérapie ou dont le traitement était interrompu.
Donc, quand nous nous sommes plaintes à l'ombudsman, celui-ci nous a répondu en disant que notre plainte n'avait rien à voir avec son mandat et qu'il n'avait pas entendu parler de problèmes à Gagetown. Il a acheminé notre plainte au médecin-chef en août 2007, et nous n'avons jamais reçu de réponse relativement à cette plainte particulière.
Une autre question, c'est la libération pour raisons médicales. Lorsque les soldats sont libérés parce qu'ils souffrent de TSPT, idéalement ils suivent un traitement dès leur libération pour raisons médicales. D'après ce que j'ai lu dans les transcriptions des témoignages au comité, il est dit que les forces suivraient le traitement tout au long du processus de libération jusqu'à ce que le soldat soit adressé à des fournisseurs de services dans la communauté. Ce n'est pas le cas. Une fois libérés, les gens sont tout simplement laissés pour compte: on leur dit de trouver eux-mêmes leur médecin, leur thérapeute, leur psychiatre. Il n'y a aucune transition.
Les soldats ont donc bien du mal une fois libérés, et ils se trouvent d'habitude en plein traitement. Nos clients ont été chanceux parce que nous avons été en mesure de les mettre en contact avec un psychiatre dans la communauté et nous avons maintenant établi des liens avec la clinique du TSO, mais la clinique mentale de la base ne fait rien pour préparer les soldats à leur libération.
J'ai traité un soldat qui a été libéré en février; le seul contact que j'ai eu avec la clinique de santé mentale sur la base, c'est un appel téléphonique d'une dame de la Croix Bleue qui m'a laissé un message me disant qu'à partir de telle et telle date, je ne devais plus les facturer parce que la personne n'était plus leur client. Ce fut le seul contact en guise de suivi.
La clinique de santé mentale compte une équipe chargée de la santé mentale; on y trouve quelques employés hautement qualifiés, mais ce ne sont pas eux qui semblent prendre les décisions. Les décisions qui nous posent problème ne viennent pas de l'équipe, mais des non-cliniciens. On nous empêche d'avoir tout accès à l'équipe de santé mentale. Nous ne savons même pas qui est le gestionnaire de cas pour chaque client, et cela dure depuis mars 2005.
Nous avons tenu une réunion avec les membres de la VAEM en janvier. Ils sont venus faire leur tour à Gagetown. Ils savaient que nous avions des préoccupations, donc ils sont venus nous rencontrer. La réunion a été très satisfaisante. Ils semblaient comprendre nos inquiétudes. Nous avons eu le sentiment qu'ils nous avaient écoutés, mais rien n'a changé depuis. La semaine dernière encore, on a interrompu le traitement d'un autre soldat. J'avais recommandé qu'il obtienne six séances de suivi au cours de la prochaine année, parce qu'il est à l'étape du suivi et j'ai jugé que ce serait suffisant, mais ma demande a été refusée. D'après la personne qui a pris cette décision, ce soldat n'avait pas besoin de séances de suivi. Comme on n'avait pas informé le soldat que le traitement était refusé, c'est moi qui ai dû lui apprendre la nouvelle — et il a déposé une plainte à ce sujet, pour autant que je sache. Même si nous sommes allées voir l'ombudsman et parler aux membres de la VAEM et essayer de travailler avec la clinique, les mêmes problèmes persistent.
Il faut soigner le TSPT dès le début, et un traitement inefficace a pour conséquence de l'empirer. Au bout du compte, c'est ce qui nous préoccupe le plus. À la clinique de santé mentale sur la base, beaucoup de gens voient les clients, mais ils ne font pas de traitement. Je ne peux vous dire à quel point c'est frustrant et décourageant pour un soldat de rencontrer telle ou telle personne, de raconter sans cesse la même histoire, mais de n'obtenir aucun traitement. Un de mes récents clients, qui m'a été adressé pour un traitement, avait vu sept professionnels en santé mentale à Gagetown avant de venir me voir, et il était tout simplement frustré de toujours devoir répéter son histoire.
L'idée que le TSPT peut être soigné en six ou sept séances, au plus 20, me paraît tout simplement ahurissante. Je traite surtout des cas complexes de TSPT. On ne peut pas fixer une limite parce qu'on ne sait pas vraiment combien de temps durera le traitement. Je m'inquiète beaucoup que les FC pensent établir une sorte de limite maximale arbitraire, au lieu de suivre les recommandations cliniques des spécialistes qui font le traitement.
L'autre point, c'est que le traitement doit être fait par des cliniciens spécialement formés. Il ne peut l'être par des infirmiers et infirmières en santé mentale ni par des conseillers, mais bien par des gens qui ont suivi une formation supérieure et qui ont une vraie spécialisation dans le traitement du TSPT. La clinique de la santé mentale sur la base compte très peu de gens qui ont les qualifications et la formation nécessaires pour offrir ce genre de traitement.
Nous nous sommes plaints de ces choses à maintes reprises à la clinique de santé mentale. Cette dernière semble croire qu'elle n'a pas de comptes à rendre à quiconque et qu'elle n'a pas besoin de répondre à nos plaintes ou à nos préoccupations. Donc, j'espère qu'en participant à ce processus, on pourra faire quelque chose pour aider à élaborer un programme plus efficace là-bas. En particulier, il faut un certain leadership clinique, parce que c'est ce qui manque chez le personnel de la clinique ayant un savoir-faire en TSPT.
Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire.
Je m'appelle Jonathan Shay. Psychiatre de profession, j'ai travaillé pendant 20 ans au département américain des Anciens combattants où j'ai traité des anciens combattants souffrant d'une blessure psychologique.
J'ai publié deux livres basés sur cette expérience: Achilles in Vietnam et Odysseus in America. Ce dernier porte sur la prévention des blessures psychologiques et morales dans le service militaire. Dans ce livre, j'explique le « quoi » et le « pourquoi » de cette prévention et, d'une certaine façon, le « comment », au sens politique, de certaines des factions des forces américaines.
Les sénateurs américains John McCain et Max Cleland, respectivement un républicain et un démocrate, ont tous deux écrit l'avant-propos de ce livre qui endosse le programme préventif en santé mentale. Je suis très heureux de voir qu'au Parlement canadien, on ne fait pas de partisanerie autour de la question de la blessure psychologique, comme c'est le cas au Congrès américain.
Au fil des ans, j'ai fait beaucoup de travaux pour les forces américaines ainsi que certains travaux pour les Forces canadiennes et le Bundeswehr, en insistant toujours sur l'importance suprême de trois facteurs: la cohésion entre les pairs, le leadership éthique et expert, et une excellente formation en prévention et rétablissement des traumatismes liés au combat. À titre de critique désigné, je me suis également prononcé sur le concept diagnostique de l'American Psychiatric Association concernant le TSPT, le trouble de stress post-traumatique; selon moi, ce diagnostic stigmatise de façon inhérente les forces militaires et comporte de sérieuses lacunes à d'autres égards.
Je suis ravi que les Forces canadiennes aient adopté la terminologie de blessure psychologique ou de trouble lié au stress opérationnel pour parler de ce problème. C'est ainsi qu'en parle maintenant le Marine Corps des États-Unis. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai entendu dire — même si je ne l'ai pas vu sur l'ordinateur — que le secrétaire de l'armée a longuement insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une blessure, et non pas d'une maladie ou d'un trouble.
Je serai heureux d'entendre vos commentaires et de répondre à vos questions. Comme je ne suis pas sûr de ce que vous voulez savoir, je vais attendre vos précisions.
Bonjour, honorables députés. Je suis médecin de profession. Il y a 24 ans, j'ai commencé à travailler en psychothérapie et il y a 12 ans, j'ai limité ma pratique au TSPT. Moi aussi, j'ai traité plusieurs différents groupes de personnes souffrant du trouble de stress post-traumatique, comme des mécaniciens de train, des agents de police, des pompiers, des victimes de viol ou des enfants victimes de maltraitance et de négligence ainsi que des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de l'Afghanistan.
Aujourd'hui, j'aimerais faire valoir trois points, qui ont déjà été partiellement évoqués.
Il existe des traitements efficaces pour le TSPT. Ces traitements sont de nature psychothérapeutique. Le TSPT est une réaction psychologique à un traumatisme intense; ce trouble ne peut être soigné ou guéri que par des interventions psychologiques.
Par ailleurs, les nutriceutiques et les suppléments alimentaires sont extrêmement utiles.
Le troisième point, c'est qu'il a été démontré que les antidépresseurs, appelés à tort inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine, ne valent pas plus qu'un placebo.
En ce qui concerne le premier point, il existe plusieurs traitements efficaces pour le TSPT, mais ils sont tous axés sur le traumatisme. Ils sont reconnus officiellement, et je suis un spécialiste certifié de l'un d'entre eux, l'EMDR, la désensibilisation des mouvements oculaires et retraitement. Les recherches publiées, qui confirment de façon empirique l'EMDR, ont surtout découlé de l'application de cette technique aux soldats souffrant d'un traumatisme lié au combat. D'après les directives cliniques du département américain de la Défense et des Anciens Combattants, l'EMDR est classé dans la catégorie la plus élevée et ce traitement est recommandé en tout temps pour toutes les victimes de traumatismes. Mais il s'agit d'une approche parmi plusieurs autres thérapies axées sur le traumatisme. L'EMDR n'est pas une thérapie verbale parce qu'en fait, on a démontré son efficacité en utilisant la thérapie verbale comme mesure de contrôle.
Un ancien combattant canadien en Afghanistan, qui a récemment témoigné devant le comité, figurait parmi mes patients. Il souffrait d'un grave TSPT, mais je dois mentionner qu'avant son traumatisme, il était normal; il n'avait pas subi de traumatisme ou de négligence dans son enfance. Avant de venir me voir, le personnel des Anciens combattants avait essayé de l'aider à régler ses symptômes débilitants du TSPT; on lui avait proposé, à maintes reprises, de prendre des médicaments antidépresseurs, chose qu'il avait refusé de faire. À la place, il était allé voir un naturopathe, qui me l'a adressé par la suite. Maintenant, après seulement trois mois d'EMDR, il ne correspond plus aux critères officiels du TSPT.
Mon deuxième point concerne l'utilisation de médicaments naturels pour traiter le TSPT. Je suis membre de l'International Society of Orthomolecular Medicine. J'ai commencé à administrer des doses thérapeutiques de vitamines B, d'acides gras essentiels, de magnésium, de tryptophane et surtout d'inositol afin de servrer mes patients habitués aux antidépresseurs et de les aider à maîtriser leurs niveaux élevés d'anxiété.
Pour ce qui est du TSPT, j'ai découvert que des doses élevées d'inositol, de l'ordre de 12 à 18 grammes, comme l'ont démontré les chercheurs israéliens, sont très utiles pour traiter l'anxiété. La plupart des fonctions du système nerveux central, ainsi que celles liées à l'insuline, dépendent de l'inositol; dans des conditions de stress extrême ou prolongé, le corps n'en fabrique pas en quantités suffisantes. C'est pourquoi les suppléments s'avèrent utiles dans ces cas.
Mon troisième point concerne les ISRS et les soi-disant antidépresseurs plus récents. Je vais vous expliquer tantôt pourquoi j'utilise le mot « soi-disant ». Ces médicaments sont recommandés dans plusieurs directives cliniques pour le TSPT. Toutes les directives actuelles ont été écrites avant la publication des dernières données qui révèlent que les ISRS ne sont pas plus efficaces qu'un placebo. Ils ont des effets secondaires graves, parfois irréversibles, et ils peuvent être le résultat de recherches frauduleuses. Je vous renvoie à l'excellent article de Paul Taylor, paru dans l'édition du 26 avril du Globe and Mail:
...il est devenu apparent que les essais cliniques étaient pipés en faveur des grandes sociétés commanditaires dès le début.
Dans une étude menée e 2007 sur la différence entre la réaction au Prozac et à l'EMDR, Bessel van der Kolk, un chercheur réputé dans ce domaine, avait administré un test auprès de 88 sujets. Il avait comparé l'EMDR, le Prozac et un placebo. Six mois après la fin de l'étude, 75 p. 100 des adultes souffrant d'un TSPT et appartenant au groupe ayant suivi un traitement par EMDR avaient atteint un état fonctionnel et n'avaient plus de symptômes. Personne dans le groupe traité au Prozac n'avait atteint ce résultat. J'ai effectué une étude de cas à variable simple qui a donné des résultats semblables.
Le problème avec les soi-disant antidépresseurs, et les ISRS en particulier, est quadruple. Tout d'abord, ils sont basés sur l'hypothèse de la sérotonine qui n'a aucun fondement vérifiable. Je vous renvoie à l'article intitulé « Serotonin and Depression: A Disconnect between the Advertisements and the Scientific Literature ». Il n'est donc pas étonnant qu'on ne puisse guérir le TSPT simplement en le redéfinissant comme un problème illusoire, une défaillance de la sérotonine. Le TSPT, la psyché et la dépression ne sont pas aussi simples.
L'étude dont je vais vous parler maintenant a provoqué un grand scandale dans la presse britannique. Publiée en mars dernier, cette étude porte sur les données initiales de la FDA qui avaient mené à l'approbation des ISRS il y a quelques années. Après avoir examiné les données sur près de 5 000 sujets, les auteurs de l'étude ont démontré que ces médicaments étaient alors connu comme n'étant pas plus efficaces qu'un placebo.
Troisièmement, ces médicaments ont été mis en marché parce que les experts examinant les données brutes dans le cadre du processus réglementaire ont été dupés. Un des experts, le Dr David Healey, pharmacologue et psychiatre, a contribué à dénoncer cette fraude et a écrit le fameux livre, Let Them Eat Prozac. En janvier 2004, il a présenté ses constatations ici, à Ottawa.
Pourtant, les médecins continuent de prescrire ces médicaments et le public continue de les prendre à cause de l'effet placebo à court terme observable et parce qu'il est parfois difficile de s'en passer une fois qu'on commence à les prendre. Dans le cas du TSPT, comme pour n'importe quel autre trouble mental, l'effet placebo est de l'ordre de 80 p. 100. C'est un point important à considérer.
Quatrièmement, les effets secondaires sont très graves, et presque tous ceux qui prennent ces médicaments finissent par les ressentir plus ou moins. Les effets secondaires sont souvent mortels ou irréversibles. David Healy est arrivé à cette conclusion après avoir examiné les données brutes des essais cliniques qu'il avait obtenues lorsqu'il était un témoin expert dans un procès contre Glaxo-SmithKlein. Il a découvert que le taux de suicide chez les sujets de ces études était jusqu'à 10 fois supérieur dans le cas des ISRS que du placebo.
Dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques , le CPS, que l'on trouve dans le cabinet de tous les médecins et dans toutes les pharmacies au Canada, on peut lire l'avertissement suivant:
On a signalé, relativement aux ISRS et à d'autres antidépresseurs récents... des cas de réactions indésirables graves de type agitation au cours desquels les sujets... se sont blessés [suicide] ou en ont blessés d'autres [violence et homicide involontaire coupable].
Je vous renvoie également au site Web www.ssristories.com. Ce site offre au public de l'information sur les nombreux incidents de fusillade dans les écoles et d'autres événements violents qui, ces trois dernières décennies, ont été causés par des gens prenant ces médicaments.
Il y a lieu de se demander pourquoi, à dose égale de médicament, certains patients éprouvent, dès le début, des effets indésirables importants alors que d'autres n'en éprouvent aucun. La réponse à cette question, nous la connaissons depuis les années 1970 grâce à ce que nous avons appris sur la variation de certaines enzymes du foie dans la super-famille du cytochrome P450.
Certaines personnes ont un métabolisme lent et d'autres, rapide. Le reste des gens se trouvent dans la gamme soi-disant normale. Les métaboliseurs lents éprouvent des effets indésirables très rapidement. Toutefois, l'utilisation à long terme de la plupart de ces médicaments finit par surmener le foie qui n'est plus capable de les métaboliser, ce qui accélère les effets indésirables ou annule la capacité des sites récepteurs des cellules, rendant le médicament inefficace.
Une lecture attentive de la littérature et de l'expérience clinique montre que le TSPT est traité le plus efficacement, avec une meilleure chance d'amélioration à long terme ou de guérison, par la psychothérapie axée sur le traumatisme, comme l'EMDR.
Les nutriceutiques devraient être utilisés parce qu'un stress extrême et prolongé cause des déficiences nutritionnelles. Ils ne présentent aucun effet secondaire grave et peuvent être administrés par quiconque, au même titre que l'automédication par l'aspirine. Ils n'ont pas besoin de réglementation.
Chez les patients souffrant de TSPT, les médicaments psychotropes ne devraient pas être utilisés parce qu'ils ne sont pas efficaces, et leurs effets secondaires sont inacceptables. Tout ce qu'ils font, c'est prolonger la maladie.
Le 19 février dernier, la chaîne CBC a diffusé un reportage où l'on disait que le taux de suicide chez les soldats canadiens a doublé en 2007 comparativement à l'année d'avant. Cela correspond au déménagement de l'armée de Kaboul à Kandahar, où les Talibans sont plus actifs. On peut sans aucun doute s'attendre à un accroissement des cas de TSPT quand les combats s'intensifient, mais le TSPT ne doit pas automatiquement conduire au suicide.
Combien de soldats canadiens s'étant suicidés ont été exposés à un risque accru parce qu'on leur avait prescrit un ou plusieurs antidépresseurs? Le comité devrait chercher une réponse à cette question. Si un nombre substantiel de ces soldats prenaient ces médicaments, la conclusion logique est qu'une approche différente doit être adoptée de toute urgence. Le financement de cette catégorie de médicaments devrait aussi être remis en question. Les études montrent qu'ils ne sont pas efficaces et qu'ils causent des effets secondaires désastreux. Il y a, bien entendu, un besoin criant de plus de thérapeutes spécialisés dans le traitement des traumatismes.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons entamer notre première série de questions, et il se pourrait bien que nous n'ayons du temps que pour cela. Veuillez poser des questions brèves et directes; espérons que les réponses le seront aussi.
Nous allons commencer par l’opposition officielle. Monsieur Wilfert.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d’être venus. Vous nous avez certainement donné matière à réflexion.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a été dit que le Canada était le pays au monde qui s'occupait le mieux de ses anciens combattants. Nous voulons continuer de veiller à ce que ce soit ainsi et à ce que les soldats obtiennent l’aide dont ils ont besoin. D’après les témoignages d'aujourd’hui, ce n’est clairement pas le cas. Malgré ce que nous ont dit les hauts gradés, on ne semble pas comprendre qu’il y a un problème majeur ici, et on ne réussit pas à faire passer le message efficacement. Comme beaucoup d’entre vous l’ont mentionné, on ne parvient visiblement pas à diagnostiquer le traumatisme lié au stress opérationnel, ni à y faire face.
Mme Belliveau a dit tout à l’heure qu’elle voulait qu’une vérification soit menée à Gagetown. Le ministre des Anciens Combattants semblait appuyer l’idée, mais ne s’est pas prononcé officiellement en faveur du besoin de transparence. Pourriez-vous nous dire pourquoi il y aurait des hésitations à cet égard?
Pour ce qui est de savoir si les services sont adéquats, vous avez indiqué qu’ils font défaut. On nous le dit sans cesse, et des gens passent entre les mailles du filet. Le fait est qu'à l'heure actuelle, 11 000 personnes souffrent du traumatisme, comparativement à 3 500 il y a cinq ans seulement. Nous n’avons pas l’infrastructure en place pour répondre aux besoins. J’imagine que vous nous dites que la situation à Gagetown n’est pas très différente de celle qui existe ailleurs au pays. Nous devons y répondre efficacement dans nos recommandations.
Pourriez-vous vous prononcer sur ce problème de transparence?
Je vais attribuer le mérite au ministre des Anciens Combattants, car il ne nous laisse pas sans réponse, mais n'est évidemment pas en mesure de le faire aussi rapidement ou efficacement qu’il le faudrait, compte tenu du volume.
Je vais essayer de répondre aux deux questions dans le temps dont je dispose.
J’aimerais pouvoir vous dire pourquoi le ministre ne répond pas aux demandes de vérification. À notre sens, il y a sans contredit assez de preuves pour démontrer la nécessité de procéder à une vérification externe pour comprendre plus particulièrement — et je ne peux vous parler que de Gagetown et de mon expérience là-bas — ce qui est arrivé avec le programme.
Chaque fois qu’on a essayé de comprendre la structure organisationnelle, le processus d’aiguillage et la manière dont les clients sont repérés, nous obtenons des réponses différentes d’une personne à l’autre. À mon avis, il est possible que les gens dans le système essaient de se protéger et ne veulent pas de vérification externe. Il y a certainement déjà eu des tentatives.
Nous savons aussi que des membres du personnel ont été pour ainsi dire réduits au silence, ont été avertis qu’ils n'étaient pas autorisés à parler.
J’espère que le ministre des Anciens Combattants trouvera un moyen d’effectuer une évaluation quelconque de ce qui se passe actuellement. Je ne comprends pas pourquoi elle n'a pas été réalisée jusqu'à maintenant. Il y a certainement assez de preuves.
L’insuffisance des services est probablement un problème pancanadien. La réponse aux missions en Afghanistan à venir… On savait certainement qu’il faudrait des fournisseurs de traitement; toutefois, il ne semblait pas y avoir de normes établies relativement aux critères d’embauche du personnel. On a de toute évidence déployé peu d'efforts pour la formation.
Robin Geneau et moi-même avons offert à maintes occasions d’aller sur la base militaire pour non seulement former, mais aussi superviser le personnel. Là encore, cette proposition s’est heurtée à des résistances. Nous ne croyons pas être ceux qui doivent assurer le traitement, mais nous aimerions qu'il y ait des fournisseurs de services adéquats. La formation est disponible. Nous sommes toutes les deux formées à un grand nombre de techniques et de stratégies, et nous les mettons en pratique dans l’exercice de nos fonctions. En outre, nous avons fait des pieds et des mains pour non seulement utiliser les stratégies, mais pour former des gens également.
Il semble y avoir un préjugé associé à cette situation et, à cause de ce préjugé et, selon certains témoins, du fait qu’il y a toujours cette mentalité machiste au sein des forces armées, les gens ne veulent pas être perçus comme… En fait, une personne a signalé qu'on lui avait dit: « Endure, voilà tout ».
Est-ce une évaluation juste?
Cette attitude est en train de changer lentement, mais là où les changements s'opèrent, c'est à la base. En fait, ce sont les soldats qui viennent se faire traiter qui disent aux autres que le traitement n’est pas une si mauvaise chose et qu’il existe des gens bien qui peuvent les aider. Le préjugé est en train de disparaître lentement, mais je ne sais pas si des mesures suffisantes sont prises en matière de sensibilisation pour aider les gens à prendre conscience du fait qu’ils ne vont pas perdre leurs emplois, qu’ils ne seront pas jugés par leurs pairs, par leurs superviseurs. C’est toujours le cas cependant. Ce n’est pas aussi pire qu’avant, mais ce préjugé existe.
Merci, monsieur le président.
Merci d’être venus aujourd’hui.
À entendre le témoignage d’un haut gradé, par exemple, et celui des autres personnes, il est intéressant de constater que les points de vue sont un peu contradictoires. C’est l’une de mes préoccupations.
Je vais poser une question, puis je passerai aux autres, et vous pourrez répondre à toutes. Ce sera ma façon de contourner la limite de temps, si le président n’y voit pas d’inconvénient.
D’accord. Je vais passer directement à ma question.
Quand la thérapie d'un client est interrompue en plein milieu, lui offre-t-on une solution de rechange? En outre, qui décide d’y mettre fin? Quels titres de compétence possèdent ces personnes, et quelles raisons donnent-elles pour justifier leur décision?
C’est l’un des problèmes. Nous ne savons pas qui sont ces gens, car les décideurs d'aujourd’hui risquent de ne pas être ceux de demain, nous dit-on.
Permettez-moi de clarifier ma question: est-ce une décision administrative ou une décision clinique?
C’est pêle-mêle. Ce pourrait être un médecin dans un cas, ou un gestionnaire dans un autre; ce pourrait être n’importe qui et pour n'importe quelle raison. Mais les décisions ne sont pas prises par des cliniciens qualifiés et ne sont pas fondées sur des motifs d’ordre clinique.
En fait, l’un des soldats m’a dit qu’il croyait qu’on avait décidé de mettre fin à son traitement pour des raisons financières.
Est-ce une situation propre à votre région, ou pensez-vous qu'elle s'étend à l’échelle du pays? Nous avons reçu différents témoins. J’ai entendu dire que l’Alberta offre un excellent service à ceux qui ont des problèmes de toutes sortes.
Je viens du nord de l’Ontario. C’est une région peu peuplée, très semblable à la vôtre.
Est-ce quelque chose qui se produit principalement dans les régions rurales ou sur des bases loin des grands centres? Savez-vous si d'autres régions sont dans la même situation?
Je parle de l’arrêt du traitement et du service en général qui est offert à chaque soldat qui souffre de problèmes de santé.
Je ne suis pas sûre. Je ne sais pas vraiment ce qui se passe dans d’autres régions du pays, mais dans la nôtre, c’est un problème de contrôle. C’est la décision de la clinique de santé mentale de tout contrôler. Elle choisit de faire fi de l’opinion des cliniciens traitants et de prendre ses décisions elle-même, et elle n’a pas de comptes à rendre à personne. Cela semble être propre à Gagetown, et ce n’est jamais arrivé auparavant. C’est une situation très récente, et je veux préciser qu'elle n’a rien à voir avec le ministère des Anciens Combattants.
Dans mes fonctions de fournisseur de services pour les Anciens Combattants, je n’ai aucune plainte à formuler à cet égard. Nous avons le soutien absolu du ministère pour offrir le traitement. C’est juste les FC.
[Français]
Bienvenue. Je commencerai par vous, madame Geneau. Dans votre présentation, vous avez dit que vous seriez peut-être victime de mesures de rétorsion ou punie pour avoir témoigné devant le comité.
Monsieur le président, le comité a-t-il un programme de protection des témoins, ou cela s'applique-t-il seulement lorsque leur vie est menacée?
Des voix: Ah, ah!
M. Claude Bachand: Vous ne voulez pas répondre? On en reparlera tantôt.
[Traduction]
[Français]
Que voulez-vous dire par « punition »? Ils ne vous placeront quand même pas devant un peloton d'exécution afin de tirer sur vous. Que peuvent-ils faire contre vous, s'ils ne sont pas contents?
[Traduction]
À l’heure actuelle, je reçois un petit nombre de clients qui me sont adressés par l’équipe de santé mentale, mais mon nom a été rayé de la liste des fournisseurs pour l’équipe psychosociale pour me punir, je crois, d'avoir déployé des efforts dans le passé pour défendre les clients. J’ai l’impression qu’on risque maintenant de me rayer complètement de la liste de la clinique au complet parce que je suis ici. C'est ce à quoi je m'attends. Bien entendu, aucune menace n’a été faite, mais c’est déjà arrivé. Mon nom a littéralement été retiré de la liste des fournisseurs sans qu'on m'en ait informée ou qu'on m'en ait parlé; on n’a fait que supprimer mon nom de la liste.
[Français]
Vous pratiquez dans le civil. Si votre nom est enlevé de la liste, vous aurez simplement une clientèle civile. Ils ne réduiront pas vos revenus. Désormais, les gens qui iront vous consulter seront des civils. Ce n'est donc pas une punition draconienne. C'est simplement qu'on ne vous référera plus de soldats. Est-ce bien cela? D'accord.
Vous avez demandé au ministère de faire enquête pour comprendre ce qui se passe, et vous n'avez pas encore eu de réponse. Le comité songe quelque peu à demander à la vérificatrice générale de mener une enquête formelle. Qu'en pensez-vous?
Il y a deux écoles de pensée. D'un côté, les gens qui sont assis à votre place et qui sont en uniforme disent qu'il n'y a presque pas de problèmes. De l'autre, les soldats et vous-même dites qu'il y a beaucoup de problèmes. Le recours à la vérificatrice générale pour obtenir un rapport sur ce qui se passe vraiment pourrait-il être une solution envisageable pour vous?
[Traduction]
Je crois que ce serait une excellente source pour une vérification. Je pense que les commentaires que vous recevrez seront différents d’une base à une autre. Nous ne pouvons parler que de notre expérience. Je pourrais dire que cela dépend de la personne à qui vous posez la question. J’ai lu toutes les délibérations, et je conviens que ce que disent les autorités responsables ne correspond pas aux faits. Il y a tout un contraste.
Nous espérons qu’une enquête externe quelconque sera réalisée, soit par le Bureau du vérificateur général, soit par le ministère des Anciens Combattants.
[Français]
Une des raisons qu'on invoque souvent est que le général Yaeger serait mal informé, car on voudrait lui cacher la vérité. Croyez-vous que c'est le cas?
Au lieu de dresser au général un portrait très négatif en lui disant que les choses ne vont pas bien du tout et que beaucoup de gens sont perdus dans les méandres du système, les officiers du milieu lui disent plutôt que la situation n'est pas si grave, qu'ils font des efforts et qu'ils vont y arriver, mais que cela pourrait prendre du temps. Le général, quant à lui, dit au comité qu'ils font des efforts et qu'ils vont y arriver.
Est-ce une explication envisageable?
[Traduction]
Puis-je faire un commentaire? Quand nous avons déposé la plainte auprès de l’ombudsman, un article a été publié dans les journaux à ce sujet. Le gestionnaire de la clinique de santé mentale de Gagetown a été interrogé à ce moment-là, et notre journal local a rapporté que la clinique comptait, je crois, de 12 à 15 employés pleinement qualifiés pour fournir le traitement. Je présume que cette même information a été transmise à tous les échelons de la hiérarchie aussi.
En fait, le gestionnaire a dû compter la femme de ménage, car la clinique n'avait pas tant de personnel; à vrai dire, il n'y avait que quelques employés réellement qualifiés pour traiter le TSPT, et cela n'a pas changé. Ils ne sont encore que quelques-uns. J'ignore combien ils sont exactement à l'heure actuelle; la clinique compte peut-être une douzaine d'employés, mais il n'y en a que deux ou trois qui possèdent les titres de compétence. Puisque le gestionnaire a dit à la presse qu'il y avait plus d'une dizaine d'employés qualifiés pour traiter le TSPT, j'imagine que la même information a été communiquée aux niveaux supérieurs de la chaîne de commandement.
[Français]
On se fait dire qu'une certaine procédure est suivie en cas de blessure physique. Si quelqu'un se fait couper un pied ou perd un bras, on sait comment on va procéder. Je suis un peu d'accord là-dessus. D'ailleurs, j'aurais aimé demander à M. Shay quelle différence il fait entre une blessure et une maladie, mais c'est là une subtilité.
Quoi qu'il en soit, il semble qu'aucune procédure ne soit suivie en cas de maladie mentale ou de syndrome post-traumatique. Êtes-vous d'accord pour dire que les Forces canadiennes ne savent tout simplement pas quoi faire, que personne ne contrôle, que les choses peuvent varier d'une région à l'autre? Remarquez-vous une absence de procédure pour ce qui est du traitement des problèmes de santé mentale? Le bien-être de l'âme est différent de celui du corps et est parfois plus compliqué.
[Traduction]
Nous avons entamé ce processus au départ parce qu'une procédure était en place. Le modèle du CSTSO comporte des procédures très claires, depuis le niveau d'entrée pour le soldat relativement à l'évaluation — le fonctionnement du processus — jusqu'au processus de traitement dans son ensemble. Nous nous inquiétions du fait qu'on laissait tomber cette procédure à Gagetown. Il existe donc des procédures très solides dans un grand nombre de cliniques partout au Canada, et plus particulièrement à Halifax.
Merci, monsieur le président.
Merci d'être ici. Veuillez m'excuser à l'avance, docteur Shay. Nous vous avons fait venir de loin et j'ai l'impression que nous n'avons pas tirer parti de vos compétences. Je vais revenir à vous dans une minute, car je dois poser quelques questions à nos deux témoins ici.
Quel est le statut actuel de M. Hanley? Je sais qu'il est suspendu, mais...
J'imagine que cela ferait partie de la vérification. Vous voudriez que ce soit couvert dans la vérification.
Il a continué de travailler à la base militaire plusieurs mois après avoir perdu son permis. Il ne voyait pas de clients à proprement parler, mais il prenait part aux réunions de l'équipe de santé mentale — auxquelles nous ne sommes pas autorisés à assister — et participait à des conférences de cas et à la prise de décisions concernant des clients. Il y a travaillé pendant trois mois après la suspension de son permis.
Pour ce qui est de la plainte que vous avez envoyée — je présume que c'était vous, madame Belliveau, qui avez déposé la plainte auprès de l'ombudsman, n'est-ce pas?
On nous a dit que l'ombudsman n'avait en fait pas le mandat de poursuivre l'étude de notre plainte, mais parce que cela avait eu des répercussions sur des soldats, il allait l'examiner. Toutefois, c'est habituellement les soldats qui doivent déposer les plaintes.
Pardonnez-moi, j'aurais dû poser ma question plus clairement.
L'ombudsman vous a-t-il dit que c'était nécessaire et a-t-il laissé entendre que c'était effectivement l'une des...? Vous a-t-on fait cette recommandation?
Encourager les soldats? Nous avons encouragé bien des soldats à se manifester, depuis notre expérience avec le bureau de l'ombudsman, et je crois qu'ils sont plus nombreux à le faire. Nous entendons les plaintes, et ils veulent que nous les défendions. Nous n'avons pas les moyens de le faire, sauf dans des situations comme celle-ci. Le bureau de l'ombudsman n'a pas le mandat d'entendre personne d'autre que les soldats.
Pouvez-vous dire honnêtement que vous êtes sûre que certains d'entre eux ont porté plainte auprès de l'ombudsman?
Y a-t-il déjà eu des plaintes au sujet des services que vous offrez? Existe-t-il quoi que ce soit d'officiel où il vous est reproché d'avoir offert des services inadéquats?
On rapporte dans les journaux qu’Anciens Combattants ouvrira une clinique pour TSO à Fredericton. Avez-vous joué un rôle à cet égard? Vous a-t-on consultées concernant l’établissement de la clinique?
Pas au sujet de l’établissement, mais à leur arrivée, les psychologues ont communiqué avec nous, et nous offrons de la formation conjointe avec eux, ce qui est formidable. C'était ainsi que nous travaillions avec les FC. Nous participons actuellement à de la formation conjointe. Il y a une grande collaboration, et nous nous attendons à avoir de très bonnes relations de travail avec la clinique pour TSO quand elle sera mise sur pied.
Je n’ai pas lu vos livres, mais j’ai lu les comptes rendus de vos livres et d’autres documents sur vous. Pourriez-vous nous dire s’il existe un modèle de traitement des TSO ailleurs dans le monde que l’armée canadienne devrait examiner pour élaborer le modèle pour le Canada?
J’espère qu’il est clair que je suis allé au fond de l’océan, dans les tranchées avec les anciens combattants pendant 20 ans, mais la prévention des blessures psychologiques et morales chez les forces actives est ce qui me tient vraiment à coeur. Je ne lis pas tous les articles sur le sujet et je ne prétends pas être un expert du traitement des blessures psychologiques. Je suis très fier de ce que je fais avec les anciens combattants avec qui je travaille, mais ce que je dis n'est pas fondé sur des faits; ce ne sont que mes propos, ma conviction.
L’un des témoins a parlé d’un algorithme fondé sur des preuves, très rigoureux, pour le traitement. Pardonnez-moi de ne pas me rappeler qui c'était. Les lignes directrices conjointes du ministère des Anciens Combattants et du ministère de la Défense relatives au traitement clinique du TSPT, du trouble de stress aigu et de la réaction au stress opérationnel — j’ai oublié le jargon, désolé —, mais même avant le trouble de stress aigu… Cet algorithme et les multitudes d’études sous-jacentes sont tous affichés sur le Web dans les lignes directrices pour la pratique clinique relative au traitement du TSPT du ministère de la Défense et du ministère des Anciens Combattants. Je faisais partie de la clinique qui a participé à l’élaboration des lignes directrices en raison de mon travail dans le domaine de la prévention, mais j'aimerais en savoir plus pour répondre à votre question.
Permettez-moi de poser essentiellement la même question à Mme Belliveau. Y a-t-il d’autres modèles que nous devrions envisager pour le traitement?
Je vais revenir à vous, docteur Shay, car je veux que vous répondiez à la question sur la prévention aussi.
Je crois que l'Hôpital Sainte-Anne est le centre d’excellence en matière de traitement. C’est la base du modèle du CSTSO, qui est un modèle cognitivo-comportemental multiphase et multimodal, fondé sur toutes sortes de résultats de recherche efficaces. Il comporte plusieurs stratégies et techniques différentes, y compris l’utilisation d’un EMDR à l’étape du traitement des traumatismes, mais il s'appuie sur l'expérience clinique et il y a une procédure ou un algorithme très clairs en place qui suivent ce modèle.
Merci, monsieur le président.
Puisque nous allons essayer de répartir le temps entre nous trois, je serai bref, si vous le permettez.
Il existe clairement un problème à Gagetown, mais nous devrions faire attention de ne pas généraliser, car nous avons entendu des témoignages qui disent le contraire. Je crois que nous devons aussi faire attention aux chiffres qui seraient passés de 3 500 à 11 000, ce qui inclut d'anciens Casques bleus et même d'anciens combattants de la guerre de Corée. Ce n’est pas nécessairement lié à l’Afghanistan.
Pour ce qui est de la situation à Gagetown — si vous n'êtes pas à l’aise avec cette question, vous n’êtes pas obligés d’y répondre —, les mêmes personnes sont-elles toujours en cause? Y a-t-il continuellement des gens qui causent le problème, ou l’attitude se transmet-elle d’un commandant à un autre ou d’un superviseur à un autre?
Il y a une continuité, mais il s'agit principalement d'un problème structurel. Il n'y a pas de savoir-faire clinique et de processus administratif efficient. Il n'y en a pas du tout. Des changements structurels, des changements systémiques, doivent être apportés.
Dans le contexte du manque de structure, des personnes peuvent vouloir se construire un empire ou prendre le contrôle, ou peu importe ce qu’elles veulent faire, ce qui peut être endémique. Voilà pourquoi nous disons qu’il faut effectuer une vérification. En raison de ce manque de structure et d’efficience administrative, nous croyons qu’il y a des clients dans notre communauté qui ne reçoivent pas des services, et nous voulons les trouver.
J'ai une question rapide pour le Dr Ferrie. Le taux de suicide chez les soldats a en fait chuté. Puisqu’il a été évalué en incluant d'autres civils, je remettrais un peu en cause cette source.
L’EMDR semble être un traitement assez valable, et je crois que davantage de recherches et de travaux dans le domaine des nutriceutiques doivent être effectués, ce qui serait positif. L’EMDR et les nutriceutiques — avez-vous vu des données sur leur utilisation dans d’autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie?
Si vous regardez la bibliographie que je vous ai remise, vous constaterez que des études ont été réalisées en Israël sur l'utilisation des nutriceutiques pour traiter l’anxiété et la dépression. On a découvert qu’ils sont plus efficaces qu’un placebo; on ne peut pas en dire autant des ISRS.
Merci, monsieur le président.
Par votre intermédiaire, j'aimerais féliciter les témoins. J'ai été dans le passé un fournisseur de soins de santé aussi, et je peux vous dire que ce n'est pas une si mauvaise chose d'être accusé de défendre son client.
Je peux aussi vous parler, et mes collègues aussi peut-être, de mon expérience avec le secteur de l'assurance. J'ai travaillé pour les compagnies d'assurances et je leur donnais mes opinions. Si l'avis leur plaisait, elles m'adressaient plus de clients. Dans le cas contraire, elles cessaient de le faire. Bien entendu, puisque d'autres sources m'adressaient des clients, je n'en pâtissais pas vraiment.
Au bout du compte cependant, ce qui arrive quand on laisse cette situation continuer, c'est que la compagnie d'assurances — je présume que Gagetown a la même philosophie — se retrouve seulement avec les praticiens qui ne donnent que les opinions qu'elle aime, ce qui n'est habituellement pas dans le meilleur intérêt des clients. Dans le cas du secteur de l'assurance, ce serait fondé sur les profits. Ce n'est jamais une bonne chose. On se retrouve avec des fournisseurs médiocres et des sociétés d'assurances rentables. Je dois donc vous féliciter de continuer à défendre les clients.
Je veux poser quelques questions auxquelles on répondra très rapidement, j'espère.
Permettez-moi de demander à nos psychologues, Joyce et Robin, si cette sorte de thérapie est réglementée au Canada. Est-elle réglementée par une autorité de supervision? Existe-t-il un organisme de réglementation en dehors de la profession de psychothérapie?
Les psychologues et les travailleurs sociaux ont bien sûr des organismes de réglementation. Je suis certaine qu'il y a une évaluation permanente dans le modèle du CSTSO...
L'association de psychothérapie et la profession reconnaissent la thérapie, et la réglementent, par votre intermédiaire.
Comme psychologues, puisque nous sommes liés par une pratique fondée sur l'expérience clinique, les techniques et les stratégies que nous utilisons sont surveillées.
D'accord. Je sais que c'est difficile de nous dire combien de traitements sont nécessaires, car les clients ne sont pas des Chevrolet; ils répondent différemment à la même thérapie. Mais pouvez-vous dire au comité combien il en faut avant que vous commenciez à voir des résultats? Et combien de traitements faut-il en moyenne pour un rétablissement complet? Ma question s'adresse encore à nos psychologues. Vous est-il possible de répondre à cela?
Cela dépend en grande partie de leur état initial. Nous avons fait beaucoup de travail avec des gens de chaque mission. Des gens viennent consulter au bout de onze ans d'affectation. On sait à ce moment-là que cela va prendre beaucoup de temps.
Je crois que nous pourrons peut-être nous faire une idée avec l'Afghanistan. Mais là encore, on nous adresse des gens qui ont participé à de nombreuses missions et qui souffrent de traumatismes multiples; c'est vraiment propre à chaque cas.
Je vais faire quelques observations et je poserai des questions à la fin, pour gagner du temps.
Il semble que si on envisage de libérer un soldat pour des raisons de santé, il est plus logique qu'un praticien de la communauté prenne soin du client. Après tout, une fois libéré, il doit passer par le processus de dépistage de nouveau.
Vous avez dit que le nombre de consultations a été réduit à un moment donné et que cette aide est plus efficace si le client la reçoit le plus tôt possible. C'est une grande préoccupation. Je suis la députée de Petawawa, et les soldats affligés me disent qu'après 18 mois, ils n'ont toujours pas vu un fournisseur de soins. En fait, lors d'une visite du comité des anciens combattants, un homme allait justement à sa première consultation le jour même, après 18 mois d'attente.
On me dit qu'un nouveau centre a été établi à la BFC Petawawa, mais je n'ai pas pu le vérifier.
J'ai une question pour Mme Geneau. Vous avez dit que vous voyez aussi les familles du personnel militaire. Le régime d'assurance de l'adhérent couvre-t-il le traitement des personnes à charge?
La Sun Life couvre les personnes à charge. Le régime leur donne droit à 1 000 $. Elles doivent toutefois payer, demander un reçu, l'envoyer par la poste et attendre de quatre à six semaines peut-être pour obtenir le remboursement. Les gens se plaignent du fait que ce n'est pas une façon raisonnable de recevoir des services.
Désolé, madame Gallant, mais nous n'avons plus de temps. Veuillez m'excuser. Nous avons un autre groupe de témoins. C'est vraiment dommage. La séance a été fructueuse, et nous aurions certainement pu poser plus de questions, mais nous allons devoir suspendre nos travaux une minute pour poursuivre à huis clos afin d'entendre nos prochains témoins.
Je vous remercie tous énormément. Vous avez fait du chemin pour venir ici. Certains d'entre vous ont répondu à plus de questions que d'autres, mais nous utiliserons vos témoignages dans notre rapport, j'en suis sûr.
[La séance se poursuit à huis clos.]