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Bon après-midi, mesdames et messieurs.
La séance d'aujourd'hui portera de nouveau sur le projet de loi C-11. Je désire remercier les témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Nous apprécions grandement leur contribution.
Certaines personnes témoigneront à titre personnel. Nous entendrons M. Bruce Anderson, conseiller principal, Recherche en sécurité en milieu de travail, et Mme Elaine Gibson, professeure et directrice associée du Health Law Institute. Bienvenue.
Nous entendrons également M. Roland Leitner, expert-conseil en santé et sécurité en milieu de travail; et M. Raymond Tellier, microbiologiste médical et professeur associé. Bienvenue.
De l'Agence de la santé publique du Canada, nous entendrons le Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique. Docteur Jones, bienvenue.
Nous entendrons également Mme Theresa Tam, directrice générale du Centre de mesure et d'intervention d'urgence de la Direction générale des maladies infectieuses et des mesures d'urgence. Merci d'être à nouveau parmi nous, madame Tam.
Et nous entendrons, bien sûr, Mme Jane Allain, avocate générale des services juridiques.
Comme vous le savez, nous demanderons à chaque témoin de présenter son exposé et ensuite nous passerons aux questions. Nous commencerons par les témoignages à titre personnel.
Nous écouterons d'abord Mme Elaine Gibson.
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Merci. J'ai lu attentivement les exposés des autres témoins relativement à ce projet de loi et je constate que trois thèmes en ressortent. Premièrement, on sent que les collectivités affectées n'ont pas été suffisamment consultées relativement au projet de loi. Ensuite, on s'inquiète de l'inclusion du groupe de risque 2. Enfin, de nombreux éléments seront traités dans les règlements plutôt que dans la loi et les collectivités affectées doivent espérer que les règlements seront adéquats.
Vous avez surtout entendu ces préoccupations de la part de scientifiques ou de dirigeants de laboratoire. Mes commentaires rejoignent les leurs, mais j'examine le projet de loi du point de vue juridique. Je m'inquiète de la vulnérabilité de certains aspects du projet de loi C-11, si leur constitutionnalité était contestée devant les tribunaux, tant sur le plan de la répartition des compétences que sur celui de la Charte canadienne des droits et libertés. J'aimerais également parler de la décision d'inclure plusieurs éléments dans la réglementation plutôt que dans la loi. Pour chacune de ces préoccupations, je proposerai des pistes de solutions.
Au sujet de la répartition des compétences, le gouvernement fédéral a indiqué qu'il se fondait surtout sur ses compétences en matière criminelle prévues par la Loi constitutionnelle pour justifier son entrée dans un nouveau champ de compétence fédérale. Ma principale préoccupation, c'est que les tribunaux pourraient considérer certains aspects de ce projet de loi comme relevant des droits relatifs à la propriété et des droits de la personne, qui font partie des champs de compétence provinciale. Les problèmes qui se posent — je discuterai de chacun d'eux — concernent les abus potentiels dans la portée de la loi, le fait de préciser d'importants éléments seulement dans les règlements et le fait d'établir une structure complexe qui pourrait être perçue comme étant de nature réglementaire plutôt que de relever du droit criminel.
En premier lieu, il y a donc les abus potentiels. Le projet de loi s'intitule: Loi visant à promouvoir la sûreté des agents pathogènes humains et des toxines. Veuillez noter que le projet de loi vise les deux aspects de la biosécurité, soit la prévention des activités bioterroristes et la prévention d'accidents biologiques. On y trouve donc des groupes de risque de niveaux 2 à 4, les niveaux plus élevés visant clairement à prévenir l'utilisation de substances à des fins terroristes. C'est clairement une question de sécurité nationale et elle cadre parfaitement dans les compétences fédérales relatives au droit criminel.
Quant aux groupes de risque de niveau inférieur, on peut concevoir qu'ils visent surtout la prévention des rejets biologiques accidentels qui pourraient s'avérer dangereux, et qu'ils visent moins la prévention d'activités terroristes. Plus on se concentre sur la sûreté plutôt que sur la sécurité, plus il y a de chances que l'on vise la réglementation des laboratoires qui utilisent ce type de matériel; les mesures relatives au droit criminel semblent alors passer au second plan. Quand on parle des agents pathogènes humains et des toxines du groupe de risque 2, qui peuvent dans certains cas se trouver naturellement dans l'environnement, cela semble plutôt relever des provinces.
En deuxième lieu, des éléments importants seront seulement définis dans les règlements. Le gouverneur en conseil, aux termes de cette loi, a de très grands pouvoirs de réglementation. On les retrouve à l'alinéa 66.1c). De plus, une bonne partie des mécanismes d'application de la loi — par exemple, les façons dont les installations pourront mener leurs activités et obtenir des permis, les exigences relatives à l'inventaire ou aux cotes de sécurité — ont été mis de côté et seront précisés dans les règlements qui seront rédigés ultérieurement. En fait, M. James Gilbert a indiqué à ce comité que la loi elle-même est une coquille vide et que les détails se trouveront dans les règlements.
En droit, plus le contenu se trouve dans un règlement plutôt que dans la loi elle-même, plus le régime proposé semble être réglementaire par sa nature et donc relèverait des compétences des provinces relativement à la propriété et au droit civil, et moins il relèverait du droit criminel.
Troisièmement, il y a la question de la complexité du mécanisme réglementaire, qui recoupe un peu celui dont je viens de parler. Dans le projet de loi, on trouve une interdiction générale relative à l'utilisation de cinq pathogènes humains et toxines. Toutefois, le projet de loi C-11 dresse une longue liste d'activités exemptées qui ne sont pas considérées comme des activités prohibées si certaines conditions telles que l'octroi de permis sont respectées. Il donne à des inspecteurs, des analystes, des agents de biosécurité, etc., le pouvoir d'administrer ces éléments. C'est le troisième point qui confère un aspect plus réglementaire au projet de loi; on établit un mécanisme réglementaire complexe, on touche davantage le domaine réglementaire que le domaine criminel, ce qui nous amène à nous demander à nouveau si des composantes de ce projet de loi ne relèvent pas plus des provinces.
Les trois éléments que je viens de mentionner concernent des questions de répartition des compétences. Afin d'éviter d'avoir des problèmes en cette matière, je suggère que la loi ne s'étende plus au groupe de risque 2, ou qu'on se contente de traiter de ce groupe dans un article distinct qui traite de l'importation, et qu'on mette plus de substance dans la loi plutôt que d'attendre que des éléments soient traités dans les règlements.
J'insiste sur le fait qu'on doit prendre le temps de démêler le contenu de cette loi. Je ne vois aucune raison de se dépêcher à ce sujet et, à mon avis, il y a plusieurs raisons d'entreprendre des consultations exhaustives. Certains aspects sont tout nouveaux pour le gouvernement fédéral et on doit prendre le temps nécessaire si on veut obtenir un bon résultat.
Voilà ce qui conclut la partie de mon exposé sur la répartition des compétences. Je traiterai maintenant des préoccupations de fond.
Mes préoccupations tiennent principalement au fait qu'il n'est pas approprié de laisser des aspects importants de cette loi être décidés dans la réglementation. C'est une préoccupation différente de celle que j'ai mentionnée il y a une minute et qui nous amenait à nous demander si le projet de loi relevait du droit criminel.
L'essentiel de mon argumentation repose sur le fait que le pouvoir législatif du gouvernement ne devrait pas laisser l'exécutif déterminer une bonne partie du fonctionnement du système prévu. Par exemple, on retrouve des groupes de risque qui s'échelonnent du niveau 2 au niveau 4. Nous savons qu'il est interdit de manipuler les éléments inscrits à l'annexe 5, mais pour les groupes de risque 2, 3 et 4, on ne retrouve aucune disposition qui différencie l'application de la loi selon les groupes de risque.
En d'autres mots, des aspects importants du fonctionnement de ce projet de loi sont obscurs. Cela a incité de nombreux témoins, de même qu'au moins une province, à s'inquiéter du fait qu'on ne leur en a pas assez dit sur son fonctionnement et ses répercussions.
Les projets de loi sont étudiés très attentivement avant de devenir des lois. Par exemple, un comité comme celui-ci constitue l'une des principales protections contre la promulgation de mauvaises lois. De plus, il y a une surveillance du public, comme en témoignent les débats de la Chambre des communes et du Sénat. D'un autre côté, les règlements sont adoptés par le gouverneur en conseil, ce qui signifie en gros que le cabinet décide du contenu des règlements.
La facilité avec laquelle les règlements peuvent être édictés, modifiés ou annulés selon la volonté du gouvernement en place devrait inciter le comité à être prudent. Ces questions devraient figurer dans la loi.
En guise de solution, je suggère la même chose que pour la répartition des compétences. Il s'agit de tenir des consultations avec les communautés d'intérêt et d'élaborer un projet de loi vraiment substantiel, en ne laissant que les éléments administratifs à l'étape de la réglementation.
Enfin, il y a la question de la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte limite les pouvoirs discrétionnaires du gouvernement en accordant aux personnes des droits qui les protègent contre certaines mesures du gouvernement. Si une loi brime ces droits sans justification, dans une société libre et démocratique, cette loi peut être contestée et invalidée, en tout ou en partie. Il est donc important que le projet de loi dans son ensemble ne viole pas la Charte. En particulier, je m'inquiète à propos du droit à la protection contre les fouilles et les saisies abusives, aux termes de l'article 8 de la Charte.
Dans divers contextes, les renseignements personnels sont protégés par la Charte, notamment par le droit de ne pas être fouillé ou saisi abusivement, tel qu'indiqué à l'article 8 de la Charte. L'article 38 de ce projet de loi donne au ministre des pouvoirs très vastes pour obtenir des renseignements personnels qui sont nécessaires selon lui. Veuillez noter qu'il n'y a aucune exigence relative au caractère raisonnable de l'exercice de ces pouvoirs. Le ministre peut à son tour, aux termes de l'article 39, divulguer ces renseignements sans consentement à de nombreuses parties, y compris à des gouvernements étrangers, à des fins diverses.
L'article 41 accorde des pouvoirs similaires aux inspecteurs qui doivent fouiller des lieux ou des véhicules et saisir le matériel qui s'y trouve, et ce, sans indiquer ce qui constituerait une fouille ou une saisie raisonnable de renseignements ou de matériel. De plus, dans le projet de loi C-11, on ne trouve aucun article qui traite de la confidentialité des renseignements.
Je suggère que ces pouvoirs soient mieux délimités. Le projet de loi devrait définir bien plus clairement les types de renseignements que le ministre peut exiger et les raisons pour lesquelles l'information peut être utilisée et divulguée. Le projet de loi doit également indiquer qu'on doit recueillir, utiliser ou divulguer le moins de renseignements possible et que ces renseignements doivent être dépersonnalisés dans la mesure du possible.
De plus, on devrait indiquer que la collecte de renseignements doit être faite d'une manière raisonnable. Plus l'activité examinée semblera de nature criminelle, plus strictes doivent être les exigences sur ce plan. Il est important que les pouvoirs de fouille et de saisie, ou à tout le moins ceux qui sont les plus intrusifs, soient exercés en tenant compte du doute raisonnable.
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Merci beaucoup de m'accueillir ici aujourd'hui.
Je n'ai pas préparé de notes d'information aussi détaillées que ma collègue, mais je voudrais vous parler brièvement de mes antécédents.
J'ai été engagé par l'Université de Calgary il y a plus de 23 ans. Je suis devenu agent de la sécurité biologique peu de temps après. Lorsque j'ai commencé à travailler pour l'université, le concept de sécurité biologique était inexistant. Les chercheurs travaillant avec des matières biologiques étaient répartis sur tout le territoire de l'université. L'université était responsable dans une certaine mesure de ce qui se passait au sein de ses installations, mais ne savait pas qui utilisait ces matières, à quel endroit travaillaient ces personnes ni de quelles matières il s'agissait. En d'autres mots, l'université n'avait aucun moyen de savoir ce qui se passait ou de tenter de contrôler ces activités.
Au cours des 23 dernières années, j'ai réussi à mettre en place un système qui permet à l'université de connaître les matières utilisées, l'endroit où elles sont utilisées, etc. Au départ, les chercheurs ont réagi en disant qu'ils savaient ce qu'ils faisaient, puisqu'ils étaient microbiologistes, et qu'ils n'avaient par conséquent nullement besoin de règlements ou de directives de quelque nature que ce soit. Je me suis rendu compte entre-temps qu'il s'agissait davantage de fanfaronnades que de véritables connaissances sur la manière de travailler avec des matières biologiques dangereuses.
Cela me rappelait les débuts de l'utilisation de substances nucléaires dans les programmes de recherche. À cette époque, les chercheurs utilisaient des substances nucléaires comme outils pour obtenir certains résultats, et ce, sans avoir l'expérience de ce genre de travail. C'est encore plus fréquent aujourd'hui; beaucoup de matières biologiques dangereuses sont utilisées par des chercheurs qui ne possèdent pas les connaissances ou l'expérience nécessaires en ce qui concerne les risques que présentent ces matières.
Lorsque la loi sur l'importation qui touche la biosécurité dans les laboratoires est entrée en vigueur il y a quelque temps, nous avons eu pour la première fois une idée de ce à quoi pourrait ressembler l'utilisation réglementée des matières biologiques. Une grande partie de nos laboratoires sont des laboratoires de niveau de confinement 2. Les chercheurs avaient de la difficulté à comprendre que les laboratoires de niveau 2 n'entraînaient pas autant d'exigences que ce qu'ils auraient cru. Ils croyaient que le fait de travailler avec du matériel de niveau 2 exigeait toujours des appareils coûteux, ce qui est faux.
La situation qui a cours depuis l'adoption de la loi sur l'importation ressemble à ce qui se passerait si on demandait seulement aux conducteurs de véhicules importés de contracter une assurance, d'avoir une plaque d'immatriculation et de respecter le code routier, alors que les autres n'auraient pas à se plier à ces exigences.
L'Université de Calgary appuie entièrement cette loi, et nous aimerions en avoir un portrait clair. Permettez-moi de vous assurer qu'en cette période de contraintes financières, ce sont les dossiers qui font l'objet de mesures législatives qui captent l'attention des gens dans les universités et les autres établissements. Je dirais que des mesures sont prévues pour tout ce qui fonctionne avec des substances nucléaires et tout ce qui est réglementé, mais qu'on n'a pas légiféré en ce qui concerne la sécurité biologique et qu'on va moins loin dans ce domaine.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, et merci de l'invitation.
Je n'ai pas d'exposé très détaillé à présenter, mais j'ai quelques commentaires à formuler. Je suis davantage venu ici pour répondre aux questions.
Je suis microbiologiste médical et j'ai passé une grande partie de mon temps à travailler dans des laboratoires de diagnostic en microbiologie, alors ma compréhension du projet de loi est influencée par cette expérience.
Je crois qu'une loi qui clarifie ces questions, qui fournit une réglementation claire et qui s'accompagne d'outils permettant sa mise en oeuvre est bien accueillie de façon générale. Cependant, nous devons savoir que cette loi est appelée à être intégrée au Code criminel, lequel a un pouvoir considérable, et que si ce n'est pas fait correctement, de sérieux problèmes pourraient en découler.
Cela pourrait refroidir de façon notable la communauté scientifique, particulièrement en raison des récents événements qui ont touché les microbiologistes américains à la suite de l'adoption de mesures législatives concernant la biosûreté et la biosécurité — je serais heureux de vous en donner les détails. Je crois que nous pouvons reconnaître qu'il est important de bien faire les choses.
Personnellement, j'ai été grandement rassuré par les consultations des fonctionnaires, de l'Agence de la santé publique du Canada et d'autres organismes. Ils ont précisé vouloir conserver la même approche, qui est marquée par la coopération et l'éducation plutôt que par la coercition, mais se munir néanmoins d'outils sur ce plan en cas de besoin. Je dois dire, après avoir constaté les changements proposés et les modifications apportées au projet de loi après les consultations, que je suis très encouragé à cet égard.
Il est important de prendre conscience qu'une loi trop stricte peut gêner ou paralyser le fonctionnement des laboratoires de diagnostic en microbiologie, ce qui aurait d'importantes répercussions négatives sur la santé des Canadiens qui sont traités dans les hôpitaux. Non seulement y a-t-il de nombreux Canadiens hospitalisés principalement pour des infections, mais les infections sont l'une des complications les plus fréquentes de nombreux autres traitements, qu'il s'agisse de greffes d'organes, de traitements contre le cancer, de chirurgie, etc. Il est très important pour la santé publique, et pour la santé des Canadiens, que les laboratoires de diagnostic en microbiologie soient capables de faire leur travail.
En ce qui concerne les quelques remarques que j'ai faites sur le projet de loi, je vois d'un bon oeil la précision concernant le fait que de nombreux règlements concernant l'utilisation d'agents pathogènes des groupes de risque 3 et 4, et même du groupe 2, ne s'appliquent pas aux échantillons naturels tels qu'un patient infecté ou des échantillons prélevés pour être testés en laboratoire.
Je crois qu'il existe des problèmes en ce qui concerne les annexes qui énumèrent les organismes. Elles ont été améliorées en cours de route, mais présentent encore certaines erreurs et de nombreuses omissions étonnantes. Même si elles étaient parfaites en ce moment, le domaine est tel que cette liste devrait régulièrement être mise à jour en raison de l'amélioration de nos connaissances ou des changements dans les circonstances en tant que telles. Il est important que les annexes puissent être facilement mises à jour et ne soient pas coulées dans le béton.
Je ne connais pas tous les détails concernant le chevauchement des compétences, mais je suis aussi préoccupé par la délivrance des permis des laboratoires de diagnostic. Il existe déjà des processus de délivrance de permis au niveau provincial. Je suis déjà passablement occupé par mon travail de microbiologiste, sans compter le fait que mes ressources ont été réduites au cours des années; il serait donc très apprécié que ces processus soient harmonisés de façon à ce que la délivrance des permis n'ait lieu qu'une fois par année, et que nous ne passions pas notre temps à demander les différents permis.
Je crois que le processus de délivrance de permis révisé pour les agents pathogènes du groupe de risque 2 a été considérablement simplifié, et c'est très encourageant.
Nous sommes tous inquiets de la situation des inspecteurs. En effet, il semble qu'ils disposeront d'un pouvoir considérable et nous sommes un peu préoccupés au sujet de leurs antécédents et de leur formation scientifiques puisque nous voulons nous assurer qu'ils exercent ces pouvoirs de façon judicieuse.
Du point de vue des laboratoires de diagnostic, je m'inquiète du fait que les inspecteurs sont autorisés à faire des copies de tout dossier. En effet, dans ces laboratoires, de nombreux dossiers contiennent le nom des patients, le type de prélèvement effectué et la raison pour laquelle ces patients font l'objet de tests. Vous pouvez très bien imaginer que l'on souhaite taire la nature de certains micro-organismes en particulier. Mais, quelle que soit la situation, comme les laboratoires de diagnostic doivent se conformer à une législation très rigoureuse en matière de protection des renseignements personnels, à mon avis, il y a ici apparence de conflit.
C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. En fait, je me suis plutôt préparé à répondre à des questions plutôt qu'à présenter un exposé détaillé.
La première chose que je tiens à souligner et que vous savez sans aucun doute, c'est que la santé ne figure pas comme domaine de compétence dans notre Loi constitutionnelle et vous devez, avant toute chose examiner les autres domaines de compétence pour déterminer où s'inscrit le projet de loi à l'étude. En fait, la législation fédérale en matière de santé repose sur un certain nombre de domaines de compétence. Mme Gibson dit vrai lorsqu'elle avance que nous devons nous fier principalement au pouvoir législatif en matière criminelle du Parlement pour assurer la promulgation du projet de loi C-11.
Le pouvoir en matière de droit criminel du Parlement peut permettre de valider une loi liée à la santé sous réserve que l'objet de cette loi soit un « objet valide de droit criminel » comme l'est la protection de la santé publique. À notre avis, c'est le cas du projet de loi C-11, puisqu'il vise à criminaliser certains comportements à l'égard des agents pathogènes humains et des toxines, ce que tend à prouver les interdictions et les sanctions qui y figurent. En effet, les dispositions 6, 7 et 8 de l'avant-projet C-11 prévoient diverses interdictions et des sanctions sont énoncées aux articles 53 à 58.
Le Parlement a eu recours à son pouvoir législatif en matière de droit criminel pour promulguer diverses lois qui ont été conçues un peu de la même façon que ce projet de loi, et ces divers textes de loi ont été appuyés et confirmés par la Cour suprême du Canada. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement en est un exemple tout comme la Loi sur les aliments et drogues, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi réglementant les produits du tabac.
Un autre aspect sur lequel je voudrais attirer votre attention: les sanctions énoncées dans le projet de loi C-11 se comparent à d'autres sanctions que nous avons approuvées et dont nous nous sommes inspirés dans une certaine mesure, notamment celles contenues dans la Loi sur la quarantaine et dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
En ce qui a trait aux dispositions de la Charte, en vertu de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, le ministre de la Justice est tenu de veiller à ce que les projets de loi déposés au Parlement aient fait l'objet d'un examen de compatibilité avec la charte. Résultat: le ministère de la Justice prend connaissance des textes de loi au fur et à mesure que nos clients les élaborent, dès l'étape de l'établissement des grands principes jusqu'à l'étape de la rédaction, ce qui nous permet d'examiner les diverses dispositions pour en assurer la compatibilité avec la Charte. Ainsi, nous étudions divers éléments comme les dispositions relatives aux fouilles, aux perquisitions ou aux saisies pour nous assurer qu'ils sont conformes à l'article 8 de la Charte. Je peux vous assurer qu'un tel examen a été effectué par le ministère de la Justice en ce qui a trait à ce texte de loi et les pouvoirs en matière d'inspection ressemblent beaucoup à ceux figurant dans d'autres lois actuellement en vigueur, notamment la Loi sur les produits dangereux et la Loi sur la quarantaine.
En ce qui a trait aux questions de protection de renseignements personnels, l'autre aspect dont je voulais vous entretenir est que l'agence est toujours assujettie à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme je l'ai mentionné plus tôt, parmi les exigences que celle-ci impose, il y a les principes limitant la collecte et la diffusion des renseignements, exigences auxquelles le ministère devra se conformer dans l'élaboration de la réglementation pertinente. En fait, en ce qui a trait aux organismes étrangers, cette loi oblige à obtenir des garanties écrites que l'organisme en question protégera la confidentialité des renseignements qui lui sont communiqués. Alors, oui, cette protection existe dans la loi.
Ce sont là les principaux points que je voulais aborder du point de vue constitutionnel et du point de vue de la Charte.
Quant à l'approbation de règlements par le gouverneur en conseil, il s'agit effectivement d'un pouvoir que le Parlement a délégué à l'exécutif, comme l'a indiqué Mme Gibson. Cependant, je ne dirais pas que tout cela se fait en secret. En fait, le ministère est tenu de consulter, de diffuser une version préliminaire du règlement au fur et à mesure qu'il l'élabore puis de reprendre les consultations. Il s'agit là du processus de publication de règlement dans la Gazette et le ministère a indiqué clairement qu'il entendait suivre ce modèle.
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C'est aussi mon avis. De nombreuses préoccupations ont été soulevées et les amendements ont justement pour but d'y répondre. Je me sentirais beaucoup plus à l'aise si nous consultions de nouveau les personnes qui ont fait part de leurs préoccupations afin de déterminer si les amendements les satisfont.
La lecture du résumé des séances avec les intervenants m'a également inquiétée et j'aimerais que l'on précise encore une fois la différence entre séances d'information et séances de consultation. De nombreux points soulevés par les témoins figurent dans le résumé des intervenants mais ne sont pas abordés dans le projet de loi. Selon l'Agence de santé publique du Canada, la loi devait contenir des définitions précises, ce qui n'est pas le cas. Lorsque les gens demandent si le projet de loi tient compte des préoccupations exprimées, l'Agence de la santé publique du Canada répond que toutes ces questions seront abordées grâce à sa stratégie de consultation.
Le projet de loi prévoit également que les personnes qui sont au pays depuis 10 ans ne recevront pas d'habilitation. Cependant, pour tous les laboratoires, les habilitations devraient être valides pour une période de cinq ans. Des étudiants pourraient peut-être travailler sans être titulaires d'une habilitation de sécurité si leur superviseur en possède une.
En tant que législateur, il m'est difficile de croire que toutes ces questions trouveront réponse dans les règlements. On nous dit de ne pas nous inquiéter, que les solutions se trouveront dans les règlements. Cette situation ne nous est pas inconnue puisque dans le cas de la Loi sur la procréation assistée, on avait précisé que le règlement serait présenté de nouveau au comité pour examen. Nous n'en avons vu qu'un seul chapitre jusqu'à présent, le tout ayant été mis en attente.
L'ASPC mentionne qu'il n'est nullement dans ses intentions de procéder à la capture d'agents non pathogènes. Mais si ça se fait un jour, alors il faudrait modifier les annexes par voie de réglementation ministérielle. Et c'est cela que tout le monde redoute le plus. Dans le cas de la polio, on nous dit que les agents qui en sont responsables ne figurent pas dans l'annexe, mais lorsqu'il s'agit d'agents exclus partout dans le monde comme la variole, on les inclut à l'annexe 5 du projet de loi. Nous sommes en 2009 et je ne comprends pas pourquoi la polio ne figure pas dans ces listes.
Je demande donc au ministère de réagir aux graves préoccupations soulevées par Mme Gibson. Quelle est l'urgence et pourquoi ne pouvons-nous pas tout simplement élaborer un projet de loi juste et pertinent? Pourquoi ne pouvons-nous pas inclure dans ce projet de loi ce qui doit y figurer? Pourquoi ne pas inclure dans les règlements uniquement les éléments pour lesquels il est nécessaire d'avoir une certaine souplesse?
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Je ne dis pas avec certitude, et je serais malvenue de le faire, que ce projet de loi est inconstitutionnel, alors je vous prierais de ne pas me faire dire ce que je ne veux pas dire. Je soulève certaines préoccupations concernant sa constitutionnalité à la fois dans l'optique du partage des pouvoirs et dans l'optique de la Charte. L'argument relatif à la Charte est de portée plus limitée, et il concerne les pouvoirs de perquisition et de saisie et le pouvoir d'exiger la communication de renseignements personnels prévus dans le projet de loi. Je crois que ces pouvoirs sont trop étendus et qu'il faut prévoir inscrire dans la loi la norme du caractère raisonnable.
Avez-vous reçu copie du mémoire de la commissaire fédérale à la vie privée? Oui. Bon. La commissaire y traite de certaines de mes préoccupations. C'est de cet aspect relatif à la Charte que je parlais.
En ce qui concerne le partage des pouvoirs, notons que la Cour d'appel du Québec a rendu un jugement qui invalide la majeure partie de la Loi sur la procréation assistée sur la base du partage des pouvoirs. L'affaire est actuellement en instance devant la Cour suprême du Canada; donc, le droit n'est pas clairement fixé à cet égard. Si vous examinez cette cause, vous verrez que les types d'activités en cause sont très similaires.
La prétention du gouvernement fédéral était de justifier sa loi en vertu de ses pouvoirs en droit criminel; de son côté la Cour d'appel du Québec conclut que des parties importantes de cette loi ne relèvent pas des pouvoirs fédéraux en droit criminel, qu'en fait les dispositions d'interdiction en relèvent à coup sûr, tout comme certaines autres dispositions, mais que le vaste régime de permis ne lui paraît pas être un mal auquel il faut remédier et qu'en réalité, la procréation assistée est quelque chose que nous souhaitons promouvoir. Ces questions sont pour ainsi dire du même ordre que l'utilisation par les laboratoires de ces substances, et les procédures en matière de permis, d'inspection et autres sont assez similaires aux dispositions prévues à cet égard dans la Loi sur la procréation assistée.
Nous ne savons pas encore comment la Cour suprême du Canada tranchera la question. Elle a l'habitude de laisser une très grande marge discrétionnaire quant à ce que l'on peut considérer comme relevant des pouvoirs en droit criminel. Par contre, sa décision est attendue au cours de la prochaine année et nous saurons alors beaucoup mieux à quoi nous en tenir. Pour le moment, nous savons que la Cour d'appel du Québec a dit qu'un régime très semblable à celui dont nous parlons, avec toutes ses dispositions concernant les permis, est inconstitutionnel, du point de vue du partage des pouvoirs.
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C'est sans aucun doute une préoccupation qui est soulevée par le projet de loi. C'est quelque peu difficile d'y répondre complètement avant d'avoir vu les règlements, mais je suis de votre avis: le danger d'un tel projet de loi où l'on ne distingue pas l'usage réservé à un agent pathogène d'un autre peut mettre un frein à la recherche médicale et aux activités de diagnostic, et peut aussi causer de l'injustice. Malheureusement, c'est ce qui s'est produit aux États-Unis, où le Patriot Act a eu pour effet d'entraîner l'exode de la recherche sur les organismes qui figurent sur la liste des organismes spéciaux contenus dans cette loi, parce que bien des chercheurs croient que le jeu n'en vaut pas la chandelle, et qu'ils courent en tout temps le risque de commettre une infraction non intentionnelle. Pensons à l'histoire du Dr Butler, un microbiologiste de renom, qui a violé une des dispositions du Patriot Act — infraction qu'il a lui-même déclarée. Les conséquences ont été très sévères: incarcération et perte de son permis d'exercer la médecine et de son poste à l'université. Oui, la préoccupation est bien réelle.
Cela dit, si le processus législatif est suivi dans les règles et si on apporte des précisions utiles, je pense que la consultation évolue dans la bonne voie, assurément en ce qui concerne le groupe de risque 2, qui correspond à la très grande majorité des micro-organismes avec lesquels on travaille dans les laboratoires de diagnostic et de recherche.
On travaille avec le groupe de risque 4 uniquement dans le laboratoire de microbiologie international à Winnipeg, alors j'imagine que le gouvernement fédéral peut se réglementer comme bon lui semble dans ce cas.
Le groupe de risque 3 est peut-être celui qui nous posera le plus de problèmes parce que plusieurs organismes de ce groupe sont très dangereux. Ils n'ont pas été classés là sans raison. Ils doivent être réglementés correctement. En même temps, on mène de plus en plus d'activités de recherche et de diagnostic dans les laboratoires de niveau 3. Rappelons-nous seulement qu'au cours des dernières années, le Canada a vu d'importantes éclosions liées aux organismes de niveau 3: l'épidémie de SRAS à Toronto et à Vancouver, et l'introduction en Amérique du Nord, notamment au Canada, du virus du Nil occidental. Ces deux virus font partie du groupe de risque 3.
De plus, un élément dont on ne traite pas précisément dans le projet de loi, mais qui est très présent en recherche, est l'utilisation de vecteurs viraux obtenus par construction génétique qui pourraient, en théorie, causer le cancer. Ces vecteurs doivent être confinés aux laboratoires de niveau 3. Donc au cours des dernières années, on a pu observer une augmentation du nombre de laboratoires de niveau 3 au pays, ce qui, dans l'ensemble, est positif parce que ça répond à un besoin, mais ils doivent être exploités dans les règles, à tous les égards. Il ne faut pas cesser les efforts qui doivent être faits pour la recherche médicale et la santé publique, mais il faut également s'assurer d'enrayer les pratiques imprudentes pour ainsi éviter les dangers.
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L'Agence de la santé publique est ouverte aux demandes de précision ou d'assurance selon lesquelles le groupe de risque 2 ne sera pas traité de la même façon que les groupes de risque 3 et 4. Nous reconnaissons qu'il faut avoir un degré de flexibilité pour le groupe de risque 3; ainsi, la réglementation et les consultations nous permettent de faire une distinction entre les agents pathogènes dont l'impact et le taux de létalité sont élevés et la tuberculose, le VIH ou d'autres agents du groupe de risque 3 qui pourraient essentiellement être traités différemment.
Nous voulons adopter une approche pondérée pour le groupe de risque 3, une approche axée sur le risque.
J'insiste pour dire que le projet de loi soumis à l'adoption est une solution conçue au Canada qui est fondée sur nos lignes directrices actuelles pour la sécurité en laboratoire, et que ces lignes directrices établissent très clairement les différences entre le groupe de risque 2 et les groupes de risque 3 et 4.
Il me semble que les gens travaillant dans les laboratoires étaient préoccupés par la sécurité et par le fardeau supplémentaire y étant associé. Dans le projet de loi à l'étude, il est indiqué qu'une habilitation de sécurité est nécessaire dans le cas de certains agents pathogènes et toxines. Les dispositions prévoient un certain degré de flexibilité pour le groupe de risque 3. Je le répète, l'agence est ouverte aux propositions qui permettent de mieux spécifier ou préciser ce point.
Selon le libellé du projet de loi actuel, les personnes qui ne sont pas titulaires d'une habilitation de sécurité peuvent être surveillées par celles qui en possèdent une.
Compte tenu de la réalité économique du moment, je crois que les coûts sont une préoccupation. Nous envisageons un échéancier raisonnable pour mener à bien le processus d'élaboration de la réglementation et du programme. Nous ne pouvons pas prédire quel sera le climat économique dans cinq ans, mais nous voulons nous attaquer à la mise en oeuvre de manière à pouvoir tenir compte des conditions et du contexte dans lesquels fonctionnent les laboratoires pour donner aux personnes concernées le temps de s'adapter à certaines exigences.
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Je dirai quelques mots à ce sujet, et je demanderais ensuite à Theresa d'expliquer pourquoi il est important d'adopter ce projet de loi sans plus tarder.
D'après ce qui se dégage des travaux du comité, il semble que vous songez à préciser davantage la loi, du moins son intention. L'intention est claire. Je le dis publiquement, nous le disons publiquement, le gouvernement a publiquement indiqué comment il compte procéder. Très honnêtement, mon intégrité est en jeu dans ce dossier. Je ne dis pas par là que les législateurs doivent s'y fier; ce n'est pas du tout ce que je dis. Bien entendu, s'il y a des moyens de préciser clairement et explicitement cette intention dans la loi, nous n'y verrions aucun inconvénient.
Je ne crois pas qu'il soit judicieux de reporter davantage l'adoption de la loi, de retourner à la table et de recommencer. Beaucoup d'efforts ont été mis dans ce dossier, et l'importance d'une telle loi est reconnue depuis plus de 10 ans. La question des agents zoopathogènes a été étudiée. Nous arrivons à mieux contrôler les agents zoopathogènes dans ce pays que les agents pathogènes humains ou, autrement dit, lorsqu'il est question de réglementation, nous comprenons mieux ce qui tue les moutons et les bovins au Canada que ce qui tue les humains. Nous réglementons les importations et les exportations. Nous réglementons le transport de ces choses. Mais dans la moitié des laboratoires au Canada, personne n'a de prise réelle sur la situation.
Maintenant, pour ce qui est de l'importance de la loi, je vais céder la parole à Theresa puis m'adresserai ensuite de nouveau à vous, madame.
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Je crois que nous sommes certainement prêts à examiner la possibilité de prévoir une assurance supplémentaire, si on peut ainsi la qualifier, dans la loi. Nous n'avons pas fait les choses à la hâte. Nous avons depuis 15 ans des règlements qui régissent l'importation d'agents pathogènes humains. C'est vers 1999 que l'importance de savoir qui était en possession de quoi au pays et d'établir des procédures pour la manipulation en toute sécurité de ces pathogènes s'est réellement manifestée. Puis il y a eu l'épisode du bacille du charbon, suivi du SRAS. Personne ne savait qui était en possession du virus du SRAS. Ensuite, en 2004, on a amorcé la rédaction de la loi.
Je crois que les préoccupations qui ont été exprimées sont les mêmes que nous avons déjà entendues. Nous sommes certainement d'avis que celles-ci peuvent être prises en compte dans la réglementation. Cependant, s'il est possible de prévoir une quelconque assurance supplémentaire, tant mieux. Le public peut également prendre connaissance du cadre réglementaire et du programme proposés en consultant notre site Web.
Il semble que pas un jour ne passe sans qu'il se produise quelque chose. Le monde a été témoin de la distribution d'échantillons du H2N2. Il pourrait survenir quelque chose demain. Quelqu'un a parlé du virus de la polio et du fait que nous ne savons pas où se trouve ce virus au Canada. C'est important. J'aimerais bien savoir — dès demain, si possible — exactement qui est en possession du virus de la polio au Canada.
Bien que la polio ne figure pas dans la liste prévue à l'annexe, elle est visée par la loi en vertu des définitions des groupes de risque. Lorsqu'il est question de listes, soit elles sont trop restreintes ou encore trop inclusives au goût de certains. Toutefois, on ne voudrait pas qu'un problème survienne demain et que, compte tenu des expériences que nous avons vécues dans le cadre de nos programmes...
Il y a quelques semaines, dans « une » province, nous avons découvert un laboratoire à l'abandon où il y avait neuf congélateurs remplis de pathogènes. Dans une autre province, nous avons découvert un laboratoire « clandestin », mais nous n'avions pas le pouvoir d'appliquer les mesures réglementaires qui s'imposaient dans les circonstances. Il y a un gros manque d'uniformité dans les pratiques.
J'estime que les laboratoires universitaires réputés qui souscrivent à des programmes de biosûreté sont encore une fois ceux qui se conformeraient rapidement à la loi. Toutefois, ce qu'on cherche à éviter, ce sont les autres problèmes qui risquent de survenir dans les autres laboratoires sans que nous puissions y faire quoi que ce soit, même après avoir débattu de la question pendant 10 ans.
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L'intention n'est pas de réglementer les laboratoires à des fins de diagnostic ou d'assurance de la qualité, ni de surveiller la façon dont ils mènent leurs activités au jour le jour. L'objet de cette loi est de créer un mécanisme afin de réglementer la possession, l'utilisation et la destruction des agents pathogènes humains et des toxines de façon à les contenir et à empêcher qu'ils soient libérés à plus grande échelle, ce qui poserait essentiellement un risque pour la sécurité des humains. Voilà le fondement du pouvoir législatif en matière pénale. Nous ne cherchons pas à scruter les pratiques liées aux tests de diagnostic menés chaque jour dans les laboratoires. Nous cherchons à nous assurer que les mesures de confinement sont appropriées, c'est-à-dire à déterminer ce que font les laboratoires pour essentiellement interdire et arrêter la destruction de ces agents pathogènes humains et la communication de renseignements à leur propos, afin de limiter l'exposition du personnel de laboratoire et du grand public à ces produits essentiellement dangereux. Voilà la raison d'être du mécanisme. Il n'a pas été conçu pour autre chose.
Donc, ce qui explique pourquoi la réglementation sera plus détaillée que la loi, c'est la nature technique de bon nombre des éléments, si on pense par exemple aux lignes directrices en matière de sécurité biologique et à la façon dont elles seront intégrées aux règlements à proprement parler. Il faut voir à le faire au moyen d'éléments et de normes techniques qui seront élaborées tout au long du processus. C'est ainsi que les choses devront être faites.
Je n'ai pas parlé des autres questions soulevées par Mme Gibson en ce qui a trait aux pouvoirs d'inspection, à la Charte. Je dirais surtout que l'article 41 prévoit explicitement que l'inspecteur doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'il s'exerce une activité interdite, si l'établissement n'est pas détenteur d'un permis, avant de véritablement pouvoir s'y présenter. Donc, de notre point de vue, l'inspecteur doit avoir des motifs raisonnables de croire que ces choses se passent véritablement avant de pouvoir entreprendre d'agir. De même, tout pouvoir d'inspection exercé par l'inspecteur ou l'inspectrice doit être exercé conformément à la Charte et selon les règles, sans quoi il ou elle pourrait ensuite faire l'objet d'une contestation. Donc, la norme elle-même en est une raisonnable et l'exercice du pouvoir doit se faire conformément à une norme raisonnable.
Pour ce qui est de la communication de renseignements, les articles 38 et 39 établissent des normes en vertu desquelles il est nécessaire, dans des contextes particuliers, de communiquer certains renseignements. On y dit que le ministre peut, sans le consentement de la personne concernée par les renseignements, communiquer les renseignements si cela est nécessaire pour l'exécution ou le contrôle d'application de la loi, ou pour permettre au Canada d'honorer ses obligations internationales. Le ministre peut également communiquer ces renseignements s'il a des motifs raisonnables de croire que la communication est nécessaire pour parer à un danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité publiques.
Ces dispositions sont semblables à celles qui existent ailleurs qui n'ont pas été contestées et que nous estimons être constitutionnelles. De notre point de vue, il existe une norme raisonnable pour parer au danger grave et imminent; toutefois, une norme nécessaire constitue selon nous un seuil encore plus important. Si une chose est nécessaire, elle est forcément raisonnable; par contre, une chose peut être raisonnable sans être nécessaire.
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Merci beaucoup. J'aimerais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
Madame Allain, j'ai certaines préoccupations quant au respect, dans ce projet de loi, des champs de compétence. Des scientifiques, des gens des gouvernements provinciaux le remarquent. J'ai ici une lettre de M. Vivek Goel, qui est président et directeur général de l'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé. Vous me pardonnerez mon anglais, mais j'aimerais vous en lire une partie.
[Traduction]
En tant qu'exploitant de laboratoires de santé publique partout en Ontario, l'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé est déjà régie par la Loi sur la santé et la sécurité au travail et peut faire l'objet d'inspections pour ce qui est d'un large éventail de mesures de santé et de sécurité qui concernent le personnel, dont les mesures de biosécurité.
[Français]
Je ferais aussi un parallèle avec la contestation face à la reproduction assistée. En ce qui concerne le projet de loi, on voit, tant du côté de certains groupes de scientifiques que de celui des provinces, qu'il va y avoir contestation. On a eu la même contestation lorsqu'il a été question de reproduction assistée. C'était le même type de cadre et il y a eu contestation de la part des provinces. Le Québec avait prévenu qu'il contesterait la loi; il l'a contestée. Il y a les frais juridiques qui entrent en ligne de compte, il y a toute la procédure, le temps.
Ne pensez pas qu'on va en arriver là encore une fois, surtout que cette fois-ci, ce n'est pas la seule province réfractaire? Il y a l'Ontario, mais il y a aussi la Colombie-Britannique. Ne trouvez-vous pas que vous allez un peu loin? Vous seriez surprise que la loi soit contestée par les provinces?