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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 023 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 avril 2008

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Nous poursuivons nos délibérations aujourd'hui concernant notre étude sur la qualité de vie du personnel des Forces canadiennes, en mettant l'accent sur les troubles de stress post-traumatique.
    Nous attendions avec impatience le moment d'accueillir nos témoins d'aujourd'hui. Nous sommes ravis de vous revoir. Nous avons eu la chance de vous croiser tous les trois dans un lieu lointain, je crois, il y a un peu plus d'un an. Il est bon de vous retrouver.
    Nous accueillons parmi nous le général Grant, commandant adjoint du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada et ancien commandant de la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan.
    Nous recevons également le colonel Lavoie, directeur de la Force opérationnelle contre dispositif explosif de circonstance et ancien commandant du groupement tactique du 1er Bataillon du Royal Canadian Regiment.
    Enfin, nous accueillons le colonel Simon Hetherington, chef du cabinet, chef d'état-major de l'Armée de terre et ancien commandant de l'Équipe provinciale de reconstruction.
    Si quelqu'un au Canada est en mesure de nous parler du stress que vivent les hommes et les femmes en uniforme, ce sont bien ces trois messieurs.
    J'ai cru comprendre que vous avez tous une déclaration préliminaire à présenter.
    Général, voulez-vous commencer?
    La parole est à vous.
    Bonjour monsieur le président, mesdames et messieurs.
    Je suis heureux d'être ici aujourd'hui avec deux des commandants de l'opération Athéna, rotation 2, le colonel Omer Lavoie et le lieutenant-colonel Simon Hetherington, pour vous aider dans votre enquête sur les services de santé offerts aux membres des FC, en particulier dans le cas de troubles de stress post-traumatique.
    J'ai eu l'honneur et le privilège de commander l'engagement militaire du Canada en Afghanistan du 1er novembre 2006 au 1er août 2007. Je suis arrivé dans le théâtre au milieu de la rotation 2, peu après la fin de l'opération Méduse, que vous connaissez tous très bien. Je suis demeuré pendant le reste de la rotation 2 et toute la rotation 3. Cette affectation de neuf mois a établi la norme pour les rotations futures du Quartier général de la Force opérationnelle interarmées. Comme vous le savez probablement, les unités de la Force opérationnelle, telles que le groupement tactique, l'Équipe provinciale de reconstruction et l'élément national de soutien, se déploient seulement pour six mois.
    Au cours de mon séjour en théâtre, certains soldats sous mon commandement ont subi des blessures physiques, d'autres des blessures mentales, et d'autres encore ont fait le sacrifice ultime en donnant leur vie pour la mission et leur pays. Quelle que soit la blessure subie, je crois que chacun de ces soldats a reçu les meilleurs soins possible. Les services médicaux de tous les niveaux, depuis les bases d'opérations avancées jusqu'à l'unité médicale multinationale de rôle 3 à l'aérodrome de Kandahar, étaient axés en priorité sur les besoins des soldats travaillant dans un environnement de combat.
    Les soldats de toutes les unités se sont exposés au risque de blessures physiques. Que ce soit comme soldat d'infanterie en combat rapproché, comme soldat de la logistique pris en embuscade dans un convoi de ravitaillement ou comme opérateur COCIM en contact avec les Afghans, la grande majorité des soldats se trouvaient dans des situations où ils risquaient d'être blessés. Tous ces soldats étaient donc soumis à des niveaux élevés de stress pendant leur déploiement. La capacité de chaque soldat de gérer ce stress dépendait, selon moi, de la formation reçue avant le déploiement, de l'aide qu'il pouvait recevoir de ses camarades et de la chaîne de commandement dans le théâtre ainsi que de l'assistance qu'il pouvait obtenir du système médical. En rétrospective, je crois que nous avons réussi à fournir le soutien nécessaire aux soldats dans cet environnement très difficile et exigeant.
    Après avoir quitté le théâtre, tous les soldats ont participé à un programme de décompression. Pour la grande majorité, c'était à Chypre. À toutes les occasions, habituellement pendant des cérémonies de remise de médailles, j'ai insisté sur l'importance du centre de décompression pour la santé à long terme des soldats qui retournaient chez eux. J'ai parlé du fait que plusieurs ne voyaient pas immédiatement les avantages de la transition à Chypre, mais selon les commentaires que j'ai reçus des soldats de la rotation 1 — c'est-à-dire le 1er Bataillon du Régiment Princess Patricia's Canadian Light Infantry —, le programme était extrêmement utile. Je dois admettre que, malgré mes propos, lorsque j'ai atterri à Chypre, j'ai pensé que c'était le dernier endroit au monde où je voulais être. Cependant, avec le recul, le centre de décompression m'a rendu un immense service.
    En résumé, les soldats canadiens travaillent toujours dans un environnement exceptionnellement exigeant et dangereux à Kandahar. La chaîne de commandement et le Groupe médical des Forces canadiennes reconnaissent les difficultés auxquelles nos soldats doivent faire face. Je crois que nous fournissons l'aide dont les soldats ont besoin pour traiter leurs blessures, qu'elles soient mentales ou physiques.
    Je vais maintenant céder la parole au colonel Lavoie et au lieutenant-colonel Hetherington pour qu'ils puissent présenter leurs déclarations préliminaires.
    Merci, monsieur.
    Allez-y.
    Je suis le colonel Omer Lavoie. Je commande actuellement la Force opérationnelle contre dispositif explosif artisanal des Forces canadiennes, basée ici, à Ottawa.
    En ce qui concerne mon exposé, je dois préciser que jusqu'à environ la même période l'an dernier, j'étais commandant du groupement tactique pour la Force opérationnelle Kandahar 3-06. J'ai commandé le groupement tactique du 1er Bataillon du Royal Canadian Regiment dans la province de Kandahar, du mois d'août 2006 à mars 2007. Le GT 1 RCR était une unité d'environ 1 200 soldats basée à Petawawa. Toutefois, les soldats de renfort et les sous-unités venaient de partout au Canada. Le GT 1 RCR réunissait la gamme complète d'armes de combat et de service de soutien, dont l'infanterie, l'artillerie, l'arme blindée, le génie de combat, la reconnaissance, les transmissions, le renseignement, l'assistance médicale et une capacité de véhicules aériens sans pilote.
    Avant le déploiement, l'instruction pour notre mission consistait en un entraînement individuel, collectif et appliqué d'une durée d'environ dix mois. Elle était constituée en grande partie d'exercices de tir réel, avec de vraies munitions, afin de préparer les soldats à la réalité des champs de bataille modernes. Je tiens à souligner que le GT 1 RCR a été la première unité à recevoir l'instruction et à voir son état de préparation opérationnelle validé au tout nouveau Centre canadien d'entraînement aux manœuvres de Wainwright, en Alberta.
    En tant que commandant du groupement tactique, j'avais pour rôle de commander le bataillon et de m'assurer que le groupement menait à bien les missions qui lui étaient confiées pendant son affectation dans le théâtre. Le déploiement de six mois du GT 1 RCR peut être divisé en trois parties: combats offensifs intenses pendant le premier tiers de l'affectation, opérations de combat défensif pendant le deuxième tiers et opérations de contre-insurrection pendant le dernier tiers.
    Je signale que le GT 1 RCR était l'unité de tête lors de l'opération Meduse, la toute première opération d'offensive terrestre de l'OTAN. Le GT 1 RCR a reçu pour mission de vaincre un ennemi concentré dans le district de Panjwai-Zahri. C'était une opération intense de combat offensif traditionnelle pendant laquelle le GT a livré un important combat terrestre rapproché, soutenu par un appui aérien offensif assez considérable. Le GT 1 RCR a accompli sa mission en s'emparant de tous les objectifs attribués et en vainquant un ennemi déterminé.
    Au cours de notre mission, la plupart des pertes au combat ont eu lieu pendant l'opération Meduse. En tout, dans mon groupement tactique, environ 140 soldats ont été blessés et 19 autres sont morts au combat. Malgré ces pertes importantes, le GT a réussi à repousser des forces ennemies concentrées et à les maintenir à distance, il a mené à bien sa mission lors d'importantes opérations ultérieures, notamment la construction d'une route de combat, la route Summit et l'opération Baaz Tsuka, dirigée par une brigade. Je crois que le succès de notre mission est en partie attribuable à la grande qualité du soutien médical offert à nos soldats. Je ne parle pas seulement de l'aspect physique, mais aussi du point de vue moral. Nos soldats ainsi que moi étions persuadés que, même si nous étions souvent en situation de danger, toutes les mesures possibles étaient en place pour soigner nos blessés.
    Je suis extrêmement fier des accomplissements du GT 1 RCR, et en particulier de la détermination, du courage et du professionnalisme de mes militaires.
     Cela étant dit, je serais heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
(1540)
    Merci beaucoup.
    La parole est à vous, colonel Hetherington.
    Je suis le lieutenant-colonel Simon Hetherington, et j’ai une formation d’officier d’artillerie de campagne. De juin 2006 à la fin de janvier 2007, j’ai pris part à une mission en Afghanistan en tant que commandant de l’Équipe provinciale de reconstruction, ou EPR, de Kandahar.
    Comme vous le savez, l’EPR est une organisation interministérielle constituée de soldats, de diplomates du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, de spécialistes du développement de l’Agence canadienne de développement international, d’agents de la paix de la Gendarmerie royale du Canada, de membres des services de police municipaux et, depuis peu, d’agents du Service correctionnel du Canada.
    La mission de l’EPR, à mon sens, était d’étendre la légitimité du gouvernement central de l’Afghanistan en aidant le gouvernement de Kandahar à affermir sa capacité de gouverner et de créer les conditions d’un développement durable. Il s’agissait d’un objectif noble, mais nous avons très vite appris qu’il devait être réalisé de façon progressive et mesurée.
    Bien que les objectifs et les tâches liés à la mission de l’EPR ne fassent pas l’objet de la présente discussion, il est important de souligner que le type de travail confié à l’EPR n'était pas tellement habituel pour bon nombre de ses membres, y compris moi-même. La plus grande partie des soldats qui formaient la composante militaire de l’EPR avaient de l’expérience liée aux armes de combat. Le fait de collaborer avec d’autres ministères était également nouveau pour la plupart d’entre nous, particulièrement dans un contexte où cette collaboration était si étroite.
    L’EPR du Canada avait été créée moins d’un an avant mon arrivée à Kandahar et elle exécutait ses opérations à titre de membre du groupe de travail canadien plus vaste depuis cinq mois seulement. Aux premiers temps de mon affectation, une grande partie des travaux de l’EPR consistaient en des activités menées après les conflits en collaboration avec le groupement tactique du 1 RCR et consistant à atténuer les dommages occasionnés par les combats. À l’autre bout du spectre, le personnel du MAECI et de l’ACDI a effectué des travaux de reconstruction à plus long terme, en collaboration avec le gouvernement provincial et des ministères responsables.
    Bien qu’il y ait eu, au début, une certaine incertitude et des difficultés initiales, je peux affirmer avec certitude qu’à la fin de notre affectation, des progrès avaient été accomplis, certains projets importants avaient été achevés et les membres de l’EPR avaient préparé le terrain pour que la prochaine rotation puisse mener à bien sa mission.
    Pour ce qui est de la pertinence de ma présence parmi vous aujourd’hui, je dirais que nous avons été extrêmement chanceux qu’aucun membre de l’EPR n’ait été tué et qu’une seule personne ait été sérieusement blessée au cours de notre affectation. Un soldat a en effet été blessé alors qu’il participait à une opération avec le groupement tactique du 1 RCR.
    Je ne peux pas me prononcer avec autant de certitude sur la question des blessures non physiques. Tous les membres du camp ont été témoins des conséquences des attaques sur nos convois et des blessures qui ont été infligées à d’innocents observateurs. Presque tous les soldats de notre camp avaient des amis au sein du groupement tactique du 1 RCR, pour lesquels ils se faisaient du souci à chaque instant. Bon nombre de membres de l’équipe patrouillaient les routes de Kandahar chaque jour; certains jours se passaient sans incidents, d’autres non.
    Vous savez peut-être que l’EPR travaille à partir d’un petit camp autonome, à l’intérieur de la ville de Kandahar. Notre équipe était relativement petite et, pour cette raison, et parce que notre camp était exigu, tout le monde se connaissait. Nous avons travaillé ensemble, vécu ensemble; mangé ensemble; nous avons couru des risques ensemble et avons été en deuil ensemble chaque fois qu’un soldat canadien était tué. Nous avions un médecin, du personnel médical ainsi qu’un aumônier affectés exclusivement à l’EPR. Grâce à eux, nous pouvions, au besoin, obtenir des soins supplémentaires et un soutien spirituel, à l’aéroport principal de Kandahar.
    Même si l’EPR comptait un certain nombre d’unités provenant de divers ministères et dont les antécédents étaient différents, je crois que l’esprit de corps que nous avons développé durant notre période de formation, combiné aux petites dimensions du camp et de notre équipe, a contribué à contrer les facteurs stressants auxquels chacun de nous devait faire face. Je suis tout à fait conscient que le stress affecte différentes personnes de différentes manières et qu’il serait naïf de ma part de penser que tous les membres de l’EPR sont rentrés à la maison indemnes, mais je peux affirmer que, sur les lieux, les ressources et le soutien de la chaîne de commandement étaient disponibles pour aider les personnes qui en avaient besoin.
    J’espère que mon exposé vous aidera à mieux comprendre ce que je pourrai ajouter par la suite au sujet de cette question extrêmement importante.
    Je vous remercie.
(1545)
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à notre première série de questions de sept minutes. Nous allons d'abord donner la parole à l'opposition officielle. Monsieur Cannis, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, messieurs, et merci beaucoup d'être présents parmi nous et de nous avoir communiqué ces informations.
    Si je ne me trompe pas, nous allons aujourd'hui procéder à notre étude sur les services fournis au personnel des Forces canadiennes, en mettant l'accent sur le syndrome de stress post-traumatique. Quoi qu'il en soit, vous êtes parmi nous aujourd'hui et, si vous le permettez, nous aimerions vous poser des questions, comme nous l'avons fait lorsque d'autres témoins — des militaires en service et d'anciens militaires — ont comparu devant le comité. Je voudrai peut-être aussi vous poser des questions qui me sont venues à l'esprit en écoutant vos exposés détaillés.
    J'aimerais commencer en disant d'abord et avant tout que chacun d'entre nous va poser ses questions dans le but de permettre au comité de faire tout ce qu'il peut pour améliorer le soutien que nous fournissons globalement à nos militaires. Nos questions pourront parfois vous sembler choquantes, excessives ou odieuses, mais nous les posons afin qu'au bout du compte, nous soyons en mesure de formuler des recommandations acceptables.
    Nous avons entendu d'anciens militaires qui ont eu de la difficulté à obtenir des services après la fin de leur mission. Ils ont dit par exemple qu'ils savaient où ils se situaient d'un point de vue médical, qu'ils avaient déjà passé à travers le processus, mais que leur commandant ou leur supérieur ne faisait rien pour les aider, ne leur accordait pas la permission requise ou ne collaborait pas. Je ne sais pas si vous pourriez nous donner plus de détails là-dessus ou nous dire dans quelle mesure de telles affirmations sont fondées ou non. Je suis d'avis que tout le monde doit bénéficier de la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire, mais en tant que personne, je trouve cette situation inacceptable. C'est comme si j'allais à l'hôpital, par exemple, et que je demandais à être traité pour quel que problème que ce soit, et que le médecin ne voulait tout simplement pas me voir.
    Vous pourriez peut-être me faire part de vos commentaires à ce sujet, puisque la question à l'étude est de savoir comment nous devons répondre à ces besoins chez d'anciens militaires ou des militaires enrôlés qui doivent recevoir un traitement. Selon ce que nous en sommes tous venus à comprendre, ils reçoivent un traitement adéquat et on leur donne ensuite le feu vert pour qu'ils reprennent le service actif, ici ou à l'étranger.
    Cela correspond-il à ce que vous avez pu observer, messieurs?
    Monsieur, je vais d'abord répondre à votre question. Je veux tout d'abord dire que je suis certain qu'aucune de vos questions ne sera choquante ou déplaisante, et je crois que nous nous préoccupons autant que vous de la qualité des soins que reçoivent nos soldats. Il est dans l'intérêt de chacun que les soldats qui servent notre pays reçoivent réellement des soins adéquats lorsqu'ils sont déployés en mission et, plus particulièrement, lorsqu'ils en reviennent.
    Ce que j'ai à dire sur cette question se fonde largement sur mon expérience de commandant de brigade au Canada et de commandant du Secteur de l'Ouest de la Force terrestre. Pendant que j'exerçais ces fonctions, j'estimais qu'il était crucial que chacun ait la possibilité de rencontrer un professionnel de la santé mentale à son retour.
    Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais un programme a été mis en place afin que, dans un intervalle de trois à six mois après un redéploiement, chaque militaire se soumette — et c'est d'ailleurs l'objectif du programme — à une entrevue en profondeur avec un spécialiste de la santé mentale.
    À mon sens, l'objectif de ce programme est double. D'abord, il donne aux militaires la possibilité d'obtenir, après leur retour à la maison et après que les choses se sont replacées un peu, un suivi de la part d'un spécialiste de la santé mentale. Mais ce qui est peut-être encore plus important que cela, dans un contexte où on considérait auparavant comme un déshonneur le fait de demander des soins de santé mentale, c'est que le programme nous garantit que tous les membres qui ont été déployés, peu importe leur grade ou leur groupe professionnel, sont pour ainsi dire obligés de rencontrer un spécialiste de la santé mentale.
    Je crois que, d'une certaine façon, cela supprime l'aspect déshonorant de la démarche. Les gens n'ont plus à lever la main pour dire: « J'aimerais rencontrer un psychiatre. » En fait, nous nous assurons que chacune de ces personnes a la possibilité de consulter un psychiatre. Ainsi, il n'est plus honteux d'aller à la clinique. Tout le monde le fait. Ce que se disent en privé le militaire et ce professionnel de la santé mentale reste bien entendu entre ces deux personnes.
(1550)
    Je vous remercie de vos commentaires, et je vous sens sincère dans vos réponses. Toutefois, pas plus tard que la semaine dernière, une mère est venue nous voir au nom de son fils. Il y a d'autres exemples, mais je vais utiliser seulement celui-ci. Elle et son fils ne critiquaient pas l'armée dans son ensemble, mais des éléments du système. Ce n'est pas comme s'ils s'isolaient en raison d'une présumée honte, comme vous dites. Ils disaient qu'ils tentaient d'obtenir de l'aide mais que, pour quelque raison que ce soit, ils n'arrivaient pas à en obtenir.
    Nous avons parlé à des organisations de soutien à la famille. J'étais très heureux d'apprendre qu'elles existent et qu'elles sont financées. Elles pourraient peut-être l'être davantage au moyen des campagnes de financement et d'autres activités qui sont organisées. Elles existent, mais pour une raison ou une autre — et je ne sais pas encore pourquoi, mais nous espérons le découvrir —, il manque un maillon pour qu'elles soient toutes interreliées et pour faire en sorte que ce jeune homme n'ait pas à vivre cette expérience et à dire: « Je suis frustré, je sais que j'ai besoin d'aide » et sans pour autant obtenir cette aide. Il se peut qu'à cause de cette situation, il s'isole.
    Monsieur, je suis tout à fait d'accord. Le système n'est en aucun cas parfait.
    Général, je ne m'attendais pas à ce qu'il soit parfait...
    Non, mais...
    ... et pour ce qui est des éléments qui posent problème, nous sommes tous ici pour tenter de les corriger.
    Oui. Et, sans aucun doute, mon expérience dans l'Ouest canadien — et je suggère que le colonel Lavoie parle de ce qui est arrivé à ses soldats lorsqu'ils sont revenus au pays — je devais littéralement confirmer à mon patron à partir d'une liste nominative que chaque personne qui avait été déployée avait été soumise au processus de dépistage. Je crois que nous nous améliorons dans ce domaine. Chaque personne qui n'est pas prise en charge constitue un échec pour nous. Je suis le premier à l'admettre.
    Il ne me reste que 30 secondes, probablement 40 secondes, pour une brève question.
    Quelle formation une personne reçoit-elle avant son déploiement à l'étranger, par exemple en Afghanistan?
    Quelle formation...?
    Quelle formation est offerte avant un service actif à l'étranger?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, dans le cas de notre groupement tactique, nous avons suivi une formation exhaustive d'environ dix mois à partir du moment où le bataillon et le groupement tactique ont constitué une force de combat qui intégrait toutes les autres sous-unités de la brigade jusqu'au moment où nous avons été déployés dans le théâtre des opérations.
    Merci.
    Merci. Juste à temps.
    M. Bachand, sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos amis de Kandahar. C'est d'ailleurs là que je les ai rencontrés.
    Notre étude ne porte pas uniquement sur le SSPT, mais également sur la santé des soldats. Dans les bases avancées, lorsque les soldats partent en patrouille, quelque chose peut survenir.
    On n'étudie pas seulement la maladie mentale chez les soldats, mais également la santé comme un tout. Comment cela se passe-t-il dans les bases avancées, lorsqu'on fait des patrouilles ou des tournées dans les villages?
    Monsieur Lavoie, vous avez dit que l'opération Medusa avait fait 140 blessés et 19 morts. Combien de temps cette opération a-t-elle duré?
(1555)

[Traduction]

    En tout, mes opérations ont duré environ sept mois dans le théâtre des opérations. L'opération Medusa était une opération intensive d'environ trois mois.
    Est-ce que c'était à Panjwai?
    Panjwai et Zhari, monsieur.

[Français]

    Comment procède-t-on pour effectuer une patrouille et sortir d'une base avancée? Si un soldat est blessé, quelqu'un peut-il en prendre soin immédiatement?

[Traduction]

    Oui, monsieur. Si vous me permettez d'expliquer un peu, l'aide médicale sur le terrain pour les troupes de combat est en fait répartie en catégories. Il y a trois hiérarchies de soutien médical. Au tout premier plan, sur la ligne de combat, dans votre exemple, une patrouille qui quitterait la base d'opération avancée hors du périmètre est une compagnie qui compte au moins un membre du personnel médical par peloton ainsi qu'un certain nombre de soldats, soit dans une proportion de un sur dix, qui ont suivi une formation avancée en secourisme de combat ou en premiers soins.
    Le deuxième niveau de soutien est notre rôle avancé, un poste sanitaire comptant deux unités, qui serait, si vous pouvez vous l'imaginer, un mini hôpital militaire de campagne. Ces unités seraient placées le plus à l'avant possible — dans le cas de l'opération Medusa, je les avait fait avancer sur mes deux lignes de combat — afin qu'il n'y ait jamais plus de trois ou quatre kilomètres qui les séparent de la ligne de front où les combats sont engagés. Dans cette organisation, il y a soit un médecin ou un auxiliaire médical ainsi qu'un certain nombre d'infirmiers qui sont capables de stabiliser suffisamment les blessés avant que ceux-ci ne fassent l'objet d'une évacuation sanitaire aérienne et ne soient transportés à l'aérodrome de Kandahar, que l'on considère comme les installations de rôle 3 et qui dispose de tout le soutien médical au combat que vous trouveriez dans tout hôpital au Canada.
    Oui, nous y sommes allés.

[Français]

    J'ai lu que ce sont les Américains qui fournissent l'hélicoptère, lorsqu'un blessé a besoin d'être évacué. Comment procède-t-on? Si quelqu'un s'est fait amputer une jambe; les secours arrivent-ils immédiatement ou deux heures plus tard?

[Traduction]

    Non, monsieur, et malheureusement, j'ai fait face à cette situation à plusieurs reprises durant nos opérations de combat.
    Le système d'EVASAN aérienne relève de la FIAS, dans le cadre du Commandement régional Sud, et c'est multinational. Les Américains offrent une certaine aide, mais j'ai déjà reçu de l'aide pour une EVASAN aérienne de la part des Britanniques ainsi que des Néerlandais dans notre cas.
    C'est un système très transparent pour un soldat sur le front. Je me suis retrouvé dans de nombreuses situations où j'ai dû demander une EVASAN aérienne dans le cas, malheureusement, d'incidents comportant de nombreuses victimes. C'est très transparent. À titre de commandant, en fait tout le monde peut le faire, j'envoie par radio ce que l'on appelle une demande D'EVASAN de « ligne 9 », ce qui est une demande standard pour de l'aide médicale aérienne. Ça précise le type de victimes, leur nombre et le degré de gravité des blessures. À partir de ce moment-là, les hélicoptères sont envoyés presque immédiatement pour évacuer les blessés par voie aérienne. Dans mon cas, la plupart du temps, l'aide est arrivée de 20 à 30 minutes après la demande.

[Français]

    Est-il vrai qu'une certaine part de planification militaire en base avancée s'assure qu'il y a des hélicoptères disponibles pour l'évacuation avant qu'on procède à l'opération? Autrement dit, est-ce le premier facteur qui précède la sortie d'une base avancée, par exemple?

[Traduction]

    Oui, monsieur, c'est absolument vrai. En particulier pour l'opération Medusa, lorsque nous avons préparé le processus de planification opérationnelle à cet égard, mon médecin militaire, une femme, et son personnel faisaient partie intégrante de notre planification pour ce qui était de s'assurer que nous disposions d'une capacité médicale suffisante. Lorsqu'une mission est envoyée, il y a toujours dans les ordres donnés un paragraphe consacré à l'aide médicale.
    La disponibilité de l'EVASAN aérienne est surveillée par la cellule des opérations à l'aérodrome de Kandahar. Si on nous dit que c'est à peu près la saison des tempêtes de sable, qu'effectivement, il y en a une qui s'en vient, et qu'on nous dit que ça signifie qu'il n'y aura aucune aide d'EVASAN aérienne, je dois donc prendre la décision — et je dois dire sans équivoque que j'ai dû le faire à de nombreuses reprises — de réduire soit le type des opérations que nous effectuons, soit la proximité des opérations par rapport à Kandahar de sorte que je peux toujours garantir un soutien pour une éventuelle EVASAN.
    Je crois, monsieur, que ça illustre très bien ce que j'appelle le « contrat social » que comporte mon emploi. Malheureusement, une partie de mon travail consiste à placer les troupes en situation de danger. Toutefois, une autre partie consiste à m'assurer que toutes les mesures possibles sont mises en place à l'avance pour les évacuer de la gare de danger au besoin.
(1600)
    Peut-être que je peux vous donner un exemple plus précis. Au Commandement régional Sud, il incombait au commandant et à son personnel de s'assurer que, dans toutes les provinces relevant du Commandement régional Sud, il n'y avait pas trop d'opérations en cours de sorte que, si les choses tournaient mal, le système d'EVASAN ne serait pas submergé par la demande. Il est souvent arrivé que le commandant relevant du Commandement régional Sud, mon patron, nous dise de retarder nos opérations ou de les déplacer pour s'assurer qu'il pouvait réellement répondre aux éventuelles exigences d'EVASAN à l'échelle de la région.

[Français]

    Vous avez parlé plus tôt des rotations. Vous savez que le gouvernement américain vient de diminuer la durée de rotation de 15 mois à 12 mois pour les soldats. On a souvent entendu ici que les rotations revenaient souvent. Les Forces canadiennes ont-elles envisagé de raccourcir ou d'allonger les rotations pour que les soldats puissent retourner moins souvent sur le théâtre des opérations?

[Traduction]

    Monsieur, j'ai cru comprendre qu'on a demandé au commandant de l'armée, le général Leslie, d'examiner la durée des rotations. À un moment donné, il reviendra présenter quelques options au chef d'état-major de la Défense.
    Madame Black.
    C'est un plaisir de vous voir tous ici au Canada. La première fois que nous nous sommes rencontrés, c'était à Kandahar. Je veux juste vous dire que la visite que j'ai effectuée à Kandahar avec le comité de la défense nationale m'a profondément marquée. Je veux tous vous remercier d'avoir fait en sorte que nous ayons toutes les séances d'information que nous avons eues.
    J'aimerais aussi souligner que le garde du corps qui a assuré notre protection personnelle était sensationnel.
    Vous avez essayé de le ramener à la maison avec vous.
    Des voix : Oh Oh!
    Oui... il était tout simplement charmant.
    Ce n'est pas une séance à huis clos.
     Il a été formidable, comme tous ceux qui se sont occupés de nous là-bas. J'ai pensé à vous tous à mon retour à la maison, et je suis heureuse de vous voir à la maison et en sécurité au Canada. Je suis certaine que tous les membres ici est du même avis.
    Les récits que j'ai pu entendre concernant le syndrome de stress post-traumatique ont tous la même connotation. J'ai parlé à des familles et à des soldats revenus d'Afghanistan qui en ont souffert. Chacun d'eux a raconté la même histoire, et j'ai trouvé cela terrible que les incidents se répètent dans leur tête maintes et maintes fois. Ils ne peuvent changer de chaîne. Ils ne peuvent y mettre fin.
    Une autre constante, c'est que, dans la plupart des cas, ils sentaient, lorsqu'ils étaient en théâtre et qu'ils avaient leur famille militaire — même lorsque nous avons entendu des témoignages à huis clos —, qu'ils avaient le soutien dont ils avaient besoin là-bas. Cependant, une fois de retour à la maison, les soldats et leur famille ne trouvaient certainement pas — et les familles qui ont témoigné ici à huis clos étaient du même avis — que le soutien était en place pour les aider à surmonter leurs troubles et recouvrer la santé.
    Je veux vous demander si vous avez des recommandations. Qu'est-ce que vous pensez de cette partie du système de santé? Quelles améliorations pourraient être apportées?
    Comme question supplémentaire, l'ombudsman a publié un rapport au sujet des réservistes qui rentrent au pays, et du fait que les soins, l'attention et les services auxquels ils ont droit ont été considérablement réduits.
    Pourriez-vous commenter ces deux éléments?
    Je vais commencer par la question du soutien familial. Je suis d'accord avec vous que le fait d'être en théâtre, comme le colonel Hetherington l'a mentionné, et de vivre tous ensemble côte à côte, crée une communauté très unie. Ces liens ont tendance à se briser lorsque l'on revient à la maison et qu'on reprend sa propre vie avec sa famille. Les soldats qui sont célibataires doivent évidemment relever de plus grands défis, étant donné qu'ils n'ont pas nécessairement de famille qui les attend dans les bases où ils sont mutés.
    Cependant, la question pour moi n'est pas de savoir si le système médical est en mesure de les soutenir ou non. Le système médical est là pour eux. Le défi auquel nous faisons face, c'est de les mettre en lien avec le système médical afin de déceler s'ils ont des problèmes, ou de faire en sorte qu'ils le signalent eux-mêmes, pour que nous puissions leur donner l'aide dont ils ont besoin. C'est un défi constant, et la question des réservistes revient à peu près à la même chose.
    Je parle encore en fonction de mon expérience dans l'Ouest canadien. Le défi auquel j'ai été confronté dans mon travail auprès de commandants d'unités de réserve, c'était d'assurer le suivi des réservistes qui revenaient au pays, c'est-à-dire de s'assurer de les surveiller et de les faire passer par le processus de dépistage. Ce qui est difficile, c'est quand un réserviste revient et quitte les Forces canadiennes. Il perd non seulement le groupe de soutien par les pairs qu'il avait en théâtre, mais également tout soutien que son unité pouvait lui donner. La façon dont nous pouvons continuer de les suivre me préoccupe.
    Au bout du compte, je ne crois pas que c'est parce que les gens n'ont pas la situation à coeur et n'essaient pas. Le système n'est pas parfait, et s'il existait une solution facile, nous l'aurions déjà mise en place.
(1605)
    Vous avez dit dans votre exposé que, lorsque vous êtes allé à Chypre pour suivre le programme de décompression, vous vous êtes dit que vous préféreriez être ailleurs, ou évidemment à la maison avec votre famille. Puis, en rétrospective, vous vous êtes dit que ça vous avait rendu un immense service personnel. Si vous êtes à l'aise de nous en parler, qu'est-ce qui vous a fait sentir de cette façon en rétrospective?
    Je crois qu'il y avait deux éléments à mon expérience. L'un était le programme Battlemind qui nous a été présenté, et la chance que nous avons eue de choisir une série de programmes facilités au cours desquels nous pouvions discuter des diverses questions, comme le commandement et le leadership ou les relations familiales. Cela nous a permis de nous retrouver dans un environnement relativement calme et d'avoir accès à du personnel médical très qualifié qui pouvait nous aider à traiter certaines questions.
    Ça m'a fait un grand bien de simplement me détendre, prendre une douche tous les jours, manger un peu, boire quelques bières et socialiser presque une dernière fois avec l'équipe avec laquelle j'avais passé neuf mois. Mais j'ai dit au médecin-chef que je crois que nous pouvons faire mieux. Nous avons du personnel compétent en santé mentale là-bas, mais nous n'avons pas nécessairement les gens en ce moment qui peuvent animer les discussions entre les soldats et ces spécialistes de la santé mentale. Les groupes sont nombreux et parfois nous avons besoin de gens qui sont un peu plus sociables afin de faire parler les soldats.
    Mais, c'est un bon programme et je sais que le général Jaeger cherche à l'améliorer. Le côté militaire, la chaîne de commandement, cherche à l'améliorer, mais même si je n'ai pas relevé ne serait-ce que quelques-uns des défis auxquels les soldats de l'EPR ou du groupement tactique ont dû faire face, au bout du compte, j'ai trouvé cela utile.
    J'aimerais savoir si, chez les hauts gradés, le processus est le même que pour les troupes lorsqu'il s'agit de se préparer à ce qui se produit en mission et aux traumatismes liés au stress opérationnel, comme vous dites. Y a-t-il des différences? Est-ce que les mesures et la période de préparation au déploiement sont les mêmes?
    Si vous me permettez de répondre en premier à cette question, je dirais qu'en tant qu'officiers et sous-officiers supérieurs, nous passons notre carrière à nous préparer à cette sorte de situation. C'est ce qu'on appelle le leadership. On acquiert de l'expérience en cours de route, on se perfectionne sur le plan professionnel et on apprend à diriger grâce à une bonne compréhension des facteurs de stress et de la façon de composer avec ces facteurs.
    En ce qui concerne la formation en tant que telle, comme le colonel Lavoie l'a mentionné, une partie du cycle de préparation de dix mois comprend des activités de développement professionnel, qui ne se rapportent pas exclusivement au stress post-traumatique, mais nous apprennent à gérer les situations stressantes. La formation n'est pas vraiment donnée en fonction du grade; tout le contingent est formé à reconnaître ces facteurs dans mon commandement. Cela fait partie de nos opérations. Et je crois que c'est ce qui a contribué à ma capacité de faire face à certaines des situations où je me suis retrouvé.
    Je vous remercie. Désolé, mais nous devons poursuivre.
    Monsieur Hawn.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie chacun de vous d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais ajouter quelques commentaires sur cette question, car c'est l'un des sujets que je comptais aborder.
    Sur le plan de la formation, comme vous le disiez, la préparation s'effectue au fil des promotions, etc. Du point de vue opérationnel, on apprend d'un déploiement à l'autre et cela s'intègre au quotidien. Est-ce que les commandants ont l'occasion de se parler entre les retours et les départs pour transmettre non seulement les leçons opérationnelles, mais les leçons qui portent sur l'aspect humain de différentes situations?
(1610)
    Oui, monsieur. Tout à fait.
    D'après mon expérience, il y a deux façons de le faire. D'abord, comme vous le savez, je crois, le commandant d'une unité qui doit être déployée se rend à l'étranger au moins deux fois — une fois en reconnaissance stratégique, et une autre fois en reconnaissance tactique. Il se retrouve sur le terrain avec le commandant, selon notre façon de fonctionner, et nous avons amplement l'occasion de discuter des différents aspects des opérations, ce qui comprend les aspects humains des opérations de combat. Pour la plupart d'entre nous, en tant que commandants, c'est la première fois que nous expérimentons des situations de combat aussi intenses.
    Nous avons aussi l'occasion d'échanger au Canada. Quelque temps après notre retour au pays, nous participons à une série d'activités de perfectionnement professionnel offertes aux unités qui doivent être déployées — c'est un peu comme une tournée de conférences — pour transmettre les leçons apprises. Dans notre cas, il fallait transmettre l'information au groupement tactique du 3e Bataillon du 22e Régiment. Et je me suis aussi rendu avec la plupart de mes officiers à Wainwright, en Alberta, pour une période d'environ trois semaines. Nous agissions comme mentors pendant l'exercice de validation de ce bataillon. Une grande partie de l'information transmise se rapportait aux aspects opérationnels, mais je me souviens de bien des soirs où nous avons parlé sans détour avec le commandant de ce bataillon et le sergent-major du régiment des implications humaines des opérations de combat, ce qui inclut malheureusement la perte de soldats à l'occasion.
    Je ne voudrais pas aborder de questions trop personnelles, car je sais que vous avez vécu des expériences assez difficiles.
    Nous parlons du stress des troupes. Évidemment, le stress peut toucher les militaires de tous les grades. Pourriez-vous nous parler un peu — vous en particulier, colonel Lavoie — de la façon de composer avec ce stress personnel, lorsque vous êtes à la tête d'un bataillon et que les gens attendent vos instructions, mais s'attendent aussi à ce que vous les guidiez, un peu comme un père?
    Je pense que ça se résume à la formation reçue. On peut tenir cette formation pour acquise, jusqu'à la première fois où on se retrouve dans une telle situation et que les balles sifflent tout autour, mais j'ai certainement constaté que, lorsqu'on se retrouve effectivement dans ces situations difficiles — ce qui m'est arrivé plus d'une fois —, la formation prend le dessus de façon quasi automatique. Parfois, c'en est presque surréel. Vous vous voyez en train de faire exactement ce à quoi on vous a formé pendant toutes ces années, que ce soit pour l'infanterie ou pour des postes de commandant de compagnie ou de commandant. Vous vous voyez en train de tout faire selon les règles, comme s'il s'agissait d'un examen.
    L'autre aspect qui, selon moi, est ancré dans la culture des Forces canadiennes et de l'armée, c'est le concept du leadership depuis le front et de la mission accomplie. Dans les moments sombres — et j'ai certainement perdu là-bas des gens avec qui j'entretenais des liens personnels très étroits —, j'ai toujours gardé à l'esprit que 1 200 soldats observaient chacun de mes gestes. En bout de ligne, l'essentiel était de maintenir le cap et de réaliser le prochain objectif ou d'accomplir la mission qui m'avait été confiée. Je suis d'avis qu'on acquiert une très grande force personnelle dans ces situations, ce qui nous permet de passer au travers des mauvais jours.
    Merci.
    J'aimerais faire un peu de prospective. La mission semble être appelée à changer, ce qui fait en sorte que davantage de civils, notamment des membres du personnel du MAECI et de l'ACDI, font non seulement partie de l'EPR mais sortent également du périmètre, pour participer à différents projets, et ainsi de suite.
    En fait, j'aimerais entendre ce que le colonel Hetherington et le colonel Lavoie ont à dire, du point de vue de l'EPR et d'un point de vue de commandant de groupement tactique, à propos des défis associés au fait que de plus en plus de civils s'exposent au danger, et à propos des stratégies mises en place pour leur enseigner à composer avec ces situations ou à surveiller leur niveau de stress, etc.
    Vous me demandez d'avancer des hypothèses, ce dont, bien entendu, je préférerais m'abstenir.
    Eh bien, non. Je ne suis pas en train de dire où on va exposer ces personnes au danger, mais il est raisonnable de présumer qu'elles vont faire face à des situations un peu plus dangereuses. Comment allons-nous procéder pour entraîner ces personnes, pour les outiller, comme nous entraînons le personnel en uniforme?
(1615)
    Je comprends tout à fait votre question, monsieur.
    Je demeure en étroite communication avec mes homologues du civil qui œuvraient auprès de moi au sein de l'EPR. En fait, nous en parlions pas plus tard qu'hier soir. Je pense qu'on doit veiller à offrir à ces civils les mêmes soins et la même attention en ce qui a trait à leur santé mentale que ce que nous offrons à nos propres soldats, ce qui sera certainement le cas. Il ne faut oublier personne. Je ne sais trop comment s'organiseront la préparation et la formation à cet égard. Pour autant que l'on reconnaisse que ces personnes sont exposées au même stress et que des mesures soient prises pour les aider, voilà ce qui importe.
    Bien entendu, les FC sont là pour familiariser le personnel du MAECI, de l'ACDI et les autres avec toutes ces questions.
    Absolument.
    Du point de vue du COMFEC, nous travaillons de près avec le ministère des Affaires étrangères et l'ACDI, et leur offrons la possibilité d'envoyer leurs gens recevoir de la formation à Wainwright ou à des endroits de ce genre. Cela leur permet non seulement de rencontrer les gens avec qui ils travailleront sur le théâtre des opérations, mais également de les exposer à certains des défis qu'ils devront surmonter dans cet environnement.
    Colonel Lavoie, en qualité de commandant de combat, vous avez accueilli, volontairement ou non, à des gens comme des journalistes intégrés, qui étaient évidemment des civils. À votre avis, comment ont-ils composé globalement avec la situation, en tant que civils?
    J'ai souvent été surpris de voir à quel point ils pourraient être des professionnels eux-mêmes, et beaucoup d'entre eux se sont retrouvés un jour ou l'autre dans des endroits du globe qui ne sont guère accueillants. J'ai toujours été frappé de voir, à ma grande surprise, qu'ils réussissaient à se sortir de situations passablement périlleuses.
    Simplement pour ajouter aux propos du colonel Hetherington en ce qui a trait aux autres aspects de la présence de civils dans l'espace de combat, comme on dit maintenant, je me souviens effectivement du temps où l'EPR a commencé à s'entraîner. Même s'il ne veut pas l'admettre aujourd'hui, l'EPR faisait initialement partie du groupement tactique du 1 RCR durant la phase des préparatifs. Certes, c'est le colonel Hetherington qui a orchestré, à ce moment-là, la préparation des civils en provenance d'autres ministères. Il les a amenés à Petawawa où, pendant une semaine à peu près, ils ont été exposés à certains des facteurs de stress auxquels les soldats doivent faire face sur le théâtre des opérations, dont les tirs d'armes légères et d'artillerie, en plus de recevoir une certaine formation en premiers soins et d'être sensibilisés aux dangers que posent les mines. Nous avons effectivement la capacité de donner une partie de cette formation, qui est générale et s'applique à tous, que vous fassiez partie d'une patrouille de combat ou d'une EPR travaillant à la reconstruction.
    Nous n'allons certainement pas mettre intentionnellement quiconque en danger, soldat ou civil, mais nous pensons à cela à l'avance.
    Merci.
    Voilà qui met fin à la première série de questions. Nous aborderons maintenant le deuxième tour, en commençant par l'opposition officielle, puis le gouvernement, et enfin le Bloc.
    Je donne donc la parole à M. McGuire, pour cinq minutes.
     Pour reprendre les paroles de Dawn à votre endroit, c'est réconfortant de vous revoir dans un cadre différent... Vous avez tous l'air d'aller mieux, de toute façon, quand vous êtes de retour. Je sais que nous avons eu déjà la chance de voir le colonel Lavoie — qui arrivait tout juste du front quand il est venu nous présenter un exposé, à ce moment-là. Je crois que le général Grant faisait l'aller-retour.
    Le sujet qui nous intéresse, c'est de savoir comment les soldats sont traités, non seulement lorsqu'ils quittent le champ de bataille, mais également quand ils rentrent chez eux et sont confrontés à diverses situations familiales — s'il y a éclatement de la famille et comment celle-ci est traitée comparativement au soldat, quelle est la différence quant à la façon dont sont traités les réservistes par rapport aux soldats réguliers, et ainsi de suite. Quand le colonel Lavoie était là-bas, sa seule et unique préoccupation était de livrer bataille, point à la ligne. Il y a eu non seulement des morts et des blessés parmi ses hommes, mais il y en a probablement eu plus d'un qui ont souffert du syndrome de stress post-traumatique à un moment ou à un autre après ces combats.
    Or, je serais enclin à croire que l'état d'esprit qui règne là-bas est différent. Je me demandais si quelqu'un parmi vous était en mesure de dire si c'était plus difficile quand vous étiez là-bas dans un environnement caractérisé davantage par l'action qu'aujourd'hui, alors que ce sont les bombes artisanales qui vous inquiètent. Il y a moins de gens tués, mais y a-t-il moins de gens affectés? Les traitements sont-ils moins nécessaires aujourd'hui qu'ils ne l'étaient quand vous étiez là-bas? Avez-vous des statistiques permettant de comparer les deux situations?
(1620)
    D'après ce que j'en sais, les statistiques, s'il y en a, n'ont pas encore été compilées pour la rotation. Le 3e Bataillon du groupement tactique du Royal 22e vient de rentrer au pays et, que je sache, les statistiques concernant les difficultés qu'il a rencontrées n'ont pas encore été compilées.
    Comme je l'ai mentionné précédemment, je crois qu'il y a des facteurs de stress qui s'exercent sur chacun, et que chacun y réagit différemment. Certains sont d'avis que ces facteurs sont moindres en situation de combat parce qu'on peut mener en même temps une action offensive, contrairement à une situation plus défensive, où l'on se sent moins capable de gérer son environnement. On pourrait prendre l'exemple de la Bosnie, au début des années 1990, quand les troubles de stress post-traumatique ont commencé à être mis en évidence.
    Je ne suis pas sûr qu'en bout de ligne, monsieur, ces statistiques soient particulièrement importantes. Je crois que le problème, c'est que des facteurs de stress continuent d'agir sur les soldats, compte tenu de l'environnement dans lequel ils évoluent aujourd'hui. Aussi devons-nous veiller à ce que le système médical soit toujours aussi efficace qu'il ne l'était durant la phase des combats, de manière à nous assurer que, si un problème survient, nous pouvons le régler rapidement et convenablement.
    Remarque-t-on un stress accru actuellement à l'hôpital de Kandahar chez les médecins, les psychiatres ou les gens qui traitent des blessures mentales? Y a-t-il eu des changements dans les besoins en effectifs sur place?
    Les effectifs sont les mêmes. Le nombre de psychiatres présents lors des rotations 2 et 3 était le même que pour les rotations 4 et 5. Il n'y a donc pas eu de changement à cet égard.
    J'ai eu un entretien l'autre jour avec mon médecin principal de la rotation 3. Il était d'avis, après avoir étudié les statistiques concernant la rotation 3, que l'effectif de spécialistes de la santé mentale, qu'il s'agisse des psychiatres, des infirmières en santé mentale, des travailleurs sociaux ou des aumôniers, était suffisant pour faire face à la demande, non seulement des soldats canadiens, mais également des soldats étrangers stationnés à Kandahar qui avaient aussi accès au système canadien.
    Nous avons reçu ici un autre réserviste, il y a quelques semaines. Il n'est resté là-bas que très peu de temps mais il était au front et a été touché par un attentat à la bombe sur une route. À son retour au pays, personne ne croyait qu'il avait été blessé. Il n'avait subi aucune blessure physique mais il était certainement... Et ce qu'ont subi ce réserviste et ses parents fut particulièrement atroce. Je me demande seulement quelle est la fréquence de ce genre de situation. L'infirmière qui traitait son dossier l'a, en fait, accusé de mentir, de faire semblant d'être blessé et de chercher à obtenir une pension ou quelque chose du genre. Tout ce qu'il voulait et ce qu'apparemment il n'obtenait pas, c'était un traitement adapté à son état. Les gens comme lui passent à travers les mailles du filet. J'ignore leur nombre. On ne peut pas interroger tous les gens qui rentrent au pays, ni leurs parents.
    Les réservistes sont-ils mieux traités maintenant qu'ils ne l'ont été? Je crois comprendre qu'ils ont fait l'objet, pendant un certain temps, d'un traitement différent. Est-ce toujours le cas? Les interventions médicales dont ils font l'objet, sur place et à leur retour au pays, sont-elles les mêmes que pour les soldats de la Force régulière?
    Il nous est difficile d'intervenir pour les soldats de retour au pays. Nous n'avons pas accès à leurs dossiers médicaux, et ne devrions pas y avoir accès, pour savoir ce qui leur est arrivé. Ces situations sont mieux traitées par le corps médical, qui peut se renseigner et déterminer où se trouve l'aide nécessaire et quels sont les soins qui peuvent leur être prodigués.
    Nous avons fait de grands progrès dans le traitement des réservistes qui ont été envoyés à l'étranger, notamment parce qu'ils sont plus nombreux. Nous avons tiré leçon des erreurs que nous avons commises par le passé. Si on repense à la Bosnie, certains des réservistes du 2e Bataillon du Princess Patricia's Canadian Light Infantry, à leur retour des opérations dans la poche de Medak, sont repartis chez eux dès leur descente d'avion et on ne les a jamais revus. Nous ne faisons plus cela. Nous avons des procédures de suivi en place. Ce n'est pas parfait mais nous essayons de tirer leçon de nos erreurs et de faire en sorte que nul ne soit laissé pour compte.
(1625)
    Madame Gallant
    Merci, monsieur le président.
    En ce qui concerne les soldats qui ont été blessés et qui réclament des indemnités, on nous a parlé d'un document appelé le formulaire CF 98. Peut-être pourriez-vous expliquer au comité ce dont il s'agit. Il semblerait que ce formulaire n'est pas toujours rempli comme il se doit, même si le versement d'indemnités est assujetti à la présentation de ce formulaire. Est-il raisonnable d'exiger, pour toutes les blessures et tous les incidents, qu'un CF 98 soit rempli et produit sur place?
    Je ferai un commentaire d'ordre général puis je laisserai la parole aux commandants qui sont chargés de remplir ce formulaire. Il s'agit d'un document qui est examiné par Anciens Combattants Canada en vue de l'attribution des indemnités et des pensions. Il présente un compte rendu de l'incident et des circonstances et atteste que l'individu était bien en service au moment de l'incident, et que celui-ci découlait des nécessités du service. Une case est réservée à l'approbation d'une autorité médicale. Dans la structure actuelle, il est nécessaire de remplir ce formulaire. Est-difficile de le remplir? Ça peut l'être, mais je vais laisser le soin aux commandants de répondre à cette question.
    Lorsque des soldats placés sous notre commandement sont blessés, peu importe comment, nous devons voir à ce que les blessures soient consignées et qu'un suivi soit effectué. Le système n'est pas parfait mais, même si un soldat s'est blessé en jouant au hockey à la BFC Petawawa, ce qui n'a rien à voir avec les nécessités du service, la chaîne de commandement doit voir à ce que l'incident soit consigné.
    Je ne pense pas que cela soit très difficile, surtout à notre époque. C'est un formulaire simple. Lorsqu'un soldat est blessé, que ce soit dans un contexte opérationnel ou non, les commis et le personnel médical de la compagnie ont tous accès à ce formulaire et celui-ci est rempli. Dans le pire des cas, l'incident peut être consigné sur un simple morceau de papier. S'il y a des témoins et que le document est commenté par la chaîne de commandement, il peut au moins servir de source de documentation.
    Je ne crois pas que le formulaire soit parfait. Arrive-t-il qu'il ne soit pas rempli? Oui, malheureusement. J'ai moi-même omis de le remplir. Parfois, vous pensez que ce n'est pas important, vous ne remplissez pas le formulaire puis, quatre ou cinq ans plus tard, vous regrettez de ne pas l'avoir fait.
    Un autre problème qui nous a été signalé concerne le transfert des dossiers médicaux. Des dossiers sont égarés. Un soldat qui est blessé sur le théâtre des opérations va à l'hôpital de l'ARC, peut être transféré à Lahr, puis dans un hôpital au pays et, enfin, si tout va bien, est renvoyé à sa base. Alors, il consultera le médecin de la base qui l'orientera vers un spécialiste, au besoin. En raison des nombreux transferts de dossiers, certains sont égarés, ce qui retarde les traitements et les consultations de spécialistes.
    Certains ont suggéré d'informatiser ces dossiers. Vous avez été sur le théâtre des opérations. Cette recommandation est-elle réaliste?
    Je dirai qu'aucun de nous trois n'est bien placé pour répondre à cette question. Les documents médicaux sont traités par le milieu médical. Il appartiendrait à un membre du corps médical d'étudier la question et de décider de la meilleure façon de la traiter. Cela n'est pas de notre ressort.
    Sur le plan technique, en matière de communications, je sais que les transmissions doivent respecter certains paramètres. Sur le plan opérationnel, le fait de transmettre ce genre de données par la voie des ondes ne va pas...
    Et la difficulté, c'est de ne pas connaître l'étendue du problème. Je ne saurais vous dire si on dispose d'une largeur de bande suffisante pour transmettre électroniquement ce genre de données. Donc, sur le plan technique, il s'agit, en fait, d'évaluer le problème et d'y trouver une solution. Et cela dépasse évidemment les connaissances que j'ai acquises à titre d'étudiant en arts libéraux.
    Pour terminer, je sais qu'en septembre 2007, un détachement de gestion du soutien aux blessés a été mis sur pied à Petawawa. D'après ce que j'en sais -- mais je n'en sais pas grand-chose --, il pourrait traiter certains des problèmes que nous avons évoqués pour les soldats qui ont été blessés sur le théâtre des opérations, plutôt que de les faire bénéficier du séjour de décompression et de la période d'un mois de réadaptation à la vie au pays.
    Pouvez-vous nous dire comment les choses fonctionnent, si vous en êtes au courant, et quels sont les problèmes que ce détachement est censé traiter?
(1630)
    J'ai été particulièrement heureux de ce progrès. Lorsque nous sommes revenus de notre mission, nous avons reçu plusieurs visites du directeur du soutien aux blessés, venu d'Ottawa. Il m'est apparu nécessaire, suite aux leçons tirées de notre mission et, évidemment, de l'expérience du PPCLI avant nous, que la direction du soutien aux blessés devait se décentraliser et installer des détachements sur place, dans les bases où les soldats revenaient.
    J'ai donc été particulièrement satisfait, après notre série de discussions ici, à Ottawa, de voir que l'idée était approuvée et qu'un détachement était maintenant installé à Petawawa. Entre autres choses, il permet maintenant aux soldats qui en ont besoin d'avoir accès aux services offerts sans avoir à se rendre à Ottawa.
    Merci.
    Monsieur Vincent

[Français]

     Bonjour et bienvenue.
    J'ai regardé vos titres.
    Monsieur Grant, vous êtes de la Force expéditionnaire du Canada et ancien combattant. Aujourd'hui, vous êtes ici pour nous parler des services de santé offerts au personnel des Forces canadiennes, notamment pour le syndrome de stress post-traumatique.
    Vous avez une expertise de combat, une expertise du théâtre des opérations, mais d'un point de vue médical, pouvez-vous nous dire comment les soldats, quand ils reviennent au Canada, peuvent être traités et à quel suivi médical ils peuvent s'attendre lorsqu'ils sont atteints du syndrome de stress post-traumatique? Je pense à quelqu'un qui a perdu un compagnon d'armes, par exemple. J'aimerais que vous m'expliquiez comment ça se passe. Quels chemins il devra emprunter?

[Traduction]

    Monsieur, je dirai, tout d'abord, que, sur le théâtre des opérations, le but visé, c'est d'aider tous les soldats, que leurs blessures soient physiques ou mentales. Le colonel Lavoie et moi avons, à plusieurs occasions, travaillé en étroite collaboration pour étudier des cas, et avons tout essayé avec les spécialistes de la santé mentale pour que les soldats qui souffraient obtiennent les soins dont ils avaient besoin et reçoivent toute l'aide nécessaire à leur rétablissement.
    D'autres, qui souffraient de traumas graves, n'ont pas pu être traités sur place et ont dû être rapatriés.
    Je peux vous dire, par expérience, que toute mesure susceptible d'améliorer son état est proposée au soldat sur le théâtre des opérations et à plus forte raison au pays. Le CEMD a été clair à ce sujet. Quelle que soit la nature de leur blessure, nous faisons tout pour obtenir le soutien dont le soldat a besoin.
    Je pense que cela est valable pour tous, sans exception. Le grade ne compte pas lorsqu'on doit traiter des problèmes de santé mentale ou des blessures physiques. Comme je l'ai dit plus tôt, la difficulté, c'est de mettre les soldats blessés en rapport avec les spécialistes médicaux qui les aideront le mieux.

[Français]

    Combien y a-t-il de spécialistes en santé mentale dans les Forces armées et combien de personnes vont-elles se prévaloir de ces services? Combien y a-t-il de spécialistes en santé mentale par rapport au nombre de soldats qui reviennent de mission? Est-ce 1 pour 10, est-ce 1 pour 100?

[Traduction]

    Monsieur, j'aimerais être en mesure de répondre à cette question. Je n'ai pas la réponse. Je ne sais pas si le médecin-chef avait ces renseignements lorsqu'elle s'est présentée devant le comité, mais sinon, nous en prendrons note et nous verrons si nous pouvons vous les transmettre.
     Je crois que nous l'avons déjà.

[Français]

    C'est vraiment important dans la mesure où les soldats doivent sentir qu'on les soigne. Un soldat de ma région, qui avait perdu un pied, s'est suicidé après son retour d'Afghanistan. Il n'avait peut-être pas de conjointe, mais il avait sa famille. Je pense qu'un suivi médical ne suffit pas à un soldat qui revient d'Afghanistan ou d'ailleurs. Vous avez dit plus tôt que vous aviez de la difficulté à assurer le suivi médical auprès de ces gens.
     Que pensez-vous pouvoir faire? Vous m'avez aussi dit que vous n'aviez pas encore l'expertise nécessaire et que vous ne saviez pas où aller la chercher. Des soldats d'autres pays vivent sûrement la même chose que nos soldats et doivent avoir droit à une expertise et à un suivi médical sur le plan psychologique.
(1635)

[Traduction]

    Monsieur le président, d'après mes discussions avec le médecin-chef, je suis convaincu qu'ils essaient de trouver le meilleur traitement pour les soldats en étudiant toutes les options de service possibles.
    Je connais la personne que vous avez mentionnée. C'était un soldat qui a été blessé pendant qu'il était sous mes ordres en Afghanistan. Il est revenu au Canada, où il a été soigné pendant près d'un an avant de se suicider. Sa mort tragique a touché tout le monde qui l'a connu: sa famille, ses pairs et ses camarades en Afghanistan.
    Ces événements tragiques, très honnêtement, certains d'entre nous ne savent pas comment y faire face. Mais je crois qu'il faut faire très attention quand on parle du résultat tragique d'une personne qui n'a pas été traitée ou du résultat tragique d'une personne qui s'est ôté la vie malgré les soins qui lui ont été prodigués. Ce genre de cas, il y en a, ce qui est d'autant plus tragique. Mais, comme je viens de le dire, je suis convaincu que le médecin-chef et ses spécialistes veillent à trouver les meilleurs soins possible pour les soldats.
    Merci.
    Monsieur Rota.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai écouté attentivement les témoins, qui représentent les deux côtés de la question. Statistiquement parlant et d'après les services que vous offrez, il ne me fait aucun doute que votre intention est très bonne, et nous voulons que les soldats reçoivent les meilleurs soins possible. Par contre, lorsque nous posons des questions, j'ai comme l'impression qu'on nous dit « Oui, c'est ce que nous voulons dire ». Donc, les statistiques sont très bonnes, et, de façon générale, tout semble être en place et bien fonctionner, mais, là où je veux en venir, c'est que ce sont sans doute les cas particuliers qui viennent dans nos bureaux, ceux qui sont dans la minorité du point de vue statistique. Sur papier, 80 ou 90 p. 100 sonne bien parce que c'est intangible. Mais quand on fait partie des 10 p. 100 de la population, ce n'est plus une statistique mais un problème personnel, et, à mon avis, ce sont ces gens-là que nous voyons dans nos bureaux.
    J'ai une question, mais je ne sais pas trop comment la formuler. Je ne veux insulter personne, mais il semble y avoir une discordance entre certains cas et ce qui se passe au haut de l'échelle. Y a-t-il un processus d'examen permettant d'analyser la situation de ces cas particuliers, c'est-à-dire les personnes qui sont en difficulté? Vous pourriez peut-être me décrire en quoi consiste ce processus.
    Admettons qu'une personne se présente dans mon bureau et dit: « Les soins qu'on me donne sont de mauvaise qualité. » Soit, certaines maladies sont très difficiles à diagnostiquer — et je ne dis pas qu'elles sont faciles à traiter —, mais comment traite-t-on un problème qui n'est pas aussi facile à traiter qu'un... ? Admettons qu'on se casse la jambe. Vous savez qu'elle est fracturée, car le fémur est cassé en deux. On vous le remet ensemble, et vous espérez que tout se passera bien. Au moins, vous pouvez surveiller vos progrès. Mais, lorsqu'il s'agit d'un problème psychologique, ce n'est pas aussi facile à traiter, et les victimes souffrent beaucoup. Certes, vous ne négligez pas intentionnellement ces personnes, mais elles ont l'impression de l'être. Que faites-vous dans ces situations? Quel est votre rôle?
    Je veux bien répondre à cette question.
    Je dirais que, même dans le cas d'une jambe cassée, il faut que le patient communique avec le médecin s'il veut qu'on la lui répare. Donc, si une personne se présente dans un bureau, qu'il s'agisse du vôtre ou d'un autre, il faut clairement la mettre en contact avec la personne qui pourra l'aider. À mon avis, c'est le système de soins médicaux des Forces canadiennes. La question est donc de savoir comment aiguiller les militaires vers les soins dont ils ont besoin.
    Depuis un mois, j'ai assisté aux funérailles de deux soldats de mon régiment. L'un est mort au champ d'honneur en Afghanistan, et l'autre s'est ôté la vie à la suite d'une affectation en Afghanistan. Les deux décès étaient tragiques. L'idéal, c'est que ce genre de chose ne se produise jamais, mais, en même temps, il y aura toujours des gens qui... Comme vous l'avez dit, les cas particuliers sont victimes d'une défaillance du système. Le but, c'est de traiter ces personnes une fois qu'on les a cernées. À mon avis, monsieur, vous avez un rôle à jouer pour ce qui est d'aider à aiguiller ces personnes vers le système de soins médicaux afin qu'on puisse leur donner les soins dont elles ont besoin.
     J'aimerais ajouter, non d'après mon expérience personnelle en Afghanistan, mais en ma qualité de commandant d'un régiment de Petawawa avant mon déploiement et en ma qualité d'officier commissionné des Forces canadiennes, que je prendrais soin de mes subordonnés qui sont en difficulté. Il n'y a pas que moi qui ferais cela. En effet, il est de notoriété publique, car on en parle dans les journaux, que le général Hillier lui-même a reçu des familles de ceux qui ont passé entre les mailles du filet. Il n'y a rien de péjoratif là-dedans. Il le fait de lui-même et il montre l'exemple à cet égard.
    Je sais que, si nous recevions un appel d'un non-militaire pour nous dire qu'un tel soldat avait un problème, tous les commandants de ma brigade, la 2e Brigade, y compris le colonel Lavoie et moi, le prendraient à coeur. Comme le général Grant l'a mentionné, nous mobiliserions les professionnels de la santé pour qu'ils essaient d'aider ce soldat. Comme on dit, il est difficile de régler un problème qu'on ignore.
(1640)
    Si une telle personne se présentait à nous, serait-il approprié de lui demander qui est son commandant? Serait-ce déplacé?
    Je dirais, monsieur, que cela est très approprié. Téléphonez à son commandant ou au commandant de la base la plus proche, qu'il s'agisse d'une base de l'Armée de terre, de la Marine ou de la Force aérienne. C'est ce que je ferais. C'est une excellente façon d'attirer l'attention.
    Comme beaucoup de soldats, ma préoccupation, c'est l'effet qu'a cette attention sur ces gens-là. À ce point-là, leur carrière militaire est habituellement terminée. Ils ne retourneront pas à un théâtre, et l'armée ne leur donne plus de travail. En quoi cette attention affectera-t-elle leur vie militaire?
    Si je pose cette question, c'est que des militaires sont venus me voir — encore une fois, je parle de cas particuliers —, et ils m'ont dit qu'ils hésitent à dire quelque chose de peur d'être ostracisés et de ne pas recevoir une attention aussi positive qu'ils le souhaiteraient.
    Je peux répondre à cette question en donnant quelques exemples.
    La première chose, monsieur — et je pense que les FC ont fait beaucoup de progrès à ce chapitre —, c'est qu'il faut créer une culture de commandement où on ne fait pas la distinction entre une blessure physique et un traumatisme mental.
    Il est facile d'en parler à ses troupes durant les briefings préalables au déploiement. D'après mon expérience personnelle... Un de mes soldats, qui faisait partie d'un petit équipage, a dû être renvoyé après une série de combats. Je n'ai certainement jamais pensé par la suite que les autres membres de l'équipage ou ses camarades ont tenu des propos calomniateurs à son égard ou qu'ils l'ont traité différemment d'autres soldats qui sont retournés avec des blessures physiques. C'est la première chose.
    Souvent, le problème, c'est qu'il faut ordonner à un soldat de se faire traiter et, au besoin, de rentrer au Canada. Le général Grant et moi l'avons fait dans un cas particulier. Souvent, le problème, c'est qu'il faut, en fonction de ce que nous avons déterminé, ordonner à un soldat de se faire traiter. Le général Grant et moi l'avons fait dans un cas particulier. Il faut parfois ordonner à un soldat de se faire traiter et, au besoin, de rentrer au Canada.
    Normalement, cela aurait été la fin de sa carrière militaire, mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, le Général Grant et moi avons aidé le soldat pendant assez longtemps avant de le renvoyer au Canada. Lorsque nous sommes rentrés au pays à notre tour, quelques mois plus tard, nous avons fait un suivi. J'ai parlé avec sa femme et lui deux mois après l'événement traumatisant, et je suis heureux de vous dire que le soldat occupe un emploi rémunéré à notre base et que son traitement a fonctionné, bien qu'il ait été obligé de rentrer au pays malgré lui. Sa blessure n'a aucunement mis fin à sa carrière. Certes, ses perspectives d'emploi sont peut-être limitées, mais il pourra tout de même terminer sa carrière dans les Forces canadiennes.
    Merci.
    Nous reviendrons là-dessus. Il reste beaucoup de temps.
    Cédons la parole à M. Lunney.
    Merci, monsieur le président.
    L'une des questions qui nous préoccupe relativement au syndrome de stress post-traumatique, surtout chez les militaires qui ont un long déploiement, c'est leur réseau de soutien et la qualité des liens chez eux. Je suppose que, dans un sens, les députés s'identifient à cette situation, étant donné qu'ils sont éloignés de leur famille dans une certaine mesure. Ce n'est pas la même sorte de situation, bien qu'on puisse appeler la Chambre un lieu de combat. On ne le dirait pas aujourd'hui, nos discussions étant si calmes, mais, on l'a déjà décrite comme une sorte de zone de combat. Je suis absolument certain qu'il y a des statistiques sur les députés dont la vie de couple a échoué; nous sommes loin de nos familles, et cela nous préoccupe.
    Je me demande ce que vivent dans le théâtre les soldats en affectation. Ils sont loin de leur famille pendant longtemps. Nous savons que leur réseau de soutien leur sera très important à leur retour. Comment les jeunes couples réussissent-ils à demeurer ensemble? Laisse-t-on les militaires téléphoner à leur conjoint une fois par semaine? Quelle sorte d'infrastructure leur permet de protéger leur vie de couple et de parler à leur réseau de soutien dans leurs pays?
(1645)
    Je peux probablement répondre à cette question, puisque la plupart de mes troupes ont été déployées à l'avant, à l'extérieur de l'aérodrome principal, pour toute la durée de notre séjour. Il y a beaucoup d'infrastructures. Vous seriez agréablement surpris. La politique était évidemment en vigueur à la fin de mon affectation. Nous avions des téléphones par satellite, soit un par section de soldats, ce qui équivaut à environ un téléphone pour dix personnes. Les soldats pouvaient en tout temps utiliser ces téléphones, qui ne servaient pas à des fins opérationnelles. Ils pouvaient appeler à la maison quelques fois par semaine s'ils le souhaitaient.
    Bien que très austères au départ lorsque nous avons saisi ce territoire, les bases d'opérations avancées ont été aménagées. L'Internet par satellite était en place avant mon départ. Ainsi, les soldats qui n'étaient pas en patrouille de combat ou en service ailleurs pouvaient utiliser l'Internet pour communiquer par courriel avec leurs proches.
    On constate une énorme différence par rapport aux opérations en Bosnie en 1992, où je me souviens qu'il fallait attendre huit semaines pour effectuer avec de la chance un appel de cinq minutes à l'aide d'une carte d'appel. Je crois que beaucoup a été fait pour entretenir les relations familiales. Cette capacité de communiquer avec les proches s'ajoute aux services d'écoute téléphonique et aux autres services maintenant offerts dans les bases pour permettre aux conjoints d'acheminer des articles au théâtre.
    Je suis bien content de l'apprendre. Il n'était donc pas inhabituel pour vous de voir des soldats appeler chez eux ou s'installer à l'ordinateur. Les ordinateurs ont entre autres pour avantage de permettre la communication à petits frais.
    Il fait bon d'entendre ces choses. Il doit être difficile de vivre des expériences aussi intenses, ce qui m'amène à ma prochaine question. Parlons à nouveau de la période de décompression. Je suis très heureux de savoir que le programme était en place à ce moment. Les soldats quittent le théâtre après avoir vécu une expérience intense avec leur famille militaire. Ils ont besoin d'un peu de temps pour faire la transition à la vie civile. Ce programme est une excellente idée selon moi.
    Nous avons vu de belles images de la Coupe Stanley et de parties de hockey de rue. Offre-t-on aussi aux soldats des activités de loisirs durant cette période?
    Bien sûr. Le programme dure cinq jours, ce qui comprend l'arrivée et le départ. Les deuxième et troisième jours, les soldats doivent assister à des exposés officiels le matin. En après-midi, ainsi que la quatrième journée, ils peuvent participer à des activités récréatives subventionnées, ou encore prendre du soleil au bord de la piscine. La plupart des gens décident de sortir et de participer à une activité sociale quelconque, qui leur permet d'aller et venir.
    Excellent. J'ai sans doute mal compris, puisque je croyais que la période de décompression ne durait que trois jours. Je me réjouis de savoir que les soldats ont cinq jours.
    Tout dépend de l'heure de l'arrivée. Il faut prévoir trois jours d'activités structurées. Par exemple, nous sommes arrivés en avion à 10 h le premier jour. Nous avons donc pu profiter de l'après-midi et de la soirée. La dernière journée ne comptait pas par contre puisque nous devions nous rendre à l'aéroport à 4 h 30 le matin. Trois journées complètes sont garanties.
    Je suis très heureux de l'apprendre. Est-ce suffisant? Devrait-on prévoir une semaine au lieu de trois jours? Je sais que les familles sont impatientes de se retrouver. Les soldats sont sortis de la marmite et veulent retourner chez eux. C'est aussi une source de pression.
    Je ne m'adresse peut-être pas aux trois bonnes personnes. Vous renverriez sans doute ma question à un psychologue, mais j'aimerais quand même savoir ce que vous en pensez.
    Tout comme le général Grant, j'étais sans doute appréhensif à l'idée d'aller là-bas, préférant rentrer chez moi. Cependant, après quelques jours, je suis arrivé aux mêmes conclusions. Le programme est une excellente transition entre la zone de combat et le retour auprès de sa famille quelques jours plus tard, même qu'il s'agit d'une étape nécessaire. Si les trois jours ne sont pas suffisants, il y a certainement un grand nombre de professionnels de la santé qui cherchent à déterminer le nombre de jours optimal.
(1650)
    Merci, monsieur Lunney.
    Monsieur Cannis, la parole est à vous, puis ce sera de nouveau le tour des conservateurs.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question se rapporte aux propos de mon collègue, M. Rota. J'aimerais que vous apportiez des précisions sur la question pour que nous puissions formuler quelques recommandations à ce sujet. Général Grant, lorsque mon collègue a parlé des moyens que doivent prendre les anciens militaires pour obtenir de l'aide, une solution ou des services pertinents, vous avez mentionné que nous avions aussi un rôle à jouer, en parlant des députés je suppose. Je tiens seulement à m'en assurer, car c'est très important.
    Comme vous le savez, nous avons entre autres pour responsabilité de régler les problèmes portés à notre attention par nos électeurs, que ce soit par exemple le revenu, les demandes de pension d'invalidité ou Anciens Combattants. Nous parlons directement avec nos électeurs.
    Prenons l'exemple de Mme Gallant, ici présente, dont la circonscription comprend la BFC Patawawa. Je tiens à comprendre. Est-ce que vous dites qu'un militaire qui a été en mission et qui habite dans la région, qui a fait face aux obstacles déjà mentionnés par différentes personnes, mères et familles, peut appeler son député — Mme Gallant, par exemple — et lui demander d'appeler colonel ou major-général Untel? Avons-nous vraiment cette possibilité?
    Non. Merci d'avoir posé cette question.
    Je tenais seulement à bien comprendre.
    Dans un monde parfait, les soldats auraient une confiance absolue dans la chaîne de commandement, et la chaîne de commandement aurait les moyens de régler les difficultés auxquelles font face les soldats et de leur offrir le soutien dont ils ont besoin.
    Je voulais tout simplement dire que, si un soldat s'adresse à un député, à son représentant du gouvernement, cette personne peut intervenir en aidant le soldat.
    Comment? Que dois-je faire si une personne se présente à mon bureau? Prenons l'exemple d'un soldat qui vient de terminer sa période d'affectation et qui se bute à des obstacles. Que puis-je faire pour l'aider? Est-ce que je peux appeler le médecin militaire ou un régiment X? Que pouvons-nous faire?
    Sans vouloir paraître impertinent, je vous suggérerais de communiquer avec le secrétaire parlementaire, qui vous aidera à régler la question et à vous adresser aux bonnes personnes.
    Nous arrivons enfin à cerner quelque chose.
    C'est ce que je ferais à votre place.
    J'insiste sur le fait que, si une personne éprouve des problèmes ou a besoin d'aide, vous n'avez qu'à me le faire savoir et je communiquerai avec les personnes concernées...
    Nous le savons déjà. Seulement, j'ai été séduit à l'idée de jouer un rôle utile. Nous sommes tous ouverts à l'idée de faire quelque chose, mais nous voulons savoir ce que nous pouvons et ce que nous ne pouvons pas faire. Parfois, nous sommes très enthousiastes, et nous nous attachons à un certain dossier ou à une situation donnée. Dans ce cas, nous sautons sur le téléphone, mais parfois nous ne communiquons pas avec le bon intervenant, et nous n'obtenons pas de résultat pour la personne. Nous nous mettons même dans le pétrin. Je veux seulement comprendre ce que vous suggérez.
    Il y a probablement des représentants des affaires parlementaires derrière moi qui s'inquiètent de ce que je viens de proposer, mais c'est ce que je ferais.
    J'aimerais ajouter un point. Comme vous pouvez le constater, je m'occupe de dossiers. Je suis le chef de cabinet du commandant de l'Armée de terre. Je suis passé par ce dont on parle, et je sais comment les choses fonctionnent. Je reçois des appels du bureau du ministre MacKay, le bureau de l'adjoint militaire, au sujet d'une personne ayant communiqué avec un député, qui a transmis la demande au bureau de M. MacKay, peut-être par l'intermédiaire de M. Hawn. Je peux m'occuper de ces cas. Parfois, ce n'est rien, on me demande le numéro d'Untel, et nous nous en occupons tout de suite. Nous nous aidons de cette façon. La question est réglée parfois directement — je fais des appels moi-même dans certains cas — ou encore en passant par le commandant d'unité et la chaîne de commandement. Ces appels portent fruit, et nous agissons pour régler les problèmes.
    Merci pour cette explication.
    Merci.
    La parole est à Mme Gallant.
    J'ai seulement une petite question pour vous messieurs.
    Pour demeurer alerte dans le théâtre des opérations et rester sain d'esprit, il faut aussi prendre soin de son corps. En raison de la nature ininterrompue de votre travail là-bas, quel régime de conditionnement physique avez-vous pu suivre ou poursuivre le cas échéant?
    Pour être honnête, de mon point de vue, lequel, je pense, n'a pas changé, et du point de vue du Colonel Hetherington, qui est lui aussi commandant, le moment idéal pour se mettre en forme, voire le rester, n'est pas durant un déploiement et les opérations de combat, ce qui était notre cas. Il faut donc absolument mettre l'accent sur l’importance d’être en très bonne forme physique et d’être bien préparé avant d'être déployé. Donc, pour les dix mois dont j'ai parlé, la forme physique était implicite, et l'entraînement physique intense était implicite dans tous les aspects de cette formation de dix mois.
     Cela dépend en fait du lieu où l'on se trouve. Si vous affecté au terrain d'aviation de Kandahar, il y a certainement de nombreuses occasions de rester en forme, si l'on n'est pas au front. Des haltères et ce genre d'équipement sont disponibles, mais en déploiement il est en fait assez difficile de suivre un programme de conditionnement physique comme on le fait au Canada. Il est donc essentiel d'être en forme avant d'être envoyé en mission.
    Cela dit, le fait de marcher toute la journée et de porter 70 livres d'équipement de combat aide d'une certaine façon à demeurer en forme.
(1655)
     J'avais mon adjoint âgé de 25 ans qui frappait à ma porte tous les matins à 5 h 30 pour être certain que je fasse du jogging, et c'est comme ça que j'y suis arrivé. Je trouvais cela utile tant sur le plan physique que mental.
    Avez-vous fait quelque chose, Simon?
    Rien, monsieur. Vous avez mangé à l'EPR et vous connaissez la nourriture qu'on y sert.
    Je partage mon temps avec Laurie.
     J'ai vu les statistiques. Je ne suis pas trop certain, mais je pense que le taux de suicide dans les Forces canadiennes est inférieur à celui au sein de la société en général. Si ce n'est pas le cas, il est alors identique, mais peut-être pour d'autres raisons.
    Nous parlons de personnes, de cas particuliers et des problèmes auxquels ils font face pour diverses raisons. De toute évidence, si une personne a un problème, c'est son problème, c'est très personnel et parfois rien ne parvient à régler le problème, ce qui est facile à comprendre lorsqu'il s'agit d'un cas grave de trouble de stress post-traumatique.
    Je ne sais pas trop si le Colonel Lavoie est le mieux placé pour répondre à ma question, mais pouvez-vous donner quelques exemples des efforts supplémentaires que vous ou l'unité avez déployés pour aider dans toute la mesure du possible les gens qui ont de la difficulté à résoudre leur problème de façon satisfaisante?
     Je pense que nous avons eu la chance d'avoir été rappelés au Canada en février et mars, et je n'ai pas eu de changement de commandement avant le mois de juin suivant. J'ai donc eu ces quatre ou cinq mois avec tout mon groupe pour maintenir l'esprit d'équipe. Mais avant de changer de commandement et avant que mon équipe ne change, ma priorité absolue consistait à m'occuper des soldats et des familles de soldats qui ont été blessés ainsi que des familles qui ont perdu des soldats au combat. Voilà sur quoi j’ai axé 99 p. 100 de mes efforts durant ces quatre mois avant de changer de commandement.
    Il y a eu des incidents durant le déploiement, des soldats qui ont eu des réactions de stress de combat dans les théâtres opérationnels jusqu'aux soldats qui ont subi des blessures physiques assez graves. J'ai collaboré avec la chaîne de commandement et la chaîne de commandement supérieure pour qu'on prenne soin de ces soldats. Dans tous les cas que nous avons gérés, je ne pense pas qu'une personne ait été privée d'un traitement qu'elle avait demandé ou dont elle avait besoin.
    Dans mon poste actuel, je peux voir certaines des mesures supplémentaires qui ont été prises pour aider ces soldats. Par exemple, lorsque des officiers désignés sont affectés à des blessés, si un officier désigné met la famille mal à l'aise et qu'elle connaît un autre militaire qu'elle aimerait avoir comme officier désigné, nous avons été capables d'effectuer ce transfert.
    Nous avons assigné des entraîneurs personnels aux soldats incapables de fréquenter un gymnase public pour qu'ils puissent se mettre en forme. Ce n'est qu'un exemple et il y en a toute une liste. Bien entendu, avec le leadership assuré par le Général Hillier, nous allons tout faire pour tenter d'aider nos blessés.
     Merci.
    Nous allons maintenant mettre fin au deuxième tour. Au troisième tour, M. McGuire, le parti ministériel et ensuite le Bloc auront la parole.
    Vais-je enfin avoir le droit de parole?
    Je crois bien que oui.
    À notre époque de communications sophistiquées, et compte tenu de la bonne relation que vous avez avec Anciens Combattants Canada, les deux ministères ont-ils mieux collaboré afin d'assurer de meilleurs services aux soldats revenus au pays et à leurs familles? Savez-vous si nous commençons à surmonter certains obstacles?
    Les murs tombent tout le temps entre les ministères — leur territoire et votre territoire — sans que ces derniers ne se rencontrent. Ces murs tombent-ils? Y a-t-il une meilleure communication entre les deux ministères pour mieux servir nos militaires?
(1700)
    En général, je pense que le service est bien meilleur qu'auparavant. Je sais que les officiers désignés qui collaborent avec Anciens Combattants Canada reçoivent un service exceptionnellement rapide. Lorsqu'il y a eu des blessures graves ou des décès dans le théâtre des opérations, d'après ce que j'ai entendu dire dans l'Ouest canadien, le niveau de service a toujours été exceptionnel.
    Je vais demander aux commandants s'ils en savent davantage à ce sujet.
     La situation est semblable dans mon cas. Nous avons maintenant quatre détachements de soutien aux blessés à Petawawa. Nous avons également quatre détachements d'ACC, ce qui ne s'est pas vu depuis plusieurs années. Il y a maintenant des détachements d'ACC sur les bases.
     J'ai remarqué un changement de perception à ACC. Il s'agit d'un organisme qui, je pense, a pendant longtemps mis l'accent sur les anciens combattants des guerres précédentes telles que la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. Cependant, il y a maintenant des anciens combattants qui ont besoin de l'aide de ce ministère et qui ne sont pas encore dans la soixantaine, mais plutôt dans la vingtaine, et qui reviennent d'Afghanistan et d'autres théâtres opérationnels. Voilà mon point de vue fondé sur mon expérience très restreinte et sur les commentaires que j'ai reçus des familles.
    Connaissez-vous les centres de ressources pour les familles présents partout au pays, ou avez-vous des rapports avec eux? Je sais que certaines provinces n'en ont pas. Il n'y a pas de base militaire ou d'installations de ce genre à l'Île-du-Prince-Édouard, et nos anciens combattants doivent aller au Nouveau-Brunswick pour recevoir de l'aide.
     Y a-t-il un moyen d'améliorer les services qu'ils offrent? Je sais qu'une bonne partie de ce travail est bénévole et qu'on manque de personnel et de fonds. D'après vous, y a-t-il une façon d'améliorer ces centres?
    Je sais que le chef du personnel militaire étudie le dossier des centres de ressources pour les familles des militaires en vue de les améliorer et de les rendre encore plus efficaces.
    Je dois admettre qu'il y a probablement différents niveaux de service dans l'ensemble du pays, selon la région. De mon point de vue à Edmonton, je pense que les soldats de cette ville ont été très bien servis par les gens et les programmes de ce service.
    La situation se complique lorsqu'il s'agit de familles qui n'habitent pas près d'une grande base. Je sais qu'à Edmonton la directrice du CRFM a passé beaucoup de temps à s'assurer que les autres CRFM prennent en charge un dossier, pour la famille d'un soldat, ou qu'ils tentent de joindre les gens, peu importe où ils se trouvent, au téléphone ou par Internet.
    Je pense qu'il s'agit d'un bon service, mais que, comme pour toute autre chose, nous pouvons probablement l'améliorer.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur.
    Merci.
    Ma première question concerne les soldats qui reviennent au pays, surtout les réservistes, et leur isolement lorsqu'ils sont de retour. Ils sont à l'extérieur de la base, dans leur collectivité qui se trouve parfois assez loin d'une base. Où je suis à Nanaimo, nous avons des réservistes du Canadian Scottish Regiment. Y a-t-il un suivi pour les réservistes?
    Par exemple, s'ils ont des troubles après la période de décompression dans le cadre d'un retour de un ou deux mois, leur offre-t-on la possibilité de rencontrer d'autres militaires avec lesquels ils se sont retrouvés dans une zone de combat afin de se détendre un peu plus ou de discuter de la façon dont ils vont reprendre leur service? Y a-t-il eu des activités de ce genre?
    Je peux parler à titre de commandant du 1 RCR. À notre retour de la période de congé de quatre à six semaines, selon le moment du retour depuis le théâtre opérationnel, nous avons préparé une série d'activités. Il y a eu un défilé de médailles, un service commémoratif et ensuite grosso modo une célébration du groupement tactique pendant trois jours. Je tiens à insister sur le fait que nous disons aux réservistes de revenir à Petawawa en déplacement en service commandé pour y participer. Ces activités ont servi en partie à souligner et à honorer les sacrifices et les réalisations, mais elles servaient aussi à permettre aux militaires de se réunir avec leurs collègues de combat, peu importe qu'il s'agisse d'un peloton ou d'une section, et d'avoir l'occasion de parler entre autres avec leurs camarades de la Force régulière.
     Le Colonel Hetherington est peut-être la personne la mieux placée pour répondre compte tenu de son poste actuel de CC CEMAT, mais dans ce mécanisme, du moins pour l'armée dans la structure de secteur, les commandants de secteur et les commandants de brigade de réserve ont aussi la responsabilité de continuer à faire un suivi auprès des soldats de retour d'un déploiement pour être certains qu'ils reçoivent de l'aide s'ils en demandent.
(1705)
     Bien. Je suis ravi d'entendre cela puisque je pense qu'il s'agit d'une aide très utile.
    Je souhaite revenir à la question de l'équipe provinciale de reconstruction. Colonel Hetherington, on y a peut-être déjà répondu en partie, mais lorsque vous y étiez en fonction comme chef de l'EPR, il y avait l'ACDI, le MAECI, la GRC et la police municipale qui en faisaient tous partie. Étiez-vous également chargé de superviser les ingénieurs ou les ouvriers qui construisaient des ponts et des routes? Est-ce que des soldats faisaient la majorité de ce travail?
    Je ne sais pas au juste à qui vous faites référence. Notre équipe comptait des ingénieurs militaires.
    Selon la marche à suivre, nous n’effectuions pas de travaux que nous pouvions confier à des Afghans. Nous procédons encore de cette façon. Vous avez peut être entendu parler de cette route pour laquelle la location d’équipement lourd aurait accéléré le processus de construction. Nous avons toutefois choisi d’embaucher de la main-d’œuvre locale afin de favoriser le développement économique aux plus bas échelons.
    En ce qui a trait aux civils engagés sur place, nous leur fournissions les soins médicaux permettant de sauver la vie, un membre ou la vue. Si l’un des travailleurs afghans était touché, nous traitions ses blessures. Par contre, les civils canadiens membres de l’équipe avaient droit aux mêmes traitement que les militaires.
    Je suis bien content de l’apprendre. À mon avis, il est logique d’embaucher de la main-d’œuvre locale dans la mesure du possible. La population se sent ainsi concernée par le projet et elle sera plus encline à protéger son investissement par la suite. J'apprécie cette façon de faire.
    Je me pose aussi la question suivante : en ce concerne le personnel civil des EPR, avez-vous remarqué des cas de TSPT ou de traumatisme lié au stress opérationnel? En avez-vous constatés au cours de votre séjour outre-mer? Les civils en souffrent-ils?
    Je n’ai rien remarqué de tel pendant mon séjour en Afghanistan. Il ne faut cependant pas oublier que, comme le nom l’indique, le trouble de stress post traumatique survient après coup. Je communique encore avec les membres de l’équipe, et nous veillons les uns sur les autres.
    Le Général Grant, comme bon nombre d’entre vous le savent, était sur le point de rentrer au pays lorsque son véhicule a été la cible d’un attentat suicide à la bombe. Une représentante de l’ACDI se trouvait également à bord. Le Général Grant pourra vous donner plus de détails.
    Selon moi, nous sommes responsables de la sécurité de nos homologues civils. Ils sont des membres à part entière de l’équipe — que ce soit au sein de ma petite EPR ou de la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan
    Il est intéressant de constater qu’à la suite de l’attentat suicide à la bombe, la première préoccupation de la jeune représentante de l’ACDI, après sa sortie du véhicule qui avait fait deux tonneaux et demi, visait les répercussions de l’incident sur les politiques de l’ACDI concernant les déplacements à l’extérieur du périmètre.
    Très intéressant.
    Très bien, je cède maintenant la parole à M. Bachand.
    Ce sera bientôt à votre tour, madame Black.
    Je prendrai la parole tout de suite après?
    Voulez-vous vous adresser au comité tout de suite?
    La parole est à vous, madame Black.
    Merci beaucoup, monsieur le président ainsi qu'à vous, Claude.
    Je n'ai qu'une brève question à poser.
    Durant votre séjour à Kandahar, vous occupiez tous des postes de commandant et aviez à composer avec ces problèmes. Vous subissiez d’énormes pressions. À votre avis, le traumatisme lié au stress opérationnel touche-t-il plus particulièrement certains groupes d’âge? Y a-t-il des différences? Le grade de la personne est-il un facteur? La situation semblait-elle plus difficile pour certains groupes professionnels? Y a-t-il une différence entre les sexes? Lors de mon passage en Afghanistan, j’ai remarqué un nombre important de femmes. Selon vous, y a-t-il une différence entre les sexes dans les cas de traumatisme lié au stress opérationnel?
(1710)
    En ce qui me concerne, je n’ai rien remarqué. On ne peut faire ressortir de tendance liée à un grade, un groupe professionnel ou un sexe en particulier. Le traumatisme lié au stress opérationnel semble avoir frappé au hasard, tous grades et tous groupes professionnels confondus.
    Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite répondre à la question, ne serait-ce que pour corroborer la réponse du général Grant?
    Je suis du même avis. Encore une fois, notre groupement tactique n’a pas été touché par le TSPT, mais les réactions de stress au combat dans le théâtre des opérations touchaient tant les nouvelles recrues que les sous-officiers supérieurs et les officiers aguerris.
    J’aimerais ajouter que, pour ma part, j’éprouvais un grand sentiment de satisfaction — que j’attribue à notre instruction. En dépit du nombre considérable de situations de combat auxquelles le groupement tactique a pris part, seulement quatre cas de réaction de stress au combat se sont soldés par un rapatriement. Quelques autres soldats ont pu être traités sur place, et ils sont retournés au combat par la suite. Il s’agit d’un taux sensiblement plus faible que ceux rapportés par les scientifiques et les théoriciens.
    Oui, vous avez tout à fait raison.
    Merci.
    Merci, madame Black.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Si un médecin diagnostique un syndrome de stress post-traumatique sur le théâtre des opérations, le commandant de l'unité en est-il avisé?

[Traduction]

    Le secret professionnel du médecin est en cause. Selon la politique établie, si un soldat a un problème de santé quelconque, que ce soit physique ou mental, le médecin informe le commandant et la chaîne de commandement des restrictions d’emploi, telles que l’interdiction de porter une arme, le besoin de se reposer ou, au Canada, la nécessité de travailler des demi-journées seulement. La chaîne de commandement est informée de ces restrictions, sans toutefois connaître le diagnostic. Je ne crois pas qu’elle ait besoin de le savoir.

[Français]

    L'armée, en tant qu'employeur, peut-elle contester le rapport du médecin? Peut-elle exiger, par exemple, que le soldat rentre comme si de rien n'était? Peut-elle faire cela? Légalement, le commandant peut-il dire qu'il conteste le diagnostic afin que le soldat continue d'agir comme il le faisait avant?

[Traduction]

    Non, elle ne doit pas le savoir.

[Français]

    Non?

[Traduction]

    En fin de compte, c’est le médecin qui a le dernier mot. La chaîne de commandement médicale comporte certainement des freins et contrepoids mais, en bout de ligne, c’est une décision médicale.

[Français]

    Personnellement, êtes-vous inquiets de l'usage de médicaments sur le théâtre des opérations? Je parle de médicaments légaux. Je ne parle pas de gens qui consomment des substances illégales. Quand un médecin recommande l'usage de médicaments à quelqu'un qu'on renvoie sur le théâtre des opérations, cela vous inquiète-t-il, ou est-ce encore une décision purement médicale?

[Traduction]

    Je commencerai par répondre du point de vue d’un commandant. Le Général Grant a tracé un portait juste de la situation. Il existe – si vous me permettez l’expression – un contrat social, qui est bien plus qu’un simple contrat. Les règlements stipulent que la collectivité médicale ou le médecin militaire est dans l’obligation de m’informer des restrictions d’emploi du soldat à sa charge et de la date prévue du retour à l’unité. C’est toute l’information dont j’ai besoin à titre de commandant.
    Si la médication d’un soldat pouvait avoir un effet sur sa capacité de travail, le médecin militaire doit m’en aviser. Je n’ai pas besoin de connaître le nom du médicament ou la nature des effets secondaires.

[Français]

    Dans le secteur civil, au Canada ou au Québec, lorsque quelqu'un se casse une jambe ou se casse un bras, normalement, l'employeur ne conteste pas le fait que la personne s'est cassé le bras ou la jambe, mais il y a des périodes de consolidation. Après ces périodes de consolidation, il y a ce qu'on appelle un congédiement administratif, et l'on décide de ne pas réengager cette personne.
     J'imagine que, dans les Forces armées canadiennes, cela se fait aussi. Si quelqu'un s'est cassé la jambe à plusieurs endroits et qu'il ne peut plus retourner sur le terrain, peut-il être libéré par l'armée?
(1715)

[Traduction]

    Il existe une politique qui s’appelle l’« universalité du service ». En bref, elle définit les obligations des soldats en matière de condition physique et d'employabilité. Si un soldat ne répond pas aux exigences minimales, il pourrait être libéré.
    Y a-t-il un délai précis?
    Non.
    Non.
    Les Forces canadiennes sont un organisme altruiste. Nous avons consacré beaucoup de ressources et d’efforts à la formation des soldats et des officiers; nous ne cherchons donc pas à nous en débarrasser. Nous souhaitons plutôt les aider à recouvrer la santé pour qu’ils puissent reprendre du service. À mon avis, de plus en plus, nous faisons tout en notre pouvoir pour aider les soldats afin de nous assurer qu’ils retrouvent la santé et retournent au travail.

[Français]

    Général, ce que vous venez de me dire s'applique aussi au syndrome de stress post-traumatique, c'est la même chose. Il faut qu'il se rétablisse de façon minimale en moins de six mois, sinon on le libère.
    En fait, ce n'est pas cela du tout. Il pourrait être acceptable pour vous que ses capacités reviennent, mais avec des limites, à condition qu'il y ait un minimum de niveau d'entraînement ou de capacités physiques. C'est ce que vous recherchez.
    Vous recherchez cela aussi du côté du syndrome de stress post-traumatique; vous essayez de réintégrer le soldat. Si vous ne pouvez pas le réintégrer dans une unité de combat, par exemple dans l'infanterie, j'imagine que vous pouvez essayer de le muter à un poste administratif, par exemple. Faites-vous des efforts en ce sens?
    Tout à fait.

[Traduction]

    C'est le genre de situation ce qui leur conviendra le mieux. Si leur condition physique ne leur permet pas de faire partie de l'infanterie, nous pouvons les muter ailleurs. Même chose si leur vision est insuffisante. Si leur vision est trop faible pour un groupe professionnel en particulier, nous essayons de leur en trouver un autre pour lequel la vision exigée est moindre.
    C'est systématique. Que le problème soit mental ou physique, c'est pareil. Nous voulons qu'ils se rétablissent pour qu'ils puissent continuer de travailler pour les Forces canadiennes.
    Merci.
    Nous avons maintenant terminé les séries de questions prévues. Je voudrais seulement soulever quelques points avant de vérifier si quelqu'un souhaite ajouter quelque chose pour conclure.
    J'imagine que vous avez tous les trois été au centre d'entraînement de Wainwright. Nous essayons d'aller y jeter un coup d'oeil, seulement pour constater dans quelle mesure les soldats y sont préparés à la réalité qui les attend.
    Colonel Lavoie, je vous invite à commenter ce qui suit. Je crois que Laurie a effleuré la question de ce qui se produit réellement sur le terrain et au combat, et des leçons qui en sont tirées. Ces leçons parviennent-elles rapidement à Wainwright pour préparer les personnes qui s'apprêtent à partir?
    Oui, monsieur, absolument.
    Je crois que le Général Grant sera davantage en mesure de vous répondre, car une équipe de soldats en Afghanistan qui faisait partie de sa force opérationnelle était souvent en déploiement avancé avec nous et les autres unités. Leur présence n'avait pour but que leur permettre de tirer des leçons, de repérer les changements apportés aux tactiques, aux techniques et aux procédés de l'ennemi, et d'acheminer ces renseignements au Canada et au système d'instruction le plus rapidement possible. On assimilait donc ces notions, on les mettait en pratique au Canada, et on les incorporait ensuite dans l'instruction avant que les soldats suivants ne soient déployés.
    Général.
    C'est un mécanisme que l'armée a mis en place. Il s'agit d'une équipe de trois personnes : une personne qualifiée sur le plan technique, soit un officier qui pouvait porter attention au matériel, ainsi qu'un officier et un sous-officier qui portaient attention aux tactiques, aux techniques et aux procédés — à la façon d'agir sur le théâtre des opérations.
    Ils examinaient chaque incident ou la grande majorité — par exemple une explosion de mine ou des affrontements — pour trouver comment nous pouvions nous améliorer, comment nous pouvions apprendre de nos expériences. Il fallait rapidement rassembler ces connaissances et les transmettre à l'unité qui attendait d'être déployée.
    Nous nous améliorons beaucoup à cet égard. Ces pratiques sont nouvelles; nous n'y avions pas recours avant l'Afghanistan. Mais nous en tirons énormément profit en ce qui concerne la préparation de la rotation suivante.
    Je regarde le quartier général de ma force opérationnelle. Ce fut très rapide. Je regarde le quartier général de la force actuellement déployée sous la responsabilité du Général Laroche. Il est vraiment meilleur que le mien. Et quand je regarde celui qui sera déployé sous le commandement du Général Thompson, dans environ un mois, je le trouve encore meilleur. Donc, que ce soit grâce au quartier général ou aux soldats des compagnies d'infanterie, nous nous améliorons parce que nous apprenons de nos erreurs.
(1720)
    Très bien.
    Pourrais-je ajouter une précision qui permettra de mieux cerner la question? En juin, cette année, nous tiendrons la deuxième analyse après action annuelle de l'armée, au cours de laquelle les commandants de tous les niveaux — carabinier, tactique — se rassembleront à Wainwright pour examiner les leçons tirées.
    Nous ramènerons ensuite ce processus d'apprentissage à Kingston. Nous y rassemblerons les équipes de commandement des missions en Afghanistan de la dernière année pour qu'ils forment des groupes de travail qui se pencheront sur les leçons tirées de l'expérience, encore une fois pour les cerner et les transmettre.
    C'est donc la démarche que nous avons entreprise.
    Excellent. Merci de vos commentaires.
    J'aimerais apporter un commentaire personnel. Lorsque nous étions à l'aérodrome de Kandahar, nous avons assisté à l'exposé d'un jeune homme — je crois que Jim a dit qu'il était capitaine — qui avait suivi une formation sur la reconnaissance des dispositifs explosifs de circonstance et qui en savait aussi un peu sur le désarmement. Comment va ce jeune homme? Est-il toujours en fonctions?
    Il venait du Cap-Breton.
    Vraiment? Vous souvenez-vous de lui?
    Je me souviens de son visage, mais son nom m'échappe en ce moment. Je peux certainement le chercher pour vous.
    C'était un jeune homme très vif.
    Qu’en est-il de la jeune infirmière?
    Il y avait aussi une tireuse dans mon Nyala; elle s’appelait Tobi. J’ai conçu une présentation PowerPoint à notre retour. Je l’ai montrée à des centaines de personnes, et chaque fois je répétais qu’elle était belle, mais dangereuse, car elle était une tireuse.
    Voudriez-vous ajouter quelque chose avant de terminer?
    C'est pour nous un plaisir d'aborder un sujet qui, de toute évidence, est important pour vous et pour nous. Déployer des soldats à l'étranger pour une mission de combat est à la fois un honneur et un privilège, mais aussi une immense responsabilité. Ramener ces hommes et ces femmes chez eux est également une grande responsabilité.
    Disposons-nous de méthodes parfaites grâce auxquelles personne n'est victime de défaillances? Non. Disposons-nous de meilleures méthodes qu'à l'époque de la Bosnie? Certainement. Ce que nous espérons, c'est de continuer d'améliorer nos méthodes pour qu'en fin de compte, personne ne soit plus victime de défaillances.
    Des voix: Bravo!
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.