HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
CANADA
Comité permanent de la santé
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 10 mars 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi à tous.
Je veux certainement souhaiter la bienvenue aux témoins que nous entendrons aujourd'hui. Nous sommes impatients de connaître votre opinion sur le projet de loi C-11.
Comme vous le savez, un représentant de chaque organisation fera un exposé de 10 minutes.
Nous avons devant nous Alicia Sarabia, de l'Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie Canada, qui dirige la section de microbiologie médicale au Credit Valley Hospital. Madame, nous vous souhaitons la bienvenue.
Témoignerons également aujourd'hui M. Vivek Goel, président-directeur général de l'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé, et Don Low, directeur médical des Laboratoires de la santé publique. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux.
De plus, nous entendrons M. Michael Hynes, professeur au département de sciences biologiques de l'Université de Calgary. Bienvenue, Monsieur.
Enfin, nous entendrons le témoignage de monsieur Albert Descoteaux, de l'Institut Armand-Frappier.
Nous vous souhaitons la bienvenue à tous.
Nous commencerons par madame Alicia Sarabia.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
Tout d'abord, j'aimerais vous donner un peu d'information de base. Spécialiste des maladies infectieuses et en microbiologie médicale, je travaille dans un laboratoire communautaire situé au Credit Valley Hospital, à Mississauga. J'ai également une expérience considérable dans la collectivité, ou ce qu'on appelle généralement des cabinets privés, dans la province de l'Ontario. J'ai un peu moins travaillé dans les laboratoires universitaires, mais j'ai demandé l'opinion de mes collègues qui y travaillent afin de bien les représenter aujourd'hui.
Je suis présidente du comité de microbiologie dans le cadre du programme de gestion de la qualité de l’Ontario Medical Association. Ce programme évalue les compétences de tous les laboratoires de microbiologie et de diagnostic autorisés de la province. Je me tiens également au courant des travaux qui s’effectuent actuellement dans les laboratoires de la province sur le plan des diagnostics.
Comme vous le savez, je suis également chef de la Section de microbiologie médicale de l'Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie Canada.
Je vais maintenant vous mettre un peu en contexte et vous donner une description très détaillée des laboratoires de diagnostic de notre pays. Ces laboratoires se trouvent dans différents endroits, notamment dans des hôpitaux et la collectivité, exploités par des intérêts privés. Ils se situent également dans des laboratoires de santé publique, qui agissent souvent à titre de référence pour les travaux effectués initialement dans les laboratoires hospitaliers et privés, puis transférés aux laboratoires de santé publique pour effectuer des recherches concernant des éclosions d'infections, par exemple.
Il existe d'énormes différences entre ces laboratoires. Certains d'entre eux, très petits, sont exploités par une poignée de personnes, littéralement, qui peuvent avoir des formations non seulement en microbiologie, mais également en chimie et en hématologie. D'autres laboratoires, à la fine pointe de la technologie et fort complexes, servent à des centaines de personnes.
Le volume de spécimens variera considérablement d'un laboratoire à l'autre, tout comme les plateformes de diagnostic. Certains laboratoires réaliseront des études microbiologiques très élémentaires, comme des tests de base sur les frottis de la gorge qui leur sont envoyés, alors que d'autres effectueront toutes une panoplie de tests, comme la pose de diagnostics concernant des virus, des bactéries, des parasites et des champignons.
Ce sont tous des éléments qu'il faut prendre en compte lorsqu'on examine le projet de loi, car ce dernier pourrait obliger certains de ces laboratoires à effectuer des travaux, affecter des ressources et apporter des changements administratifs.
Les laboratoires de recherche peuvent bien sûr se trouver dans des centres universitaires et des installations de santé publique, ainsi que dans de nombreux cabinets privés de différentes régions du pays. Le Canada jouit d'une excellente réputation dans le domaine de la recherche en microbiologie. Les laboratoires de recherche en microbiologie du Canada font connaître leurs travaux dans les revues médicales et les réunions internationales.
Comme nous le savons tous, le projet de loi C-11 porte principalement sur la biosécurité. Je crois comprendre que la priorité accordée à cet aspect a légèrement diminué à mesure que prenait forme la mesure législative. Cette dernière s'inspire des lignes directrices en matière de biosécurité des laboratoires publiées en 2004. Je crois que l'on cherche à normaliser les pratiques dans les laboratoires du pays pour que ceux-ci prennent les mêmes mesures pour assurer la biosécurité en vertu du règlement, selon le niveau de risque associé avec l'agent pathogène qu'on y trouve.
Nos recommandations et nos préoccupations sont les suivantes. Je commencerai par dire que nous voyons évidemment d'un bon oeil l'importance accordée à la biosécurité, puisque cela témoigne de l'attention portée à la santé publique. Peut-être craignons-nous que cette dernière soit compromise si le programme et les cadres réglementaires qui vont de pair avec cette mesure législative sont trop restrictifs, car cela nuirait aux efforts des laboratoires ainsi qu'aux diagnostics et aux travaux de recherche.
Il est donc primordial de trouver un juste équilibre afin d'assurer d'une part la protection et l'amélioration de la santé publique, c'est-à-dire garantir la biosécurité dans les laboratoires, et de poursuivre d'autre part les travaux de recherche et de diagnostic essentiels permettant de maintenir la santé de la population.
Lorsqu'il s'agit d'appliquer efficacement le projet de loi et le cadre réglementaire, nous sommes incertains de ce qui nous attend. L'Agence de santé publique du Canada a donné des séances d'information, au cours desquelles on a répondu à certaines questions. Mais comme le projet de loi en est encore à un très haut niveau, certains d'entre nous ne comprennent pas encore très bien ce qu'entraîneront les détails. Ainsi, certains se demandent si l'équilibre entre la biosécurité et les progrès des travaux de recherche en matière de diagnostic perdurera.
Nous croyons fermement qu'il faudra établir une structure de communication solide pour y arriver. Le Bureau de la sécurité des laboratoires de l'Agence de santé publique du Canada et les principales parties prenantes, y compris l'AMMI Canada, mon organisme, devront échanger de l'information de manière respectueuse et ouverte pour que ce projet de loi puisse être mis en oeuvre et appliqué avec succès.
Pendant l'élaboration de ce cadre, il faudra examiner beaucoup plus en profondeur les questions suivantes.
Nous devons savoir exactement quel sera l'échéancier de mise en oeuvre ou collaborer afin de l'établir. Nous vous recommanderions de mettre en oeuvre les divers éléments du programme graduellement plutôt que d'un seul coup.
Nous devons en outre connaître les critères définissant les niveaux de sécurité et en discuter. Il faut que ces critères soient, bien sûr, clairement définis. Nous devrons également discuter des répercussions des autorisations, de la surveillance des personnes qui entrent dans les laboratoires et qui en sortent et de la charge de travail que doivent assumer les laboratoires par rapport aux ressources dont ils disposent pour le faire. Comment y parvenir?
Nous devons également connaître la nature des inventaires que devront tenir les laboratoires disposant d'agents pathogènes appartenant aux différents groupes de risque. Nous sommes convaincus qu'il faut, par exemple, que le Bureau de la sécurité des laboratoires prépare des outils en collaboration avec les parties prenantes pour que les gens n'inventent pas leurs propres mécanismes pour se conformer au règlement.
Nous considérons également que le Bureau de la sécurité des laboratoires et les principales parties prenantes doivent chercher des moyens de rendre le processus le plus efficace possible. Par exemple, en Ontario, un groupe provincial assurant la biosécurité et la sécurité inspecte nos laboratoires. De plus, pour pouvoir importer des agents pathogènes des États-Unis, nous remplissons déjà un questionnaire d'une vingtaine de pages, ce qui peut prendre des semaines, voire des mois. Nous devons donc nous assurer que pour nous conformer à cette loi importante, nous ne nous retrouvons pas enterrés sous la paperasse.
Il faut également apporter certains ajustements aux exigences en matière de sécurité selon les risques que présente pour la biosécurité un microorganisme particulier, ce que l'on appelle, dans le projet de loi, les agents pathogènes appartenant aux différents groupes de risque. Il me semble que dans un groupe de risque — disons le groupe 3 —, il existe des agents pathogènes qui présentent des niveaux divers de risque en matière de biosécurité. Il faut apporter quelques correctifs pour que le programme qui sera mis en oeuvre soit applicable, réaliste et sécuritaire.
Je dirai enfin que l'objectif, ici encore, consiste à assurer un sain équilibre entre la biosécurité au sein de nos laboratoires et le maintien de l'excellence dans les efforts de diagnostic et de recherche visant à assurer la santé publique. Pour y parvenir, nous devons établir une très solide structure de communication. Et nous devons être sûrs que le cadre réglementaire et le programme qui résulteront de nos efforts sont réellement le fruit d'un partenariat noué entre le Bureau de la sécurité des laboratoires et les principales parties prenantes.
Merci.
Je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de votre opinion éclairée.
Nous entendrons maintenant le témoignage de M. Goel, président-directeur général de l'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé. La parole est à vous.
Merci. Bon après-midi. J'aimerais remercier les honorables membres du comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
De toute évidence, la biosécurité constitue une question importante au Canada, et je suis heureux de vous transmettre des observations et des recommandations au nom de la nouvelle agence ontarienne de santé publique.
Je m'appelle Vivek Goel. Je pratique la médecine dans le domaine de la santé publique et suis président de l'Agence. J'enseigne également à la Dalla Lana School of Public Health de l'Université de Toronto. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Don Low, directeur médical de nos laboratoires de santé publique, microbiologiste en chef à l'hôpital Mount Sinai et professeur au laboratoire de médecine et de pathobiologie de l'Université de Toronto. M. Low est l'un des héros qui ont travaillé sans relâche pendant la crise du SRAS afin de protéger la santé des Canadiens. Depuis lors, il a clairement exprimé sa détermination à renouveler nos laboratoires de santé publique.
L'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé a été créée en vertu d'une loi en 2007 à la suite des travaux d'un certain nombre de groupes d'experts et de groupes de travail établis après la crise du SRAS. À l'instar de l'Agence de santé publique du Canada, cet organisme vise à renforcer le système de santé publique. Nous donnons notamment des conseils scientifiques et techniques spécialisés et du soutien sur place à l'intention des travailleurs du domaine des soins de santé, des unités de santé publique et du gouvernement. Dans le cadre de notre large mandat, nous assurons le contrôle des maladies infectieuses, la promotion de la santé, la prévention des blessures et des maladies chroniques, la promotion de l'hygiène de l'environnement et de la santé en milieu de travail, ainsi que la préparation aux urgences sanitaires, appuyant notamment les efforts de lutte au bioterrorisme.
Le 15 décembre 2008, les laboratoires de santé publique de l'Ontario sont passés de la responsabilité du ministère de la Santé et des Soins de longue durée à celle de l'AOPPS. Ces laboratoires, qui comptent plus de 600 employés et 12 installations en Ontario, effectuent plus de quatre millions de tests chaque année. Notre capacité à produire des données de laboratoire et de les utiliser efficacement pour élaborer des outils et des technologies afin d'appuyer les systèmes de santé publique et de santé en général constituera la clé de notre réussite.
Le projet de loi proposé est une tentative louable de codifier dans une loi certaines des lignes directrices en matière de biosécurité; il porte de plus sur une question d'importance capitale. Nous sommes heureux d'avoir reçu des séances d'information et de voir que des modifications ont été apportées. Nous sommes également satisfaits que Mme Tam et M. Butler-Jones nous aient indiqué récemment que d'autres consultations auraient lieu, particulièrement lors de la préparation du règlement. Nous sommes impatients d'avoir l'occasion de nous faire vraiment entendre.
Le projet de loi nous préoccupe cependant à plusieurs égards, d'autant plus qu'il n'y a pas encore de projet de règlement. Nous préférerions que les questions les plus graves soient réglées avant que la mesure législative ne soit adoptée.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi confère au ministre de larges pouvoirs concernant l'utilisation d'une longue liste d'agents pathogènes et de toxines. Si l'on ne tient compte que du projet de loi, il y a de fortes chances que l'on fasse double emploi aux processus réglementaires d'inspection et de délivrance de permis. Les répercussions que cette mesure législative pourrait avoir sur la charge de travail et les retards qui en découleraient auraient des effets considérables sur les activités des laboratoires d'analyse clinique, de santé publique et de recherche.
Le projet de loi prévoit de larges pouvoirs concernant l'élaboration de règlements. Ces pouvoirs portent sur toutes sortes d'aspects, comme les installations, les critères définissant les niveaux de sécurité, les inventaires et la délivrance de permis. Il comprend en outre une disposition stipulant que peut être incorporé par renvoi dans un règlement tout document produit par un organisme ou une personne autre que le ministre.
Compte tenu de ces larges pouvoirs, notamment celui relatif à l'incorporation par renvoi, et du large éventail de sujets pouvant relever des compétences provinciales, il serait préférable que le projet de loi oblige explicitement le ministre à entreprendre des consultations publiques. Nous recommandons de modifier le projet de loi pour qu'il comprenne une exigence précise en matière d'avis, une publication 60 jours à l'avance, par exemple, et stipule que le ministre doit tenir compte des commentaires ou des mémoires présentés par le public et fasse état des changements apportés par suite de ces consultations, le cas échéant.
Nous comprenons qu'il existe un processus clair régissant l'élaboration et la publication des règlements fédéraux, mais aucune loi n'oblige la tenue du type de consultation que nous avons proposé.
L'un des principaux éléments du projet de loi C-11 est l'obligation d'obtenir un permis du ministre. Nos laboratoires de santé publique sont déjà régis par la loi sur la délivrance de permis aux laboratoires et suivent les processus d'agrément habituels. Il semble donc que le projet de loi ait pour effet de créer un double régime de délivrance de permis.
Nous vous proposons de chercher à harmoniser ce régime à ceux qui existent déjà.
Le projet de loi prévoit également que toutes les expositions accidentelles aux agents pathogènes visés soient communiquées au gouvernement fédéral, ce qui risque de causer des recoupements avec les exigences en matière de santé et de sécurité au travail; nous recommandons donc d'examiner et d'éliminer tous les chevauchements pouvant exister à cet égard.
Comme d'autres l'ont fait remarquer, l'obligation d'effectuer des vérifications de sécurité pourrait se révéler très onéreuse. Nous avons déjà de telles mesures en place pour certaines personnes qui travaillent dans nos laboratoires et ont accès à certains types d'agents pathogènes. Comme vous l'avez déjà entendu dire, cette obligation pourrait avoir de lourdes conséquences sur la formation des étudiants et l'embauche de nouveaux employés lorsque nous devons augmenter rapidement notre capacité en cas crise.
Nous recommandons de clarifier les exigences relatives aux habilitations de sécurité pour les différentes catégories de travailleurs. Nous voudrions en outre être assurés que l'on prévoira des processus appropriés dans les cas dont nous venons de parler.
L'article 38 accorde au ministre un pouvoir extrêmement large, lui permettant d'ordonner à un demandeur de permis de dévoiler des renseignements personnels. Nous nous inquiétons particulièrement de la portée excessive de ce pouvoir et de l'absence de processus de vérification raisonnable des renseignements demandés. Nous voudrions que le projet de loi soit beaucoup plus précis concernant ces pouvoirs.
En conclusion, nous appuyons l'esprit et l'intention du projet de loi C-11, mais considérons qu'il reste beaucoup trop de questions sans réponse pour l'instant.
Nous avons remarqué qu'aux États-Unis, après la publication d'une mesure législative semblable, de nombreux laboratoires ont simplement décidé de cesser de travailler avec les agents pathogènes visés plutôt que d'assumer les problèmes et les coûts qu'entraînait la conformité à la loi, ce qui a eu pour résultat net une diminution de la capacité de lutter contre les menaces à la santé publique.
Nous croyons qu'une approche en matière de biosécurité et de préparation aux situations d'urgence devrait être exhaustive et faire intervenir les laboratoires et le milieu scientifique. Nous appuyons la suggestion de M. Peter Singer, qui, dans son témoignage de la semaine dernière, a proposé d'évaluer en profondeur la capacité du Canada de réagir à la menace bioterroriste par l'entremise du Conseil des académies canadiennes.
En bref, le projet de loi crée ce qui pourrait devenir des chevauchements importants sur les plans des inspections et de la conformité. Pareille situation entraînerait des lourdeurs administratives et des coûts.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de nos préoccupations et de nos recommandations. Nous serons heureux d'entendre vos observations et vos questions.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Goel.
Nous entendrons maintenant M. Michael Hynes, de l'Université de Calgary.
Je remercie les honorables membres ainsi que le comité de m'avoir invité aujourd'hui. Je suis ici au nom de la Société canadienne des microbiologistes, de laquelle j'ai été élu président cette année. La société compte entre 400 à 500 membres et représente les intérêts de tous les microbiologistes canadiens qui choisissent d'y adhérer. Il s'agit principalement de microbiologistes effectuant de la recherche dans des laboratoires universitaires et gouvernementaux, mais nous comptons également des microbiologistes cliniques parmi nos membres. Nous entretenons des liens étroits avec d'autres sociétés canadiennes, dont le Collège canadien de microbiologistes, une organisation professionnelle. J'ai donc aussi eu le point de vue de quelques-uns de nos homologues.
Je suis professeur à l'Université de Calgary et mes recherches portent sur la génétique microbienne. Je ne travaille pas avec les pathogènes, alors cette loi ne me touche pas personnellement. Je ne suis donc pas ici pour prêcher pour ma paroisse. Mes commentaires s'appuient sur l'idée que je me fais de la situation et largement sur les réactions de nos membres face à ce projet de loi. Les membres d'une société comme celle que je représente ne prennent généralement pas la peine de répondre aux demandes de consultation. J'ai toutefois reçu un nombre impressionnant de réponses au sujet de ce projet de loi, que ce soit par courriel, par téléphone ou de vive voix. Une grande partie de notre assemblée générale annuelle de l'an dernier a d'ailleurs été consacrée au projet de loi C-54.
Les gens sont inquiets, car ils ne comprennent pas vraiment en quoi cette loi est nécessaire dans sa forme actuelle. Le milieu de la microbiologie au Canada a un parcours quasi impeccable. Les lignes directrices sur les risques biologiques en place dans les laboratoires universitaires et gouvernementaux sont respectées et semblent être efficaces. C'est pourquoi nos membres ont exprimé beaucoup de réserves à l'égard du projet de loi. La polémique découle surtout du fait que les lignes directrices de l'Agence de la santé publique du Canada énoncent spécifiquement que les organismes de niveau de biosécurité 2 posent peu de risques pour la population, alors beaucoup de membres de notre société estiment qu'il n'est pas nécessaire de les inclure dans une loi sur les agents pathogènes et les toxines.
J'ai eu beaucoup de commentaires à cet effet. L'exemple peut-être le plus probant m'a été donné par un chercheur qui me disait qu'il serait plus sécuritaire de camper dans son laboratoire pendant deux semaines que d'entrer dans un hôpital, parce qu'il est beaucoup plus probable de contracter une infection grave dans un établissement de santé. Dans les faits, les gens s'opposent à l'inclusion des pathogènes de niveau 2 dans ce projet de loi.
On s'interroge aussi beaucoup sur la présence d'E. coli dans la liste des pathogènes de niveau 2 figurant dans le projet de loi, alors que seules les souches pathogènes de cet organisme sont énumérées dans les lignes directrices actuelles. C'est un aspect très important pour nos membres, parce que presque tous les chercheurs utilisent E. coli pour leurs expériences en génétique. Cela ne s'applique pas seulement aux microbiologistes, mais aussi à tous ceux qui touchent au clonage génétique. Les souches d'E. coli utilisées pour le clonage génétique sont non pathogènes; on a reconnu leur nature non pathogène il y a de nombreuses années, alors ce projet de loi devrait inclure un énoncé quelconque indiquant que toutes les souches d'E. coli n'appartiennent pas au niveau 2.
On s'inquiète également des coûts et des retards qu'une application stricte des dispositions de la loi occasionnerait pour la recherche, ainsi que des répercussions que cela aurait sur l'embauche d'étudiants, malgré ce que nous dit l'Agence de la santé publique du Canada. On craint réellement qu'il sera très difficile d'embaucher des étudiants et des postdoctorants étrangers, parce qu'il est déjà assez complexe comme ça pour eux d'obtenir des visas. Il pourrait devenir compliqué d'obtenir en plus une cote de sécurité pour ces personnes.
Par ailleurs, le libellé du projet de loi ne correspond pas au discours plutôt rassurant que nous sert l'Agence de la santé publique du Canada. Lorsque les représentants de l'ASPC donnent des séances d'information, ils savent très bien répondre aux questions; mais tous les documents qu'on nous remet regorgent de propositions, pas de faits. Nous voulons nous assurer que les promesses que l'on nous fait seront tenues.
Nos membres se posent aussi les questions suivantes: comment ce système de permis permettra d'accroître la sécurité par rapport au statu quo, c'est-à-dire conformément aux règles de sécurité appliquées dans les laboratoires universitaires et gouvernementaux? Les microbes énumérés dans les annexes sont présentés comme des espèces, mais les microbiologistes savent bien que ce sont les souches qui sont pathogènes. De nombreux membres de ces espèces sont non pathogènes; ils ne présentent aucun risque pour la santé humaine. Évidemment, avec la constante reclassification des micro-organismes, certains peuvent être associés à une autre espèce, alors qu'en réalité ils ne sont pas dangereux.
On voulait savoir si les permis allaient être accordés aux établissements, aux groupes de recherche ou aux chercheurs, car tous sont inclus dans la définition légale de « personne », et c'est le terme qu'on emploie partout dans le projet de loi. Quelqu'un a suggéré qu'il serait plus efficace de délivrer les permis aux établissements, plutôt qu'aux chercheurs eux-mêmes. Nous ne savons pas quelles pourraient être les conditions à remplir pour obtenir un permis afin de travailler avec des pathogènes, ou s'il y aura un processus de recours en cas de refus de la demande.
Le projet de loi ne dit pas qui devra payer les coûts rattachés au processus de délivrance des permis. Est-ce que ce sera les chercheurs ou le gouvernement? Les documents préliminaires que nous a fournis l'Agence de la santé publique du Canada indiquent qu'il n'y aura aucuns frais, mais nous voulons nous en assurer. Nous ne savons pas quel impact cela aura sur les études de premier cycle dans les laboratoires de microbiologie, un espace partagé avec des chercheurs, certains travaillant avec des pathogènes et d'autres pas. Comment le personnel de garde aura-t-il accès aux laboratoires? Devront-ils obtenir une cote de sécurité également? Ce ne sont là que quelques questions parmi toutes celles que m'ont envoyées nos membres.
L'admissibilité à une cote de sécurité est un problème majeur. À notre avis, cette pratique pourrait facilement nous attirer des problèmes en ce qui a trait aux droits de la personne. Nous ne savons pas qui seront les inspecteurs, comment ils seront formés et comment ils effectueront leur travail.
J'aimerais attirer l'attention du comité sur la revue internationale Science, qui a publié le 6 mars dernier, c'est-à-dire jeudi, un court article à propos de Bruce Ivins et de l'anthrax. L'auteur de cet article a mis le doigt sur ce qui inquiète nos membres. Par exemple, on laisse entendre qu'il faudra 45 jours aux États-Unis pour effectuer une évaluation des risques pour la sécurité. Nous recevons souvent des chercheurs de l'étranger qui ne travaillent dans nos laboratoires que pendant un mois. On ne pourrait jamais les faire entrer, et peut-être qu'il ne vaudrait pas la peine de passer au travers de ce processus pour une si courte période.
Aux États-Unis, on a suggéré d'exclure les personnes ayant des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale à l'issue de l'évaluation des risques pour la sécurité. Cela me semble problématique. Mais la condition d'exclusion la plus effrayante selon moi est celle-ci: être citoyen d'un pays que les États-Unis estiment être un commanditaire du terrorisme. Cette condition pourrait être utilisée contre des Canadiens qui ont une double citoyenneté et qui proviennent d'un pays comme ceux-là.
Je mentionnerai en conclusion que des délais interminables dans le processus d'évaluation des risques menant à la délivrance des permis pourraient poser des risques pour la santé. Si, dans une situation d'urgence comme celle provoquée par le SRAS, on doit embaucher du personnel supplémentaire pour travailler dans un laboratoire de diagnostic et que la bureaucratie vient compliquer le processus d'embauche, cela pourrait avoir de graves conséquences en matière de santé publique.
Voilà ce qui complète mes commentaires. Merci de votre attention. Je suis disposé à répondre à vos questions en français ou en anglais.
[Français]
Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir donné le privilège de venir vous faire part des inquiétudes que plusieurs de mes collègues et moi partageons à l'égard de nombreux aspects du projet de loi C-11.
Je suis professeur et chercheur à l'Institut Armand-Frappier, une institution où la majorité des activités de recherche et d'enseignement se font en virologie et en microbiologie. Je suis aussi directeur adjoint du Centre de recherche sur les Interactions hôte-parasite et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l'infection et l'immunité. J'ai plus de 25 ans d'expérience en recherche en microbiologie.
Mon intérêt pour le projet de loi C-11 vient initialement de la classification des micro-organismes dans la version précédente du projet de loi, qui était le projet de loi C-54. Le parasite sur lequel je travaille, le parasite Leishmania, y avait été classifié dans l'annexe 3, ce qui était une erreur grossière. Cela a mobilisé la communauté des chercheurs qui travaillaient sur le parasite Leishmania, en raison des conséquences potentiellement désastreuses que cela aurait pu avoir sur nos activités de recherche. Malheureusement, il n'y avait eu aucune consultation des chercheurs concernés quant à la reclassification de ce micro-organisme et de plusieurs autres. Il semble que cela se soit fait de façon tout à fait arbitraire. Évidemment, je ne peux pas en présumer, mais cela semblait être le cas.
Plusieurs corrections ont été apportées à la classification des micro-organismes et toxines dans le projet de loi C-11. Par contre, comme le Dr Hynes en a fait part, il y a encore des problèmes. On pourrait donner plusieurs exemples. Des souches virales, par exemple le VSV, sont classifiées au niveau 3, alors que plusieurs souches sont adaptées au laboratoire et utilisées avec des modèles animaux pour comprendre comment ce virus cause l'infection. Le Mycobacterium bovis, qui est la souche vaccinale BCG, est classé au niveau 3 dans le présent projet de loi, alors que la moitié ou le tiers de la population mondiale a été vaccinée au BCG. Présentement, on utilise cette bactérie dans le traitement de certains cancers, comme le cancer de la vessie. Imaginez les médecins aller traiter des patients qui souffrent du cancer de la vessie dans des infrastructures de niveau 3 et leur injecter du BCG. Ce serait absolument ridicule. On a aussi mentionné Escherichia coli.
J'aimerais également aborder brièvement le cas des toxines. On semble avoir très peur des toxines. Pourtant, une toxine comme la toxine botulique est utilisée dans le traitement des rides et autres spasmes; c'est ce qu'on appelle le Botox. Ce n'est quand même pas si dangereux, si on l'utilise chez les humains. Autre chose intéressante au sujet des toxines bactériennes en recherche, c'est que ce sont des molécules d'origine microbienne qui vont cibler de façon très spécifique des molécules de nos cellules. Ces toxines deviennent des outils indispensables pour étudier le fonctionnement d'une cellule. Par exemple, dans le domaine du cancer, de la neurologie et de l'immunologie, on utilise fréquemment ces toxines comme outils pour bloquer des fonctions cellulaires. Si l'obtention de toxines devient impossible ou tellement difficile à gérer, beaucoup de recherches dans ces domaines devront être abandonnées ou seront rendues très difficiles.
Quant à la recherche fondamentale, c'est-à-dire la recherche que plusieurs de mes collègues et moi-même faisons, en microbiologie et dans la lutte contre les maladies infectieuses, on sait qu'elle est essentielle à l'avancement des connaissances. Cela nous permet de bien comprendre les interactions entre les microbes et leurs hôtes, dont les humains, les processus de pathogenèse et la réponse immunitaire que les humains développent envers ces micro-organismes. Ces connaissances sont essentielles pour développer des vaccins, des thérapies, des tests de diagnostic, etc.
La mouture actuelle de ce projet de loi peut avoir des conséquences négatives potentielles. Quelles conséquences une loi trop restrictive peut-elle avoir sur la recherche en microbiologie? Cela peut entraîner une diminution ou l'abandon de recherches sur certains micro-organismes, en raison de complexités administratives ou de l'absence d'infrastructures adéquates. Par exemple, si un chercheur dans une institution travaille avec un micro-organisme de niveau 1 qui est maintenant classé au niveau 2, il n'a plus l'infrastructure nécessaire et ça coûte cher. Va-t-il continuer à faire la recherche? Où va-t-il trouver les fonds pour améliorer son infrastructure? C'est la même chose dans le cas des pathogènes qui passent du niveau 2 au niveau 3.
Cela entraîne une augmentation des coûts pour les institutions de recherche et pour les chercheurs qui sont subventionnés par les Instituts de recherche en santé du Canada, par exemple.
Qui va payer pour la mise en place des mécanismes de surveillance, les demandes de permis, la gestion administrative? C'est bien beau d'imposer des contraintes, qui me semblent personnellement excessives, mais qui va payer pour cela afin que la recherche n'en souffre pas? N'oublions pas que c'est le gouvernement fédéral qui subventionne une grande partie de la recherche en santé, en microbiologie, au Canada. Au bout du compte, si cette loi est adoptée telle quelle, on aura un rendement amoindri pour chaque dollar de subvention.
On a dit plus tôt que la recherche demandait un libre-échange d'information, de connaissances et de réactifs. Par « réactifs », j'entends, entre autres, l'échange de souches microbiennes. Si la réglementation est trop restrictive, cela peut interférer avec la capacité des chercheurs d'échanger et d'obtenir des réactifs essentiels à la poursuite de leurs recherches. Comment fera-t-on pour aborder ces questions? Ce n'est pas vraiment clair dans le projet de loi. Ultimement, c'est la lutte contre les maladies infectieuses qui risque d'être touchée par un tel projet de loi, à cause de son influence sur le potentiel de recherche au Canada.
Aussi, je voudrais parler des impacts négatifs potentiels d'une loi trop restrictive sur la formation de personnel hautement qualifié. On parle d'étudiants dans nos universités, nos collèges. Personnellement, en ma qualité de directeur d'un programme de doctorat en virologie et immunologie à mon institution et de professeur qui enseigne la pathogénèse microbienne, c'est un aspect qui me préoccupe beaucoup. Il est crucial de s'assurer que la prochaine génération de microbiologistes au Canada soit adéquatement formée. Cela passe par la manipulation de micro-organismes.
Ce personnel hautement qualifié sera essentiel pour travailler dans les hôpitaux. On parle de diagnostics, de gens qui prendront les échantillonnages, etc. On parle des institutions de recherche, qu'elles soient privées ou gouvernementales. On parle des entreprises de biotechnologie et pharmaceutiques. Dans l'industrie alimentaire, il y a des départements de contrôle de qualité; on a assez entendu parler des problèmes de contamination dans cette industrie. Des gens doivent connaître les micro-organismes. Il faut donc former ces gens qui se retrouveront, par exemple, dans les laboratoires gouvernementaux ou dans l'enseignement.
Chez nous, au Québec, au palier collégial, on forme les techniciens de laboratoire. Ces gens doivent apprendre à manipuler des micro-organismes, à les reconnaître. Un bon microbiologiste peut détecter la souche d'un microbe en le sentant. Il peut regarder la forme d'une colonie sur une boîte de Pétri. Si on ne leur donne pas la capacité de le faire ou si c'est trop difficile de mettre en place ces cours pratiques dans les écoles, les universités et les collèges, il sera très difficile de former la prochaine génération de microbiologistes.
Il faut s'assurer que la loi n'entrave pas l'accès des étudiants et des stagiaires aux laboratoires de recherche, ou encore, à leur capacité d'apprendre à manipuler des micro-organismes. On ne devient pas mécanicien automobile en n'allant jamais fouiller dans un moteur ou une transmission. C'est la même chose en microbiologie. Il faut être capable de jouer avec ces micro-organismes pour bien les connaître.
Enfin, quand on considère les plus importants dangers auxquels les Canadiens sont exposés en termes de maladies infectieuses, cela peut être l'eau et les aliments contaminés, qui d'ailleurs sont souvent des éléments justificatifs dans cette loi. On peut penser à Walkerton, à la crise de la listériose, etc. On peut aussi aller au restaurant, manger un repas douteux et avoir un empoisonnement alimentaire, mais ce n'est pas une loi comme celle-ci qui corrigera cette situation. Ce sont des questions de négligence, d'entretien déficient, de mauvaises pratiques d'hygiène ou de cuisson. Les infections nosocomiales qu'on acquiert en hôpital sont liées aux problèmes d'hygiène, de même que les épidémies de C. difficile. Les épidémies telles que la grippe, le SRAS, la légionellose relèvent de mesures de santé publique appropriées qui permettront de limiter et de circonscrire ces types d'épidémies. Ce n'est pas une loi restrictive qui permettra du jour au lendemain aux Canadiens de vivre plus en sécurité ou d'être moins en danger vis-à-vis des maladies infectieuses.
À mon avis, on ne peut pas utiliser ce projet de loi pour justifier la prévention de ce type de dangers encourus tous les jours. En terminant, je voudrais dire que la vaste majorité de la recherche en microbiologie au Canada utilise des micro-organismes requérant un niveau de confinement 1 ou 2.
En raison du très faible risque posé par ces micro-organismes et de l'improbabilité que ces micro-organismes soient utilisés pour du bioterrorisme, il est à mon avis nécessaire de soustraire du projet de loi C-11 les micro-organismes de l'annexe 2.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Merci beaucoup pour vos commentaires.
Nous passons maintenant à la première ronde de questions. Chaque parti disposera de sept minutes.
Nous commençons avec Mme Murray.
Merci pour ces déclarations très détaillées et intelligentes.
J'essaie de comprendre à quel problème on tente de remédier avec ce projet de loi. Pouvez-vous me donner une idée d'événements nationaux ou internationaux qui pourraient nous amener, en tant que législateurs, à déterminer que nous devons établir de nouvelles règles, que ce projet de loi est nécessaire et que nous avons affaire à un problème réel? J'aimerais vous entendre à ce sujet.
J'ignore cependant si je suis la personne la plus qualifiée pour y répondre.
J'imagine qu'on veut contrer la possibilité que des micro-organismes servent au bioterrorisme. D'ailleurs, on soupçonne que de l'anthrax et d'autres agents pathogènes ont été utilisés dans la guerre entre l'Iraq et l'Iran. Il y a aussi eu l'attaque à l'anthrax commise par la poste aux États-Unis; le responsable de cet incident serait un chercheur du ministère de la Défense, employé du gouvernement, qui avait dû se soumettre à des vérifications de sécurité pour obtenir son poste.
Il s'agit maintenant de déterminer quelles mesures nous permettraient d'empêcher de tels actes. Des incidents comme l'épidémie de SRAS et la contamination à Walkerton ont amené la population à craindre les infections microbiennes, que cette loi ne permettra pas nécessairement de prévenir.
Je crois que le gouvernement a décidé de se pencher sur la question entre autres parce que c'est ce qu'a fait le gouvernement américain, et il faut reconnaître que nous devons être en phase avec nos voisins de frontière. On peut aussi se demander si les petites entreprises, par exemple, respectent vraiment les lignes directrices actuelles en matière de biosécurité. Ces entités n'obtiennent pas leurs fonds de conseils nationaux de recherche comme les IRSC et le CRSNG, et elles n'ont donc pas à obtenir une attestation de confinement des risques biologiques pour effectuer leurs recherches. J'ai l'impression que l'on veut que tous ceux qui font des recherches en microbiologie soient soumis aux mêmes règles. C'est un principe respecté de la société.
Justement, y a-t-il quelques aspects du plan qui viendront harmoniser les procédures de manipulation et d'entreposage des matières présentant un danger biologique, de même que les méthodes de formation, afin de faire gagner temps et argent à vos organisations?
Je crois que je peux répondre à votre question.
Il existe déjà une foule de règlements régissant les pathogènes de niveaux 3 et 4. Il est peu probable qu'ajouter une dimension criminelle à la réglementation suffise à dissuader quelqu'un déterminé à commettre un acte de terrorisme.
L'homme qui a envoyé de l'anthrax à des membres du Congrès aux États-Unis savait comment travailler avec cette matière et avait obtenu toutes les autorisations de sécurité nécessaires. Si quelqu'un perd les pédales, il n'y a rien que l'on puisse faire. Ce n'est pas en adoptant des lois encore plus restrictives que l'on réglera ce problème.
Madame Sarabia, vous avez dit que le projet de loi devait permettre d'atteindre un certain équilibre.
Permettez-moi de vous interrompre un moment.
Je crois que le Dr Low voulait également répondre à la question de Mme Murray. N'est-ce pas, docteur Low?
Il est très important de faire la distinction entre la sécurité biologique et la sûreté biologique. La sécurité biologique consiste à assurer un certain contrôle sur les pathogènes avec lesquels on travaille, souvent des pathogènes de niveaux 3 et 4. La sûreté biologique, c'est l'ensemble des mesures de prévention que nous prenons tous, microbiologistes, technologues et techniciens médicaux; nous avons la formation et l'autorisation requises pour le faire et notre travail est soumis à des inspections. Il est question ici d'organismes de niveau 2 principalement.
Personnellement, je ne peux penser à aucun événement que ce projet de loi aurait pu prévenir. À ma connaissance, la littérature n'a jamais rapporté de cas d'infection causé par la fuite d'un organisme de niveau 2 dans un laboratoire. Nous voyons souvent des épidémies provoquées par des organismes de niveau 2, mais elles n'ont jamais pris naissance dans un laboratoire. Il ne faut pas mélanger sécurité biologique et sûreté biologique.
Pour revenir à la question de la sûreté biologique et de ses restrictions, il faut se rappeler que beaucoup de laboratoires, voire la plupart, sont établis dans de petits hôpitaux et servent aussi à d'autres départements, comme la biochimie et l'hématologie, et les technologues qui y travaillent ont reçu une formation multidisciplinaire; donc, ce genre de réglementation va toucher non seulement les laboratoires de microbiologie, mais aussi les laboratoires de médecine de l'ensemble du pays.
Croyez-vous qu'on mettrait la population en danger si le gouvernement décidait de retirer ce projet de loi et de prendre le temps de consulter les provinces et les territoires à titre de partenaires égaux, de même que l'industrie, avant de le redéposer? Serait-il risqué de procéder de cette façon?
La réponse est non, parce que, comme nous l'a clairement indiqué l'Agence de la santé publique du Canada, le gouvernement reconnaît qu'il faudra beaucoup de temps pour mener des consultations sur la réglementation. Il ne sera pas en mesure de mettre en oeuvre le projet de loi, s'il est adopté immédiatement, à moins de passer par ce processus.
De notre point de vue, il serait beaucoup plus approprié pour le gouvernement de mener ces consultations et, dans la mesure du possible, de remédier aux problèmes soulevés avant de déposer une nouvelle version préliminaire du projet de loi. Je doute que quelque chose de fâcheux se produise d'ici là.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Avant de m'adresser à vous, chers témoins, je vais m'adresser à mes collègues. Je vous remercie donc à l'avance d'être parmi nous cet après-midi.
Mme Murray a posé une question claire aux témoins, et ils ont tous donné la même réponse. Tous mes collègues conviendront avec moi que tous les témoins ayant comparu devant nous, à l'exception des fonctionnaires, bien sûr, étaient du même avis. Aucun d'eux n'a émis un avis contraire. Ils sont tous convaincus que ce projet de loi contient des questions auxquelles on n'a pas répondu mais qui sont importantes pour la poursuite de leurs travaux. Je crois que si, comme députés, nous ne tenons pas compte de cette unanimité chez les témoins et que nous ne posons pas de gestes cohérents à cet égard, nous faisons fausse route.
Cela dit, j'aimerais revenir sur un élément de la discussion d'aujourd'hui que je n'avais jamais entendu auparavant. M. Goel a dit qu'aux États-Unis, une loi similaire avait été mise en vigueur et que ça avait mis fin à de nombreux travaux de recherche. Je n'ai rien trouvé d'exhaustif sur le sujet dans les notes fournies par la Bibliothèque du Parlement. Il serait intéressant d'en savoir davantage. En effet, lorsque nous avons des comparatifs qui nous viennent de l'étranger, nous les étudions ici même, au comité, en règle générale. Si vous avez plus d'information à ce sujet, j'aimerais l'entendre tout de suite.
[Traduction]
Je serai heureux de transmettre la publication en question au greffier. En 2004, la revue American Journal of Science a également publié un article sur la Patriot Act, qui contient des dispositions similaires à celles du projet de loi C-11. Les Centers for Disease Control ont calculé approximativement le nombre de laboratoires qui étaient susceptibles de travailler avec différents pathogènes (je n'ai pas le nombre exact), et seulement le tiers d'entre eux ont en fait présenté une demande de permis. Beaucoup d'universités, y compris de grands établissements comme le MIT et Stanford, plutôt que de poursuivre leurs recherches dans ce domaine, ont choisi de ne plus permettre à leurs facultés et étudiants des cycles supérieurs de travailler avec ce genre d'organismes.
Cette mesure a ainsi eu pour effet de restreindre la capacité d'intervention de la nation et d'appauvrir la qualité de la formation de ceux qui travaillent avec ces types de pathogènes.
Je noterai également que la loi américaine s'appliquait principalement aux pathogènes de niveaux 3 et 4. Elle n'imposait donc pas le même genre de restrictions pour les pathogènes de niveau 2 que le ferait ce projet de loi. Les répercussions seraient en effet bien plus grandes.
L'étude qu'a proposée monsieur Singer, et qui vous a été expliquée la semaine dernière, est précisément le type d'examen que les États-Unis ont par la suite commandé à l'Institute of Medicine et à la National Academy of Sciences. On a en effet procédé à une évaluation approfondie à laquelle ont participé les Centers for Disease Control, la National Security Agency et des représentants des universités et laboratoires, exercice qui visait à déterminer quel serait le moyen le plus efficace pour renforcer la sécurité et la sûreté biologiques. À mon avis, c'est aussi la voie que devrait emprunter le Canada.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir indiqué qu'en fin de compte, toutes les questions soulevées par l'ensemble des chercheurs ayant témoigné devant nous étaient peut-être dues au fait que l'agence n'avait pas déposé de cadre réglementaire préliminaire. En effet, si vous aviez tous eu sous les yeux un cadre réglementaire préliminaire, que vous aviez pu intervenir, participer à sa rédaction, je crois que toutes ces questions n'auraient pas été soulevées. Vous auriez eu les réponses bien avant la comparution d'aujourd'hui.
Messieurs Goel et Descoteaux, vous avez abordé la question de l'abandon des recherches. Monsieur Descoteaux, vous êtes même allé un peu plus loin en nous disant qu'en termes de retombées économiques, chaque dollar investi aurait un rendement nettement inférieur à celui qu'on a aujourd'hui.
Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
J'ai parlé brièvement d'infrastructures inadéquates. Pour mettre sur pied un laboratoire de confinement de niveau 2, il faut acheter des enceintes de sécurité biologique appropriées. Pour ceux qui n'en ont pas, ça représente une dépense de 20 000 $. D'où vient cet argent? La construction et le maintien d'un laboratoire de confinement de niveau 3 coûte extrêmement cher. Il faut aussi le faire certifier. Pour ce qui est de toutes les contraintes administratives, si ce n'est pas le chercheur qui s'en charge lui-même, il faut que l'université ou l'institution embauche des gens pour le faire. Il s'agit là de coûts qui s'ajoutent, mais on ne nous dit nulle part qui va les assumer.
Pour ma part, je reçois une subvention de 120 000 $ par année des IRSC, mais je ne sais pas quelle proportion de ce montant sera utilisée pour répondre aux exigences de la loi. Est-ce que ce sera 10 p. 100 ou 20 p. 100? Je ne sais pas. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts parce que nous n'avons pas encore fait face à cette situation. Quoi qu'il en soit, je sais que le matériel de laboratoire est dispendieux, que le processus d'acquisition et de subvention n'est pas évident.
[Traduction]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à vous tous pour vos exposés très instructifs.
Je ne crois pas qu'il soit envisageable de retirer le projet de loi et de repartir à neuf. À moins que le gouvernement nous indique le contraire, nous pourrions retravailler cette mesure législative. Je suppose que c'est quelque chose que nous pouvons espérer et même réclamer, mais si nous ne pouvons recommencer, quelle serait la meilleure façon de dissiper vos préoccupations? C'est une question générale qui s'adresse à vous tous.
Plus précisément, si nous proposons de modifier ce projet de loi afin qu'il ne s'applique plus aux agents pathogènes de niveau 2, à votre avis, allons-nous au coeur du problème? Quels autres amendements recommanderiez-vous?
J'imagine que chacun d'entre vous peut répondre.
Bien sûr. Je dois dire que dans le cadre des consultations de l'Agence de la santé publique du Canada et du gouvernement, on a présenté l'ébauche du cadre de réglementation. Je pense qu'on y a soulevé toutes les préoccupations.
Le document en question se veut davantage un document de discussion qu'un énoncé de politique. On y retrouve des mots comme « peut » et « pourrait », et on ne nous confirme pas que c'est réellement la forme que prendra le cadre de réglementation.
Tout d'abord, si ce projet de loi est adopté, nous voulons nous assurer que pendant son élaboration, nous aurons la possibilité de...
Est-ce que le comité l'a reçue? Je n'en n'ai jamais entendu parler, alors...
Une voix: J'en ai une copie.
J'aurais pensé que le gouvernement nous aurait remis tous les documents pertinents lorsqu'il a présenté son projet de loi.
Je sais, mais cela n'a pas été officiellement indiqué par les représentants. C'est dommage.
Je suis désolée de vous avoir interrompu. Continuez.
Je disais donc que nous aimerions que le gouvernement s'engage à collaborer avec nous à ce chapitre.
Ensuite, je pense que mes collègues peuvent parler du retrait de la disposition. Il serait très important de clarifier le cadre de réglementation pour le niveau 2. Nous nous inquiétons de l'incidence que cela pourrait avoir sur les travaux de laboratoire.
Pour ce qui est du reste, à mon avis, il faut se pencher sur les niveaux 3 et 4. En fait, c'est plutôt le niveau 3 qui nous préoccupe, étant donné que le seul laboratoire qui manipule des toxines de niveau 4 est le laboratoire du gouvernement situé à Winnipeg. Nous avons encore cet appariement de mesures relatives à la biosécurité, évidemment très importantes, qui sont annexées à un projet de loi qui criminalise le manque de conformité.
Je suis conscient qu'on veut améliorer la qualité du travail et ainsi de suite, mais si une personne qui travaille dans un laboratoire ne se conforme pas au cadre réglementaire sur la biosécurité, elle s'expose à des sanctions criminelles, voire des peines d'emprisonnement, en vertu du projet de loi. On criminalise une série d'activités qui appuient réellement la pratique de laboratoire, que ce soit en pratique clinique ou en recherche.
Enfin, je suis préoccupé par le pouvoir qui est conféré à la ministre relativement à la collecte et au partage de l'information. Encore une fois, aux termes du présent projet de loi, la ministre peut déterminer, selon elle, si la demande est conforme à la loi. On n'applique pas le critère du caractère raisonnable. Ensuite, on permet le partage de ces renseignements avec d'autres parties, possiblement des gouvernements étrangers, et ce, sans le consentement de la personne qui les a fournis.
J'aimerais que M. Descoteaux réponde à ma question et m'en dise davantage à ce sujet. Je demanderais ensuite à tous les témoins de m'indiquer clairement s'ils sont au moins en faveur d'un amendement visant à soustraire les agents pathogènes de niveau 2 à l'application de ce projet de loi. C'est la première chose. Souhaiteriez-vous d'autres amendements? Si nous adoptons ce projet de loi, quels amendements s'imposent pour qu'il fonctionne correctement?
En ce qui a trait aux agents pathogènes de niveau 2, si on prend en considération, d'une part, les risques associés à leur manipulation, c'est-à-dire les risques ou la possibilité que des terroristes s'en servent pour causer du tort, puis d'autre part, les contraintes — financières, etc. — imposées aux chercheurs qui les utilisent, on voit tout de suite que cela n'en vaut pas la peine. La meilleure solution serait simplement de retirer cette liste d'agents pathogènes du projet de loi.
Personne ne conteste le fait qu'il faut assurer la protection des gens qui utilisent les agents pathogènes de niveaux 3 et 4. Tout le monde est d'avis qu'il faut protéger ces gens, leurs collègues, les autres employés de l'établissement, de même que ceux qui se trouvent à l'extérieur.
Par conséquent, serait-il préférable de supprimer complètement les sanctions criminelles de ce projet de loi?
Selon vous, est-ce une réaction excessive ou une façon de donner l'illusion qu'on réagit aux menaces bioterroristes à la suite des événements du 11 septembre, plutôt qu'une véritable solution? Certains témoins ont laissé entendre que les réels dangers, en fait, sont ces agents pathogènes et ces toxines qui n'ont pas encore été définis. Nous ne savons même pas de quoi il s'agit ni ce que cela pourrait entraîner.
Étant donné qu'on sabre, en même temps, dans la recherche qui pourrait nous permettre d'obtenir les réponses à certaines de nos questions, je me demande simplement si c'est la raison. À moins que je n'extrapole un peu trop ici?
Non, mais si on se penche sur les peines et les amendes potentielles auxquelles les gens s'exposent s'ils ne respectent pas ces règles particulières... Par exemple, si une personne manipule un agent pathogène qui appartient au niveau 2 et ne se conforme pas aux exigences, celle-ci peut payer l'amende et se retrouver en prison. Comparativement à un individu qui se fait arrêter pour conduite avec facultés affaiblies, il y a une inégalité flagrante en ce qui concerne les risques pour la population. Je pense que c'est un peu exagéré.
Chose certaine, nos membres seraient très heureux de voir les agents pathogènes de niveau 2 retirés du projet de loi — du moins pour l'instant — même si cette disposition était remplacée par un énoncé selon lequel tous les travaux impliquant des agents pathogènes doivent être assujettis aux lignes directrices élaborées par l'ASPC. Ce serait acceptable. Nous allons attendre de voir ce règlement et nous consulterons l'Agence. Les documents que nous recevons lors des séances d'information nous paraissent adéquats, mais ils sont truffés de « pourrait », de « peut » et de « probablement » et ne nous donnent aucune certitude.
Par conséquent, pour l'instant, nous aimerions que l'on soustrait les agents pathogènes de niveau 2 à l'application de la loi et peut-être qu'on ajoute une disposition visant à ce que tous les travaux soient assujettis à la réglementation.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens également à remercier tous les témoins qui ont accepté de comparaître aujourd'hui.
Je perçois un peu de frustration en ce qui concerne le déroulement du processus. Je sais que l'ASPC a divulgué le cadre de réglementation au moment des consultations. C'est un document public. Il s'agit du même cadre qui a été transmis aux députés. Vous l'avez reçu aujourd'hui car, si je ne me trompe pas, certains témoins ayant comparu précédemment ont indiqué qu'il y avait un problème.
Monsieur Hynes, vous avez dit que vous acceptiez la réglementation, mais que vous considériez qu'elle renfermait beaucoup trop de possibilités et pas assez de certitudes. Vous avez abordé certains des points que j'ai soulevés lors des séances d'information. Je ne rédige pas de règlements et, en fait, j'ignore sur quoi on se fonde pour formuler certaines choses, mais à mon avis, la raison pour laquelle on a employé des « peut » et des « pourrait », c'est parce qu'on veut d'abord tenir des négociations et des consultations pour s'assurer qu'on est sur la bonne voie.
Étant donné la confusion qui règne, j'aimerais signaler que certaines règles s'appliquent aux laboratoires qui importent des produits. J'ignore si vous êtes au courant, mais en ce moment, les laboratoires qui importent au Canada ne sont pas assujettis à la même réglementation que les laboratoires intérieurs.
Par conséquent, l'idée de ce projet de loi, c'est de mettre les laboratoires intérieurs au diapason, parce qu'on pourrait potentiellement se retrouver avec un laboratoire qui a le virus d'Ebola. Ce serait évidemment une situation extrême, et plus ou moins pertinente de nos jours, mais supposons que ces laboratoires le transmettent aux autres laboratoires intérieurs, il n'y a pas de cadre de réglementation qui permet au gouvernement d'assurer un suivi et, ainsi, de savoir qui est touché. À mon avis, c'est la raison pour laquelle les mêmes règles doivent s'appliquer à tous.
Vous avez aussi parlé du cas de la bactérie E. coli, c'est-à-dire des souches de E. coli pathogènes et non pathogènes. Je l'ai d'ailleurs signalé aux rédacteurs du projet de loi, et on m'a répondu que par définition, cette mesure législative visait à promouvoir la sécurité en ce qui a trait aux agents pathogènes humains. Par conséquent, si une souche de E. coli n'est pas pathogène, elle ne serait pas visée par la loi. Vous comprenez?
Curieusement, vos problèmes pourraient en quelque sorte être réglés et vos craintes apaisées si on avait de bonnes explications à tout cela.
Toutefois, si nous pouvons apporter des amendements, par exemple, au libellé sur la bactérie E. coli, est-ce que cela dissiperait certaines de vos préoccupations? Si nous pouvons clarifier la situation des souches de E. coli non pathogènes, est-ce que cela réglerait le problème?
Le libellé actuel se lit comme suit:
« agent pathogène humain » micro-organisme, acide nucléique ou protéine:
a) dont le nom figure à l'une des annexes
Et l'une de ces annexes comprend la bactérie E. coli.
Si nous interprétons cette disposition littéralement sans nous reporter à la réglementation qui explique les choses autrement, on dit que la bactérie E. coli est un agent pathogène. On ne précise pas lequel.
Je comprends tout à fait ce que vous dites, mais j'essaie simplement d'expliquer le raisonnement.
Si l'Agence de la santé publique du Canada formait un groupe consultatif d'experts afin d'examiner les annexes, au besoin, en fonction des observations scientifiques, et d'informer la ministre de la Santé de tout changement qui pourrait être apporté, soit en ajoutant, en supprimant ou en reclassifiant un agent pathogène humain ou une toxine, est-ce que cela vous conviendrait?
Je pense que ce serait une excellente idée de mettre sur pied un comité consultatif. Je suis certain que la réglementation sera parfaitement au point lorsque l'ASPC l'aura examinée et aura tenu des consultations. Au fond, les membres de ma société, particulièrement ceux qui s'expriment le plus, n'aiment pas qu'on leur demande d'accepter les yeux fermés une loi qui renferme des définitions qui vont beaucoup trop loin tout en leur promettant qu'un règlement y remédiera à l'avenir. Nous ne savons pas ce qui peut arriver dans le futur et rien ne nous garantit que les engagements pris dans ces documents préliminaires seront respectés, auquel cas nous serons confrontés à de graves problèmes, comme M. Descoteaux l'a mentionné, sur le plan des coûts et des gens qui quittent le domaine.
Ce n'est pas tout le monde qui est prêt à croire le gouvernement sur parole.
Je crois que votre façon de penser est très brillante.
Seriez-vous en faveur d'une approche graduelle en ce qui concerne les changements à la réglementation?
Je crois que oui. Nous pourrions d'abord nous attaquer aux questions prioritaires, c'est-à-dire les niveaux 3 et 4, puis s'occuper du reste par la suite. Cela me semblerait logique.
D'accord.
Monsieur Descoteaux, vous avez dit que vous manipulez le parasite Leishmania dans le cadre de votre travail. Au début, en vertu du projet de loi C-54, on l'avait classifié au niveau 3, mais après certaines consultations, on l'a ramené au niveau 2.
Comment s'est déroulé le processus? A-t-il coûté cher? Avez-vous senti qu'on ne prenait pas votre opinion en considération ou s'agissait-il plutôt d'un bon processus?
Lorsqu'on a classifié le parasite Leishmania dans le groupe de risque 3, nous avons tous été très surpris. Il y a eu une importante mobilisation. À ce moment-là, seulement 12 laboratoires au Canada utilisaient ce parasite. Quand on a communiqué avec Santé Canada et M. Hynes, que j'ai d'ailleurs rencontré aujourd'hui, ceux-ci sont retournés à leurs études et ont découvert qu'en fait, il n'y avait aucune raison de classifier le parasite Leishmania en tant qu'agent pathogène de niveau 3. C'est ce que nous leur avions dit, mais ils devaient effectuer leurs propres recherches pour le constater.
Vous vous demandez donc la raison pour laquelle on a classifié cet agent pathogène au niveau 3?
En effet, et c'est une bonne chose. Nous en sommes très heureux. Toutefois, qu'en est-il des autres agents pathogènes? Je l'ignore; je n'ai pas fait ce travail pour les autres.
Pourrais-je demander l'opinion de tout le monde ici? Quand vous avez parlé du groupe de risque 2, vous avez fait valoir au comité que ces agents pathogènes n'étaient pas considérés comme « dangereux » ou qu'ils ne pouvaient pas causer de tort et, par conséquent, qu'ils devraient être soustraits à l'application du projet de loi. Pourtant, on a rapporté quelques cas problématiques. Il n'y a pas si longtemps, aux États-Unis, quelqu'un a arrosé une salade avec une souche pathogène de E. coli, et beaucoup de gens sont tombés malades. Je crois que la bactérie C. difficile est classée dans le groupe de risque 2, et pourtant, on nous dit qu'elle est responsable de nombreux décès.
Je suis désolée, monsieur Carrie, votre temps est écoulé.
Qui aimerait répondre à cette question?
Monsieur Low.
Dans les exemples précités, c'est le porteur, et non pas le laboratoire, qui présente le risque. Nous sommes tous porteurs de ces organismes jusqu'à un certain point, mais dans les mauvaises circonstances, que ce soit la prise d'un antibiotique, un contact avec la bactérie Clostridium difficile ou une infection urinaire causée par la bactérie E. coli, il est possible de développer la maladie. C'est donc le porteur qui en est à l'origine et non pas le laboratoire.
Nous sommes sur le point d'amorcer notre deuxième série de questions. Si le comité le veut bien, j'aimerais poser une question.
Est-ce que vous me le permettez?
Les lois provinciales en matière de santé et sécurité au travail obligent-elles les personnes qui manipulent les agents pathogènes qui appartiennent au groupe de risque 2 à se conformer aux lignes directrices relatives à la biosécurité en laboratoire? Est-ce que quelqu'un pourrait me répondre?
Monsieur Hynes.
Je ne suis pas en mesure d'entrer dans les détails, mais j'imagine que cela varie d'une province à l'autre. En Ontario, la Loi sur la santé et la sécurité au travail prévoit déjà certaines de ces dispositions.
Avez-vous autre chose à ajouter?
Merci.
Nous allons maintenant passer au deuxième tour au cours duquel chaque député disposera de cinq minutes.
Madame Bennett, vous êtes la première.
Tout comme mes collègues, je dois dire que je trouve la situation assez déprimante. Si j'étais la ministre, je serais furieuse d'apprendre qu'on ne vous a pas consultés ni demandé votre opinion. Un règlement qui est censé remédier à tous les problèmes n'est tout simplement pas suffisant. Les cas difficiles donnent lieu à de mauvaises lois. Comme Luc l'a mentionné, chacun d'entre vous s'est dit contrarié de ne pas avoir été consulté ni écouté. Chose certaine, quand l'Ontario et la Colombie-Britannique vous demandent ce que vous faites et qu'on vous dit que l'harmonisation avec les États-Unis ferait en sorte que les grandes universités ne mèneraient plus de recherches dans ce domaine, c'est très inquiétant.
Je suppose qu'il y a quelque chose de très important dans ce projet de loi en ce qui a trait à la libération délibérée. Il renferme probablement des dispositions à propos de la localisation des mauvaises substances et de la capacité d'en assurer le suivi. Mais à part ça, pour revenir aux propos de Joyce, je me demande si on ne devrait pas exhorter le gouvernement à tenir d'abord des consultations, puis à revenir ensuite avec ses amendements pour voir s'ils sont valables, notamment le retrait des agents pathogènes de niveau 2 et toutes les autres suggestions importantes qui auraient dû être prises en considération au moment des consultations et apparaître dans le projet de loi initial.
David Butler-Jones lui-même a dit quelque chose de très important: « Nous devons faire quelque chose; cela ressemble à quelque chose, alors allons-y! ». Il s'agit d'une mesure improvisée et palliative. Je suis d'ailleurs personnellement gênée de m'être prononcée en faveur de ce projet de loi après la séance d'information avec le ministère. Nous avons tous l'air ridicules. J'ai même écrit « participation des citoyens » dans la description de travail de l'administrateur en chef de la santé publique. Et quel est le résultat? Aucun témoin n'a indiqué qu'il s'agissait d'un bon projet de loi.
Je pense que la question de Joyce au sujet du problème que nous essayons de régler est très précise. Nous utilisons un canon pour tuer une mouche, ce qui a pour effet d'entraîner toutes ces conséquences inattendues que nous ignorions avant que les témoins nous en parlent. Le document de discussion que vous trouvez rassurant concernant la réglementation est signe que nous sommes sur la bonne voie, mais je suppose que j'aimerais...
Notre comité rencontre la ministre ce soir à l'occasion d'un dîner. Je ne crois pas qu'elle sera contente de la façon dont se déroule le processus. Je suis certaine qu'on l'avait persuadée que ce projet de loi allait de soi et qu'il allait être adopté sans problème. Toutefois, ce n'est pas le cas. Je pense qu'on l'a sérieusement laissée tomber.
J'espère que le gouvernement décidera lui-même d'agir. Je ne crois pas que l'opposition devrait perdre son temps avec cette série d'amendements disparates censés faire des miracles. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit à nous de le faire. On a proposé quelques amendements au sujet de la réglementation à venir et des comités consultatifs, mais ce qui ressort principalement, c'est qu'il s'agit d'un beau gâchis. Même les annexes sont un véritable fouillis.
Je ne sais pas quoi dire, sinon que vous auriez dû être consultés...
Je pense que l'Agence de la santé publique du Canada a plutôt parlé de séances d'information. Il y en a d'ailleurs eu plusieurs partout au pays concernant le projet de loi C-54. À la fin de janvier ou au début de février, on a tenu trois séances avant le dépôt du projet de loi C-11. Visiblement, le document a été déposé, et la plupart des préoccupations que vous avez entendues aujourd'hui et la semaine dernière avaient déjà été soulevées, mais on nous avait répondu qu'elles seraient prises en compte dans le règlement.
Je dirais donc qu'il s'agissait davantage de séances d'information que de consultations.
Merci, madame la présidente.
Malgré tout le respect que je dois à ma collègue, je ne suis pas d'accord avec elle. La plupart des témoins que nous avons entendus estiment qu'il s'agit d'un projet de loi important que nous devrions adopter lorsque nous aurons réglé les questions qui les préoccupent. Toutefois, qualifier le projet de loi de gâchis, selon moi, c'est exagérer l'ampleur des problèmes auxquels on remédiera probablement en comité.
Mme Wasylycia-Leis a fait une proposition en ce qui concerne les agents pathogènes appartenant au groupe de risque 2. L'ASPC nous a indiqué qu'elle voulait seulement créer un répertoire et mettre en place des mesures de sécurité générales en ce qui a trait aux agents pathogènes de niveau 2. Par conséquent, si on précisait dans la loi tout ce que le groupe de risque 2 implique et qu'on le distinguait des niveaux 3 et 4, ne serait-ce pas là une bonne approche? Comme vous l'avez dit plus tôt, il y a différents types de laboratoires selon les provinces, et diverses choses surviennent. Si on définissait clairement les intérêts à l'égard du répertoire ainsi que les éléments plus génériques relativement au groupe de risque 2, seriez-vous satisfaits?
J'aimerais que tout le monde me réponde.
Merci.
Je préférerais voir d'abord la réglementation destinée à régler toutes ces questions — étant donné qu'elles couvrent bon nombre de domaines touchant les travaux de laboratoire — avant qu'on adopte le projet de loi. Ensuite, nous pourrions travailler sur la réglementation en partenariat avec l'ASPC.
Que diriez-vous d'avoir une disposition dans le projet de loi qui définit le niveau 2 et qui précise à quel point il est différent des niveaux 3 et 4?
Il y a de nombreux éléments précis dans le projet de loi qui se rapportent au niveau 2 et qui se distinguent des niveaux 3 et 4. Il ne s'agit pas seulement du répertoire; il y a aussi l'autorisation d'accès aux laboratoires et la tenue d'un registre pour contrôler toutes les allées et venues. Il se peut très bien que vous ayez une question qui se rattache au niveau 2; par conséquent, vous devrez prévoir des exceptions dans le cadre du projet de loi. Même si ce sont des éléments mineurs, l'incidence peut être très grande.
[Français]
Merci, madame la présidente.
J'aimerais simplement revenir sur les propos de Mme McLeod. Tout le monde ici est d'accord que l'esprit du projet de loi est bon, et on est intervenus en ce sens à la Chambre. Tous les témoins ont dit la même chose. La Dre Sarabia a dit que c'est l'équilibre entre la sécurité et la recherche qui est important. Je pense qu'on s'entend là-dessus.
Cependant, tous les témoins disent avoir encore des craintes fondamentales quant à la façon dont ce projet de loi affectera la conduite de leurs travaux. Moi-même, mes collègues de ce côté et la Dre Bennett le pensons également. Le Dr Descoteaux a même parlé de formation. Si la formation de personnel qualifié en recherche a pour effet d'anéantir des années de travail, c'est dramatique.
À ce stade-ci, on n'a pas de réponses. Je pense que ce que proposait la Dre Bennett est important. Le gouvernement devrait retourner faire ses devoirs, consulter et proposer des amendements qui tiennent compte des craintes des témoins, des chercheurs et des gens qui sont sur le terrain. Il doit proposer un cadre réglementaire préliminaire pour que ces gens sachent exactement ce qu'il en sera.
Que pensent nos témoins de cette façon de faire? Si le gouvernement proposait des amendements afin de dissiper toutes vos craintes, voire d'éliminer les pathogènes de groupe 2, cela serait-il suffisant? Si vous aviez devant les yeux un cadre réglementaire sur lequel vous pouviez vous prononcer avant que ce comité rende un verdict sur le projet de loi et le retourne à la Chambre, serait-ce une action positive de la part du gouvernement?
[Traduction]
[Français]
Tout à fait. Je n'aime pas le mot « pathogènes » parce que souvent, les micro-organismes vivent dans une niche écologique, se retrouvent soudainement dans un être humain et causent la maladie. Il vaut mieux utiliser le terme « micro-organismes » plutôt que de toujours dire « pathogènes ». La suppression dans la loi des micro-organismes de niveau 2 serait déjà un bon pas en avant. Il faudrait aussi consulter les gens qui, dans le cadre de leur travail, manipulent des micro-organismes de niveaux 3 et 4, pour s'assurer qu'il n'y a plus de problème.
Consulter les gens sur le terrain est la chose la plus importante à faire. Il faut s'assurer que tous les aspects de la microbiologie au Canada, soit la formation du personnel, la recherche, etc., ne soient pas affectés négativement par cette loi. Cette dernière a quand même de bons côtés: elle vise à protéger les gens de micro-organismes potentiellement mortels.
[Traduction]
[Français]
Continuez, docteur Descoteaux. Vous disiez ne pas aimer qu'on emploie le terme « pathogènes ». Il faudrait peut-être modifier le projet de loi en ce sens. Vous avez dit que les micro-organismes ont été classés d'une façon que vous qualifiez d'arbitraire.
Pourquoi les a-t-on classés ainsi?
Par exemple, on n'a pas pu justifier pourquoi le Leishmania, qui est considéré par tout le monde, y compris au Canada, comme un micro-organisme de niveau 2, s'est soudainement retrouvé dans la liste de niveau 3.
Faudrait-il retrouver quelque part dans les annexes les raisons pour lesquelles l'ensemble de ces micro-organismes ont été classifiés à un endroit plutôt qu'un autre?
En fait, il existe déjà une classification au Canada. Un site Web de Santé Canada — je ne sais pas lequel exactement — présente une description de tous les micro-organismes. On y précise s'il s'agit d'une bactérie, d'un protozoaire, d'une levure ou d'un virus. On indique aussi à quelle famille ils appartiennent, quelle pathologie ils peuvent causer, le niveau de confinement requis lorsqu'on les manipule, etc. Le projet de loi modifie certaines choses sans aucune justification et c'est pour cette raison que je parle d'arbitraire. Qu'on me fasse la preuve du contraire et je dirai que ce n'est pas arbitraire, mais quand on ne donne pas de justification, pour moi, c'est de l'arbitraire.
[Traduction]
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup à tous les témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Toutefois, je ne sais pas du tout où cela va nous mener.
Madame Sarabia, vous vous êtes réjouie du fait qu'on attache beaucoup d'importance à la biosécurité et avez indiqué qu'il serait très important de trouver un juste équilibre afin que nous puissions poursuivre nos travaux en recherche diagnostique sans contrainte.
Si je ne me trompe pas, vous avez également dit que l'Agence de la santé publique du Canada avait tenu des séances d'information, mais qu'à ce moment-là, on vous avait dit que rien n'était encore définitif et qu'on reviendrait sur les détails plus tard. Est-ce exact?
Je n'ai pas pu assister à la dernière séance d'information car on nous en a informés à la dernière minute.
Lors de la première séance d'information l'an dernier, on nous avait donné plus de précisions qui ne se sont pas retrouvées dans les amendements du projet de loi la deuxième fois. Je pense que vous nous avez demandé si nous étions plus rassurés après la séance. Effectivement, mais il n'en demeure pas moins que le projet de loi est de haut niveau. C'est comme acheter une voiture sans d'abord en faire l'essai sur la route. On ne sait pas vraiment comment cela va fonctionner dans la vraie vie. Cela nous embête un peu.
Je crois savoir que vous craignez que les professionnels de la santé qui doivent prélever un échantillon d'agent pathogène humain ou de toxine pour effectuer un test de diagnostic soient tenus responsables en vertu de ce projet de loi. Cette disposition a été supprimée.
Quelqu'un a mentionné qu'on avait tenu des séances d'information, mais pas des consultations. Je ne me souviens pas de qui il s'agit. Était-ce vous, monsieur Goel? Pourriez-vous m'en dire davantage à ce sujet?
Absolument. Tout d'abord, comme Mme Sarabia l'a signalé, pour la dernière séance, on nous a donné un bref préavis. Je pense que c'était une question de jours avant que les gens de Toronto apprennent qu'une séance s'y déroulerait. C'était plutôt un exposé, et même l'Agence de santé publique du Canada a indiqué qu'il s'agissait de séances d'information. Évidemment, des questions et des préoccupations ont été soulevées, mais on nous a répondu que celles-ci seraient réglées au moyen d'un règlement. À mon sens, des consultations prendraient davantage la forme d'une discussion au cours de laquelle nous pourrions nous pencher sur des aspects précis du document et du cadre de réglementation.
N'empêche qu'il s'agit d'un bon document. On est sur la bonne voie, mais on est tout de même loin de la perfection. Je pense que nous aimerions tenir cette discussion. À mon avis, la création d'un processus officiel, aux termes du projet de loi, qui permettrait au comité consultatif de se prononcer sur l'élaboration ou la modification de la réglementation serait une mesure très constructive, tout comme une approche graduelle. On pourrait d'abord s'attaquer aux groupes de risque 3 et 4 et s'occuper du reste par la suite dans le cadre de ce processus.
Croyez-vous que ce projet de loi pourrait être adopté si on apportait certains des changements que vous venez de mentionner?
Étant donné tout ce que nous avons entendu, il va sans dire qu'un engagement de la part du gouvernement nous rassurerait beaucoup. Comme Mme Bennett l'a indiqué plus tôt, on devrait s'engager à travailler avec les provinces, parce que bon nombre des éléments abordés ici diminuent les secteurs de responsabilité provinciale et l'incidence sur les coûts... Nous avons beaucoup parlé de la recherche et de l'impact sur les travaux de recherche, mais il y a également des répercussions sur la prestation des services de diagnostic.
Bonjour à tous et merci de votre présence, de vos observations et de votre perspicacité.
J'aimerais en quelque sorte résumer la discussion que nous avons eue. Je crois qu'au début, on a reconnu la nécessité d'adopter une mesure législative sur la biosécurité. Cependant, au cours des derniers jours de consultation, on a soulevé d'importantes préoccupations que je vais essayer d'élucider.
Tout d'abord, on a indiqué que le chevauchement, particulièrement avec les provinces, pourrait occasionner certains problèmes. Ensuite, on a parlé des habilitations de sécurité — la durée des démarches, le coût qui s'y rattache et le volume de travail que cela représente. Il a aussi été question de la confidentialité, de même que de l'examen approfondi, en particulier des annexes, pour vérifier si nous avons bien classifié tous les éléments. Je me demande si j'oublie quelque chose. Nous l'ajouterons à la liste. Ce qui ressort beaucoup aujourd'hui, c'est évidemment la consultation.
Si le gouvernement le veut bien, j'aimerais proposer que nous fassions marche arrière. Nous pourrions tenir davantage de consultations et peut-être proposer de nouveaux amendements, en ce qui a trait à la réglementation, avant que le comité en soit de nouveau saisi.
J'aimerais entendre vos observations.
Je pense que nous avons déjà manifesté notre accord. Cela nous permettrait de nous entendre sur quelque chose de plus explicite.
En quelque sorte. Sachez que nous serons toujours assujettis au règlement que prendra l'Agence de santé publique du Canada, et que celui-ci changera au fil du temps en réponse à différents problèmes. Je pense qu'il faudrait préciser dans ce projet de loi que les changements à la réglementation ne peuvent être apportés qu'à la suite de consultations adéquates. Il y a le risque qu'on appuie immédiatement sur le bouton de panique en raison d'événements politiques ou de la situation mondiale, ce qui pourrait donner lieu à des modifications extrêmement nuisibles. La loi devrait préciser que tout changement à la réglementation nécessite la tenue de vastes consultations auprès de la collectivité.
Pour répondre à la question de Mme Duncan, la liste est assez exhaustive. Toutefois, je proposerais également d'examiner l'incidence sur les coûts, autant pour les organismes de recherche que pour les laboratoires de diagnostic.
Nous savons que les habilitations de sécurité s'appliquent au personnel des laboratoires de niveaux 3 et 4, mais même dans les laboratoires de niveau 2, je crois comprendre qu'une liste détaillée des allées et venues sera requise. C'est une tâche qui sera assez difficile à gérer pour de nombreux établissements.
Il y a une incohérence dans la description. Accorder à quelqu'un l'autorisation d'entrer dans un laboratoire n'est pas la même chose que de tenir un registre des noms. Il serait utile de modifier la formulation.
Merci.
Pourriez-vous me dire en quoi la distinction que nous faisons entre les niveaux 2 et 3 s'apparente à ce qui se fait au Royaume-Uni et aux États-Unis?
C'est assez semblable. Encore une fois, il faut faire attention et déterminer ce qu'on entend par biosécurité. Un organisme appartenant au groupe de risque 3 comme la micro-bactérie responsable de la tuberculose relève de la sûreté biologique; ce n'est pas une question de sécurité biologique ou de bioterrorisme.
Si je reviens à ce que je disais à propos des organismes qui appartiennent au groupe de risque 3, peut-être que ceux-ci devraient être traités différemment s'il y a un risque lié à la biosécurité. Par exemple, le bacille tuberculeux, l'agent infectieux de la tuberculose, ne constitue pas une menace bioterroriste au même titre que le bacillus anthracis, l'agent de l'anthrax. Il faut donc faire la différence entre...
Je suis certaine que c'est difficile à intégrer au projet de loi.
Selon moi, cela fait suite aux événements du 11 septembre et à l'adoption de la Patriot Act aux États-Unis.
Je pense qu'il y a aussi un lien avec l'épidémie de SRAS, étant donné qu'on ne savait pas quels laboratoires avaient le virus et où ils se situaient dans le pays. On a donc commencé à s'inquiéter du fait qu'on n'assurait pas le suivi des agents pathogènes qui représentent une menace. En Asie, par exemple, des accidents sont survenus dans des laboratoires où on manipule cet organisme, puis le virus a été libéré dans la collectivité.
Il y a tout de même une bonne intention ici, et je crois que tout le monde partage cet avis. C'est plutôt le manque de consultation qui pose problème.
Je pense que c'est Michael, ou M. Goel, qui a affirmé qu'aux États-Unis, on est aux prises avec les mêmes problèmes que ceux qui, comme l'avez souligné, pourraient se produire ici, à savoir qu'une certaine recherche nécessaire et importante pourrait ne pas être effectuée en raison de ce type d'approche trop restrictive.
Est-il possible qu'ici, on poursuive un autre objectif, c'est-à-dire que, dans le cadre de toute cette approche d'intégration continentale entre le Canada et les États-Unis en vue d'une harmonisation à certains niveaux, on puisse se servir des événements du 11 septembre comme prétexte pour agir ainsi et peut-être pour contrôler la recherche dans un certain domaine à des fins de sécurité nationale?
Je tente de comprendre ce qui justifie tout cela. Nous n'avons eu aucun incident. Personne ne parle de problèmes sérieux, mis à part le manque de coordination entre les divers laboratoires et les différences sur le plan des normes et des niveaux. Nous n'avons pas connu de problème important. Pour notre comité ainsi que pour le milieu universitaire, cela sort de nulle part et soulève de nombreuses préoccupations.
J'essaie de comprendre. Qu'arrivera-t-il si nous essayons de faire en sorte que le gouvernement retire ce projet de loi, ralentisse le processus ou autre? Quel est le véritable motif derrière tout cela? Y a-t-il quelqu'un qui saisit de quoi il retourne?
J'ai été surpris d'apprendre, en lisant les documents des séances d'information, qu'il y a dans le pays beaucoup de laboratoires non conformes ou pour lesquels nous ignorons s'ils respectent les lignes directrices en matière de biosécurité que doivent suivre les chercheurs universitaires et gouvernementaux s'ils veulent obtenir du financement. C'est une préoccupation légitime. Il est sensé d'avoir une législation qui uniformise les règles dans l'ensemble du pays, qu'on soit une petite ou une grande industrie on qu'on fasse des diagnostics ou de la recherche gouvernementale.
Il devrait y avoir des règles. Il y a certainement un risque potentiel pour ce qui est des organismes de niveaux 3 et 4, et possiblement pour ceux de niveau 2. Les règles devraient être les mêmes pour tout le monde. Une loi qui répond à cette préoccupation est utile.
Très bien.
Je trouve vos propos contradictoires. Souhaitez-vous qu'on retire cette mesure législative et qu'on reprenne à zéro, ou voudriez-vous qu'on corrige celle-ci?
Je dirais que oui, si on en élimine l'application aux pathogènes de niveau 2. C'est le sentiment général que j'entends exprimer.
D'accord. C'est un bon conseil. Nous allons éliminer l'applicabilité aux organismes de niveau 2, et nous essaierons d'avoir un certain contrôle sur l'ensemble du processus de réglementation.
Dans le cas de certaines autres lois, nous avons exigé que les règlements reviennent devant le comité aux fins d'une certaine surveillance, et qu'ils soient présentés au Parlement avant leur approbation finale. À votre avis, cette vérification serait-elle utile dans le cadre de tout le processus de réglementation?
Mme Alicia Sarabia: Nous avons essayé cela, surtout en ce qui concerne la technologie. Nous attendons toujours.
Madame Wasylycia-Leis, vous avez 10 secondes, alors il ne reste plus beaucoup de temps. Voulez-vous faire un bref commentaire?
Mme Wasylycia-Leis: Alicia l'a fait.
La présidente: Madame Sarabia.
Je pense que ce serait une option. Une autre serait d'y laisser les dispositions prévoyant l'application aux pathogènes de niveau 2, en y apportant toutefois de nombreuses modifications pour que le tout soit complet et qu'on n'exclue pas artificiellement un élément qui s'applique à la majorité des laboratoires du pays.
Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à M. Uppal. Monsieur, vous aviez des questions à poser.
Merci, madame la présidente, et merci à vous tous d'être venus nous donner votre opinion professionnelle en ce qui concerne ce projet de loi.
Je suis heureux de constater que nous allons dans la bonne direction. C'est important, et je ne crois pas que nous devrions attendre qu'un incident majeur se produise pour commencer à élaborer un projet de loi. Donc, nous sommes sur la bonne voie, et nous tâcherons de mettre au point celui-ci.
On a beaucoup discuté des pathogènes de niveau 2. Afin d'avoir l'heure juste, puis-je vous demander si, en tant que professionnels, vous pensez qu'il est seulement possible, dans un laboratoire de niveau 2, de transformer un niveau 2 en niveau 3 ou 4? M. Singer a comparu ici, et lui ou quelqu'un d'autre a affirmé qu'il y avait une possibilité de réaliser cette transformation dans un laboratoire de niveau 2. Il est possible d'y parvenir. Est-ce exact?
Pas le laboratoire lui-même, mais le niveau d'un agent pathogène de niveau 2. Lorsque M. Singer a comparu ici, il a dit qu'il était possible de transformer un pathogène de niveau 2 en un niveau 3 ou 4. Est-ce possible?
Vous voulez dire grâce au génie génétique? Si l'on devait cloner un gêne à partir d'un pathogène de niveau 3 ou 4, par définition, ce niveau 2 serait relevé au niveau supérieur.
On ne peut le faire sans ajout d'ADN. Je n'arrive pas à imaginer qu'une telle situation puisse se produire ailleurs que dans un laboratoire de recherche. Cela ne s'appliquerait pas à 99,9 p. 100 des laboratoires qui seraient visés par cette mesure.
En fait, la plupart du temps, ce qui se produit lorsqu'un sort un microorganisme de son milieu naturel, par exemple un humain ou un animal, où il est infectieux, et qu'on lui fait ensuite subir un passage in vitro, ce microorganisme perdra sa capacité de causer une infection.
En fait, on verra plus souvent le contraire. On aura un microorganisme virulent qui deviendra avirulent en raison de son passage en laboratoire, et c'est ce qui arrive la plupart du temps. La majorité d'entre nous travaillons avec des souches ayant perdu leur virulence parce qu'elles auront subi un passage in vitro. Bien des vaccins sont basés sur des microorganismes soumis à une série d'inoculations in vitro, de sorte qu'ils auront perdu leur virulence et pourront être utilisés comme vaccins. On les injectera et ils ne causeront aucun mal, mais on sera ainsi protégés en cas d'épreuve de provocation subséquente avec une forme infectieuse du virus pathogène. À moins de créer une créature de Frankenstein, un monstre, il est impossible qu'un pathogène de niveau 2 devienne un pathogène de niveau 3. L'inverse est beaucoup plus probable.
J'aimerais vous demander si ce monstre Frankenstein serait, à la rigueur, une possibilité — parce qu'il s'agit de biosécurité et d'innocuité.
Il faudrait savoir comment on définit un pathogène de niveau 3. Quelle serait cette définition? Un pathogène de niveau 2 dans le mauvais hôte causera une maladie plus grave qu'un pathogène de niveau 3. Donc, une personne atteinte de colique à C. difficile court un bien plus grand risque de décéder que quelqu'un qui a la tuberculose. C'est ainsi qu'on définit un pathogène de niveau 3.
Si j'ai bien compris où vous voulez en venir, la nécessité de maîtriser les pathogènes de niveau 2 est due aux préoccupations à l'égard du bioterrorisme. Encore une fois, comme M. Carrie, je crois, l'a dit plus tôt, il y a eu cet incident où quelqu'un avait arrosé des salades avec la bactérie E. coli.
Dans le cas de bactéries comme l'E. coli ou la listériose, il n'est pas nécessaire d'aller dans un laboratoire pour en trouver. On peut se rendre dans un lac, ou encore...
On peut acheter des hot dogs à l'épicerie et y trouver ces pathogènes. Je pense qu'on l'a déjà dit plus tôt.
Si l'on souhaitait causer une épidémie à partir de ces pathogènes de niveau 2, on n'aurait pas à aller dans un laboratoire pour se les procurer. Il y a toutes sortes de... On peut trouver la maladie du légionnaire dans toutes sortes d'étangs dans le pays.
Oui. Je crois qu'il est important de reconnaître que ces organismes de niveau 2 peuvent évidemment être des agents pathogènes. Mais vous courrez un plus grand risque de contracter une infection à la bactérie E. coli en faisant cuire du poulet sur le barbecue chez vous qu'un technicien dans un laboratoire. J'entends par là qu'il s'agit d'organismes présents dans notre environnement. Nous les isolons justement dans nos laboratoires parce qu'ils peuvent causer des maladies. Mais la maladie provient de leur milieu naturel.
Merci beaucoup.
Je remercie les témoins de leur présence.
J'aimerais faire une remarque, madame la présidente. Je pense que l'un des problèmes que nous avons ici est dû à la façon dont les groupes de témoins ont été formés. Peut-être aurait-il été préférable d'avoir, disons, certains témoins en faveur du projet de loi, contre...
Monsieur Carrie, peut-être devrions-nous, après que vous aurez posé vos questions, nous réunir à huis clos pour quelques minutes afin de discuter de cette option. Il y a eu d'autres demandes.
D'accord. Mais j'ai pris note de certaines choses que vous aviez évoquées, notamment les problèmes liés à la sécurité. Je sais que ce projet de loi ne vise pas à faire en sorte que les pathogènes appartenant aux groupes de risque 2 soient assujettis à ces mesures de sécurité majeures, mais pour les groupes 3 et 4, c'est le cas. Alors il y a ici un caractère raisonnable.
Vous-même ou certains de mes collègues avez parlé de l'à-propos de tout cela. Vous avez raison. Avec les événements du 11 septembre, les choses se sont transformées en... Puisque le Canada doit respecter diverses obligations internationales, il faut améliorer notre biosécurité, et c'est l'objectif de cette mesure législative. Sachant que les importateurs sont astreints à une certaine norme, l'idée est d'égaliser les règles du jeu partout au Canada.
Je crois donc que nous appuyons l'intention de ce projet de loi, mais sa mise en oeuvre soulève d'importantes questions.
Vous avez mentionné les processus de consultation. J'aimerais m'attarder là-dessus, car je crois, d'après les informations que je détiens en tout cas, qu'il y avait... La consultation des provinces et territoires a commencé en novembre 2005. C'est ce que j'ai compris.
Puis, encore une fois, en septembre-octobre 2007, on a présenté au Conseil des médecins hygiénistes en chef les éléments fondamentaux du cadre fédéral, en invitant ses membres à donner leurs commentaires.
C'est en novembre 2005 qu'on a présenté au conseil du Réseau pancanadien de santé publique les éléments de base du projet de cadre.
En novembre 2006, 87 laboratoires fédéraux étaient avisés que cela se ferait.
En septembre 2007, des intervenants externes, notamment des représentants du milieu universitaire ou du secteur privé, des distributeurs de produits pharmaceutiques et, encore une fois, certains laboratoires provinciaux et territoriaux, ont pris connaissance des éléments essentiels du cadre proposé.
Ensuite, lorsque le projet de loi C-54 a été déposé, les gens ont eu le temps de réagir et de nous transmettre certains commentaires.
En tout respect, vous avez certaines réserves légitimes auxquelles il faut donner suite, et j'estime que ce serait une bonne chose que d'avoir un peu plus d'équilibre ici.
Je tenais à souligner certaines choses.
Premièrement, il y a la question de la disposition concernant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements prévue dans le projet de loi C-11, car vous avez parlé des renseignements personnels...
J'invoque le Règlement, madame la présidente.
Je pense que ce que fait M. Carrie, c'est-à-dire établir ces précisions aux fins du compte rendu, est intéressant. L'argument que M. Goel a fait valoir est le plus important, selon moi. L'approche à la consultation est très différente de l'approche à l'information. Une consultation est censée se faire à double sens, et ensuite, on doit pouvoir bénéficier d'une certaine écoute, d'une garantie qu'on sera entendu. Quelqu'un doit revenir pour expliquer qu'on ne pourra pas faire telle chose pour telle raison, et il faudra que ces recommandations soient prises en compte dans le nouveau projet de loi.
Ce que les témoins nous disent, c'est qu'on leur a donné des séances d'information. Ils ont exprimé des préoccupations à cet égard, préoccupations qui ne se reflètent pas dans ce projet de loi.
Je propose donc que le ministère — maintenant, ses représentants souhaiteront peut-être revenir jeudi, alors que nous recevrons le docteur Butler-Jones, et il se pourrait que nous ayons à trouver une autre manière de procéder, mais je crois sérieusement...
Je vais devoir mettre fin à cette discussion, car nous avons largement dépassé le temps imparti, et le timbre retentit.
Si vous voulez bien me pardonner, monsieur Carrie et madame Bennett, je vais vous proposer ce qui suit. Évidemment, nous ne procéderons pas à l'étude article par article du projet de loi demain, mais il faut que nous ayons une brève réunion en comité. Il ne nous reste plus de temps. Le timbre retentit. Nous devrons aller voter très bientôt.
J'aimerais avoir deux minutes avec le comité. Je demanderais aux membres de rester assis pour une petite minute, car nous devons nous rendre à la Chambre pour voter.
Je tiens à vous remercier. Vous avez fait d'excellents commentaires. Je ne veux pas être brusque, mais il faut que nous nous rendions à la Chambre pour voter, alors voudriez-vous quitter la salle afin de nous permettre d'aller à huis clos pour une minute? Nous apprécions votre venue.
Je pense que notre horaire a été modifié pour jeudi.
Je demanderais à toutes les autres personnes dans la salle de nous laisser discuter en comité pendant cinq minutes.
[La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication