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Merci, monsieur, et merci de la présentation.
Avant de vous présenter mon exposé, je dois vous signaler qu'en nous présentant, vous avez dit que nous étions du ministère des Anciens combattants. Je ne travaille ni pour l'un, ni pour l'autre des ministères. Je suis un président bénévole. J'aimerais bien travailler pour le ministère des Anciens combattants, étant donné la rémunération qu'on y offre.
Les deux co-directeurs qui m'entourent sont du ministère de la Défense nationale et du ministère des Anciens combattants. Nous avons aussi deux coordonnateurs du soutien par les pairs. Je vous en reparle dans quelques instants. Ce sont eux qui sont aux premières lignes et qui traitent directement avec leurs pairs.
Certains des membres de cette équipe s'occupent du programme de soutien social pour les personnes atteintes de troubles post-traumatiques depuis le début. Je crois qu'au moins l'un d'entre nous pourra répondre à toutes vos questions, après mon exposé.
On me dit que vous avez reçu une copie papier de nos diapositives. Je ne vais pas toutes les lire. Je vais plutôt vous en présenter les points saillants en me concentrant sur le programme de soutien, les facteurs clés de sa réussite et les grands défis de l'organisation.
Je suis convaincu que vous connaissez tous le terme « blessure de stress opérationnel » ou BSO. Vous savez qu'il ne s'agit pas d'un terme diagnostique, mais plutôt d'un terme choisi par l'organisme de soutien social pour les blessures de stress opérationnel au Canada, afin de se concentrer sur cette lésion et pour la déstigmatiser. Le terme est maintenant employé par la plupart des cliniciens pour englober tous les problèmes de santé mentale liés aux opérations. On l'emploie aussi chez certains organismes militaires américains.
Notre présentation porte notamment sur les comités consultatifs mixtes du MDN et d'ACC sur les BSO. Ce groupe, créé en 2002, rassemble des intervenants de la Défense nationale, des Anciens combattants, des organismes d'anciens combattants, de la GRC et de diverses professions liées à la santé mentale. Il se réunit trois fois par année pour conseiller les deux co-directeurs, Kathy Darte et le major Mariane Le Beau. Ma rétroaction est fournie à la haute direction des deux ministères soit, plus précisément, au chef du personnel militaire, le major général Walt Semianiw, et au sous-ministre adjoint des services aux anciens combattants, Brian Ferguson.
Quant au SSBSO, il a été créé au sein du MDN au printemps 2001, en réaction au rapport du comité de la Chambre des communes, de la commission d'enquête sur la Croatie et du Bureau de l'ombudsman des Forces canadiennes. Peu après, un partenariat a été créé avec ACC, pour reconnaître que le bien-être des membres des Forces canadiennes, des anciens combattants et de leurs familles était une responsabilité partagée.
Le SSBSO résulte de la vision et des efforts d'un officier — dont le travail était semblable à celui du major Le Beau — soit son fondateur, le lieutenant colonel Stéphane Grenier. Il est récemment revenu d'Afghanistan et est maintenant le conseiller spécial pour les BSO auprès du chef du personnel militaire. Avec le général Couture, alors sous-ministre adjoint des ressources humaines au MDN, et le SMA Brian Ferguson, il a lancé le SSBSO. Mais je le répète, c'est Stéphane Grenier qui en est le réel fondateur et qui s'est beaucoup dévoué pour ce programme.
Sa partenaire chez ACC au début, Mme Kathy Darte, est présente ici. Elle continue cet excellent travail au côté de Mariane Le Beau, du MDN.
Le SSBSO a une double mission: élaborer des programmes de soutien social pour les membres et anciens combattants des Forces canadiennes et leurs familles aux prises avec des blessures de stress opérationnel et élaborer des programmes de sensibilisation et de formation pour aider les membres des FC à changer leur culture à l'égard des blessures de stress opérationnel.
La clé d'un tel programme d'entraide, ce qui est au coeur du programme du SSBSO, c'est la sélection des personnes qui s'en occupent, dès le départ. Prenez la page 3 de notre présentation. Vous y voyez les coordonnateurs du soutien par les pairs qui sont ici aujourd'hui. Shawn Hearn est le coordonnateur du soutien par les pairs pour Terre-Neuve-et-Labrador. Cyndi Greene, bien que Terre-Neuvienne, est coordonnatrice pour Calgary et le Sud de l'Alberta.
Comme tous les coordonnateurs du soutien par les pairs auprès de membres militaires et d'anciens combattants, les deux ont souffert de blessures de stress opérationnel. Ils se sont rétablis au point de pouvoir maintenant aider des personnes qui vivent ce qu'ils ont vécu, et c'est là l'ingrédient clé de l'entraide.
Outre le programme de formation de base de deux semaines que reçoivent tous les coordonnateurs, le SSBSO prévoit une formation permanente étendue, portant notamment sur la façon de prendre soin de soi, en tant qu'intervenant, et sur les familles des coordonnateurs du programme. Il s'agit essentiellement d'établir une relation de confiance avec les membres, les anciens combattants et leur famille, quand ils se présentent pour demander de l'aide, afin qu'ils puissent suivre leur propre rythme et qu'ils aient quelqu'un à qui se confier. Comme Shawn l'a dit à nombre de ses pairs au fil des ans, il faut offrir de l'espoir.
Il est essentiel que les intervenants du réseau d'entraide comprennent bien leur rôle: encourager les participants à obtenir une thérapie, à reconnaître leurs problèmes, qu'il y en ait un ou plusieurs, les référer à une ressource professionnelle et les aider à y avoir accès. Pour les coordonnateurs du soutien par les pairs, il y a un risque d'épuisement, de stress compassionnel, de traumatisme, de dépression et de maladies physiques. Ce qui est étonnant, et qui montre la qualité des personnes choisies par les codirecteurs de partout, c'est le souci avec lequel ces deux ministères s'intéressent à ce programme, qui est tel que les coordonnateurs ont très peu de problèmes depuis le lancement du programme.
Le SSBSO comporte quelques nouvelles initiatives et nous pourrons vous en parler en réponse à vos questions. Il y a, par exemple, le soutien par les pairs pour les familles endeuillées, qui est offert à la famille immédiate des militaires et aux anciens combattants des FC qui ont perdu un être cher pendant son service. Il s'agit encore une fois d'entraide, grâce à des gens qui ont vécu cette situation. Bien que cela ne fasse pas rigoureusement partie du mandat du SSBSO, cette initiative est offerte sous l'égide des gestionnaires.
La réussite de ce programme a suscité de l'intérêt au niveau international. Mme Kathy Darte et le major Le Beau pourront vous parler des démarches effectuées plus en détail, en réponse à vos questions.
La décompression dans un tiers lieu à Chypre permet aux militaires qui reviennent d'Afghanistan de passer quelques jours de transition loin des opérations en attendant le retour chez eux. C'est un élément qui améliore de beaucoup le programme de redéploiement. Shawn Hearn et Cyndi Greene, deux CSP, ont tous deux passé du temps avec les troupes à Chypre et pourront vous en parler, pendant la période des questions.
Nous avons appris quels sont les principaux éléments qui déterminent la réussite d'un programme comme celui-ci. Le premier, le plus important, c'est la nécessité de faire participer des pairs comme Greene et Hearn dès le début de l'élaboration du programme et des politiques y afférentes. Un partenariat interministériel sain est essentiel aussi, tout comme le recours à une équipe multidisciplinaire à l'appui de la gestion. Ce programme de SSBSO est un modèle de collaboration entre le MDN et Anciens Combattants Canada.
Il faut aussi insister sur la nécessité de prendre soin de soi-même et de se fixer des limites réalistes. Comme je l'ai dit au début, il faut recruter des personnes triées sur le volet, et c'est peut-être là où excelle ce programme, du moins, à mon avis. Pour bien prendre soin du groupe clé qui assure l'entraide, il est crucial de recruter, former et garder un réseau de bénévoles. Je suis convaincu que Cyndi et Shawn voudront vous parler des bénévoles. Pendant qu'ils sont ici, d'autres les remplacent auprès des pairs dont ils s'occupent habituellement.
Il y a certes aussi des défis. Par exemple, il y a bon nombre d'obstacles systémiques. Par exemple, des professionnels sont suspicieux à l'égard des non-professionnels qui s'occupent de santé mentale. En revanche, d'autres ont constaté la valeur de la collaboration avec les coordonnateurs du soutien par les pairs et en font l'éloge.
La simple superficie du territoire couvert par ce très petit groupe de coordonnateurs du soutien par les pairs est une chose fascinante. Nous reconnaissons que bon nombre de soldats vivent dans des régions rurales où il est difficile de les rejoindre. Pensons particulièrement aux réservistes, qui peuvent vivre loin des bases militaires: il peut être difficile de les rapprocher d'un coordonnateur du soutien par les pairs, ou de rapprocher d'eux le coordonnateur. Les deux coordonnateurs ici présents pourront vous en parler dans quelques instants.
Un autre défi quotidien pour les coordonnateurs, c'est l'élargissement du réseau de bénévoles dont j'ai parlé plus tôt. On a investi dans la recherche de ces personnes et dans leur formation et il faut ensuite arriver à les garder. Les groupes de soutien par les pairs qui sont si précieux pour le programme nécessitent beaucoup d'efforts, de temps et de coordination. Bon nombre de pairs sont réticents à se rencontrer à la base même. Il peut donc même être difficile de trouver un lieu de rencontre.
Le dernier défi n'est certes pas le moindre. Sans aucun doute, il y a eu des changements, bien que très lents, dans la culture des Forces canadiennes à l'égard des problèmes de santé mentale. Il reste qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. La sensibilisation et la formation sont essentielles au changement des mentalités, dans ce cas-ci comme dans bien d'autres, et les demandes à court terme éclipsent trop souvent les investissements à long terme. Il faut beaucoup d'efforts pour conserver les acquis des dernières années. Cela continuera d'être un grand défi.
Avant de terminer, j'aimerais que Shawn Hearn et Cindy Green vous parlent en deux minutes de leurs activités.
Shawn, c'est à toi.
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Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis Cyndi Greene. Je suis aussi de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis née et j'ai grandi dans une petite localité de 150 habitants appelée Pinware, sur la côte sud.
Je suis devenue membre de la force régulière en 1989, immédiatement après l'école secondaire. J'y été cuisinière pendant 15 ans. Dans mes six premières années, je travaillais pour le 1er régiment du génie de combat à Chilliwack. J'ai été l'une des premières femmes à faire partie d'une unité de campagne. Avec ce régiment, j'ai fait une période de service à l'étranger. En 1992-1993, j'ai été déployée avec ce régiment en Croatie, puis je suis allée en Bosnie en 1994. En 1995, j'ai été affectée aux grands navires de guerre à Esquimalt, et nous avons fait diverses choses là aussi.
Comme Shawn, on m'a donné un diagnostic de trouble de stress post-traumatique après ma période de service de 2000. J'ai eu une libération pour raison médicale en 2004. J'ai commencé à travailler pour le programme de SSBSO, comme bénévole, à Victoria, en Colombie-Britannique, avant de déménager à Calgary, où j'ai eu le poste de coordonnatrice du soutien par les pairs pour le Sud de l'Alberta. Je suis à Calgary, mais mon territoire couvre tout le Sud de l'Alberta.
Je suis au SSBSO depuis février 2006 et comme Shawn, mon rétablissement a été assez long. Il y a eu des problèmes administratifs au travail avant que je comprenne enfin ce qui se passait. J'ai passé trois mois dans un centre de traitement pour une dépendance aux médicaments prescrits, puis j'ai vu un psychiatre et un psychologue. La thérapie est toujours en cours, même si mes traitements sont moins fréquents.
J'ai un conjoint, Brad, et notre fille s'appelle Rebecca, elle a dix ans, comme si elle en avait trente.
Je suis en contact avec environ 197 ex-militaires et quelques militaires toujours en service dans le Sud de l'Alberta.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Colonel, je suis convaincu que ce n'est pas terminé et que vous avez encore beaucoup d'années à donner au Canada. Félicitations pour votre travail.
Major, mesdames et messieurs, je pense que nous avons probablement aujourd'hui nos plus importants témoins, parce que si nous voulons savoir exactement ce qui se passe dans la tête des militaires, au sujet de la façon dont nous traitons les soldats et ceux qui ont été libérés, il faut savoir exactement ce qui se passe sur le terrain.
Ce qui me préoccupe, c'est que nous avons entendu parler de l'agent Orange, de l'Opération Plumbbob et maintenant, du Chicoutimi. Qu'avez-vous à dire au sujet de ces soldats qui se sentent abandonnés?
Pour commencer, vous l'avez dit, il y a la question de la culture des Forces canadiennes à l'égard des problèmes de santé mentale. Par ailleurs, il y a des choses qui échappent au système. Il y a aussi une lourde bureaucratie au ministère lui-même. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Je sais que vous ne suivez pas une démarche clinique, mais si vous aviez des recommandations à faire, au sujet de la façon dont on traite des soldats qui souffrent véritablement, qui se sentent très seuls et qui attendent parfois des années et des années avant qu'on leur réponde, que diriez-vous?
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Mais l'une de mes préoccupations c'est que l'on donne parfois l'impression que l'on veut diviser et conquérir. J'explique.
Il y a un manque de transparence ou on a l'impression qu'il y a un problème avec toute la paperasse. Ce n'est pas seulement fondé sur l'approche clinique; c'est tout simplement pour régler leur propre situation.
Vous avez parlé de la Bosnie. Il y a des problèmes. Certaines de nos troupes ont eu des problèmes de TSPT, et il y a eu également le problème de l'uranium. Il y a eu l'opération Plumbbob au Nevada en 1957; ils attendent toujours une réponse, et ils n'en ont pas reçue.
C'est la même chose en ce qui concerne le Chicoutimi. Après trois ans et demi, on va maintenant vérifier le contenu de la fumée.
Tout ce que j'essaie de comprendre — pour être en mesure de faire des recommandations — c'est que nous avons parlé d'une approche systémique. Quelle devrait être la meilleure approche afin de s'assurer que ces gens... À un moment donné ils se sentent tellement seuls, et je félicite votre organisation, car tout est dans le suivi.
Cependant, en même temps, si nous voulons régler ces problèmes, nous devons trouver des freins et contrepoids dans le processus avec diligence raisonnable qui permettront à ces gens de voir la lumière au bout du tunnel. Cela va au-delà du problème clinique. Il est clair qu'ils ont même des problèmes à obtenir de l'information au sujet de leurs propres dossiers.
Et ils vous parlent constamment. Qu'est-ce qu'ils vous disent à ce sujet, major, colonel, Cyndi, Kathy?
Monsieur, en travaillant avec un certain nombre de pairs, comme le colonel l'a dit — je ne vais pas entrer dans les détails au sujet de la réintégration — je travaille avec certains pairs dans la province qui ont réintégré l'Armée avec succès. À l'heure actuelle, il y a un soldat qui vient de retourner en Afghanistan. Au bout du compte, pour certains de ces soldats, la récupération est longue. Je suppose que pour certains de ces soldats, ça passe ou ça casse. Ils se rendent compte qu'ils peuvent retourner en uniforme ou qu'ils peuvent continuer.
En tant que coordonnateur du programme de soutien par les pairs sur le terrain, je suppose qu'un rôle important que nous jouons consiste à les aider à se réhabiliter. Bon nombre de ces soldats, lorsqu'ils viennent nous voir, se sentent très isolés et très seuls. Une partie de notre travail consiste à tout simplement leur donner le sentiment qu'ils ne sont pas seuls. On m'a fait un commentaire l'été dernier à Chypre lorsque j'étais là-bas pour la réintégration au Canada, on a dit que le soutien aux victimes de stress opérationnel fonctionne parce que nous avons le point de vue du soldat, le point de vue de l'ancien combattant, et que ce ne sont pas des gens en blouse blanche qui leur parlent — sans vouloir manquer de respect à ceux qui portent des blouses blanches. Je pense que c'est pour cette raison que le soutien social aux victimes de stress opérationnel fonctionne: nous avons vécu la même expérience qu'eux, et nous comprenons ce qu'ils ressentent.
Souvent, avec le soutien par les pairs, nous pouvons parler à ces gens, comme je l'ai dit, en tant que soldats. Nous pouvons expliquer la situation. Parfois, nous pouvons enlever notre chapeau de coordonnateur du Service de soutien aux victimes de stress opérationnel et mettre notre chapeau de soldat d'infanterie et dire au gars: « Écoute, tes médecins ont mis en place un plan de traitement pour toi, alors prends-toi en main et écoute-les. C'est pour cela qu'on les paie si cher. Ils ont les connaissances et l'éducation pour te mettre sur la bonne voie ».
C'est un rôle important que nous jouons. Je ne suis pas certain si Cyndi voudrait ajouter quelque chose.
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Je pense qu'il y a certainement deux séries de chiffres, et je vais demander à Kathy de répondre par la suite.
Comme M. Ethell le dit, depuis le tout début de la campagne en Afghanistan, nous avons constaté qu'il y avait un phénomène, anecdotique mais néanmoins cela semble ressortir, selon lequel bon nombre des pairs des années 90 qui avaient eu accès aux services et avaient cessé de les utiliser revenaient, car il y avait d'autres éléments qui déclenchaient de nouveau les problèmes. Il y a donc ce redéclenchement qui a eu lieu.
Comme M. Ethell le disait, il y a également des gens qui ont vécu des conflits par le passé et pour qui le phénomène est redéclenché parce qu'on en parle aux nouvelles. Voilà donc ce qui se passe.
Il y a le fait également que certains soldats qui reviennent de l'Afghanistan viennent peut-être nous voir avec des problèmes de syndrome de stress opérationnel mais ils ont peut-être une blessure qui date d'un déploiement antérieur, et il n'est pas possible pour nous de le déterminer non plus.
Il y a certainement des soldats qui développeront un syndrome de stress opérationnel qui n'ont été déployés qu'en Afghanistan, particulièrement les jeunes soldats. Certains d'entre eux ont déjà peut-être été déployés deux ou trois fois.
J'ai des chiffres au sujet des soldats qui ont été déployés en Afghanistan et qui ont accès à nos services, mais je voulais d'abord faire toutes ces petites mises en garde, car il n'est pas vraiment possible pour nous de donner un chiffre exact.
À l'heure actuelle, nous avons environ 235 pairs qui ont été déployés en Afghanistan, sur un total de plus de 3 000. Du côté des familles, nous avons près de 100 familles qui ont accès à nos services et dont les partenaires ont été déployés en Afghanistan.
Je vais maintenant donner la parole à Kathy.
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Vous savez qu'il y en avait trois. Je vais tenter de m'en souvenir.
Pour ce qui est de votre question concernant le retour au travail et si cela est plus difficile, pour ma part la majorité des gens que j'ai rencontrés ne font déjà plus partie des forces militaires. Ils se manifestent maintenant, et je pense que c'est attribuable en grande partie au bouche à oreille, comme tout le monde l'a dit ici. Il y en a qui demandent de l'aide et ils voient des résultats, et ensuite leurs amis remarquent un changement et leur demandent: « Qu'est-ce qui se passe chez toi? » et ils répondent: « Tu dois passer un coup de fil à untel ou à unetelle. »
Je travaille avec des gens à Thunder Bay et je vis à l'extérieur de Calgary tout simplement parce que j'ai des amis de ces gens... Je travaille dans les bureaux des Affaires des anciens combattants. Je peux vous dire une chose: dans le bureau où je travaille, Anciens combattants s'occupe vraiment de ses clients. Chaque fois qu'un soldat ou qu'un ancien soldat compose le numéro sans frais et souhaite faire une demande ou poser une question au sujet du trouble de stress post-traumatique ou du stress opérationnel en général, on les renvoie automatiquement au personnel des Services de soutien aux victimes de stress opérationnel à mon bureau. Je pense que c'est en partie la raison pour laquelle je suis si occupée.
Je connais les réservistes de la base de Calgary. C'est la Brigade 41, avec laquelle je travaille en Alberta. Ils viennent tout juste d'entreprendre une nouvelle initiative, et je pense que cela s'appelle Opération Home Grizzly, mais je n'en suis pas certaine à 100 p. 100. Il y aura un comité, et il y aura un représentant d'unité par unité de réserve. Ces représentants seront les officiers de liaison. Nous ferons partie du comité afin de nous assurer que ces gens ne tombent pas entre les mailles du filet. Le comité sera composé de représentants des Services de santé des Forces canadiennes, des représentants d'unités, d'Anciens combattants Canada, les aumôniers, les cliniques de stress opérationnel, les centres de ressources familiales, et naturellement les Services de soutien aux victimes de stress opérationnel.
On fait donc des efforts. Du point de vue des Affaires des anciens combattants, je peux vous dire que je suis absolument convaincue que personne qui se manifeste ne tombe entre les mailles du filet.
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Je pense que la décompression dans un tiers lieu à Chypre a été excellente. Quand je suis rentré, j'ai fini par tomber entre les mailles du filet, car je ne connaissais pas du tout les ressources auxquelles je pouvais avoir accès.
J'ai trouvé qu'il était fort encourageant à Chypre de voir les soldats de tous les rangs venir nous parler après nos séances d'information. Ces séances mettaient surtout l'accent sur le programme SSBSO, le soutien par les pairs et le redéploiement du point de vue des anciens combattants — le fait de rentrer à la maison et de leur parler de comment c'était quand je suis rentré chez moi, de raconter mon parcours personnel de guérison.
Je pense que l'on peut encore s'améliorer, mais j'ai trouvé cela fort encourageant que des jeunes hommes et femmes qui m'ont vu à Chypre viennent me voir maintenant à St. John's pour me dire: « Ah, je me rappelle de vous quand j'étais à Chypre, vous nous parliez du programme SSBSO ».
Dans notre présentation à Chypre, il y avait une diapositive qui parlait de réactions qui pouvaient survenir quand on rentrait à la maison. Il est important de se rappeler la définition qui se trouve dans l'exposé du colonel Ethell, dans lequel on parle de « toute difficulté psychologique persistante ». Bon nombre d'hommes et de femmes, quand ils rentrent à la maison, vont faire face à des réactions normales après avoir servi dans un endroit comme l'Afghanistan, qui est fort différent. Mais ce qui est important... et c'est ce que je souligne toujours dans mes présentations, je leur dis: « Écoutez, je ne suis pas ici pour faire croire à quiconque qu'il souffre d'une blessure de stress opérationnel. Je ne suis pas qualifié pour dire à quiconque qu'il souffre de cela. Mais, si vous rentrez chez vous et que vos problèmes persistent, alors la sonnette d'alarme risque de se faire entendre et vous allez peut-être devoir trouver de l'aide. »
Il y a bon nombre de personnes qui nous contactent, Cyndi et moi, car notre programme est complètement confidentiel. Les gens le savent, alors ils viennent nous voir. Nous passons beaucoup de temps à encourager ces gens à contacter soit les Services de santé des Forces canadiennes ou encore Anciens combattants Canada.
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Je peux bien répondre à cette question, car je viens de Terre-Neuve. La province comporte bon nombre de régions rurales et éloignées. À l'heure actuelle, je travaille au bureau de district des Anciens combattants. En revanche, je suis également responsable des autres bases à Terre-Neuve, soit à Gander et à Goose Bay.
Les bénévoles jouent un rôle de premier plan dans notre programme SSBSO. À l'heure actuelle, il y a sept bénévoles qui habitent un peu partout à Terre-Neuve-et-Labrador. Il y en a un à Goose Bay, et un autre à Corner Brook, sur la côte ouest. J'ai également un bénévole qui habite au centre de Terre-Neuve et quatre qui se trouvent à Avalon.
Le téléphone est un outil très important pour nous. De plus, nous vivons à une époque différente, avec Internet, et bon nombre de nos pairs passent beaucoup de temps à y naviguer.
Pour vous donner un aperçu de mon travail, je vous dirais que je suis en contact avec environ 168 pairs dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Bon nombre d'entre eux retournent dans des régions éloignées. Un des plus grands défis que nous avons dû relever est d'avoir accès à des professionnels de santé mentale qui se trouvaient à l'extérieur des régions de Gander, Goose Bay et Corner Brook, et qui étaient situés dans les régions éloignées.
Ce que nous faisons principalement — et souvent cela fait toute la différence — c'est de briser l'isolement et de donner aux gens une personne à qui parler. J'aime bien me rappeler que Dieu nous a donné une bouche et deux oreilles pour une certaine raison. Une bonne partie de mon travail consiste à tout simplement écouter.
L'on nous raconte d'habitude des choses très confidentielles, qui peuvent parfois être extrêmes. Nous sommes là, à l'autre bout du fil pour dire: « Je comprends. Je sais d'où tu viens, et je sais ce que tu as fait. Mais, au bout du compte, il y a de la lumière au bout du tunnel. »
Comme l'a dit le colonel, nous sommes là pour représenter un symbole d'espoir. Bien souvent, nous représentons pour eux cette source d'espoir. Ils viennent nous voir quand les choses ne tournent pas rond.
Lorsqu'il s'agit d'une nuit tempétueuse et qu'un ancien soldat à Rocky Harbour ou Pumphandle Junction est en difficulté, il peut prendre le téléphone et m'appeler. Nous avons un numéro sans frais. Il peut donc prendre le téléphone et m'appeler gratuitement.
Au bout du compte, quand les temps sont durs — ils disent qu'ils se retrouvent « dans le bunker » — ou que cela fait trois jours qu'ils se trouvent dans leur sous-sol et que leur femme leur dit qu'ils doivent parler à quelqu'un, ils peuvent tout simplement prendre le téléphone et nous appeler. Ça fait une grande différence pour eux. Cela leur permet d'enlever un fardeau sur leurs épaules.
Des bénévoles sont essentiels. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit de « bénévoles ». Je ne peux pas en appeler un pour lui dire qu'il peut faire ceci ou cela. On les sélectionne avec une grande minutie, parce qu'il s'agit de gens qui veulent faire une différence et aider la société. Ils font l'objet d'une évaluation médicale, et sont donc à un moment dans leur vie où ils peuvent véritablement être là pour appuyer quelqu'un d'autre.
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En tant que personne qui ne représente pas le ministère, je vais vous donner mon point de vue personnel, puis ces deux-là tenteront d'esquiver la question ou de vous répondre franchement.
Au début, le programme n'avait qu'un effectif de quatre, et il a fallu, comme vous dites, que la haute direction, le général Couture et M. Ferguson, y adhèrent et cherchent à en assurer la réussite. Mais il n'y avait pas de fonds. On a fini par obtenir des fonds. Plus tard, comme vous le savez, on a pu créer les cinq nouvelles cliniques BSO grâce au nouveau financement accordé aux Affaires des anciens combattants. Ces centres fonctionnent très bien et ne sont pas aussi bureaucratiques que les CSBSO; le cheminement est un peu plus rapide, mais c'est simplement à cause des façons de fonctionner des deux ministères.
Je vois que le médecin chef, Dieu la bénisse, compte ajouter 450 personnes au personnel clinique. Je ne sais pas où elle va trouver ces professionnels, mais cela sera excellent. Ce que nous aimerions, savoir, c'est combien d'entre eux seront des CSP et combien seront des CSPF. Permettez-moi d'ajouter que Cindy est une des deux seules coordonnatrices de soutien par les pairs que nous avons. Les CSPF sont toutes des femmes, alors leur situation est assez spéciale. Mais il ne s'agit pas d'une question de sexe; il s'agit simplement de savoir qui peut faire le travail.
Alors, ce serait bien que certains de ces fonds octroyés au MDN — et nous avons les 9,5 millions de dollars octroyés au MAAC dans le dernier budget...
Y a-t-il une pénurie? Pour répondre à votre question, je dirais qu'il y a effectivement une pénurie. Je suis sûr qu'on souhaiterait de pouvoir compter sur un bien grand nombre de personnes.
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Nous vous remercions du rôle que vous jouez à ce stade de votre carrière en permettant au programme de SSBSO de bénéficier de votre leadership et de votre expertise, pour le bien de nos soldats.
Quand on intervient tard dans le débat, comme c'est le cas pour certains d'entre nous, on constate que bien des questions ont déjà été posées.
Si vous le permettez, j'aimerais faire une observation. D'abord, dans ma circonscription sur la côte ouest, nous avons une organisation qui s'appelle l'INRGIT, à savoir l'institut national de recherche et de gestion de l'incapacité au travail. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler; on y parle de blessures au travail. Il y a un programme qui a été élaboré et en Colombie-Britannique on établi l'université de la Côte Pacifique — la province vient de célébrer son ouverture — dans le but de gérer les blessures au travail. En vertu du type de gestion des ressources humaines qu'on prône, il s'agit de s'attaquer au problème des blessures au travail aussi rapidement que possible et d'assurer le suivi des employés concernés pour qu'ils bénéficient du traitement dont ils ont besoin au début comme après leur guérison. Si ces personnes sont incapables de reprendre leur travail, on leur trouve autre chose.
Cette initiative est reconnue à l'échelle internationale. On peut parler de réussite canadienne, même s'il reste des défis de taille à surmonter.
Ce qui m'amène à ce que je voulais dire. D'après ce que j'ai entendu, les forces armées semblent suivre le même cheminement en s'assurant d'intervenir de façon précoce. Je vous félicite de ce qui se fait en matière de soutien par les pairs et du travail effectué par les bénévoles auprès de familles endeuillées. Je dois dire qu'étant donné la pénurie de travailleurs dans le domaine de la santé mentale, c'est merveilleux de pouvoir faire appel, comme premier point de contact, à des gens qui ont été sur le terrain et qui comprennent le stress qu'endurent les proches.
Vous faites quelque chose de merveilleux et peut-être que vous pourriez bénéficier d'une aide internationale pour ce qui est de la formation de vos deux leaders en ressources humaines, et de tous les bénévoles et des autres qui vous accordent leur appui. Il y a vraiment eu des percées dans ce domaine et j'ai l'impression que vous êtes sur la bonne voie.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue aux travaux du comité. J'ai manqué quelques rencontres dernièrement, mais j'ai l'impression que j'ai bien choisi ma rencontre aujourd'hui. Je tiens à vous féliciter pour ce programme que je qualifierais de mentorat. Je suis ingénieur. Nous agissons comme mentors d'ingénieurs à notre manière. On peut transmettre entre pairs des choses qui ne peuvent l'être d'une autre manière. C'est l'essence même de votre programme.
On a parlé de dépenses. Je pense que votre programme est un investissement parce que vous êtes en mesure d'aider des personnes qui ont des problèmes de santé et des problèmes psychologiques beaucoup plus grands. Au fond, on parle de vies brisées. Vous pouvez donner à ces gens de l'espoir et les aider à se replacer. C'est très, très encourageant. Vous touchez le coeur de nos travaux, et à ce titre, il est intéressant de vous entendre.
Vous nous aidez aussi à mieux comprendre et à démystifier le syndrome de stress post-traumatique. J'ai quelques brèves questions à vous poser à ce sujet.
Aidez-vous aussi les gens qui ont des troubles psychologiques? Vous avez dit avoir 21 coordonnateurs pour les pairs, les militaires et les anciens combattants, et 20 pour les familles. Or, on a parlé de 3 000 clients et de 77 familles. Je trouve que le nombre de pairs militaires est très élevé par rapport à celui des familles.
Avez-vous des coordonnateurs francophones? Si oui, combien? Leur nombre varie-t-il en fonction de la demande? Il est important de pouvoir s'exprimer en français dans ce contexte. Je vois que vous avez des coordonnateurs qui s'expriment dans la langue de Terre-Neuve, qui est la troisième langue nationale, mais avez-vous des coordonnateurs qui parlent français?
S'il reste du temps, je poserai une question plus personnelle.