:
Merci beaucoup, monsieur le président et honorables députés. Je vais essayer d'être assez bref et de m'en tenir à la déclaration que j'ai sous les yeux. Je ne peux pas vous garantir que je ferai pareil au moment de répondre aux questions, évidemment. Nous verrons bien.
[Français]
Bonjour.
Je suis heureux d'avoir cette occasion de vous parler des services de santé des Forces canadiennes à l'appui des opérations déployées.
Comme vous le savez, à titre de commandant du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, je suis responsable de tout le personnel des Forces canadiennes déployé sur des missions internationales. Je reçois la direction stratégique du chef d'état-major de la Défense, je produis des plans et je supervise les opérations qui en résultent. Dans le langage actuel des Forces canadiennes, je suis un employeur de force. Les responsables de la mise sur pied d'une force, autrement dit des générateurs de la force, principalement la marine, l'armée et la force aérienne, ont la tâche de produire, d'équiper et de préparer leurs forces pour des missions nationales et internationales. Ils sont ensuite assignés à mon commandement opérationnel pendant leur emploi outre-mer, conformément à la direction fournie ou au nom du CEMD.
Actuellement, il y a un total de 16 missions outre-mer impliquant environ 3 000 membres des Forces canadiennes, tant réguliers que réservistes. Les missions à l'étranger ont beaucoup changé au cours des dernières années. Elles vont du maintien de la paix traditionnel, de l'interdiction maritime, des évacuations de non-combattants à de l'aide humanitaire. Les missions varient aussi en termes de conditions locales, mais en général, tout le personnel assigné sert dans des environnements qui présentent des risques personnels et des difficultés d'existence importantes.
[Traduction]
La mission avec le profil le plus élevé des Forces canadiennes et la plus exigeante est certainement celle en Afghanistan. Cette mission n'est pas aussi vaste que certaines que nous avons eues au cours des 15 dernières années, notamment en Bosnie à son pic, mais elle est clairement la plus intense en ce qu'elle comporte des opérations de contre-insurrection contre un ennemi déterminé. Cela signifie bien sûr que notre personnel en Afghanistan connaît un stress psychologique associé aux conditions difficiles, à la violence et au danger à une échelle importante.
L'autorité du commandement sur le personnel pendant des périodes où il reçoit une formation spécifique à la mission avant le déploiement relève du responsable approprié de la mise sur pied d'une force, principalement des commandants respectifs de l'armée, de la marine et de la force aérienne. Bien entendu, elle leur revient aussi une fois que ces forces rentrent au pays pour récupérer et se préparer à reprendre leurs tâches normales. J'axerai donc mes remarques sur la façon dont j'exerce mes responsabilités de commandement pour la prestation de services de santé au personnel déployé outre-mer et je me concentrerai sur l'Afghanistan, le plus important effort.
Pour toute tâche éventuelle outre-mer, le COMFEC effectue un processus d'analyse pour déterminer la composition et l'effectif des forces nécessaires en relation avec l'environnement opérationnel évalué, la mission, les tâches et le concept des opérations. Les exigences de protection de la force, de soutien logistique et de soins de santé sont tous des impératifs précis majeurs pour lesquels le CEMD doit être convaincu que la force déployée a ce dont elle a besoin pour assurer la réussite de la mission.
À mesure que la mission évolue, la composition de la force est examinée en détail entre nous et les responsables de la mise sur pied de la force tous les six mois pour veiller à ce qu'elle demeure pertinente et appropriée aux exigences de la mission. De même, par le biais d'un cadre relativement robuste de leçons retenues, les leçons sont capturées sur une base continuelle dans le théâtre et analysées par les responsables de la mise sur pied de la force pour adapter et améliorer d'une façon très dynamique la doctrine, l'équipement, la formation et les méthodes d'opération pour ceux qui se déploieront sur de futures rotations.
[Français]
En Afghanistan, notre présence médicale et dentaire est la plus complète que nous ayons déployée depuis la guerre du Golfe, avec un total de 166 membres des services de santé et un petit nombre de renforts cliniques civils sous contrat, ainsi que 21 autres en soutien direct à d'autres emplacements avancés. Un système de catégories basé sur des niveaux de soins progressivement plus grands et plus diversifiés répond aux besoins de notre personnel dans le théâtre, dans et hors des barbelés ou, comme on le dit en bon français, inside or outside the wire.
Au niveau de base, tous les soldats sont qualifiés en secourisme de combat et peuvent fournir des soins rudimentaires immédiats. Plusieurs sont formés selon une norme plus spécialisée de soins aux blessés en combat tactique. Bien que cliniquement non professionnels, ces individus fournissent un premier niveau d'intervention initial et potentiellement critique. Le premier niveau d'expertise médicale professionnel est défini comme rôle 1. À ce niveau, des techniciens médicaux, l'équivalent des techniciens paramédicaux civils, se déploient sur des patrouilles à haut risque et fournissent la stabilisation d'urgence sur place. Le rôle 1 comprend aussi des adjoints au médecin et des médecins aux bases opérationnelles avancées pour fournir les soins médicaux de routine et ceux qui sont au-delà de la fonction des techniciens médicaux. Cette capacité à fournir un traitement initial d'urgence est extrêmement importante pour augmenter les chances de survie et un rétablissement plus complet.
[Traduction]
Lorsque la gravité de la blessure exige des soins plus complexes, le patient est rapidement transféré à notre installation médicale de Rôle 3 à Kandahar, qui est en mesure de procéder à des interventions chirurgicales et d'offrir d'autres soins spécialisés. Cette installation de classe mondiale, que certains d'entre vous ont vue, je crois, est multinationale pour ce qui est de sa composition, mais est dirigée et dotée principalement par des membres des Forces canadiennes. Grâce à l'application professionnelle et dévouée d'une médecine moderne du champ de bataille, ces individus ont sauvé de nombreuses vies. Je me fais un point d'honneur de visiter l'installation de Rôle 3 à chacune de mes visites dans le théâtre.
Les patients dont l'état est suffisamment sérieux pour les empêcher de poursuivre leur participation à la mission sont rapatriés au Canada après que leur état se soit stabilisé et qu'ils aient reçu des soins avancés pendant une période limitée au Centre médical militaire régional des États-Unis de Landstuhl en Allemagne, une autre installation de classe mondiale où un grand nombre de vies canadiennes ont été sauvées.
Ayant visité le théâtre à 20 reprises au cours des six dernières années, j'ai une opinion très positive du soutien en matière de santé que nous avons sur place, en fait de professionnels en soins de santé, de soldats formés et d'une chaîne de commandement qui est entièrement consacrée à l'importance de s'occuper de nos hommes et de nos femmes. Je crois que le sentiment de confiance de nos soldats est si fort que, peu importe où ils sont en danger, ils seront soignés rapidement et le mieux possible.
En plus des blessures physiques que notre personnel peut subir, celles liées au stress opérationnel reçoivent une attention égale et un même engagement en termes de ressources. Je peux vous assurer que les chefs à tous les niveaux de la chaîne de commandement, depuis la section ou l'équipage jusqu'au chef d'état-major de la Défense, sont très au courant du risque élevé des opérations en Afghanistan et sont tout à fait conscients de leurs responsabilités visant à s'assurer que le cadre de soutien nécessaire dans le théâtre est en place et que les unités, à titre d'équipes cohérentes et individuellement, sont préparées le mieux possible pour faire face aux défis connexes.
Dans tout ce domaine, les Forces canadiennes en général ont réalisé des progrès importants au cours de la dernière décennie en ce que les blessures causées par le stress opérationnel sont de plus en plus considérées dans le même contexte que les blessures physiques.
Au cours de la formation de prédéploiement menée par les responsables de la mise sur pied de la force, tous les efforts sont faits pour simuler avec autant de réalisme que possible les conditions dans lesquelles nos troupes opéreront. Savoir à quoi s'attendre peut améliorer la capacité d'un individu à affronter des situations stressantes. Mais au cours de la formation, on montre aussi aux chefs à détecter des signes de stress et de pression indue chez leurs subordonnés et divers moyens de leur fournir du soutien et de les aiguiller vers des professionnels en santé mentale dans le théâtre.
Une fois aiguillés, les patients sont soigneusement examinés pour déterminer si un traitement est requis et, le cas échéant, si ce niveau de traitement les empêchera de poursuivre la mission. Ces évaluations ne sont effectuées que par des professionnels cliniques compétents, tout en gardant la chaîne de commandement informée des limitations d'emploi afférentes et des exigences du patient. Le colonel Bernier vous en dira plus long sur l'infrastructure des services de santé dans le théâtre relativement à la santé mentale.
J'ajouterai simplement que le premier niveau d'intervention et de protection, c'est l'équipe qui entoure chaque soldat, que ce soit son équipage de véhicule ou une section d'infanterie ainsi que les chefs à chaque niveau, qui se voient tous comme ayant un rôle central dans la surveillance mutuelle.
[Français]
Sous ma direction, une activité intérimaire de décompression postdéploiement fait partie intégrante du processus de retour pour tous les membres déployés. Le but de ce programme est conçu comme une injection contre le stress de réintégration, en fournissant une voie intérimaire entre la structure dangereuse, rapide et rigide du théâtre de combat et l'environnement au foyer. Le programme est conçu pour fournir un environnement positif loin des pressions du théâtre opérationnel. Les soldats sont capables de socialiser, de relaxer, de réfléchir sur leurs expériences et de recevoir des briefings éducatifs sur les blessures liées au stress. Ce processus a été bien reçu par notre personnel, bien que la mesure réelle de son efficacité ne sera apparente qu'avec le temps.
[Traduction]
Pour ce qui est des questions de santé en général et de la santé mentale en particulier, l'information est tenue par nos professionnels en soins de santé des FC, et elle est analysée et discutée avec la chaîne de commandement opérationnelle, au besoin.
D'après mon expérience d'un peu plus de deux ans à commander des opérations en Afghanistan, je peux dire que les blessures dues au stress opérationnel n'ont jamais été identifiées par aucun des trois commandants dans le théâtre — les généraux Fraser, Grant, puis Laroche — comme ayant un effet négatif sur les opérations ou présentant un défi qu'ils ne peuvent relever. L'indicateur le plus visible de problèmes de santé mentale ayant un impact négatif sur les opérations serait le nombre de personnes qui doivent être rapatriées du théâtre pour des blessures liées au stress opérationnel. Jusqu'à maintenant, ces chiffres sont très faibles et montrent bien le succès de notre apport en professionnels en santé mentale et de notre formation de prédéploiement.
D'un point de vue très pratique, la santé et le bien-être de nos forces sont essentiels à la réussite de la mission. Naturellement, la confiance en notre capacité de fournir les soins de santé nécessaires est un outil important pour le bon moral des forces déployées.
Enfin, il y a un principe d'éthique plus général du leadership militaire voulant que s'occuper diligemment de ceux qui sont sous son commandement est une nécessité et un engagement moral et éthique, en particulier à la lumière de l'acceptation du risque ultime que ces individus ont pris.
Comme commandant responsable de la mission en Afghanistan et d'autres forces déployées, j'ai confiance que tous nos soldats qui mettent leur vie en danger reçoivent un niveau d'attention et de soin excellent. Ils ne méritent pas moins, compte tenu des défis auxquels ils sont confrontés en Afghanistan en particulier.
Je serai heureux de répondre à vos questions, mais je vous préviens que je vais m'en remettre au colonel Bernier pour les questions de nature médicale. Bien entendu, je vais attendre que le colonel ait fait sa déclaration avant de répondre à vos questions.
:
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui en compagnie du général Gauthier.
Je suis le directeur des Opérations des services de santé au sein du groupe des services de santé des Forces canadiennes. Ma direction est chargée de fournir des conseils d'ordre médical à l'État-major interarmées stratégique. Aussi, par l'entremise du Commandement du soutien opérationnel du Canada, elle aide les commandements opérationnels à planifier, à préparer et à exécuter tous les aspects du soutien des services de santé offert aux opérations militaires.
[Français]
Voici quelques-unes de mes principales responsabilités: évaluer les menaces pour la santé auxquelles pourraient être exposés les participants à une opération particulière; établir et organiser les mesures et les capacités nécessaires à la protection de la santé des forces déployées et au traitement et à l'évacuation des blessés à partir du point où la blessure a été subie jusqu'au Canada; organiser la formation professionnelle et technique à dispenser aux unités et au personnel des services de santé qui s'apprêtent à partir en mission; assurer la coordination avec les services de santé des pays hôtes et alliés, dans le but de maximiser l'utilisation efficace des ressources de la coalition; s'assurer que les éléments des services de santé qui sont déployés bénéficient de tout le soutien professionnel et des ressources des services de santé dont ils ont besoin au cours de la mission; évaluer et coordonner les modifications apportées à la formation et aux capacités des services de santé déployés en fonction des besoins les plus actuels de la force.
[Traduction]
Comme vous le savez, en raison de la nature d'un grand nombre d'opérations militaires, il est inévitable que certains militaires éprouvent des problèmes de santé mentale et ce, malgré l'application des meilleures mesures de prévention et de traitement. Permettez-moi cependant de vous résumer le processus de prévention et de traitement que nous avons mis en place en ce qui a trait à la santé mentale des militaires participant aux opérations.
En matière de prévention et de dépistage précoce, un examen médical est effectué au moment de l'enrôlement. Les militaires subissent des examens médicaux périodiques tout au long de leur carrière et, finalement, un contrôle préalable au déploiement permet de repérer ceux qui, en raison de leur état de santé antérieur ou actuel, risquent davantage de ne pas avoir une capacité opérationnelle suffisante ou de souffrir d'un grave problème de santé pendant les opérations.
Un entraînement réaliste dispensé à l'enrôlement, au sein d'unités, et avant le déploiement, permet aux militaires de prendre confiance en leurs compétences, leurs armes, leur équipement, leurs collègues et leurs chefs. C'est un aspect important, car on a constaté qu'une grande cohésion au sein de l'unité, un soutien social, un entraînement réaliste et un leadership solide permettent de réduire le taux de stress lié au combat et comptent donc parmi les meilleures mesures de médecine préventive.
L'instruction préalable au déploiement comporte également des exposés sur la sensibilisation au stress et ceux-ci sont intégrés aux cours à l'intention des officiers et des sous-officiers. Combinés aux divers programmes lancés par le chef du personnel militaire en vue de favoriser une bonne santé mentale, ces efforts aideront nos militaires déployés à conserver la meilleure santé mentale possible.
[Français]
Pour déterminer quelles capacités de traitement liées à la santé mentale ou autre devront être déployées dans le cadre d'une mission en particulier, des consultations ont lieu entre les membres de mon personnel, des responsables des commandements opérationnels et des spécialistes de la santé expérimentés. Ces personnes examinent la menace, la nature de la mission, l'expérience, les délais d'évacuation sanitaire, les ressources des services de santé du pays hôte et des alliés, ainsi que de nombreux autres facteurs.
Parmi les effectifs actuellement dans le sud de l'Afghanistan pour offrir des soins en santé mentale, citons notamment plusieurs médecins et adjoints aux médecins affectés aux soins primaires, deux travailleurs sociaux, une infirmière spécialisée en santé mentale et un psychiatre. Les militaires canadiens bénéficient également du soutien d'un aumônier offrant des services de pastorale et de quelques experts en santé mentale américains et britanniques. Des spécialistes de la santé mentale visitent régulièrement les bases d'opérations avancées, à des fins d'information et d'intervention précoce.
L'attente pour obtenir des soins est négligeable et les cas urgents sont immédiatement pris en charge. Dans les situations où on doit traiter un grand nombre de blessés, on peut avoir recours aux services d'autres installations de soins de santé de l'OTAN en Afghanistan. De plus, des soins plus pointus sont prodigués au centre médical régional des forces américaines à Landstuhl, en Allemagne.
Les Forces canadiennes réévaluent sans cesse la capacité de leurs services de santé déployés. Pour ce faire, elles ont recours aux moyens suivants: examens hebdomadaires de statistiques sur la visite de patients; rapports et recommandations présentés régulièrement par le médecin chef de la force opérationnelle; visites d'aide de l'état-major effectuées périodiquement par des responsables venus du Canada; compte-rendus après action biennaux; opérations prévues; consultations régulières avec les alliés, pour ne citer que ceux-là.
[Traduction]
Nous assurons le dépistage et le traitement précoces des problèmes dans le but de faire reprendre aux militaires leurs fonctions, mais il peut se révéler nécessaire de les renvoyer au pays si c'est le meilleur moyen d'assurer qu'ils recouvrent la santé ou si la durée ou le type de restrictions d'emploi ou de traitement qui s'impose risque de nuire à leur capacité opérationnelle.
Comme c'est le cas pour tous les problèmes de santé, la décision ne se fonde pas sur des politiques générales, mais sur une évaluation professionnelle de l'état de santé de chaque personne et des soins dont elle a besoin. Par exemple, un militaire dont l'état est bien géré et qui a atteint la phase de maintien de son traitement pourrait continuer de s'acquitter de toutes ses tâches, si cela s'avère indiqué pour lui et si son état ou les médicaments qui lui sont prescrits ne représentent aucun risque important. Les spécialistes tiennent compte du fait que des études ont démontré que les personnes souffrant de blessures psychiques retirées de leurs unités ne guérissent pas aussi bien et risquent davantage de développer des maladies chroniques comme le SSPT.
Comme l'a déjà signalé le médecin-chef des Services de santé, les patients souffrant de maladie mentale aiguë ne seront pas affectés à des missions de combat. Selon la politique des Forces canadiennes et les règles de pratique normale de la psychiatrie et de la médecine du travail, ces personnes ne devraient pas retourner au combat avant qu'un professionnel de la santé compétent n'ait déclaré qu'elles peuvent le faire sans risque pour leur santé et pour les opérations.
On peut enregistrer des pointes passagères au chapitre des visites médicales à la suite d'opérations se déroulant à un rythme élevé et d'incidents traumatisants, mais la grande majorité des patients s'en remettent rapidement et reprennent le collier. Le nombre de cas de stress opérationnel se manifestant pendant les opérations n'a jusqu'à maintenant pas eu une grande incidence sur le plan opérationnel.
[Français]
Au retour d'une mission, les militaires doivent remplir une déclaration de blessure ou de maladie dans laquelle ils doivent mentionner les circonstances où ils pourraient avoir été exposés à des risques ou les problèmes de santé qu'ils ont éprouvés au cours de leur affectation. Ils subissent une première évaluation de dépistage postdéploiement, et ceux qui risquent d'éprouver des problèmes de santé mentale sont signalés au personnel médical de leur base d'appartenance, qui devra assurer un suivi. Un examen approfondi a lieu de trois à six mois après le retour du militaire et se concentre précisément sur les risques de maladie mentale.
Les militaires participent aussi à un programme de décompression dans un tiers lieu, c'est-à-dire qu'ils passent quelques jours à Chypre avant de rentrer au Canada. Ce programme vise à faciliter la réintégration en offrant aux militaires l'occasion de prendre du repos et de se réadapter au confort de l'Occident, à mettre un point final à l'aventure en passant de bons moments avec leurs camarades dans un environnement calme et sûr, à rencontrer des professionnels de la santé mentale au besoin et à se renseigner sur le stress opérationnel, les problèmes de réintégration les plus courants et sur l'aide à leur disposition.
Bien qu'il n'ait pas été démontré que cette intervention allège le fardeau imposé par le stress opérationnel, certains indices nous permettent de penser que l'aspect éducatif du programme contribue à amener les militaires à consulter plus rapidement un professionnel lorsqu'ils éprouvent des problèmes d'ordre mental.
À la suite de l'examen médical approfondi subi au Canada, tous les militaires continuent d'avoir accès aux programmes de pastorale, de promotion de la santé et de traitements mentionnés par les témoins qui m'ont précédé. Nous continuons à surveiller l'état de santé de nos militaires au moyen d'examens médicaux périodiques comportant des éléments de dépistage des troubles mentaux.
[Traduction]
En résumé, la mission menée en Afghanistan pourrait possiblement avoir à long terme une incidence considérable sur la santé mentale des militaires, mais les Forces canadiennes ont mis en place, et s'efforcent d'améliorer, un programme solide qui leur permet d'envoyer en mission les militaires qui sont mentalement prêts, de leur offrir un bon soutien dans le théâtre au moyen de ressources spécialisées en santé mentale et de mettre l'accent sur le dépistage et le traitement précoces des troubles qui se manifestent après le déploiement.
Bien qu'il ne permette pas de prévoir l'ampleur des ravages que la mission en Afghanistan aura sur la santé mentale de nos militaires, le nombre de cas enregistrés dans le théâtre à ce jour n'est nullement supérieur à ce que nous avions prévu et nos ressources médicales déployées sont parfaitement capables de les gérer. Les problèmes de santé mentale n'ont pas eu d'impact significatif sur les opérations.
Je vous remercie de m'avoir écouté aussi attentivement et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Ces questions dépassent mon champ de compétence, mais je peux répondre de façon générale. On pourrait vous fournir bien plus de détails là-dessus. Compte tenu de l'importance que revêt la question, nous avons une Section de la santé des militaires déployés dont l'unique raison d'être est d'effectuer un suivi et une étude d'évaluation à long terme de toute la documentation la plus récente, ainsi que de réaliser des études originales en assurant le suivi de nos troupes.
En ce qui a trait à votre première question concernant ce qui se produit lorsque les troupes se retirent des forces armées, il y a une étroite collaboration entre le MDN et ACC, et particulièrement entre les éléments médicaux respectifs de ces deux ministères. On fait des efforts progressifs qui s'améliorent continuellement, ainsi que le chef de l'administration du personnel militaire, je crois, l'a mentionné devant votre comité à cet égard. Mais il y a une bonne coordination.
Je n'en connais pas tous les détails, mais il existe un centre commun, par exemple, pour les soins aux soldats blessés dans le but d'accroître ce type de coordination. On prend diverses mesures pour s'assurer que les dossiers de soins médicaux soient transmis sans heurt à Anciens Combattants Canada. Le personnel médical militaire s'emploie à faire en sorte qu'ACC et les soldats obtiennent l'information requise aux fins de leurs dossiers médicaux pour appuyer toute demande adressée à ACC en vue d'accéder à des services additionnels. Nous nous efforçons de consigner également tous les résultats de nos examens médicaux périodiques en vue du long terme, tant en ce qui concerne la santé mentale que les incapacités physiques, en plus des informations sur les expositions professionnelles ou industrielles susceptibles de causer un quelconque préjudice dans l'avenir.
Toutes ces informations sont consignées de façon centrale ou dans les dossiers médicaux individuels. Et tous les membres des forces armées peuvent transmettre ces dossiers au ministère des Anciens Combattants.
Pour ce qui est de votre deuxième question, l'évaluation à long terme post-Afghanistan est assurée principalement par cette Section de la santé des militaires déployés que j'ai mentionnée. Une partie de l'enregistrement et de la cueillette des données statistiques se retrouvera à devoir être effectuée par une direction distincte, soit la Direction de la prestation des services de santé. Il y a un effort qui s'améliore progressivement, et qui s'améliorera de façon encore plus importante lorsqu'un outil de gestion informatique de l'information appelé Système d'information sur la santé dans les Forces canadiennes sera en place pour permettre la cueillette et le regroupement des données à des fins d'analyse.
Entre-temps, nous avons amélioré les évaluations de santé postdéploiement que j'ai mentionnées plus tôt, et qui ont lieu entre trois et six mois après le retour du déploiement. Comme nous savons que certains traumatismes liés au stress opérationnel se manifesteront après ces six mois, nous avons également des examens médicaux périodiques basés sur les lignes directrices du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs. Mais puisque ces lignes directrices pour des populations plus jeunes prévoyaient un examen tous les cinq ans seulement, nous avons conclu que ce n'était pas suffisant, particulièrement sur le plan de la surveillance en matière de santé mentale. Nous avons donc réduit l'intervalle à deux ans. Cet examen de santé périodique comprend des questions particulières sur la santé mentale, des questions validées, pour aider à déceler des problèmes de santé mentale à un stade précoce. Ainsi, tous les deux ans, sans égard au déploiement, nous pourrons également procéder à une évaluation et déceler des cas antérieurs qui auraient pu nous échapper car ils ne s'étaient pas manifestés avant le stade des six mois.
Enfin, il y a un sondage sur la santé et le style de vie que nous menons tous les quatre ans. Encore une fois, il est effectué par une autre section, alors je ne l'aborderai pas en profondeur. Je vais tâcher de m'en tenir à ma sphère de compétence. Une direction de la protection de la santé des forces s'occupe de la plupart des programmes préventifs en matière de santé, sauf en ce qui a trait à la santé mentale, qui est à ce point importante qu'elle fait l'objet d'une organisation distincte.
Dans ce sondage sur la santé et le style de vie, qui a lieu tous les quatre ans, on pose en particulier des questions aux membres, et l'exactitude de ces données est très bien validée par d'autres sources. Le dernier sondage a été réalisé en 2004, et le prochain aura lieu en 2008. Il nous fournira d'importantes données additionnelles et nous aidera à valider des informations, en plus de nous donner une meilleure idée d'un certain nombre de questions, y compris celle de la santé mentale. Ce sondage est envoyé par la poste à des milliers, voire même des dizaines de milliers de membres des Forces armées canadiennes, sans oublier la Réserve, de sorte qu'il implique un nombre important de réservistes.
Qui plus est, de façon périodique, et selon le sujet, des études ponctuelles supplémentaires sont réalisées. Par exemple, une série d'études très exhaustives ont été menées en ce qui concerne les anciens combattants de la guerre du Golfe. Nous déployons donc tout un éventail de mesures pour tenter d'assurer un suivi épidémiologique et d'exercer une surveillance médicale à l'égard de ceux qui reviennent d'Afghanistan ou de tout autre déploiement.
:
Je vais parler dans une perspective opérationnelle et de commandement, puis le colonel Bernier pourra vous donner son propre point de vue.
Le fait est qu'en tant que commandant, j'ai du personnel qui examine toute l'information qui circule. Il est clair que beaucoup de renseignements parcourent la chaîne de commandement. Mon personnel me fait part des éléments importants, soit parce qu'il sait que ceux-ci m'intéresseront naturellement, soit parce qu'il a besoin de mon aide pour orienter les choses d'une certaine manière.
À cet égard, je dirais que je me renseigne tout autant en exerçant mes fonctions de commandant qu'au moyen de l'information qui me parvient. Autrement dit, je vais en Afghanistan pour discuter avec les soldats et les commandants de pelotons, de compagnies et de bataillons. J'écoute leurs histoires; je me rends sur place aux unités de Rôle 3 et de Rôle 1 pour discuter avec les gens, qui me font part de leur opinions sur le déroulement des choses.
Dans le domaine particulier du stress opérationnel et de la santé mentale, nous comprenons tous que tout n'est pas noir ou blanc. Il y a beaucoup de gris pour ce qui est de la ligne de démarcation entre ce qui constitue une blessure, et ce qui est simplement l'effet d'une pression normale. Il y a beaucoup de stress et de tensions dans le théâtre des opérations. Les troupes se réunissent — et le général Laroche et moi-même avons eu cette conversation dans un passé pas si lointain —, et réagissent naturellement face aux choses difficiles qui se produisent là-bas. Cela peut se traduire par de la peur, du stress, etc. Comment surmonte-t-on cela? Au premier niveau; au niveau immédiat, l'équipe dont on fait partie se réunit — et nous le comprenons tous très bien, dans le monde militaire — et tire des forces de cette expérience. Ensemble, on trouve le moyen de se redresser pour faire face au prochain défi.
Par la chaîne de commandement, on m'a rapporté bien peu de cas qui étaient accompagnés d'un signal d'alarme — je dirais aucun, en fait —, pour un problème important associé à un stress opérationnel qui aurait nécessité mon attention. En même temps, je conçois que dans un environnement très dur, le stress opérationnel est élevé. Il faut y réagir en utilisant divers moyens; certains seront d'ordre médical, professionnel ou technique. Dans certains cas, les soldats se réuniront simplement et réagiront de la bonne façon. Certains sont liés au leadership, etc.
Voilà donc une réponse décousue à votre question. Je vous dirais que j'ai une bonne idée des exigences sur le théâtre des opérations, ainsi que des défis, et que je peux dire s'il y a des problèmes en ce qui concerne toute une série de questions, bien sûr. Un système est en place, qui me permet de savoir s'il y a lieu d'être alarmé, et si je dois régler un problème particulier; et nous faisons cela régulièrement.
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J'ai une question qui touche d'une manière générale l'utilisation accrue des réservistes.
Je vous rappelle que je ne suis pas un membre régulier de ce comité, mais ma collectivité compte un nombre considérable de familles de militaires. Je n'ai jamais eu vent de plaintes ou de préoccupations relativement aux traitements médicaux dispensés sur le théâtre des opérations. Je pense que vos témoignages d'aujourd'hui vont dans le même sens et qu'il y a tout lieu de vous en féliciter. Il est bien évident que nous ne nous attendons à rien de moins de votre part et que vous faites la fierté des Canadiens.
Mais je me dois de constater que les hommes et les femmes qui rentrent de mission éprouvent des problèmes d'adaptation lorsque vient le temps de réintégrer la société. C'est d'ailleurs un problème qui semble plus criant chez les réservistes que chez les membres des forces régulières. Ce n'est pas une constatation qu'ils font eux-mêmes; c'est habituellement leur conjoint ou, plus souvent, leurs parents qui notent leurs difficultés à s'adapter. Ces difficultés d'adaptation s'accompagnent parfois d'une perte d'emploi ou de problèmes de consommation d'alcool.
Dans bien des cas, le traitement de suivi assuré par le ministère de la Défense nationale n'est pas à la hauteur des attentes. Je sais que cela n'est pas de votre ressort, mais comme cette mission va manifestement se poursuivre pendant quelques années encore — trois ans — ne risque-t-on pas de se retrouver à l'avenir avec un plus grand nombre de réservistes aux prises avec ce problème, et ce, de façon encore plus marquée qu'actuellement?
Supposons un commis-comptable qui ne parvient pas à se réadapter en rentrant chez lui après six mois passés sur un théâtre d'opérations, comparativement à un militaire de carrière pour lequel la réadaptation n'est pas nécessairement aussi difficile lorsqu'il revient au pays, quoique je ne sois pas vraiment en mesure de l'affirmer; c'est d'ailleurs pour cette raison que j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
En ma qualité de député, c'est ce que je peux constater dans ma collectivité, mais je vous répète que je n'ai entendu que des compliments relativement à ce qui se passe en mission.
:
Vous êtes très cruel, cher collègue.
[Traduction]
Deux minutes... j'ai besoin de deux minutes pour mon introduction seulement.
[Français]
Merci, cher collègue.
Merci, monsieur le président. Je vais peut-être m'en remettre à votre discrétion.
Je veux d'abord vous remercier d'être venus nous rencontrer. J'ai écouté votre allocution, dans laquelle vous avez parlé de l'hôpital militaire de la base de Kandahar. Comme plusieurs membres du comité, j'ai eu la chance de m'y rendre et de constater le professionnalisme des soins qui y sont dispensés. Encore plus récemment, un infirmier auxiliaire des forces régulières provenant de ma circonscription est revenu de là-bas. Il va sans dire qu'il y a vu des choses qui l'ont beaucoup ébranlé.
Ça nous amène à parler d'une maladie professionnelle, le syndrome de stress post-traumatique. Vous nous en avez fait une assez bonne description, mais il est normal que nous restions un peu sur notre faim. En effet, on constate, en vous écoutant, dans quel environnement se développe la maladie. On sait que les effets de celle-ci peuvent durer des décennies. Ce qui se passe au cours de quelques mois ou années peut avoir des répercussions. Vous avez parlé des effets à long terme. M. Lunney a dit que 15 p. 100 des militaires étaient susceptibles de développer des troubles psychologiques à la suite de ces événements. Si le nombre de militaires ayant déjà participé à la seule mission en Afghanistan est de 25 000, on parle donc de 3 000 à 4 000 individus.
Sur le terrain, les militaires s'autodiagnostiquent-ils? Rapportent-ils, par exemple, que certains de leurs collègues souffrent d'un problème? Comment les choses se passent-elles? Je veux aussi préciser que nous avons rencontré le Padre lors de notre voyage en Afghanistan et qu'il nous a fait part des défis qui se présentent.
Par ailleurs, ne serait-il pas temps que les Forces canadiennes envisagent de mettre sur pied des structures d'accueil à long terme, compte tenu de la longue durée de ces séquelles, de ces syndromes qui se développent?